Pourquoi les méchants sont-ils méchant ? Non c'est pas une question piège...

Leo & Claire
Touché ! C'est toi le chat...

Encore une fois de plus, je reste coincer dans mon lit depuis ce jour avec lui... Je ne vais plus en cours, je sèche et j'ai du mal à sortir le bout de mon nez dehors, je suis fatiguée et démoralisée. Mon portable sonne en permanence, mais je ne décroche pas, je ne tiens pas le faire en ce moment. Que ce soit mes amies ou ma mère, je ne décroche pas, je veux être seule dans ma bulle et puis c'est tout. Pourtant, je ne peux pas rester ainsi, j'ai besoin de parler à une personne qui puisse me comprendre et m'aider à réaliser ce qui m'arrive. J'ai rencontrée cet homme et en seulement à peine une heure, j'ai été épris de lui, comment cela est-il possible ? Je cherche encore à le savoir aujourd'hui, je voudrais que quelqu'un m'explique. Toi, ma Lumière, je sais que tu aurais trouvée les mots exacts, pour définir parfaitement mon pauvre petit coeur. Toi qui disais que j'avais un coeur d'artichaut, moi qui te disait que mon coeur était plus dure que de l'acier, j'étais bien naïve.

J'en ai marre de passer mes journées dans mon lit et puis ma colocataire, est vraiment trop bavard, ce qui m'empêche de réfléchir comme il faut. Après avoir pris une douche et mettre vêtue à la suite d'un ensemble de sport Nike de couleur noire, je suis sortie faire un tour dans les quartiers de Los Angeles plus précisément Downtown. C'est un quartier d'affaire et l'on y vit pas. C'est le quartier des grattes ciel, des finances, du commerce et du tourisme. Je vais aller dépenser mon argent, jusqu'à ce que je sois à sec, je vais m'empiffrer de gâteaux aux chocolats et après peut-être que j'irai me jeter du haut de l'un de ces grattes ciel. Non sérieux, je vais aller seulement faire les boutiques et regarder les touristes passer, car oui je n'ai rien à faire, je suis une sans amie, mais on s'en fout. J'ai pour l'idée d'aller en Écosse pendant mes vacances scolaires, si bien sûr l'université ne me retient pas ici pour mes absences démesurées.

Et voilà c'est moi Claire Willow Smith, l'humaine noire qui se mange une glace en comptant les voitures qui passent, seulement les voitures rouges. Je détourne la tête vers un mec, là tout seul, assis sur un banc. Lui c'est quoi son histoire, pourquoi est-il tout seul sans compagnie ? Je pourrai l'ignorer, mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de parler à quelqu'un de ma situation et puis même s'il ne m'écoute pas, j'aurai au moins lâchée le poids que j'ai au coeur. Je m'approche et m'assis à côté de lui.

« Salut, moi je suis Claire, je suis une cinglée de la vie qui est épris d'un malfaiteur, tu peux m'expliquer l'amour ? »

Lui ai-je lancée ceci en continue à manger ma glace tranquillement, trois hypothèses sur la façon dont l'homme va réagir... La première il va me prendre réellement pour une tarée, avoir peur et m'ignorer, vous en conviendrez. La deuxième, il va me prendre pour une tarée, me rire au nez et m'ignorez. La troisièmes, il va seulement me rire au nez et faire ma connaissance, peut-être, y a-t-il d'autres hypothèses, sait-on jamais...

Couleur:

Los Angeles Downtown. Waw. Ca claque.

Plus je lève les yeux sur les géants de béton, de verre et d'acier qui m'entourent, plus je sens ma tete, pleine de plomb, qui part en arrière.
Du plomb dans la cervelle. Voilà ce qu'on avait tenté de me mettre à l'orphelinat. Au propre comme au figuré. Treve de plaisanterie, l'étau qui m'enserre le crâne est à peu de chose près aussi agréable à supporter que la longue série de shots de vodka enfilés coup sur coup hier soir. J'ai pourtant une profonde aversion pour la vodka. Et cependant, je ne comprends jamais pourquoi, chaque fois que je suis ivre mort, je m'entête à vouloir en boire. Et en grande quantité si possible, histoire de bien noyer mon foie dans l'alcool de patate; presser le bord du verre contre mes lèvres, sentir le liquide âcre ruisseler le long de mon menton... Parfois, je vise suffisamment bien pour garder une chemise dans un état acceptable. Parfois, non. Et vu le délicat parfum que je dégage, la soirée d'hier a fait partie de mes échecs cuisants.

Bref. Je suis assis sur un banc de Los Angeles downtown, puant la vodka et la tete prête à exploser.
Je ferais tout pour que ma migraine me lâche la grappe deux secondes.

Et puis une solution à mon inconfort apparait du fin fond du brouillard opaque dans lequel mon cerveau endormi erre. Une solution proprement inefficace, certes, mais l'intention y est. Je fais alors à cet instant ce que tout fumeur normalement constitué fait dans ces moments là: et par un effort surhumain je m'arrache à la contemplation des hauts buildings pour attraper dans la poche de ma veste de cuir un paquet de malboro. Je sors la clope. La glisse entre mes dents tandis que je farfouille dans mon jeans à la recherche d'un briquet.

Mais tout à coup un éclair blond happe mon regard.

Mon rayon de soleil a deux jambes profilées dans un jogging noir moulant, une taille bien plus fine que celle de la majorité des touristes et une chevelure d'or. La flamme vacillante de mon briquet qui tremblote dans le flux incessant des voitures est ridicule à coté de la blonde incendiaire qui suçote sa glace sur le banc un peu plus loin.

Tiens, j'ai moins mal à la tete tout à coup.

C'est toujours charmant à regarder une jolie fille. Et ça a ce petit coté fascinant, ce truc qui fait qu'on ne peut s'empêcher de mater du coin de l'oeil, juste au cas ou, comme si on avait peur qu'elle disparaisse d'un coup. Pouf. Et non, ce n'était qu'une illusion.

Je comprends jamais pourquoi les gens emmène les enfants au zoo. Les animaux, ça va un moment, mais au bout de dix minutes, ça devient formidablement soporifique. Je détestais ça quand j'étais gosse. Il y a des choses qui m'auraient bien plus passionné... Par exemple mettre des mannequins dans des cages: ça aurait beaucoup plus de succès, il suffit de voir à quel point les boites qui enferment des enjôleuses sur des barres de pôles dance sont pleines à craquer. On jette des billets aux strip-teaseuses comme les enfants jettent des cacahuètes aux singes.

Mais je m'égare. Merde, mon cerveau semble s'être réveillé. Le mal de tete avait un avantage: il le faisait taire et interdisait ainsi toutes velléités de mon subconscient de grand frustré.

Attends, elle fout quoi Barbie là? Pourquoi se pose-t-elle à coté moi?

"Salut, moi je suis Claire, je suis une cinglée de la vie qui est épris d'un malfaiteur, tu peux m'expliquer l'amour ? "

C'est mignon, elle a le nez qui frétille quand elle dit le mot "amour". Claire, comme elle dit s'appeler, continue de lécher sa glace. Malgré ses mots légers, elle a pas l'air si heureuse que ça, ma blonde incendiaire. J'ai toujours eu le don de sentir comment les gens se sentaient. Mais bon, pas la peine d'être plein d'empathie pour savoir qu'une nana ne porte un jogging que pour trois raisons:
Soit elle va faire du sport.
Soit elle prend l'avion et elle veut être confortablement habillée.
Soit elle a définitivement fait une croix sur la mode et risque de sombrer d'une seconde à l'autre dans une profonde dépression.
Les deux premières hypothèses pouvaient être rayées aisément. Restait la dernière. Et putain ça me rend malade de voir une jolie fille comme ça sombrer telle le Titanic, plutôt que de la voir fendre la vie perchée sur des escarpins.

En meme temps, je devrais pas lui parler. Non, je ne devrais pas, je ne suis dans cette ville que depuis une petite semaine, j'ai réussi à passer inaperçu jusqu'à maintenant, ce serait vraiment trop con de... Non. Je vais ôter mes fesses de ce banc, allumer ma cigarette sans lui jeter un regard.
Et partir.

"Ca n'existe pas l'amour."

Otez-moi un doute existentiel, ce n'est pas moi qui vient d'accepter d'engager une conversation, si? Putain, je sens que ça va finir comme avec les shots de vodka cette histoire... Comme d'habitude, je fais l'inverse de ce que me dicte ma bonne conscience. Et comme d'habitude, toute cette histoire va se terminer avec un sacré mal de crâne...

Ou pire.

Je suis une fille qui cherche à conquérir un homme que ne me désir pas, une fille tombée amoureuse d'un homme sombre et froid qui ne me désire pas, je suis une fille dont le coeur est attaché à un rêve impossible, dit-on... Je suis une imbécile, dit-on et personne ne croit en mes rêves. Hier, aujourd'hui et demain, j'étais, je suis et je serai souriante, car c'est ainsi qu'on m'a conseillé d'être... Ris et tout le monde rira avec toi, pleure et tout le monde pleurera autour de toi. Je souris tout le temps, seulement pour cacher mes larmes de chagrin, cacher ma tristesse, ma souffrance et mon malheur. Je souris extérieurement pour que tout le monde sourit avec moi, je pleure intérieurement pour que personne ne pleure autour de moi. Mon coeur ma toujours fait souffrir, une plaie émotionnelle qui ne sait jamais refermée, à peine cicatriser... Et après ma rencontre avec cet homme à Santa Barbara, cette plaie n'a fait que s'agrandir. L'homme se lève du banc et puis allume sa cigarette.

« Ca n'existe pas l'amour. »

Ouais, peut-être que l'amour n'existe pas... En attendant, mon coeur continue de me faire souffrir. Je voudrais simplement, n'avoir jamais existé... Y a-t-il une magie capable d'effacer mon existence ? Et lui pourquoi, dit-il que l'amour n'existe pas ? Ses mots me touchent vraiment, ça me faire peur de vivre dans un monde sans amour... Ma mère ne m'a jamais montrée d'affection à mon égare, à la place j'ai été torturée, battue... Je n'ai pas connue mon père, ma mère disait qu'il ne voulait pas de moi... En primaire, au collège et au lycée, j'ai eue des amies, petits amis, mais c'était parce que j'étais la plus populaire et eux les plus populaires tout ça parce que mes propres amis me vendaient... J'étais pas à ma place, je m'y sentais pas, j'étais triste au fond... Un jour, je bouscule un homme sur la plage, cet homme n'a pas apprécié, je lui propose pour me faire pardonner, sous la chaleur torride de Santa Barbara d'aller boire un rafraîchissement, c'est moi qui payait...

Mais quelque chose c'est produit entre temps, une lumière dans mon cœur c'est mis à briller pour lui. Un sentiment tout à fait nouveau, grandissent en moi. Je ne savais pas quoi en penser, je ne pouvais absolument plus le lâcher du regard... Je voulais savoir, savoir si ce sentiment était bien celui auquel, je pensais continuellement. C'est dans un instant d'éclair, que je saute au coup de cet homme, le fait de coller mes lèvres aux siennes, m'a enlevée le doute. Je découvre l'amour, cependant, il n'est pas partagé... Je crois que je pourrai en rire et en pleure tous les jours, c'est ce type avec son petit air de Frenchkiss qui a raison... L'amour ça n'existe pas ! Je me lève à mon tour et je lui souris...

« Je suis désolée, refaisons les présentations... Je suis Claire Smith et vous ? »

« Je suis désolée, refaisons les présentations... Je suis Claire Smith et vous ? »

Elle avait le don pour se faire des amis cette nana. Je l'imaginais très bien cheer leader, ou je sais pas quelle connerie de cet acabit. Des connerie, certes, mais des conneries qui plaisaient aux gens, des conneries qui permettaient de montrer patte blanche en toute occasion.
Cette fille savait y faire.

Elle s'est levée au moment ou je m'apprêtais à tourner les talons et son sourire resplendissant m'a un instant ébloui. Dents blanches, lèvres roses...
Que c'était beau un sourire. Je le lui ai rendu. Pourtant ma miss au regard azur était ailleurs, perdue dans l'océan de ses pensées, bousculée par les vagues de son passé.
Elle souriait à un autre.
Putain ce qu'elle m'a fait penser à moi à son age. Le cerveau en ébullition, à penser à tout autre chose que ce que la vie me mettait sous les yeux. Sauf que moi, à son âge, j'avais dans le coeur la rage, la haine et l'envie de tuer. Et pas que l'envie d'ailleurs. Elle a quelle âge d'ailleurs ma reine du lycée? 18? 19? 20?

Peut être que je suis hors la loi en parlant à une mineure, comme ça, dans la rue, aux USA. Pays de dingues. Tiens, ça me ferait presque plaisir de me frotter aux services d'ordre américains.
Mon corps brule d'envie de se battre, à défaut de pouvoir faire une autre activité physique plus agréable... Qu'est-ce que je pourrais lui répondre, à mademoiselle Claire Smith? Bonjour, je m'appelle Leo Spielberg, j'ai vingt-trois ans, je suis un grand frustré et je reviens tout juste de Roumanie, ou j'ai quelque peu taché mes mains de ce liquide chaud et fort utile que l'on nomme "sang".
Oui, c'est bien à moi que tu demandes des conseils sur l'amour, ma cocotte.
A la loque humaine pas foutue d'avoir une relation normale. Les filles sont pour moi des jouets trop beaux, trop chers, qui font peur et qui cassent trop vite entre mes doigts.
Oui, j'ai peur. C'est ça ce que je devrais te dire en premier, peur des gens qui ne peuvent s'empêcher de penser à l'amour...

J'adore le concept.

Mais désolé, je ne peux pas le comprendre.

Alors je fais ce que je sais faire de mieux: je tire lentement sur ma cigarette, j'inspire l'air, je le recrache en relevant un peu le menton. Je souris.

"Laisse tomber le "vous". Appelle-moi Leo. Leo Spielberg."

Je me sens un peu con maintenant devant mademoiselle-sourire-colgate. Elle connaît mon nom, mon vrai nom, et ça, c'est pas vraiment malin... Le stress glisse doucement dans mes veines. Des questions rhétoriques me viennent à l'esprit. Comment tu comptes t'en sortir maintenant? Ca fait quel effet de se suicider accidentellement? Est-ce que j'ai une chance de zigouiller la blondinette de façon propre, efficace et gentleman au milieu d'une rue sans que personne le remarque? Et surtout, la question que je ne cesse de me poser depuis que j'ai atterri à Los Angeles, passant fièrement la douane avec mon faux passeport. Une question.

Qu'est-ce que je fous là?

Les petits avions de métal ne cessent de vrombir sous mon crâne. Pas de réponse potable à cette dernière question, alors autant renvoyer la bombe avant qu'elle ne m'explose à la gueule:

"Qu'est-ce que tu fais là, Claire? Et pourquoi tu me parles d'amour?"

Elle m'a regardé. Pour de vrai. Comme si elle prenait soudain compte de ma présence face à elle, dans cette rue de Los Angeles ou la pollution tourbillonnait entre les files de voiture. Claire avait une histoire.

Et j'aurais parié mes dernières clopes qu'elle ne tarderait pas à m'informer de la nature de ses pensées...

« Laisse tomber le "vous". Appelle-moi Leo. Leo Spielberg. »

Leo Spielberg, jolie et puis cela lui va bien... Je mets mes mains dans mes poches, ceux de mon pull à capuche. Que puis-je faire aujourd'hui, à par compter les pigeons ? Je regarde l'homme qui a vraiment ce petit style perdu à la française, mais vu son nom de famille, je doute qu'il soit français. En tout cas, le fait qu'il accepte de converser avec moi et le fait qu'il accepte de me dire son prénom et son nom, c'est très sympa de sa part. Il m'autorise à le vouvoyer, alors que nous sommes de parfaits inconnus. Pourquoi suis-je encore là, moi ? N'étais-je pas ici pour me jeter d'un de ces grattes ciel ? Et encore, est-ce que cela m'aurait tué ? Je ne connais pas l'étendue de se pouvoir, je sais que je ne peux pas devenir ivre, car mon foie ce régénère dès que l'alcool l'attaque. Mais je dois supposer, que si je me jette d'un de ces hauts bâtiments, je n'ai aucune chance de m'en tirer, je ne suis pas immortel.

« Qu'est-ce que tu fais là, Claire? Et pourquoi tu me parles d'amour? »

Qu'est-ce que je fais là... Pourquoi, dans sa bouche ces mots raisonnent dans mon crâne comme horde de fanfares ? Je suis venue pour me suicider, en me jetant du haut de ces grandes tours ! Non c'est faux... Quoi, pourquoi c'est faux ?! Si c'est vrai, je suis venue avant ça, dépenser mon argent jusqu'à être fauché ! Non, je ne te crois pas Claire, tu mens... Quoi ?! Je ne vois pas de quoi tu parles et puis tu n'es que ma conscience mêle, toi de ce qu'il te regarde ! Tu mens encore et encore à toi-même Claire, dis lui réellement pourquoi tu es ici, menteuse... Les larmes tombent à flots sur mes joues, mon coeur me fait terriblement mal, si l'amour n'existe pas... Pourquoi fait-elle aussi mal ? Je souffre tellement, je suis venue ici pour oublier mon existence, oublie toutes choses et errer comme une âme damnée... Je ne veux pas, qu'il voie mes larmes, mais le poids et trop lourd, je n'en peux plus... Je ne suis pas ici pour me suicider, je ne suis pas là, pour rechercher la mort...

« Je cherche le moyen d'effacer mon existence... »

Je voudrais ne jamais t'avoir connue, Claire ! Tu es tellement pathétique, ça t'apprendra à tomber amoureuse de n'importe qui ! Ton coeur te fais mal, ta soit-disant Lumière ne t'avait-elle pas prévue que l'amour, te fera plus de mal que les pires blessures physiques ? Idiote... Oui, c'est moi, c'est mon nom, Idiote est mon nom. Je sèche mes larmes du moins, j'essaye, à peine une larme essuyée qu'une autre prend sa place. Cela fait mal de pleurer, si une personne vous dit que pleurer fait du bien, ne les écoutez pas ! Ce sont des menteurs, c'est l'inverse, pleure et tout le monde pleurera autour de toi. Sèche tes larmes, idiote, tu n'es pas belle à regarder avec ces larmes qui salissent ton visage, encore heureux que tu détestes le maquillage. C'est les yeux baissés vers le sol, que je dis à voix basse.

« Si l'amour n'existe pas, pourquoi est-elle si douloureuse ? »

?

Mes mots l'interloquent.
Petite blonde perdue dans les gratte-ciel de Los Angeles. Petite blonde perdue dans un monde où tout semble aller trop vite, trop fort. Son regard effleure les aiguilles de métal qui percent les nuages. Elle a le coeur au bord des lèvres.
Pourquoi dirait-elle la vérité à un inconnu? À un Leo Spielberg, un étranger, un homme aux yeux de tempête et à l'âme de fer? Spielberg. Le jeu de la montagne. Et oui, je joue, je ris, car la vie est trop triste pour la pleurer. Je suis avare de larmes. J'ai trop peur de ne plus en avoir. Et pleurer risque fort de me déshydrater encore plus, ce qui n'est pas recommandé à celui qui a la gueule de bois...

Bon, j'arrête de déconner mentalement quelques secondes, mademoiselle Claire Smith semble être sur le point de prendre une décision délicate. Je sens son âme tanguer.

Et oui, je sens quand une âme tangue.

Un concept qui évoque plus l'environnement maritime que les relations sociales lorsqu'on n'est pas Influent. Certes, mon don n'est pas aussi développé qu'il le devrait, mais allez passer onze mois dans une forêt de Transylvanie, éloigné de toute civilisation, et on reparlera de votre faculté à lier des liens avec les gens après... Pourtant, j'arrive tout de même à sentir les émotions des gens.

Je sais deviner l'angoisse sourde.
Je sais pressentir la fureur contenue.
Je sais reconnaître la douce mélancolie.
Je sais démasquer le vrai mensonge.
Et, atout essentiel, je sais jouer sur ces émotions.

Claire Smith tangue, balance, je la sens danser sur le fil des incertitudes... Danse Claire. Danse. Elle se rapproche à petits pas du mensonge. Je ne la laisserai pas aller jusque là.
Claire Smith, tu as piqué ma curiosité. Je ne te laisserai pas t'en aller sans que tu m'aies dit la vérité.
J'écrase ma cigarette avec application sous le talon de ma botte.
La première goutte d'âme coule le long de sa pommette.

« Je cherche le moyen d'effacer mon existence... »

Une larme. Alors comme ça elle veut se suicider la jolie Claire? Mais qu'est-ce que c'est que ces conneries?!
Puis deux larmes. Larmes qui ruissèlent et lèvres qui se pincent. Elle s'énerve, elle déteste pleurer ma blonde incendiaire... ce que je la comprends. Claire baisse les yeux; elle a honte. Il ne faut pas avoir honte, il faut être fort, elle m'agace gentiment avec ses allures de martyr. Moi, ça fait onze ans que je n'ai pas cédé. Onze ans que l'eau ne franchit plus la barrière de mes paupières. Les gens qui pleurent me répugnent. Mais apparemment, la jeune fille a besoin de toutes ces larmes pour s'abandonner et tout me raconter, alors je ferai avec.

« Si l'amour n'existe pas, pourquoi est-elle si douloureuse ? »

Voilà une question qui m'intéresse. Aaaah, l'amour, cette formidable invention de l'humanité pour enchaîner les hommes les uns aux autres et leur éviter de s'entre-tuer... Mais bon, admettons une seconde qu'il existe. Après tout, tant de livres, de films en font l'éloge que les gens ont fini par y croire. L'amour. Aime ton prochain. Trouve un homme, une femme, marie-toi, ai des enfants...
Aime: mets les menottes et jette toi-même la clé; ai un faible pour quelqu'un; garde le dans ta peau; attache-toi à lui; offre lui ton coeur; pleure quand tu n'es pas avec lui; ne dors plus la nuit; ne mange plus (après tout, tu vis d'amour et d'eau fraîche).
Nie la vie, nie ce que tu es, abandonne-toi à ton obsession.

"Tu veux savoir pourquoi ça fait mal, Claire? C'est simple: l'amour est la preuve que l'être humain est masochiste."

Alors comme ça tu as baissé ta garde mademoiselle Smith? Qui t'as pris ton coeur? Qui est le maître de ton âme et de tes pensées? Je parie qu'il est beau, grand, fort. Et qu'il ne veut pas de toi. Sinon tu ne pleurerais pas ma belle étudiante, tu serais collée à sa peau jour et nuit et tu tirerais ton bonheur de ses lèvres.

Je me rassieds sur le banc, je l'invite à faire de même.
Vas-y Claire.
Vide ton sac.

Saleté de larme ! Voilà ce que je cris haut et fort dans mon esprit, je n'ai pas le droit de pleurer, je n'ai plus le droit depuis que je me suis promis de ne plus verser de larmes à la mort de ma Lumière. Je trouve la vie bien triste, pour les gens, j'ai tout pour être heureuse, je suis une actrice reconnue, une belle étudiante qui fait du cheerleading et du mannequina. Pourtant, voilà, j'en suis aujourd'hui là, à me morfondre, je ne me reconnais pas, qui suis-je donc aujourd'hui ? Ma mère, en me voyant là avec cette apparence pathétique, aurait rouverte les séances de tortures, cent coups de fouet pour m'endurcir à nouveau. Au fond, c'est mon petit frère Dorian, qui a de la chance, lui c'est un méchant, un vrai, on peut voir dans ses yeux l'envie de faire couler le sang, lui c'est le véritable fils du diable... Je l'aime quand-même et lui aussi il m'aime, d'ailleurs, moi, ma mère et Djibrïl, sommes les seuls à être dans son coeur, le reste ce n'est que de la viande morte pour lui. Dorian voudrait seulement que, je lui ressemble, un peu plus niveau méchanceté, ce qui est un véritable défi pour moi.

« Tu veux savoir pourquoi ça fait mal, Claire? C'est simple: l'amour est la preuve que l'être humain est masochiste. »

Je lâche un rire amusé, on peut dire que ce type est fort pour vous faire oublier un moment la douleur. Ses paroles encore une fois me paressent si logique, prenons exemple sur ma Lumière, elle qui a toujours été là pour moi, quand j'en avais vraiment besoin. Ma Lumière, elle, tout comme moi croyez en l'amour, tout comme moi, son coeur, était un coeur d'artichaut, tout comme moi, son regard envers le monde était différent, comme celui d'un enfant. Ma Lumière a rencontrée grand-père, grand-père n'a jamais montrée de signe d'amour à grand-mère à part sûrement au lit... Pourtant, ma Lumière continua à voir grand-père comme son Astre-de-lumière... Ma Lumière s'éteint, il y a trois ans en gardant grand-père dans son coeur, lui qui ne montrait aucune affection à part parfois dans le lit. Ma Lumière m'a expliquée, que le fait qu'elle soit au côté de grand-père, lui suffisait grandement, car elle m'a aussi dit... Que d'être séparée un seul moment de celui quand aime, c'est pire de recevoir chaque jour des milliers de lames dans le coeur sans en mourir, pire que le supplice de Prométhée.

« Ouais, tu as bien raison ! Je dirai que l'amour, c'est en réalité qu'une merde, comme cette vie... Dis-je de façon ironique, puis pour me rattrape. Oh, excusez mon langage... »

Je m'assois à nouveau sur le bon, car l'homme m'y avait invité. Cela veut-il dire qu'il me permet de lui dire ce que j'ai dans le coeur ? Je regarde le ciel, ce ciel bleu et ces nuages éclatants me donne envie de nager les tourbillons des vents, ces pleines célestes, cet océan blanc au-dessus de notre tête. Les oiseaux ont vraiment une belle vie, eux au moins ne sont pas rattachés sur terre, ils sont libre.

« Je voudrai tellement être libre, comme les oiseaux... Eux au moins, ils ont que faire de ce qui se passe sur terre, ou autour d'eux... Pour eux, ils suffirent qu'ils prennent le large vers cet océan de nuage, pour oublier l'amertume de ce monde. Je rajoute tout de suite après. Je voudrai n'avoir jamais croisée les yeux de cet homme... »

Ai-je dis de manière calme, doux et chaleureux... Je voudrais n'avoir jamais croisée cet homme pourtant, encore une fois, je suis démasquée par le ton de ma voix et mes yeux. Mon regard était rempli d'étoiles, ma voix douce... Ne jamais avoir croisée les yeux de cet homme, qu'elle pitre mensonge. Tu es une idiote Claire, ne l'oublie pas...

Claire a ri. Doucement, certes, mais une petite lueur s'est alors allumée au fond d'elle... Qu'est-ce que c'était? De l'espoir, peut être? Ses dernières larmes glissent le long de son visage et disparaissent dans son cou. Je me retiens pour ne pas suivre du regard les gouttes qui glissent dans le décolleté de la jeune fille.

"Ouais, tu as bien raison ! Je dirai que l'amour, c'est en réalité qu'une merde, comme cette vie..."

Je ne peux m'empêcher de rire intérieurement. Elle m'éclate cette nana, cette fille qui paraît tout avoir pour elle, et qui crache sur la vie comme si elle avait été ingrate... Non non, Leo Spielberg, je te rappelle qu'il ne faut pas juger les gens aussi facilement.
Tu t'es fait trompé une fois.
Une fois de trop.

"Oh, excusez mon langage... "

Et bien élevée avec ça, ma petite blonde. La jeune étudiante s'assoit à côté de moi et s'appuie contre le banc, les yeux levés sur le ciel. Elle ne me regarde pas.

"Je voudrai tellement être libre, comme les oiseaux..."

Je ne réponds pas. Libre. Moi je suis libre, Claire. Libre d'aller où le vent me porte, où la brise m'appelle, où le mistral me pousse.

"Eux au moins, ils ont que faire de ce qui se passe sur terre, ou autour d'eux... Pour eux, ils suffirent qu'ils prennent le large vers cet océan de nuage, pour oublier l'amertume de ce monde."

L'océan de nuage pour oublier l'amertume du monde... J'ai bien ta façon de parler, Claire Smith, tu as des mots de poétesse et le regard mélancolique de celle qui court après son rêve perdu.
J'aurais aimé me perdre un instant dans ta réflexion sur le ciel océan et la terre amère. Mais j'abhorre l'eau et l'océan depuis cette putain de nuit où toute ma vie a éclaté en mille morceaux. Cette putain de nuit durant laquelle cette ombre s'est introduite dans ma chambre à l'orphelinat. Lorsqu'on m'a amené, moi, enfant, dans la salle de bain déserte et qu'on m'a poussé dans les toilettes.
Un enfant.
Merde quoi, on n'a pas le droit de faire subir ça à un enfant.
Mais heureusement, Claire m'empêche de me noyer dans les souvenirs en ajoutant d'une voix posée et merveilleusement bien dosée:

"Je voudrai n'avoir jamais croisée les yeux de cet homme... "

Menteuse.
Menteuse.
Menteuse.
Je le vois, je le sens dans chaque parcelle de mon corps, et ça me fait rire. Rire tout seul sur ce banc des Etats Unis. Claire est amoureuse, pour de vrai. Cette ultime phrase m'a révélé ses émotions avec une force colossale, et je prends soudain conscience du fait que tout le trouble qui l'anime vient de cet homme.
Et tout à coup mon rire s'étrangle dans ma gorge, car moi aussi j'ai connu ça. J'ai connu l'obsession de l'autre et le trouble, les mensonges qui sortent malgré soi de sa bouche pour tenter de masquer la vérité. Cacher la vérité. Aux autres. Et avant tout à soi.

Tu aimes souffrir, Claire, je peux te l'affirmer. Tu es une petite humaine tout à fait normale, une Phèdre post-moderne, qui se languit de celui qui ne l'aime pas. Qui ne peut l'aimer. Phèdre et Hippolyte. Claire et...
Merde, je ne peux pas inventer de jolies histoires sans le nom des deux protagonistes! Vas-y mon actrice de série américaine, il s'appelle comme ton Apollon? John? Mike? Tu me donnes l'eau à la bouche.
La curiosité, tsss, tsss, un bien vilain défaut monsieur Leo Spielberg...

"Comment s'appelle cet homme?"

Ma voix est douce mais ferme. Doucement, je me penche un petit peu dans sa direction, gardant assez mes distances pour éviter qu'elle n'inhale les agréables odeurs de vodka qui s'exhalent de ma chemise. C'est formidable. Installé comme ça j'ai une jolie vue plongeante sur le col de Claire. Bien fourni tout ça.
Ca ne risque pas de m'aider à me concentrer.
À ce moment là, je vois du coin de l'oeil une grosse dame fagotée dans un short parachute qui se rapproche de nous d'un air méfiant. Il me semble qu'elle me prend pour un pédophile en puissance. Rien à voir avec moi louchant dans le décolleté de ma jolie voisine, évidemment. Mais c'est sûr qu'avec ma petite barbe de trois jours et ma veste de cuir, je ne passe pas tout à fait pour un enfant de coeur.
Cet endroit pue le roussi. Il faut qu'on dégage.

"Viens, on part."

Peut être que si j'avais utilisé une autre langue que l'Anglais (que je pratique plutôt bien, mais il me manquait néanmoins quelques rudiments shakespearien), j'aurais pu lui exposer mon projet de façon élégante et purement diplomatique. Mais on n'a pas trop le temps de se faire des politesses.
Je quitte pour la troisième fois le banc et, me faisant violence, je la prend délicatement par la main pour fendre la foule. Le contact de sa peau me fait tressaillir et une étrange sensation, mélange de dégoût et de fascination m'envahit.

Oh putain, j'ai encore du mal à toucher les gens. Putain de nuit où on m'a violé.

Il sait rire, ce n'est donc pas un coincé... Sa façon d'agir, sa manière d'être, me faisait croire de lui qu'il était un peu renfermer. Je suis rassurée qu'il sourisse, qu'il rit en ma présence, lui au moins il ne me méprise pas... Ris et tout le monde rira avec toi. Mes larmes ont fini de couler, tant mieux, pleurer c'est nul, je hais pleurer c'est fait mal et sa sert à rien. Pourquoi pleurer quand on peut rire ? Le sourire illumine une vie, rire amène la joie et le bonheur. Moi qui était presque devenue mélancolique, je n'aurais jamais pensée sourire à nouveau et tout ça c'est grâce à Leo. Oui, il m'a fait retrouver le sourire, son rire y est aussi pour quelques choses. Merci Leo, tu ne le sais peut-être pas, mais tu viens de me sauver la vie en quelques sortes. Et lui Leo, qui est-il ? Je n'ai même pas fait attention à-lui, alors que lui, il a supporté m'a présence... Peut-être que lui aussi à des choses au fond de son coeur, à libérer...

« Comment s'appelle cet homme? »

Mon coeur rate un battement, je baisse mon visage vers le sol... Cet homme, qui, aujourd'hui je désire tant... Cet homme qui hante mes pensées, jusqu'aux plus perverses, oui vous avez bien entendus. Cet homme dont le regard est froid et de couleur bleue cristal, a engendré un sentiment de peur, d'inquiétude et d'amour... Pourquoi Leo veut-il donc savoir comment s'appelle l'homme qui hante chacun de mes rêves ? Je ne sais pas si je dois réellement lui dire, qui est l'homme que je... Oui, je vais le dire égoïstement, l'homme que je souhaite pour moi seul. Avant-même, que je puisse répondre à sa question, celui-ci me dit :

« Viens, on part. »

Quelle familiarité, je suis assez étonnée... Je dois vous avouer que j'aime bien les gens, qui n'ont pas de gêne et qui sont sûr d'eux sans abuser. Il veut que je vienne avec lui, en temps normal, je n'aurai jamais acceptée... Mais aujourd'hui, pourquoi pas ? J'ai envie de me laisse aller à toute nouvelles choses et puis être avec lui me fait du bien. Je le laisse me guider dans cette jungle urbaine... Je me rapproche, à côté de lui, je me suis toujours demandée ce que cela faisait d'avoir un grand-frère qui veille sur vous.

« Il se nomme Malcolm O'Shea... L'homme, cet homme dont je vous parle, c'est Malcolm O'Shea. »

Sa main.
La main de Claire. Cette petite main délicatement manucurée, fraîche contre ma paume chaude. Quelle semble pourtant forte cette petite main, je suis étonné. Mademoiselle Smith, vous me cachez des choses, cela est certain...
La jeune fille me suit. Heureusement qu'elle ne s'est pas mise à hurler, car pour le coup je serais carrément passé du statut de pédophile en puissance à celui de violeur en acte. Un titre honorifique que je décline volontiers, ceux de déserteur et de meurtrier me suffisent. J'espère que ma jeune connaissance n'est pas trop brusqué par mes manières d'ours... Je lui jette rapidement un coup d'oeil par dessus mon épaule, pour voir sa petite tête souriante parmi la foule. Elle ne pleure plus. Ca me fait plaisir ça.

Nous remontons la rue, traversons le passage piéton et entrons dans le centre commercial. C'est son domaine, ici, elle doit connaître les environs mieux que moi... Mais je préfère la guider, je suis plus apte à repérer les caméra qui observent les touristes.
Big brother is watching you.
Elles sont partout ces foutues jumelles de flics, qui vous fixent même lorsque vous avez le dos tourné. Je m'arrête un instant dans le hall central du mall, les gens qui flânent le long des vitrines ne nous regarde plus: déjà qu'ils étaient bien plus préoccupés par le dernier modèle de Jimmy Choo que par le reste de l'humanité, cette fois, nous n'existons même plus pour eux. Je suis Influent, j'ai le don de me rendre inintéressant: tout simplement invisible. Au milieu de cette foule, personne ne peut faire attention à nous.
Nous.
Claire et moi.
Deux silhouettes perdues dans le flux incessant des accros du shopping.

La jeune fille se rapproche un peu de moi, je sens qu'elle a confiance. Elle me tire un peu à l'écart, dans un coin moins fréquenté du hall et me glisse nonchalamment:

« Il se nomme Malcolm O'Shea... L'homme, cet homme dont je vous parle, c'est Malcolm O'Shea. »

Choc.
Un flash blanc traverse mon esprit.
Souvenir.
Un homme, grand, drapé dans un long manteau, traversant les rues désertes.
Dégoût.
Cet homme, je dois le tuer. Je dois tuer Malcom Baker, le sorcier noir. C'est ma mission, celle qu'on m'a confié à Bucarest et que je n'ai jamais remplie.
Echec.
Le seul sorcier noir qui m'ait à ce point ridiculisé. Et qui soit encore en vie pour le témoigner.

La colère tord mes lèvres et noie un instant mon bon sens. D'une main, j'attrape Claire par le cou et la plaque brutalement contre un des poteaux de marbre du hall. Sa tête heurte la pierre avec un bruit sourd.
Autour de nous, personne n'a remarqué la scène.

"Comment connais-tu Malcolm?" grondé-je.

Mes doigts se serrent convulsivement sur sa gorge qui pâlit sous la pression de mes doigts. Mais Claire attrape mon poignet et le tord d'un coup sec, avant de se glisser souplement hors du champs d'action de mes coups. Je ne m'étais pas trompé, elle est plus entraînée qu'il n'y paraît. La jolie blonde passe une main à l'arrière de son crâne. Je vois alors que du rouge macule le marbre, la tête a cogné fort contre un petit rebord le long de la colonne. Pourtant, lorsque la jeune fille retire la main de sa chevelure, elle est vierge de sang.

Mais ce que je peux être con.

Le comble de ma connerie me foudroie. C'était pourtant si évident.
Cette fille n'est pas une fille comme les autres.

"Putain, Claire, tu es une humaine noire."

Ce n'est pas une question; c'est une affirmation.

Je suis sous le choc, tout simplement sous le choc... Les hommes sont-il tous les mêmes ? En ai-je pas déjà assez subit avec Malcolm ? Il faut qu'en plus un autre se la joue bad boy. Je ne suis pas en colère, je n'en vois pas l'utilité, je suis seulement déçue du comportement de Leo... Je voudrais le comprendre, savoir pourquoi il a agi comme il l'a fait à l'instant. Il m'a blessé à la tête, mais ce n'est qu'un blessure physique, pour moi elles sont éphémères. Il m'a demandé comment je connaissais O'Shea, il parlait de Malcolm. La question, est, lui comment connaît-il Malcolm O'Shea. Je peux le voir dans c'est yeux cette colère, mais il n'a pas cette fierté qui se lit dans le regard chez les sorciers noirs. Ses yeux ne montrent pas une personne qui se croit mettre du monde, Leo a les yeux d'un humain, d'un humain en colère contre la terre entière. J'ai tout fait pour vivre une vie normale, mais si je suis contrainte de combattre, je le ferai.

« Putain, Claire, tu es une humaine noire.

- Et cela te permet-il de lever la main sur moi ? »

Je crois que je commence sérieusement à me lasser réellement de ce bas-monde... Les humains sont-ils des idiots ou quoi ? Pourquoi, m'a-t-il agressé subitement faisant de moi son ennemi, au lieu de tout simplement me poser sa question. Je le regarde avec tristesse, comme s'il s'agissait d'un pauvre animal blesser, car oui, il doit l'être forcément. Il doit avoir une blessure au coeur, celle qui ne cicatrice presque jamais. Je viens de me rendre compte que Leo a employé les mots « humaine noire », cela veut dire qu'il connaît l'existence de la magie, peut-être même qu'il en fait partie.

« Pourquoi, cherches-tu Malcolm ? »

Quoi qu'il en soit, depuis que Leo m'a ouvert les yeux bien avant ce revirement de situation, Malcolm est devenu ma raison de vivre. Je vais essayer de le retrouver plutôt que d'essayer de mettre fin à mon existence, cela veut aussi dire, qu'il est hors de question que je vende Malcolm à Leo...

Je me sens incroyablement stupide. Quel piètre chasseur de prime je fais, je ne suis même pas foutu de reconnaître une personne magique lorsque j'en croise une.
Pourtant, d'habitude, je les sens. Nous avons cet aura, cette complexité qui se lit dans le regard, dans les gestes, dans la façon de parler; je n'aurais pas du avoir besoin de voir Claire utiliser ses pouvoirs pour comprendre à qui j'avais affaire. Mais non Leo, tu as les hormones d'un adolescent de quatorze ans: tu vois une jolie fille et ton cerveau doit ralentir. Putain, à quoi ça sert d'être cogiste si on ne peut même pas utiliser ses facultés mentales à cent pour-cent en présence d'un corps parfait? À rien. Et oui, je sais. À rien.
D'habitude, je ne laisse pas quelqu'un s'approcher de moi d'aussi près. Je ne traîne pas dans la rue après m'être pris une mine, mais je me terre pour soigner mon pauvre foie bouffé par l'alcool. Et surtout, oh oui surtout, règle de sécurité qu'un gamin de quatorze ans applique mieux que moi, je ne donne pas mon nom à des inconnus. Même si c'est une jolie blonde.
D'habitude...
Raaa, pas de d'habitude, j'arrête de me trouver des excuses, je suis un minable, voilà tout. Un putain de minable qui se terre à Los Angeles plutôt que de retourner se battre en Europe. Se battre contre ces sorciers noirs qui infectent le monde comme d'immondes monstres assoiffés de sang: si nous ne les tuons pas, eux n'hésiteront pas à le faire.

Il n'empêche que je me trouve maintenant devant Claire Smith, humaine noire de son état, qui parvient le prodigieux tour de force qui consiste à me regarder de haut depuis son petit corps bien roulé. Croyez-le ou non, ce regard méprisant me rend tout faible.

« Putain, Claire, tu es une humaine noire.

Merci pour le commentaire, Leo Spielberg, c'était vraiment d'une utilité folle de préciser ça. Car si c'est effectivement le cas, elle le sait, ça ne sert à rien de le lui rappeler. La petite blonde est amoureuse, pas amnésique.
Je crois que je ne peux pas me sentir plus con.

- Et cela te permet-il de lever la main sur moi ? Pourquoi, cherches-tu Malcolm ? »

Ah, je m'étais trompé, maintenant je me sens très con. Toutes mes félicitations monsieur le killer de pacotille, vous n'attaquez pas vos vraies cibles, vous préférez agresser de jolies nanas dans un centre commercial bourré de caméras de sécurité. Heureusement que, cachés derrière ce pilier, nous sommes pile poil dans l'angle mort des dispositifs de surveillance du magasin Gap. La jolie nana en question ne vous a bien entendu rien fait, mais elle possède indubitablement des informations sur ce... O'Shea. Malcolm Baker. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la certitude qu'il s'agit de mon ancien contrat. Mettre la main sur ce type pourrait me faire gagner un joli paquet d'oseille. Et surtout, oh oui surtout, ça permettrait à mon orgueil de se regonfler un peu: et je peux vous assurer qu'il en a bien besoin. J'enchaîne les échecs ces derniers temps et je suis momentanément grillé sur le vieux continent. C'est pour ça que j'ai dans ma poche une fausse carte d'identité, c'est pour ça que le soir je me soûle à la vodka pour oublier que je suis un raté. Et ça me permet de faire des rencontres, d'assouvir mes besoins primaires, parce que oui putain, je ne peux pas baiser si je ne suis pas bourré. Sinon les souvenirs reviennent et je me retrouve comme un con face à la fille, avec un engin totalement inutile car absolument bloqué par les souvenirs de ma nuit de viol. Je bois, je ne réfléchis plus, je baise et le lendemain je disparais. parfois, la fille meurt. Parfois non. Ça dépend de mon humeur au réveil et de mon niveau de conscience... Si je patauge encore dans le cirage, c'est tant mieux pour elle.
Hier, ça a bien, presque trop bien marché: j'ai tellement tout oublié que ce matin, j'ai végété sur un banc dans le quartier d'affaires de Los Angeles et qu'il m'a fallu des heures pour retrouver une activité cérébrale proche de la normale. En fait, je crois que si Claire n'avait pas parlé de Malcolm, je flotterais encore dans mon doux état d'ivrogne.
Fini la gueule de bois Leo, t'as plus le droit à l'erreur.
Au boulot.

"Pardon, je réagis toujours vivement lorsqu'on me parle de vieux... amis. Je te prie sincèrement de m'excuser, ce n'était pas mon intention de te blesser."

J'enclenche mon sourire colgate. Va falloir mettre les grands moyens pour rattraper le coup.

"Mais tu sembles guérir vite. Je t'offre un verre pour la peine. Comme ça on pourras tranquillement parler de ce bon vieux Malcolm."

Claire me regarde. Si elle accepte maintenant de venir prendre ce verre avec moi, ça signifie que son instinct de survie est proche du néant. Personnellement, ça m'arrangerait fort, mais c'est assez déconseillé à ceux qui souhaitent vivre assez longtemps pour consommer leur premier shot de tequila en toute légalité.
Mais après tout, il ne faut pas vraiment tenir à la vie pour s'enticher d'un sorcier noir, tout particulièrement s'il s'agit de Malcolm (en supposant qu'il s'agit bien de Baker). C'est la preuve même que cette nana est un petit peu masochiste sur les bords.

Aimer est certes une connerie de l'homme, une invention pour légitimer la souffrance. Mais aimer Malcolm fait passer cela à un tout autre niveau: cela convient à ceux qui préfèrent se suicider avec honneur.
Quoique à la réflexion, les termes "avec honneur" ne correspondent pas tout à fait à l'idée que je me fais du suicide. Celui qui se suicide est un lâche qui refuse d'affronter la vie et qui préfère baisser les bras. Je comprends celui qui est fatigué de se battre et qui a besoin de se reposer un peu, mais je pense qu'il y a d'autres moyens pour reprendre des forces. Même plonger dans une bouteille de vodka me semble préférable.
Enfin... presque.

Malcolm est devenue ma raison de vivre comme je l'ai dit auparavant, quiconque considère Malcolm comme son ennemi, devient mon ennemi et cela, peu importe sa race. Pour que vous soyez mêlé, sorcier ou humain, les humanoïdes sont tous les mêmes... Égoïste. Je crois qu'au final, nous sommes tous les mêmes, par exemple les sorciers veulent le pouvoir, la conquête du monde, les humains aussi, mais on y fait pas attention. Je suis une humaine noire, cependant, je suis relativement gentille, je ne me laisse jamais emporter pas la colère, la rage ou la haine. C'est à peine si je peux mépriser une personne malhonnête, voyez Leo par exemple, s'il avait eu à faire à mon jeune frère qui est d'une nature démoniaque, il aurait eu du soucis pour sans débarrasser... Mais voilà, il est tombé sur moi et moi je pardonne vite, mais je n'oublie pas. L'expression du visage de Leo semble avoir mûrie, il n'est donc plus ivre.

« Pardon, je réagis toujours vivement lorsqu'on me parle de vieux... amis. Je te prie sincèrement de m'excuser, ce n'était pas mon intention de te blesser. »

Vieux amis, a-t-il dit ? Mon visage reste impassible et n'a pas changé d'expression depuis que je suis sortie de ces griffes, je le regarde toujours, comme un animal blessé qui a besoin qu'on lui vienne en aide. Je l'ai déjà excusée, il a nul besoin de mon prier je ne suis pas une Déesse, seulement, je n'oublie pas, je garde en tête qu'il m'a brutalisé sans aucune raison valable. Cela n'était pas son intention de me blesser, d'après lui ? Apparemment, je ne suis pas la seule ici à être un pitre menteur, lui son mensonge est plus grand. Je l'ai vu dans ses yeux haineux pleine de rage tout à l'heure, qu'il ne désire qu'une chose de moi, me voir perdre la vie pour avoir prononcée le nom O'Shea, me dire que ce n'était pas son intention, ne pas me l'avouer... Le fait redescendre encore plus bas dans mon estime. Je pardonne son action, mais je n'oublierai pas. Vieux amis, a-t-il dit ? Encore un mensonge que je n'apprécie guère, il a des choses, à régler avec Malcolm, mais lesquels ?

« Mais tu sembles guérir vite. Je t'offre un verre pour la peine. Comme ça on pourras tranquillement parler de ce bon vieux Malcolm. »

Et rigoler ensemble et parler du bon vieux temps. Il se fout de moi, je me sens vraiment très insulté, car il a vraiment l'air de me prendre pour une poupée blonde sans cervelle. Mon visage reste le même, calme et poser, je ne lui réponds rien. A la suite je recule, pour sortir de l'ombre du pilier qui me cachait des caméras de surveillance, je suis une actrice reconnue aux États-Unis et même si les gens autour de nous, nous ignore, je ne passerai pas inaperçue pour ceux qui usent des caméras de surveillance, ils ne doivent pas être touchés par cette magie qui semble influencer les personnes autour de nous. Il tente quoi ce soit sur moi et c'est tous les gardians du centre commercial qu'il ameutera vers nous. Toujours un visage impassible et c'est avec une voix tout aussi calme, mais cependant froide que je lui demande.

« Pourquoi cherches-tu Malcolm ? »

Je ne tente pas de m'enfuir, je n'en ai pas envie. Je veux savoir pourquoi, il en a après celui que j'aime. J'espère que ses intentions envers Malcolm ne sont pas néfaste, parce qu'allez dire à une femme amoureuse, que vous êtes sur le point de tuer son amant... Je vous le déconseille, fortement !

La partie a enfin commencé. Le jeu, le vrai, le jeu de la vérité.
Lors d'une rencontre, c'est à ce moment là que tout se décide. La première impression, c'est des conneries, seules les premières vraies questions décident du sort d'une relation.

Claire est certes blonde, mais elle est maligne. Très maligne. Lentement, elle s'écarte de moi, la mine farouche mais fière. Elle ne croit pas un traître mot de ce que je lu ai dit, c'est évident. Mais qu'est-ce qu'elle fait? Où va-t-elle? Contournant peu à peu la colonne, elle se replace au centre du hall. Sous les feux des caméras.
Prend garde mon ange, au jeu de la stratégie, tu risques de te brûler les ailes.

« Pourquoi cherches-tu Malcolm ? »

Sa voix est glacée. Quelle est belle la petite Claire avec ses allures de tigresse qui veut protéger son amant. Une flamme menaçante incendie son regard; moi aussi j'aimerais qu'on brûle d'amour à ce point pour moi. Quel gâchis. Dommage que l'homme qu'elle défend n'en ait rien à foutre.
Elle me nargue au milieu du hall, le soleil de midi qui filtre au travers du plafond de verre illumine ses cheveux d'or. Je sais ce qu'elle pense: elle n'a pas peur, elle sait que la foule la protège, celle que j'avais tenté de rallier à ma cause s'est retournée contre moi. Une bagarre est inutile dans ce lieu public.
Ce qui me reste, ce sont les mots.
Les mots et la chance.

- Tu es une fille intelligente, Claire. Je le pense sérieusement.

Je me suis retenu pour ne pas ajouter un "Ça" au début de ma deuxième phrase; inutile de la rendre plus méfiante encore à mon égard. La tension est palpable, chaque mot que je dis se doit d'être pesé soigneusement au préalable.
Elle n'acceptera pas la moindre erreur.
Pourtant, les mots restent collés à ma langue une seconde. Dire la vérité ou mentir? Que dois-je choisir? Le mensonge, Claire le devine trop bien. La vérité risque pourtant de sonner le glas de notre fraîche "amitié": ce n'est pas parce que je lui ai sauvé la vie qu'elle auras des scrupules pour pourrir la mienne si jamais je dis du mal de son...O'Shea. La pourrir dans le meilleur des cas, me l'ôter si elle est vraiment de mauvais poil.
Fixe la tigresse dans les yeux, Leo, et prie pour qu'elle ne te bouffe pas.

-Si j'ai par le passé cherché Malcolm O'Shea, c'est parce que je suis un chasseur de prime et qu'il était un de mes contrats.

Claire ne dit rien, elle m'écoute. Malcolm O'Shea... Malcolm Baker. Je suis certain qu'il s'agit de la même personne. Mon instinct de chasseur, sans doute.

- Mais ma mission a été un échec.

Echec. Echec. J'ai horreur de ce mot.

- Je ne cherche plus Malcolm, Claire, car on m'a déchargé de lui.

La vengeance? La vengeance pour laver mon humiliation? Oh oui j'y pense. Mais...

- O'Shea a sauvé ma vie, même si lui-même ne le sait pas. Je ne veux pas le chercher pour me venger.

Non, je ne veux pas le chercher. Mais je ne suis pas contre le fait de croiser fortuitement sa route et de pouvoir ainsi, tout aussi fortuitement, lui coller deux balles dans la cervelle. Mais Malcolm n'est pas celui qui m'intéresse le plus, non, je cherche un plus gros poisson. Mon âme réclame un sang plus coupable que le sien. Alors si Claire me demande d'épargner son amoureux, je le ferai, car elle peut m'être bien plus utile.

On n'est jamais à court d'amis lorsqu'on prépare une vengeance depuis onze ans.

Quand, je pense que je devrais être en cours à cette heure-ci, c'est vraiment ironique la vie. J'ai pris une décision concernant Malcolm, je vais essayer de le retrouver et d'après ce que je sais de lui, il est Britannique. Je n'en suis même pas sûr, mais je pense que Malcolm vie en Angleterre, encore une fois, j'en suis pas sûr... A par son nom et c'est très peu d'informations, je ne sais pas qui est Malcolm O'Shea, je ne sais même pas où il vit précisément. J'ai fait des recherches sur lui, je n'ai rien trouvée, je suis tombée sur plusieurs Malcolm O'Shea, mais ils n'étaient pas la personne que je cherchais. Mon Malcolm est un fantôme, il n'existe pas pour le monde. D'après ce que je sais de mon Malcolm, c'est une personne qu'on ne souhaiterait même pas croiser une seule fois... Dès qu'il vous a pris pour cible, vous n'en revenez pas vivant... J'ai été la première et je serai la dernière personne qu'il épargne, mais je sais tout cela, car c'est lui-même qui me la dit. Il en est de même pour c'est très peu d'informations que, j'ai sur lui.

« Tu es une fille intelligente, Claire. Je le pense sérieusement. »

Il y a vraiment un truc qui me chiffonne, cela est et restera encore cette même question qui me turlupine... Comment Leo peut-il connaître O'Shea ? Comment peut-il être aussi sûr que moi et lui nous parlons de la même personne ? Comme je l'ai dit mon Malcolm semble être un fantôme, alors comment Leo peut-il être si sûr que nous parlions, moi et lui du même O'Shea ? Il en est venu trop vite aux conclusions à mon goût, ce qui n'est pas professionnel.

« Si j'ai par le passé cherché Malcolm O'Shea, c'est parce que je suis un chasseur de prime et qu'il était un de mes contrats. »

Voilà qui me plaît encore moins, chasseur de prime, les chasseurs de primes porte bien leur nom, ils ont que le goût du prix offert après chaque mission réussie... Pour ces gens peu importe qui sont leur cible, du moment qu'à la fin ils reçoivent leur prime, comme convenu. Malcolm, mon Malcolm, je ne le connais pas, mais je peux aisément affirmer qu'il est impossible, qu'un simple chasseur de prime, puisse retrouver ne serait-ce qu'un indice de l'existence de mon Malcolm. Comment pourrait-on retrouver quelqu'un qui n'existe pas ? Dis-moi donc Leo, qui est ton Malcolm O'Shea ?

« Mais ma mission a été un échec. »

Je soulève un sourcil, un échec ? Et pourquoi cela, ne t'arrête pas dans ton élan, explique moi donc ! Que je puisse comprendre nos deux, Malcolm, explique moi comment ta mission c'est soldée en échec. Mon Malcolm O'Shea n'existe pas et le tiens, a-t-il une existence ? Ou peut-être le Malcolm O'Shea que tu recherchais, est peut-être réellement le fantôme que je recherche, moi...

« Je ne cherche plus Malcolm, Claire, car on m'a déchargé de lui. O'Shea a sauvé ma vie, même si lui-même ne le sait pas. Je ne veux pas le chercher pour me venger. »

Je ne le cherche plus... A-t-il dit ? Je vous avoue que cela me gêne un peu, justement, j'ai envie que tu le cherches mon Leo... Moi toute seule, je n'arriverai pas à retrouver cette entité qui, hante mes pensées jour et nuit. Je sors un bout de papier de ma poche un avec un stylo à bille, je note sur le bout de papier mon numéro, je ne sais pas si monsieur possède une puce connectée au réseau social des USA sur son portable, mais tant pis. Une fois mon numéro écrit, je transforme ce bout de papier en boule et le jette vers Leo pour qu'il le ramasse.

« Je vais retourner en cours, j'ai trop séché cette semaine... Dis-je d'une voix calme tout à fait normal. C'est mon numéro, je pars vendredi à la recherche de Malcolm et je veux que tu sois mes côtés pour le retrouver. »

J'en dis pas plus, je le laisse mijoter. C'est les mains dans les poches que je détourne les talons pour retourner à l'université, je sais ce que vous devez penser de moi, que je suis un monstre de me servir de Leo pour retrouver Malcolm. Cependant, je ne crois pas un mot de ce que m'a dit Leo, un chasseur de prime reste un chasseur de prime, lui aussi m'utilisera pour retrouver Malcolm et une fois qu'il l'aura retrouvé, il le tuera... Si je ne l'ai pas tué, lui, avant. Et puis, je ne le force pas à me suivre. Avec tout ça, j'ai oubliée de le remercier de m'avoir sauvé, la vie est vraiment une merde...

Pourvu que je n'en ai pas trop dit.

Assis sur une terrasse d'un bar de Los Angeles, une clope aux lèvres, je repense à la fin de ma discussion avec Claire Smith. Le soleil se couche sur la cité des Anges. À l'heure qu'il est, la jeune étudiante doit tranquillement rattraper les cours qu'elle a manqué. Ou alors elle regarde par la fenêtre, le regard perdu dans le lointain, en pensant à son cher Malcolm... Arrête Leo, le rôle du romantique ne te va pas.
J'essaie de ne pas trop penser à l'entrevue de ce matin, mais je n'y arrive pas. J'essaie, mais une crainte sourde vibre au fond de moi. La même question revient sans relâche depuis que j'ai quitté le centre commercial.
Est-ce que j'en ai trop dit?
Lorsque j'ai traversé la ville, tout à l'heure, furieux contre moi-même et mon manque de professionnalisme (plus jamais de vodka: plus jamais), j'ai repensé à l'obsession de ma jolie blonde pour son sorcier. Car oui, cette nana est obsédée par O'Shea. Quelle personne censée vient se poser à côté d'un parfait inconnu pour lui raconter ses problèmes de cœur? Surtout si l'objet de l'amour est un sorcier serial-killer...
Mais bon, quel être humain normal explique à une fille rencontrée dans la rue qu'il est chasseur de prime? Quelle brillante idée monsieur Spielberg. L'étape suivante serait de se balader dans Los Angeles avec une pancarte "FREE KILL". Je n'aurais jamais du dévoiler ce que je fais.
Car si Claire retrouve Malcolm...

Je balaie cette éventualité en faisant tomber la cendre de ma cigarette dans ma bière vide.
Claire ne peut pas retrouver Malcolm. C'est impossible. Plusieurs chasseurs de prime bien plus expérimentés que moi ont pour mission de ramener sa tête, et jusqu'à maintenant, pas un n'a réussi à mettre la main sur lui.
Malcolm O'Shea est un fantôme.
Personne ne peut l'avoir, alors je ne vois pas comment une blonde y parviendrait. Bon. Argument irrecevable votre honneur, j'en conviens.
Et même, pensé-je en écrasant ma clope consumée, et même en admettant que ma jolie blonde le retrouve. Quel intérêt aurait-il à recueillir des informations sur moi? Je ne suis qu'un petit humain noir sans grande importance aux yeux des sorciers. Je ne vaut rien pour eux. Il veulent tuer ma race, pas tout particulièrement ma petite personne.

Arrête de paniquer Leo: tout va bien. Tu as fait ce qu'il fallait faire.

En plongeant la main dans mon jean pour attraper mon paquet de malboro, mes doigts frôlent le papier jeté par Claire à mes pieds. Les mots de la jeune fille résonne dans ma mémoire.

- ... C'est mon numéro, je pars vendredi à la recherche de Malcolm et je veux que tu sois mes côtés pour le retrouver. »

Elle ne manque pas de toupet mademoiselle Smith. Putain, elle ne pense pas que j'ai peut être du boulot, moi? D'autres d'autres sorciers à aller fouetter? ~~Et oui, car le sorcier se fouette dans le but d'obtenir une crème aérée et vaporeuse.~~ Non, Claire ne pense pas que j'ai d'autres missions. Et elle a raison, puisque cela fait un bail qu'on m'a mis sur la touche. Ces derniers temps, je ressens ce que toute chaussette solitaire peut ressentir: cette impression diffuse de ronfler au fond d'un tiroir, de ne servir à rien et de redouter le tri de vêtement comme un juif redoute la douche. Je ne reçois que des contrats minables et sans intérêt.
Une vieille chaussette parfaitement inutile pour la lutte contre les sorciers.

Alors, lorsqu'on y réfléchit, pensé-je en allumant une nouvelle cigarette, Claire risque de se servir de moi, certes. Mais elle peut m'être plus utile encore. Et ceci pour deux raisons:
Tout d'abord, sa quête folle après Malcolm n'est pas si absurde qu'elle ne le semble. S'il s'agit bien de l'ancien Malcolm Baker, ce type est puissant et dangereux. C'est le genre de sorcier qu'il me plairait de rencontrer. Et pourquoi pas d'affronter. Une sorte de baptême du feu, quoi.
Mais de plus, aider Claire pourrait me permettre de gagner sa sympathie et de la rendre redevable vis-à-vis de moi. Ainsi, lorsque le moment sera venu, elle sera plus encline pour m'aider à accomplir ma délicate vengeance contre Orpheo. Si je ne lui fait pas de faux plan, elle ne le refusera pas, j'en suis certain: cette petite blonde possède sens de l'honneur qui me séduit.

La nuit est faite de sons et de lumière à Los Angeles. Sur la terrasse, de petites lanternes se sont allumées pour parer l'obscurité de néons colorés. En bas, les gens, le bruit, la foule, de jolies filles et des bouteilles d'alcool. Bref, tout ce qu'il faut pour faire la fête; mais je n'en ai pas envie. Il fait chaud. Trop chaud. J'ai besoin de changer d'air, de respirer la brise maritime...
Je considère un instant le papier chiffonné et les chiffres notés avec l'écriture rapide et sèche de la colère. Tu m'en veux, Claire, je le sais. Mais tu me demandes de l'aide pour retrouver ton Malcolm O'Shea.
Tu as besoin de moi.

-I'm in, murmuré-je au vent.