C'est pas comme si on avait 26 ans d'écart hein ? Bon. Mariage. [Sakura, Dorian, Anja, Louyse, et whoever is concerned] [TW : Mariage forcé]

Make of our lives one life, day after day, one life

Et voila. Le grand jour était arrivé. Le jour du mariage de Mohamed Abdelkaddour Al Hattal. Celui dont il avait toujours rêvé, un peu moins que de celui de la naissance de son premier enfant, mais tout de même. Il n'avait évidemment pas rêvé qu'il épouserait une jeune femme de dix-huit ans, ni que cette jeune femme serait la nièce du célèbre et prestigieux Dorian Cross. Ainsi, Mohamed allait faire partie de cette grande famille, autrement que par son appartenance à l'organisation fondée par celle-ci. Il serait presque un Cross, et se retrouverait avec une jolie fleur dans son lit qui avait devant elle au moins quarante ans pour lui donner une descendance. Sakura Laure Cross était magnifique. Il ne l'avait pas encore vue dans sa robe de mariée, mais il l'avait rencontrée une fois, une seule. Elle n'avait presque rien dit, mais son visage encore rond de l'enfance avait un certain charme, et était agrémenté de beaux yeux bleus sombres. Laçant son nœud papillon autour de son cou, il se fit pour la première fois la remarque que leurs futurs enfants auraient donc les yeux bleus. Mohamed secoua la tête. Sakura avait un beau visage, un corps magnifique, de ce qu'il avait pu en voir, mais elle avait uniquement dix-huit ans, et elle ne semblait que moyennement consentante à ce mariage. Il connaissait Dorian, il était ferme, qualité qu'il admirait chez lui. Et les sorciers noirs pouvaient se montrer très conservateur, chose qu'il ne désapprouvait pas totalement non plus. Simplement, il était quelque peu gêné. Il aurait pu maltraiter n'importe quelle mêlée, mais il avait du respect pour les sorcières. Beaucoup de respect. Mais Mohamed était courageux, il prit une grande inspiration et décida que tout allait bien se passer, qu'ils prendraient sur eux. Il se retourna vers Elaïa gazouillant dans son transat, et replaça une mèche rebelle de cheveux blonds qui s'était échappée du bandeau blanc orné de dentelles qui ceignait son petit front. Elle venait d'avoir six mois. Sakura se retrouverait mère à dix-huit ans d'un enfant qui n'était biologiquement pas le sien et qu'elle n'avait pas choisi. De plus, l'enfant en question était la progéniture d'une femme importante et dont elle avait sans nul doute entendu parler. Étrange, comme situation. Vraiment étrange.

Il détacha la petite et la prit dans ses bras avant de sortir de la sa petite maison de Sarzeau et de l'installer à l'arrière de sa voiture dans son maxi-cosy. En quelques minutes, il fut rendu au manoir familial des Cross. Arrivé là bas, il confia la petite à Ysoline Cross, qui était déjà assise dans la salle de réception avec son petit Edouard, d'environ neuf mois plus âgé qu'Elaïa avant de commencer à serrer des mains. Il commençait à sentir un peu de stress monter en lui. Il desserrait nerveusement son col ou son nœud papillon. Arriva Dorian, qu'il salua également, puis il n'y eut que quelques minutes de bavardage banal, avant que l'heure ne sonne et que tous les invités ne s'assoient sur les chaises placées en rang. Ils avaient fait venir le maire d'une commune un peu plus éloignée, mais qui était un sorcier noir.

-Allons-y, c'est le moment, dit-il simplement à son supérieur avec un sourire.

Mohamed se dirigea donc vers Anja von Duisbourg et lui prit le bras. Il le lui avait demandé. Il n'avait plus de mère, et elle était sa filleule, il aurait fait de même si elle s'était mariée. Et il le ferait surement, si elle le faisait un jour. Elle avait déjà peur qu'on utilise Elaïa comme une faiblesse, au point de l'abandonner. Alors pourquoi se marier ? Par alliance, peut-être. Mais cela exigerait des enfants. Mais après tout, Anja était encore très jeune. Toutefois plus vieille que la mariée. Drôle de vie. Il lui sourit doucement, et par instinct, jeta un coup d’œil à sa fille. Qui était aussi la sienne. Leur fille, en un sens. Il sourit brièvement à la jeune allemande. Le silence se fit. Il entendit des pas dans la salle. C'était Sakura Laure. Au bras de Dorian Cross. Ses parents étaient morts. Elle était magnifique.

C'est pas comme si on avait 26 ans d'écart hein ? Bon. Mariage. [Sakura, Dorian, Anja, Louyse, et whoever is concerned] [TW : Mariage forcé] 17

C'est pas comme si on avait 26 ans d'écart hein ? Bon. Mariage. [Sakura, Dorian, Anja, Louyse, et whoever is concerned] [TW : Mariage forcé] 18

Ouais je sais je décris pas sa robe comme ça mais fuuuu

Le jour fatidique est arrivé. Le jour où je dois me marier à un sorcier noir qui a l'âge de mon défunt père. Vous y croyez à ça ? C'est vraiment n'importe quoi. Je déteste Dorian. Je déteste cette famille. Je déteste les sorciers noirs. Je déteste tout le monde. Je suis supposée être une gentille. Mais je n'ai le droit de ne rien dire, alors je subis juste, en espérant qu'un jour je sois assez forte pour m'échapper, pour échapper à tout ça. J'espère que le lavage de cerveau ne fonctionnera pas totalement. En attendant, oublions tout ça et aimons cet homme. Enfin, autant que possible, je crois.

Vous savez la meilleure ? Il doit s'occuper d'une petite fille. Je ne sais pas d'où elle vient. Peut être qu'un jour il me le dira, s'il a assez confiance en moi. J'espère pour lui qu'il ne me fera jamais confiance. Je suis capable de lui planter un couteau dans le dos. Très profondément. Et j'attendrais le bon moment. Je prends d'abord tous les enseignements que ces gens peuvent me donner. Le reste, on verra. J'improvise au fur et à mesure, je ne peux pas établir de plans, rien du tout, chaque journée apporte son lot de surprises et d'enseignements.

Me voici donc quelques heures avant la dite union. Et je suis en pleine préparation, ça me fait bien chier. On m'a choisi une robe, et j'ai plus ou moins imposé mes conditions. Parce que c'est mon mariage, même si je n'y prends aucun plaisir et je subis tout ça donc je décide ce que je porte. J'ai tout de même opté pour quelque chose d'aguicheur, les hommes aiment bien ça. Donc autant jouer le jeu. J'aurais une attitude hautaine quand même, j'ai pas envie qu'ils voient qu'ils ont le contrôle sur moi, même si personne ne sera dupe.

J'ai donc un corset blanc qui me serre bien la taille et qui offre un généreux décolleté, accompagné d'une jupe large qui arrive au dessus du genou. La traîne est accrochée derrière et ne me gênera pas pour marcher. Et bien évidemment, je n'ai pas eu le choix pour les chaussures : des talons. Horreur de la vie, je vais souffrir dans ces horreurs. Mais elles sont belles, ça rattrape un peu. Et plutôt confortables. En même temps cette famille est riche, on a donc un minimum de qualité. Les chaussures tiendront longtemps et la descente pour le pied (voyez comme je suis familiarisée avec le vocabulaire des chaussures à talons) n'est pas brutale, elle s'harmonise à merveille. Elles sont ouvertes, partout. Des lanières partout et pile à ma taille, à croire que tout a été fait sur mesure.

Du coup, on m'a vernis les pieds et les mains en rouge. Je n'ai aucun bleu sur moi. Mais c'est un tradition américaine, les Cross sont français. Ça parait bizarre ce nom de famille d'ailleurs pour des français. Enfin passons. Je ne remonterais pas aux origines de la famille parce que je m'en fiche. Sauf si Dorian le veut. Et Dorian est capable de tout. Et je n'aurais pas le droit de râler, vous vous en doutez bien.

Les esclaves se sont démenés pour cacher toutes mes blessures. Éraflures, bleus... Je suis bien marquée de partout. Déjà parce que dans les entraînements je m'y mets à fond. Ça me profite deux fois. D'abord parce que comme ça je reçois moins de coup et pour mon but final, qui est de buter tous ceux d'Orpheo. Je plaisante. Je me fonds dans le moule, c'est tout.

Une fois recouverte ou presque de fond de teint, les esclaves me maquillent et d'autres me coiffent. Je ne sais même pas comment je donne. Ça me perturbe énormément. J'espère juste que ce n'est pas quelque chose de trop décalé par rapport à ce que je suis. Ne faites pas de moi une poupée de porcelaine. Je n'ai pas envie de passer pour une personne faible. Je ne le suis pas. Je ne le suis plus.

Quand elles ont enfin fini, je me regarde dans le miroir. Elles ont fait ressortir mes yeux bleus, mes lèvres sont légèrement brillantes, rien ne tombe dans l'excès. C'est magnifique. Je me reconnais sans me reconnaître. C'est assez paradoxal. Disons que je vois mon visage, mais jamais de cette manière là. Il est déjà rare que je me maquille, alors de cette manière, jamais. Et c'est beau.

Mes cheveux longs ont été rassemblés en une natte qui fait le tour de ma tête, des feuilles de laurier sont emmêlés dedans. Je suis Jules César. Je vais conquérir la Gaulle. Je souris à cette remarque personnelle. Une autre arrive et dépose le voile juste derrière la natte et le rabat sur mon visage.

Dorian arrive alors. Je n'ai même pas le temps de profiter d'un moment de paix, seule. Ce n'est pas possible. Ça ne le sera jamais. Tant pis. Je me retourne vers lui, sans aucun sourire, sort de la salle avant lui et l'attend avant d'entrer dans la salle où tous les invités sont présents. Rassurez vous, je n'en connais absolument aucun. Se sont leurs invités. En aucun cas les miens.

J'attrape le bras de Dorian et ouvre la porte alors que la musique annonçant mon arrivée retentit. Beurk. Je hais les mariages.

J'aime pas l'idée que se soit Dorian qui m'accompagne, mais ce n'est pas comme si j'avais le choix. Je veux dire, mon père est mort. Et c'est le grand chef de la famille. Ça aurait pu être Sebastian aussi. Dans tous les cas ça me surveille, de tous les côtés, et celui qui tient mon bras sent tout. C'est pour ça que je ne faillirais pas.

J'arrive dans l'allée, mon visage est légèrement masqué par le voile mais je sais que si je montre un seul signe d'hésitation, ils le verront. Alors je marche droit, la tête haute. Sans sourire. Sans émotion. Mon futur mari est au bout de l'allée. Et nous y arrivons bien vite. Dorian met ma main dans la sienne et la cérémonie peut enfin commencer. Et si je disais non à la place de oui ? Se serait drôle, ahaha. Je serais la seule à rire. Et même pas pour longtemps. On va plutôt éviter. Se ne sont que des sorciers noirs puissants qui sont présents. Même le prêtre en est un. Comme quoi on ne peut se fier à personne dans ce monde. Ou presque ...

J'ai une dernière pensée pour mes anciens amis. Tous mes anciens amis. Japon, Écosse... Cette fois, je ne sais encore moins quand je m'échapperais. C'est un tournant de plus dans ma vie. Que je suis obligée de prendre. C'est le moment de tout oublier, vraiment. Vraiment.

Sayonara, minna.

Non, je plaisante, ça ne se fait pas en un claquement de doigt ! Même si je devrais.

Je ferme les yeux une seconde, serre la mâchoire, et les réouvre, sur ma nouvelle vie.

Splendeur : n.m. Désigne tout être faisant parti de la famille Cross. Syn : Magnificence, virtuosité.

Un jour, la vérité éclatera au grand jour.
Un pervers narcissique est quelqu’un qui réussit à manipuler les gens de telle sorte à ce que la victime ne s’en rende pas compte. Il a une emprise sur elle dont il est conscient mais il ne se rend pas compte qu’il fait quelque chose de mal, pour lui, cela lui semble normal. Dans les premiers temps, il semble la personne la plus charmante au monde, accédant à vos désirs les plus fous et se pliant en quatre au moindre de vos soupirs. Puis passé une période test, toute la magie s’envole dans une volupté de fumée, comme si ce n’avait été qu’un rêve. La victime a une bonne raison de s’accrocher à cette personne : elle rêve chaque instant de revenir à cette période là. Elle se sent aussi « redevable » de cette période là envers l’instigateur et c’est pourquoi elle se plie au moindre de ses désirs. A partir de ce moment là, le pervers narcissique interdit la plupart des activités à sa victime et prends totalement contrôle d’elle, comme si elle n’était qu’une vulgaire poupée à sa merci.

Il serra le nœud de sa cravate d’un air pensif. Il miroitait un espace, peu importe lequel dans le miroir. Mais en vrai, il n’y faisait même pas attention, il était juste perdu dans ses pensées. Son pouce et son index vinrent frotter ses yeux clos. Il était prêt depuis un bon quart d’heure mais il réfléchissait à beaucoup de choses. L’avenir n’était pas encore prêt d’être blanc et des affaires continuaient à secouer le monde des sorciers noirs quand bien même il avait pris le Mystery Orphanage. Ce soir, il mariait sa niéce, Laure et il faisait entrer un homme de main par la même occasion dans le « clan » .
Mohamed était quelqu’un de confiance. Pas quelqu’un à qui il confierait sa vie aveuglement mais quelqu’un en qui il avait confiance. Il faut dire qu’il avait un certain passif au sein de l’organisation et qu’il ne reculait pas devant les tâches que lui donnait son supérieur, alias Dorian Calean Cross. Il avait certes quarante ans tandis que sa niéce n’en avait que dix-huit mais peu importe. L’un était bon pour l’autre et l’autre était bon pour l’un. Leur caractère ne correspondaient pas bien par contre, mais ça ce n’était pas les affaires du sorcier noir après tout. Si la famille Cross pouvait continuer à s’agrandir, même indirectement, c’était à prendre. L’enfant serait un sorcier noir pur et Dorian avait hâte de prendre en main son « éducation ». Mohamed ne lui en voudrait pas, pour sûr.

Le chef de Croix cessa de penser et se regarda franchement dans le miroir. Il était beau comme toujours. Il fallait particulièrement qu’il soit présentable, voir classe, pour ce soir car il y avait un certain nombre d’invités connu. Il y avait par exemple Anja Von Duisbourg, la chef de Rosenrot. Quel délice de s’envoyer des amabilités acides pendant une soirée avec quelqu’un. Elle était là parce qu’elle était proche de Mohamed. Il n’avait jamais apprécié cette partie de l’histoire mais il n’allait pas non plus l’interdire. Il n’était pas un tyran bien qu’il avait des côtés de pervers narcissique. Sa propre femme l’avait subi, pendant un certain temps. Mais maintenant qu’elle était enceinte, c’était une autre affaire. Elle portait une descendance majestueuse en elle et l’enfant devait se sentir dans un climat de confiance pour pouvoir naître dans une philosophie qu’il comprendra. Il passa sa tête dans la salle de bain dans laquelle s’affairait des esclaves autour de Louyse. Il s’avance, se pencha et l’embrassa. Elle était magnifique, comme à son habitude. Il y a des choses qui ne se perdent jamais sans doute. Il mit sa bouche à côté de son oreille :

- A toute à l’heure, je t’aime.

Puis sans un autre regard pour sa dulcinée, il prit la route de son bureau. Il se servit un verre de whisky et regarda dehors un instant. Puis il sortit son smartphone et consulta quelques petites choses. Il appela son homme de confiance au Mystery. Apparemment, rien à signaler, tout allait bien. Dorian redoutait en fait une attaque d’Orphéo qui aurait été prévenu d’une manière ou d’une autre du mariage et qui aurait profité de cette distraction pour reprendre l’orphelinat. Mais ça ne se passerait jamais comme ça, il avait prévu le coup. Ses hommes étaient prêt à réagir et lui même était prêt à réagir. Il s’en foutait totalement de ruiner la cérémonie, la puissance comptait avant tout. D’ailleurs, ça serait une bonne occasion de prouver la valeur de Laure, de voir si elle était capable de dresser une arme contre un de anciens alliés et de le tuer sans même une once de pitié. Le chef de Croix ne l’en croyait pas capable. Se donner à fond physiquement dans un entraînement était bien simple, donner son âme pour enlever celle d’un ancien allié était autre chose. Elle n’avait clairement pas le cran. Il pouvait le sentir, le palper. Elle vivait dans une peur ambiante. Ca forgeait le caractère.
Il posa son verre puis se dirigea vers la pièce ou Laure se préparait. Elle devait lui prendre le bras pour s’avancer jusqu’au maire. C’était la tradition. Lui s’en foutait bien mais apparemment les mariés y tenaient. Il respectait. Comme quoi, il ne se foutait pas de tout. Sur le chemin, il croisa Mohamed qui semblait bizarre, pas dans son état normal. Dorian ne répondit que par un sourire à sa phrase puis il pénétra dans la pièce où la jeune femme se tient au milieu de plusieurs esclaves qui s’affaire autour d’elle. On rabat le voile sur elle et elle se retourne. Elle est très jolie. En même temps, il avait fait en sorte qu’elle soit remarquable, pour les invités de prestige. Rien n’était laissé au hasard. Elle avance vers le grand homme et prend son bras puis ils entrèrent dans la salle de cérémonie, déjà rempli par le monde. Le silence se fit au moment même où le chef accompagné de sa nièce s’avança dans la pièce. Tout le monde les scrutait d’un air curieux. Dorian avance d’un air suffisant jusqu’à Mohamed puis mis la main de sa nièce dans celle de son subalterne. Il fit un signe de la tête au maire comme quoi ils pouvaient commencer puis se mit au premier rang et attendit, patient.

C'est à peine s'il est besoin de jeter un regard sur le miroir. Les costumes me vont bien généralement, celui là plus encore. Fait sur mesure en quatrième vitesse pour une cérémonie censée marquer un avènement, il me sied à la perfection. Le tissus riche et bleu sombre tranche un peu avec la rigueur de la cérémonie mais cela reste un mariage, il faut se détendre ! J'attache mes boutons de manchette et serre mon nœud papillon avant de me coiffer à l'aide d'un coup de laque. Il n'y a pas grand chose à faire quand on est un homme, choisir les beaux vêtements, se coiffer très rapidement si tenté que cela ait un sens, et utiliser le bon parfum afin de ne pas sentir le bouc. C'est pourquoi j'applique délicatement celui que j'ai choisi aux creux de mes poignets et légèrement derrière les oreilles. Je suis prêt. Je n'ai jamais cessé de l'être. Dorian m'a demandé de ne pas être en retard et je suis même en avance.

Profiter des mondanités, des apparences... Le monde est fait de conventions et de relations. Il faut savoir en user et les pratiquer. Alors je me fonds parmi le prestige et je discute avec tout un chacun. Un sourire de façade est plaqué sur mon sourire colgate. Je ne pense qu'à la fin de cette encombrante cérémonie. Je ne souhaite pas le bonheur de Laure et Mohamed, ils n'en auront pas besoin. Ce n'est pas de l'amour, personne n'est dupe, juste un arrangement. Laure me fait par trop penser à Luka. Mais la mêlée avait elle une motivation pour rester avec nous, pour réellement se battre. Elle avait Natasha. Sakura n'a rien. Laure n'a que de la haine qui n'est pas dirigée vers les bonnes personnes. Je me méfie de sa trahison. Elle le fera, il n'y a aucun doute. De même que Luka, elle n'est pas vraiment une Cross. Quant à Mohamed, j'ai bien plus de respect pour le sorcier que pour sa future. Il me semble plus digne de confiance. Mais je ne fais vraiment confiance qu'à moi même. Pas même à Dorian pour qui je donnerai pourtant ma vie. Je le sais trop capable de me sacrifier sans un regard vers son coeur.

Mohamed est rentré dans la salle mais je ne songe pas à lui parler. Il semble rêveur, un peu ailleurs et ce n'est pas le moment. J'irais comme tout le monde lui adresser mes plus sincères félicitations hypocrites puis peut être nous parlerons un peu du monde, du temps qui fait ou de sa future nuit de noce... Qu'il ne s'y trompe pas, tant qu'il ne l'aura pas mise enceinte, tant qu'il n'aura pas d'enfants avec elle, il ne sera pas réellement un Cross. Et encore, il faudra qu'il le prouve, jour après jour. Si Louyse commence à me convaincre, il n'y a réellement qu'Ysoline qui n'était qu'une pièce rapportée et que je considère à présent comme une Cross. Je m'assois à ses côtés et prend mon petit neveu sur mes genoux. Celui-ci ne cesse de bouger et de se contorsionner pendant que je semble mal à l'aise. Les enfants et moi, ça n'a jamais été très facile. Serais-je un jour père ? Je le devrai, pour le sang, pour la descendance. Je me marierai donc, c'est un devoir.

Ysoline rigole et reprend son fils alors qu'elle s'occupe également de la "fille" de Mohamed. Drôle d'histoire, drôle de vie. Dorian entre et le silence prend place. Je file au premier rang, à ma place réservée tandis qu'il remonte l'allée centrale en compagnie de la jeune Cross. Elle est belle à couper le souffle dans sa robe blanche, avec son maquillage et sa coiffure de petite princesse, pourtant il lui reste un petit air hautain, dangereux, un petit air de Cross. Te l'ont-ils dessinés Laure, ou bien sais-tu réellement ce que tu es ? Elle est magnifique, mais me laisse totalement froid. Je n'ai aucun plaisir à la voir en tant qu'homme, ni en tant que parent, pas de joie à la marier, pas de désir à la contempler. Elle est une femme qu'il me semble dangereuse de garder à nos côtés. Elle est encore bien faible dans son coeur même si elle veut le cacher. Dorian réunie les deux tourtereaux et le maire entame son discours pendant que mon frère se met à mes côtés. Je ne commente pas et garde un silence respectueux. Cette drôle de pièce de théâtre reste nécessaire, rien ne doit la gâcher.

Le papier, la plume, l'encre, tout y est. Anja les caresse de ses doigts, sans vraiment oser y toucher. Quelque chose la retient. Une image, une bouille, ancrée profondément dans sa rétine. La grimace d'une enfant d'à peine quelque mois, le sourire d'un bébé, le rire néfaste de celui qu'on aimerait pouvoir aimer.
Qu'on aimerait pouvoir ignorer.
Elaïa. Le fruit dangereux d'une seule et unique nuit avec un soldat de plomb. Le résultat d'une gamine un peu trop gâtée qui ne maîtrise pas bien ses jouets. Une leçon un peu trop salée d'éducation sexuelle.
Sa fille. Ce petit être minuscule qu'elle a dû abandonner pour la protéger. Pour se protéger. Ce bébé qu'elle a haït, détesté, tenté désespérément d'oublier. Cette chose qu'elle a voulu enfouir au fond d'elle même et qui pourtant a ressurgit, affrontant l'aube et les peurs de la jeune sorcière.
Un enfant ce n'est pas comme un ennemi, Anja. On ne peut pas se contenter de l'enterrer.

La jeune femme saisit la plume, griffonne quelques mots. "Bravo pour ce beau mariage". Quelle hypocrisie ! Un mariage avec vingt ans d'écart, un parrain qu'elle connaissait à peine, mais à qui elle se devait de faire confiance, et un Dorian Cross qui, bien qu'elle éprouvait une pointe de respect par sa façon de manier Croix avec une poigne de fer, la dégoûtait par bien d'autres aspects.
Et pourtant il le fallait. Féliciter les nouveaux mariés. Remercier pour la fête. Faire comme si tout était normal.
Comme si Elaïa n'était pas sa fille.

Fatiguée de cette mascarade, Anja saisit une autre feuille. Pour un autre destinataire.

Sarzeau, 26 juillet

Liebe Mutti,

Nous y voilà. Le mariage de Mohamed et de cette gamine à peine sortie de l'enfance. Je ne sais pas comment elle fait pour supporter tout cela. Sans doute n'a-t-elle pas eu le choix. On ne le lui a pas laissé. Comme moi avec Elaïa au final. Je la plains cette... Laure. Même si bon, elle aurait pu tomber sur pire. J'imagine que Mohamed comparé à Dorian Cross est un chaton. Je l'espère. Après tout c'est lui qui garde mon enfant.

Avant d'aller au mariage, je me suis regardée une dernière fois dans le miroir. Une longue robe rouge. Ample. C'est plus facile pour cacher des poignards. Et je ne me fais pas d'illusion, je ne serai sans doute pas la seule à en posséder. C'était un mariage, certes, mais un mariage Cross. Dieu seul savait comme il pourrait tourner.

Je mis un point d'honneur à arriver pile à l'heure. Pas en avance, pas en retard. Je n'avais pas envie de supporter le regard inquisiteur des Cross plus longtemps que de devoir, mais j'avais aussi promis à Mohamed de l'accompagner jusqu'au maire. Je ne pouvais pas lui refuser ce petit plaisir, pas tant qu'il avait la vie de ma fille entre ses mains. Et puis... Et puis j'éprouvais aussi une sorte de respect pour cet homme. Peut-être parce que je savais qu'il avait été ton ami maman.

J'ai donc pris le bras de mon parrain en lui rendant le semblant d'un sourire. J'ai vu son regard se diriger vers ma fille, vers sa fille. Notre fille. Drôle de vie qui est la nôtre. Me retrouver à l'église au bras du père adoptif de mon enfant devant ceux la même à qui je veux cacher l'existence de ma descendance. Peut-on faire plus ironique que cela ? Je ne sais pas maman, ce que je sais par contre, c'est cette peur que j'ai eu de me trahir. Un regard, un sourire, un soupir... Je m'efforçais de contrôler le moindre de mes gestes. Personne ne devait savoir pour ma fille. Personne.

Devant nous, déjà au pied du maire, la jeune mariée est accrochée au bras du chef de Croix. Encore une ironie ; les chefs des deux plus puissantes organisations de sorciers noirs dans le monde, se haïssant cordialement au passage, se retrouvant au coeur des mondanité, accompagnant tout deux l'un des mariés. Que d'ironie, que d'hypocrisie.

Je te le dis maman, les mariages de nos jours ont perdu toute la magie d'antan...

[...]

L'image d'Elaïa est toujours gravée au fer blanc dans l'esprit de la jeune femme. Elle ne peut s'en défaire et ne cesse de se demander si venir à ce mariage était une si bonne idée.

Cet enfant... Elle a refusé de le prendre dans ses bras à sa naissance, de peur de s'attacher. Heureusement. Car maintenant elle en est persuadée, plus sa fille est loin d'elle, mieux le monde tourne.

Willst Du meine Sorgen
Den Haß, der in mir steckt ?

Mohamed était ébloui par la beauté froide et pourtant encore si juvénile de sa jeune épouse. Ses traits était comme insaisissables, plus ou moins brouillés par le voile qu'elle portait sur son visage. Mais il pouvait distinguer un regard bleu perçant et déterminé, qui n'était pas tout à fait là, qui cherchait à fuir quelque part, peut-être.
Le corps de la jeune femme, à peine sortie de l'adolescence, avait également été mis en valeur. Le corset serré à sa taille soulignait sa poitrine, et la jupe était assez courte pour révéler les jambes musclée de la sorcière, comportant toutefois une traîne à l'arrière, pour le côté traditionnel. Avec ses lèvres et ses ongles rouges, Laure était la femme fatale, en cet instant. On ne s'était pas moqué de lui, pensa Mohamed.

Il attendit que Dorian et elle arrivent à son niveau, et que le chef de Croix pose la main de sa nièce dans la sienne. Avec les chaussures à talons qu'elle portait, elle était presque aussi grande que lui. Le sorcier noir plongea son regard dans les yeux de la jeune femme, et d'un signe de tête entendu, lui enjoignit d'avancer vers le maire. L'homme, d'une cinquantaine d'année en apparence (il en avait probablement quatre vingt ou quatre vingt dix en réalité) avait un visage austère pas très rassurant, impression que ses yeux et cheveux d'ébène renforçaient. Il adressa toutefois un sourire aimable aux deux futurs mariés, qui lui faisaient maintenant face, et déclara :

-Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous sommes réunis aujourd'hui ici à Sarzeau au manoir de la noble famille Cross, famille qui nous guide depuis des décennies dans la lutte contre l'obscurantisme d'Orpheo et pour la pureté de notre race, afin d'unir une de ses enfants, Mademoiselle Sakura Laure Cross, à Monsieur Mohamed Abdelkaddour Al Hattal, également une noble et ancestrale famille de sorciers noirs. Espérons que cette union sera fructueuse tant pour ces deux individus et pour leurs familles que pour la cause Noire en général.

La salle était silencieuse, Mohamed écoutait avec patience le maire réciter son discours, évidemment différent de ceux des simples humains. Selon Mohamed, ce discours ci avait beaucoup plus de classe. Il jeta un œil à sa fiancée, elle était stoïque, comme sculptée dans du marbre, aussi belle et aussi hors de la réalité qu'une statue. Elle ne le regardait pas. Du moins par pour l'instant.

-Avant de procéder à l'échange des runes et des alliances, les témoins sont priés de venir me rejoindre afin de prononcer quelques mots.

Même si, en générale, les alliances des sorciers étaient ornées de runes symbolisant des choses comme la longévité, la fécondité ou la fidélité, il était généralement également de mise de tracer une rune d'alliance sur la peau des époux, bien que cela dépendit aussi de la culture de chaque couple, du contexte, etc.

Mohamed tourna la tête vers son témoin, Rhys. Rhy Shepherd. Un sorcier noir d'un ans de plus que lui, et ne faisait pas vraiment partie d'une organisation en particulier. Mais les deux hommes s'était plusieurs fois croisés à divers meetings ou à l'occasion de missions. Cela faisait déjà une quinzaine d'années qu'ils se connaissaient, et ils s'entendaient plutôt bien. Mohamed aimait le cynisme de l'anglais, et lui semblait supporter son humour douteux. Il lui avait donc demandé d'être témoin à son mariage, car il n'avait pas beaucoup d'amis aussi proches. Il appréciait et respectait Dorian, mais il ne lui aurait jamais demandé d'être son témoin, c'aurait été déplacé, trouvait-il.
Il essaya aussi de déterminer qui sa fiancée avait bien pu choisir comme témoin. Elle avait intégré Croix assez récemment, et elle avait récemment été violée par une grande partie des hommes de l'organisation, ce qui réduisait de moitié les personnes envers lesquelles elle serait à peu près bien disposée. Et quand bien même, il ne semblait pas à Mohamed que sa future femme avait beaucoup d'amis au sein des sorciers noirs. A propos de cette histoire de viol collectif, toutefois, il ne savait pas comment se positionner. Il l'acceptait, car si Dorian l'avait autorisé, alors c'est qu'il estimait qu'elle le méritait. Il veillerait toutefois, maintenant que Laure Sakura allait devenir sa femme, à ce qu'aucun autre sorcier noir ne lui manque de respect. Il était d'ailleurs surpris de ne pas avoir entendu de railleries à son sujet. Il était, certes, assez respecté, car sans pitié, plutôt puissant et assez haut placé dans la hiérarchie de Croix, mais il existait toujours des jeunes, surtout des jeunes qui se croyaient plus malins que tout le monde et avaient du mal avec la notion de respect.

Mohamed était sur ses gardes.

Il vit s'avancer un jeune homme, qui ne devait pas avoir plus d'une trentaine d'années, qui lui disait quelque chose mais qu'il ne connaissait pas très bien. Il avait des cheveux noirs, des yeux d'un bleu perçant, et était rasé de près pour l'occasion. Il était un truc genre Suédois. Oui, un truc dans ce goût là. Mais impossible à Moha de se rappeler le nom du jeune. Il verrait bien, le maire, Laure ou lui finiraient bien par le dire. Il se demanda ce qu'il y avait entre sa future femme et le sorcier. Peut-être n'avait-on pas laissé le choix à la jeune femme, mais dans ce cas, pourquoi lui ? Il n'était pas spécialement bien placé au sein de l'organisation. Ils devaient donc être amis, ou quelque chose d'approchant. Mohamed n'était pas jaloux. Bien sur, avec autant d'écart, il y avait des risques qu'elle le trompe, mais bizarrement, cette idée ne l'angoissait pas outre mesure, tant qu'il pouvait avoir des enfants qui seraient effectivement les siens. Il serait en colère s'il se rendait compte qu'il y avait adultère, mais ce n'était pas une crainte qui le hantait. Il ne comptait pas fliquer sa femme, mais cela l'intéressait tout de même de savoir qui étaient ses fréquentations.

Rhys se tenait maintenant à sa gauche, et le témoin de Laure à sa gauche également. Chacun se jetait des regards curieux. Le maire reprit la parole :

-Nous allons commencer par le témoin de la mariée. M. Kåre Nilsson ?

Ah oui. Un nom barbare comme ça, Kåre Nilsson. Mohamed ne savait pas grand chose sur lui. Est-ce que c'était lui qui avait eu une histoire avec une humaine ? Il n'était pas sûr. Il chassa ces questions de son esprit -il faisait bien ce qu'il voulait, surtout qu'une humaine, bon, ça va- et attendit que le jeune homme prenne la parole.

Mais non ce n'est pas la guerre ! C'est un mariage, a wedding !

"Hé, Laure. J'ai entendu dire que tu ne voulais pas choisir ton témoin pour ton mariage." La jeune fille l'avait regardé sans rien dire. Kåre avait souri. Il s'était légèrement trémoussé sur place, avait penché la tête sur le côté, et avait dit : "Tu veux que je sois ton témoin ?". Haussement d'épaules. Le suédois avait levé les yeux au ciel. Puis il avait posé une main sur son épaule, et avait tenté d'attraper le regarde de la sorcière. Il avait posé son autre main sur l'utre épaule, et l'avait secouée. "Alooors ?! C'est oui ?". "Je m'en fous, fais ce que tu veux, putain". Il l'avait alors considérée d'un air perplexe, et répondu "Ok. Eh bien moi ce que je veux c'est être ton putain de témoin ma grande !"

Et voilà. Voilà comment il s'était retrouvé, le 25 juillet 2013, à jouer le témoin pour Sakura Laure Cross, à son mariage avec Mohamed Al Hattal, contre son gré. Kåre ne pouvait pas faire grand chose pour la jeune femme, qu'il appréciait, à part ça, se présenter comme témoin, et lui témoigner un peu de soutien.

La cérémonie se déroulait au manoir des Cross, et tout le gratin y était présent. Dorian, évidemment, mais aussi son frère, Sebastian, sa femme, Louyse, Ysoline, la veuve de Gaël Cross, et même Anja Von Duisbourg, la chef de Rosenrot ! Ça ne déconnait pas aujourd'hui, pensa le trentenaire.
Il remarqua le futur marié avec un bébé tout blond dans les bras. Ah oui, on lui avait dit ça, il avait adopté une petite sorcière, sortie d'on ne savait où. Apparemment parce qu'Al Hattal était un fou furieux des enfants, et avait été orphelin lui aussi. Et Sakura allait se marier avec lui. Un type chelou, quand même. Bon d'accord, Kåre ne lui avait jamais parlé, le mec était surtout connu au sein de Croix pour sa cruauté, et son humour. Bizarrement. Et puis aussi, parce que Dorian Cross l'avait à la bonne, visiblement. Il lui donnait sa nièce en mariage, tout de même. Une nièce rebelle, qui avait été élevée par Orpheo, et sur qui tout les hommes de l'organisation étaient passés, mais sa nièce quand même.

Pauvre gamine. Kåre l'aimait bien. Il aimait son côté sauvage, insoumis. Elle était tout ce qu'il n'arrivait pas à être, par peur, par habitude, par lâcheté.
Le sorcier serra des mains, signa le livre d'or avec une plaisanterie à l'adresse de Laure, et alla s'asseoir, aux côté d'un couple de quadragénaires qu'il ne connaissait pas.
Il regarda Mohamed s'avancer en compagnie d'Anja Von Duisbourg, jusqu'au l'autel. Il ne savait pas que ces deux là se connaissaient. Encore moins qu'ils étaient assez proches pour que la jeune femme remplace la mère que le sorcier noir avait perdu pour son mariage. Le duo était d'ailleurs assez comique, à bien y réfléchir. Une toute jeune femme, même pas trente ans, qui accompagnait un homme de presque vingt ans son aîné, pour son mariage. Kåre se fit la réflexion au passa qu'Anja n'était pas mariée. Peut-être qu'un jour son mariage serait l'objet d'une alliance entre Rosenrot et Croix.
Puis Laure arriva, somptueuse. Le jeune suédois ouvrit légèrement la bouche, de surprise et d'admiration, puis la referma, afin de ne pas avoir l'air plus débile que nécessaire. Malgré le fait qu'il fût en couple, il ne pouvait nier que la future mariée était extrêmement attirante, surtout habillée ainsi.

Le maire, un sorcier noir d'un village assez proche, venu pour l'occasion, aux airs de parfait psychopathe trop dark de la mort qui tue -bon ok, pour sa défense il avait l'air sérieux et était propre sur lui- commença un discours empreint de solennité. On aurait presque pu croire que c'était un mariage d'amour. Kåre serra les lèvres.
Et son tour arriva, il s'avança pour se placer à la droite de Laure, jetant un œil au témoin d'Al Hattal. C'était un gars qu'il ne connaissait pas du tout, qui avait l'air d'avoir le même âge que le marié, blond, l'air blasé, qui devait être britannique, ou américain, vu son nom.

Ça y était, c'était son tour. On lui demandait de faire son discours. Le trentenaire se retourna, pour être face à l'assemblée, tirant de sa poche son papier avec ses notes. Ses yeux bleus balayèrent la salle, et il se lança :

-Laure Sakura Cross est une jeune femme impressionnante. Depuis son arrivée au sein de Croix, elle a fait preuve d'une grande force, et d'une capacité d'adaptations hors du commun. En plus d'être d'une grande beauté, elle possède de grandes capacités magiques et de combat. C'est pourquoi l'avoir pour femme me semble être un honneur. J'ose espérer que ce mariage lui apportera de nombreux bénéfices, car elle le mérite. Beaucoup de bonheur à vous deux.

Il jeta un bref regard à Mohamed, qui lui fit un signe de tête, comme d'approbation. Il semblait respecter sa femme. C'était déjà ça. Il s'était concentré sur les qualités de la mariée plutôt que sur l'amour potentiel que pourrait se porter ce couple, sans toutefois trop critiquer ce mariage arrangé, l'idée n'était pas de passer les dix prochains jours dans une salle de torture pour avoir ruiné le mariage. Kåre prit une grande inspiration et se retourna vers Laure.

-Merci. dit simplement le maire. Mr Shepherd ?

C'était au tour de l'autre témoin maintenant. Le suédois avec presque envie de tenir la main de Laure, se demandant si elle avait peur, en cet instant, si elle était en colère. La salle était plongée dans un silence de mort. Bientôt, elle serait mariée.

Dorian s'est assis au premier rang. Je sais qu'il aura les yeux rivés sur moi pendant toute la cérémonie. Attendant que je flanche ? Attendant que je fasse un quelconque geste de trahison pour me sauter dessus et m'infliger à nouveau mille tortures. Je pourrais essayer de dire non. J'en ai tellement envie. De leur cracher à la gueule, de déchaîner toute ma rage contre eux, d'exploser … Et de m'enfuir, d'être à nouveau parmi mes amis, loin, très loin d'ici. Et d'oublier tout ce qui a pu m'arriver ici. Mais je sais que c'est un bien doux rêve que j'ai là. Et que ça n'arrivera jamais. Toute l'assemblée est composée de sorcier.e.s noir.e.s expérimenté.e.s. Et je suis entourée. Seule. Enfin, ya Kare. Mais bon, c'est pas comme si je pouvais vraiment lui faire confiance. Le gars un jour, il est venu me demander si il pouvait être mon témoin. Mais qu'est-ce que j'en ai à faire sérieusement ? J'aurais pu très bien être toute seule, qu'est-ce que ça aurait changé ? C'est un noir. Je ne pourrais pas lui faire confiance. Jamais. Ne jamais leur faire confiance. A personne. C'est pourtant ce que je m'étais dit quand mes parents sont morts. Ne jamais aimer personne pour ne pas être déçue, blessée... Et pourtant, j'ai espéré vivre des jours meilleurs, je les ai vécus … C'est pour cela que la séparation maintenant est d'autant plus difficile. Tous ces gens que j'aime, et que je ne reverrai sans doute jamais … Ian, Shybaï, Takeji, Lestat, Wanda, Kirsten, Akira, Myaw, Autumn … Je vois tout leur visage dans ma tête et je m'efforce de ne pas lâcher une larme. Je ne dois pas paraître faible. Je suis déjà en position de faiblesse, pas question d'en rajouter. Au lieu de ça je me concentre et en profite pour jeter un regard noir à mon futur mari à travers mon voile. J'espère qu'il le voit. Que je l'exècre.

Le maire, ou moine ou que sais-je, si, sorcier noir, devant moi qui fait la cérémonie commence à parler. Le blabla habituel. Je ris jaune. Union fructueuse. J'ai envie de lui cracher à la gueule. C'est un noir de toutes façons. Tout le monde est contre moi ici. Oh, n'allez pas imaginer que je joue la petite fille sans défense qui déprime et qui pense que le monde est contre elle et qu'elle a toutes les misères du monde. Non. J'annonce tout simplement des faits.

Le prêtre, le sorcier noir, demande à mon témoin de s'avancer pour qu'il puisse dire le discours qu'il a préparé. Quelle préparation, tu ne me connais pas, imposteur. Mon témoin aurait dû être Ian. Vous m'entendez ? I-A-N. Quant à la question si je me mariais un jour, aucune idée. Ce n'était pas vraiment dans mes plans si je puis dire. Peut être un jour, en rencontrant la bonne personne. Sait-on jamais. Mais je n'aurais certainement pas imaginé ceci.

« Beaucoup de bonheur à vous deux » tu parles ! Je ne regarde personne. Personne. J'ai les yeux rivés sur le fond de la salle, les lèvres pincées, l'air sévère, le regard noir. J'aimerais que mes yeux puissent fusiller les gens. Et là, ça aurait été tellement simple de me débarrasser de cette salle … Mais je ne vaudrais pas mieux qu'eux … Si ? Question compliquée …

C'est au tour de l'autre énergumène de faire son discours. Pouah. Il a un air de guignol, c'est pas gagné. Je n'ai plus qu'à attendre patiemment que cela se passe, espérant ne pas lâcher un « non » pourtant si désiré au moment importun. Sans quoi, je risque beaucoup ...

Vous savez quoi ? En fin de compte j’crois que si j’ai accepté un clébard chez moi c’est parce que c’est juste un animal. Ça jacte pas, ça radote pas, ça se contente de te fixer avec un regard vide ou avide de nourriture. Ça a des besoins simples et ça ne réfléchit pas à sa position dans l’immensité de l’univers. C’est rafraîchissant d’avoir ce Machin à la maison, parce qu’à part peser une tonne lorsque le Terre Neuve te choisit pour coussin personnel, c’est quand même calme. Et ça, purée, faut avouer que c’est cent fois mieux que l’humain. Vous vous demandez pourquoi je vante les mérites de mon chien alors qu’en apparence je le déteste et qu’il est à plusieurs centaines de kilomètres de ma position actuelle ? Justement, c’est là tout mon problème, je sors de ma caverne et ça me fait chier, c’est tout.

Je n’ai réellement pas l’intention de m’éterniser à ce pseudo-mariage. Non pas que je déteste les mariages, j’ai même plutôt tendance à les apprécier, lorsqu’ils sont programmés volontairement par les deux principaux rôles de la journée. Mais là, je peux dire au visage de la charmante demoiselle qu’elle ne s’en fait clairement pas un plaisir. Enfin qu’importe. Pour la seconde fois de mon existence, je me rends en France. Pas que je n’apprécie cette contrée, mais à défaut de n’être pas mon pays natal, je ne pige absolument pas un seul mot de leur vocabulaire. Si, sauf s’ils me parlent en anglais, bien sûr.
Bon, pour resituer le contexte, il n’y a pas si longtemps que ça, Mohamed m’a recontacté après une période relativement longue de silence radio pour m’annoncer qu’il se mariait. Jusque-là, aucun souci, me voilà plume à la main prêt à lui envoyer une lettre de félicitations. Mais voilà, et là réside toute la surprise, il m’annonce me vouloir comme témoin. Loin de moi l’envie de lui dire que c’est une très mauvaise idée alors qu’en réalité, c’en est véritablement une. Je masque mal ma confusion mais parvient à accéder à sa requête parce que, malgré tout, il reste un bon et amusant ami.

Me voilà téléporté (quasiment) à Sarzeau. Attends. Sarzeau ? Il me faut un temps pour situer le bled sur une carte. Mais pourquoi s’exiler aussi loin pour un mariage ? Ils n’auraient pas pu prendre Paris, enfin le genre de destination correctement desservi par des transports en commun ? Bon, j’exagère un peu mais pourquoi cette ville en particulier ? C’est en Bretagne en plus, j’ai toujours su que cette grande région cachait des trucs louches. Ça s’improvise devins, druides, ça invente la potion magique, ça se considère inventeur du cidre et en plus ça se permet de piquer la Légende du roi Arthur qui, rappelons-le, est BRITANNIQUE, en inventant une forêt de Brocéliande à deux balles où ils repeignent les arbres en doré. Ils sont taré ces gens. Rien d’étonnant à ce que le manoir des Cross soit situé là-bas en fin de compte. Non pas que je considère cette famille de dégénéré comme des gens à part, mais… en fait si. J’ai jamais vraiment aimé les sectes de ce type ni tout ce qui est attrait à la hiérarchie de toute façon. J’espère juste qu’ils me laisseront tranquille dans mon coin de plénitude, que je balancerai mon petit discours pour soutenir Mohamed parce que c’est un chic type et qu’on m’autorisera à rentrer retrouver mon Terre Neuve.

Bref, j’élis domicile à Saint-Gildas-de-Rhuys parce que c’est à côté, que je n’ai pas envie de poser les pieds dans ce manoir trop tôt et que mince, c’est presque mon nom. Le jour fatidique arrive alors et je tâche de m’habiller convenablement même s’il n’y a pas grand-chose à faire de mon visage de toute manière. Silencieux et discret, je me place du côté de la « famille » du marié et attend patiemment mon tour. Malgré ma moue passablement impassible en fait, je ne peux m’empêcher de trouver le duo tout à fait charmant à défaut de respirer le bonheur. La demoiselle, tranchante comme un fil de rasoir ou s’en donnant l’air n’en reste pas pour autant une jeune femme magnifique. Ça me fait plaisir de revoir Mohamed, même s’il m’est impossible de lui parler actuellement. On devrait échanger un peu plus souvent, ça fait longtemps que je n’ai plus eu de ses nouvelles. Enfin, s’il marie une Cross, m’est avis qu’il se fera encore moins disponible qu’à l’accoutumée. A bien y réfléchir, s’il n’avait pas été un ami de longue date, j’aurais probablement refusé cette demande quant à être son témoin. Moins on voit les Cross, mieux on se porte. Et voilà qu’il s’apprêtait à en faire partie. Qui garderait le nom de qui d’ailleurs ? Al Hattal Cross, ça commence à faire du nom de famille à rallonge. Nul doute que Cross figurera sur le nom des futurs gamins, puisque ce mariage n’est visiblement célébré qu’à cette fin.

On finit par appeler les témoins. Joie. Je ne dirige pas un regard vers l’assemblée mais plutôt vers les futurs époux. Je me permets un clin d’œil à Mohamed juste pour détendre une atmosphère un peu trop lourde pour un mariage et patiente tandis que le témoin de la dénommée Sakura s’exprime. Pfiouh, j’en sifflerais presque, tout ému que je suis. Trêve de plaisanterie, j’apprécie malgré tout ce petit discours, il a le mérite de se situer à la parfaite intersection entre le personnel et le formel. Je résiste à l’envie de mettre mes mains dans mes poches et sent le regard de la demoiselle se poser sur moi au moment où le pseudo-prêtre arrangé pour le coup me demande de m’exprimer à mon tour. Bordel j’aime pas ça. Mohamed, je t’assure que tu me le paieras, t’aurais pu choisir une autre famille, crapule. Je soupire et m’avance légèrement, sans notes. Tout au feeling, les préparations ça ne fonctionne pas trop avec moi. Le petit d’avant n’a pas tort d’avoir volontairement passé en sourdine le côté « fleur bleu » qu’on dessert habituellement pour tout mariage. Parce que ça c’est un mariage Cross. Bon, j’arrête avec ces sous-entendus foireux, si y’a le malheur d’y avoir un télépathe dans la salle, je suis foutu. Je ne m’attarde pas plus longtemps sur mes pensées et m’exprime :

-Mohamed, je le considère comme un très grand ami. En mission, il est quelqu’un de terriblement efficace et de discret, d’un professionnalisme qui me surprendra toujours. Derrière ça, il y a aussi un homme drôle et qui saura consacrer de son temps pour la famille à naître. Tous mes vœux vous accompagnent pour cet événement et ceux à venir.

Court et concis. A m’entendre parler, il vaut mieux que cela en soit ainsi où je pourrais bien finir par lâcher mes quatre vérités sur cette famille. Je recentre mon regard sur Mohamed, dans l’espoir d’une approbation puisqu’il se trouve être le seul pour qui je daigne accorder mon attention. Le prêtre radote son remerciement et je retourne me rasseoir. Voilà, comme on dit par chez nous : Ça, c’est fait.

Dorian regardait les deux tourtereaux avec un sourire non dissimulé. Quelle belle alliance il était en train de conclure. Il se dit que tout était parfaitement orchestré, tout était parfaitement calibré, les engrenages s'intercalaient sans aucun soucis. Ce sourire, valait tout dire, comme d'habitude. Un sourire de satisfaction parce que il s'assurait de perpétuer encore plus la dynastie Cross, aprés tout c'est vrai qu'il y avait pas beaucoup de petits Cross dans les parages. Un sourire carnassier parce qu'il manipulait trés bien Mohamed en lui offrant de la chair fraîche sur un plateau alors qu'il était seul, seul, seul.
Tout ça, c'était limite trop facile. Tout le monde acceptait ses demandes sans qu'il ait besoin beaucoup de presser beaucoup. Laure avait accepté sans sourciller d'accepter Mohamed. Bon, ok, y avait peut être eu une petite résistance mais franchement il était infime. OK peut être c'était parce qu'il l'avait UN PEU forcé. Mohamed aussi avait accepté sans résister. Et tout s’enchaînait pendant que le chef de Croix était le roi du monde. Trop facile.

"Le prêtre regarda Mohamed Al Hattal et Laure Cross avec un regard assez neutre. Il était payé assez cher pour faire un travail sans bavure, sans remarque, en faisant semblant de croire que ce n'était pas un mariage forcé. Il récita son texte tranquillement.

- Mohamed et Laure, vous avez écouté la parole de Dieu qui révèle la grandeur de l'amour humain et du mariage. Vous allez vous engager l'un envers l'autre dans le mariage. Est-ce librement et sans contrainte ?

Il leur laissa le temps de répondre et pris bien soin d'observer leur réaction. Vue la tête renfermée de la mariée, il était évident que ce n'était pas très agréable pour elle. Il se dit qu'il n'allait rien dire car à tout moment l'assistance allait le tuer. Il poursuivit

- En vous engageant dans la voie du mariage vous vous promettez amour mutuel et respect.
Est-ce pour toute votre vie ?

Oh l'ironie. Amour mutuel et respect. L'amour la jeune fille n'allait surement jamais le connaitre, enfermé dans une relation avec ce Mohamed. Et le respect, le marié n'en aura jamais sûrement jamais pour elle. Ca se voyait a ses traits que ce n'était qu'un... Il s'arrêta de penser et continua sa litanie.

- Etes-vous prêts à accueillir les enfants que Dieu vous donne et à les éduquer avec amour et foi ?

Ca y'est c'était presque fini. Il allait encaisser son chèque et oublier cette histoire. Le soulagement. Il eût presque envie de pousser un "Ouf" mais il se retint.

- Vous pouvez embrasser la mariée !
"

Dorian se leva et applaudit mécaniquement tandis que la salle explosait d'applaudissements derrière lui. Il applaudit exactement trois fois puis s'arrêta. Quand enfin, la tension fût redescendu, le chef de Croix s'approcha et murmura "Félicitations" à Mohamed et posa une main paternel sur Laure. Elle avait accompli son devoir.

Il tourna les talons et sorti de l'église. Encore une bonne journée pour Croix. Encore une bonne journée pour les Cross. Dorian était définitivement quelqu'un d'incroyable intelligent et puissant et aujourd'hui l'avait encore prouvé. Il ne pût s'empêcher d'éclater de rire quand l'air frais se plaqua contre son visage.

Trop facile.

And off they went the bear, the bear and the maiden fair

Le témoin de Laure avait l'air d'un chic type. Mohamed ne situait pas exactement qui il était. Sudéois, a priori, à en juger par son accent et par son nom. Le marocain se demanda à quel moment il avait appris à connaître sa future épouse. Mais il n'en fit pas grand cas. Il était même plutôt heureux que la jeune femme ait des connaissances à Croix, et qu'elle ait noué une relation positive avec au moins une personne. Il applaudit à son discours, car il l'avait trouvé, juste, concis, et approprié.

Puis ce fut le tour de Rhys. Il se sentit un peu nerveux. Il avait peu d'amis proches et il se demandait ce qu'on pouvait bien dire sur lui le jour de son mariage en réalité. Car il avait eu deux vies en tant qu'adulte. Sa vie à Orphéo, et sa vie au sein de Croix. Et émotionnellement parlant, sa vie du côté des exorcistes lui avait semblé bien plus riche. Mais il évitait d'y penser. Le discours de l'écossais le toucha profondément. Il lui envoya un regard plein de reconnaissance. Parler de son humour et de son efficacité. Voilà de quoi faire plaisir au sorcier noir. Rhys parut reconnaissant de ce regard et partit se poster auprès de Carré ou un truc comme ça. Le témoin de Laure.

Il jeta d'ailleurs un regard à sa future épouse. Elle était de marbre. Une jeune déesse finement ciselée dans de la glace. Elle jouait son rôle, faisait ce qu'on lui demandait. Rien de plus. Mohamed accusa le coup. Il était prêt à prendre sur lui. Ce qu'il lui demandait surtout, c'était de porter ses enfants. Mais il ne désespérait pas la rendre heureuse. Mohamed aimait voir les femmes heureuses. Les gens qu'il aimait en général. Et il avait décidé, sinon d'aimer, au moins d'apprécier cette femme qui allait partager sa vie. Il lui lança une œillade déterminée, juste avant que le prêtre ne commence son discours.

Il parla de contrainte. Mohamed pinça légèrement les lèvres. Bien sûr, il savait qu'elle venait de mentir en répondant oui, qu'elle entrait dans ce mariage du fait de sa volonté. C'était politique. L'union de deux grandes familles, la renaissance des Al Hattal, lorsqu'elle lui aurait donné des enfants. Il ne serait plus le seul membre pur de sa famille. Réjoui par cette perspective, il répondit à la première question avec un petit sourire :

-Oui.

L'amour mutuel, le respect. L'engagement à vie. Il s'y plierait, tant bien que mal, il tenterait de construire quelque chose, avec cette petite qui aurait pu être sa fille. Si l'enfant que Selena lui avait dit porter quand elle l'avait quitté avait vécu, il ou elle aurait été environ de l'âge de Laure Cross. Mais il était inutile de s'appesantir là dessus. L'enfant, l'embryon, plutôt, avait été supprimé, il avait quitté cette femme, il avait quitté Orphéo. Et aujourd'hui, il réalisait un rêve.

-Oui, répondit-il de nouveau, à la suite de la française, dont la voix était lourde comme une chape de plomb.

Enfin l'officiant passa à la partie préférée de Mohamed : les enfants. Cette fois ici, il pouvait être sûr que le "oui" serait sincère. Elle était jeune pour tomber enceinte, à peine plus de 18 ans, mais c'était pour le mieux. Son corps était jeune et fort, et Mohamed comptait bien avoir beaucoup d'enfants. Au moins quatre. Il y avait déjà Elaïa, qui babillait sur les genoux d'Ysoline. Son regard se posa sur Dorian. Extrêmement sérieux, l'air absolument satisfait. Un peu effrayant, même. Mohamed ressentit une fois de plus à quel point il le respectait, et lui était reconnaissant de lui offrir cette femme de sa famille en mariage.

Il fut fait mention de Dieu. Mohamed était du genre à assimiler le Dieu des chrétiens au sien, celui des musulmans. Et à celui des juifs tant qu'à faire. Il avait prévu d'emmener Laure au Maroc pour leur lune de miel, et de faire une petite cérémonie là bas, selon la tradition musulmane. Il y aurait quelques sorciers marocains de sa connaissance, et ce serait tout. Ce ne serait pas une cérémonie réellement officielle, même s'il y aurait un imam, car il ne voulait absolument pas convertir sa femme de force à sa religion, il n'en voyait pas l'intérêt. Si elle en exprimait le désir, il y accéderait avec plaisir, mais il n'était absolument pas strict avec cela. Les obligations qu'il s'imposait pour l'Islam, il ne se les imposait qu'à lui. Il en serait de même pour leurs enfants : ils auraient le choix.

Mohamed pensa de nouveau aux bambins qu'il allait avoir et répondit avec un certain bonheur, qui contrastait avec le ton sans vie de Sakura :

-Oui.

On leur demanda de tendre leurs mains gauches. Deux moitiés d'une même rune furent dessinées à l'encre magique sur leurs mains. Elles étaient permanentes, et ne pouvaient être rompues que par une autre rune, la rune de rupture. L'encre pouvait devenir invisible selon la volonté de la personne qui la portait, précaution qui avait toujours été, étant donné qu'il fallait cacher le Secret aux Innocents. Puis, un gosse moitié Cross, moitié autrefamillefrançaisedontilavaitoubliélenom, vint apporter les bagues. Moha le remercia avec un sourire chaleureux, qui fit rougir le petit de six ans. Il prit le plus fin, argenté, frappé des initiales des Cross et des Al Hattal entrelacées et de quelques runes, et le passa à l'annulaire de Laure. Elle leva vers lui un regard glacial avant de passer son alliance à son doigts à lui. Un frisson parcourut l'échine de Mohamed. Il avait envie de cette jeune femme, envie de faire marcher leur future vie commune.

Avant que le prêtre ne finisse son discours en l'autorisant à embrasser sa... femme -Sa femme maintenant, oui- il tendit la main vers la sienne, et la pressa doucement, avant de pivoter afin d'être face à elle. Il vit un pas, posa une main sur la joue de Laure, et l'embrassa, tendrement. Elle y répondit à peine, juste de quoi sauver les apparences. Puis le sorcier se détacha de la jeune mariée, et prit sa main afin de sortir avec elle de la pièce. Ils allaient maintenant se diriger vers la salle de bal du manoir, pour le vin d'honneur.
Juste avant de sortir, Dorian passa près de lui, comme un fantôme, et lui murmura des félicitations, auxquelles il répondit par un signe de tête entendu. Le chef de Croix savait bien à quel point il était reconnaissant. Mohamed sourit légèrement et prit Elaïa dans ses bras alors qu'il passait devant Ysoline. Le regard plein d'amour, il lissa la petite robe blanche et rose de l'enfant et la tourna vers Laure :

-Ela', voici ma femme, qui sera ta nouvelle maman si tu le veux bien. Laure, je te présente ma fille, Elaïa.

La Cross -Cross-Al Hattal à présent- ne répondit pas, mais hocha la tête, regardant très rapidement la petite.

On porta un toast à leur union. Mohamed aperçut Anja, de loin, qui restait à bonne distance de sa petite fille. Puis ce fut le temps du repas. Les esclaves s'étaient surpassés. Fruits de mer en entrée, cuisine traditionnelle bretonne en plat principale, et pâtisseries marocaines en dessert. Lorsque le dîner fut fini, Laure dut, comme le voulait la tradition, ouvrir le bal en dansant la valse avec Dorian. Elle s'était raidie. Les quelques minutes que durait le morceau sembla une éternité. Puis enfin, le silence. Le chef et sa nièce se stoppèrent. Lui alla chercher Louyse. Mohamed se leva alors, et tendit la main à sa femme :

-M'accorderez vous cette danse... Madame ?

Il allait la tenir contre lui, quelques heures encore de nervosité, et puis tous les convives s'éclipseraient. Et ils seraient seuls, face à face, dans leur nouvelle chambre au manoir, enfermés dans leur nuit de noces. Frisson.