Tant que demain se lève encore - Page 2

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 Tant que demain se lève encore

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Allen Kristiansen
Admin || Nounours ennemi des épinards || Directeur Orpheo Canada
MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore - Page 2 EmptyDim 14 Jan 2018 - 16:10


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Vous avez déjà parlé à un mur ? »

Pas devant un miroir pour améliorer son charisme s’entend – non, il n’y a pas que les Sims pour faire ça, c’est une vraie méthode – mais parler à un mur juste pour le plaisir de ne pas te faire couper, d’être certain d’avoir raison, de déverser une rage enfouie parfois. Ça peut être sympathique de faire ça parfois, juste pour lâcher les nerfs. Mais voyez-vous, pour que cela marche, il faut que le mur reste un mur. Quelque chose de froid, d’inorganique, de plat, d’uniforme – le papier peint défraîchi de mamie Jeanine ne compte pas – et surtout d’immobile.
J’en viens au problème. Simje, tu n’es pas un mur, ni même une jouvencelle protégée dans son château fort. Je ne suis pas non plus le preux chevalier que tu n’as, de toute manière, pas l’air d’attendre. J’aimerais bien le sortir de cette espèce de bulle, mais avant même de m’atteler à la tâche, j’en comprends la difficulté. C’est un peu vexant, je dois l’avouer, d’être ainsi mis sur le côté comme si, finalement, on ne valait pas grand-chose. Je suis prêt à faire des efforts de mon côté, mais qu’en est-il du sien.
Est-ce qu’on pourra continuer comme ça ?

- Sérieusement ?

Ça amène à une réponse de ma part ou bien est-ce une question rhétorique ? Non, parce que s’il s’agit de me faire parler, je n’ai pas besoin de questions, je vais te donner toutes les réponses. Je devine à son regard un profond désaccord. Peut-être qu’il va me mettre à la porte après tout. Peut-être qu’il va me frapper. Bah, qu’il essaye, ça ne m’effraie pas et ça aura au moins eu l’effet escompté. C’est tout ce que je lui demande après tout.

Alors oui, sérieusement. Sérieusement, tu vas finir cette clope et on va parler. Tu vas le faire parce que je ne te laisserai pas le choix de toute manière. Et si t’en as vraiment marre, tu n’auras qu’à me le dire, mais me le dire franchement. Je ne sais même plus quel sujet aborder tant ces derniers se bousculent à la sortie de ma tête. Lui demander comment il se sent et attendre une vraie réponse ? Bah, c’est pas du tout son style de se confier, ça j’ai bien compris. Parler du Sri Lanka ? Haha, le synonyme de qui finira bourré le premier, c’est ça ? Parler d’autre chose ? Dans un climat comme celui-ci, ce serait comme déposer volontairement un cheveu sur la soupe. Un bon gros cheveu bien épais.

Non, je devrais simplement l’informer de toutes mes pensées, les lui balancer à la figure sans respect. Est-ce que c’est bien ? Est-ce que j’agis dans le bon sens ? Ne devrais-je pas plutôt le ménager ? Il risque de se rouler encore plus en boule si je le brusque, mais quel choix ai-je donc ? Rester silencieux ? Jouer au plus fin ? Quel intérêt.
Non, je préfère bien tout envoyer, me confier comme l’on se confie à un mur, à la différence que ce dernier possède des oreilles et une bouche pour réagir. On pourrait engager un dialogue non ? Tu sais ce qu’est un dialogue quand même ?

Mon monologue s’étale sur la durée. J’en dis bien plus que je ne pense et je pèse chacun de mes mots. Le rythme est un peu rapide mais régulier. Et lorsque la dernière phrase, cette proposition claire et précise, vient terminer mon discours, je me sens tout à coup un peu plus léger. Ce n’était pas vraiment l’objectif mais c’est déjà ça de pris et puis je suis un peu plus prêt pour entendre la réponse de Simje.

Ce dernier s’assoit sur le rebord de la fenêtre et avant même qu’il n’ouvre la bouche, je sais que ce sera de. La. MERDE.

- Alors comme ça même pas tu m'embrasses parce que j'te plais ?

Bon, au moins, on commence quelque part et il n’y a plus cette tension de « j’te parle pas ». Si c’est mieux, si c’est pire, aucune idée. Dans l’instant, je suis juste terriblement, mais alors au plus profond de moi, complètement vexé. A un point que mon corps tombe comme une masse contre le dossier du canapé. C’est pas possible d’avoir un ami pareil. Wouah, mais je veux dire WOUAH, on l’a pêché dans un cirque, ça se passe comment ? Je ne sais même pas si je dois rire, partir, lui crier dessus, rentrer dans son jeu, le frapper un bon coup – mais la violence ne résout rien et je n’aime pas frapper les gens – ou simplement l’ignorer.

Pour l’instant, les bras, les jambes, le corps, les mots m’en tombent. Je me suis bien préparé à toute alternative mais celle-ci me sidère complètement. C’est du lard ou du cochon ? Je voudrais rentrer dans son jeu et à vrai dire cela pourrait grandement me permettre de le faire reculer dans ses retranchements mais après tout, il cherche juste à tomber du bateau. A se défendre ? Est-ce que ça voudrait dire que j’ai été un peu trop agressif ? À peine. Juste. A. Peine.

- Je pensais que c'était pour la vie nous deux. J'ai le coeur brisé.

Est-ce qu’on a déjà eu du respect l’un pour l’autre ou bien est-ce que ça s’est toujours passé comme ça, à se titiller éternellement pour on ne sait trop quoi d’ailleurs. J’ai l’impression d’être face à un gamin qui a des problèmes de hiérarchie. Qui veut rendre des comptes. Je secoue lentement la tête pour marquer malgré moi cette lourde déception. Après tout, à quoi est-ce que je m’attendais ? À ce qu’il me réponde honnêtement ? J’apprécie énormément Simje. A ce jour, il est l’un des seuls pour qui je serai capable de me plier en quatre, voire plus. Je pourrais sauter dans un avion pour le rejoindre s’il me le demandait. Sombrer une nouvelle fois sous ce caillou s’il le fallait.
Et lui alors ? Et lui, qu’est-ce qu’il en pense ?

Je ne devrais même pas me questionner.
Maintenant, je me sens juste tellement misérable. Presque trahi dans ma confiance, celle que je n’accorde pas en général. Et toi, Simje. Tu fanfaronnes parce que tu as… Tu as quoi au juste, peur ? Peur de me parler ? Peur de parler ? Qu’importe, tu t’exprimes à la légère sur une relation lourde. Une relation que je n’ai jamais vraiment demandée mais qui t’as visiblement touché, peu importe la manière dont tu le perçois. J’ai juste besoin de ton amitié et tu blagues sur l’amour.

Et qu’est-ce que ça te ferait hein, si je prenais crédulement tes paroles pour des faits réels ?

-Moi aussi.

Voilà ma seule réponse. Un « moi aussi » au cœur brisé, à celui qui pensait que ça pouvait effectivement durer longtemps mais que les phrases moqueuses ont su refroidir. Un « moi aussi » qui sonne comme un « je comprends ». Un « moi aussi » calme, posé, inscrit sur un papier et laissé sur une table abandonnée au milieu de nulle part.

Un « moi aussi » qui n’attend plus rien mais qui espère toujours.

Je me lève alors plutôt rapidement et file vers la porte d’entrée pour y déposer ma veste sur mes bagages, puis crèche dans la cuisine dans l’espoir d’y trouver un quelconque alcool fort. Et à mon grand soulagement, il y en a un peu. Je prends deux verres et revient alors dans le salon, dépose ces derniers ainsi que la bouteille sur la table basse, serre un fond dans chacun des verres et m’en saisis d’un pour en vider le contenu d’un coup. Je repose le verre sur la table et me décide enfin à parler :

-Ça a toujours été bizarre entre nous de toute façon. On devrait juste discuter mais avec toi, va savoir pourquoi, les actes en disent plus que des mots. Je devrais sans doute te faire un câlin là maintenant mais je ne sais même plus si j’ai le droit, vu le ton que tu donnes à tes paroles. T’en penses quoi ? Je devrais faire quoi ? Me sentir blessé et partir ?

Parce que je le suis pour le moment, blessé et avec l’envie de partir. Et celle de rester aussi. Je ne sais même pas à quoi me fier, à qui me confier. Je ne sais pas de quoi parler parce qu’au final peut-être que c’est moi qui en ai le plus à dire. Peut-être qu’il accuse juste mieux que moi les situations. C’est moi le mec qui refuse de lâcher prise dans cette histoire et peut-être que c’est moi qui la rend complexe et anormale. Je n’en sais rien, même la culpabilité elle hésite à se présenter.
Peut-être qu’il a juste raison de tout vouloir enfouir et qu’au final je devrais faire pareil.

-On peut aussi juste boire un verre comme tu l’as dit. J’ai dit ce que j’avais sur le cœur maintenant tu en fais ce que tu veux, tu bois ici, dehors, avec ou sans moi. Fais comme tu veux mais je suis là.

Et je reste là. Même si j’ai un peu envie de partir et que j’ai un peu peur que tu me blesses aussi. Mais hey, les amis c’est là pour ça aussi. On accuse et on espère que ça améliorera les choses.
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Solitaire | Patpatpatpatpatpat
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Simje Voniestosiwjski
Simje Voniestosiwjski
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore - Page 2 EmptyDim 14 Jan 2018 - 22:14

The second someone mentioned you were all alone
I could feel the trouble coursing through your veins
Now I know, It’s got a hold
Just a phone call left unanswered had me sparking up
These cigarettes wont stop me wondering where you are
Don’t let go Keep a hold

J’aimerais pouvoir entendre le froissement d’un coeur qui se serre.

Je n’entends rien. J’entends mon coeur, j’entends le sien, mais rien ne semble différent de quelques instants auparavant. J’aimerais savoir où me mettre, j’aimerais savoir où je dois me placer.


-Moi aussi.

Simje ferme subitement les yeux et l’air qu’il se donnait jusqu’alors tombe sur le sol. Le masque s’échoue lamentablement alors qu’il ferme fort les yeux, de longues secondes. Allen n’était pas la cible. Bordel.
Il n’a jamais voulu qu’Allen le prenne pour lui, encore moins le blesser. Il voulait rester en surface, il voulait nager. Pas plonger. Il aurait juste voulu qu’il comprenne Allen que c’est peine perdue, que y’a plus rien à sauver chez lui, même pas les meubles, que ça ne sert à rien de, je sais pas, me réparer ?
Il répondrait volontiers qu’il n’est pas cassé. Mais bordel, c’est le genre de questions que je me pose pas, je les contourne avec joie. Mais quel est le problème là dedans ? Genre personne d’autre ne fait ça ?
Pourquoi faudrait-il alors parler ? C’est quoi ce pote qui te met au pied du mur sans cesse ? Pourquoi est-ce qu’il fait ça ? Quel intérêt ?
Est-ce qu’il s’en rend compte, au moins, qu’on se reverra sûrement pas et que tout ce qu’il engage dans notre relation, ça ne lui reviendra pas ? Qu’on sera tellement loins l’un de l’autre que c’est pas la peine, pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

A vrai dire, il pourrait sombrer facilement dans le pathétique. Il pourrait dire « mais putain, regarde qui j’ai à te présenter, regarde l’immense bande de potes que j’ai, regarde qui j’appelle quand ça ne va pas.
Dis-toi que ce n’est pas pour rien. Que ça va pas la peine » mais ça serait faire la victime et ce n’est définitivement pas ce qu’il ressent. Ce qu’il ressent c’est qu’il a toujours été sur la défensive et que finalement c’est sûrement que ça lui va. Et qu’il blessera Allen. Que c’est un fait. Que ça va arriver parce qu’il ne sait pas faire, Simje, que c’est un gros handicapé relationnel mais que ça lui va bien. Il sait faire avec.

Et il ne sait pas faire sans.

J’aimerais entendre le froissement d’un coeur qui se serre.

Je n’entends rien.
Seulement le battement que mon coeur rate quand Allen se lève, et se tire vers la porte d’entrée.

Alors c’est tout ? Tu m’brises le coeur, j’brise le tiens et tu te tires.

On pourrait en écrire des histoires avec ça.


Il serre les dents. Allez vas-y c’est le moment de toute façon, casse toi. Il pense déjà à sa deuxième main qu’il pourra briser contre un deuxième mur.
Mais pourquoi tant de colère ? Tu cherches à le faire partir, soit pas un gamin Simje, n’agit pas comme ça si c’est pas ce que tu souhaites.

Mais Allen ne se barre pas, il dépose juste ses bagages et va chercher de l’alcool et des verres, les remplit, les pose. Nia nia nia, ne boit pas Simje, c’est mal et ça résout rien, allez trinque avec moi avec de la vodka !
Sérieusement la cohérence est morte.

-Ça a toujours été bizarre entre nous de toute façon. On devrait juste discuter mais avec toi, va savoir pourquoi, les actes en disent plus que des mots. Je devrais sans doute te faire un câlin là maintenant mais je ne sais même plus si j’ai le droit, vu le ton que tu donnes à tes paroles. T’en penses quoi ? Je devrais faire quoi ? Me sentir blessé et partir ?

Bien sûr qu’Allen met le doigt sur la vérité. Et Simje hait, mais alors hait ce ton, cette voix, ces mots. « T’en penses quoi ? » Principalement que j’ai plus six ans et que j’ai conscience que tu n’es pas autant influençable que tu le penses, la preuve, malgré tout t’es encore là, tête de pioche de compétition .

- C’était pas fait pour te blesser, Allen.

Simje soupire, Allen continue.

-On peut aussi juste boire un verre comme tu l’as dit. J’ai dit ce que j’avais sur le cœur maintenant tu en fais ce que tu veux, tu bois ici, dehors, avec ou sans moi. Fais comme tu veux mais je suis là.

Le polonais se mord l’intérieur de la joue, s’assoit dans son canapé et invite Allen à prend place quelque part, s’asseoir que ce soit le sol ou le plafond il s’en fiche; allez viens, reste.
Il descend cul sec le verre, c’est de l’alcool fort mais pas dégueulasse et il s’en ressert un verre, le descend et s’en ressert un troisième. Mais juste pour le regarder celui là.
Nouvelle clope, petit sourire.
Contrit, cette fois.

- T’abandonnes jamais ?

Mais c’est amical, c’est doux, c’est, comment est-ce que j’en suis arrivé à tenir autant à toi ? A quel moment est-ce que c’est arrivé ?
Il tire et il se doute bien que la fumée doit emmerder Allen mais il à l’impression que sa cigarette - lui qui fume peu - est la chose la plus réelle à laquelle il puisse se raccrocher à l’instant. Rien n’a changé par ici, au moins.

- Chacun fonctionne comme il peut. Une fois que c’est passé, c’est passé, je suis pas du genre à ressasser. Je ne remettrai jamais consciemment les pieds dans mes souvenirs du Sri Lanka. Je ne penserai plus jamais à cet entrevue débile. C’est parti, c’est oublié, ça ne compte plus.

Il sent l’alcool dans son ventre, sévère. La brûlure dans l’estomac mais le réconfort qui arrive. Les secours, les renforts.

- Et je sais bien que c’est n’importe quoi, que je sais même pas comment on est arrivés là. Je sais même pas ce qu’on va pouvoir en faire, de ça.

Ca ? Leur relation.
Il passe ses deux mains dans les cheveux, l’odeur de la clope les imprègne, il a envie d’aller prendre une douche et de sombrer dans l’inconscience d’un sommeil sans rêves.
Il sait aussi que si il se pose pour dormir il restera les yeux grand ouvert à repousser les multiples pensées, guerrier inlassable qui bute toutes les nuits les indésirables, encore, encore, encore, encore.
C’est presque devenu son moment préféré de la journée.
Le matin il pourra dire à nouveau « still alive »
Il sait bien au fond que c’est de la triche, qu’il n’est pas en train de parler de lui, qu’il ne dévoile rien et qu’il reste sur ses positions mais au moins, au moins il a arrêté de repousser Allen et de jouer.

- Tu vois là, là c’est moi qui aimerait que tu ne repartes jamais.

Cartes sur table.
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore - Page 2 EmptyLun 15 Jan 2018 - 23:29


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Parce que l’être humain, c’est un concentré d’émotions. »

Des émotions qui roulent sur le carrelage, qui tourbillonnent dans les moments magiques, s’affaissent ou rebondissent. Si l’on pouvait faire des sons avec les émotions, ce serait la plus belle musique du monde. Rythmée, saccadée, lourde, lente, joyeuse, triste, raffinée, colorée. Il y en a qui gardent tout pour eux, parce que partager c’est mal vu, parce qu’un quatre mains c’est plus difficile à mettre en place qu’un solo. Mais au moins, l’avantage c’est qu’on est deux pour affronter la scène. Et puis, avant le concert, il y a les répétitions. Jusqu’à ce qu’enfin la dernière note, le dernier accord puisse se faire sans heurt.

Je devrais faire de la musique avec lui. Pour constater, voir à quel point tout n’est pas perdu, s’accorder et créer une jolie mélodie. Je suis certain qu’elle serait magnifique, mais pour cela il faut qu’il accepte de poser ses doigts sur la longue rangée de notes noires et blanches. Des notes noires pour les choses tristes et amères, les notes blanches pour les saveurs édulcorées et les belles tonalités. On se rendrait peut-être compte que la vie c’est comme un piano et qu’au final, des touches noires il y en a moins que des touches blanches, qu’elles sont justes encastrés dans la vie comme des boutons qui ne veulent pas partir. On vit avec et ça nous fait avancer, monter jusque dans les aigu. En plus, ces petites touches noires nous offrent des variantes, des nuances qui n’auraient jamais existées.

La vie c’est peut-être comme un piano.

Mon « moi aussi » résonne un peu différemment. Une petite, microscopique touche noire dans ma vie mais qui dissone fort dans mon esprit. Je n’aime pas trop quand on joue avec mes sentiments, parce que j’ai l’impression de finalement avoir rien accompli. Pire même, d’être reculé. Je ne veux pas reculer avec Simje, parce que c’est déjà dur d’avancer. Il y a des fois où ça va bien, mais aussi un profond trou dans la connaissance de l’autre. Et ton passé, il est comment ? Comment tu réagirais à ça ? Est-ce que tu veux un câlin ? Simje, t’es vraiment un gars bien, mais l’absence de mots c’est pire que tout pour moi.

Son visage se métamorphose et une drôle d’intuition me porte à croire qu’il regrette un peu. Je ne relève pas, je n’aime pas trop le voir comme ça mais je suis encore un peu sur la défensive, enfermé dans un petit cocon ouvert juste assez pour laisser passer un regard. Est-ce que tu ne te sens pas un peu seul ? Est-ce que c’est si dur de me dire que tout ne va pas bien autrement qu’à travers tes regards ? Finalement, c’est sans doute une bonne chose pour moi d’être lecteur de pensée. Peut-être que ça l’arrange un peu aussi ? Impossible à dire, il n’a même pas l’air d’y songer. Tu pourrais au moins essayer de me dire pourquoi tu ne veux pas parler ? Je cesserai peut-être enfin de deviner tes réactions en les calquant aux miennes. On ferait alors un saut prodigieux en avant. Je comprendrais.

Alors, qu’est-ce qu’on est l’un pour l’autre ? Aucune idée, mais est-ce qu’on a vraiment besoin de le savoir ? Puisqu’on ne parle pas tant que ça des choses qui ne vont pas, pourquoi faut-il qu’il y ait des mots soudainement ? Je ne saisis pas la logique. Pour être honnête, je m’en fiche un peu. Et à l’instant où je pars, je ne peux pas m’empêcher d’être pris de curiosité quant à sa réaction. Même si c’est une simulation, même s’il est hors de question que je quitte cet appartement, qu’est-ce que ça lui aurait fait si ça avait été le cas ?
Je cherche à répondre à mes questions. Si je compte pour lui. Est-ce qu’il se sentirai abandonné si je quittais là maintenant ce studio, le bâtiment, la Pologne, lui ? Et c’est un oui prononcé. Caché dans la cuisine, non pas fier de mon coup mais tout du moins soulagé, je dépose un petit pansement tout doux sur ma blessure précédente. Je suis plus à même d’affronter le reste. Je reviens avec de l’alcool, en me disant qu’après tout, quitte à finir bourrés, autant le faire chez soi et ne pas déranger les bars du coin.

Ce sera toujours quatre étages de moins à monter. Haha.
Quatre étages pour deux bourrés. Pas le plus beau des programmes.

J’inspire et revient me poser près de la table basse et engloutit un verre. C’est dingue ce que l’alcool peut faire au corps. On nous répète que c’est mauvais pour la santé et pourtant c’est comme une drogue, une échappatoire légale aux problèmes du quotidien.

- C’était pas fait pour te blesser, Allen.

C’était pour quoi alors ? Les mots me brûlent les lèvres mais je vois à son visage qu’il pense sincèrement ce qu’il dit. Je ravale ma répartie, un peu heureux de retrouver le Simje un peu plus proche de mes souvenirs. Une personne extérieure pourrait se demander par quel mystère les situations parviennent à s’enchaîner avec de telles transitions et changement d’émotions. Je me pose les mêmes questions. Ce sont des vagues, douces ou dévastatrices. Mais pas assez pour détruire l’un ou l’autre. Ou en tout cas je l’espère.

Quand enfin le polonais s’approche, s’assoit, se pose enfin, un frisson de soulagement me parcoure de part en part, sans ménagement. Je prends la première chaise à proximité et la place à peu de choses près face à lui pour m’asseoir à mon tour. Bah, c’est moins confortable qu’un canapé, mais c’est toujours mieux que le sol. Faut juste penser à ne pas écraser le chien. Simje se sert une fois, deux fois et laisse la troisième en suspens dans le verre.

- T’abandonnes jamais ?

Un sourire étend mes lèvres, un peu peiné, et un petit toussotement l’enchaîne. Rire étouffé.

-Désolé.

Je me ressers un verre et en boit une petite gorgée. L’objectif, c’est de ne pas finir amorphe avant lui, quand même. Et puis je ne sais pas du tout à quel point il tient l’alcool celui-là. Je ferais bien une blague sur les polonais et l’alcool. Mais non, restons sérieux. L’ambiance se détend un peu et mes muscles sont les premiers à s’en rendre compte, plus détendu qu’à l’arrivée. Top départ de la course à la détente entre Simje et l’alcool. Prêt, partez.

Un point pour l’alcool qui ne fume pas en ce moment. Je n’ai jamais compris comment on pouvait trouver ce truc bon. Il paraît qu’il y a même des fumeurs qui n’aiment pas l’odeur. Va comprendre Charles. Le tabac froid, blablabla. Aucune différence pour moi, c’est mauvais et ça sent mauvais. Fin du débat.

- Chacun fonctionne comme il peut. Une fois que c’est passé, c’est passé, je suis pas du genre à ressasser. Je ne remettrai jamais consciemment les pieds dans mes souvenirs du Sri Lanka. Je ne penserai plus jamais à cet entrevue débile. C’est parti, c’est oublié, ça ne compte plus.

J’aimerais beaucoup avoir ce genre de capacités. Pouvoir oublier, ou tout du moins tout enfouir pour ne jamais le déterrer. Mon problème, c’est que ça ressurgit dès qu’une situation tourne au vinaigre ou s’approche un tant soit peu d’un souvenir désagréable. Cf plus tôt. J’acquiesce doucement. Sans savoir si cette technique est une bonne chose ou non, cela me permet au moins de cerner un peu mieux ces réactions d’auto-défenses. Si je devrais essayer de faire pareil ? Ah, non. Je ne parviendrais jamais à devenir un Simje, il est trop fort pour être lui-même.

- Et je sais bien que c’est n’importe quoi, que je sais même pas comment on est arrivés là. Je sais même pas ce qu’on va pouvoir en faire, de ça.

Je m’enfonce un peu plus dans la chaise. En faire de ça ? Je ne sais pas, commencer par la vivre, simplement ? S’il faut que ça prenne des années pour se stabiliser, alors soit. Si ça ne se produit jamais, et alors ? Le jour où ça nous dérangera vraiment, il faudra le dire, poser cette situation à plat, vraiment à plat. Mais pour l’instant, pour l’instant est-ce que c’est nécessaire ?

- Tu vois là, là c’est moi qui aimerait que tu ne repartes jamais.

Je cligne des yeux, un peu frénétiquement, et relève les yeux sur les siens pour marquer ma surprise. Je ne devrais peut-être pas paraître si surpris mais… mais la sensation est là. Je suis touché et tout s’est envolé e l’espace d’une seule seconde. Et la réponse fuse, profonde.

-Je n’ai jamais eu l’intention de partir.

J’ai envie de préciser pas là, pas tout de suite, pas tant qu’il se trouve dans cet état, mais mon esprit percute alors de plein fouet le « jamais ». Le mot de fin de phrase. Je reste un instant focalisé sur ses iris tous bleus et baisse la tête. Souffle d’un seul coup en posant mes coudes sur mes cuisses. Un souffle brutal et sidéré. Qui ne sait plus trop où se mettre. Je ne sais plus trop où me mettre. Mes paroles se font plaintives.

-T’es pas possible Simje. Y’a deux minutes j’aurais pu te frapper de colère et là tu me dis ça. C’est… enfin... Je pensais que ça va, à presque trente ans, les émotions elles étaient sous contrôle, mais alors toi… T’arrives et c’est le festival dans ma tête. T’as raison, je ne sais vraiment pas ce qu’on va en faire, de « ça », comme tu dis.

Mais on va le vivre à fond et on fera des concerts à quatre mains tous les deux, tous seuls sur la scène devant des milliers de personnes. Et puis on répètera des dizaines de centaines de fois avant ça. Je prends mon verre et dit alors.

-Ce qui est sûr, c’est que je ne t’ennuierai plus avec toutes ces histoires. Du coup, on le porte à quoi ce toast tardif ? Et pour information, je suis content de t’avoir rencontré. Même si tu as brûlé mon QG.

Ouais, je me sentais obligé de le souligner ça. Et de rire un tout petit peu.
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Solitaire | Patpatpatpatpatpat
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore - Page 2 EmptyMar 16 Jan 2018 - 13:04

L’atmosphère se relâche subitement et le polonais aurait bien du mal à l’expliquer. Ils sont sur les montagnes russes depuis le début. A vrai dire, même quand il essayait de parler de lamantin pour éviter de dire qu’il avait cramé le QG il avait senti en Allen, ce sentiment, vous savez, comme si vous aviez connu ces personnes en question dans vos vies précédentes ? Un frère, un cousin, un fils, un amour, un ami. Peu importe.
Il évite globalement de penser à ce genre de choses pour ne pas partir seul dans des débats trop profonds, vous savez ce genre de moment où vous n’arrivez plus à arrêter de réfléchir sur des choses futiles.

Pourquoi quand tu me touches je sens de quelle couleur tu es ?

Allen se remet à sourire, et nous sommes sauvés. Il semble vaguement gêné mais son visage s’est à nouveau ouvert. Il est choupi quand il est comme ça, plus relâché et plus serein.

-Désolé.

Simje hausse vaguement les épaules, l’air de dire c’est oublié. J’oublies toute ma vie alors j’oublierai assez vite que bordel, jamais tu lâches, on dirait ces chiens là, qui attrape une corde et que dommage c’était pas un jouet, et tu dois passer des milliards d’années avant de leur faire lâcher l’affaire. Il est pareil Allen mais version humain qui a un pied de biche entre ses mains pour essayer de vous forcer à vous ouvrir.

Non, c’est totalement exagéré.

Il est juste humain, il y a des trucs qu’il aimerait bien et que je pourrais pas vraiment lui donner.
Tout comme il y a des trucs que je voudrais, et que jamais, je n’aurais.
Belle frustration mutuelle ça, c’est bien. Bonne relation. Belle amitié.


-Je n’ai jamais eu l’intention de partir.

Simje a un petit sourire, tout gêné gêné. En sachant qu’il préfère tout, TOUT, à la gêne, même la peur et la douleur ça lui semble moins insurmontable. L’humiliation et la gêne sont les pires choses qui puissent lui arriver mais cette fois, c’est chaud et froid à la foi, et Allen qui souffle ça ne l’aide pas. Les deux se sont bien enfoncés loin et gelèrent désormais à sortir.

-T’es pas possible Simje. Y’a deux minutes j’aurais pu te frapper de colère et là tu me dis ça. C’est… enfin... Je pensais que ça va, à presque trente ans, les émotions elles étaient sous contrôle, mais alors toi… T’arrives et c’est le festival dans ma tête. T’as raison, je ne sais vraiment pas ce qu’on va en faire, de « ça », comme tu dis.

Forcément ça lui étire un petit sourire en coin sur les lèvres. Il serait incapable de répondre quoi que se soit qui ne le ferait pas replonger dans l’attitude du gars chiant qui assume rien et passe son temps à tout esquiver, sentiments, émotions, responsabilités alors pour une fois cette semaine il la boucle.
Il se ressert quand même un verre, sentant d’hors et déjà l’alcool qui arrive dans ses jambes, dans ses pieds surtout, c’est toujours la même sensation qui lui plaît, le relâchement et puis le cerveau qui ralenti un peu.

-Ce qui est sûr, c’est que je ne t’ennuierai plus avec toutes ces histoires. Du coup, on le porte à quoi ce toast tardif ? Et pour information, je suis content de t’avoir rencontré. Même si tu as brûlé mon QG.

Au lieu de réussir à ouvrir Simje, on a réussit à refermer Allen. Peut être que c’est lui qui aurait eu besoin de parler, peut être que j’aurais du parler pour le laisser s’exprimer, on a fait tout l’inverse de ce qu’on aurait du faire, sérieusement, les mecs les moins sains du monde.
Les deux verres sont à nouveau plein alors que Simje sourit sincèrement - c’est plutôt un bon souvenir pour lui à vrai dire. Enfin, c’était pas son QG quoi.

- Je suis ravi d’avoir cramé ton QG.

Et le pire c’est que ravi c’est le mot. Toi non, je sais, blablabla l’argent aurait pu être utilisé ailleurs, mais quels teubés, mais quelle perte de temps, etc etc etc, mais moi j’ai pu causer lamantin et te rencontrer, te traîner sous un caillou (censure de pensées) et puis te ramener en Pologne et te faire faire, n’importe quoi.
Trop influençable le directeur.

Oh là là, dire qu’il m’a embrassé, hahahahahaha.


Il faut avouer qu’après toutes ces prises de têtes l’ambiguïté est presque intégralement retombée. Je dis presque parce que autant, on a tout coupé et il reste les racines, et je déteste affirmer des trucs dont je ne suis pas sûr. Autant rester sur mes gardes, il est surprenant le caribou, surprenant et fourbe.

- On le porte à toi, Allen, ce toast.

Cette fois ci il est à l’aise (il est déjà tipsy entre le manque de sommeil et l'absence de nourrite), ce qui est rare, oh là là mais tellement rare, est-ce que au moins c’est déjà arrivé ? Il sourit, tout ironique qu’il est, presque moqueur, joueur et il dit :

- Grâce à toi quand je serai vieux, j’aurais des milliards d’histoires à raconter.

Et puis voilà, c’est l’histoire de deux gars qui causent professionnellement parce qu’ils n’ont pas le choix, et puis c’est l’histoire de deux professionnels qui font n’importe quoi et ça fini n’importe comment, des histoires sans queue ni tête mais surtout des sentiments et des émotions qui ne se contrôlent pas et qui ne s’en vont pas.
Et à ce moment précis, alors que Simje lève son verre il sait qu’il n’oubliera pas et qu’il pourra rejouer ces souvenirs sans trop se torturer - heureusement qu’Allen n’est pas parti.

Peut être qu’au moins cette fois il a appris qu’en parlant, les choses s’évanouissent, tout comme sa gêne s’est évanouie quand il avait annoncé que le QG n’était plus. Tout comme la peur s’est évanouie à l’instant autour de verres, de clopes, et surtout de mots.
La seule angoisse contre laquelle il ne peut rien est celle qui lui dit qu’ils ne se reverront pas, que le temps les aura à l’usure et qu’il y a bien un moment où ils ne parleront pas, ils ne parleront plus, ils oublieront. Mais ça, il sait bien qu’il aura beau en causer ça ne changera rien, ils ne peuvent ni promettre ni dire oui, non, rien.

Il trinque et avale le verre.
Les années qui vous bousculent
Et qui vous perdent
Sont les meilleures années.

And so are those friends.
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Tant que demain se lève encore

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