Dansons la polka en mangeant de la poutine (rapée)

C'est... la... fête !

Cette journée c'est un peu l'angoisse et la folie à la fois. Mais aussi beaucoup de bonheur. C'est l'anniversaire de mon papa. Mon papa qui a 60 ans, aujourd'hui. Hé oui, ça vous en bouche un coin hein ? Non, ça vous en bouche pas un coin ? Moi si. Il est vieux. Enfin il n'a pas l'air si vieux que ça quand on le regarde bien, le Creed. Il a même plutôt posément l'air d'avoir seulement dix à quinze ans de plus que moi. La triche quoi. Oui, ok, ça sera la même avec mes enfants quand j'en aurais, mais pouet.

En vrai c'est plutôt cool pour mon papa qu'il fasse pas son âge hein. Mais il fait quand même un peu peur. Fear Angus Creed, mec avec une barbichette et un air sérieux au possible (et des yeux qui lancent des éclairs quand il se fache), chef de la section pénale du QG d'Orpheo Ottawa et à la fois PDG de la Creed's Tourist Company. Ouais le mec a pas de vie. Enfin si, il a, et c'est ça le pire, c'est vraiment le pire. Il a le temps d'aller tirer les nattes de toutes mes cousines les plus jeunes, de faire des remontrances à Abbey sur son style de vie, de jouer au hockey avec Charlie et par ci par là de me demander quand est-ce que je vais lui faire une petite fille (oui parce qu'allez savoir pourquoi, les bébé filles, chez les Creed, c'est sacré). Depuis que je suis marié, lui et ma mère me parlent que de ça. Autant vous dire que j'en peux plus. En plus c'est pas que je veux pas hein. Mais c'est la guerre quoi. Donc comme j'ai que 26 ans, Hayley que 25, et que les sorciers noirs veulent nous buter et qu'en plus y a même plus d'orphelinat dans lequel coller les mômes quand les parents meurent -je suis horrible putain-, bah on va prendre une grande inspiration, ranger ses gamètes bien au chaud pour plus tard, et se calmer.

Evidemment, mes parents sont tout à fait au courant de tout ça, et au final, c'est juste devenu une blague récurrente dans ma famille. Sauf pour les vieux du Nunavut qui pensent que de toute façon il faut procréer, procréer, procréer et encore procréer, et qui, en même temps, pensent que tout ce qui est jeune est con et pénible. Oui, ces gens là aiment bien râler.
Même mon cousin Octavius s'est mis à se foutre de moi sur le sujet. Et là putain j'ai un flash, oh mon dieu j'ai peur du jour où je deviendrai effectivement papa et où, par la présente, Octa le brocousin deviendra Octa le tontoncousin. Faudra que je cache mes enfants bien au chaud dans des cahutes du fond des bois. Sauf qu'il est métamorphe animal et que le fin fond des bois canadiens, bah ça le connaît mieux que moi. Zut.

Donc, tout ça pour dire que cette journée est flippante, mais à la fois très excitante. Je me suis réveillé à six heures pétantes pour aller faire chier ma mère dans la cuisine et essayer de l'aider à cuisiner des trucs, mais dès que j'ai eu grignoté quelques trucs, elle m'a méchamment envoyé décorer la terrasse avec ma télékinésie. J'suis un peu triste d'avoir jamais le droit de cuisiner, parce que moi, j'aime cuisiner. Et sauf les première fois où je cuisine un plat, je suis plutôt doué. Mais bon. J'aime bien aussi accrocher des petites lumières sur la terrasse, c'est cool aussi. Donc je l'ai fait, et puis Hayley est venue me rejoindre pendant qu'elle buvait son café, on s'est fait un bisou, et ensuite ma maman m'a chargé de corvée de ménage, ce qui est tout de même le truc le plus nul à faire quand on prépare une fête.

No comment sur le fait que ma mère me mène à la baguette alors que j'ai vingt six ans passé.

D'un côté il faut se souvenir que je dois me rattraper pendant le restant de mes jours auprès de ma famille pour avoir fugué juste pour aucune raison alors que j'étais juste un genre de pré-ado, un machin qui connait rien à la vie. Et j'ai survécu, bordel. Des fois, je réfléchis à mon passé, et je me dit qu'il y a un truc qui déconne chez moi. Je suis une anomalie quantique. C'est très joli ça. Je devrais proposer à Hayley de m'appeler sa petite anomalie quantique, c'est totalement chou.

Quand j'ai eu fini de récurer la maison de campagne qui est IMMENSE HEIN FAUT PAS DECONNER, c'était l'heure de manger, et Abbey venait de débarquer avec des sandwiches et un peu de charcuterie à faire griller. Elle s'est foutu de ma gueule parce que j'avais un look de femme de ménage hispanique, je lui ai mis un plumeau dans les cheveux, ma mère a failli réussir à nous tirer les oreilles, et on s'est installés dans le jardin pour grailler. C'était bon.

Merci Zach de nous raconter ta journée avec autant de détails, l'univers s'en trouve ra-vi.

Mais je vous en prie.

Et donc, au fur et à mesure de la journée, de plus en plus de cousins et autres gens chelous (les gens de ma famille sont tous chelous, selon moi. Mais si vous leur demandez, c'est moi qui suis chelou. Mais ne leur faites pas confiance, ce sont des gens chelou). Y a commencé à avoir plein de petites filles avec des nattes qui courent partout dans mes pattes, en pensant qu'elles aident à préparer la fête, alors qu'en fait non, elles font juste du bruit et du bordel, mais que comme j'aime beaucoup trop mes cousines et les filles de mes cousines, bah voilà, je dis rien et je souris comme un niais en essayant de fixer une saleté de nappe sur une table en bois, voilà, je me suis coupé avec une assiette en carton, tout le monde va ENCORE se moquer de moi.

Puis il y a aussi Caïus, le fils de ma cousine Thilda, qui a genre à peine un an et qui est le truc le plus baveux et joufflu que je connaisse, mais aussi le plus mignon. C'est aussi un peu un running gag, ce gosse, parce que c'est un des seuls mâles de la famille Creed. Du coup, avec Octavius, on l’entraîne à résister à l'oppression féminine. Quand il sera ado, on lui apprendra probablement à cramer des tampons. Non.

J'ai pas dit ça.

Après, tout compte fait, il faut bien avouer que la télékinésie, c'est hyper pratique pour préparer une fête. On peut soulever de la poussière, de la déco, des assiettes -si ma mère m'y autorise-, et même le chien. En plus, on peut se la péter devant ses petites cousines à faire voler des lampions tandis que notre femme soupire dans un coin de la pièce, tout simplement parce qu'après un an de mariage, elle en peut déjà plus de vous (c'est faux, je suis la lumière de son existence).
Sinon j'ai réussi à ne faire cramer aucune bouclette jusqu'ici, ce qui est plutôt positif. Mes précieuses bouclettes.

Après encore deux pauses café et une pratique de la télékinésie sur petite cousine (avant que ma mère et la mère de la petite cousine en question ne débarquent), Margaret -ma môman- me laisse enfin la rejoindre pour faire des petits fours dans la cuisine, où Hayley était déjà, à faire je sais pas quoi, d'ailleurs, probablement un truc secret et machiavélique de femme, ma mère fait plus confiance à mon épouse qu'à moi, je suis vexé, je boude.

Mais je m'applique quand même bien à tartiner la tapenade sur les petits toasts pour éviter de me faire gronder par maman.

Il est déjà dix-huit heures. Ca veut dire que dans une demi-heure les premiers Creed vont commencer à débarquer pour aider à finaliser un peu tout ça, et qu'encore trente minutes après ça, le paternel et les autres invités vont arriver. Du coup, je file me doucher, non sans me faire gratuitement jeter de la farine dans le dos par Abbey -Charlie est occupée avec les petites cousines, ouf-.

A dix-huit heures quinze, je suis tout frais pimpant sortant de la salle de bains. Avec les bouclettes mouillées, certes, maman va encore râler, mais j'aime pas le séchoir à cheveux, laissez moi tranquille. FFFF. Va voir ailleurs, Allen Kristiansen, sheitan du cheveu sec (mais soyeux ). D'ailleurs, lui aussi, il est invité. J'ai hâte de le voir pour lui pincer les joues. Comment ça on ne dit pas ça de son directeur de QG ? Non en fait j'entends rien, c'est bizarre, hein ? Mon immaturité est trop forte pour vous.

Blblbl.

Marque de fabrique de Canadien, vous pouvez pas comprendre.

Des fois j'ai aussi du mal à me suivre moi-même.

Je suis un bordel ambulant.

Je chante à tue-tête dans la salle de bain en tentant de replacer mes jolies bouclettes sur mon crâne, mais abandonne rapidement, me contentant de me trouver beau avec ma petite chemise grise à col blanc et mon jean noir. J'ai aussi de fort jolies baskets en daim gris, toutes neuves. Cadeau de n'Hay.

Il commence à faire légèrement sombre, dehors, et le jardin est super beau. Je me suis bien appliqué à faire des jolies runes de lévitation pour que Mr. -inspiration- VONIESTOSIWJSKI -expiration- soit fier de moi. Puisque c'est lui qui me l'a appris. Bon, il en saura probablement jamais rien. Mais disons qu'il est fier de moi, ok ?

Bref, la maison grouille de gosses en tous genre, j'ai trop envie de prendre Caïus dans mes bras et de le papouiller, puis d'arriver vers Hay avec un air de chien battu et de lui demander "allez, on fait le même ?", mais j'ai pas le temps, je dois servir des boissons, prendre les manteaux des gens, faire bonne figure, bla, bla. C'est chouette hein, j'adore ma famille, mais c'est l'angoisse. Du coup, pour chasser l'angoisse, je fais totalement le clown, et je passe pour l'abruti de la famille. Rassurez-vous hein, c'était déjà le cas avant ce soir, mais disons que j'empire et aggrave allègrement les choses à chaque, et je dis bien chaque, événement plus ou moins important de la famille Creed et/ou de la société magique canadienne, ce qui, finalement, revient presque au même. Et ça, c'est assez flippant.

Trêve de conneries.

(Non).

Mon papa arrive. Ce qui veut pas vraiment dire trêve de conneries, au final, mais plutôt, "on se calme un peu Zach sur le n'importe quoi, juste un tout petit peu, s'il te plait, allez, on sait que tu es capable de le faire, concentre toi fort, GO GO GO".

Papa, donc.

Je lui saute au cou comme un enfant de dix ans en beuglant :

-JOYEUX ANNIVERSAIRE PAPOUNET !

Et je lui pince les joues. Et il me lance des éclairs avec la première couche de ses yeux.

Oui les yeux ont des couches, vous êtes stupides si vous ne l'aviez jamais remarqué.

Et dans la deuxième couche de ses yeux, je vois beaucoup d'amour et de bonheur.

Sauf qu'il doit faire bonne figure et me remettre à ma place, parce que voilà, c'est comme un jeu entre nous, et que donc il me lance une petite tape derrière le crane, râle parce que mes bouclettes sont mouillées, ma mère dit "je lui avait pourtant dit de se sécher les cheveux", mes sœurs ricanent, mes cousines aussi (toutes des dindes dans cette famille), tout le monde blablate, se demande comment il va.

Moi dans tout ça j'essaie de faire le mec responsable qui a tout de même organisé la soirée, qui aide les invités, apporte des plats, résout des problèmes et qui veille à ce que ses cousines ne tombent pas dans le lac en contrebas de la colline. Ouais c'est un vrai job aux fêtes Creed, faut pas croire. Je suis résolu à être incroyablement multitâche et efficace ce soir, BOOM.

Je choppe deux margaritas avant qu'il n'y en ait plus et en offre une à Hayley.

-Toi je t'aime, toi.

Petit bisou mignon sur le coin des lèvres.

Ca va être une chouette soirée.

NoyeuxJanniversairechezlesCreed

Il y a quelques temps je n’aurais jamais pensé être dans un si bon moment. C’est vrai qu’on en a vécu des horreurs, et Dieu sait que mentalement c’était insupportable, et physiquement c’était pas mieux. Mais on s’en est sorti, maintenant c’est plus calme. Maintenant je me sens en sécurité au milieu de la plus grande famille d’humains doués du Canada.

C’est incroyable, en temps de « guerre », de pouvoir fêter aussi innocemment l’anniversaire de quelqu’un. J’ai l’impression d’avoir changé de dimension, comme si tout ce qu’on a vécu depuis qu’on est au Canada avait été le fruit d’un rêve. Je sais qu’une dimension parallèle n’a rien d’un rêve, quoi qu’en fait on n’en sache pas grand-chose.

Mais je ne vais pas m’éterniser sur les moments incroyables qu’on peut vivre dans une vie et en période de crise, ça n’intéresse personne. Si ?

Soit.

Depuis le début de la journée, Zach court dans tous les sens. Ça me fait plaisir de le, voir en joie comme ça, c’est une bonne chose. Même si en réalité ça fait assez longtemps que tout roule pour nous deux.

On ne va pas reparler de cette rencontre fortuite en plein milieu de la forêt Islandaise, ce n’est absolument pas la peine, pas du tout. Je ne vais pas dire que c’est quelque chose que je souhaiterais oublier, parce que ce n’est pas vrai, ça fait partie de ma vie. Ca fait partie de notre vie, à Zach et moi.

D’ailleurs il est où mon glandu de mari ? Hé, il a disparu à 6 heures ce matin, bien qu’il ne m’ait pas réveillé, et je suis passée devant lui quelques fois, quand il accrochait des lanternes/guirlandes dehors en utilisant la télékinésie. Il est choupinet mon mari, il était trop mignon quand il accrochait ses trucs.

Quand je suis avec lui je suis instantanément beaucoup plus niaise, je fais moins la madamejesaistout.

Tout à l’heure, Margaret Creed est venue me voir pour que je l’aide à faire des petits fours. Autant vous dire que je ne sais absolument pas faire de petits fours. Pourtant j’aimais bien traîner dans la cuisine du Mystery et regarder Miss Gilbert. Au moins ça me donne l’occasion d’apprendre de nouvelles choses, même si la cuisine ne me passionne pas, j’adore la chimie alors prenons ça pour de la chimie !
Zachounetbouclettes est passé aussi à ce moment-là, et j’ai cru que sa maman - que j’ai le droit d’appeler Maggy héhéhéhéhé - allait encore nous parler de petits enfants.

J’arrive pas à expliquer à ma belle-mère que faire des enfants quand on est poursuivis par des Sorciers Noirs c’est pas une bonne idée. On ne fait pas naître un enfant pendant une guerre. Et de toute façon avec toutes les épreuves que mon corps a vécues, peut-être que je ne suis même pas/plus capable d’en avoir.

En tous cas ce n’est pas le moment. La contraception fait partie de notre mariage. Le monde magique est cool pour ça, niveau contraception, féminine ou masculine, on est super bien lotis. Il y a multitudes de méthodes, permanentes, provisoires, plus ou moins longues sur ce coup, soit ponctuelles, soit sur plusieurs mois, années, etc. Et en plus ce sont des supports vraiment différents. Runes, parchemins, condoms, sortilèges, chirurgie, etc.
Vous allez me dire, pourquoi Hayley Creed, la meuf la plus religieuse du coin - j’avoue avec les Creed je crois que je suis battue - peut-elle utiliser une contraception ?
CF. plus haut, bisous.

Un long moment de la journée, je n’ai rien eu à faire, j’ai essayé d’aider où je pouvais, mais ils sont tellement nombreux dans cette famille, que je ne sers à rien du tout, ils sont presque tous là pour aider, sauf les vieux du Nunavut (d’après ce que j’ai compris, ceux-là, il font tout le temps la tronche).
J’ai eu l’occasion de jouer avec quelques enfants, en évitant SOIGNEUSEMENT le regard de Margaret ou de Zach. J’ai papoté avec Octavius, le cousin de Zach, ou son frère, enfin son brocousin comme ils s’appellent.

Ça fait un très long moment que je fais partie de la famille et pourtant je me sens toujours un peu étrangère. Pourtant ça ne devrait pas.
J’aime bien Octavius, il est marrant, c’est un genre de Zach mais blond, et pas bouclé, mais surtout cet accent Canadien est super chelou ! C’est le premier Creed que j’ai rencontré, parce que c’est lui qui nous a emmené nous cacher après une très longue cavale. Lui et Zach ont su directement me détendre pendant le trajet, parce que je flippais. Quelle aventure. J’vous jure.

Autant vous dire que tout au cours de la journée, avec tout ce que j’ai fait, ou plutôt pas fait, j’ai eu largement le temps de faire ce que je voulais, de me préparer comme il fallait, de mettre une jupe portefeuille jaune avec un pullover noir, des collants noirs et des baskets noires. Je ne veux pas voler la vedette à papa Creed, même mes cheveux sont sobres, simplement blonds, presque blancs.

Maintenant c’est l’heure du Creedanniversaire, comme l’a inventé mon cher mari. Je pense qu’en fait c’est valable pour tous les Creed, mais surtout pour son papa.
Au moment où celui-ci arrive, le Zachounet lui saute dessus et on l’entend dire, très fortement :
-JOYEUX ANNIVERSAIRE PAPOUNET !
J’entends Octavius ricaner près de moi et je vois la mère de Zach prête à se mettre le plus gros facepalm de sa vie ? Je souris également pendant que Zach fait un câlin à son papa.

Mais pas longtemps après, toute la foule de Creed et autres gens qui ne sont pas des Creed, parce que oui visiblement il y en a. Ils sont partout. Bref. La foule qui nous traîne et nous entraîne et… Chuuut.
Les gens se répartissent joyeusement à table et autour du buffet pour commencer à manger, je vois Octavius filer vers ce qu’il appelle « sa Poutiresponsabilité », j’ai absolument pas compris de quoi il s’agissait. Et entre temps, l’espace de 5 secondes, j’ai perdu mon mari.

Je me pose dans un coin, en essayant de voir où il peut être, sans trop paraître asociale non plus. J’ai droit à quelques regards curieux, et de sourires, des « bonjour » en anglais, en français… Et des gens viennent faire connaissance avec moi, visiblement je ne suis pas trop bizarre. En tous cas je ne panique pas même si je préfèrerais rester collée à Zacharia Creed. Mais où es-tu ?

Quand on parle du loup.

Il sort de nulle part et me tend une margarita, que j’attrape, puis me dit :
- Toi je t’aime, toi.
Et il me gratifie d’un bisous sur le coin de la lèvre. Je souris, et je plonge mes yeux dans les siens. Puis j’attrape son bras libre et pose ma tête contre son torse - parce que son épaule est VRAIMENT trop haute - et je lui chuchote :
- Je te lâche plus de la soirée, namoureux.
En vrai je te lâche plus de la vie.

Couleur:

"Dansons la polka en mangeant de la poutine (rapée)"

Ce que j'aime dans les fêtes, c'est qu'il y a plein de couleurs chaudes. On est entourés d'obscurité mais le coeur de toutes les personnes suffit à éclairer l'instant. La magie de ces moments n'a rien à voir avec celle que l'on vit au quotidien. Elle est unique.

« Je n’ai pas pensé aux confettis… »

Ça, ça fait partie des meilleurs « cadeaux » empoisonnés à ramener chez quelqu’un. Une manière de dire « j’ai envie que tu te souviennes de cette soirée, surtout de moi, pendant plusieurs jours, voire mois. A chaque fois que tu passeras l’aspirateur sur le tapis de ta grand-mère. » Soyons clairs, les confettis, c’est une misère à nettoyer. Je n’aborde même pas le sujet des paillettes. Non parce que franchement, je suis sûr qu’en revenant chez moi, en Norvège, je pourrais retrouver les paillettes de mon douzième anniversaire. C’est un pari tenu auquel je suis certain de gagner.

Aujourd’hui, ou plutôt ce soir, j’ai été invité à un anniversaire. Je ne me rends pas à beaucoup d’anniversaires, pour deux raisons principales : le temps et les connaissances. Qui, comme son nom l’indique, restent des connaissances. On n’invite pas d’inconnus à son anniversaire, mention spéciale lorsqu’il s’agit de son boss. Mais hey, aujourd’hui est un autre jour, je suis libre depuis peu pour une raison que je ne cesse de répéter et l’anniversaire est celui d’un père de famille que je fréquente et considère comme ami. Une connaissance un peu plus amicale. Les Creed, cette grande famille canadienne. La plus grande sans doute. Il m’est impossible de les compter et vu le peuple prévu ce soir-là, il est fort à parier qu’il est peu recommandable de s’attacher à leur nombre.

Phil a été prévenu au dernier moment mais Phil, même à son nouveau poste, trouve, contrairement à moi, toujours le temps de faire la fête. Un surhomme ce loup. Peut-être qu’il ne dort pas. Ou qu’il accumulé un nombre astronomique de sommeil pour se permettre deux mois et demi de nuits blanches. Je ne sais pas, mais sa technique mérite d’être étudiée. J’ai été tellement habitué à le voir glander h24 qu’il m’est encore difficile de l’imaginer à mon bureau en train d’écumer les dossiers d’une main de maître. Peut-être qu’il fait la méthode du « je dors alors j’accumule plus d’informations ». Comme les acteurs qui apprennent leur texte la nuit en dormant avec des écouteurs. Sauf que je ne sais même pas si ça marche vraiment, cette technique. Jamais essayé, en général, endormi ou non je ne pense à mon travail. Les insomnies ça a du mal à m’atteindre, faut le dire.

Les Creed donc. Evidemment, le premier nom qui m’apparaît est celui de Zacharia, un adorable bonhomme comme on en fait peut. Je suis un peu en décalé parfois, parce que mon âge est somme toute semblable au sien et à bon nombre d’agents d’Orpheo. Sauf que je suis tout en haut de l’échelle et c’est difficile de parler de la pluie et du beau temps. Faut pas croire, la position hiérarchique, ça ferme des portes plus que ça n’en ouvre. Mais ça n’a jamais vraiment été le cas avec les Creed. Ils sont amusants, ils n’ont pas peur, ils ne cherchent pas à grailler du poste en se frottant au patron. Ils savent que s’ils voulaient vraiment une position, ils pourraient l’avoir rien que par l’influence de leur famille, et quelque part ça me place sur le même pied d’égalité. Sans soutien des Creed, pas de Kristiansen à la barre. D’ailleurs, il faut avouer que Angus Creed m’a beaucoup soutenu au départ et m’a appris un nombre incalculable de choses sur mon métier. Nul doute que je dois ma place et mes compétences à sa présence et sa générosité. Il est un peu mon mentor et quelque part, je me sens mal à l’aise d’avoir à le voir à quelques jours de ma mise à pied.

Enfin qu’importe, ce soir est un jour de fêtes et je ne laisserai pas ma morosité emboîter le pas sur le reste. Nous sommes en tout début d’après-midi et je dors à moitié sur le canapé, décrochant deux-trois appels d’un Phil survolté à quelques kilomètres de là. Est-ce que c’est pour le boulot ? Naaaan, déjà parce que c’est le week-end, et puis juste pour me dire à quel point le cassoulet de ce midi avait un goût in-fect. Je crois qu’il a une obsession pour la nourriture. Une obsession tout court pour raconter tous les faits inutiles dans sa vie. Une starlette ce monsieur. Mais bon hein, j’l’aime bien quand même.

Cependant je m’active rapidement, demande à Kelyann de préparer ses affaires, coincé dans sa chambre à faire on ne sait quoi. Mes pas sont assez lourds parce que j’émerge, mais c’est une émergence rapidement terminée lorsque le jet d’eau chaude de la douche tombe sur ma peau, ma tête et mes cheveux. J’ai préparé mes habits. Un beau smoking bleu marine, une chemise blanche et une cravate noire. Les cheveux plaqués en arrière, ma manière à moi de menacer les bouclettes d’effectuer la moindre action. Pas sûr que ça tienne toute la soirée, raison de plus pour emporter de quoi se recoiffer rapidement. Je suis d’humeur plutôt joviale, peut-être parce que c’est ma première sortie en groupe depuis pas mal de temps. Une soirée chic, même pour un anniversaire, nous sommes chez les Creed, tout de même.

Je plie le tout dans un sac et récupère les affaires de Kelyann au passage. On en a pour plus de six heures de transports alors il est hors de question de porter nos affaires de soirée à l’avance. Bon, c’est vrai que concrètement, ma tenue vestimentaire ne change pas de tous les jours. Sauf pour cette fois. J’ai simplement mis un jean lambda noir, un t-shirt et un sweat anthracite par-dessus. L’écharpe à la main, le manteau sous le bras, les chaussures enfilées et la vérification de l’ado derrière moi, nous voilà finalement sortis de la maison. Le temps de faire démarrer le moteur et c’est direction l’appartement de Phil. Oui, tout à fait, un appartement. Alors, visiblement, j’ai eu la grâce d’obtenir une explication que je n’ai jamais demandé à la raison pour laquelle un gars aussi friqué se contente d’un petit appartement. Il paraît que c’est un effet de meute et qu’il trouve ça trop effrayant de dormir seul dans un endroit vide. Voilà voilà. Du coup il préfère les petits espaces avec plein de gens autour. A cent kilomètres d’Allen l’ermite content quand on ne le dérange pas.

-Yo le rebelle. M’sieur le directeur. Il t’as fait quoi à manger ce midi Allen ? Si tu savais, j’ai mangé un cassoulet ce midi, il était a-ffreux…

Son habituelle bonne humeur vient envelopper l’habitacle de la voiture en quelques secondes. Nous nous rendons rapidement à l’aéroport et c’est parti pour presque 4h de vol. Le Canada est vraiment si grand. A côté de ça, en Norvège ou en Suède, tu en fais le tour en quelques heures de voiture. Il y a un tel décalage… Heureusement que l’on peut s’offrir ces voyages assez facilement. Je regarde tantôt Kelyann, tantôt l’extérieur – si je regarde Phil il va se lancer sur un nouveau sujet et le silence c’est pas mal aussi – et c’est après deux périodes de somnolence que l’avion se pose enfin. Enfin ? Nooon. Rebelote dans un vol petit courrier pour une heure et demi jusqu’à Fort Saint John, en profitant de cette heure pour se changer tranquillement. Une petite ville sympathique avec des champs, des maisons, des champs, une rivière et un lac non loin. Autant dire qu’avoir appelé un taxi à l’avance n’a pas été une mauvaise idée. Et hop, une nouvelle heure passée dans la voiture pour atteindre Peejay puis la fameuse maison des Creed, à une bonne dizaine de minutes.

Mine de rien, il est déjà presque vingt heures. Lorsque nous nous parvenons enfin sur place, le taxi nous dégote un air de surpris du genre « mon dieu, y’a vraiment des gens qui habitent ici, pour faire une super fiesta en plus, mais regardez-moi ça, y’a peut-être plus d’une centaine de personnes. C’est la jet-set, c’est ça ? » Bref, c’est à peu près ce qui passe dans son esprit à ce moment. Je le paye et le voilà parti. On n’est pas super en avance mais en même temps, on vient pas de la bourgade d’à côté. J’inspire profondément et nous nous rendons finalement dans la maison.

Sur place, un grand nombre de personnes, comme je l’avais estimé. Des femmes, des hommes, des enfants aussi qui gambadent un peu trop vite entre nos jambes. Une bonne ambiance générale pour un coin totalement paumé. Il devrait penser à mettre des portails de téléportation, ça nous aurait évité tous ces trajets. Riches comme ils le sont je ne vois pas le problème. On aurait pu engager des téléporteurs, mais pour d’aussi longues distances bonjour la nausée et la pls du transporteur à la fin. Si tant est qu’il parvienne à faire ne serait-ce qu’un quart du trajet. Plateforme de téléportation, Mr Creed. Prochain meilleur investissement, je vous le dis.

La fête a déjà l’air de battre son plein et je ne me concentre que sur une seule chose : le Mr qui fête ses soixante ans et qui en paraît vingt de moins. Le problème, c’est que je ne le trouve pas. Je me tourne vers Kelyann et passe une main dans son dos avant de me pencher légèrement en annonçant :

-Si tu veux faire quelque chose, vas-y, c’est le moment de t’amuser.

Je tourne la tête vers Phil mais ce louveteau a déjà disparu on ne sait où. Sérieux, il doit faire une tête de plus que tout le monde et j’arrive à le perdre en quelques secondes. Bref. S’il y a bien une personne que je reconnais, c’est Zacharia. Je m’approche de lui et le trouve auprès de sa femme – c’est sa femme ? Je ne sais pas, je n’ai pas trop suivi, je ne sais pas s’ils sont mariés. Qu’importe, je la salue et offre une bonne poignée de main au bonhomme, tout sourire.

-Bonsoir. Tu peux me dire où es ton père ? Je ne le trouve nulle part.

Ce serait quand même cool d’aller saluer la personne qui nous a généreusement invité en premier mais il se trouve que je ne suis pas la plus grande des personnes et qu’à mon niveau on est rapidement noyé. Avec les jeunes qui courent j’ai même un peu peur de prendre un verre de peur de m’en mettre plein partout.

Y’a quelques jours, Allen m’a annoncé qu’on était invité à l’anniversaire des Creed. J'avais demandé de plus amples informations, où c’était, qui il y aurait et ce genre de choses. Déjà il m’a dit que les Creed était une famille hyper nombreuse et qu’il y avait de fortes chances pour qu’ils soient tous réunis. Ensuite que c’était au moins à six heures de route d’ici.

Du coup, forcément, ça m'a pas trop donné envie d’y aller tout ça. Et puis tout le monde qu'il y aurait ... Non merci quoi. Allen sait pas que je suis juste un gamin asocial depuis le temps que je squatte chez lui ? Si, sûrement sue si, mais il me force quand même y aller. Soit disant que c'est galère et relou de trouver une baby sitter et que personne veut me garder et tout le monde a peur de moi. Ahaha, ils ont peur de moi.

Du coup Allen vient quand même dans ma chambre pour me dire de me préparer, je sens qu'il est tout nerveux et tout stressé parce que on doit partir à l'heure parce qu'on a plein de trajet et que ... Aaaaaaarh. Je veux pas.

Mais en ronchonnant, je fais quand même mon sac. Donc déjà je mets les habits de soirée dedans, parce que c'est hors de question que je garde ça pendant tout le trajet. J'ai pas envie d'être tout serré et Allen va dire que je vais tout froissé et tout transpirant et arrivant et décidément, on ne veut pas ça. Pourquoi pas ? Ça permettrait que personne ne s'approche de moi... Mais je fais l'enfant bien obéissant quand même. C'est Allen qui m'a choisi la tenue, une chemise blanche, une cravate que je ne compte pas nouer jusqu'au bout (la strangulation, très peu pour moi), une veste noire avec tout ça, j'ai quand même insisté pour garder un de mes jeans noirs, légèrement délavé et troué, le tout accompagné de baskets noires. La petite trousse de toilettes, le pyjama, la peluche. Des vêtements de rechange pour demain. Je crois qu'on dort sur place. Je sais plus, en tout cas c'est pas vraiment ça qui prend le plus de place. Juste un sac de sport et j'ai tout dedans. Dans mon sac à dos je fourre mon nouveau téléphone - Allen veut que je puisse communiquer ... - mon mp3, des bouquins, les chargeurs et je crois que je n'oublie rien.

Au moment où je sors de ma chambre, Allen la fusée me prend le sac des mains et file dehors. Je soupire déjà et traîne un peu la patte jusqu'à la sortie. J'ai pas hâte du tout. Il est déjà habillé ou pas lui d'ailleurs ? Sérieusement, quand il chill à la maison ou quand il va au bureau, c'est la même ! Il se détend jamais j'ai l'impression, c'est assez angoissant. Genre moi j'ai un jean et un sweat à capuche kangourou. J'enfile mon bonnet au moment où on sort et me met à la place passager, devant.

Et on file vers l'appartement de son sous directeur. Il arrive bien vite. Me voyant à l'avant, et je ne bougerais pas, le bon toutou qu'il est prend sa place à l'arrière. Et puis il ouvre la bouche. Il va pas parler pendant tout le trajet, si ? Je ne lui réponds pas et m'empresse de mettre mes écouteurs. Je regarde alors le paysage qui défile devant les yeux.

Et puis l'aéroport. Je savais pas qu'on prendrait l'avion, c'était pas prévu ça, je suis pas d'accord, je veux rentrer. Kely pas content.

Toujours en râlant, je suis les deux adultes, les écouteurs toujours vissés sur les oreilles. Je boude, ouaip.

Heureusement, on n'a aucun bagage à mettre en soute alors on file direct à l'embarquement. Et puis l'avion.

-On est bientôt arrivé ?

Comme un véritable gamin véritablement relou, j'ai posé cette question toutes les trente minutes à Allen pendant le trajet. Et enfin, l'avion s'est posé. Tout guilleret, j'enlevais donc mes écouteurs, très heureux que ce trajet soit enfin révolu.

Sauf qu'en suivant Allen, parce que Phil était encore plus perdu que moi (on parle de Phil hein...) je m'aperçois qu'on ne prend pas le chemin de la sortie, mais on se dirige vers une autre porte d'embarquement. Je voudrais poser des questions, je suis tout perdu, je regarde tour à tour mon cousin et l'hôtesse qui valide nos tickets avec un air tout perdu d'un enfant qui comprend pas ce qui se passe. Trahi, je rentre la tête dans les épaules, boude encore plus, remet mes écouteurs plus durement dans mes oreilles, dépasse Allen en trombe pour l'attendre au niveau de l'hôtesse dans l'avion, j'entends les places où on est et file me placer côté hublot. J'enfile ma capuche, regarde dehors, croise les bras et les jambes et reste prostré dans cette position pendant toute la durée du vol. Sauf quand on me dit d'aller me changer. J'espère que Phil va pas en profiter pour me piquer ma place. C'est MA place. En plus ces toilettes sont ridiculement petites. Et crades. Je sais pas nouer une cravate. Je demanderai à Allen. J'me maquille aussi les yeux. En revenant, je poke le bras d'Allen, en regardant ailleurs. J'espère qu'il va comprendre, et si il la serre trop, je tirerai un peu dessus. Et puis je reprends ma place légitime près du hublot. Dans ma position initiale.

C'était une mauvaise idée, j'ai mal partout. Je boude encore, faut pas déconner, j'ai mon sac sur l'épaule, Allen s'occupe du gros, les mains dans les poches, j'ai juste enlevé un écouteur. Et cette fois on se dirige vraiment vers l'extérieur, ouf !

Un taxi nous attend, on monte dedans rapidement. Je sais pas pour combien de temps...

Trop longtemps. J'en ai si maaaaaaarre.

Enfin le taxi nous dépose devant une énorme maison, je sens déjà tout le bonheur et la joie qu'il y a à l'intérieur. Tout ça m'assiège d'un coup et me coupe le souffle au moment où je m'apprêtais à sortir de la voiture.

Je... Je veux pas sortir. Je veux pas y aller, il y a beaucoup trop de monde là dedans pour que je ressente toutes ces émotions d'aussi loin. Ça me fait hyper peur. Très très peur. Bien trop peur.

Et si je piquais une crise ? Et si je gâchais toute la fête ? Et si tout le monde détestait Allen à cause de moi ? Que tout le monde me déteste moi, je peux le supporter, j'ai l'habitude et je suis mieux seul en vrai. Mais Allen ? Il est hyper adorable et généreux en vrai, il mériterait pas qu'on le déteste, il fait vraiment de son mieux, à son QG et avec moi ... Comment je fais pour me contrôler ? Il y a trop de monde, sérieux. Ils vont vouloir me parler ? Je veux pas, je veux pas. Je veux rentrer à Ottawa.

Le chauffeur de taxi commence à s'impatienter, je l'entends soupirer beaucoup trop fort. Merci pour ta compassion envers les enfants qui font des crises de panique. Le gars, empathie zéro. Il mériterait que je l'envoie bouler avec sa voiture contre un arbre.

Voilà, je peux pas aller me promener dans la forêt et rester là bas seul toute la soirée ? Se serait mieux non ? Si, si, je vous assure que se serait mieux pour tout le monde.

Mais je me lève, claque la porte, réticent, les larmes aux yeux. Je suis une vraie boule d'angoisse. Je suis sûr que Phil et Allen la ressentent. J'suis presque sûr que quand j'ai des émotions trop fortes et qui me rongent j'arrive à les envoyer vers les autres et presque à altérer les leur. Mais je veux pas salir leur bonheur. Alors j'essaye de ravaler toute cette angoisse, mais les larmes restent plantées là.

Et puis, on avance. L'agitation me vrille les tympans et tout ce qui a en moi. Ya plein d'enfants qui courent, j'aime pas ça du tout. Je veux pas courir, je veux juste rentrer à la maison, je veux pas être avec tous ces inconnus. J'ai si peur.

Allen essaye de me rassurer, ou de m'encourager, il se veut apaisant en tout cas. Il passe sa main dans mon dos en me disant que c'était le moment de m'amuser. Mais je les connais pas moi tous ces gens, ils me font hyper peur. Je...

Je le regarde, tout effrayé que je suis. Sauf que lui, il voudra sûrement faire sa soirée d'adulte et pas avoir un marmot dans les pattes tout le long parce qu'il a peur des inconnus et de toute cette agitation. Du coup je m'éloigne de quelques pas, regarde Allen une dernière fois, qui ne me voit pas, saluant déjà d'autres connaissances à lui. La boule au ventre, je m'éloigne alors vraiment. Je me trouve bien vite un coin où me prostré et attendre que la soirée se passe. J'ouvre alors mon bouquin et remet mes écouteurs, pour essayer de me couper de tout ce monde.

Blblblblbl

J’ai passé une partie de l’organisation de le party à piler, dé-piler, puis enfin, placer des chaises autour de tables ou au milieu de nulle part. C’est pas une mince affaire. Plus de 1000 chaises quand même hein, légas vous vous rendez pas compte. Au moins les gens seront bien assis, ils auront pas mal aux fesses. Puis on a les meilleures chaises de tout le Canada, elles ont un beau poil. Parce qu’elles en mangent plein du PAL.

Zach m’a dit, très sérieusement, « Tu seras préposé aux Poutines », ma tante a acquiescé, ma mère a acquiescé et mon père a… Non lui il était ailleurs dans la grande maison. Maison dans laquelle Zach et moi avons joué une bonne partie de notre enfance, à se courir après et à jouer à cache-cache.
Elle est tellement grande qu’à deux les parties pouvaient durer des jours. Enfin, des jours, on n’avait pas le temps que ça dure jusque-là parce que les parents venaient nous chercher par la peau des fesses pour manger, se laver ou dormir, ou d’autres choses.

Mais nous n’habitons pas cette maison à l’année, elle est simplement faite pour les vacances. Les Creed ont plein de propriétés, plus ou moins grandes, sur l’ensemble du territoire Canadien, mais aussi quelques-unes au Royaume-Uni et en Irlande, en Australie, en Nouvelle-Zélande.. C’est pour les vacances. Les plus grandes peuvent loger 200 personnes en même temps, et les plus petites 5. Ce qui est fou c’est qu’on ne connait pas le nombre exact de maisons, villas, demeures qui existent dans cette famille, mais il doit bien y avoir une carte quelque part où c’est référencé… J’espère.
En tous cas moi j’ai mon appartement à Ottawa et Zach vit avec Hayley dans une maison trop choupinoupinette pleine de paillettes pas loin de la capitale.

Revenons-en aux POUTINES ! Je ne parle pas de Vladi, pas du tout.
Eh ouais je l’appelle Vladi.
C’est surtout parce que les relations diplomatiques nous font faire certaines rencontres assez, well, étranges. J’veux dire, qu’on ne soit pas d’accord avec Vladi parce que c’est une putain de dictature de merde la Russie, et que les goulags et tout ça, mais quand t’es à un gala à l’ambassade de Russie avec ton oncle et ton père parce que t’es aux relations internationales (j’aurais pu y aller sans eux heeein, JE SUIS PAS SI IMMATURE QUE CA ~~visiblement pas~~), et que tu rencontres le Président Russe, d’un coup tu fermes ta gueule sur la politique de la Russie et tu apprécies pas mal le charme de cette secrétaire charmante qui vient de St Pétersbourg. HUM. J’allais m’exprimer en disant un mot qui commence par « f » alors je dirais « fanfreluches ! ». Ouiiiii fanfreluches !

LES POUTINES ! Vous savez qu’on en a plusieurs ? Des sucrées, des salées, des magiques, ... Octa et la Poutine magique hahaha. J’adore la Poutine, tellement que je mets une majuscule à chaque fois que je l’écris !! Plus que les corndogs, les hotdogs et tout le tintouin, parce que c’est américain lô et que chuis Canadien alors much respect pour mon patrimoine, patrimoiiiiiiiiiiiine ! Y a moine dedans.. Lol.
Quand tu dis au Président Poutine qu’il a le nom d’un plat culinaire au Canada et que t’as bien envie de mordre dedans pour voir si ils ont le même goût, haha, heureusement qu’elle était là pour me faire fermer la bouche cette secrétaire. Héhé. Octavius arrête. Ok.

Bref en tous cas ce soir je dois vous dire que j’ai une énorme Poutiresponsabilité !
Je vais devoir faire cuire des frites, faire de la sauce brune, sans oublier qu’il y a la participation de fromage en grain ! Merci à lui de s’impliquer dans cette aventure !
J’ai attendu que oncle Angus débarque pour ensuite m’éclipser et commencer à servir les premières Poutines. Ah j’ai pas précisé, ce soir elles sont québécoises principalement, et ceux qui le demandent ont le droit à un petit extra : poulet, dinde, bœuf séché, roquette (ouais roquette haha), bacon, lard, coco poché, steak haché de bœuf, et surtout steak haché de caribou ! CARIBOU MAURICE !

J’avais déjà commencé à préparer les ingrédients plus tôt dans la journée, et quand j’ai eu fini, je suis allé embêter les enfants en leur courant après et en les chatouillant. J’ai aussi essayé de déstabiliser ma mère en la fixant pendant une heure, mais ça n’a pas marché et j’ai perdu une heure de mon temps à ne pas faire de conneries…
J’étais tristounet, même mes cheveux semblaient moins luisants, moins beaux, moins blonds… De toute façon ils ne seront jamais aussi soyeux que ceux de Allen, dont tout l’être est soyeux, mystérieux, ténébreux. Oui les trois sont possibles. Allen le soyeux, Allen le mystérieux, Allen le ténébreuuuuuuux (chuchotez le comme un râle, ça sonne très très bien).

D’ailleurs il est là ce soiiiiiiiiiiiiir WOUHOU !! Enfin d’où je me trouve je vois pas grand-chose, j’ai beau être grand, beau et fort, comme un Prince de LU

, j’ai eu le droit de servir environ 50 Poutines à divers oncles, tantes, cousins, cousines, jesaismemeplusilssonttropnombreux.
Y a que les vieux du Nunavut qui mangent pas de Poutine, ces vieux schnocks râleurs et desséchés. Faut qu’je fasse gaffe parce que certains lisent dans les pensées chuis sûr.
Je sais même pas combien sont venus, et je m’en fiche, ce sont des vieux râleurs conservateurs qui pensent encore que l’esclavage des Inuit c’était pas si mal, et ils sont obligés de vivre avec eux de façon pacifique parce que le Nunavut a été rendu aux Nunavummuit par le gouvernement en 1999. C’est une histoire assez compliquée, mais je suis fier de vivre dans un pays où les Premières Nations ont leur place et peuvent revendiquer leur appartenance au territoire. Et fuck les vieux du Nunavut pas gentil et pas beau. Connards. Oh salut mamie jesaisplusquoi du Nunavut qui a 129 ans !
J’ferme ma gueule…

J’observe la foule de la fête, que Zach appelle le Creedanniversaire, c’est vachement bien ! Y a de la toune tradi et même moi je sais faire chuis content, comme un toutou héhéhé !
Je regarde les gens, y en a que je connais pas qui doivent être des collègues de Angus, d’autres que j’ai croisé au QG, d’autres que je connais, auxquels je fais des coucous enjoués quand ils croisent mon regaaaard de braise.

J’ai repéré Allen, je lui ai fait COUCOU tout à l’heure, en renversant la bière que je tenais dans la main sur ma veste de costard en velours bleu foncé. Le con. Ma chemise à poids à manches courtes n’a rien du tout, heureusement. Bon après, la bière ça tâche pas, juste sur le velours c’est chiant à éponger. De toute façon j’aurais fini par sentir la bière à un moment du party… PARCE QUE JE VAIS FINIR COMPLETEMENT SUR LA BRRROOSSSSSEEE !! Et pas de retenue, y a que des gens au courant du Secret ici, j’ai pas besoin de me cacher haha, je vais juste mettre le déshonneur sur ma famille et sur ma vache mais je vous assure qu’il y a pire que moi !

OH QUE OUI ! JE NE POINTE PAS DU DOIGT CE FOURBE DE MARCEL CREED-TRICARD QUI EST UN GRAND ONCLE DE ZACH ET QUI FAIT DES EXHIB QUAND IL EST BOURRE ! ET EN PLUS IL EST MOCHE TOUT NU ! #pédobear
Je sais même pas où il est mais éloignez le des femmes et des enfants. En fait éloignez le tout court de l’endroit.

Je sers nombre de Poutines, et mêmes des gens qui me sont complètement étrangers, de par leur visage ainsi que leur accent, en demandent. J’essaye de faire en sorte qu’il y en ait pour tout le monde, avant de servir du rab, mais retenir tous les visages c’est dur alors j’ai décidé de tamponner le poignet des gens qui ont déjà été servis. Et c’est de l’encre ensorcelée, elle s’en va pas comme ça, hein les enfants, j’vous vois à essayer de l’effacer pour avoir une deuxième plâtrée, mais on ne m’aura pas aussi facilement. A leur âge j’aurais fait pareil hahha.

Hayley est venue chercher sa Poutine elle aussi. J’l’aime bien, elle est sympa, gentille et j’aime bien ses cheveux aussi. Puis son accent Ecossais me fait mourir de rire, c’est tellement moche haha. C’est le mec qui parle Français avec un accent de merde qui dit ça ? Ca se pourrait oui héhé.

Maintenant que mon coin s’est un peu vidé, je peux obsverver la pièce et l’éffusion qui y règne. C’est fou, tous cesgens ont là pour mon oncle. C’est dingue. C’est de la triche, 4/5 sont de la famille.
D’ici je vois aussi où les trous se forment dans la foule, et en regardant bien, je vois mon boudeur préféré au loin. Inutile de lui faire coucou,il ne regarde pas dans ma direction. C’est bien dommage que ce jeune Kelyann fasse cavalier seul. Y a plein d’occupations ici, et plein d’enfants super sympa qui seraient ravis de jouer avec lui. J’te vois gamin asociable avec tes écouteurs et ton bouquin. EWI, Octa œil de lynx t’a percé à jour. Œil de lynx hahaha. Je pourrais aller lui faire peur en lynx ?
Non pas gentil Octavius !

Bref, je cesse de tergiverser. Même si Kelyann ne me porte peut-être pas dans son cœur, mon côté chevaleresque me dit que je peux pas laisser un flot seul toute le party. Faut que je m’en mêle.
Je sers deux poutines Québécoises dans deux bols (avec supplément BACON POUR MOI, VIVE LE BACON), j’attrape deux fourchettes et deux serviettes, et je fonce vers Lindström.

- Bonjour Kelyann, t’es tout seul ? Je peux me joindre à toi ?
Il répond pas. En même temps il a des écouteurs. Eh.
Je prends mes aises et tire une bûche près de lui, comme le gros sympa que je suis, puis je tire sur un de ses écouteurs. Quitte à déclencher la troisième guerre mondiale, autant que ça soit pour une Poutine. Poutine que je tends devant son visage, comme un gros gros lamantin méchant.
- Tu veux goûter à la meilleure Poutine du monde ?
Héhéhé.
Si tu veux pas p’tit flot, y en aura plus pour moi hein.

J’aime la Poutine.

Pis un gros mess de poutine râpé

Le saviez-tu ? Ma femme est extrêmement mignonne. Bien qu'on la surnomme dans le métier "Hayleylareloue", elle est adorable. Reloue, mais adorable. J'espère que vous saisissez le concept. Parce que tout le monde a des défauts vous savez. Bah ma femme, elle a le sacré défaut d'être une grosse "madame je sais tout". C'est aussi une qualité, vous me direz, parce que c'est un puits de savoir incroyable. Et ça a aussi le don de me faire passer pour un gros con. Oui bon ok j'ai déjà l'air débile en temps normal. Rho.
Bloup.
La fête continue donc de... Bah de battre son plein j'imagine, on peut dire ça comme ça, bien que je trouve cette expression cheloue. Elle bat donc son plein ou whatever, tandis que mon épouse laplusbelleauxcheveuxdorés, me dit qu'elle ne me lâchera plus de la soirée. Et ça me fait rosir de plaisir. En plus elle m'appelle "n'amoureux". Grrrouh. Je pique un petit bisou sur sa joue, et là je suis parti pour être content content content toute la soirée. A moins que mon papounet me fasse des gros yeux, c'est possible ça aussi, ça lui arrive assez régulièrement.

Une gamine avec des couettes me file entre les jambes, et je lance un regard de chiot à Hay, qui sait très bien ce que ça veut dire. Elle va sûrement me regarder l'air de dire "hé mec, c'est pas le moment pour moi de tomber enceinte", et je serai bien obligé d'admettre qu'elle a raison. Mais je voudrais un bébé à moi. Ouais ok je suis moi même un enfant mais j'suis sûr que j'pourrais lui donner plein d'amour NA. Peut-être aussi qu'Hayley a envie de faire un break. Elle a passé toute sa vie dans un orphelinat à veiller sur d'autres mômes comme une grande sœur, du coup bon, elle mérite un peu de repos. Sa vie n'a pas été facile pendant la guerre. La longue période de sa disparition, c'est encore quelque chose de douloureux.

Du coup je calme mes envies de paternité intempestives et les range bien bien au fond de mes testicouilles et de mon esprit pour fort fort longtemps. En attendant j'peux m’entraîner sur mes petits cousins AHAHA.

Tout à coup, c'est pas le drame. C'est même plutôt l'épiphanie, l'apparition divine, genre. L'apparition soyeuse. Suivie d'un truc un peu boueux/épicé, j'aime bien.
Vous l'aurez compris, Allen Kristiansen fait son entrée, flanqué de Phil Buuuurgess OH YEAH (je me calme) et du machin tout fripé renfrogné asocial qu'il se trimballle depuis un petit moment. Oui bon, c'est pas sympa, mais il me fait un peu peur ce gamin. Il sourit pas. Moi aussi j'ai été triste dans ma vie de gamin. Mais je faisais pas la tronche h24. Ok ok, il parait qu'il a été séparé de son jumeau et que c'est dur. En plus, il a vécu l'attaque sur le Mystery Orphanage. BAH MOI AUSSI MON P'TIT POTE. Ok moi c'était Little Angleton mais on va pas chipoter. Ça revient au même. J'me suis fait bien agresser, et puis j'me suis barré avec Ambre, je sais plus trop. C'était dur. Je me souviens que j'ai cherché Josh longtemps. Comme si la disparition d'Hayley n'avait pas suffi.

En vrai j'ai beaucoup d'affection pour cette petite bouille de saloperie de Lindström. J'ai beaucoup d'affection pour tout le monde.

Je me jette sur la petite bande qui vient de faire une entrée discrète, mais un peu remarquée tout de même, pour les yeux attentif. C'est quand même le foutu directeur du putain de QG national qui vient de débarquer.

- COUCOU LES CARIBOUUUUS ! m'écrié-je en sautillant, un petit plateau de cocktails à la main dont les gouttes rouges, vertes et jaunes s'éparpillent légèrement, la main d'Hayley dans celle qui me reste de libre. Je la lâche ensuite tandis que je donne un franc "hug" à l'anglais, une bonne grosse poignée de main virile (joke, depuis quand je suis viril moi ?) au suédois, puis un pincement de joue gentil à minisuédoisquifaitlatronche. Puis je continue sur ma lancée : j'vous sers à boire ? J'ai bloody mary, mojito et soupe champennoise. AU FAIT, Allen. Je te présente Hayley, ma femme.

Phil sait qu'Hayley est ma femme. Phil était au mariage. Pas Allen. Allen avait mieux à faire. Mais plus tard, quand la guerre sera finie, on aimerait faire un autre mariage. Avec les amis du Mystery et de Little Angleton, tout ça... Je sais que ma chérie regrette l'absence de Pandora, de Luka, de Myaw... Moi celle d'Heather, de Lestat et de Randal.
Toujours aussi soyeux et propre sur lui, notre caribou-suprême me demande où se trouve mon père. Je suis pas vexé. Je suis jaloux de l'importance qu'a mon papa, et que ça lui donne toute l'attention prioritaire de Monsieur Allen Kristiansen le soyeux. Mais je comprends, c'est normal. C'est pourquoi je m'incline littéralement en souriant de toutes mes dents d'abruti, et je désigne de la main le paternel à notre cher directeur de QG.

- Il est un peu assailli je t'avouerai, mais tu peux le gratifier de ta soyeuse présence en passant par là.

Je vois ma mère débarquer et saluer Allen avec joie, puis l’entraîner vers le padre Creed. Fort bien. Kristiansen est bien rangé dans sa boiboite, Phil est on ne sait où (si ça se trouve il joue à "va chercher la baballe" avec mon chien Ferdinand et mes petites cousines). Quant au petit Kelyann, il est dans son coin. Mais pas seul. Eeeeet... C'est là qu'il faut que je vous parle de mon cousin Octa. Oc'taaaaah. C'est tellement classe comme nom. J'espère qu'un jour le hall du QG d'Orpheo Canada sera décoré d'une statue en son honneur, rien que pour pouvoir graver son nom en bas.

Octavius, sachez-le, est arrivé vraiment tôt dans la journée, et a plié, déplié, et placé des chaises. Un travail long et ennuyeux, pour lequel je ne le remercierai jamais assez. Mais j'ai déjà commencé sur cette voie en lui confiant, en accord avec ma mère et ma tante, la POUTIRESPONSABILITE. C'est à dire qu'il est préposé aux poutines, responsable du bon déroulement de la poutinitude de cette soirée. Rien que ça. Mais il est tellement lumineux et fromageux qu'il peut bien sûr relever le défi haut la main.
Il a pris tout ça très au sérieux, il a bien tout préparé, vraiment, je suis presque étonné de son sérieux, parce qu'en général, quand il est avec moi, beh il est pas sérieux du tout. On roule on danse et on fait des cabrioles, tout en disant beaucoup de conneries. Basiquement. Si vous plaignez Allen Kristiansen : vous avez raison.

BREF. J’aperçois donc actuellement Octavius assis à côté du petit, dans toute sa luminescence. Il lui parle avecun air d'adorable abruti fini -oui c'est l'hôpital qui se fout de la charité- et moi ça me donne bien envie de les rejoindre. Je suis du genre à me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je suis très du genre à me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je finis donc de distribuer mes jolis petits cocktails, lance un regard à Hayley pour lui signifier qu'elle peut m'accompagner si elle a envie, et me dirige vers mon brocousin et l'ado en crise. Deux petites cousines, Madison et Cassiopée déboulent tout à coup dans nos jambes.

- Cousin Zach, vous faites quoiiii ? demande la seconde des deux, la plus âgée.

Elle a de jolies nattes blondes dont s'échappent des dizaines de mèches folles. Son regard est noir et perçant. Je lui souris.

- On va essayer de faire sourire ce garçon là bas. Vous voulez venir ?

- Oh oui ! dit la gamine tandis que l'autre hoche frénétiquement la tête.

- Allons-y ! M'écrié-je sur un ton à la Matt Smith.

Et je bondis (BONDY ! Vous savez qu'il y a une ville en France qui s'appelle Bondy ?), me retrouvant accroupi à côté de l'ado renfrogné.

Madison décide d'elle-même qu'elle veut monter sur les genoux de l'orphelin, et Cassiopée se colle à Octavius, qui est son modèle de toujours.

- Kuku ! Alors, de quoi ça parle par ici ? Demandé-je d'un ton enthousiaste.

- Tu me racontes une histoire ? Réplique Madison d'un ton impérieux, mais tellement mignon qu'on aurait du mal à lui reprocher quoi que ce soit.

Pour appuyer la demande de ma petite cousine, j'affiche un énorme sourire légèrement malaisant et assez flippant, en fixant Kelyann droit dans les yeux. Oui. Je fais ça. J'ai l'droit. La maturité et moi, on a décidé d'un accord mutuel de ne pas se fréquenter.

La soirée à peine commencée, je vais chercher de la poutine, pour être sûre de pas louper le coche. On ne sait jamais, il y a tellement de moooooooooooonde. Octa m’a littéralement remis le saint des saints en me regardant comme si je lui enlevais son bébé, sans pour autant ronchonner. Je pense qu’il est tout simplement fier de ce que lui et mon mari nomment « la poutiresponsabilité ». Ils sont marrants, on dirait des frères. Ils sont cons pareils. Mais pas vraiment. Enfin sachez que même si il se ressemblent beaucoup, je n’échangerais jamais mon Zachounet contre Octavius. JAMAIS.

Zacharia n’arrête pas de me regarder avec ses yeux de cockers si choux quand un enfant passe. Si choux mais pourtant dans cette situation je commence à les détester ces yeux. Calmos, bouclettes, ça arrivera un jour.

Au dernier regard qu’il m’a lâché j’ai chuchoté le mot « capote » en le regardant fixement et en faisant bien bouger mes lèvres pour accentuer le refus. Puis j’ai simplement rigolé.

Mais à peine cette petite histoire terminée que me voici dans une autre.

Zach a soudainement sauté sur un groupe de gens venus d’ailleurs (oui ce sont pas des canadiens), ayant ma main dans la sienne j’n’ai pas eu le choix, je me suis faite trimballée comme un ballot de paille.
- COUCOU LES CARIBOUUUUS !
Il salue tout ce beau monde à sa façon, en pinçant les joues d’un gars aux cheveux super noirs et super bouclés.
- J'vous sers à boire ? J'ai bloody mary, mojito et soupe champennoise. AU FAIT, Allen. Je te présente Hayley, ma femme.
VENDUE. Trophée. Enfin femme mais il est content et il est fier de m’exhiber. Je souris timidement et je passe une mèche de cheveux derrière mon oreille.
- Heu.. Enchantée.. Hayley York. Pas du tout. Hayley Creed.
Je balbutie comme une gamine devant ce type qui est quand même super beau. Zach tu l’as trouvé où, je suis complètement pathétique à essayer de me présenter. Puis y a Phil qui est avec ce monsieur, et je rougis de honte alors que je le connais.
- Hayley Creed, anciennement York.
Je ne suis toujours pas sûre que ce soit utile comme information. Je souris encore une fois. Maintenant qu’on en est là c’est ben gentil mais je fais quoi ?
- Vous avez de beaux cheveux.
Je dis de la merde voilà. Zacharia a déteint sur moi. Je regarde Phil, genre « aide moi toi ».
Mais attends, Allen c’est pas le prénom du directeur de Orpheo Canada ?

Le temps de réagir, mon mari enchaîne :
- Il est un peu assailli je t'avouerai, mais tu peux le gratifier de ta soyeuse présence en passant par là. Dit-il en montrant Angus de la main.
Quelques secondes plus tard et Maggy s’est jetée sur le dit Allen, me laissant complétement seule, baignant dans ma connerie. Zach lui, a disparu super vite également.
Pendant que tout le monde se casse, je me retrouve vraiment seule au monde dans une fête où je connais, mettons, 5 personnes. LOL

5/3032428593 ça le fait.

Alors que je viens de perdre Zach, dixit la fille qui a dit « je te lâche plus de la soirée » à son mari, et que je me demande si le chercher dans cette foule immense est vraiment nécessaire parce qu’il va probablement disparaître encore une fois très vite, je croise je regard de ce type.. Allen Machinchouette. Je souris. Je sais pas quoi faire du tout mais tant pis, je vais aller le voir, maintenant qu’il est tout seul à faire je sais pas quoi. Et en fait non. Je vais m’enfuir vers les toilettes.

Et toujours pas, je viens de me faire kidnapper par je ne sais qui, qui me parle en anglais avec un fort accent inconnu. Visiblement ce monsieur a dépassé la centaine depuis plus de cent ans. Oui ça fait 200 haha.

Pendant que j’essaye de tenir une conversation avec cet inconnu qui je pense est un des vieux du Nunavut dont Zach et Octa m’ont souvent parlé, je vois ces deux derniers assis par terre avec des enfants.

"Dansons la polka en mangeant de la poutine (rapée)"

Ce que j'aime dans les fêtes, c'est qu'il y a plein de couleurs chaudes. On est entourés d'obscurité mais le coeur de toutes les personnes suffit à éclairer l'instant. La magie de ces moments n'a rien à voir avec celle que l'on vit au quotidien. Elle est unique.

"Bon départ."

Nous voilà arrivés et je dois dire que je suis plutôt impressionné par le nombre de personnes présentes. Il est vrai qu’Angus Creed est une belle figure de la famille, mais c’est aussi plutôt rare d’apprécier une famille aussi unie, rassemblée. Sans prétendre mettre tout le monde d’accord, il n’empêche que tous savent répondre présents pour un anniversaire. Et diable, on peut dire qu’ils sont vraiment très très nombreux. Nous trois, on doit faire un peu tâche sur un tableau de famille pareil et pourtant je n’ai pas la sensation de me sentir mis à part. C’est aussi ça que j’apprécie chez eux. Mis à part pour les plus vieux, la grande majorité sait se montrer très ouverte et accueillante. Ça tombe bien, parce qu’avec les heures de transports dans les pattes, les nerfs sont mis à rude épreuve. Il est vrai que nous aurions pu prendre un portail de téléportation mais je ne suis pas fan et Phil non plus. Comme ça…

Il ne me suffit que de quelques secondes pour repérer les visages les plus connus. Et comme par magie, c’est le visage de Zacharia qui apparaît le premier. Tant mieux. Je nous approche du solo qui se trouve être un duo. Un couple même. Une belle femme aux cheveux couleur de feu. Elle tranche beaucoup avec son entourage mais ça ne me dérange pas, les gens s’habillent et se préparent comme ils veulent. Je n’ai juste pas d’avis, ce qui m’intéresse ce n’est pas tellement l’aspect physique. Enfin, après tout, si elle s’entend avec Zacharia, c’est plutôt une bonne chose, je n’ai pas trop le droit de juger. En tout cas, elle me semble calme. Plus calme que le canadien.

Pas trop difficile en même temps.

- COUCOU LES CARIBOUUUUS ! j'vous sers à boire ? J'ai bloody mary, mojito et soupe champennoise. AU FAIT, Allen. Je te présente Hayley, ma femme.

Il nous salue tous d’une manière différente et se contente d’une poignée de main pour ma part. Sobre. Ça me va parfaitement, Phil il adore les contacts physiques à cause probablement de sa forme fusionnelle et ça ne le dérange absolument pas d’enlacer des gens pour dire bonjour. Ce que je trouve, pour ma part, étrange.
Bref, je n’ai pas même le temps de répondre qu’il assène son information sans prévenir. Hayley donc. Sa femme. J’ai donc plutôt bien deviné. Elle m’a l’air un peu intimidé et je la gratifie donc d’un sourire avenant. J’ai tellement l’habitude de me retrouver dans un milieu rempli de requins ou de gens qui cherchent à m’intimider qu’il faut parfois faire des efforts pour abattre mon mur de protection. Mur de protection ici inutile compte tenu de la gentillesse affolante des propriétaires.

- Heu.. Enchantée.. Hayley York. Pas du tout. Hayley Creed. Elle se reprend - Hayley Creed, anciennement York.

Elle regarde un instant Phil qui lui sourit aussi de toutes ses dents et c’est un échange, comme ça, de bons sentiments qui s’opère. C’est incroyable la bonne humeur qui transparait dans ce micro-habitat. Nous ne sommes là que depuis quelques minutes et l’ambiance de la fête s’est déjà insinuée sous ma peau. Ces Creed sont des magiciens. J’en oublierais presque ma mise à pied.
Presque.

-Le plaisir est pour moi. Je me tourne vers le couple. Pardon encore de n’avoir pas pu me déplacer pour votre mariage. Encore mes plus sincères félicitations.

Je me suis empressé de leur envoyer une carte pour leur mariage mais je n’avais pas eu le temps de le leur dire de vive-voix. Hey, les fêtes sont aussi faites pour se mettre à la page et rattraper les erreurs. Je ne tente pas de trouver d’excuses, qui était en réalité liée à un déplacement prévu en Australie. Ça ne servirait à rien et ce n’est pas le sujet. Contentons-nous de les laisser baigner dans leur petit bonheur, c’est le principal.

- Vous avez de beaux cheveux.

Y’a Phil qui s’esclaffe derrière moi et je n’ai pas le temps de retenir mon air surpris. Mes… cheveux ? Est-ce que je lui réponds que les siens sont jolis aussi ? Cette discussion est très étrange. D’ailleurs, je vais probablement finir par croire que ces délires capillaires sont un jeu à force d’entendre Zacharia ou Octavius me qualifier de « soyeux » ou que sais-je. Ces gens sont de véritables gamins mais je les aime beaucoup. Et puis, ils savent travailler malgré tout. Je lâche dans un petit rire amusé un « Merci. » et Zacharia enchaîne quasi immédiatement, vraiment en forme.

- Il est un peu assailli je t'avouerai, mais tu peux le gratifier de ta soyeuse présence en passant par là.

Qu’est-ce que je disais ? Ah oui, encore ce « soyeux ». Un jour, il faudra que je les questionne sur le sujet. Juste histoire d’en avoir le cœur net. Ça ne m’avancera à rien dans la vie, mais au moins j’aurais résolu un nouveau mystère. Il m’indique du doigt la présence du vieil homme et je me ravise un instant en apercevant la foule l’entourant. Non pas que cela m’effraie, mais n’ayant pas une forte affinité à me sentir entouré de vingt personnes en même temps, j’ai tendance à appliquer ce traitement sur les personnes que je fréquente. Il semblerait néanmoins que l’on ne m’en donne pas le choix. Maggy Creed, la femme d’Angus, se dirige à grands pas vers notre groupuscule et entoure mon bras pour me tirer vers l’autre groupe.
Bien. J’ai juste le temps de lâcher un :

-Merci, Zacharia. On se voit après.

Et de lancer un regard lourd de sens à Phil. Comme un « fais pas de conneries ». Mais je sais que cette histoire ne finira pas nécessairement bien à en juger par nos critères de conneries radicalement différents. Qu’importe. Maggy me présente donc devant Angus. Est-ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire à quel point je me sens chanceux d’avoir rencontré cet homme ? Oui je pense. Je ne sais pas trop comment il me considère, mais clairement, il me donne bien plus que je n’ai à lui offrir et ça me pousse à continuellement faire de mon mieux pour poser un peu plus de lauriers à ses pieds. Il y a des gens qui me soutiennent, oui, et puis il y a les vrais piliers. Et Angus en est un gros. Je ne manque pas de lui souhaiter chaleureusement une nouvelle année pleine de nouveautés et de bonheur.
On m’apporte un mojito que je n’ai pas commandé mais soit. Et je tombe sur le regard un peu perdu d’Hayley. Elle a l’air toute seule et me sourit. Je lui souris en retour et me fait de nouveau harponner par Maggy.

Y’a subitement un loup avec une crête qui passe entre les jambes des gens. Beaucoup trop grand pour être un chien. Ou même un loup. Il se fait à moitié poursuivre par une flopée d’enfants qui rient aux éclats. La majorité des gens ne font même pas attention à lui ou sourient à son passage. C’est dingue, Phil est ancré dans cette famille plus que je ne le serais jamais. Peut-être parce qu’il s’accorde des droits que je ne m’autoriserai jamais. Aucune idée. Je souris aussi à son passage et poursuit ma conversation avec le groupe, la femme d’Angus toujours fermement accrochée à mon bras. Terrible, cette femme.

Y’a le loup, alias Phil qui n’a aucune patience pour tenir sa forme humaine dans un costume, qui se dirige subitement vers Hayley et passe sa tête sous sa main libre. Des gratouilles. Toujours des gratouilles. Et les enfants qui sont accrochés à son poil comme des poux. Des gentils poux qui ne sucent pas le sang. Il lance un regard à la demoiselle aux cheveux rouges et s’anime de nouveau pour jouer avec les enfants. Y’en a d’ailleurs une qui lui demande :

-Viens jouer, viens jouer ! On va attraper le loup !

Et hop, le loup bondit à moitié parce que le loup est civilisé et n’a pas envie de faire tomber quoi ou qui que ce soit, puis disparaît dans la marée humaine. Et tous les enfants sautent et crient en chœur. Loup qui passe à quelques centimètres de moi, poursuivit par la foule d’enfant en liesse. Je crois que c’est la même fille qui veut aussi me faire jouer mais Maggy qui souhaite visiblement garder le monopole de ma présence, lui demande d’aller jouer ailleurs. Bon, je pense que je vais rester ici un petit moment encore.

J'étais tranquille dans mon petit coin. Vraiment, tranquille, j'me suis isolé pour éviter d'imploser, pour éviter de gâcher cette fête d'anniversaire. Gâcher les trucs, c'est vraiment un truc dont je serais capable de faire. Et puis, ça m'embêterait vraiment vis à vis d'Allen. C'est un peu des gens de son boulot et tout. Des gens qui lui font confiance, des gens qui l'ont mis là où il est aujourd'hui. Même si je déteste cette organisation, j'ai beaucoup d'estime pour mon cousin et je crois en lui. Hyper souvent j'me réveille la nuit pour aller aux toilettes, ou pour boire ou … Pour me rincer de mes terreurs nocturnes, et souvent, même si je sais jamais l'heure qu'il est, je le vois en train de bosser sur des dossiers qu'il ramène du travail. Et hyper souvent je vois des photos de Kily, ou notre nom de famille. Alors je me dis qu'il travaille dur pour moi, et pour nous réunir. Du coup, faut pas gâcher ça. Déjà qu'il a été mis à pied une fois, j'crois que ça lui a fait beaucoup de bien mais en même temps... Il a pas du tout avancé sur Kily pendant ce temps là. Et ça m'a fait de la peine. Déjà qu'il m'a abandonné quelques jours pour aller en vacances en Europe …

J'peux vous dire que j'étais pas hyper hyper bien. J'ai fait du mieux que j'ai pu pour pas piquer de crise avec la dame qui me gardait. Je les gardais pour le soir, quand elle était plus là. Je criais jusqu'à ne plus en avoir de voix dans mon oreiller, j'me réveillais avec les draps trempés, de sueur, de larme, les oreillers à l'autre bout de la pièce, des objets renversés... C'était pas la folie.

Du coup, j'veux essayer de me tenir le mieux possible, loin de tout problème, pour pas qu'Allen en ai à cause de moi. Donc, rester seul dans mon monde. C'est très bien.

Le nez dans mon bouquin, et la musique à fond dans mes oreilles, j'essaye de pas faire attention à toutes les émotions que je ressens partout. Elles sont beaucoup trop nombreuses, elles m'assaillent, j'me sens étouffée. J'augmente le son et me concentre d'avantage sur les lettres inscrites devant moi.

Evidemment, c'était sans compter sur le délavé du cheveux. Il me tire carrément mon écouteur. Mon dos se relève d'un coup, j'regarde à côté de moi pour le voir, tout sourire. J'le fusille du regard et me renferme comme une huître. C'est Octavius je crois son prénom ? J'suis pas sûr de vraiment lui faire confiance. J'veux dire, ma dernière expérience avec lui j'ai fini à l'infirmerie d'Orpheo. Bon ok, ça c'était pas sa faute. Mais il a été un calvaire à vivre. Déjà, il m'a touché, et je supporte pas ça, et ensuite, les moqueries et autres trucs du genre, j'l'ai pas très bien vécu. Un peu un con si j'oserais dire.

J'ai voulu remettre mon écouteur mais j'ai vu ses lèvres bouger alors j'ai enlevé l'autre écouteur un peu, beaucoup, à regret. Pourquoi les gens ils comprennent jamais quand on veut être seul ? Sérieusement. Surtout qu'il sait de quoi je suis capable quand ça va pas. Tu ne veux pas être près de moi. Tu ne veux pas. Pourquoi tu viens ? Il a deux assiettes qui débordent de gras dans les mains. Il m'en tend une mais j'me méfie. Pourquoi je lui ferais confiance ?

-Tu veux goûter à la meilleure Poutine du monde ?

… Poutine ? C'est quoi ça ? C'est le truc qu'il tient ? Mes yeux font des allers retours entre ses dents (qui elles au moins sont plus belles que ses cheveux) et l'assiette de frite avec de la sauce et … Du fromage ? Qu'il a dans les mains. Je vais pour refuser quand mon ventre lâche un gargouillement venu des enfers. Le traître. Je voulais me débarrasser du délavé moi. A contrecoeur, je prends une des assiettes et commence à manger en silence. Il peut toujours crever pour que je lui fasse la conversation en même temps. J'hoche la tête pour le remercier, parce qu'il me nourrit quand même, mais j'veux juste pas faire de vagues en cette soirée.

Voilà alors que trois autres personnes débarquent autour de moi en criant, braillant, hurlant. Leurs émotions font un raz-de-marée sur les miennes. J'me noie à nouveau. Ya trop de joie là dedans. J'ai pas le droit d'être heureux moi, ok ? Alors laissez moi tranquille. Mais sans respect, une fille s'assoie sur mes genoux. Je gèle sur place instantanément, je me raidis totalement, mes yeux s'agrandissent de stupeur, mes ongles transpercent mes paumes.

Explosion, explosion, explosion.

Un frisson me traverse, gelé, puissant, violent. Je suis tellement sur le cul que je ne sais pas quoi faire, que je ne sais pas quoi dire, que je ne peux pas bouger.

Ya. Quelqu'un. Sur. Mes. Genoux.

Impensable. Qui sont ces gens sans respect ? D'où on touche les gens sans permission ? D'où on s'assoit sur des inconnus ?

Ils ont quoi ces canadiens à pas comprendre que je veux être tranquille ? Ils veulent que je leur gâche leur fête, c'est ça ? Dans ce cas là y'a qu'à le dire, aucun soucis, j'explose dans vos mains un bon coup et vous allez voir ce que ça fait.

J'ai même pas entendu ce que le grand avait dit tellement j'suis sous le choc. J'suis peu à peu en train de reprendre mes esprits mais ya toujours un truc sur moi. J'sais juste que ya une voix qui a parlé. Et c'était pas Octavius. Alors ça devait être lui là. Le gars qui est en train de me fixer de manière trop bizarre.

-Tu me racontes une histoire ?

C'est à moi qu'elle demande ça la naine ? C'est celle qui s'est assise sur moi qui demande ça en plus. J'sens toujours leur vague de joie monter en moi. Si je me laissais aller, elles m'auraient et je pourrais profiter.

Sauf que j'ai pas le droit d'être heureux. C'est pas possible que je suis heureux. Comment je pourrais l'être tant que je sais pas ce que vit Kily ? Si ça se trouve il est traité de manière encore plus misérable de quand on voyageait jusqu'en Ecosse, et on a pas filé des jours heureux, c'est moi qui vous le dit. Et si les gens ne l'acceptent pas tel qu'il est, hein ? Comment il va se défendre ? Il ne sait pas se battre, c'est pas lui qui se défend, c'est moi qui le défend. Comment il fait sans moi ? Comment je peux vivre normalement et faire comme si de rien n'était alors qu'il a peut être besoin de moi ? Comment je peux m'autoriser à être heureux alors que je ne sais pas s'il est heureux lui ? C'est pas possible. Pas possible.

-Non.

Aussi simple que ça, je la pousse alors, qu'elle tombe par terre ou pas je m'en fiche, j'veux juste pas d'elle sur moi. Je récupère mon livre, mes écouteurs qui se sont échoués, et j'aimerais partir, loin d'ici. J'me lève juste pour le moment, fait trois pas, et là, je sais pas où aller. Dehors ? Il va faire froid et je sais pas où est mon manteau. Si je tombe malade j'vais embêter Allen. Dedans ? Ya du monde partout. Partout. J'vois la foule, j'me sens encore assaillit par toutes ses émotions positives. Toutes ses émotions d'un coup. C'est beaucoup trop à gérer. Beaucoup. Beaucoup. Trop.

Je vois Allen, au loin. Si loin, entouré par tellement de personnes. Trop de personnes... Il a mieux à faire que de s'occuper de moi. C'est des gens du travail. Je le fixe, je sais pas pourquoi, il est juste inatteignable et inaccessible, c'est juste ma seule ancre ici, mais j'peux pas le gêner.

Une goutte perle et coule le long de ma joue sans que je m'en rende compte.

C'est toi qui a décidé d'être tout seul. Alors assume maintenant.

Je ferme les yeux, et m’enfuie dans les toilettes.

~~BASTON~~

J'ai la bouche pleine de Poutine, olalala c'est trop bon purééeee. Bénie soit-elle, Tabarnak.
Kelyann n'a pas non plus demandé son reste et dévore la sienne avec appétit. Fin on dirait qu'il a pas été nourrit depuis des jours le flot. Tu lui donnes quoi à manger, Kristiansen ?
J'espère que t'aimes ça Lindström, parce que je l'ai faite avec amour. Pas spécialement pour toi certes, mais pour la famille et tout ce beau monde.

- Kuku ! Alors, de quoi ça parle par ici ?
- Zackyyyyyy ! souriais-je, la bouche bien pleine.
Accompagné de deux de nos petites cousines, Zach s'installe à côté de moi. Cassiopée se colle à ma gauche tandis que Madison décide que Kelyann sera sa bûche. Elles sont mimi. J’ébouriffe les cheveux de Cassiopée qui me réplique un "Eh mais" en rigolant. On ne peut clairement pas dire que tous nos petits cousins et toutes nos petites cousines soient aussi charmants que ces deux là.
- Tu me racontes une histoire ? demande gentiment Madison à Kely.

Mooooooh Maddie t'es trop mignonne. Et à Cassiopée de me tirer une mèche de cheveux pour se venger de ma petite farce. Je souris. Mais pas pour longtemps.
Les gars, ce qui vient de se passer est surréaliste dans un anniversaire familial comme celui-là. Je vous jure, mon disque dur vient de planter.
Je ne pensais pas que Kelyann serait capable de blesser un autre flot, surtout une petite fille qui ne lui a rien fait, du coup je suis déçu, et franchement je commence un peu à m'agacer de ce comportement.
Mes sourcils se froncent tandis que je donne ma Poutine à Cassiopée et m'accroupi pour prendre Maddie dans mes bras alors qu'elle commence à pleurer. Je la serre contre moi très très fort, bon j'vais pas l'étouffer non plus. Et je jette un coup d’œil à Zach, puis à Kelyann qui fait on ne sait quoi, à essayer de s'échapper sans grand succès.
- Ca va petite Maddie, cousin Zach et cousin Octa vont te faire pleins de câlins et pleins de bisous tous doux.

Je suis pas très content, mais je ne suis pas non plus hyper énervé. Juste faut que je me calme et aller parler à Kely pour savoir pourquoi il a fait ça. Je vais pas l'engueuler, c'est pas ce que je fais avec les enfants. Mais par contre je voudrais qu'il s'excuse.
Et l'autre il a déjà disparu on ne sait où. Le petit lâche.
Je souffle et je me lève, toujours en portant la petite Madison dans mes bras.
- Eh brocousin, faut qu'on aille voir Allen.
Je sais qu'en tant que directeur, il a pas que ça à faire de s'occuper d'un flot, mais en tant que cousin du Lindström il a un lien avec cette petite affaire. Je ne vais pas aller agresser Allenou, hein, il est si ténébreux et magnifique ! Puis j'ai pas envie de me battre avec qui que ce soit haha vous êtes tarés. Non je veux juste lui dire que le comportement de Kelyann envers un enfant ça m'a un peu déçu et qu'il fait une vieille crise existentielle on ne sait où.

Olalala je ne suis pas du tout content de devoir embêter Allen avec ça. Pardon mais c'est un peu comme si Kely avait insulté ma famille là, du coup comme n'importe quel autre Creed, je vais voir son représentant légal pour arranger la situation. Et ça me bourre le mou. J'ai presque envie de pleurer tellement c'est triste.
Je cherche Allen du regard et mon cou est tout mouillé des larmes de ma petite cousine. Je me retourne encore vers mon brocousinou puis je fais un geste un peu théâtral mais surtout tellement râté pour indiquer la position de Allen.
- Il est là baaaaaaas !
Hop j'disparaît dans les méandres ~~du grand néant~~ de la foule sans savoir si Zacharia suit et si Cassiopée a finit mon plat.

Bon, je relativise pas du tout, Kelyann a bousculé ma cousine et moi j'en fais tout un foin alors qu'il y a des trucs plus graves dans le monde. MAIS c'est pas parce que t'es un ado torturé que tu dois être méchant avec les autres enfants, même si tu fais pas exprès d''être méchant. Là j'ai du mal à trouver des excuses à qui que ce soit quand il s'agit des enfants on dirait, et surtout ceux de ma famille. Ok aucun relativisme. AU-CUN.
Je me plante devant Allen Kristiansen malgré tout le monde qui l'entoure. Le pauvr' il doit supporter ça à chaque fois ? On dirait un fan club quoi. Allen et les Allenettes. Allenettes que j'écarte par le pouvoir de mon charisme et de ma chevelure dorée. Héhéhé.

- Allleeeeeen, j'ai un sujet délicat pour toi...
Bien commencé. Sauf que je dis quoi maintenant ? "Hey Allen, ton cousin il a poussé ma cousine, je demande réparation", ensuite je lui mets un soufflet et on fait un duel de pistolets ?
Déjà j'ai pas de gant, ensuite j'ai pas de pistolet. Mais faut être con pour ne pas avoir pensé à formuler AVANT de venir le voir, parce que je veux pas passer pour un épais, et je veux pas lui dire qu'il éduque mal le flot, parce que de un j'en sais rien, et de deux j'ai pas l'intention de l'insulter. AAAH JE LUI DIS QUOI MAINTENANT ?

Je sais, je lui fourre ma petite Maddie dans les bras et je me casse. Olala non.
- Lis dans ma tête mec, je sais pas comment te dire ça.
Pis là en fait, j'ai plus qu'à penser en boucle à la bousculade ?

Comment ça c'est pas comme ça que ça marche ?

Il est où ce môme ?

Il s'en passe tellement des choses, pfiou, je sais plus moi. J'étais en train de saluer Allen et Phil, de présenter ma femme au premier et de saluer boueusement le second. Il y a un gosse aussi, qui a l'air absolument dégoûté par la présence de tout ce monde ici. Ce que je ne comprends pas. C'est quand même vachement chouette les fêtes, et au pire tu peux toujours t'isoler dans un coin avec un gentil gens pour parler seul à seul sans être trop emmerdé par le bruit. Et puis surtout y a du MANGER quoi. Le manger. C'est important le manger. Surtout quand il est préparé par ma maman.

Enfin là j'en suis surtout à servir à boire à toute cette populace, sauf que sur deux informations que je lui expose, il semble qu'Allen n'en retienne qu'une : ma femme, Hayley. C'est déjà bien, vous me direz, elle lui fait des compliments sur ses cheveux -je l'aime- et il nous félicite pour notre mariage. Phil se marre, je lui met un coup de pied dans les genoux parce que c'est marrant, et je lui tire la langue. Donc ouais c'est bien beau tout ça mais au final personne m'a dit ce qu'il voulait boire, et moi ça me frustre. Je vais donc à l'instinct et plante un bloody mary dans les mains de Phil, et un verre de soupe champennoise dans celles d'Allen. Tant pis pour eux, n'avaient qu'à répondre, na. Je les pouet. Je vous pouette tous. J'aime bien poueter les gens. Faites moi penser à poueter Nawel la prochaine fois que je la vois. Mais qui êtes vous au fait ?

Ohlala, et dire que j'ai même pas encore beaucoup bu. Mais c'est pas grave, je suis fort jouasse, fort la joie, y a plein de gens gentils tout partout, même les vieux du Nunavut se sont UN PEU déridés pour l'occasion. Façon de parler bien sûr, parce qu'en vrai même avec 230 runes de camouflages ils seraient toujours aussi parcheminés de la peau MOUAHAHA je suis si méchant. J'arrête.

Doucement, voyant bien qu'elle est un peu gênée, je caresse l'épaule d'Hayley. J'espère qu'elle ne prend pas mal le fait que je la présente comme ça, c'est de la simple politesse mêlé à mon enthousiasme euh... Légendaire. Oui. J'suis légendaire, tel une licorne. C'est mon animal totem. A moins que ce ne soit le blaireau ? Ou le carcajou. J'aime les carcajous. On - s'en - fout.

Une fois que je lui ai indiqué où se trouve mon père, Allen prend congé de moi de la façon la plus sobre et soyeuse qu'il soit. Très poliment, il me dit qu'il me verra après, et me remercie. Probablement que ça ne se réalisera pas, tellement il sera sollicité, mais j'apprécie le geste, et lui adresse un grand sourire avant de lui dire :

- T'inquiètes boss. Et pour le mariage, no souci, tu pourras certainement te rattraper quand on le refera en GRANDE POMPE.

J'ai parlé exagérément fort sur les deux derniers mots pour me moquer un peu de la taille monstrueuse des fêtes familiales chez les Creed. C'est pas très la sobriété, mais c'est très le fun ! Et c'est très important pour moi de faire ce second mariage, parce qu'il a un nombre assez plutôt beaucoup élevé de gens qu'on a pas pu inviter au premier, à cause de la guerre. Je ne peux pas parler pour elle à 100%, mais je pense que c'est pareil pour Hayley. Après tout, parmi tous les gens avec qui et par qui elle a été élevée, c'est à dire toute la tribu du Mystery Orphanage, personne n'était présent au 1er. De tout façon, il est hors de question que le second ait lieu avant que l'on n'ait retrouvé Joshua. Je pense qu'on peut tous les deux se mettre d'accord là dessus. Ca me brise le cœur rien que d'y penser. Mon meilleur ami a juste complètement disparu. Impossible de remettre la main dessus. Et je m'en veux car avec le boulot à Orpheo, je ne prends pas assez le temps de fouiller dans des documents qui pourraient peut-être me permettre de savoir ce qui est advenu de lui. D'autant que ce n'est pas le seul pour qui je m'inquiète. Heather, Randall, Lestat et sa copine, Jason, Sophia... Je n'ai aucune idée de ce qu'ils sont devenus. Et si je devais me re-marier, déjà j'aimerais bien le faire à Little Angleton (oui je suis un doux rêveur) mais aussi, j'aimerais inviter tout ce monde là. Et Ambre aussi. Mais je ne sais pas s'il faut que je le fasse. J'aurais trop peur de la blesser, de remuer inutilement le couteau dans la plaie, d'être celui qui nargue... D'ailleurs, je pense bien qu'elle est vivante, mais elle non plus je ne sais pas du tout ce qu'elle fait en ce moment. Je ne m'en mêle pas, je préfère garder mes distances. C'est mieux pour nous deux.
Ouais parfois j'pense à la guerre et à tous les gens perdus, peut-être pour toujours, à toutes les déchirures de toute le monde et là je... J'ai besoin de boire.

Je m'enfile donc une longue gorgée de soupe champenoise, souris de nouveau à Allen, et m'en vais en quête de mon brocousin, parce que j'ai pas encore mangé de poutine, tabarnak !
Je fais quelques pas entre des nuées d'enfants rieurs et braillards, me fais bousculer par un loup, éclate d'un léger rire, passe une main dans ses poils...

L'instant d'après je me retrouve assis avec Octavius, deux petites cousines et un Kelyann sauvage, mon regard et mon sourire chelouement dirigés vers son visage. J'espère que ça va le faire rire. Ou flipper. Ou les deux. Mais rire c'est mieux un peu, surtout quand on a l'air aussi déprimé que ce garçon. C'est pas toujours chouette l'adolescence. Etre orphelin non plus, me direz vous. Et là. Combo. Dire que moi j'me suis fait PASSER pour un orphelin durant toute mon adolescence alors que j'ai des parents aimants et géniaux. Tuez moi. Je suis n'importe quoi. Un bordel ambulant. M'enfin ne me tuez pas trop tout de suite quand même parce que cette fête est chouette et après il y aura l'après fête et peut-être que si on est tous les deux en forme avec Hayley on pourra faire du sexe. J'aime bien ça moi.

Et là, non. Non froid, presque méchant, Kelyann pousse ma petite cousine qui se retrouve par terre, se lève et part avec bouquin et écouteurs, sans demander son reste. Alors, euh, ok. Je suis contrarié. Actuellement j'ai envie d'aller choper le gamin par la peau du cou et de le secouer un peu pour lui apprendre les bonnes manières. Parce que ok, il a pas envie. Mais j'crois pas qu'il soit muet, et être triste n'empêche pas la politesse. D'ailleurs même s'il était muet il aurait pu s'excuser en langage des signes, meh. Comme je disais l'adolescence c'est pas facile, et il a sûrement des problèmes, ok. J'le connais pas moi, Octavius m'en a vaguement parler. Soit. Mais ça n'empêche pas d'être civilisé, et franchement, je n'ai pas envie de laisser passer ça. Sauf que le p'tit est sous la responsabilité d'Allen, et comme je ne veux pas susciter d'incident diplomatique et que moi, je suis poli, je ne dis rien, et je reste dans ma frustration à regarder le blondinet s'éloigner.

A côté, j'entends mon brocousin consoler Madison en lui promettant bisous et câlins de notre part à nous deux, promesse que je m'empresse de tenir. J'ajoute même d'un ton enjoué, tentant de dissimuler la légère colère qu'a animé en moi l'incident :

- Tiens d'ailleurs si tu veux, je peux t'emmener voir un vrai loup blanc, qui est tellement gentil qu'il voudra certainement jouer avec toi et te faire des câlins.

En parallèle, je sens Cassiopée serrer fort ma main, et je la regarde. Elle serre ses lèvres entre elles, visiblement vexée que l'on fasse ainsi du mal à sa cousine, et fixe sans relâche le vilain ado, jusqu'à ce qu'il ait disparu de sa vue. Là, je me souviens que la petite est élémentariste météo, et je commence à me dire qu'il faudrait éviter que ça dégénère trop tout ça, quand même. Je prend la petite dans mes bras, poutine d'Octavius à la clé. Ce dernier a fait de même avec Madison, et a visiblement eu la même idée que moi : aller parler à Allen. Lorsqu'il me propose ça je hoche fermement la tête et répond :

- Tout à fait. Il est pas question de laisser le môme se comporter comme ça.

Mon visage s'est vraiment fermé à cause de cette histoire, et je vois que mon brocousin est contrarié aussi. Je lui souris d'un air complice pour désamorcer : en soi ce n'est pas si grave et nous allons régler ça.
Le Beaulieau-blond repère rapidement notre soyeux directeur de QG, et se met à beugler en sa direction, certainement pour faire rire les petites, et ça me met du baume au cœur.

-Aaaallez les poulettes ! lancé-je en le suivant.

On a l'air fin, hein, nous les deux hommes Creed avec nos deux p'tites gamines dans les bras, à s'élancer tels de preux chevalier vers leur Roi (du Nord, AHA) pour qu'il rende la justice. J'aurais dû raconter une histoire moi-même tiens, un conte de fées, ça aurait été vachement mieux. Avec un chevalier dont la monture est un caribou et qui mange de la coutume. Wé. C'est vachement bien comme histoire ça, wé. J'ai vraiment envie d'écrire des histoires pour les enfants tiens.

Oh, Zach. Police magique. Focus. Mais les albums pour enfants c'est vachement bien quand même.

Bon du coup nous voici devant Allen, j'ai un peu de retard par rapport à Octa, planté devant lui avec la gamine, et ce con n'arrive pas à basiquement expliquer ce qui vient de nous arriver. Donc en toute logique il se met à lui demander de lire dans sa tête. Au calme, posey mon gars. J'ai envie de pouffer, mais je le fais pas. Je cherche Phil-le-loup des yeux pour pouvoir lui refourger mes p'tites cousines. Pas que j'en ai marre mais j'ai vraiment un chouilla peur du pouvoir de Cassiopée, et du coup je compte sur le potentiel distraction du sous-directeur pour nous sortir du mauvais temps en approche. Parce que les enfants doués, c'est sympa, mais ça contrôle pas ses pouvoirs. Alors ça peut être dans le sens qu'il n'arrivent presque pas à s'en servir. Mais aussi qu'ils arrivent à balancer des grosses rafales de magie dans la tronche de tout le monde sans vraiment le vouloir. Juste à cause de l'intensité de leurs émotions. Et moi j'ai pas envie que toutes nos jolies poutines soient renversées par une tornade dans la maison. Et d'ailleurs j'ai toujours pas mangé de poutine. Pfiu.

Comme je suis frustré et que je n'aime pas les gens malpolis qui ne communiquent pas, j'ajoute à l'attention d'Allen :

- Ouep, je me retiens d'aller le choper par le col et de le balancer dans le lac par télékinésie là.

Et je souris. Je souris comme un niais pour qu'il comprenne bien que je lui veut pas de mal au gosse, hein. Je suis dans l'excès par humour. Humour chelou que je suis probablement le seul à approuver mais rhooo. Hein. Voilà. Pas d'argument, j'vous emmerde. J'aime tous les enfants, et si j'ai envie de balancer Kelyann dans un lac, c'est aussi et surtout parce que j'aime pas qu'il soit triste. Et puis c'est tellement illogique quoi. Le môme il est pas bien du coup il fait pleurer une autre môme. Rha. C'est comme ça qu'on se retrouve avec des guerres et des sorciers noirs à la con. Merde.

J’extrapole pas du tout.

"Dansons la polka en mangeant de la poutine (rapée)"

Ce que j'aime dans les fêtes, c'est qu'il y a plein de couleurs chaudes. On est entourés d'obscurité mais le coeur de toutes les personnes suffit à éclairer l'instant. La magie de ces moments n'a rien à voir avec celle que l'on vit au quotidien. Elle est unique.

« Je ne le sens pas super bien. »

Je suis assez fier d’avoir un plus ou moins bon sixième sens. Même avec une coupe de champagne à la main, même au bras d’une ma foi très gentille et jolie dame, même entouré de quelques personnes et avec la sensation d’être pleinement à ma place. Il faut dire ce qui est, pour une fois, j’ai la sensation d’être à une véritable fête. Il y a forcément toujours des accords, des sollicitations même parfois, mais tout le monde semble animé de cet esprit festif et le ton va à la rigolade sans pousser dans cette direction. Il faut dire que les Creed sont une très grande famille qui, pour le peu que je fréquente, possède cette candeur naturelle et cette ouverture d’esprit assez enivrante.

Pourtant, mon sixième sens voit rouge. Là, depuis quelques secondes. Phil vient de repasser près de moi et j’ai la certitude que quelque chose est en train de devenir hors de contrôle. Mes yeux s’orientent à droite et à gauche à la recherche de cette sensation mais l’attention demandée par le groupuscule dans lequel j’évolue ne m’accorde pas véritablement de pause. Tant pis, ça me sautera à la figure tôt ou tard.

On en arrive au point de rupture.
Subitement, y’a les cheveux blonds puis, un peu plus tard, les cheveux noirs qui entrent dans mon champ de vision. Deux Creed que je fréquente. J’ai quitté l’un il y a quelques minutes à peine, je rencontre l’autre pour la première fois de la soirée. Est-ce que ça sent les problèmes ? Un peu. Je fronce un peu les sourcils, soucieux du problème qui ne dit pas encore son nom.

- Allleeeeeen, j'ai un sujet délicat pour toi...

Qu’est-ce que je disais. Je me demande bien ce qu’il se passe pour qu’ils s’amènent tous les deux spécialement vers moi. Et pourtant, c’est tout. Ils me regardent et ça s’arrête là. Est-ce qu’on doit jouer aux devinettes ? Je ne suis pas particulièrement doué à ce jeu, je triche très vite je préviens. En fait, avec ma fâcheuse tendance à vouloir tout savoir tout de suite, couplé à cette salle sensation de m’être mis dans de beaux draps sans avoir touché la couverture en question, ma patience est réduite de moitié. Je plonge dans l’esprit du blond pour en extraire ce qu’il faut. Juste ce qu’il faut. Les images me parviennent par paquets condensés et wow, ce n’est pas évident à trier. Y’a une chronologie chaotique qui s’organise dans son cerveau et ça me force à toucher à ses pensées un peu plus anciennes. C’est l’histoire de quelques secondes mais c’est déjà une torture mentale en soi. Mais je n’en laisse rien paraître, surtout au moment où il m’annonce, ses mots en écho à ses pensées :

- Lis dans ma tête mec, je sais pas comment te dire ça.

Lire dans les pensées d’une personne qui parle, c’est aussi une torture mentale. C’est comme écouter un écho dans une pièce minuscule. Ça fout un mal de tête immédiat. Qu’importe. Je ne m’éternise pas et récupère finalement le sujet. Kelyann. Une dispute, ou tout du moins une mauvaise action de sa part. Il a pas vraiment l’air super heureux de son humeur à mon petit cousin, Octavius. Je m’extirpe des pensées du blond et écoute Zach ajouter sa pierre à l’édifice.

- Ouep, je me retiens d'aller le choper par le col et de le balancer dans le lac par télékinésie là.

Déjà, on se calme. Enfin, à voir son sourire étirer ses lèvres, j’ai dû mal à croire à ses paroles. Ils sont terribles les Creed, vraiment. Je soupire un peu et me détache du bras de l’éternelle Maggy. J’en profite pour passer une main sur les cheveux doux de la jeune enfant visiblement choquée par les récents événements et m’accroupis même à sa hauteur pour câliner gentiment sa joue du dos de mon index. Y’a des enfants un peu partout et c’est vrai que l’attitude de Kelyann peut parfois laisser à désirer. Je relève la tête vers les deux canadiens et leur répond :

-Pardon pour son attitude. Je vais aller le chercher pour qu’il vienne faire ses excuses à ces jolies jeunes demoiselles.

Je dirige de nouveau mon regard vers la petite et lui sourit affectueusement avant de me relever. J’offre également un sourire d’excuse aux quelques personnes présentes car ils se passeront très bien de moi et prend congé du groupe.
Bien.

Je commence à connaître le garnement et ses planques sont sensiblement tout le temps les mêmes, là où il y a le moins de monde possible. Curieusement également là où je peux le retrouver. Les toilettes me semblent le parfait endroit pour ça. Je m’y dirige d’un pas décidé, salue quelques personnes au passage et m’engouffre dans la maison. Je prends un certain temps pour trouver la salle et y pénètre avec vigilance. Il est nécessairement là et je ne vais pas aller fouiller dans chacune des cabines – y’en a combien au juste ? On peut faire venir une colonie de vacances sans problème – à la recherche du garçon. Je sonde au lieu de ça la pièce à la recherche de la moindre pensée et ça m’épuise inutilement, mais entre ça et parler dans le vide le choix est vite fait. J’inspire et réceptionne sa voix, ou plutôt sa manière de réfléchir. Il est bien là, c’est le principal.

-Excuse-moi de t’avoir laissé tout seul, Kelyann.

C’est ma faute, je le sais bien. J’ai cru pouvoir le laisser seul mais en réalité je me suis fait de fausses illusions, j’ai transcrit ma propre jeunesse sur la sienne, en espérant… non, en calquant mes réactions aux siennes. J’ai été idiot, non pas de lui avoir fait confiance, mais d’avoir cru qu’il se superposerait à moi. J’ai fait une erreur et je compte bien la réparer.

-Il faut que tu sortes d’ici et que tu m’expliques ce qu’il s’est passé. Tu sais que je ne te jugerai pas mais mes amis ont été touchés par ton attitude et demandent que tu t’excuses.

Je ne parle pas trop fort et me suis rapproché de la zone qui émet le plus d’ondes. Il doit être juste à côté alors inutile d’ébruiter ce genre de choses. Ça n’a d’intérêt ni pour lui ni pour moi.

-Est-ce que tu veux bien ?

Sortir simplement de cette cabine pourrait être un bon début, on verra par la suite pour les excuses. Chaque chose en son temps.

Je me suis enfermé dans les toilettes. Voilà. Je sais même pas comment j’ai réussi à les trouver tellement la maison est immense. J’ai juste suivi ... mon instinct disons. Si tant est que j’en possède un.

Je me suis engouffré dans la première cabine d’une longue file. J’ai pas regardé, j’ai pas fait attention de savoir si il y avait d’autres gens dans la pièce. Je sanglote alors en silence.

J’ai encore fait une bêtise. J’ai encore mis Allen en situation d’embarras. Comment se fait-il qu’il ne m’ai pas encore viré de chez lui ? C’est un grand mystère qui demeure. À d’autres il leur en fallu moins que ça. C’est le fait qu’on soit de la même famille qui l’en empêche ? Faut pas. Je suis juste un bon à rien qui pète des crises pour un rien. Il ferait mieux de se débarrasser de moi.

Pourquoi faut-il que je sois aussi impulsif ? T’es où Kily ? T’es où ... toi au moins, tu arrivais à me tempérer. C’était toi mon calmant. Ma raison de m’énerver. C’était pour toi que je me battais. Là j’ai plus aucune raison. Pourquoi faut-il que je surréagisse à chaque petite chose qu’il m’arrive ?

J’essaie de renflouer mon don, pour ne pas m’accabler d’avantage. Pour éviter que je sois assailli par tant de joie que je viens gâcher.

Je voulais juste qu’on me laisse tranquille dans un coin. Il ne se serait rien passé si on m’avait laissé tranquille ... rien.

Mais je perçois alors une onde reconnaissable entre mille qui se rapproche. Celle de cousin Allen, évidemment.

Je profite d’une chasse tirée pour renifler un bon coup. Les larmes continuent de rouler le long de mes joues dans un flot incessant.

Pourquoi je pleure même ? Aucune idée.

La rage ? La tristesse ? La culpabilité ?

Comment ça se fait que mon empathie ne me permette pas de mieux contrôler mes propres sentiments, mes propres émotions ? Comment j’arrive à aussi bien discerner les émotions des gens qui m’entourent alors que les miennes sont juste un melting pot indescriptibles ?

J’arrive mieux à déchiffrer les gens que moi.

Je sens Allen qui est tout prêt. Tout prêt. Potentiellement derrière la porte. Il va m’engueuler, c’est obligé. Je renferme mon don aussi bien que je puisse. Je veux pas sentir la rage, la colère, le ressentiment. Je me sens déjà assez mal comme ça.

Pourquoi elle s’est assise sur moi ?

-Excuse-moi de t’avoir laissé tout seul, Kelyann.

Je retiens ma respiration, mes larmes et mes sanglots se bousculent pour sortir. Je sens ma poitrine se gonfler, je suis à deux doigts de craquer. Pourquoi c'est Allen qui s'excuse ? Pourquoi lui ? C'est pas à lui de s'excuser, c'est pas lui qui a ruiné la soirée. C'est moi. Encore. Toujours.

-Il faut que tu sortes d’ici et que tu m’expliques ce qu’il s’est passé. Tu sais que je ne te jugerai pas mais mes amis ont été touchés par ton attitude et demandent que tu t’excuses.

Je ne réponds rien, je reste dans mon mutisme. J'ai peur. Très peur. D'Allen, de ses réactions, de ce qu'il peut dire, de ce qu'il peut faire … Me virer de chez lui, par exemple.

-Est-ce que tu veux bien ?

J'attends. Après un long moment de silence ou je me remets à renifler bruyamment, je sonde la pièce. Je crois qu'il n'y a plus personne. Ou alors les personnes sont si neutres que je ne les vois pas. Alors je tâte Allen. Il a pas l'air en colère ou quoi que se soit. Plutôt … Angoissé, vis à vis de moi, je suppose. Mais sinon, calme et serein. Comme à son habitude.

Je me lève alors de mon siège et déverrouille la porte. Je l'ouvre, tout doucement, et me dévoile devant Allen, les yeux rouges et bouffis, les joues toutes humides de larmes qui ne veulent pas tarir. Je lève les yeux vers lui, honteux.

Je ne suis pas réellement gêné qu'il me voit dans cet état. Il en a vu des bien pires avec moi. J'ai quand même ruiné son salon la première fois que je suis arrivé chez lui. Je pense qu'après ça … On peut pas faire pire.

-Je peux partir de chez toi, si tu veux, je comprends que je suis une énorme épine dans ton pied...

Pitié dis non.

Je regarde à nouveau par terre. Mes doigts se nouent entre eux, la pulpe des doigts essayant d'arracher la peau des autres. Les ongles se plantant dans les paumes. Les ongles griffant la peau. Les paumes essayant de faire des nœuds avec les doigts, jusqu'à les faire craquer.

La douleur est plus facile à appréhender quand elle est palpable, réelle et présente. Façon de se punir aussi, je pense …

-J'te jure que … Je voulais faire de mal à personne...

Je commence ma phrase fort, sûr de moi et puis … De plus en plus doucement, les mots qui se meurent quand ils entrent dans l'air, comme si ce que je disais n'avait de toutes manières, aucune importance …

-Je voulais rester tout seul... Dans mon coin... Y'a Octavius qui a apporté à manger... Et Zach est venu nous retrouver avec deux petites filles...

Et elle s'est assise sur moi.

Et elle s'est assise sur moi.

Et elle s'est assise sur moi.

-Et tu sais … Je crois, j'aime pas qu'on me touche et … Y avait trop de présence autour de moi, d'un coup. Ca plus la fête. Des gens que je connais pas, peu ou pas du tout.

Elle s'est assise sur moi.

Je me rends même pas compte que ce n'est pas des paroles que j'ai prononcé à voix haute tellement c'est ancré en moi. Je revis la scène et je le vis encore mal.

-Du coup je l'ai juste … poussé...

Dernier mot dit à toute petite voix... Parce que je sais que c'est pas bien. Je m'en rends compte maintenant, que c'est pas bien. Mais sur le coup … J'ai juste surréagit, ce que je fais toujours, tout le temps, je réfléchis toujours après …

-Mais je voulais juste qu'elle se lève, je voulais pas qu'elle se fasse mal ou quoi que se soit. Je voulais juste être … Seul. Je voulais pas embêter des gens, je voulais embêter personne...

Surtout pas toi.

[color:05be=#wheat]-Surtout pas toi, je chuchote à peine, je suis même pas sûr qu'il l'entende. Je … Je suis désolé Allen, je voulais pas te causer de soucis, pas à toi ni à personne.

Mon regard est toujours fixé par terre. Je fixe le dallage, le ciment, les joints entre deux carreaux. C'est passionnant. Vraiment, je fixe les veinures qui servent de motifs au carrelage, cherche un motif récurrent, je fixe mon attention dessus, j'attends la tempête de haine qui va venir.

Les larmes s'écroulent par terre, j'essuie mon nez avec ma manche, attendant inlassablement les émotions négatives qui vont à coup sûr arriver. Parce que c'est toujours comme ça que ça se passe.