"Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}

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 "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}

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Humaine Innocente
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Carla A. S. Lowett
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Humaine Innocente
MessageSujet: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyMer 6 Mai 2020 - 6:37

Le sang bouillonnait dans ses entrailles. Qu'elle était bête ! Comment avait-elle pu ne rien voir, pendant toutes ces années ? Les coups d'oeil mystérieux, les fausses excuses, les lapsus révélateurs et cette fichue attaque de l'orphelinat. Tellement d'indices, mais elle avait été aveugle. Et quand elle repensait à... Les ongles de Carla s'enfoncèrent brutalement dans sa chair, geste nerveux qui l'accompagnait depuis quelques années à présent.

Tout avait commencé le matin même. Lorsqu'elle était rentrée du travail à 10h après avoir créé croissants et tartes aux citrons dans la petite boulangerie française dans laquelle elle travaillait désormais, Louis était déjà parti au travail. Elle avait l'habitude de ces rentrées solitaires où elle se plongeait généralement dans un lit encore chaud du corps de son compagnon jusqu'à son retour vers 18h. Ce dont elle avait moins l'habitude, c'était que Louis oublie son téléphone professionnel. Et que celui-ci ne cesse de vibrer, sans la laisser dormir.
Un peu agacée, Carla avait fini par jeter un oeil au téléphone. Ce n'était pas de la curiosité mal placée après tout, le métier de cascadeur - quelle gourde ! - de Louis était dangereux et les messages reçus pouvaient être importants. Et qui donne son numéro de téléphone professionnel à son amante, de toute façon ? Et puis Louis était trop gentil, transparent et parfait pour la tromper. Contrairement à elle. Ce genre de remords qui tournaient un peu trop souvent dans sa tête et qui ne cessaient de la remettre devant ses propres échecs...
Toujours est-il qu'elle avait ouvert le téléphone. Au début, elle désirait juste s'assurer que rien de grave n'était arrivé avant de mettre l'engin en mode silencieux. Puis ses yeux avaient commencé à parcourir les messages... Et la vérité s'était écrasée sur elle aussi sûrement qu'une tarte à la crème. Louis, Ian, Ange, Luka, Hayley,... Ils lui mentaient tous depuis des années. Les pièces du puzzle avaient fini de s'assembler sous ses yeux alors qu'elle lisait une dernier message envoyé par Louis à Ian, des années auparavant, bien avant l'attaque de l'orphelinat :

Ne dis rien à Carla, s'il te plaît. Je n'ai pas envie de la mettre en danger.

Et son sang avait commencé à bouillir. Pas contre Louis : il était trop gentil, transparent et parfait pour qu'elle puisse lui en vouloir. Il pensait juste la protéger et ne savait pas toutes les épreuves qu'elle avait dû traverser. Mais les autres... tous les autres. Toutes ces années passées à faire les idiots dans les ruines, tous ces mots qu'ils ne lui avaient pas dit. Ils s'étaient bien moqué d'elle lorsqu'ils devaient rentrer plus tôt, soi-disant pour faire leurs devoirs et aider aux tâches ménagère du Mystery.
Et Ian... ce traître de Ian. Qui l'avait écoutée, qui l'avait vu s'écrouler, au bord du gouffre, avait lu la souffrance en elle, avait su les mains terribles de cet homme sur elle, avait connu la douleur obsessionnelle du manque de Louis. Ian qui savait tout et qui s'était tu, qui avait mis des pansements sur des plaies béantes, qui n'avait pas avoué, pas voulu lui dire, lui expliquer. Il avait eu tellement d'occasions. Tellement d'occasions de la sauver, de lui donner un peu d'espoir, un peu de soutien. Non Louis n'est pas mort, Louis se bat, Louis est fort et a ses pouvoirs. Louis reviendra, même si là il se bat contre des choses que tu ne peux pas vraiment comprendre. Louis sortira de cet hôpital, mais ce qu'il a vu, ce qu'il a vécu est au-dessus de l'entendement. Louis ne te parle pas, Louis ne te raconte pas parce que c'est au-delà de tout ce que tu n'as jamais connu.
La colère avait fait rugir ses entrailles et trembler ses mains. Cependant, elle n'avait pas hésité une seule seconde avant d'appeler, depuis le téléphone de Louis, le numéro de Ian. Son numéro professionnel, un numéro qu'elle ne connaissait pas et qu'il s'était bien gardé de lui donner. Un numéro auquel il n'aurait d'autres choix de répondre, contrairement à l'autre, celui pour les simples mortels, comme elle. À peine deux sonneries avait eu le temps de résonner avant qu'il ne décroche.

Elle ne lui avait pas laissé le temps de parler. Elle avait craché dans le combiné, l'énervement faisant vibrer sa voix :

- T'as intérêt à ramener tes fesses. Maintenant.

Elle avait aboyé cet ordre en sachant qu'en temps normal, Ian se serait ri d'elle et n'aurait jamais suivi sa voix. Il se serait même sans doute moqué, ahuri qu'elle puisse lui parler ainsi.
Mais Carla appelait depuis le téléphone professionnel de Louis. Sur le téléphone professionnel de Ian. C'était trop urgent et elle le savait. Trop gros pour qu'il résiste. Il n'aurait d'autre choix que de venir. Piégé, Ian. Comme elle avait été piégée pendant toutes ces années, comme une idiote.
Elle tapa son adresse dans un sms, puis balança un coussin à l'autre bout de la pièce, à défaut d'oser lancer le téléphone. Tellement de mensonges...
Et Ian et elle qui ne s'étaient plus parlés depuis cette fameuse journée, depuis qu'il avait glissé en elle, jouit trop vite, puis abandonnée alors qu'elle hésitait sur un pas de porte.

- C'était même pas un bon coup, grommela-t-elle.

Des larmes de rage pétillèrent au coin de ses yeux. Il ne l'avait plus contactée, depuis. Elle avait bien essayé de l'appeler, mais il n'avait pas répondu. Alors elle avait enterré ça avec tout le reste. Fermer les yeux sur tous les cadavres dans le placard et apprendre à vivre avec Louis. Mais les cadavres étaient devenus des putains de monstres, des zombies mortifères qui revenaient la hanter, plus sombre que jamais, plus laids encore que dans le passé.
Toujours la même distance, entre Carla et les autres. Il y avait les enfants de l'orphelinat et puis il y avait elle. Il y avait les êtres doués de magie et une idiote à qui on ne révélait rien.
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Exorciste | no faith no more
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Ian Coley
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyMer 6 Mai 2020 - 13:59

Se planquer.
Se planquer, se planquer, se planquer, se planquer.
Le soleil brûlant de Californie et l’espace entre les villes, entre les immeubles, entre les gens. Surtout entre les gens. Fuir au moindre soupçon, runer dix fois l’appartement mais déménager quand même. Panser les blessures physiques, morales, psychiques, ancrées, de celles qui tiennent éveillées la nuit et qui vous disent ‘pourquoi tu t’es pas sauvé toi-même ?’

Parce que je devais sauver Sakura, qu’elle essaie de me tuer ou non. Des enfants partout, des séquelles visibles nulle part. L’horreur qui s’étend au monde comme s’il n’avait plus qu’un seul visage à montrer ; pas celui qu’on voudrait.

Rentrer tard, rester loup.
Mentir à Autumn, le nez dans ses concours, l’école, le travail, apprendre, grimper les échelons, jouer réglo avec la vie. Toujours réglo. Essayer de comprendre, de la comprendre, de la voir bûcher pour quoi, au juste ?

Ne pas savoir, ne pas comprendre, accepter.
Esquiver Carla.

Resserrer les liens avec Louis.

Avoir froid pour la première fois de sa vie. Un hiver en dedans, des flocons poudrés sur les os. Ce corps invincible, brûlant de mon pouvoir et de l’orphelinat, a froid. Il grelotte sous les couvertures, il demande à augmenter la température sous la douche, il refuse d’aller jouer dans les lacs et les rivières. Un iceberg au milieu des états-unis qui ne sont pas chez-moi, pas chez-nous.

Rien du tout.

Plus de chez soi.

La bile entre les dents comme un couteau toujours prêt à être dégainé. Être encensé par Orpheo. Être enjoint de disparaître. Mais tu comprends Ian, tu as réussi à voler les Cross chez les Cross, que veux-tu qu’il t’arrive si ce n’est la mort à chaque coin de rue ? Incroyable soldat, si obéissant, tellement croyant. Le paradis de l’orga.

Simje qui s’en va.

Je tourne en rond dans l’appartement au rez-de-chaussée. Les berlines toussotent au feu rouge au milieu de la rue, quelques oiseaux pour faire bonne figure mais entre les murs loués à peine décorés : pas un chat. Je navigue sur mon natel emprunté, rien rien rien et rien, j’essaie de m’entraîner mais ma clavicule mal ressoudée me gêne. Sakura l’a brisée d’une arme runée et mon épaule droite est plus basse, désormais. Une démarche bancale, des mutations difficiles.
Je traine sur mon téléphone pro, à part pour des petits coups de main faciles je ne suis plus missionné nul part. Des bruits de couleur, des odeurs de paysages, des impacts de soufre. Il ne me reste plus que mes nuits pour aller fracasser l’ennemi qui a perdu son visage. Parfois je rêve que je torture Cyan et que Rhyan parle derrière une vitre teintée en disant, c’est ça le problème avec les mêlés, ils sont tout et rien, Orphéo et Croix à la fois.

Mais bon, comme c’est elle qui parle, the pot can call the kettle traitor, it doesn’t mean a thing.

Quand mon téléphone sonne, je m’étire comme un loup paresseux avant de m’affaler dans le canapé. Louis. Si loin, Louis, sa vie à lui, Louis. Sa meuf à lui, Louis.

Je réponds, ou du moins je crois répondre, qu’une voix siffle quelques mots. Des mots que je crois ne pas reconnaître, des années depuis cette voix, des millénaires depuis ces blessures-ci. Ravi de constater qu’en regardant de plus près, elles sont toujours vives et ancrées, je reste silencieux. La fille en face, aussi. Je l’imagine sous le ciel gris du canada, nuages eccymose pour une amie trahie. Averse tuméfiée pour amie blessée.

Un sms m’indique son adresse mais j’attends. J’attends, je prends quelques minutes allongé par terre, les omoplates sous le coeur. Je me refais le film de mon adolescence qui ne reviendra pas, de toutes ses fois où on s’est mordus la lèvre pour fermer nos gueules, ces fois où on s’envoyait des coups de coudes pour couper net l’autre. Hayley comme les autres, Louis comme les autres, Luka comme les autres, Rhyan comme les autres, Ange comme les autres, Myaw comme les autres, Framboise comme les autres, les adultes comme les autres.




Moi comme les autres.




J’ai intérêt à ramener mes fesses ? Vraiment ?
Je pourrais rester là, continuer de l’ignorer. Imaginer son coeur maigre et son corps fin tourner en rond dans l’appartement qu’ils ont choisi. Est-ce que Louis sait ? Est-ce qu’il a dit oui ok, pas de problème, utilise ce téléphone, viens lui hurler dessus.


Je sais qu’il ne sait pas. Je suis intimement, là, à l’intérieur de mes replis, convaincu qu’il ne sait pas pour la fois où.
La fois où.
Je m’oblige à respirer doucement, écoutant la litanie de l’anxiété qui remonte mes veines. Elle rebondit dans ma poitrine, un stress intense et dur qui donne à craindre tous les possibles. Ça ne peut pas bien se passer.

J’attrape mon téléphone pro et compose un numéro de standard. Je suis celui, qui. Celui qui a délivré Sakura Cross, qui a permis à la progéniture de ne pas suivre les mêmes traces que les abominables parents, celui qui pourrait avoir une petite médaille à la poitrine les jours de fête, de celles qui brillent et qui tiennent si froid au coeur de la nuit, au centre du matin, autour des jours de pluie.

Mon menton se met à trembler et puis, et puis voilà, j’éclate en sanglots sur mon sol. Débile petit garçon qui sent les grains de sable de sa vie passer entre ses doigts. Si tu perds Carla, il te restera toujours si peu, si peu, et Autumn qui ne rentre pas, qui poursuit des rêves que tu dois regarder passer. Je pleure les moments à plusieurs, tellement entouré et si seul maintenant, mais elle m’a pas dit, espèce d’enculé plus jamais, plus jamais je revois ta sale face de rat espèce de traître, espèce d’affreux, bâtard sans mère et menteur de vingtaines d’années usées.

Elle a dit, tu viens.

À l’autre bout du fil ça répond enfin, je demande des services téléporteurs urgent, on me dit mais enfin, attendez s’il vous plaît, votre numéro de mission s’il vous plaît, je prononce mon nom et on s’excuse. On me demande l’adresse que je donne.

Quelqu’un débarque dans mon salon. Il tombe sur un métamorphe qu’à pas passé la trentaine, cheveux platine irréguliers, short de pyjama, débardeur usé, chaussettes hautes et vieilles nike aux pieds. Tout un programme que d’aller affronter des mensonges qu’on n’a jamais souhaité. Des mensonges qu’on redirait sûrement, encore et encore et encore si on refaisait la même route. Tu me pardonneras pas de pas t’avoir dit, Carla ? De pas avoir su que j’aurais dû te le dire, quand je ne le savais pas ?

J’ai besoin de quatre relais pour arriver chez elle. L’effet de la téléportation me rend pâle et bileux alors que j’ouvre sa porte à la volée dans son intimité, son chez-elle et sa solitude qui est sûrement jumelle à la mienne. Ma salive a un goût de coquelicots après l’orage. De parties de jambes en l’air pas bien finies. De tatouages irraisonés. De ruines pour enterrer les mensonges, de viol incompris, de personnages étiolés dans des livres dont on ne connait pas la fin.

Allez, colle-la, ta gifle, Carla.
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Humaine Innocente
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Carla A. S. Lowett
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Humaine Innocente
MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyMer 6 Mai 2020 - 15:01

Le temps lui paraissait infini. Peut-être finalement qu'il ne viendrait pas. Peut-être qu'il préférerait s'enfoncer un peu plus loin, faire comme si de rien n'était, comme si cette nuit ensemble n'avait pas existé, comme s'il ne lui avait pas menti toutes ces années.
Mais c'était Ian.
Et Ian finissait toujours pas revenir parce que Carla finissait toujours par en avoir besoin.Éternel recommencement. Elle l'avait appelé pour les ecchymoses de son père, et il était venu. Elle l'avait appelé, malgré elle, au travers de Rhyan, et il était encore venu. Son regard l'avait appelé au Canada, et une fois de plus il était venu. Il venait toujours. Et il mentait toujours, apparemment.
Son poing la brûlait. L'envie de tout détruire, d'écraser ses phalanges contre un mur, tant pis pour le sang sur le crépon blanc, tant pis pour les os éclatés, pour la douleur, l'étonnement de Louis en rentrant. Elle avait envie de rugir, de faire mal et de se faire mal.
L'image de son père la traversa un instant. Elle était comme lui ? Elle devenait comme lui ? Tout ça à cause de ces non-dits, de ces secrets. Sa lèvre trembla un peu, et la jeune femme serra le poing un peu plus fort, ses ongles perforant la peau claire.

Elle eut le temps de le détester, de le haïr, même presque de vouloir sa mort. Après tout ce qu'il avait fait pour elle, tout ce qu'il avait subit, tout ce qu'il avait représenté, elle ne gardait pourtant que cette image de Ian, se moquant de la pauvre Carla, l'humaine sans pouvoir, la pièce rattachée de leur petit groupe, le fou pour faire rire la cour.
Et puis il fut là.
Il entra chez elle comme il l'avait toujours fait, avec sa force, sa détermination et une légère pâleur. Il était là, et c'était impensable de l'imaginer ailleurs. La femme leva une main tremblante, prête à en découdre, à faire aussi mal qu'elle avait mal, à éclater sa rage sur la joue de son amant d'un après-midi.
Mais la rage avait disparu de ses yeux pour laisser la place à des larmes dans un esprit brouillé. Ses paupières tremblèrent alors que sa main se relâchait et que sa respiration se coupait. Incapable d'aller au bout de son geste, elle s'assit sur le lit, tomba sur le lit, les jambes coupées, les larmes collées à ses joues creuses.

Ian n'avait presque pas changé. Toujours aussi beau, aussi fort, aussi homme. Une seconde, une seconde seulement, elle se surprit à le substituer à Louis, à imaginer une vie avec lui. Mais tout aurait été tellement différent. Louis lui parlait du futur à deux, d'enfants parfois, de construire quelque chose ensemble. Avec Ian elle ne pouvait imaginer qu'une passion la bouffant, deux corps se chevauchant.
C'était ridicule et elle le savait. Parce que Louis aussi savait être sauvage ; il la prenait souvent, la plaquant contre un mur et la faisant hurler jusqu'à un orgasme sale et empreint de sueur. Alors qu'avec Ian ça n'avait pas marché. Elle aurait dû prendre ses désirs et les foutre dans une boîte il y a bien longtemps. Laisser au Canada ce qui lui appartenait.
Mais alors si ce n'était pas ça, si ce n'était pas du désir... ?

- Je comprends pas pourquoi.

Des mots pour couper la pensée. Elle devait se concentrer sur la raison de la présence de Ian ici. Pas sur le fait que, en découvrant ce secret qui unissait les orphelins du Mystery, la première personne qu'elle avait appelé était son ancien amant. Pas Louis, son amoureux. Pas Luka, dont elle avait été tellement proche plus jeune. Pas Ange, qu'elle croisait encore parfois autour d'un verre et qui lui racontait ses tourments amoureux comme s'ils s'étaient quittés la veille. Non, elle avait appelé Ian et Ian avait accouru.
Comme une putain d'évidence.

- Louis... Louis je sais pourquoi.

Sa voix se brisa en prononçant le nom de celui dont elle partageait la vie. Louis qui l'aimait comme un fou, tellement plus qu'elle ne le pourrait jamais. À cause de la plaie béante dans sa poitrine, à cause d'un poids qui étouffait son coeur depuis l'adolescence, à cause d'une sensation étrange sur ses lèvres, le goût d'un autre homme.

- Mais toi... ?

Carla leva les yeux au ciel, essayant de contenir les larmes. Face à Louis, elle savait faire. Sourire-mensonge, serrer les dents pour ne pas s'écrouler, oublier le passé. Contenir et être la femme forte qu'elle avait toujours désiré devenir, celle qui ne redoutait personne, qui ne pouvait peut être pas vivre, mais en tout cas survivre sans dépendre de personne.
Et face à Ian, elle s'écroulait. Il venait et elle s'écroulait, lamentable loque bercée par les larmes.
Une putain d'évidence.
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Ian Coley
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyMer 6 Mai 2020 - 15:34

Elle est juste face à moi mais je sais que je n’ai pas le droit de la toucher. Même mon imaginaire refuse de s’imaginer ce que ça ferait de la prendre dans mes bras, son odeur, rien ne me vient, tout est intégralement bloqué. L’énergie qu’on a mis pour se tenir à distance fonctionne si bien.

Mais je mens, là.
L’énergie que j’ai mis pour la tenir à distance. D’abord parce qu’elle me blesse inlassablement, ensuite parce que je ne veux, pour rien au monde, blesser Autumn. Elle est le tout, le plus que la somme, elle est ce que j’ai pour de vrai, ce que j’entretiens, que j’espère et protège. Mais Carla.
Mais Carla.

Mais Carla.

Qu’est-ce que j’en fais de tout ça ?

Je sais qu’indubitablement je suis amoureux des deux. Ça ne règle rien ; d’autres trouveraient ça lâche. On ne peut pas aimer deux personnages à la fois.

Elle s’assied sur le lit comme un patin à qui on aurait coupé tous les fils d’un coup. Net. Clac. Elle dit « je comprends pas pourquoi » et j’ai même pas envie de m’approcher tellement l’attente me coupe les jambes. Du coton dans les guibolles pour moi, de l’eau dans les mirettes pour elle. J’imagine son esprit roulant à toute allure, le dindon de la farce, la seule sans pouvoirs, sans orpheo, sans orphelinat, la seule différente. N’es-tu pas celle qu’il me reste pourtant ?

Et puis, le couperet qui tombe « Louis… Louis je sais pourquoi. » alors que j’ai pas vu venir ça. Elle pose son gars, mon ami, notre fossé, au milieu de nous comme si ça pouvait faire quelque chose. « Mais toi… ? ». Elle lève les yeux et j’ai envie de casser des trucs, jeter des choses, broyer des morceaux de tout. La colère monte si vite et si fort en moi que je me retrouve à aboyer des mots que j’ai même pas eu le temps de penser :

— Tu comprends Louis mais pas moi ?

C’est pas tout à fait ça. Mais la rage prend ma diction de cours.

— Quelles intentions a Louis que moi, je n’ai pas envers toi ?

T’aimer, te protéger, me protéger, contenir le secret, avoir une vie normale ? Putain mais si t’avais su Carla, qu’est-ce que ça aurait changé ? Aurais-tu été plus inclue ? Est-ce que t’aurais pas chialé des soirs entier de pas être dotée ? De pas avoir, toi aussi, des capacités oh là là, folles dis donc ?

Aurais-tu couché avoir moi en sachant que je suis un animal ? Ah c’est sûr c’est bien plus classe, édulcoré, ton gars déplace des objets et maîtrise la petite brise matinale. N’y as-tu jamais pensé alors qu’il te soulevait sans aucun effort, les muscles à peine bandés ?

Et je choisis mes mots.

Bandés.

La jalousie me fait saliver alors que mon cerveau tourne en boucle.
Elle m’appelle là pour passer ses questions sa rage sa peur sa peine sur moi, pour se laver de tout ça, pour qu’une fois Louis rentré il ne lui reste plus cette humeur collante qui me reste sur les doigts ?
Personne ne lui a dit et c’est pour ma gueule alors que je suis resté, que j’y suis retourné, que j’ai rappliqué encore encore encore encore et encore.

Encore encore encore et encore, toujours blessé et jamais vaincu.

Je baisse les yeux, une mèche vient glisser jusque sur mon nez. Mes mains retombent le long de mon corps lasse, un peu bancal.
J’ai envie de dire, pourquoi est-ce que c’est moi qui ramasse les morceaux, pourquoi est-ce que tu lui as pas dit pour le viol, cesserais-je un jour d’être la béquille ou le sac de frappe ? Mon don se tait, totalement grillé depuis la mission de Sakura. Je suis aveugle de ses émotions et ça m’arrange bien. Un peu de rien, de paix. Numb & safe. La déferlante qui ne noie pas.

Les ressacs de notre passé m’arrivent comme une marée de pleine lune, qu’est-ce que ça aurait changé, tout, tout, tout, tout. Je ne l’ai pas dit parce qu’il ne fallait pas le dire. Comment lui expliquer que, quand on a remis en cause ta sécurité, ta famille, ton identité, ton chez-toi, ton pays, tu ne peux que tout laisser aux adultes qui t’encadrent ? Il faut protéger le secret, tu dois apprendre, tout ira bien. Si tu ébranles une vérité, qui te dis que les autres ne vont pas suivre ?

Et elles ont suivies. Quelle sécurité pour les enfants, pour Myaw, quel avenir après le grandiose Mikeal O’Callaghan ?

Tout le monde ment.

Je relève mes yeux.

Et moi aussi, jolie Carla. Et moi aussi.
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Humaine Innocente
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyMer 6 Mai 2020 - 16:13

Poupée désarticulée, le corps de Carla semblait avoir cessé de fonctionner. De l'extérieur tout du moins, car à l'intérieur tout se brisait, les rouages s'agitaient, tournaient trop vite, lui donnaient l'envie ingérable de courir à l'extérieur, vomir dans l'après-midi gris. Voir les fleurs sur les capos immobiles, l'eau accrochée au trottoir et déverser ses tripes, juste une fois, dans l'horizon noyée. Mais les jambes étaient incapables de la porter, la laissant épuisée, aussi faible que cette fois, cette fois qui était encrée dans leur peau, lorsque Ian l'avait portée, nue, lorsqu'elle l'avait embrassée, dans ce qu'elle croyait être une étreinte chaste alors que déjà tout était calculé, envisagé. Elle avait programmé cette chute, elle était tombée, s'était cassée la gueule sur Ian, amoureuse comme une folle alors que Louis, derrière elle, lui tenait toujours la main en souriant.
Elle pensait avoir toujours aimé Louis, sauf que Ian était là, présent, image brumeuse dans la fumée de la cigarette alors qu'elle parlait de Louis en regardant Ian, alors qu'elle regardait Louis en parlant de Ian. Tout était confus dans sa tête et désormais il y avait ce poids qu'elle n'avait pas prévu, celui du secret de la différence, de la limite entre eux et elle. Il y avait ce qui les rendait extraordinaire et elle, tellement ordinaire.

– Tu comprends Louis, mais pas moi ?

La lèvre de Carla explosa dans sa bouche sans même qu'elle se soit rendue compte qu'elle la mordait, aussi fort. Les mots de Ian faisaient mal, ils étaient durs à avaler, mais comment ne pas comprendre ? Comment réagirait-elle s'il plaçait Autumn au milieu de tout ça ?
Autumn qui, bien sûr, savait elle.
Et une pensée obscure s'infiltra dans son esprit embrumée, une pensée qu'elle aurait tellement voulu repousser mais qui se faufilait comme un serpent dans les méandres de ses cellules, pour venir s'implanter tout au fond, indélogeable douleur.
Si elle avait su, elle, est-ce qu'il l'aurait préférée à la place d'Autumn ? Image brusque de leur deux corps, tellement plus jeunes, enlacés au-dessus des vagues de Little Angleton, s'embrasant, bien avant l'attentat, bien avant Louis, bien avant l'âge adulte.
Elle voulut repousser la vague qui la submergeait d'images, mais qui revenait encore, encore plus forte.

– Quelles intentions a Louis que moi, je n'ai pas envers toi ?

Elle voulut répondre mais n'y parvint pas, sentant le goût du sang sur sa langue à la place du goût des mots. Alors elle leva deux yeux délavés vers son ancien amant, deux yeux qui contenaient toutes ces images de leur corps enlacés, entrelacés, cadenassés. Un film muet, un reflet de ses pensées obscures. Un film qu'elle n'arrivait pas à retenir et dont elle avait l'impression de le projeter, en grand, sur les murs de sa chambre, habitués à d'autres ébats, à la puissance translucide de Louis plutôt qu'à la force désespérées de Ian.

– C'est plutôt celles qu'il n'a pas.

La voix avait été un murmure, une écume à peine teintée de rouge sur le coin de ses lèvres. Un aveu soufflé, mais inavouable.

– Il pense protéger une Carla pure, une image de composition. Alors que toi tu m...

Le verbe se bloqua dans sa gorge, encore plus inavouable. Siffle langue de serpent, siffle, mais l'amertume du sang contre les dents, le bourdonnement de la culpabilité dans les tympans étouffent les cris animaux.

– Toi tu me connais avec des faiblesses qui révèlent le reste.

Les forces et les besoins. La force d'avoir dû tenir tête à un père, la force d'avoir dû oublier les mains écartant les cuisses, la force de n'être pas morte dans un village fantôme. Et le besoin de Ian, tellement lourd contre ses veines.
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyMer 6 Mai 2020 - 18:02

Mais ramène-moi à l’adolescence s’il te plaît Carla, me laisse pas dans ton appart à pleurer, moi debout toi au sol, ramène moi dans les vagues ou sous l’aiguille du tatoueur, donne moi un joint et ricane comme seules les adolescentes savent faire, pouffe comme seuls les adolescents le peuvent. Efface aujourd’hui, ne le laisse jamais arriver.

Mais j’idéalise. J’idéalise, je le sais bien. Il y avait des béances alors, pas rebouchées aujourd’hui. T’ai-je déjà raconté Bastet, Carla ? Ses odeurs de fauve et ses regards injustes, t’ai-je raconté Alaina, Carla ? Son appartement austère, son incapacité à faire de la place pour moi. J’ai vécu sans pouvoir toucher aux murs, au canapé, sans avoir d’endroit à moi, sans pouvoir cloper à la fenêtre, sans chez-moi, j’ai vécu chez quelqu’un dans un calme absolu, une cage de verre que j’avais moi-même soulevé. Le jour même où tout a été fini je n’ai jamais plus eu de lien avec elle. Parce que j’étais pas ce qu’il lui fallait, tu vois ?

Comme toi.

Comme toi, je ne suis pas ce que tu veux. Mais si un peu. Mais pas trop, pas maintenant, mais si, encore.

— C’est plutôt celles qu’il n’a pas.

Je déglutis ses mots comme je me forcerais à avaler la boule d’os d’un hibou. Des plumes et des poils, dégueulasse. Bien sûr que je l’entends parler. Putain, j’ai envie de lui dire que je l’ai toujours entendue, comme les bêtes le font.

— Il pense protéger une Carla pure, une image de composition. Alors que toi tu m..

Ma nuque dans mes doigts croisés me semble gelée.

— Toi tu me connais avec des faiblesses qui révèlent le reste.

Je secoue doucement la tête, doucement doucement doucement. Le monde ne peut-il pas tourner sans moi, aujourd’hui ? Ai-je réellement comme devoir de participer à cet instant ? J’aimerais un pilote automatique. Prends les commandes, redresse la barre, traverse la nuée d’astéroïdes.

Largue les amarres.

— Alors c’est ça, ton amour ?

Je suis odieux. Je m’entends être odieux.

— Celui qui aime Carla la presque parfaite, la douce, celle qui lève le menton et retrousse ses manches pour s’ajuster à son sourire ?

Je n’ai aucune idée de pourquoi j’agresse son couple, ça n’a vraiment aucun rapport avec le sujet. Et ce que je m’apprête à dire est pire, tellement pire que je retarde le moment, je me dandine d’un pied à l’autre, laissant les secondes s’engouffrer en moi, frayant une voie toute trouvée pour une peur qui me liquéfie le ventre.

— Putain.

J’ai trop peur, je suis désolé, voici la vérité.

— Comment aurais-je bien pu t’avouer tout ça sans te mettre à l’écart ? Sans t’agiter sous le nez la différence entre nous, et toi.

Nous.
Contre.
Toi.

— Mes mondes sont scindés Carla. Parce que j’en ai besoin, comme le reste d’entre nous. C’est nécessaire. Dans mon monde, on part en mission, on essaie de tuer quelqu’un au couteau, on rate, on touche ses tendons, ses mains, son nez avant de planter dans la gorge. C’est la normalité. Dans mon monde les gens meurent mais c’est normal. Dans mon monde on torture, on viole.

Je souffle.

— Je suis désolé que tu aies été mêlée à ça.

Mes mots comme des cauchemars.

— Dans mon monde, on peut tuer son père.

Je souris, avale. Avale, Ian.

— Dans mon monde on mute loup pour détruire et tuer, on met le feu à des bâtisses, on contemple le chaos et la crasse qu’apportent les pouvoirs. Mais quand je ferme la porte pour me glisser dans celui des humains, les gens qui crèvent c’est plus la normalité. On est triste, on fait son deuil, on les enterre, on les pleure. On va bosser le matin dans un magasin, on coupe des fleurs, on fauche les champs. On est un bon soldat dans un tank avec des drônes, on réparer des clavicules cassées.

Ferme les vannes ferme les vannes ferme les vannes ferme les vannes.

— Dans mon monde, on.. — le souvenir de la lame crantée de Sakura dans mon ventre et de la myriade de couleurs qui explosent sous mes paupières et si vive que j’en porte la main à l’estomac — on va se faire soigner à moitié dépecé, les mains brisées rebrisées et rebrisées encore sans garder aucun séquelle.

Je vrille mes prunelles dans les siennes. On finit tous pareils, insensibles, cassés, vidés.

— On est des poches à deuil, à souffrance, à mort. Du jus de crasse. On tue, on est tués, nos pouvoirs nous font péter un plomb, ça s’immole ici, ça se noie là-bas, ça fou le feu à des QG entiers, ça fait partie des gentils mais ça retourne sa veste après trop de drames. C’est pas une réalité que je veux moi, tout ça. J’veux des discussions normales j’veux des flirts des joints des tatouages j’veux une maison une forêt un chien, j’veux pouvoir me dire le soir que si je me retire de la guerre j’y laisse pas les miens. J’y laisse pas Louis, derrière.

Cadeau. Prends mon fardeau je te le laisse.

-- C'est ça que j'aurais dû dire ?
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Humaine Innocente
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyVen 8 Mai 2020 - 13:55

Carla vit Ian secouer la tête et elle comprit aussitôt qu'elle n'était pas vraiment prête pour ce qui allait lui arriver dessus. Pas des mots, mais des missiles télécommandés jusqu'à son coeur. Alors qu'elle ignorait tout un pan de la vérité, tout un pan de ce qui constituait les personnes dont elle pensait être le plus proche, lui savait tout d'elle. Tout, dans les moindre recoin, l'intimité la plus profonde, les cicatrices sous la peau. Il savait où frapper, où faire le plus mal.
Elle ne savait même pas ce qui avait fait les blessures sur le corps en face d'elle.

– Alors c'est ça, ton amour ?

Elle sentit sa main trembler. C'était facile de la part d'Ian, mais comment lui en vouloir ? Comment lui en vouloir d'appuyer sur la corde sensible, sur l'amas de poussière qu'elle camouflait un Louis sous un paillasson ? C'était ça, sa manière d'aimer ? Attendre un être pendant des années, puis le tromper avec le premier venu ?
Non, elle refusait de penser que l'homme en face d'elle était "le premier venu".
Et pourtant, elle ne savait rien de lui. Mais après tout, elle ne savait rien de Louis non plus. Ni les pouvoirs, ni les années passées loin de lui alors qu'il se battait, se faisait torturer pendant qu'elle dépérissait à Little Angleton.

– Celui qui aime Carla la presque parfaite, la douce, celle qui lève le menton et retrousse ses manches pour s'ajuster à son sourire ?

Elle était pourrie, moisie jusqu'à la moelle. Carla la pauvre chérie, qui avait assisté pendant des années à l'amour violent de son père pour sa mère, Carla qui avait trompé la peur de sa propre solitude dans le corps des autres, souvent alcoolisée, Carla qui mentait au monde et à elle-même depuis son enfance.
Quel modèle de perfection pour l'humanité.

– Putain.

Respirer un peu plus fort pour retenir les larmes. Pour ne pas s'épancher, encore une fois, d'un malheur dont elle était la seule coupable.
Les yeux brillant elle observa Ian.

– Comment aurais-je bien pu t'avouer tout ça sans te mettre à l'écart ? Sans t'agiter sous le nez la différence entre nous, et toi ?

Carla, d'un côté, toute seule sur la falaise et les autres, ensemble, tellement plus fort, de l'autre côté. C'était pour ça qu'elle était malade, incapable d'aimer correctement ? Parce qu'il y avait toujours eu cette frontière entre eux, cette ligne invisible.
Et Autumn, toujours l'image de cette fichue Autumn, sa main ancrée dans celle d'Ian avec le sourire de celle qui sait sur les lèvres. Celle qui est supérieure parce qu'elle connaît leur différence, la ligne qui les séparera toujours. Autumn qui gagnait sur tous les plans et que Carla ne pouvait s'empêcher de haïr alors même qu'elle ne la connaissait que brièvement.
Qu'elle ne la connaissait pas en fait, comme tous les autres.

— Mes mondes sont scindés Carla. Parce que j’en ai besoin, comme le reste d’entre nous. C’est nécessaire. Dans mon monde, on part en mission, on essaie de tuer quelqu’un au couteau, on rate, on touche ses tendons, ses mains, son nez avant de planter dans la gorge. C’est la normalité. Dans mon monde les gens meurent mais c’est normal. Dans mon monde on torture, on viole.

Son monde. Un autre monde dans lequel vivait ses amis, dans lequel ils s'épanouissaient alors que Carla, restait comme une conne, derrière. Dans son monde à elle avec les autres humains, incapables d'imaginer ce qui pouvait se tramer chez leurs voisins, amis, peut-être même propre famille.
Mais son monde aussi blessait, heurtait, torturait, violait. Ces mots étaient communs aux deux mondes. Peut-être n'avaient-ils pas, eux, les humains "normaux", de pouvoir. Mais ça ne les empêchait pas de planter des lames et des dards entre les cuisses. Ça n'empêchait pas la violence et la mort, aucun monde ne se la refusait.

– Je suis désolé que tu aies été mêlée à ça.

Fleur écarlate, elle sentit la colère éclore dans ses entrailles. Ian ne disait pas "désolé de ne t'avoir rien dit", mais "désolé que tu sois entré là dedans". Presque comme s'il s'excusait de l'avoir laissée rentrer dans leur monde, de l'avoir acceptée dans les ruines, dans la fumée des pétards, dans les étreintes de l'ivresse. Désolé d'avoir été ton ami, Carla.

– Dans mon monde, on peut tuer son père.

L'image fugace de son propre père lui apparut. Il était comme toujours lorsqu'elle pensait à lui, le visage rouge et bouffi par la colère, la main haute, la voix puissante. Un monstre sorti du dessous de son lit. L'expression même de la peur dans les yeux de Carla. Elle avait souvent regardé les longs couteaux dans la cuisine, la mort aux rats à l'épicerie du village, l'eau du bain pour étouffer la douleur. Mais elle les avait regardé pour elle, pas pour lui. La lame contre ses veines, le poison dans son sang, l'eau envahissant ses poumons.
C'était ça la différence entre leur deux mondes ? Alors que lui osait tuer son père, elle cherchait le courage pour se tuer elle-même ?

— Dans mon monde on mute loup pour détruire et tuer, on met le feu à des bâtisses, on contemple le chaos et la crasse qu’apportent les pouvoirs. Mais quand je ferme la porte pour me glisser dans celui des humains, les gens qui crèvent c’est plus la normalité. On est triste, on fait son deuil, on les enterre, on les pleure. On va bosser le matin dans un magasin, on coupe des fleurs, on fauche les champs. On est un bon soldat dans un tank avec des drones, on réparer des clavicules cassées.

Se battre pour ou contre la mort.

– Dans mon monde on... on va se faire soigner à moitié dépecé, les mains brisées rebrisées et rebrisées encore sans garder aucune séquelle.

Ian planta la vibrance de ses yeux dans ceux de l'humaine échouée sur le sol.

— On est des poches à deuil, à souffrance, à mort. Du jus de crasse. On tue, on est tués, nos pouvoirs nous font péter un plomb, ça s’immole ici, ça se noie là-bas, ça fout le feu à des QG entiers, ça fait partie des gentils mais ça retourne sa veste après trop de drames. C’est pas une réalité que je veux moi, tout ça. J’veux des discussions normales j’veux des flirts des joints des tatouages j’veux une maison une forêt un chien, j’veux pouvoir me dire le soir que si je me retire de la guerre j’y laisse pas les miens. J’y laisse pas Louis, derrière.

Petits soldats de plombs partant au jeu de la guerre.

– C'est ça que j'aurais dû dire ?

Petits soldats de plombs mourant au jeu de la guerre.

Carla tira sur ses muscles, les forçant à lui obéir, à reprendre le contrôle. Avec lenteur elle se releva, comme une biche venant de naître, encore tremblante sur les longs bâtons la soutenant. Un peu plus petite que l'homme en face d'elle, l'homme aux mots-maux, elle leva le menton pour trouver son regard, s'y enfoncer profondément.
Se redresser l'avait vidée de son énergie, mais elle trouva néanmoins une force, une force absurde et qui n'aurait pas dû être là de s'approcher de lui, de saisir une main.

– Dans mon monde, il n'y a que des gens qui fuient, qui partent sans prévenir, qui oublient que je suis là, derrière, sans savoir où ils vont, pourquoi ils ne tiennent pas assez à moi pour dire au revoir, adieu.

Elle entrelaça les doigts.

– Dans mon monde, il n'y a que des gens de ton monde.

Cinq nom qui brûlaient dans son coeur.

– J'étais déjà différente. J'étais celle qui avait des parents, des parents qu'elle détestait, mais qui existaient. J'étais celle qui hésitait à sauter du haut de la falaise, celle qui rentrait seule, depuis les ruines et les prés.

Elle se remémora la Carla d'antan, les yeux un peu brumeux à cause de la fumée, regardant cinq corps s'éloigner en direction de l'orphelinat alors qu'elle devait redescendre au village.

– J'ai choisi cette différence. J'ai choisi de tenir à vous, j'ai choisi de rester à Little Angleton dans l'espoir de vous retrouver plutôt que de suivre ma famille. Je vous ai choisis pour recevoir l'amour que mes parents étaient incapables de me donner.

Elle serra la main encore un peu plus fort, s'accrochant aux phalanges musclées, à la peau frappée par la chaleur des lames.

– J'ai choisi de te laisser entrer dans mon monde. Je t'ai fait porter le fardeau de ma souffrance et de mes erreurs. Mon attente. Je t'ai laissé entrer dans mon monde. J'aurais juste voulu pouvoir entrer dans le tien, j'aurais juste voulu que...

Elle soupira. Soupir absurde.

– J'aurais juste voulu que toi aussi, tu m'autorises à t'aider à porter tes fardeaux.

Parce que sous la finesse des muscles de Carla, il y avait plus de force qu'elle ne le laisserait jamais paraître. De la force pour l'amitié. De la force pour l'amour.
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyVen 8 Mai 2020 - 21:04

Je ne sais pas pourquoi, je pense aux mensonges qu’elle donne à manger à Louis et lui qui mâche, avale. Sûrement suis-je un peu pareil que Carla, à mentir à Autumn. Même cheveux blonds, mêmes horreurs chevillées au coeur. Des fois je lui dis.

J’ai mentis pour le charnier.

J’ai la sensation de me voir dans un miroir et le reflet qui apparaît ne me convient pas. Je devrais dire la vérité à celle qui a choisi consciemment de partager ma vie, tout le temps. Plutôt que de monter des reliquats de passion derrière son dos. J’ai mal au ventre.

Elle se lève, fine et gracieuse, son corps de danseuse à la peau uniforme ; une rareté dans les temps anciens qui nous rapprochaient.

— Dans mon monde, il n’y a que des gens qui fuient, qui partent sans prévenir, qui oublient que je suis là, derrière, sans savoir où ils vont, pourquoi ils ne tiennent pas assez à moi pour dire au revoir, adieu.

Ses mots me font étrangement mal, une douleur qui tamponne mes tripes avant de devenir un pincement aigu.
Qui ne disent pas au revoir ? Qui partent ? Mais qui revient toujours Carla, qui rapplique en quelques mots, ugh ? Tu dis, vas-y, viens et je suis là. Même quand tu le dis à un tiers, je suis là. Même quand tu hésites face à moi, que tu te dis, alors finalement on baise pas, je sais pas, j’me tâte tu vois, même quand ça me fait l’hiver en dedans, je suis là.

— Dans mon monde, il n’y a que des gens de ton monde.

Je baisse les yeux. C’était pas à moi de lui dire de toute façon, c’était à Louis. On lui a tous laissé le soin de cette question épineuse sans bonne réponse.

– J'étais déjà différente. J'étais celle qui avait des parents, des parents qu'elle détestait, mais qui existaient. J'étais celle qui hésitait à sauter du haut de la falaise, celle qui rentrait seule, depuis les ruines et les prés.

Ses doigts dans ma main me font frissonner. C’est si facile de la toucher, ses yeux rivés dans les miens qui disent des choses qui me semblent impossible à comprendre, à entendre. Je ne peux pas digérer sa peine avant d’avoir digéré la mienne. Elle me reproche des choses que je crois, je referais cent fois.

– J'ai choisi cette différence. J'ai choisi de tenir à vous, j'ai choisi de rester à Little Angleton dans l'espoir de vous retrouver plutôt que de suivre ma famille. Je vous ai choisis pour recevoir l'amour que mes parents étaient incapables de me donner.

Le choix ? Le choix de nous quand ta famille partait à vaux l’eau, qu’on bavait devant ta mère et ton frère, putain, tous ceux qui avaient plus rien, plus leur fratrie se disaient she get to come back to them. Des choix, des choix, des choix. Tu nous choisis et on ne te choisit pas, c’est ça le vrai fond du problème Carla ?

Je ne comprends rien.
Je n’entends pas grand chose non plus.

– J'ai choisi de te laisser entrer dans mon monde. Je t'ai fait porter le fardeau de ma souffrance et de mes erreurs. Mon attente. Je t'ai laissé entrer dans mon monde. J'aurais juste voulu pouvoir entrer dans le tien, j'aurais juste voulu que...

Ses attentes dérivent, sa colère aussi. Elle change de sujet avec une fluidité qui ne me surprend pas, toujours à même d’esquisser les bons pas pour naviguer dans le flot de ses émotions.

– J'aurais juste voulu que toi aussi, tu m'autorises à t'aider à porter tes fardeaux.

Je fronce les sourcils, romp le contact pour porter mes doigts à mes yeux. De l’eau, comme c’est surprenant. Du sel sous les paupières, sous la peau, sur le coeur, dans la bouche. Du sel pour faire crisser les dents, les parquets, les souvenirs passés qu’on ne reprend pas. Ce ne sont pas de vieilles chemises mais bien des moments qu’on peut rejouer dix fois, romancer, altérer par notre nous du présent.

On n’y retournera jamais.

Tu ne quitteras jamais Louis, je ne quitterais jamais Autumn.

Je grommelle :

— C’est un truc officiel, le Secret. On peut pas le dire, on peut pas en parler, on risque gros. Louis est en train de remplir la paperasse pour que tu saches.

Enfin, j’aurais pensé qu’elle était curieuse, qu’elle tirerait peut-être pas la couverture à elle ici. Genre, j’aurais voulu savoir, okay, mais maintenant que tu sais, tu te demandes pas Ange, il peut faire quoi ? Tu me dis pas, c’est pas grave de tuer son père, moi si j’avais pu je l’aurais fait ? Non, elle dit, tu aurais dû. T’as pas fait, t’as manqué, j’ai souffert de toi. De ce que t’as pas fait, pas dit.

J’ai souffert que t’aies pas posé ta souffrance sur mes épaules.

Un gros sanglot me serre la gorge avant d’échouer, sale, sur mon visage. Ben ouais Carla, t’étais la bouffée d’air, l’autre chose, le normal tout cabossé, celle avec ses problèmes humains qui m’emmenait faire n’importe quoi. Mes pensées dérivent, je pense à Autumn qui fait la grosse cuillère autour de moi, qui enserre ma souffrance pour la faire taire, la rendre plus petite. Je pense à quand j’ai tué mon père et que j’ai débarqué dans sa chambre, je pense à qu’elle me reproche jamais rien mais met toujours tout sur le tapis, et je lève des yeux immensément tristes sur Carla qui navigue entre colère et abandon, qui reproche, maltraite, qui

qui


qui


qui me traite peut être pas toujours comme elle le pourrait.

Je presse le dos de mes mains contre mes globes oculaires.

J’ai l’impression d’être le réceptacle de ses émotions trop fortes, d’être le puit aux débordements. Moi, j’ai la chance d’avoir Carla brûlée, brisée, battue, violée quand Louis a le droit d’avoir les souvenirs blancs de soleil, ses rires au quotidien.

Comme Sakura.
J’suis celui qui va jusqu’à elle, qui supporte tout sans broncher, la bagarre, les blessures, qui endure tout, et qui rentre à la maison seul parce qu’elle est pas là, Sakura, on prend soin d’elle, Sakura.

J’ai super envie de rentrer à la maison avec une brutalité qui m’arrache une nouvelle salve de larmes qui tombent sur le sol ploc ploc ploc. Je mets les mains devant moi ; m’approche pas, me touche pas.

— J’t’ai choisie à chaque fois.

Mon manteau de misérabilité me tient froid.

— J’t’ai choisie à chaque fois Carla.

J’me suis ouvert à elle j’ai dit la vulnérabilité la mort les enterrements auxquels on peut pas assister parce que y’en a trop en même temps, Rhyan qui se croit invincible et Simje qui a touché du doigt trop près que personne ne l’était.

— J’t’ai choisie à chaque putain de fois Carla mais là je peux plus.

J'peux plus parce que je m'excuserai pas.
J’ai besoin de me choisir moi, je peux plus rien porter, et je crois que je m’en vais. Je crois que je m’en vais parce que alors que je coule sous tes yeux tu me reproches une intimité du quotidien qu’on n’a plus, tu me reproches des faits adolescents et ; comment comprendre un secret si jalousement gardé qui me retombe dessus comme ça ?

J’me sens perdu

et

incroyablement

seul.

Moi aussi ils sont partis mes amis, Carla, moi aussi je les ai vus quitter l'orphelinat pour se paumer parce qu'on est tous bons qu'à ça, se paumer. Moi aussi ils me manquent, à moi aussi ils me mentent. Mais nous on n'avait pas de choix, c'était nous ou nous, parce que y'avait personne d'autre pour nous offrir un toit, une main dans l'obscurité. J'ai envie de lui hurler mes ulcères, lui dire, j'avais pas de chambre à moi, j'avais un endroit de passage dans lequel je peux pas retourner parce que quelqu'un a pris ma place, enfin s'ils étaient pas tous morts, hein, et puis j'étais dans un institution, ça veut dire des repas dans un réfectoire, ça veut dire pas de plateau télé, ça veut dire de vivre avec des gens payés pour faire leur putain de job et t'avoir, ça veut dire qu'on t'a pas voulu, ça veut dire qu'on te surveille c'est des professeurs avec toi qui en dehors de l'orphelinat ont une vie quand toi, l'orphelinat c'est ta putain de vie, et je sais pas pourquoi à cet instant mon passé me fait si mal, c'est peut être parce que maintenant que j'ai un chez moi je me rends compte de quoi j'ai été amputé et je veux un frère à qui parler la nuit et un petit camion tonka et des parents et une copine qui entend autre chose la nuit que les pneus crisser sur l'asphalte je voudrais compter autre chose que mes absents et juste avoir la paix un peu.

La paix, enfin, juste quelques secondes.
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Humaine Innocente
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyVen 8 Mai 2020 - 23:56

Le contact se rompit si brutalement que Carla en eut la nausée. L'eau venait de naître aux fenêtres de l'âme de Louis, petite pluie fine qui coulait doucement le long de ses joues. Elle avait envie de la saisir, de venir la lécher du bout de sa langue, avec une douceur entre l'érotisme et la maternité.
Mais elle retint son geste, ne bougea pas pour attendre la seconde pluie, un orage bien plus capricieux de mots qui, elle le savait, allait lui tomber dessus.

– C'est un truc officiel, le Secret. On peut pas le dire, on peut pas en parler, on risque gros. Louis est en train de remplir la paperasse pour que tu saches.

Louis. Louis comme une grande barrière qui une fois de plus venait se mettre entre eux. Louis à la perfection, qui faisait tout dans les règles, parce qu'il était ainsi, prévoyant, doux, tellement attentionné. Tellement différent d'elle.
Elle leva un sourcil, brin d'agacement. Leurs deux couples aussi étaient officiels. Ça ne les avait pas empêché de coucher ensemble. Sans compter les autres lois qu'ils avaient franchies plus jeune. Les vols à l'épicerie, l'alcool en étant mineurs, la drogue dans leurs poumons. C'était tellement ironique que ce soit Ian qui lui parle de règle, de risquer gros.

– Te fous pas de ma gueule Ian, t'en as jamais rien eu à foutre des règles.

Elle regretta néanmoins ses mots lorsqu'un gros sanglot trancha la gorge d'Ian. Puis ses mains glissèrent jusqu'à ses paupières. Pour cacher les larmes ? Pour ne plus voir la femme en face de lui ? Pour disparaître, comme les enfants se croient invisibles dès lors qu'ils ne voient plus le monde autour d'eux.
Mais son corps était bien là, étrangement faible malgré les muscles. Étrangement lâche malgré la tension qui régnait dans la pièce.

– J't'ai choisie à chaque fois.

Le coeur de Carla se bloqua dans sa gorge. Egoïste être humaine, si narcissique, à toujours faire les choses pour elle avant les autres. Ian n'était-il rien d'autre qu'un jouet entre ses mains ? Un jouet qu'elle avait trop trituré, brisé, cassé.
Mille et une pièce d'un Ian détruit.

– J't'ai choisie à chaque fois Carla.

Elle n'osait plus respirer, consciente que tout cela la dépassait un peu. Elle n'avait pas les armes pour faire face, pas les qualités nécessaires à la douceur, à prendre Ian dans ses bras et à le bercer, le serrer si fort pour panser ses plaies. Elle n'était pas Autumn.
C'était peut-être ça, au fond, la différence entre elles. Pas ce secret idiot, pas des vérités cachées. Mais la putain d'incapacité de Carla de réparer les coeurs alors qu'Autumn, la si agaçante Autumn n'avait qu'à effleurer une joue pour essuyer les larmes.
Pour éponger la tristesse que faisait couler Carla.[/color]

– J't'ai choisie à chaque putain de fois Carla mais là je peux plus.

Un frisson déchira son échine. Elle eut l'impression qu'il rompait avec elle. Quelques mots jetés froidement contre les murs blancs de l'appartement qu'elle partageait avec Louis et qui brisait une relation qui n'avait jamais été nommée. Une relation pêchée, couverte par la lourdeur de l'infidélité.
Ian venait-il de la quitter ?
Et les mots qui, comme si cela ne suffisait pas, refusait de sortir. Que dire pour le retenir ? Pour ne pas le voir tourner les talons, disparaître d'un coup, avec ou sans fichue magie ?
Un départ, encore un. C'était sa faute, si les gens partaient ?
Et quoi maintenant ? Il allait disparaître, quitter sa vie, quitter ce monde qu'il semblait lui reprocher. Et elle sourirait quand Louis rentrerait, sourirait et mentirait. Oui tout vas bien. Ton téléphone ? Ah, je n'avais même pas remarqué que tu l'avais laissé là. Sourire et mentir. C'était vraiment ça, sa vie ? À quel moment était-elle devenue un tel poison ?

– Je t'aime.

Si égoïste Carla. Elle avait balancé ça comme un hameçon au milieu de l'océan. Dans l'espoir que ça le ferait rester. Ou, au moins, que ça pourrait lui faire aussi mal que la douleur qui geignait dans sa poitrine.

– Tu vas partir, non ? Alors comme ça, au moins, tu es au courant.

Carla qui, toujours, ne comprenait rien. Qui voulait parler avant que ce ne soit trop tard, dire les mots qui font du bien autant qu'ils font mal. Une femme qui ne savait pas utiliser les mots face à celui qui en était le maître.
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Exorciste | no faith no more
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Ian Coley
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptySam 9 Mai 2020 - 12:43

Je sens que tout se délite, je pourrais fermer les doigts aussi forts que je veux je ne retiendrais rien. Je briserai ce qu’il nous reste : pas grand chose ? Autre chose ?

Qui pourrait le dire à ce stade là, ce stade où elle me feule dessus « te fous pas de ma gueule Ian, t’en as jamais rien eu à foutre des règles » qui me fait un peu reculer. Si je saute de la falaise comme tu disais, hurleras-tu pour me retenir ?

Je la regarde se fendre en morceaux aussi, j’ai dit trop ou pas assez, un long silence qui sort en boules sombres, gluantes de peine. Où suis-je donc passé, où suis-je donc rendu, j’ai l’impression que le chemin s’arrête ici, à cet instant précis. Je suis rendu à ses pieds alors qu’elle lâche « Je t’aime »

Les émotions s’entrechoquent oui, tu m’aimes et, pourquoi me dire ça maintenant, tu m’aimes qu’est-ce que j’en fais moi si je t’aime aussi comme si ça devait me faire rester. Et elle enfonce le clou dans sa rage qui me met le carmin aux lèvres, à quel point puis-je mordre ma langue avant qu’on en remarque le sang ?

Mais je ne mords rien du tout, ni l’intérieur de ma joue ni son joli visage contrarié. Je pleure parce que je n’en peux plus, voilà ce qu’il y a dedans, une immense latitude, je suis fatigué. Je suis fatigué, tellement fatigué. Les sanglots redoublent alors qu’elle dit : « Tu vas partir, non ? Alors comme ça, au moins, tu es au courant. » et je recule plus nettement alors. Elle ne dit pas ça pour me faire rester, elle anticipe le départ ; me donne-t-il un bagage à mâchouiller sur le retour ? Un os à ronger durant les mois où elle me manque ?

A-t-on été heureux ensemble sur ces trois dernières années ? À se bouffer la bouche et se rattraper au rebord du vide ?

Je me force à souffler doucement, tout plié de douleur, ravalant les derniers sanglots qui ne la changeront pas. Ma vulnérabilité contre ses mots. Je t’aime. Je t’aime, elle a dit, et alors ? Et alors, qu’est-ce que j’en fais si je t’aime aussi ? Je me force à un calme qui revient lentement, faux mais réel.

— Je t’aime aussi, posé-je platement.

Je relève les yeux pour la regarder en face.

— Je t’aime aussi.

Les émotions refluent. Je m’essuie les yeux sans douceur aucune. Je ne ressens plus la douceur du passé et les effluves de tendresse qu’on savait encore trouver. J’ai l’impression d’être parti, mais pas elle.

Je ne pars pas mais j’attends, j’attends encore quelques secondes. L’orage est passé, sens-tu comme moi qu’il est temps de rentrer ?

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Humaine Innocente
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptySam 9 Mai 2020 - 17:46

Il recula. Les pieds au bord du gouffre, prêt à sauter pour toujours. Carla se surprit à penser, ironiquement, qu'au moins cette fois il lui dirait adieu.

– Je t'aime aussi.

Ça avait une saveur nouvelle. Bien différente des mots de Louis, Louis qui aimait hurler en riant son amour. Louis l'intrépide qui gueulait au monde entier ses sentiments pour Carla, qui assumait en pleine rue, l'attrapait par la taille et la faisait tourner, l'embrassait devant une foule de touriste, la portant comme une princesse alors qu'elle riait, à la fois gênée et amusée.
C'était plus bas, timide, secret. Comme toujours entre Carla et Ian.
Il releva la tête.

– Je t'aime aussi, répéta-t-il.

Ces mots qui avaient tant représenté dans la vie de Carla, qu'elle avait tellement attendu de la part de son père, puis de la part de Louis, ces mots semblaient désormais tristes. Ils n'étaient pas vide de sens, ils vibraient toujours d'une importance qu'elle ne pouvait nier, mais ils étaient également lourd d'autre chose, avec un goût de départ, d'au revoir.

– Ok.

Ce fut le seul mot qui arriva à franchir la barrière de ses lèvres.
Et maintenant, qu'allait-il se passer ? Elle l'aimait, il l'aimait, et puis quoi ? Elle aimait Louis et lui aimait Autumn. C'était ridicule. Ils n'allait pas commencer un ménage à quatre, alors voilà. Il allait partir et elle garderait au fond de son coeur les traces de cet amour réciproque, un amour qu'elle aurait peut-être préféré unilatéral.
Est-ce que ça aurait été plus facile à oublier ?
Carla aurait également aimé réussir à le détester. À le haïr du fond de ses tripes, tellement fort qu'elle aurait pu, en terrasse avec une de ses collègues, une jolie brune avec qui elle s'entendait très bien, cracher sur son dos. Elle aurait dit "mon ex" puis aurait planté des couteaux dans son dos. "Mon ex était un gros con, mon ex m'a fait tellement de mal". Mais elle savait que ce n'était pas vrai, elle savait qu'elle ne pourrait jamais le haïr et que lui n'avait jamais essayé de lui faire le moindre mal.
Au contraire, il avait toujours été là, constant dans son désir d'être derrière elle, ombre dans sa douleur. Pour la prendre dans ses bras, la consoler, la bercer.

Elle glissa la main contre le haut de son dos, là où la peau la brûlait un peu plus, sur la trace indélébile, la trace de Ian. Une ancre sur sa chair, qui picoterait sans nul doute à chaque fois que quelqu'un lui déclarerait son amour, comme un rappel inconscient des mots de l'homme devant elle, l'homme déjà tellement loin...
Refusant de le voir partir, elle ferma les yeux pour mieux étouffer ses larmes. Elle savait que quand elle les rouvrirait, elle trouverait l'appartement vide, un simple parfum de son enfance flottant encore dans l'air ambiant.
Chausser un sourire, enfourner un chausson aux pommes, faire comme si de rien.
Comment Ian faisait face à Autumn ? Dans un autre contexte, si elle n'avait pas été précisément la raison d'une hésitation, elle aurait aimé lui poser la question. Comment faisait-il pour ne pas trembler, pour sourire, pour ne pas voir son visage à elle se superposer parfois, dans le noir, sur celui de son amante.
Ian revenait toujours dans ses rêves. Ian et Louis, comme un seul être à deux têtes.
Comment faisait-il pour survivre avec ces souvenirs ?
Mais la question resta cachée derrière les paupières closes, attendant qu'il soit parti pour être soufflée dans le vide.
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Exorciste | no faith no more
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Ian Coley
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MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptySam 9 Mai 2020 - 23:24

Elle pose
deux mots
dans l’espace
entre nous.

C’est tout, je jure que c’est tout, elle dit ok et c’est tout. Ah il est beau le désir de vouloir savoir, qu’en est-il advenu ? Ma peine qui coulait en lambeaux sur mes joues se mue en une déception. Le sol s’ouvre sur mes pieds et je suis à nouveau ce tout petit enfant face à mon père. De l’attention, regarde moi, comprend, regarde moi, c’est moi, je suis tout là, en entier.

This is me, dad, this is who i am.

Pour ceux qui ont maté Beautiful Boy, Chalamet y disait les phrases que j’aurais voulu dire aussi. À Carla enfin. Mais elle garde ses lèvres muettes elle me demande de partager mon fardeau comme un cadeau qui viendrait dans ses bras fins. Un présent à poser et à offrir : alors voilà, amie, amour, amante, des fois, il y a eu ça.

Mais elle se tait et son mutisme me coupe tendresse et douceur. J’arrête enfin de pleurer, les yeux bouffis et le visage gonflé qui me fait mal. Des sanglots de cabot blessé qui tremble sur la paillasse inconnue de celle qui ferme trop sa gueule pour l’aimer en entier. N’est-ce pas ?

N’EST-CE PAS ?

J’hésite sincèrement à parler. À lui pourquoi est-ce que tu ne me demandes pas pourquoi tu me fais pas parler pourquoi pourquoi pourquoi, pourquoi tu me demandes pas mes pouvoirs, pourquoi tu me demandes pas mon père pourquoi est-ce que t’as pas fait sortir les détails de ma peau de ma chair de mes os ?

Pourquoi ne dors-tu pas dans mon foi pour filtrer ce qui revient à moi ?

Pourquoi est-ce que tu n’as pas remarqué la clavicule cassée et la démarche de biais, pourquoi est-ce que t’as pas passé ta main sur l’os mal ressoudé en disant mais où étais-tu passé, pourquoi est-ce que tu ne m’as pas rappelé, pourquoi est-ce que tu me laisses partir ?

J’aimerais hurler, mais c’est un nouveau fleuve de larmes qui revient, le menton qui tremble et le nez qui coule, j’essaie de parler mais j’hoquete dans mes propres non-dit ça m’irrite ça, de pas pouvoir parler de pas dire, j’aurais eu besoin que tu me fasses rester, pas envie mais besoin pour panser les béances que ceux qui partent laisse.

Elle a posé
deux mots
dans l’espace
entre nous.

Pity the living, Harry, ugh ?

Pity ceux qui restent ouais, ceux aux visages défaits qui seront morts avant l’aube. Qui seront morts avant l’aube. Qui seront morts avant l’aube, écoute-moi bien, qui seront morts avant l’aube.

Je fonds dans mes vêtements pour devenir chat, la boîte crânienne plus petite pour ne garder que des images, pas des mots, son corps nu contre le mien et le goût de sa sueur, moi en elle et mes doigts dans ses cheveux et son souffle différent et ses vêtements sur le sol, l’odeur de son chez-elle et l’équilibre que je brise, le sel sur ma langue, sa bouche, sa bouche, sa bouche bien plus que son sexe, sa bouche et son haleine juste là sur ma langue qui me fait tanguer mais me laisse chavirer du bateau.

Le chat sort des vêtements, terminés les sanglots. Tu feras ce que tu veux de ce qu’il reste de moi, jolie Carla. Je deviens loup et me glisse en dehors de chez elle comme on quitte une seconde peau qui nous allait si bien pourtant : dans la douleur et l’aliénation.

Elle posait
deux mots
dans l’espace
entre nous
et moi
je quittais
ses rives
abusées.
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Humaine Innocente
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Carla A. S. Lowett
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Humaine Innocente
MessageSujet: Re: "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian}   "Un mensonge est un saut du haut d'un toit" {Ian} EmptyDim 10 Mai 2020 - 12:37

Elle sentait la respiration de Ian contre son front. Si près et pourtant déjà si loin. Carla tremblait de réaliser que c'était peut-être la dernière fois qu'il était si proche, le dernier moment avant qu'il ne tourne les talons pour ne pas revenir. Il allait retourner auprès d'Autumn, elle se blottirait dans les bras de Louis et la vie reprendrait son cours.
Avec quelques mots en plus dans le passé.
Je t'aime aussi.

L'air se troubla devant elle, comme soudainement empreint de légèreté. De solitude. La jeune femme se força néanmoins à garder les paupières closes, droite dans la chambre presque vide. Cassée dans ses pensées, revivant sans cesse leur conversation.
Comment cela avait-il pu passer de Ian, prêt à traverser la moitié du monde à Ian, la fuyant. Encore un. C'était donc elle le problème.
Qu'aurait-elle dû dire pour le retenir ? Qu'aurait-elle dû faire pour ne pas le voir partir ?

Est-ce que Louis partirait aussi, un jour ?

Elle ouvrit deux grands lacs qui semblait ne cesser de désirer couler. L'air en face d'elle était vide, vide de Ian, vide de Louis. Seul restait un étrange petit tas d'habits qui n'avait pas vraiment de sens à ses pieds. Mais elle ne se posa pas de question.
Après tout, c'était ça la magie.
Doucement, comme si ses gestes pouvaient les déchirer, elle s'agenouilla près du tas d'habits pour le saisir et le serrer contre ses bras, inspirer l'odeur d'un ami perdu, chercher une chaleur qui déjà disparaissait. Se fondre contre le tissu comme si c'était de la chair.

Et si c'était ça, au fond, qu'il cherchait ? Plus de cris, plus de colère, de larmes et de sanglots. Mais deux bras pour l'enserrer, l'attraper et le serrer, lui dire que ça irait.

Une douceur qu'elle était incapable d'exprimer en face de celui qui en avait tant besoin.
Le soleil était déjà bien tombé dans l'horizon lorsque Carla se releva, les habits toujours contre son coeur. Avec un soin maternel, elle les plia, choisi une boîte et les glissa à l'intérieur. Puis rangea la boîte dans sa propre penderie, là où Louis n'irait pas chercher.
Enfermer les souvenir, enfermer la douleur.
Dans moins d'une heure, Louis rentrerait du travail. Dans quelques heures, ça serait son tour d'aller travailler. Sans avoir dormir, les cernes noirs sous ses yeux, le coeur au bord des lèvres, la tristesse au fond des yeux. Et pourtant il faudrait sourire, rire pour éviter les questions, les regards inquiets de son compagnon. Peut-être ferait-il l'amour quand Louis rentrerait, comme il le faisait souvent après son travail. Le laisser se fondre contre son être dans l'espoir d'oublier la boîte lourde dans sa poitrine, les mots encrés sur son dos.
Même si, au fond d'elle, une petite voix répétait comme dans un miaulement, les quatre mots de Ian.

Je t'aime aussi.
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