I see trees are green.

Louis Armsrtong

Quel beau soleil d'été, quel agréable vent frais océanique, quelles magnifiques hautes herbes vertes Écossaises. Oui c'est bien une journée gaie pour tout le monde à Little Angleton, les gens sortent de leurs maisons, les orphelins jouent dans le jardin de Mystery ou bien vont un peu partout dans la campagne. C'est une journée d'été ordinaire pour une personne comme moi, une personne qui a vécu 13 ans ou plus dans cet endroit même de l'écosse.

Je suis actuellement assise sur le rebord de la fenêtre, vêtue d'un jean slim bleu foncé, d'un débardeur blanc sous lequel on voit un peu mon soutient gorge noir par transparence, mais ça ne me gêne pas, avec des Chuck Taylor jaunes aux pieds, me demandant bien ce que je vais pouvoir faire. Il est 10h47, nous sommes le Lundi 12 Juillet. Le 4 c'était le jour de l'Independance Day, étant Américaine, j'ai fêté ça toute seule, mais il m'a bien semblé, ce 4 juillet, que d'autres personnes fêtaient ce jour à Little Angleton..

Bref, je me lève, allant vers les escaliers, j'attrape au passage des lunettes de soleil et une petite sacoche à bandoulière. Je saute 3 marches à chaque pas que je fais, c'est plus facile dans on est grand et qu'on a des grandes jambes, petite, je n'y arrivais pas. Je passe au 2ème étage, personne. 1er, personne. C'est bien normal, les vacances attirent les gens dehors, en plus je crois que Mercredi, si il fait beau, Mrs Mysery fera un repas champêtre. J'aime les repas champêtre, il y en a beaucoup chaque année en été et au printemps. On accroche des guirlandes magiques dans les arbres. Magiques parce qu'elles s'éteignent seulement quand Nérys le demande. Enfin elles ne sont plus trop magiques maintenant puisque je peux les éteindre avec mon contrôle du feu.
Je passe dans le jardin, il y a beaucoup d'enfants qui jouent, et les professeurs surveillent depuis leurs pied d'estal, ou bien participent aux petits jeux collectifs des petits. La plupart des ado se rendent à Little Angleton, ou bien dans une autre ville. Étant majeure, je peux sortir de l'Europe quand je veux désormais, sous permission exclusive de Mrs Mystery, qui n'aime pas que les orphelins se baladent de par le monde sans une personne majeure et expérimentée. La plupart des voyages des orphelins sont encadrés par les professeurs et nous restons sur le territoire Européen en évitant les pays de l'est.

Je suis dans la Grand Rue pavée de Little Angleton, lâchant quelques sourires et des "bonjour" joyeux aux passants, qui me répondent avec le même entrain. Tout le monde se connaît ici. Au début, ma couleur de cheveux absolument pas naturelle faisait peur aux gens du village, ils pensaient que j'avais mal tourné et ils ne voulaient pas que je fasse de mauvais exemple devant leurs enfants. Mais Mrs Mystery a longuement débattue avec eux et ils ont conclus que l'habit ne fait pas le moine.

Je marche sans m'arrêter pendant au moins 30 minutes. Je suis maintenant en train de marcher dans la prairie de Landcastle, je ne sais pas pourquoi mes pieds m'ont porté aussi moins, mais quand on connaît la région par coeur, on ne s'en souci plus, on peut aller n'importe où, n'importe quand, on saura quand même quoi y trouver. J'ai eu raison de prendre mes lunettes de soleil, l'herbe verte de la prairie me donne mal aux yeux. Les yeux bleus, gris et verts sont très fragiles, car les pigments de leur couleur sont très clairs. Les gens aux yeux clairs craignent davantage les changements de luminosité, la fatigue, etc. que les autres personnes aux yeux plus marrons.
Je m'approche du seul arbre, perdu au milieu de cet océan vert, comme naufragé. Mon premier reflex est de m'asseoir entre ses racines noueuses, bien à l'ombre et au frais.

Là où je suis, j'entends le vent qui souffle dans l'herbe, et dans les feuilles de ce vieux chêne sur lequel je suis adossée depuis maintenant 15 minutes. Je regarde les feuilles, comme si je pouvais suivre le vent du regard. Les feuilles, on peut constater que les feuilles de cet arbre sont disposées de telle façon qu'on pourrait croire à une cabane naturellement construite par l'arbre lui même. Les feuilles forment une voûte parfaite à l'endroit pile où se trouvent les plus grosses branches sur lesquelles ont peut tenir à plusieurs ou s'y allonger. Cette vue me donne envie de grimper.
J'exécute, attrapant les branches les plus basses, je me hisse avec force sur une branche solide en m'aidant de mes pieds. Arrivée à destination, je continue mon ascension vers la voûte du feuillage que j'ai remarqué tout à l'heure. Je m'assied enfin dur une grosse branche. Cette voûte est fraîche, il est agréable d'y être. J'accroche ma sacoche sur une branche, en y mettant mes lunettes avant, puis je me lève et monte au dessus de la voûte, au sommet de l'arbre. Laissant ma tête dépasser de l'imposant feuillage, une vue magnifique s'offre à moi, une grande étendue verte et vallonnée qui serpente au gré du vent. On voit Little Angleton, le phare, et même le Mystery d'ici. C'est impressionnant.

Je remarque un point rouge qui s'approche, qui s'approche, qui s'approche.. en sautillant? Je ne vois pas très bien à cette distance et avec le vent qui ramène mes cheveux devant les yeux. Le petit point se transforme en vêtement. Avec une personne dedans, logiquement. Je ne vois pas qui cela peut être, ce n'est pas assez près. Je vais encore attendre un peu. Je peux enfin distinguer une petite fille joyeuse, mais toujours rien sur son identité. Ses cheveux attachés d'une tresse un peu fouillie virevoltant au rythme de sa robe rouge. J'aperçois un sourire. Myaw se rapproche irrévocablement de l'arbre dans lequel je suis. M'a-t-elle vu? Je ne saurais dire. On remarque ma couleur de cheveux car elle se détache du paysage.
Myaw est en bas de l'arbre, je descend de quelques mètres pour retourner dans la voûte. Je m'assied sur une branche et je regarde en bas. Myaw regarde en haut, là elle n'a sûrement pas pu me rater. Je souris.
-Bonjour Myaw, tu veux monter?
Proposition alléchante pour une enfant.

Rouge coquelicot.
Carmin feuille d'automne.
Ecarlate amoureux.
Ainsi se lève le soleil...

En ce matin du 12 juillet, j'enfile ma robe rouge et tente de nouer mes cheveux en tresse. C'est maman qui m'a appris à me coiffer comme ça, mais je n'ai jamais été très douée alors plusieurs mèches s'échappaient d'un peu partout et je savais que le vent n'aiderait pas à les remettre en place. Mais qu'importe ?

N'oublie pas.
Je suis juste une petite fille.
Encore une enfant.
Loin de la court des grands.

Abandonnant derrière moi rêves nocturnes et cauchemars obscure, je sors de la chambre sur la pointe des pieds, ma paire de sandale blanche à la main. Arrivée aux escaliers j'abandonne toute la discrétion dont j'avais fait preuve jusqu'alors et sautille de marche en marche comme aime le faire tous les enfants. Je pénètre dans la cuisine, puisant une pomme dans la réserve et jetant un coup d'oeil à l'horloge murale. Une petite minute de réflexion pour comprendre le langage des deux aiguilles qui semble jouer à chat sur le cercle blanc me permet de deviner qu'il est déjà presque 11h00. Je sors dehors en croquant joyeusement dans ma pomme.

Ma pomme rouge.
Comme dans Blanche Neige.
Pourquoi d'ailleurs la neige est-elle blanche ?
Et pas rouge ?

Arrivée dehors le vent le vent s'infiltre dans mes cheveux faisant voltiger les mèches folles autour de mon visage. Tout cela me donne un sentiment de liberté et une envie intense de courir et pourquoi pas de m'envoler ? Malheureusement je n'ai toujours pas d'aile, alors je me contente de faire résonner le bruit rapide de mes pas sur l'allée. Toujours plus vite, toujours plus loin. Mais mon petit coeur d'enfant s'épuise vite et déjà je me remets à marcher. Vers où ? Je ne sais pas. Je ne suis pas vraiment perdue, mais en même temps je n'avais aucune idée de ma destination.

Et si c'était ça ?
Si la neige ne savait pas ?
Si elle n'arrivait pas à choisir ?
Pas vraiment perdue, juste blanche...

Le temps semble se suspendre et je me perds entièrement dans le flot de mes pensées. Je ne suis pas totalement convaincue par ma théorie, mais j'en échafauderais sûrement d'autre en chemin. Mon chemin vers où ? Et bien pour l'instant je me dirigeais vers un arbre. Un arbre vert troué de rouge. Comme ma robe. Comme ma pomme. Pas comme la neige.

Mais les arbres ne sont pas rouge.
Sauf en automne.
Comme le jour où j'ai appris...
Que le rouge est aussi la couleur du sang.

Je continue à sautiller, le nez dressé vers le ciel afin de découvrir quel était cet étrange oiseau qui hantais l'arbre vert. Mais ce que je découvre n'a pas plus d'aile et de plume que moi. C'est Hayley, une fille de l'orphelinat, une amie de la gentille Luka. Elle a l'air drôle et j'aime bien la couleur de ses cheveux. Elle me sourit et j'agite ma main pour lui dire bonjour.

-Bonjour Myaw, tu veux monter?

Je hoche la tête, un sourire s'étirant sur mes lèvres. Bien sûr que je veux ! J'aime être loin du sol. Peut-être que plus tard je serais astronaute ? Mais en fait je préfèrerais devenir fée. Avec des ailes argenté et une baguette dorée. Et j'exhausserais trois voeux à tous les enfants du monde.

Des rêves qui s'étirent.
S'étiole dans l'air.
C'est impossible.
Même si je rêve encore.

Aussi vite qu'elle est venue, la petite fée du futur retourne dans ses nuages blanc. Comme la neige. Cela me rappelle ma question et je me demande si Hayley aurait une réponse différente que la mienne pour moi. Alors tout en tendant mes menottes vers une branche pour me hisser sur l'arbre, je lui demande son avis :

- Dis, tu sais toi pourquoi la neige est blanche ?

Mes grands yeux pleins de malice la regarde avec attention. Donne moi une réponse s'il te plaît. J'aimerais bien savoir. J'aimerais tout savoir en fait. Même si c'est impossible, encore une fois.

Je n'aime vraiment pas ce mot. "Impossible".

Dreams confuse reality

Myaw tend ses mains vers une branche.
- Dis, tu sais toi pourquoi la neige est blanche ?
Oui je le sais, enfin je connais la raison chimique, mais il faut que je trouve quelque chose pour Myaw, elle a besoin de rêves à son âge. Je tends mes mains, pour l'aider à monter sur l'arbre, en la hissant je réponds:
-La neige est blanche pour ressembler aux nuages, car la neige ne sait pas voler, mais elle voudrait bien, alors elle fait semblant d'être un nuage et se donne l'espoir qu'un jour elle s'envolera comme eux.
C'est mon père qui m'a dit ça un jour, je n'avais même pas poser une question, et il m'a dit ça. Mon père était lecteur de pensée, donc il me disait souvent des choses avant que j'ouvre la bouche. Il m'a dit aussi:"nous avons besoins des rêves pour aimer".Je cherche encore l'énigme de cette phrase

Myaw est maintenant assise à côté de moi, dans cette voûte verdoyante dans laquelle le vent passe agréablement pour nous rafraîchir en cette journée d'été. Le ciel très bleu est visible par quelques petites trouées dans l'épais feuillage. Il y a maintenant moins de vent et l'atmosphère commence à se réchauffer sous les feuilles qui empêche le soleil et sa chaleur de passer.
Un groupe d'oiseaux passe dans le ciel en formation V, ils voyagent, vont d'un endroit à l'autre, je les observes jusqu'à ce qu'ils sortent de mon champ de vision. Quelques nuages blancs sont apparus à l'horizon, le vent s'étant calmé, ils vont avoir du mal à arriver jusqu'à nous.

Myaw est une ravissante petite fille, elle a de beaux cheveux longs, ceux-ci actuellement attachés dans une tresse un peu en fouillis, des cheveux dépassants de partout. Sa robe rouge lui va très bien, si elle existait en 36, j'en achèterais une. Moi mes cheveux sont un peu emmêlés à cause du vent, une petite fourche sur ma frange longue, qui elle même est coiffée bizarrement.

Help me !
J'ai besoin de toi.
Pour monter sur l'arbre.
Pour comprendre la vie.

J'attrape maladroitement les mains que me tends Hayley afin de me hisser à ses côté. Tout en m'aidant à grimper, elle commence à me répondre. Ne me déçois pas, ne me déçois pas. Si je répète cette litanie plusieurs fois dans ma tête, ça marchera. Et effectivement, le secret qu'elle me dévoile et bien plus haut que toute mes espérance. Je n'y aurais jamais pensé.

-La neige est blanche pour ressembler aux nuages, car la neige ne sait pas voler, mais elle voudrait bien, alors elle fait semblant d'être un nuage et se donne l'espoir qu'un jour elle s'envolera comme eux.

J'aime cette réponse. Je la repasse en boucle dans ma tête, faisant trébucher les mots d'Hayley dans les méandres de mon cerveau. Et de mon imagination. Au fond, la neige est comme moi. Elle veut voler, caresser les nuages et déployer ses ailes imaginaires.

Dans ma tête.
Les flocons arrêtent de tomber.
Pour s'envoler.
Emportez moi !

Plus j'y pense, plus cette réponse là me semble évidente. La neige tombe du ciel, il est donc normal qu'elle veuille y retourner. Comme les anges. C'est leur droit, leur nature. Moi je suis née sur Terre. Il doit bien avoir une raison à ce que je n'ait pas d'aile. Peut-être ne suis-je pas faite pour voler ? Mes jambes se balancent dans le vide... peut-être ne suis-je pas faite pour voler...

Alors ?
Que se passe-t-il ?
Aurais-je peur de me rompre le cou ?
Ou de brûler mes rêves ?

A l'école j'ai appris que les oiseaux ont des os bien plus léger que nous. Les poissons quand à eux peuvent respirer sous l'eau. Et nous, nous avons des jambes. Une preuve qu'il nous faut rester sur Terre ? Si c'est ça je serais déçue. Trop déçue.

- Tu as déjà volé toi ?

Je regarde Hayley, ma tête se penchant sur le côté alors que je me mets à l'observer. J'aime bien ses chaussures. Je trouve que leur couleur jaune s'accorde bien avec sa couleur de cheveux. J'aimerais bien avoir les même. Mais peut-être pas en jaune... pourquoi pas... en rouge ?!

Tant de rouge...

Can we fly?

- Tu as déjà volé toi ?
Dans un rêve, oui, un merveilleux rêve. Je souris doucement en fermant les yeux, puis je regarde Myaw. Elle aussi me regarde.
-Non jamais, mais je voudrais bien. Et toi Myaw, tu aimerais t'envoler?

Voler est le plus grand rêve de l'homme, ainsi que le plus vieux. Mais comment voler sans ailes? Les humains ont toujours eu des solutions aux problèmes, ils ont inventé le deltaplane, mais il ne vole pas, il plane et chute continuellement. L'avion vole, mais ce n'est pas un bel engin. Il y a des films de science fiction ou bien fantastiques où les personnages savent voler. Harry Potter par exemple dispose d'un balais volant, et Angel dans X-Men est un mutant ailé.
-Tu sais Myaw, un jour j'ai fait un grand voyage, j'avais ton âge, je suis montée dans un avion et je me suis envolée. Mais j'avais très peur, parce que c'était la première fois que je quittait le sol comme cela. Je sais que ça n'est pas pareil que d'avoir des ailes. Je baisse la tête. Les métamorphes ont bien de la chance, tu ne trouves pas?
Eux ils peuvent s'envoler si ils peuvent se transformer en oiseau. Et les télékinésistes aussi, mais porter son propre poids mentalement est assez dur.

Je relève la tête en souriant. Si nous n'avons pas d'ailes, c'est parce que Dieu ne l'a pas voulu. Ca me rappelle une petite chanson, peut être plairait-elle à Myaw.
-Un poisson et un oiseau s'aimaient d'amour tendre,
mais comment s'y prendre, quand on est dans l'eau?
Un poisson et un oiseau s'aimaient d'amour tendre,
mais comment s'y prendre, quand on vit là haut?

Je ne connais pas la suite, je ne sais même pas si il y en a une. Mais j'aimais cette chanson, Made in Nashville. Enfin c'est là bas que je l'ai apprise. C'est un peu triste le destin d'un poisson et d'un oiseau qui s'aime, enfin quand on devient grand, on apprend que les animaux n'ont pas de sentiments amoureux, qu'ils vivent uniquement pour procréer. Mais chhhht, Myaw ne doit pas le savoir, elle l'apprendra un jour.

As-tu un rêve ?
Je parie que je peux le deviner.
Car au fond.
Nous sommes tous les mêmes.

-Non jamais, mais je voudrais bien. Et toi Myaw, tu aimerais t'envoler?

Je hoche la tête avec un air convaincu. Bien sûr ! Je n'ai qu'à fermer les yeux pour quitter le sol. Ce n'est pas un rêve de petite fille comme ceux éphémère que j'avais plus jeune. Celui là est fixe et trotte dans ma tête depuis un bon bout de temps. J'entends son galop empoisonné qui n'a cesse de me rappeler ce que je suis. Ou plutôt ce que je ne suis pas. Un oiseau.

-Tu sais Myaw, un jour j'ai fait un grand voyage, j'avais ton âge, je suis montée dans un avion et je me suis envolée. Mais j'avais très peur, parce que c'était la première fois que je quittait le sol comme cela. Je sais que ça n'est pas pareil que d'avoir des ailes. Les métamorphes ont bien de la chance, tu ne trouves pas? Eux ils peuvent s'envoler si ils peuvent se transformer en oiseau. Et les télékinésistes aussi, mais porter son propre poids mentalement est assez dur.

Je suis bien d'accord avec Hayley. J'aurais mille fois échangé mon don maudit de lectrice de rêve pour me transformer ne serait-ce qu'en un seul animal. Mais ce n'est pas moi qui est choisi. Non, ce n'est pas moi et maintenant je me retrouve avec des cauchemars plein le coeur et des secrets plein la tête. Des choses que je n'aurais jamais dû voir. Il n'est pas bon de s'infiltrer dans le sommeil des autres, j'en ai fais l'amère expérience.

Des ombres malveillantes.
Qui nous scrute.
Dissimulant derrière eux.
Des poignards affuté.

Là bas tout est absurde. Bien plus qu'ici. Et j'aurais tellement envie, l'espace d'un instant, de m'envoler, d'oublier tout mes soucis et de me sentir légère, légère, légère ! Et libre comme l'air. J'en ai marre de vivre emprisonnée à la peur que chaque nuit sera pire que la précédente. J'en ai marre de sentir ce poids douloureux sur ma poitrine quand je m'endors. Je n'aime pas mon don. Je le hais.

-Un poisson et un oiseau s'aimaient d'amour tendre,
mais comment s'y prendre, quand on est dans l'eau?
Un poisson et un oiseau s'aimaient d'amour tendre,
mais comment s'y prendre, quand on vit là haut?

Je ne m'attendais pas à ce qu'Hayley se mette à chanter, mais elle a une très belle voix et j'aime bien sa chanson. Alors je ferme les yeux, me laissant bercer par la mélodie tout en écoutant attentivement les paroles. Aussitôt l'histoire m'intrigue et une foule de question vient se poser sur mes lèvres. Comme d'habitude je les retiens de couler, en choisissant une minutieusement dans le tas que j'expose au grand jour.

- Comment crois-tu que se termine leur histoire ?

Le poisson se crée des ailes ?
L'oiseau apprends à nager ?
Ou ils se séparent ?
Animaux aux coeurs brisés...

J'aimerais bien que cette histoire se finisse bien. Je préfère quand c'est comme ça. Quand le prince charmant trouve la princesse et tue la méchante sorcière. C'est moins triste. Plus joyeux.

Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants...

All the lovers.

- Comment crois-tu que se termine leur histoire ?
Hum, ils se suicident pour se rejoindre dans la mort! Non, c'est immonde comme solution. En vérité je ne sais pas, mais je pense..
-Je pense que malgré leurs différences ils continuent à s'aimer et qu'ils pensent que c'est bien suffisant de savoir que l'autre est toujours là, cette forme d'amour leur convient.

C'est vrai, il faut se résigner à ça, c'est impossible d'avoir une relation entre un poisson et un oiseau. Alors dans ce cas, savoir que l'autre pense à vous c'est même suffisant.
Je ne suis jamais tombée amoureuse, de personne. Mais peut être qu'un jour.. Je ne sais pas, après tout, il est si facile d'aimer. J'aime beaucoup de choses, beaucoup de gens, ce n'est pas de l'amour, c'est un énorme lien indéfinissable.
J'adore Myaw, son caractère rêveur, et tout ce qui la caractérise, mais je ne suis pas amoureuse d'elle. Non sinon c'est du détournement de mineur les gens! En plus elle est tellement mignonne qu'on ne la voit pas tomber amoureuse, tellement petite qu'on ne peut pas la projeter dans quelques années, quand elle aura 13 ans par exemple.

Quand j'étais petite je croyais que les vieux naissaient vieux. Stupide. Mais bon, un enfant ne comprend pas tout, et même un adulte ne comprend pas certaines choses. Saviez vous que l'esprit d'un enfant peut contenir plus de savoir que celui d'un adulte? C'est pour cela que certains ont alzheimer. Bref. Tout ça pour dire que ... Non rien.
Nashville me manque, je me souviens de pleins de choses de là bas, sauf du visage de mon père et du nom de mon premier ami. C'est étrange hein? Comme si les 2 premières personnes que j'ai aimé et à qui je tenais n'avaient jamais existé. Je ne sais pas pourquoi je n'ai oublié que ces deux là. Mystère et boule de gomme.
-Dis Myaw, tu voudrais savoir d'où je viens moi?
Je pose cette question, je ne sais pas pourquoi. Si, je sais, parce que j'accorde maintenant toute ma confiance à cette enfant, innocente et tellement jolie, tellement pure. Je ne pourrais pas définir Myaw, mais je la trouve merveilleuse pour son âge, j'espère qu'en grandissant elle fera comme moi, elle ne changera jamais.

Il y a une fin à tout.
Comme il y a des débuts.
Seul reste l'infini.
Unique en son genre.

-Je pense que malgré leurs différences ils continuent à s'aimer et qu'ils pensent que c'est bien suffisant de savoir que l'autre est toujours là, cette forme d'amour leur convient.

Savoir que l'autre est là, tout près. Comme moi quand je savais que maman était avec moi, pas très loin. Je m'endormais beaucoup plus vite qu'avec grand-mère. Le simple fait de savoir nous rassure. Comme moi j'ai besoin de poser toutes mes questions pour apprendre le Monde. Pour comprendre l'Univers. Tout savoir et ne plus avoir peur. Sauf qu'on ne sait jamais tout. On sait juste le minimum. Et on est jamais vraiment rassuré.

On tremble face à l'inconnu.
Désespère devant la mort.
Parce que c'est le néant.
Et qu'on ne connaît pas.

L'oiseau et le poisson continue à aimer à l'infini. Pas de fin. Pas de happy end. Mais pas de chose triste non plus. Juste la mort qui viendra sans doute les cueillir en même temps, parce que parfois elle peut être généreuse. En attendant ils vivront heureux. Loin, mais amoureux. Et comme ça il n'y aura pas de bagarre, pas de dispute, pas de séparation.

Pas d'enfant non plus.
Qui se retrouve seul.
Quand l'oiseau s'envole.
Et que le poisson se noie.

Je n'ai jamais pu appelé quelqu'un "papa", pas d'oiseau pour m'aider à faire mon nid. Je ne sais pas qui s'est, je ne sais même pas si j'en ai vraiment un. Mais tout le monde a un papa, non ? Le mien a juste réalisé mon rêve. Il est partit dans les airs, pour ne plus jamais revenir. Mais il doit être heureux alors moi aussi. Et puis ici je m'amuse bien. Il y a Luka, Ange, Mathew et maintenant aussi Hayley. Je ne pourrais pas les laisser, je les aime bien trop pour partir sans revenir. Alors mon papa ne m'aimait pas ? Ou peut-être qu'il reviendra...

Comme c'est triste.
Un oisillon.
Qui le bec ouvert.
Attends un ver qui ne viendra jamais.

-Dis Myaw, tu voudrais savoir d'où je viens moi?

Je me tourne vers ma chanteuse et l'observe avec un sourire. Oui, je veux bien savoir d'où elle vient elle. Je ne me suis jamais vraiment posé la question, pour moi tout ceux qui vivaient là étaient né à Mystery. Mais c'était un peu bête, après tout moi je ne viens pas d'ici. Je n'y ai sans doute pas assez réfléchit...

- Oui, dis moi où c'était chez toi ?

Mon sourire s'agrandit alors que j'attends sa réponse avec impatience. Mes petites jambes se balancent toujours dans le vide pendant que j'attends la réalité qui va détruire un mythe et effleurer le couvercle de mon enfance. Ce n'est pas un rêve détruit, juste une nouvelle reconstruction.

Il faut revoir les échafaudages branlant de l'immeuble de ma vie !

The last memory in my heart is our meeting;

- Oui, dis moi où c'était chez toi ?
Chez moi, c'était à Franklin, TN, avec papa; chez moi c'était à Nashville, TN, avec mon premier ami inconnu; chez moi c'est ici, avec tous les orphelins de Mystery, qui cherchent continuellement d'où ils viennent. Moi je le sais déjà, mais il me manque tout de même des choses sur mon passé, sur ma famille, sur mon ami.. Peut être que son nom est inscrit dans mon dossier, dans le bureau de Mrs Mystery, et que, cherchant autre chose, je n'y ai pas fait attention. J'aurai du pourtant. J'y retournerais bien, dans le bureau de Pandora, mais je suis un peu trop vieille pour fouiller comme une enfant curieuse. Allez, juste une fois.. La dernière petite fois, et je lirais le dossier en entier, je regarderais les photos cette fois, et je serais sûr de tout savoir et de ne rien oublier. J'y retournerais.

-Je viens de l'Amérique, d'une ville qui s'appelle Franklin. Une très jolie ville. J'y étais avec mon papa, ma maman, je n'ai jamais vu son visage, même pas une photo. Je m'arrête, peut être qu'une photo d'elle est dans le dossier. Puis mon père est mort, et je suis allée dans un orphelinat à Nashville. C'est pas loin de Franklin, ajoutais-je en voyant le visage interrogateur de Myaw. Là bas j'avais un ami, très gentil je me souviens. Mais je ne me rappelle pas de son nom, et ça me rend triste, je n'aime pas oublier les choses. Et puis, à 5 ans, j'ai fait le voyage dont je t'ai parlé tout à l'heure. J'étais toute seule, personne ne m'a aidé. Et puis je suis arrivé ici. Je marque une nouvelle pause. Mais la question n'était pas "où était ton chez toi?" ? Je souris. Mon chez moi c'est Franklin, Nashville, le Tennessee, et ici. Parce qu'ici il y a vous tous, et que c'est agréable de vivre avec vous.

Je fais comme Myaw, je balance mes jambe dans le vide. Cet arbre est vraiment un endroit sympathique. Ma montre indique 11h54, il est bientôt midi, ça fait une heure que nous je suis ici, un peu moins pour Myaw. Je me demande si elle a faim, moi ça va en tout cas. Le vent est revenu, les nuages blancs que l'on voyait à l'horizon se sont rapprochés et se détachent fortement du ciel bleu. C'est une vue très agréable. J'imagine, l'un de ces nuages ressemble à une tortue. C'est marrant.

Et toi Myaw? D'où tu viens? Était-ce le destin qui a fait disparaître nos parents, pour nous amener ici, pour que nous nous rencontrions? Si c'est ça, Dieu a prit des êtres chers. Bien sûr qu'il en a le droit, il est tout puissant, mais il ne se rend pas compte qu'il a brisé des coeurs, et c'est quelque chose d'horrible.
-Et toi Myaw, tu sais où elle était ton ancienne maison?

Avoir une maison.
Un chez moi.
Juste un endroit.
Ou je me sens bien.

J'écoute ce que me dis Hayley... l'Amérique, c'est loin comment l'Amérique ? Ma nouvelle amie m'assure qu'elle est heureuse ici. Mais est-ce que son papa lui manque ? Et son ancien orphelinat ? Je pense que oui, autant que ma maman me manque à moi. La sienne, elle me dit qu'elle ne l'a jamais vu. Comme moi mon papa. Ca me rapproche un peu d'elle de ne pas connaître un de mes parents. Même si je doute d'en avoir vraiment besoin, j'étais assez heureuse avec maman.

Juste ensemble.
Toute les deux.
Comme avant.
Together.

Les jambes d'Hayley font comme les miennes et ça me fait sourire. Doucement, je relève la tête, regardant attentivement l'horizon. En dessous de moi il y a le vide, mais le sol est encore trop près. En dessus les nuages encore trop loin... des nuages blanc, comme la neige, comme la neige... Ils prennent des formes bizarres qui me rappellent celles qu'ils prenaient lorsque je les regardais allongée dans l'herbe du jardin de grand-mère...

- Et toi Myaw, tu sais où elle était ton ancienne maison?

Je hoche la tête avec force. Oui je m'en souviens ! Je n'avais que 3 ans la dernière fois, mais comment oublier le lieu dans lequel j'ai grandit ? Je ne l'aimais pas en fait. Tout était trop blanc, trop propre, trop vieux. Trop grand peut-être pour une petite fille comme moi. Heureusement, il y avait les vacances de maman, une tornade de couleur dans le gris de ma vie. J'aimais quand elle revenait à la maison, illuminant mes journées bien plus que le soleil. Elle aussi n'aimait pas cet endroit, mais elle surpassait son dégoût pour moi. Par amour.

- J'habitais avec ma grand-mère parce que ma maman était dans un internat. Je n'aimais pas là-bas, en fait, c'est surtout parce que ma grand-mère ne m'aimait pas. Mais au moins je pouvais voir maman parfois... C'était en Suisse, vers Genève.

Et puis il y a eu un "après". Après les feuilles d'automne, après la couleur du sang, après l'accident. Cet après là je n'aime pas mon souvenir parce que c'est là qu'ont commencé mes cauchemars, mon don maudit. Et les gens qui là-bas ne comprenaient pas et qui dans mon dos soufflaient des "bizarre" et des "étrange".

Mais comment une gamine.
Peut-elle lutter.
Quand elle est seule.
Face à l'inconnu ?

Et j'ai commencé à être encore plus seule. Les enfants ne voulaient pas jouer avec moi, les adultes évitaient mon regard. Peu à peu je me suis isolée du monde, préférant créer mon petit monde intérieur plein de questions sans réponses. Et surtout une peur. Toujours la même. Celle de dormir et de glisser dans des rêves qui n'étaient pas les miens, d'effleurer des cauchemars qui me faisaient mal.

- Après je suis allée dans une famille d'accueil à Genève, mais ça ne s'est pas très mal passé. Puis un jour quelqu'un est venu me chercher et j'ai aussi fait un long voyage, mais en train et en bateau. Et je suis arrivée ici. Mon nouveau chez moi.

Ici. Pas dans cet arbre bien sûr, mais tout près. Et ce ici était merveilleux parce que j'y était heureuse. Tellement heureuse. Bien sûr mon don stagnait et certain cauchemars restaient, mais en m'apprenait à le contrôler. Et chaque nuit la boule d'angoisse dans mon ventre diminue. Et chaque matin je me sentais encore plus chez moi. Mystery était ma famille, les enfants et son personnel était ma famille.

Il est plus facile d'aimer quand on est heureux...

It's a beautiful day!

U2

Sa mère était dans un internat, je ne peux pas imaginer l'âge auquel elle a accouché, en plus elle vivait loin de sa fille. Myaw a eu un espèce de petite vie minable, je ne sais pas pourquoi ce genre de choses arrive aux gens les plus sympathiques, aux personnes qui ont un coeur. Pourquoi Dieu veut il nous punir d'être bons? A t-il perdu la tête, si c'est le cas, on est mal barré.

Je ne demanderais pas à Myaw quelle âge avait sa mère, je ne veux pas être trop curieuse. Je préfère qu'elle le dise d'elle même. Et ça n'arrivera peut être jamais. Garde tes secrets petite Myaw, mais si ils te font très mal, je suis là pour t'aider à les porter. J'ai toujours aimé aider les autres. Je suis mature en restant une éternelle enfant.

Myaw a fait un long voyage, je crois que beaucoup d'enfants de Mystery en ont déjà fait, et ils en feront souvent une fois devenus exorcistes. Nous sommes destinés à ça, on peut toujours avoir une vie d'être lambda, mais les fantômes, les pouvoirs et les sorciers noirs n'auront de cesse de nous retrouver. Le bien attire le mal. Pas le contraire, aucune idée de la raison. Mais je trouve ça logique finalement.
-Quand je suis arrivée ici, je pensais que je n'arriverais jamais à me faire des amis, parce que je n'en ai eu qu'un, et que tous les autres enfants étaient déjà liés. Finalement, le premier enfant qui est venu me parler, c'est Ange, puis il y a eu Luka. Ici, nos rapports semblent plus simples, parce que nous sommes pareils, nous avons tous cette petite chose en nous qui nous différencie des humains normaux. C'est une drôle d'histoire n'est-ce pas? Je me tourne vers Myaw avec un sourire franc. Et chaque orphelins du Mystery a vécu cette histoire.

C'est vrai, chacun d'entre nous a déjà été rejeté par différence alors qu'ici c'est notre refuge, nous, enfants perdus dont la seule souffrance est d'être né comme ça et pas autrement.

Un coups de vent fait voler nos cheveux sauvagement, les miens se retrouvent dans ma bouche et dans mes yeux, ceux de Myaw, étant attachés, restent sagement dans son dos, sauf les quelques petites mèches rebelles qui virevoltent.
-Ah! Saleté de cheveux! déclarais-je après les avoir enlever de ma bouche.
J'entends Myaw rire.
-Tu as de beaux et longs cheveux. Tu t'es coiffée toute seule ce matin? Souriais-je.
J'aime les cheveux de Myaw, je les ai eu une seule fois à son niveau, mais je préfère les avoir mis longs, niveau de la poitrine pas plus. Ils sont très beaux et très longs les cheveux de Myaw, je me demande si sa mère avait les même. En tout cas, ils vont bien avec la couleur de sa robe.

On est tous différent.
Mais on galère pareil.
Parce qu'au fond.
Qu'est-ce que la différence ?

Au fond, ça me rassure que je n'ait pas été la seule à vivre cette histoire là. Mais en même temps, je suis un peu triste, car je sais à quel point il est dur de supporter les moqueries des autres. Serrer les dents, serrer les dents. Et je comprends la peur d'Hayley de ne pas se faire d'ami. Moi aussi c'était comme ça. Pendant un an et demi, je n'ai plus parlé. A personne. Sauf la nuit pour tenter d'éloigner les cauchemars. Je leur criaient de fuir, mais ils ne m'écoutaient pas.

Et chaque nuit.
Face au désespoir.
A crier.
Sans personne pour m'entendre.

J'avais besoin d'aide, c'est évident. Mais personne n'était là pour m'aider. Quand je suis arrivée ici, je pensais que ça serait pareil. Mais pas du tout. Quand je cris la nuit, les autres enfants me prennent parfois la main jusqu'à ce que je me rendorme. Quand je crois quelqu'un dans les couloirs il me sourie et me dit bonjour. Et tout le monde se souvient de mon prénom. Comment ne pas être heureuse dans ce cocon d'amour ?

Ferme les yeux.
Laisse toi bercer.
Ton coeur vibre.
Tu peux dormir.

Soudain un coup de vent vient tout basculer, faisant voler nos cheveux sans prévenir. Les miens ne font que se soulever avant de retomber dans mon dos, mais ceux d'Hayley s'éparpillent un peu partout, allant même dans sa bouche. Je la regarde, un sourire sur ma petite frimousse qui se transforme en éclat de rire lorsqu'elle crie contre ses cheveux. Elle remet ses cheveux à leur place, puis elle me regarde en souriant.

-Tu as de beaux et longs cheveux. Tu t'es coiffée toute seule ce matin ?

Je souris sous le compliment et hoche la tête en rougissant de fierté. C'est moi toute seule qui ai coiffé mes cheveux et j'en suis fière. Maman aussi aimait beaucoup mes cheveux, c'est pour ça que je les ai laissé poussé aussi long. Elle pouvait passer des heures à les brosser, sans cesser de sourire. Une fois, elle m'a avoué que j'avais les même cheveux que mon père. C'est le seul souvenir de lui qu'il nous ait laissé. Même si pour moi ce n'est pas vraiment un souvenir vu que je l'ai pas connu.

- C'est les même que ceux de mon papa. Et mes yeux étaient comme ceux de maman. J'aime bien tes cheveux aussi. Ils sont rigolos.

Sans vraiment m'en rendre compte, j'ai utilisé le présent en parlant de mon père. Parce qu'au fond de moi, je garde espoir qu'un jour il reviendra. Ou plutôt il viendra. Maman je sais que ce n'est plus possible, on me l'a trop souvent répété. PLus jamais. Jamais est un mot bizarre. On ne peut pas vraiment l'imaginer et pourtant il existe bien. Jamais c'est plus du tout. C'est la fin, la mort.

La mort au fond, c'est mon jamais.

Haircolors

- C'est les même que ceux de mon papa. Et mes yeux étaient comme ceux de maman. J'aime bien tes cheveux aussi. Ils sont rigolos.
Raté, c'est pas ceux de sa maman. Mais c'est bien, ça lui fait un souvenir de son père. Mes cheveux, oui, ils sont drôles, tous les mois d'une couleur différente, ou alors de la même, mais jamais ma couleur naturelle. Non, ma couleur naturelle est moche, enfin je m'en souviens plus trop maintenant, depuis le temps que je me teint les cheveux. J'ai commencé à 12 ans. Pandora Mystery a accepté, d'autres moins, mais ils s'y sont fait, ils sont habitués. Je me suis teint les cheveux pour me rapprocher de ma couleur de mon enfance. Quand j'étais petite, mes cheveux étaient blond vénitien, roux, et après ils sont devenus châtain clair, moche.
-Merci, tu aimes que mes cheveux changent de couleur tous les mois?

J'aime mes cheveux, j'aime leurs couleurs, ils sont un peu abîmés, mais je les soigne. Vous pouvez pas vous imaginer ce que le coiffeur est content, je dépense beaucoup d'argent pour entretenir mes cheveux, et ça vaut la peine. Je suis unique avec ces couleurs, et tout le monde me connaît ici. Il y a même des gens qui me reconnaissent à Edimbourg, alors que je n'y vais pas si souvent. Bref.

Le vent souffle toujours, l'herbe ondule sur toute la prairie, c'est quelque chose d'agréable. Les nuages se sont encore rapprochés. Le soleil brille toujours et le ciel est toujours bleu. Rien d'anormal, c'est une parfaite journée d'été. J'attrape ma sacoche pour y prendre mes lunettes, le soleil a tourné, il commencera bientôt à nous éclairer. Il doit être un peu plus de midi.

Arc-en-ciel.
J'aime les couleurs !
Change, change, change !
Oh yeah !

En grandissant, les cheveux des gens commencent à foncer. Les miens sont encore clair, mais peut-être que plus tard ils deviendront un peu comme ceux de maman ? On verra bien et de toute façon j'ai encore le temps. Par contre les cheveux de Hayley ils changent continuellement de couleur. C'est magique ou quoi ? C'est génial je trouve ! Un jour elle aime plus cette couleur et hop ! Elle sort sa baguette magique pour changer. C'est magique !

-Merci, tu aimes que mes cheveux changent de couleur tous les mois?

Oh oui que j'aime ! C'est un peu comme le feu, lui aussi il change de couleur. Jaune, orange, rouge et même bleu ! Hayley est comme ça : assez extraordinaire. Et c'est un changement qui la fait rester la même. Enfin... c'est compliqué à expliquer, même si dans ma tête c'est très clair. Je m'emmêle les pinceaux !

- Comment tu fais ? Tu as une fée dans ta tête ?

Au loin les nuages s'effrite, laissant place au soleil. Bientôt il viendra gambader autour de l'arbre, faisant flamboyer les cheveux d'Hayley et rougeoyer ma robe. Je l'attends avec impatience ce soleil et c'est sans doute pareil pour ma nouvelle amie qui a déjà posé en équilibre sur son nez une paire de lunette.

I love the sun.
Lui aussi il brille.
Comme moi j'aimerais briller.
Dans ce monde ci.

Fairies gives hope

- Comment tu fais ? Tu as une fée dans ta tête ?
Pas exactement, on peut dire que le coiffeur est une fée des cheveux, il sait exactement ce qu'il fait avec les cheveux des gens, mais il a fait des études avant de se lancer dans son affaire. Ce n'est pas magique, c'est juste de la logique.
-On peut dire ça comme ça. Et tu aimes beaucoup les fées il me semble. Tu aimerais en voir une?

Quelle question stupide, les fées n'existent que si on les imagine, mais je ne pourrais jamais montrer une fée à Myaw. J'aimerais tellement que ce soit possible, qu'elle puisse réaliser ses rêves à elle, et qu'elle puisse être heureuse, parce que c'est ce qui est la chose la plus importante pour une enfant, le bonheur on le perd petit à petit en grandissant. Il y a des amours, des ennemis, des choses regrettables, parce qu'on devient plus bête quand on vieillit.

Le soleil nous éclaire enfin, je me demande si Myaw a mal aux yeux, si oui, je lui file mes lunettes. Le soleil est agréable, mais dangereux, sous sa face paisible se cache une violence sans pareil. Certaines personnes sont comme ça, moi non, Myaw, j'espère qu'elle ne le sera jamais; je ne connais qu'une personne dans ce cas pour l'instant, Natasha.

J'aime la chaleur du soleil, mais j'aime aussi la froideur de l'hiver, je la préfère même. Je ne sais pas pourquoi, la plupart des gens préfèrent la chaleur. Mes cheveux ressemblent à des flammes, je contrôle le feu, mais ce que je pense est tout le contraire de ça. Je ne dis pas qu'en pensant froid on est forcément pessimiste, en fait je suis super optimiste, mais je dis simplement qu'aimer quelque chose ne peut pas empêcher d'en aimer une autre.. Enfin je me comprends, et c'est le principal non?

Un conte de fée.
Ma vie est un conte de fée.
Et chaque personne.
Et une petite fée.

-On peut dire ça comme ça. Et tu aimes beaucoup les fées il me semble. Tu aimerais en voir une?

En fait des fées, j'en vois tous les jours. Par exemple il y en a une devant moi. Hayley est trop gentille pour être une sorcière et trop extraordinaire pour une simple humaine. C'est une gentille fée. Luka aussi en est une. Quand à Ange, c'est mon ange gardien. Et mon prince charmant aussi. Mme Mystery c'est la Reine. Et toute ma vie n'est qu'un conte de fée. J'espère juste qu'il se terminera bien...

- Toi tu es une fée ! Tu vois, j'en ai déjà vue une.

Comme si ces mots déplaçaient les nuages, le soleil laisse enfin ses rayons se traîner jusqu'à nous. J'aime bien l'été. J'aime bien l'hiver aussi. Et le printemps La seule saison que je n'aime pas, c'est l'automne. Trop de mauvais souvenirs, à croire que je ne pourrais jamais oublier la douleur de la ronde des feuilles.

Un coeur qui se fendit.
Peut-il combler sa blessure ?
Ou s'émiette-t-il.
Jusqu'à la fin ?

Le soleil fait éclater les couleurs de ma robe et je regarde mes ongles. Ca me donne une idée, mais je ne sais pas trop si Mme Mystery serait d'accord... Il faudrait que je lui demande ! Hayley change de couleur de cheveux, moi j'aimerais changer celle de mes ongles. Je tends la main devant moi, comme si le vernis était déjà posé j'essaie d'imaginer.

- Tu crois que j'aurais le droit de mettre du vernis à ongle ?

Soudain les images m'assaillent. Maman et moi dans la salle de bain en train de sourire, un miniscule pinceaux gorgé de paillettes roses se traînant lentement sur le bout de mes doigts. J'ai une robe noir et un chignon, j'ai à peine 3 ans. Maman porte une robe blanche avec un collier en argent et elle est toute belle maquillée comme elle l'est. Un éclat de rire part de nos gorge, se mêlant aux aboiement d'un chien qui passe. On aurait dit deux soeurs.

Maman si jeune.
Maman si responsable.
La fatigue de ses rides.
Se lit sur son visage d'enfant.

-Tu sais, maman quand elle est morte elle était plus jeune que toi. Elle avait 17 ans. Et moi j'avais comme ça.

Je tends trois doigts devant moi, comme je le faisais déjà à l'époque. Ce n'était qu'une enfant qui voulait jouer à être grande. C'est ce que grand-mère disait, mais je n'ai jamais compris pourquoi. Tout ce que je savais, c'est que je n'aurais pas dû naître. Pas dû exister. Un bébé ne peut pas s'occuper d'un autre. Je le savais, mais maman ne me l'a jamais montré. Elle m'aimait comme si elle m'avait toujours désirée. Autant que les autres enfants et peut-être même plus. Un coeur élastique qui m'accueillait sans problème.

Les nuages sont loin.
Pourtant il pleut.
Mais pourquoi ?
Est-ce uniquement sur mes joues ?

I miss you.

Oh, I can't believe that;

Je n'ai pas rêvé? Myaw vient de dire que je suis une fée? Très joli compliment, mais si je suis une fée, Myaw est une petite fée elle aussi, la petite princesse des fées. Elle est tellement mignonne, j'espère que personne ne va lui faire du mal un jour, mais il faudra bien qu'elle passe par des épreuves que la vie envoie, ça nous arrive à chacun, personne n'y échappe, et c'est triste. Mais il faut de la méchanceté pour que naisse la gentillesse, il faut de la haine pour qu'il y ai de l'amour. L'un sans l'autre, ils ne peuvent exister, ils se complètent.

- Tu crois que j'aurais le droit de mettre du vernis à ongle ?
Pourquoi cette question, tout le monde a le droit, personne ne l'a interdit à ce que je sache.
-Bien sûr que tu aura le droit, tu peux même en mettre quand on sera rentrées à Mystery. Si tu veux que je le fasse.
Je souris. Pourquoi avons nous envie d'être gentils, protecteur face aux enfants? Moi aussi j'ai eu le pouvoir d'enlever la haine des yeux des adultes, les enfants sont si purs qu'on ne peut pas les toucher, on a pas le courage, parce qu'après, on sait très bien quelle punition Dieu nous infligera.

-Tu sais, maman quand elle est morte elle était plus jeune que toi. Elle avait 17 ans. Et moi j'avais comme ça.
Elle lève trois doigts, trois doigts.. 17-3=14! Mon Dieu, my God, mein Gott! C'est abusé de ma part, mais je me demande la raison de la présence de Myaw.. Amour disparut, viol.. Mon Dieu. J'ai envie de m'excuser de penser ça.
-Myaw je suis désolée.
Dans un élan de peine pour cette petite, qui ne se rend pas compte, non, elle ne le saura que plus tard ce que signifie avoir un enfant à 14 ans, je prends Myaw dans mes bras, je la serre contre moi. Elle est si.. Si innocente. je crois que ma religion vient de prendre possession de moi, je ne répond plus que par Dieu à cet instant même, je n'arrête pas de m'excuser.
-Je ne savais pas Myaw, je ne savais pas..
Myaw n'a pas l'air de résister, elle me laisse la serrer contre moi. Et je ne la lâche pas, je ne veux pas la laisser face à la violence du monde. Jamais, jamais.

Où vont les larmes mortes ?
Dans la rivière.
Qui les amène.
Au cimetière de la mer...

-Je ne savais pas Myaw, je ne savais pas..

Comment aurait-elle pu savoir ? Personne ne le sait, personne ne sait rien. Même pas moi. J'ai des souvenirs, le parfum de ma maman, le son de sa voix, son visage brouillé à travers mes larmes. Mais il m'arrive d'oublié son sourire fatigué, la couleur délavée de ses yeux, ses gestes parfois maladroit... Et j'en sais encore moins sur celui que j'aurais dû appelé "papa", celui que je n'ai jamais connu autrement qu'à travers la tristesse dans les yeux de maman...

Même les fées.
Ne savent pas tout.
Alors s'il te plaît.
Ne t'excuse pas.

Je ne me dégage pas de ses bras, parce que je m'y sens bien. Les larmes coulent à flot sur mon visage et je m'en veux de tremper ses habits... Mais je ne veux pas me séparer d'Hayley, de cette gentille fée aux cheveux feu... Je ne peux pas, pas encore. Alors je me laisse bercer, mes sanglots s'apaisant peu à peu, comme la pluie après une orage. Torrentiel. Mais je sais qu'après le mauvais temps revient toujours le beau temps, alors j'espère que le soleil illuminera bientôt mes larmes et qu'un arc-en-ciel brillera...

- C'est la première fois...

Des mots hésitants que je laisse tomber dans le creux de l'oreille d'Hayley. Ma voix tremble, comme si ces paroles là étaient encore plus douloureuses que celle d'avant. Mais c'est absurde, c'est illogique. Ce ne sont que des syllabes modelées par ma bouche... Ca n'a pas de sens, pas le moindre sens... Libère toi !

- La première fois que je raconte pour maman.

C'est dit.
Et la réalité.
Me submerge.
Encore plus.

Don't have shame to cry

Myaw et moi restons attachées, calmement, j'entends les sanglots de Myaw, je sens ses larmes sur mon T-shirt. Mais je ne dis rien, on ne peut pas reprocher de choses à un enfant. Et Myaw a bien le droit de pleurer.
- C'est la première fois...
Je ne comprends pas de quoi elle parle sur l'instant, sa voix déchirée par des tremblements, et sa respiration haletante, ses larmes qui coulent sans pouvoir s'arrêter, que veux tu me dire?
- La première fois que je raconte pour maman.
- Tu es très courageuse de parler de ta maman alors que ça te fais tant de mal.

Je souris et resserre un peu mon étreinte pour qu'elle sache que je suis là, que je ne la laisserais pas tomber, ce n'est pas mon genre, et je ne veux pas que quelque chose lui arrive. Si je suis la première personne à qui Myaw me raconte l'histoire de sa mère, ça veut dire qu'elle me fait confiance, à un tel point que je ne peux pas me représenter la chose. Elle m'a ouvert son coeur, et j'y ai prit place, elle a aussi une grande place dans le mien. Quand j'étais dans son état, j'allais prier dans le jardin du Mystery, ou bien sur son toit, dans un endroit isolé en tout cas. Je me cachais pour X raisons, j'avais peur que les autres ne comprennent pas, pour moi il n'y avait que le Seigneur qui pouvait totalement comprendre et m'aider. Mais en regardant Myaw aujourd'hui, je pense que j'ai du faire une erreur, car il y a toujours quelqu'un pour écouter et aider une personne en mauvaise passe, ce n'est pas le monsieur tout là haut qui va dire le contraire. Je n'ai pas pu discuter avec lui, je ne sais pas ce qu'il ressent par rapport aux moments de peine de mon enfance. Myaw a trouvé la bonne personne pour se confier, je ne dirais rien de désobligeant, je l'écouterais et je dirais tout ce que je pense d'optimiste. C'est mieux de dire ce qu'on a sur le coeur à une personne qui peut vous entendre et vous parler. Moi j'avais fait mes confidences au vide, à aucune chose faite de matière, je n'ai jamais eu de réponse et ça m'a terriblement déçue, alors je donnerais à Myaw toutes les réponses qu'elle veut avoir, même celles que je ne connais pas.

- Tu as beaucoup de chance, tu te souviens encore de ta mère. J'ai oublié le visage de mon père depuis un certain temps.
C'est vrai que la mère de Myaw est morte il y a 2 ans alors que mon père est mort il y a 15 ans environs. C'est vrai aussi que l'esprit d'un enfant retient plus de choses que celui d'un adulte. Mais elle a tout de même beaucoup de chance de revoir le visage de sa mère quand elle pense à elle. Moi je vois un être sans visage quand je regarde au fond de moi. Je me souviens de tout, mais pas de son visage.

Au dessus du vide.
Les anges volent.
Mais moi je ne sais pas.
Heureusement qu'elle me retient.

Dans l'étreinte d'Hayley je ressens tout son amour et la promesse de ne jamais me laisser tomber. Nous sommes là, dans cet arbre, au dessus de la terre, au dessus du monde. Et elle me soutient. Me retient. Comme il est bon de se laisser entièrement porter par un être qui peut vous aider. Comme c'est reposant de pouvoir compter sur les autres. Les larmes qui coulent à présent ne sont plus celle de la douleur ou de la peur. C'est de la joie. Un arc-en-ciel de couleur transpercé par le soleil. Je ne peux pas tomber, c'est ma seule certitude.

- Tu as beaucoup de chance, tu te souviens encore de ta mère. J'ai oublié le visage de mon père depuis un certain temps.

Que se passe-t-il ?
Le temps glisse.
Ce n'est pas moi cette fois.
Qu'on doit soutenir.

La douleur d'Hayley est palpable autant que la mienne. C'est elle la plus grande, mais cette fois, c'est moi qui la serre dans mes bras. Elle ne pleure pas. Pourquoi ? Elle a le droit de pleurer, autant que moi, autant que nous tous. Les larmes ne sont pas juste des gouttelettes d'eau salée, mais aussi des sentiments. Il a coulé autant de larmes qu'il y a d'étoiles dans le ciel. N'ayez pas peur de pleurer, c'est naturel. Les plante aussi se laissent aller et ainsi coule la sève et ainsi se crée le sirop d'érable.

Pleure.
Mais ne soit pas triste.
Débarrasse-t-en.
En même temps que les larmes.

- Tu n'as pas oublié, c'est toujours là. Dans ton coeur.

C'est là que vont tous les souvenirs. Gravé pour toujours dans nos veine, dans notre sang, dans notre amour. Les yeux oublient, le cerveau ne se souvient pas, mais le coeur nous sourit toujours. Lui reste droit, près à combattre toutes les épreuves. Lui n'oublie pas. Jamais. Même le pire reste enfoui dans ce petit écrin rose, attendant juste le bon moment pour ressortir, pour surgir aux yeux de tous et montrer qu'il est là. Encore une fois.

Les êtres vivants meurent. Pas les souvenirs.

Businesses are complicated

Je ne pleure pas, je pleure rarement pour tout vous dire, parce que je pense que ça arrive à tout le monde de tomber dans une profonde tristesse, que c'est une réalité, une fatalité. Je n'ai pas pleuré depuis quelques mois. Il m'arrive de faire une pause, de crier, pleurer, frapper un bon coups, mais jamais devant quelqu'un. Je n'ai pas honte, mais c'est très moche de me voir comme ça, moche dans le sens que l'on pourrait ressentir de la pitié envers moi.

- Tu n'as pas oublié, c'est toujours là. Dans ton coeur.
Myaw est pour moi ce que je suis pour elle. Une personne pour m'aider, pour m'écouter, pour me soutenir. C'est agréable de savoir qu'on peut vous aider. Et c'est gentil de la part de Myaw de me rendre la pareille.

Mais peut être a t'elle raison, le visage de mon père se trouve dans mon coeur? Je ne crois pas. Ou bien alors c'est dans une partie verrouillée dont je n'ai pas la clé. Mais où la trouver cette clé. Quand j'ai fouillé dans mon dossier dans le bureau de Mrs Mystery, j'ai aussi regardé celui de quelques autres orphelins dont je ne dévoilerais pas les noms. Il n'y avait pas de photos de moi et mon père dans mon dossier, alors que dans les autres il y avait des visages de leurs familles. Je ne sais pas pourquoi mon dossier ne comporte pas de photographies. Mais il faut que je demande à Mrs Mystery de me donner des informations.

- Peut être que tu as raison, soupirais-je.
Myaw est aussi attentionnée que moi, peut être va t'elle devenir une deuxième Hayley après mon départ. Je ne lui souhaite pas d'avoir les cheveux, mes tatouages et mon piercing. Elle est bien comme elle est, mais si elle veut changer d'apparence, je ne l'empêcherais pas, de toute façon je reviendrais. Certitude acquise.

Mon ventre commence à faire des siennes, je n'ai pas regardé l'heure et je m'aperçois qu'il est plus d'une heure de l'après midi. Si Myaw a faim, j'irais lui payer quelque chose, ou bien nous irons chaparder dans la cuisine. Ça fait un certain moment que je ne l'ai pas fait d'ailleurs, parce que j'ai de l'argent, un compte s'est débloqué à ma majorité, ils est à mon nom, et c'est Mrs Mystery qui m'a donné tout cet argent. Elle fait ça pour tous les orphelins. Mais je me demande où elle trouve cet argent. Peut être que la famille Mystery a amassé des tonnes de richesses.. J'ai un autre compte, basé à Nashville, il sera ouvert à mes 21 ans, âge majeur aux États Unis, ce compte là est un héritage de mon père. Je l'ai lu dans le dossier.
- Tu n'as pas faim?

Ne dit-on pas.
Que la vérité.
Sort.
De la bouche des enfants ?

- Peut être que tu as raison.

J'entrevois un soupir entre ces paroles, je sais ce qu'elle ressent. Elle hésite, se disant que ce n'est peut-être pas vrai, mais c'est parce que le moment ne doit pas encore être venu. Un jour je le sais elle trouvera le bon tiroir dans son coeur et le visage de son père lui reviendra... Pas tout de suite... Et ce jour là, elle se souviendra de l'arbre, de moi, de notre conversation.

- J'ai toujours raison !

Sauf quand j'ai tort.
Sauf quand j'oublie.
Que je ne suis.
Qu'une enfant.

Soudain, le ventre d'Hayley émet un petit grognement et je la regarde surprise. Puis j'éclate d'un rire léger, un rire d'enfant insouciant. Ce rire je l'aime, parce que c'est le même qu'a tout le monde entre 1 an et 13. Avant l'adolescence, les problèmes, les rêves qui s'estompent sur la réalité du monde des adultes. C'est mon droit de rire ainsi, parce que je suis encore petite. L'enfance est la plus belle période de notre vie alors j'ai autant le droit que tous les autres d'en profiter.

- Tu n'as pas faim?

Si j'avais faim ? Je suis une enfant, par principe, j'ai toujours faim ! Surtout pour manger des bonbons. Bon, je doute qu'on aille manger des sucreries maintenant tout de suite, mais c'est quand même ce que je préfère. Sauf que les adultes disent que ça nourrit pas et qu'après on a encore faim... J'ai bien essayé de leur dire que comme ça on pourrait manger encore plus de chewing gum et de sucettes, mais ils n'ont pas eu l'air très convaincu par mon discours. En plus qu'il paraît qu'à cause de ça on peut avoir des caries et qu'après il faut aller les soigner chez un grand monsieur en blanc avec tout pleins d'instrument bizarre. J'ai pas trop confiance en lui moi.

- Si, un peu. On redescend sur Terre ?

C'est bizarre, j'ai l'impression d'être une astronaute quand je dis ça. Ca doit être un beau métier. La tête dans les étoiles et les pieds sur la Lune. Ca serait chouette, non ? Je devrais rajouter ce travail pour plus tard entre "princesse" et "vendeuse de bonbon".

Je veux vivre.
Sur un nuage.
Près du paradis.
Il est grand temps de rallumer les étoiles

Will you wanna eat something good?

Myaw m'assure qu'elle a faim, mais de toute façon à cet âge là on a toujours faim. D'ailleurs l'une de mes nombreuses activités favorites est de manger. Je pourrais me faire péter le bide à manger trop de hamburgers par exemple. Mais passons, il faut redescendre de cet arbre maintenant. J'attrape ma sacoche et commence à y glisser mes lunettes, mais je les regarde attentivement. Puis juste pour lui faire plaisir, je les pose sur le nez de Myaw.
- Tiens je te les donne, souriais-je.

Je mets ma sacoche en bandoulière et je saute de l'arbre. Je tente d'atterrir sur mes pieds mais mes jambes fléchissent et je me prend le sol sur les genoux. J'ai jamais été forte en réception de sauts en gym. Je me relève et je regarde en l'air pour voir Myaw. Je me demande ce que je vais bien pouvoir manger moi. Steak? A cette heure ci c'est un peu bizarre.
Peut être que je vais manger un gros gâteau avec Myaw. Est-ce que au moins elle aime les gâteaux? Normalement tout le monde aime les gâteaux, mais il peut y avoir des exceptions n'est ce pas? Par exemple les personnes allergiques au lait ne peuvent pas manger de choses à base de lait, les gens allergiques aux fraises ne peuvent pas manger de tartes aux fruits rouges. Les personnes diabétiques doivent faire très attention à ce qu'ils mangent. Certaines personnes suivent un régime sans sel. Bref, il y a pleins de raisons qui peuvent empêcher quelqu'un de manger ce qu'il aime.

Tout ce que je sais c'est que l'on va retourner à Little Angleton et manger quelque chose de bon. Je tend les bras vers Myaw pour qu'elle se jette dedans en descendant.
- Qu'est-ce que tu voudrais manger? demandais-je en attendant qu'elle vienne dans les bras.

Si tu me fais cadeau de ton coeur.
Je te promets.
Que je ferais tout.
Pour qu'il ne meurt jamais.

Hayley pose les lunettes de soleil sur le bout de mon nez et m'assure d'un grand sourire qu'elle me les donne. Un sourire illumine mon visage. J'ai le droit à un cadeau ? Vraiment ? D'habitude je n'en reçoit que à mon anniversaire ou à Noël. Mais comme tout les enfants du monde, j'aime beaucoup les surprises. Les adultes aussi, même si beaucoup ne veulent pas l'avouer. Il faudrait que tout le monde offre un cadeau par jour ! Le monde serait plus beau comme ça.

Un sourire ce n'est pas grand chose.
Mais pour moi.
C'est déjà un présent.
Très important.

Et bien moi, les lunettes de ma fée des arbres je les garderais toute ma vie ! Ca me fera un souvenir de l'arbre et des fées. Et puis comme ça, ça me rappellera Hayley quand elle partira. De toute façon, elle ne compte pas s'en aller tout de suite, n'est ce pas ? Et puis elle reviendra. Mais en attendant, je dois tout faire pour bien m'amuser avec elle !

La vie m'a appris.
Qu'il fallait profiter des gens.
Avant qu'ils partent.
Définitivement.

- Qu'est-ce que tu voudrais manger?

Ma nouvelle amie est déjà descendue de l'arbre et me tends les bras. Quand a-t-elle sauté ? Elle est forte Hayley, moi j'oserais pas depuis si haut. C'est parce qu'elle est si grande qu'elle est autant courageuse ? Oh ! J'ai trouvé ce que je veux faire quand je serais plus grande. Pas princesse ni astronaute, mais Hayley ! Avec des cheveux de feu et un grand sourire tout le temps ! J'aimerais être comme elle. Parce que malgré qu'elle soit grande, elle a un coeur immense et un bouille de petite fille comme la mienne. Enfin une bouille intérieur. Parce que c'est vrai qu'elle a l'air un peu vieille ma petite fée. J'aimerais bien voir une photo d'elle petite.

Et toi Hay'.
Qu'aimais-tu manger.
A la frontière.
De ton enfance ?

- Un gâteau au chocolat comme ça gros !

J'ouvre mes deux bras le plus grand possible avant de sauter de ma branche pour atterrir dans les bras de l'adolescente. Je lui souris et noue mes bras autour de son cou pour lui faire un câlin. Maintenant que je l'ai attrapé, je ne veux plus la lâcher.

- Et j'aimerais aussi un sirop grenadine.

Grenadine et chocolat.
Un goûter d'enfant.
Pour deux fées.
A l'âme de petites filles.

I want you smile

Oh oui, le gâteau au chocolat c'est tellement bon. Et quand on est petit on bouge beaucoup alors on grossit pas et on peut en manger tant qu'on veux. Enfin moi aussi avec ma morphologie mais bon ça fait des jalouses. Myaw se jette dans mes bras ouverts, elle est accroché à moi, et je ne le ferais descendre pour rien au monde. Je vais même la porter jusqu'à Little Angleton quitte à mourir d'épuisement. De toute façon, elle est si bien accrochée qu'elle ne doit pas avoir envie de descendre.

- Et j'aimerais aussi un sirop grenadine.
J'préfère le citron. Mais du moment que c'est bon, pourquoi se priver? Le plaisir c'est un truc magique qui fait sourire tout le monde, ça doit être des sorciers qui l'on inventé. Sont forts c'est types quand même. Et ouais, trop de chance d'être mêlée.
- D'accord pour le gâteau et la grenadine, souriais-je. Autre chose? Je t'achèterais bien une nouvelle robe aussi. déclarais-je.

Une nouvelle robe, pourquoi? Je ne sais pas, j'ai envie de lui offrir une robe, elle a déjà mon coeur, il faut que je trouve autre chose. En plus elle adore les robes, elle en met tout le temps. Alors oui, je vais lui offrir une jolie robe, celle qu'elle voudra, peut importe son prix. Moi je mets rarement de robes, mais j'en ai quelques unes, et ma préférée est la Marvel, c'est une robe BD sur laquelle il y a pleins d'extraits de comics Marvel, dont X-Men mon préféré. Cette robe je l'ai eu pour 200$ tout de même.

- Tu aimerais une robe de quelle couleur toi?
Je la verrais bien bleu nuit avec des reliefs, mais je ne sais même pas si une telle robe existe à Little Angleton. Sinon je pourrais très bien la fabriquer. Je suis douées en couture à force de customiser mes vêtements.

Je commence à marcher, Myaw est toujours dans mes bras. Nous rentrons à Little Angleton pour manger un gros gâteau au chocolat à nous toutes seules et pour boire autant de grenadines qu'on pourra. Rien que d'y penser ça me donne encore plus faim. J'espère ne pas m'évanouir en route, ça serait bête n'est-ce pas?