La montgolfi... Sorcière était un peu, juste un peu, sur les nerfs. Et pour une fois, ce n'était pas lié à la grossesse.
Bon ok, peut être un tout petit peu. Sinon elle ne serait pas sur les nerfs à ce point. Il n'empêchait que le stresse était très mauvais pour bébé. Du coup la sorcière stressait encore plus pour son gosse qui devait se trouver mal dans ses 37°C ambiants parce qu'elle stressait. Cercle vicieux, elle n'en sortirait pas comme ça. Pourquoi stressait-elle? Oh allez, un peu d'histoire!
En fait non, c'était la guerre dans le monde des sorciers. Et elle craignait de voir débarquer à tout moment des vilains sorciers vraiment très méchants qui seraient susceptibles de l'éventrer.
Pour tout dire, elle craignait aussi pour David. Déjà qu'ils étaient de camps ennemis, voilà qu'éclatait une guerre! Ben oui, c'était trop facile sinon, ils pouvaient même vivre sous le même toit sans trop de problèmes, beaucoup trop facile. Heureusement que le sorcier noir n'était pas de Croix ou de Rosenrot. A dire vrai il était... De son propre camp, voilà tout. A ce qu'en savait la sorcière tout du moins.
Elle avala son énième tasse de tisane de la journée. La tisane, un calmant? Elle jurerait sur la fiabilité de son test de grossesse que ça ne servait à rien. Rien du tout. Elle angoissait à l'idée de ce qu'il se passait à Londres et partout ailleurs. Après tout, elle avait aussi des amis sorciers, mêlés ou humains doués. Et elle refusait d'apprendre leur décès dans cette guerre.
Parallèlement au fait qu'elle soit enceinte et que cette histoire la travaille, elle souhaitait quand même prendre partie pour Orpheo. Enfin, les aider un minimum. Pour le moment seulement. Rien qui ne nuirait à David dans tous les cas. Alors elle avait été voir comment elle pourrait se rendre utile. Et forcément, la secrétaire qui l'a reçue l'avait jaugée de haut en bas, cette femme très visiblement enceinte plantée au milieu de la pièce à dire "je veux une mission, envoyez moi à Londres!".
Si David l'apprenait, elle se ferait ligoter et enchainer au lit jusqu'à ce qu'elle perde les eaux dans plusieurs mois et qu'il ne faille l'emmener à l'hôpital. Pas avant. Complètement toquée cette sorcière.
Sauf que David ne le savait pas. Et que la sorcière avait finalement réussi à obtenir une mission à Londres. Un truc tout bête, tout simple, forcément dangereux parce que c'était à Londres, certes, mais qui ne nécessitait normalement aucun combat. Et au moins, elle pourrait voir la situation de ses propres yeux. Peut être cela la ferait-elle décompresser. Paradoxe sur pattes, mais qu'on lui pardonne, être deux à cohabiter dans le même corps semblait poser quelques soucis.
Cette mission donc, une simple rencontre avec un informateur qui ne pouvait quitter la ville pour... Une raison que la sorcière n'avait pas entièrement saisie, à vrai dire. Mais qu'importe. Elle irait comme si de rien n'était -qui attaquerait une femme enceinte, hein?-, récupèrerait l'info et reviendrait. Ni vue, ni connue. Et hop, ce serait dans la poche.
Beau le pays des Bisounours où on ne frappe pas les femmes enceintes, hein? Attention bébé à bord, laissez passer, fragile. Tout du moins, la jeune femme était absolument persuadée que ceci était écrit sur son ventre et qu'elle ne risquait par conséquent rien.
Ben voyons.
Enfin, dans tous les cas, elle avait cette mission, et elle était prête à y aller. Bien que sur les nerfs. Mais elle avait le temps du voyage pour aller mieux.

Voyage qui se déroula en voiture. Les regards assez surpris du conducteur ne passèrent pas inaperçus mais la sorcière fit celle qui n'avait rien vu. Quitte à paraitre niaise et inconsciente, autant forcer le jeu jusqu'au bout. Au moins elle n'aurait pas l'air dangereuse pour l'ennemi. Merci qui? Merci bébé!
La voiture s'arrêta dans une rue presque ne périphérie de Londres. La sorcière sorti en remerciant le chauffeur et celui-ci reparti aussitôt. Et finalement... Elle aurait peut être bien aimé qu'il reste. Parce que ce n'était pas joyeux joyeux dans le coin. Pour ne pas dire que c'était carrément digne d'un film d'apocalypse Hollywoodien. Ceux où les réalisateurs en mettent toujours trois couches, histoire que même celui qui s'ennuie au fond comprenne que c'est la fin du monde et qu'on va tous mourir.
Sauf que c'était moins drôle qu'un film. C'était réel, en fait. Et la sorcière cacha du mieux qu'elle pu sa magie, bien que déjà masquée par une rune. On était jamais trop prudents. Marcher au milieu des voitures retournées, des diverses traces d'impacts qu'elle savait être de magie quand tous les humains innocents pensaient à des balles, des machines, des combats somme toute "simple". Parce que ce conflit là les dépassait. On ne faisait pas sortir du feu de ses mains, on ne faisait pas apparaitre toutes les horreurs possibles et inimaginables par illusion, on ne volait ni ne se téléportait, et comment pourraient-ils concevoir qu'il est possible de se rendre invisible, ou que les voitures avaient été retournées par une simple pensée? Un peu dur à appréhender. C'était comme si du jour au lendemain, quelqu'un prouvait que la Lune est plate et que le Soleil est fait de glace.
Voilà donc. Les rares humains innocents de sortie se pressaient, et cette femme enceinte au milieu de la rue à regarder sans cesse autour d'elle tranchait sur le paysage. Aussi se ressaisit-elle après un instant de flottement, pour se mettre à avancer rapidement, une mine sombre plaquée sur le visage. Bien qu'en réalité elle n'ait pas eu à se forcer. L'état des lieux et la situation ne pouvaient pas prêter à sourire.
Elle passait rapidement, continuant à scruter son environnement. Elle savait où aller, c'était un endroit où elle avait déjà mis les pieds. Un coup d'œil rapide aux indications de rues quand elles étaient encore en place lui indiquaient qu'elle ne se trompait pas.
Elle aurait voulu pouvoir faire plus que cette mission toute simple. Mais finalement, ce n'était peut être pas plus mal. Que dirait David, de savoir que son serment à Orpheo la tenait encore? Qu'elle voulait rester fidèle à son camp sans toutefois trahir David. Parce qu'il restait et resterait le plus important. Et elle devait lui parler de cette guerre. Savoir ce qu'il comptait faire, où mettre les pieds et où ne pas les mettre, en résumé, ne pas involontairement aller à l'encontre de ses actions.
Elle y songerait plus tard. Pour le moment, il lui fallait attraper son informateur.
Elle bifurqua dans une rue, toute à ses pensées. Et ce qui devait arriver arriva, parce que si les clichés existent, c'est qu'il y a une raison, elle percuta quelqu'un.
Sauf que jouer les auto-tamponneuses, avec comme amortisseur un bébé dans le ventre, c'est tout de suite moins reluisant. Et même si elle avait tenté de cacher cela du mieux qu'elle pouvait -mais oui, elle comptait dessus pour qu'on la laisse tranquille-, le ventre dépassait. Il arrivait un stade de la grossesse où dissimuler devenait impossible.
Premier réflexe, porter les mains à son ventre et s'assurer que tout allait bien. Ensuite seulement elle releva le regard vers le malheureux qui venait de se prendre un coup de bide et la sorcière qui allait avec.

- Excusez moi! Je suis confuse, je ne regardais pas où j'allais.

Un regard d'excuse, un léger sourire crispé -parce que quand même, elle ne pouvait décidément pas sourire ici-, et elle attendit que l'inconnue se remette du choc et lui dise que tout allait bien -ou mal-. Mais vite, trainer dans les rues pour papoter n'était décidément plus possible à Londres.