Un coup de vent qui passe...

Mercredi. Une journée qui ne débute pas pour le mieux. En effet, il souffle un vent frais dehors, et les rayons du soleil ne servent à rien, sinon à brûler. D'après la météo, il finirai par y avoir un orage la semaine prochaine. Mais j'essaye de ne pas y croire.
Je me levais ce matin-ci de mauvaise humeur... ou plutôt de très mauvaise humeur. Pourquoi? Je m'étais levé du pied gauche, et ma nuit avait été bouleversée de multiples cauchemars.
C'est donc réveillé par la radio que je descendais au rez-de-chaussée, atteint la salle de bain, et saisis le lisseur.
Mauvaise journée, en somme.

Les cours du matin se passèrent dans un silence de plomb. Je ne tolérais pas une seule discussion ne concernant pas le cours. Pour ceux qui n'étaient pas content, la porte les appelaient.
C'est alors que la sonnerie libératrice (autant que pour mes élèves que pour moi) retentit à mes oreilles. Les élèves se bousculèrent pour sortir, tandis que je rangeai tranquillement mes affaires.
Je fis un aller simple pour rentrer chez moi, et ferma la porte à clé, histoire de ne pas être dérangé par qui que ce soit.

M'adossant au dossier du canapé, je retirais mes chaussures, et atteint la télécommande. D'un geste nonchalant, je zappai sur différentes chaînes, pour finalement trouver mon bonheur dans le journal de 13h. Passa alors une petite heure à ne rien faire.
Ce fut la faim qui me sortit de mon état de léthargie, et je me relevais pour préparer un petit repas vite fait bien fait. Je me sentais enfin un peu calmé vers 14h30.
Mais soudainement, la sonnette de la maison retentit dans mes oreilles, provoquant un mal de tête affreux. Qui cela pouvait-il bien être? À cette heure-ci...
Puis il y eut comme un déclic. On est mercredi aujourd'hui, c'est le début d'après-midi... Takeji!

Avançant d'un pas lent, je cherchais les clés et ouvrit la porte. En effet, c'était bien Takeji, mais il s'était vêtu d'un habit normal, tout comme moi d'ailleurs.
D'un sourire, ma fois, un peu forcé, je lui dis :

-Takeji! Alors, ta demi-journée s'est bien passée? Mais je t'en prie, entre donc, tu risques d'attraper froid sinon. Le vent est plutôt vivifiant aujourd'hui, je trouve.

Je lui souris une nouvelle fois, avec plus de facilité... Mais quel était ce pouvoir?

- Cours!
- Mais pour allez où?
- Aucune idée, mais par pitié dépêche toi et cours!
- Hey, t'en tiens une couche pour un vieux.
Il me jette un regard meurtrier et je ricane avant d'accélérer ma course. Je me serais bien téléporté, mais... Je crois que ce n'est pas une bonne idée, vu comme je maîtrise mon don... J'ai encore du mal à penser à ça comme à un don. Ça fait quoi... trois mois à tout casser que j'ai rencontré ce vieux et qu'il m'a prit pour apprenti. Depuis, tous les jours, entrainement, entrainement, et dégommage de fantômes. Des fois il m'entraine dans ses trip de super justicier et on va arrêter des voleurs. Et croyez moi, il s'amuse beaucoup. Et après c'est moi le gamin?

- Gamin à droite! A droite!

Pfuu, ça va hein. De toute façon papi t'es devant moi, je vais pas prendre à gauche si tu prends à droite. Quoi que...
BOUM!
Ok nan finalement sortons d'ici et vite! C'est entièrement la faute à papi ça. Il a voulu qu'on enquête sur ce réseau de contrebande. Résultat, on est allés dans cette foutue grotte dont l'entrée est dans une falaise à 15 mètres au dessus de la mer. Et on est entrés comme des touristes. Je soupçonne qu'on se soit fait cramés dès notre entrée. Et, arrivés au fond de la grotte -qui s'était révélée abriter effectivement des activités de contrebande- divers objets nous sont tombés dessus pour nous emprisonner. Et les bandits aussi. Et ils étaient nombreux. Je suis sûr que papi aurait pu s'en sortir contre eux, après tout il est plus fort qu'il n'en a l'air, mais... Je crois qu'il ne voulait pas tuer d'humain devant moi. Et qu'il m'en sait incapable aussi. Me protéger tout en se protégeant et en réglant le compte de ces fils de chiens... Ça faisait un peu trop. Et donc, nous voilà à courir.

- Écoute, on ne va pas tenter de les perdre dans la forêt ou la montagne. Non seulement parce que c'est nous qui allons finir par nous perdre, mais qu'en plus je pense qu'ils ont une autre planque dans la forêt. Pour ça qu'on a été repérés si vite alors qu'il n'y avait personne à première vue. Donc, tu sais nager?

- Bah... Ouais.

Je ne vois pas l'intérêt de la question mais bon.

- Super. Alors nouvelle épreuve apprenti! Tu vas passer ton baptême de l'air et ensuite me montrer tes capacités de nageur.
- Hein?

Nous sortons de la grotte mais papi continue son chemin tout droit vers le bord de la falaise, comme une flèche. Oh pitié...

- Quand tu vas sauter, fais moi un plongeon parfait. Et pour être sûr de ne pas toucher la falaise, tu vas te téléporter droit devant toi en plein saut, vise pas trop loin de l'eau, pour chuter de moins haut.
Je lui jette un regard de chiot battu. Il me renvoie son sourire breveté "tout va bien se passer", puis saute. Et se téléporte, hors de ma vue. Je suppose qu'il est dans l'eau. Sale vieux. Je saute à mon tour, et me téléporte. Sauf que je suis bien moins doué que lui et je réapparait 10 mètre devant moi, toujours à 15 mètres du sol. L'atterrissage va être salé.

Je me réveille en sursaut, juste avant de toucher l'eau dans mon rêve. Ouah. Ça fait combien de temps que je n'ai pas rêvé des années précédentes avec mon maitre? Un moment. Je me passe la main sur le visage, avant de tourner la tête vers le réveil. 13h...
Heureusement que je ne donne pas de cours le mercredi matin. Je retournerais bien dormir... Mais j'ai la vague impression que je devrais être en train de faire quelque chose. Bah, ça me reviendra. Je me décide quand même à me lever et à me préparer pour sortir vagabonder comme d'habitude quand je n'ai rien à faire et que je veux réfléchir.
13h30. Je ne sais toujours pas où je devrais être, mais ça me travaille... Je me relève de ma position accroupie près du buffet, où j'étais à la recherche d'un paquet de biscottes. Et me cogne la tête fort sur la porte de la partie supérieure du-dit buffet que je n'avais pas refermée comme il faut.

-Ow! Espèce de sale porte je vais t'apprendre! Tu... Ren! Je dois être chez Ren vers 14h30! Et mince.

Je jette un regard torve à la porte qui me le rend. Sauf qu'elle a aussi l'air de dire "même moi je sais ce que tu dois faire, idiot". Saleté. Oh, tiens mes biscottes. Il est quelle heure? 13h45? Bah... J'm'en fiche, je sais me téléporter, moi.
Je trouve de nouvelles utilités à ce don tous les jours, héhéhé... J'avale donc tranquillement mon petit-déjeuner/déjeuner, lave ma vaisselle et vais me brosser les dents.
14h15. Ah, tiens. Bon, je vais me bouger un peu.
Quelques secondes plus tard à peine, me voilà dans les rues de Little Angleton. Je passe en revue les maisons, jusqu'à trouver celle qui m'intéresse. Je souris. Je m'avance vers la porte et sonne. Quelques secondes et un bruit de clés plus tard, Ren apparaît. Il se plaque un sourire bizarre sur le visage avant de dire:

-Takeji! Alors, ta demi-journée s'est bien passée? Mais je t'en prie, entre donc, tu risques d'attraper froid sinon. Le vent est plutôt vivifiant aujourd'hui, je trouve.

Oh, tiens c'est vrai qu'il y a du vent. En même temps, ça fait pas 5 minutes que je suis dehors, je n'attraperai pas froid comme ça.
Il me refait un sourire qui a l'air plus naturel cette fois. Tout va bien Ren ?

- Tout va bien Ren ?

Il me jette un regard surpris. Oups... Il me pose une question et je lui répond par une autre à force de trop penser.
Je me gratte l'arrière de la tête et reprend dans un sourire penaud.

- Hum, excuse, t'avais l'air bizarre y'a deux secondes. Ma matinée s'est très bien passée donc, et la tienne?

Et avec ça, je rentre dans la maison tandis qu'il s'écarte pour me laisser passer et referme derrière lui.

Le vent balaye les mauvaises idées...

Devant la porte d'entrée, Takeji remarqua ma mauvaise humeur. D'une voix à moitié inquiétée, il demanda :

- Tout va bien Ren ?

Aurais-je dit "Oui, tout va bien" dans mon état? Non. Dans ce cas-là mieux valait garder le silence. Même si cela pouvait faire empirer la situation.
Takeji ne s'éternisa pas sur cette question, et continua sur sa lancée, comme si de rien n'était :

- Hum, excuse, t'avais l'air bizarre y'a deux secondes. Ma matinée s'est très bien passée donc, et la tienne?

Il passa la porte d'entrée dès cette phrase terminée. Je me poussais pour le laisser passer et refermai la porte derrière lui, faisant entrer un courant d'air dans la maison. Passant une main dans mes cheveux lisses, je daignai enfin ouvrir la bouche :

-Ma journée? Non, pas vraiment. Je me suis levé du pied gauche ce matin et c'est sûrement un reste de ce matin que tu as vu sur mon visage. Ne t'en fais pas, ce n'est rien, ça va mieux maintenant.

Dès la fin de cette phrase achevée, je me laissais tomber sur le canapé. Takeji semblait observer la maison de fond en comble, car il observait partout autour de lui. Je souriais. J'espère qu'il aime bien. C'est vrai que ma maison n'est pas vraiment aux goûts de beaucoup de monde.
Je lui laissai le temps de regarder, et ne bougeais pas, de mon côté, les yeux rivés sur la télévision, encore allumée. C'était le passage d'une pub sur le fromage. Agacé (et je le suis beaucoup aujourd'hui), ma main chercha la télécommande, et une fois en main, je m'empressai d'éteindre la télévision.
Victorieux, je regardais où en était Takeji. Il ne bougeais pas, mais sa tête fixai plusieurs choses dans la maison. L'observant par-dessus le dossier du canapé, je lui dis :

-On a toute la journée pour parler et jouer, alors ne nous pressons pas. Tu veux prendre quelque chose ou tu veux débuter tout de suite ?

Enfin, ses yeux dérivèrent vers moi.

-Même si c'est un peu tôt, on peu prendre l'apéro, c'est comme tu veux. Le piano est à l'étage, la guitare aussi. À toi de voir. lançai-je enfin, d'un air blasé.

Je le fixais sans émotion particulière, et j'attendais sa réponse.
Une question se posait dans ma tête, et c'était "Arrivera-t-il à me redonner le sourire?". Je relevais le défi avant même de lui en faire part. Personne n'y est jamais arrivé. Je serais bien heureux d'avoir enfin trouvé CETTE personne s'il y arrive.

Il se passe la main dans les cheveux et reprend la parole:

-Ma journée? Non, pas vraiment. Je me suis levé du pied gauche ce matin et c'est sûrement un reste de ce matin que tu as vu sur mon visage. Ne t'en fais pas, ce n'est rien, ça va mieux maintenant.

Et pouf, il s'écrase sur le canapé, prêt à broyer du noir. Y'a des élèves qui ont du trinquer ce matin, les pauvres. Ça ne va définitivement pas, alors qu'il dit le contraire. Mon petit Ren, je vais t'apprendre à me mentir. Je me tourne vers le reste de la maison pour qu'il ne vois pas l'éclat malicieux de mes yeux, et pour observer.
Ma première impression: c'est grand. Enfin, il y a de l'espace, les meubles ne sont pas collés entre eux, c'est bien rangé et les fenêtres laissent passer beaucoup de luminosité.
Un point sur cinq.
Qu'est ce que je fais? Mais j'évalue voyons, j'évalue.
Je jette un regard en biais à Ren. On dirait presque qu'il boude, mais je crois qu'il est vraiment de mauvaise humeur. Je continue mon inspection. Les murs sont recouverts de papier peint où domine la couleur indigo. Ah, il y a un dégradé vers...
Je fais deux pas sur le côté pour avoir une meilleure vue.
... Ouep, vers le orange. Je rigole intérieurement, ça lui correspond tout à fait. J'ai tendance à virer vers les tons bleus, blancs et jaunes pour ma part. Mais ces couleurs lui vont.
Deux points sur cinq.
Tout le monde se demande quels sont les trois points restants hein? Héhéhé...
Je recule un peu de ma position pour avoir une vue d'ensemble. Le parquet de bois sombre s'accorde à la perfection au reste.
Trois points sur cinq.
Je continue l'évaluation. Et ce cher Ren qui est là, à regarder sa télévision d'un air morne... Je suis bien content qu'il ne lise pas dans les pensées. Je ricane doucement. Oh! Une cheminée!
Quatre points sur cinq direct. Oui je suis un vendu.
Voyons voir les meubles. Il fait plutôt dans l'ancien. Tien, je suis sur un tapis... J'avais même pas vu. Jolie couleur, j'aime bien les motifs. Hmm.. C'est l'heure du verdict.
Quatre et demi sur cinq. Pourquoi? Parce qu'il y a un type qui tire la tronche au milieu de la pièce. Il peut encore changer sa note, je vais l'aider.
J'entends la télévision s'éteindre, et j'entends Ren bouger sur le canapé.

-On a toute la journée pour parler et jouer, alors ne nous pressons pas. Tu veux prendre quelque chose ou tu veux débuter tout de suite ?

Quel est ce ton sans émotions? Je me retourne vers lui pour constater qu'il a la mine qui avec le ton. Je le regarde en levant un sourcil. La mission débute. J'affiche un sourire énorme et le regarde. Cette fois, c'est à son tour de lever un sourcil, et il doit se demander ce que je prépare. Attends voir toi... Je m'approche du canapé et me baisse à sa hauteur pour lui annoncer:

- Quatre et demi sur cinq -le deuxième sourcil rejoint le premier-, c'est la note de ta maison. Si tu veux la note parfaite, souris.

Je me redresse en lui tapotant la tête amicalement avant de reculer d'un pas.Et... Gagné, il a sourit!

- Gagné, t'as souri! Aw, secoue pas la tête comme ça, t'as souri admet le et porte fièrement ton sourire. Brave garçon. Que dirais-tu de commencer la musique maintenant?

Il se lève en souriant franchement et me fait signe pour que je le suive, ce que je fais joyeusement. Je ne devrais pas commencer à m'agiter, ou je vais finir par gaffer. Remarque, je me prend des portes de placard et autres même quand je suis calme. Ma tête s'en souvient encore.

Le son d'un instrument est le meilleur remède aux problèmes de tous les jours.

Le voilà qui affiche un sourire. Énorme et l'air de tramer quelque chose. Je n'aime pas vraiment ça, maintenant que le connait un peu. Un sourcil se lève par réflexe.
Takeji dit alors :

- Quatre et demi sur cinq, c'est la note de ta maison. Si tu veux la note parfaite, souris.

C'est quoi ce truc? Il essaye de me dire que je fais la gueule? Merci, je sais, pas la peine de me le répéter. Rien que de me le dire, ça me fout la haine. Il recule d'un pas, en me tapotant la tête, comme à un gosse.
Je me retourne et l'observe dans les yeux, et un sourire nerveux apparaît sur mes lèvres. À quoi est-ce qu'il joue? Il se prend jamais au sérieux, c'est sa force et sa faiblesse.

- Gagné, t'as souri! Aw, secoue pas la tête comme ça, t'as souri admet le et porte fièrement ton sourire. Brave garçon. Que dirais-tu de commencer la musique maintenant?

J'aurais été en de bon terme, j'aurais ris la seconde d'après. Ce n'était pas le cas. Je soupirai et me levais du canapé. Lui rendant sa petite tape sur le crâne, je le surplombe de 3 centimètres à peu près.

-Grandis un peu. Allons-y.

Je pense qu'il saisit le sens de la phrase, car il m'observa d'une drôle de façon. Franchissant les marches d'une couleur brun foncé, je me retourne et remarque qu'il n'a pas bougé de sa place. Serait-il en train... de bouder?...
Passant une main dans mes cheveux, je soupire, et redescend les marches. Posant ensuite mes mains sur mes hanches, je le fixe un long moment, et finalement lui envoie une petite pichenette sur le front.

-C'est un conseil, je ne voulais pas te blesser. Viens maintenant, allons tenter un quatre mains sur le piano. Il n'attend plus que nous.

Je tentais d'accompagner mes paroles avec un sourire, histoire de soutenir mes dires, mais compris que c'était inutile, et ne prit aucune attitude particulière. Il ne bougea toujours pas.
Soulevant un sourcil, je raillai :

-Je ne vais quand même pas te tenir par la main? À ton âge.

J'eus soudainement peur d'avoir donné une idée à Takeji, et me précipitai dans les marches, montant à l'étage avant qu'une idée saugrenu passe dans le cerveau de Takeji. Sans savoir si il me suivait, je me dirigeais vers ma salle entièrement dédiée à la musique.

Des partitions partout, dans des dossiers, posés soigneusement sur un bureau. Un papier peint d'une couleur brun clair, presque beige. Au milieu, surplombant toute la salle, le piano à queue noir, astiqué pour briller de mille feux. Au coin, la guitare sèche et la basse, qui attendent le joueur. Sans attendre Takeji, j'entre dans la salle qui me rappelle un peu ma chambre lorsque j'étais mineur. Je soulevais le couvercle du piano, et passai mes doigts sur les touches.
Aussitôt, un sourire franc passa sur mes lèvres. Oui. Les seuls choses à me faire sourire dans les moments tristes, c'est la musique, le piano ou la clarinette, en fonction de ma flemme.
D'ailleurs, où était-elle, cette clarinette? Ma grande amie, celle avec qui j'ai passé le plus d'années, mon premier instrument et mon premier réconfort. Voilà longtemps que je n'y ai pas touché. Je laisse le couvercle du piano ouvert, et me dirige vers le bureau. Là, j'ouvre plusieurs tiroirs. La voilà, cette petite valise noir contenant tout mon passé. Elle est un peu poussiéreuse.
Je la pose sur le bureau et la dépoussière un peu. Ouvrant les deux attaches, je trouve les différentes parties de l'instrument soigneusement rangés dans leur endroit respectif recouvert de velours bleu. J'ai l'impression de revoir un ancien ami.
Attachant les morceaux, puisque Takeji n'est pas encore là, je reconstitue l'instrument. Malgré les années où je n'y ai pas touché, mes doigts se positionnent normalement. Mes dix-sept années n'ont pas servies à rien visiblement. Approchant l'embouchure de mes lèvres, je souffle un son. L'instrument à vent sort un son grave et un peu rauque. Petit à petit, je retrouve l'aisance perdue.
Quand soudainement Takeji survient devant la salle.
Avec l'impression d'avoir été pris en flagrant délit, je stoppe le son et pose la clarinette sur le bureau. Pour paraître naturel, je lui dis :

-Ah, tu m'as retrouvé. Tu as fait le tour des environs? Ce n'est pas très grand, j'en suis désolé. Nous pouvons commencer. Pardonne-moi mon petit élan de folie, je voulais tenter quelque chose avec ma clarinette, ça fait si longtemps que je n'y ai pas touché.

Je passais un main dans mes cheveux, et prit une chaise, que je positionnais devant le clavier. D'une main, je fis signe à Takeji d'approcher.

-Allons-y, dis-moi ce que tu as envie de jouer. Avec un peu de chance, je connaîtrais.

D'un sourire franc, je l'encourageai.

Il soupire et se lève du canapé.
Huh?
Il vient vers moi et me rend ma tape sur le crane. Tiens, il doit faire quelques centimètres de plus que moi, et il en profite. Attention, je vais bouder.

-Grandis un peu. Allons-y.

Awww, Ren... J'essayais de te rendre le sourire, et voilà comment tu le prends? Je suis blessé très profondément. Snif, snif. Snif?
Je devrais peut être arrêter de jouer dans ma tête où il ne peut pas m'entendre, nan?
Je le fixe.
Il se retourne et va vers les marches, je le fixe toujours. C'est l'heure du plan B.
Il avance, monte les marches, pour finalement s'apercevoir que je ne le suis pas et s'arrêter. Il se retourne. Enclenchement du plan B.
Je le fixe, croise les bras et boude.
Si avec ça il ne cède pas. Aaaah? J'ai gagné? Il se passe la main dans les cheveux en soupirant et descend les marches.
Héhéhé, je suis trop fort.
Il s'arrête devant moi, les mains sur les hanches et me fixe.
Duel de regard? Nan... Il fait quoi? Il s'approche et, ow! Hey, pourquoi une pichenette? J'ai rien fait moi, c'est toi qui veut rien entendre d'abord.

-C'est un conseil, je ne voulais pas te blesser. Viens maintenant, allons tenter un quatre mains sur le piano. Il n'attend plus que nous.

Il sourit en disant ça.
Cause toujours, je boude pour de vrai cette fois. Nan mais.
Je le fixe.
Ça va finir par devenir flippant.
Finalement il soulève un sourcil et dit d'un ton railleur:

-Je ne vais quand même pas te tenir par la main? À ton âge.

Oh... Oooh... Alors celle la, tu l'as suggérée tout seul mon cher. Tu vois quand tu veux.
Hey! Reviens ici! Trouillard. Chaussette. Balai!
Regardez moi ça, il a dû deviner que ça allait me donner des idées, car le voilà qui détale dans les escaliers. Celle là, je vais pas la laisser passer, héhéhé.
Il commence à me connaitre. Hmm, je suppose que l'inverse doit être aussi vraie.
Bon. Je fronce les sourcils. Il est monté, ok. Mais, y'a plusieurs portes au premier je suppose. Bah, il a bien dû en ouvrir une, et me la laisser ouverte bien gentiment...
... Ou pas.
Allons voir. Je monte les escaliers.
Ouais... Ou pas.
Allez, il va faire du bruit et se trahir, donc je vais attendre bien sagement ici.
Il voulait faire quoi? Un quatre mains? Qu'est ce que je connais... Un truc connu pour être sûr qu'on s'entende sur le choix. Ah! Dans l'entre du Roi de la Montagne, un partie de Peer Gynt, de Grieg, qui est bien marrant à jouer, et relativement connu. Hmm, j'espère qu'on s'entendra dessus. Sinon, il doit bien avoir deux trois trucs en réserve.
Tiens, du bruit... Un instrument. Un son doux comme ça, c'est une clarinette. Et les clarinettes ne jouent pas toutes seules. Ren, trouvé!
Je pousse la porte de la pièce d'où provient le son. Effectivement, c'est bien Ren.
Il a l'air surprit et pose sa clarinette -j'avais vu juste- sur le bureau. Aw, t'aurais pu continuer à jouer, c'est beau la clarinette.
J'entre un peu plus dans la pièce et jette un œil aux alentours. La première chose que je remarque, c'est le piano à queue noir brillant. Il en prend soin, c'est bien. La salle est simple et tapissée de papier peint à mi-chemin entre le brun et le beige. C'est sympa comme pièce.

-Ah, tu m'as retrouvé. Tu as fait le tour des environs? Ce n'est pas très grand, j'en suis désolé. Nous pouvons commencer. Pardonne-moi mon petit élan de folie, je voulais tenter quelque chose avec ma clarinette, ça fait si longtemps que je n'y ai pas touché.

Comment ça "tu m'as retrouvé"? Tu voulais me perdre, hein, avoues? Parce que non monsieur, cet endroit n'est pas "petit", bien au contraire. Tsss.
Il se passe une main dans les cheveux et attrape une chaise qu'il place devant le piano, et me fait signe d'approcher.

-Allons-y, dis-moi ce que tu as envie de jouer. Avec un peu de chance, je connaîtrais.

Et, oh miracle, il sourit. Vraiment cette fois. Aah, bien. Du coup, je souris aussi avant de dire:

- Tu pouvais continuer la clarinette tu sais, c'est un superbe instrument. Quant à ce quatre mains... Dans l'Antre du Roi de la Montagne, de Grieg, ça te tente? Prend la partie que tu veux, je te suis.

Et avec ça, je viens m'assoir à côté de lui, en lui tapant le haut de la tête en signe d'encouragement.
Ouais ok, c'était la vengeance de la pichenette.
Il me regarde, je lui souris. Il sourit alors à son tour et secoue la tête. Je pense qu'il va mieux. Bravo petite clarinette.
J'appréhende maintenant que je suis devant le piano. Il ne faut pas que je gaffe.

Et la mélodie adoucit les moeurs...

Et le voilà qui sourit. Qu'est-ce que j'ai fait? J'ai quelque chose sur la tête? Vraiment, je ne vois pas à quoi rime ce sourire. Mais je ne dis rien jusqu'à ce que Takeji prenne la parole :

- Tu pouvais continuer la clarinette tu sais, c'est un superbe instrument. Quant à ce quatre mains... Dans l'Antre du Roi de la Montagne, de Grieg, ça te tente? Prend la partie que tu veux, je te suis.

Continuer? Pour me rendre ridicule? Non merci. La phobie d'un professeur est de se sentir mal dans sa profession. Pour moi, faire un "couac" avec ma clarinette, c'est comme recevoir la moquerie d'une personne. Je ne veux pas tenter quelque chose si je ne suis pas sûr de moi. Voilà donc pourquoi mon regard ne se tourna pas une seule fois vers l'instrument à vent posé sur le bureau.

L'antre du Roi de la Montagne? C'est un beau morceau oui. Je l'ai joué plusieurs fois avec mon professeur quand j'étudiais encore au conservatoire. C'était l'une de mes chansons préférée. Je la connaissais sur le bout des doigts, et je me plaisais souvent à la chanter dans ma chambre quand le rock ne suffisait plus à me relaxer.
Reste à savoir si je le connais encore, ce morceau. Et là, encore une fois, c'est une sorte de peur qui s'empara de moi.
Oh, et puis, ce n'était pas un examen, mais simplement une simple rigolade et une musique à jouer entre potes. C'est en tâchant de me répéter cela que je déclarais :

-Disons que j'ai principalement travaillé la basse. Si ça ne te gêne pas de prendre la première voix... demandai-je d'une voix mal assurée.

De toute façon, même si je n'osais pas le dire, il n'allait pas vraiment avoir le choix, car sans savoir ce qu'il voulait jouer, je m'étais placé à sa gauche, vers les sonorités graves.
Sans paraître vraiment professionnel, mais plutôt pour vérifier que mon poignet et mes mains allaient bien m'obéir, et que mon aisance sur le piano allait suffir, j'entamais le début de la marche turc de Mozart.
Satisfait après trente secondes de mélodie, je fixais Takeji dans les yeux, et lui indiquait qu'il pouvait commencer.

Il se tut. Me penchant pour voir sa tête, elle me sembla imperturbable. Pensait-il à quelque chose? Allez savoir. N'empêche que là, je ne pouvais pas m'empêcher de lui railler à la figure :

-Si la première voix te fait cet effet-là, tu pouvais me demander de prendre la basse. Et puis, dis-je en me relevant brutalement, il faut que je recherche la partition, histoire que l'un d'entre nous évite les mauvaises notes.

Lui souriant, je le vis sortir de sa torpeur. Puis, d'un pas lent, je me dirigeais vers le bureau, ouvrit une ptite porte coulissant faite à même le mur, qu'on pourrait facilement croire inexistante, ou faisant partie intégrante du mur, puisqu'elle possédait la même couleur que le papier peint. D'un côté, c'était entièrement fait exprès. Mes partitions sont les choses les plus précieuses que j'ai jamais connues, je ne supporterais jamais le vol de l'une d'entres elles.
Bref, me voila la main en hauteur, parcourant les multiples livres de l'index, jusqu'à trouver celle qui m'intéresse. La saisissant sur la pointe des pieds, je reviens la partition à la main. Mettant en place le pupitre du piano, je pose le fin livre dessus et l'ouvre à la première page, après l'avoir corné pour qu'il tienne. Car la plus grande peur d'un musicien est que la partition se referme en plein concert. Mon expérience le prouve.
M'asseillant à nouveau, je posais mes mains sous mon piano, et fit un signe de tête à Takeji :

-Allez, commence donc, je t'attends, c'est bien toi qui doit faire la première note, si je ne me trompe pas.

Pas de commentaire sur la clarinette? Reeen... Des fois, j'aimerais vraiment lire dans les pensées...
Mais la téléportation c'est mieux!

-Disons que j'ai principalement travaillé la basse. Si ça ne te gêne pas de prendre la première voix...

Il n'a pas l'air sûr de lui. Tu veux changer de morceau, Ren?
Heh? Il fait quoi? Oh, la marche turc de Mozart. Joli, même dans le grave.
D'ailleurs en parlant de grave, en fait, on est déjà positionnés sur le piano, même pas besoin de se demander qui fait quoi.
J'écoute pendant qu'il joue, et essaie de me détendre au passage. La partie aiguë hein?
C'est une partie très piquée, je vais m'amuser. Ça me rappelle le temps où j'apprenais à jouer au conservatoire. Croyez le ou non, mais j'étais timide.
Genre hyper timide.
Et du coup... J'ai presque honte de m'en rappeler, mais quand je jouais du piano, j'appuyais à peine sur les touches. Et mon prof qui en riait gentiment, me disait toujours "mais allez, il ne va pas te mordre le piano". Et je rougissait avant de rentrer la tête dans les épaules pour appuyer encore moins fort si c'était possible. Le jour où j'ai eu ce morceau à jouer, j'étais dans les aigus avec un type qui bourinait sa partie grave, quand moi je touchais à peine le piano. Super duo. Et puis j'en ai eu marre et j'ai fini par jouer fort. Je devrais peut être remercier ce mec si je le revois. Genre "hey! merci d'avoir joué du piano comme une brute!". Même pas sûr que je le reconnaisse, et qu'il me reconnaisse, encore moins.
Donc je vais aller le dire à tous les types qui font bourrins dans la rue.

-Si la première voix te fait cet effet-là, tu pouvais me demander de prendre la basse. Et puis, il faut que je recherche la partition, histoire que l'un d'entre nous évite les mauvaises notes.

Hein quoi? Ren pourquoi t'es debout? Tu sais que tu m'as tiré de mon moment d'émotions intérieures très émouvant? Nan tu le sais pas, sinon tu serais en train de t'excuser et de me consoler, 'spèce de sans cœur. A la place tu regardes le mur. Pourquoi tu regardes le mur d'ailleurs?
Il tire une espèce de porte qui était cachée dans le mur.
Cachée dans le mur hein. Y'en a d'autre comme ça? Des fois qu'il cache je ne sais trop quoi sous son tapis...
Ooh, Takeji arrête ça tout de suite, sinon tu vas vraiment aller voir sous le tapis, tu le sais.
Tiens, la porte laisse apparaitre plein de partitions. Faudra que je lui demande de me les montrer à l'occasion.
Il parcourt attentivement les étagères avant de trouver ce qu'il cherche. Il revient vers le piano partition en main, monte le pupitre et corne le livre entre ses mains avant de le poser sur le pupitre.
Oh, la partition du morceau qu'on va jouer. Comme c'est gentil.


-Allez, commence donc, je t'attends, c'est bien toi qui doit faire la première note, si je ne me trompe pas.

Je jette un œil à la partition. Ah ouais c'est moi. Je commence bien tiens. Je me retourne vers Ren et lui fait un grand sourire qu'il qualifiera très probablement de stupide dans sa tête, avant de soulever ma main gauche pour faire la note. Oui parce que ce morceau commence par une note toute seule jouée par la première voix. Ensuite, c'est la basse qui joue l'intro.
Comme c'est le cas maintenant en fait. Ren joue vraiment bien, mais j'ai cru le deviner tout à l'heure. Je souris.
Je regarde la partition pour voir où on en est -si il ne l'avait pas ramenée...-, et prépare mes mains au dessus du piano. Et je joue.
Elle est marrante la voix du haut.

When the music begins, my heart resound...

Takeji entama la première note. Aigu, elle fit cependant résonner toute la pièce. Afin de ressentir le morceau au plus profond de moi, je pris un certain temps avant de poser mes doigts sur les touches. Enfin, Takeji ôta sa main du piano.
Jetant un premier coup d'oeil sur la partition, j'inspire un bon coup, comme juste avant de souffler dans un instrument à vent. Et je commence.
La musique est entraînante, et malgré le nombre d'années passées depuis la dernière fois où j'ai joué ce morceau, je finis par fermer les yeux, bercés par mon intuition.
Mes doigts finissent par effleurer les touches, car le tempo s'accélère. J'ouvre brutalement les yeux, et fixe la partition. C'est bientôt à Takeji.
Je le vois remonter ses mains sur le sommet des touches, prêt à commencer. Il semble concentré. J'aime ça.
Finalement, nos mains finissent par se coordonner, à suivre un rythme effréné, à tel point qu'on pourrait croire que les doigts s'envolent, et finissent même par disparaître. Bien sûr , la page est assez compliqué à tourner, mais une fois accomplie, la musique finit par devenir vraiment naturelle. Ça se voit que Takeji connait ce morceau, et même mieux que moi.

Finalement, la musique termine son chant sur un accord que je qualifie de véritablement dissonant. Soupirant, j'ôte mes mains du piano. Remuant mes doigts pour vérifier leur souplesse, je referme la partition.
À mes côtés, Takeji s'étire. Je le regarde d'un oeil distrait. C'est alors que survient le drame, si l'on peux l'appeler comme ça. Takeji, ce tête en l'air, s'étire vraiment de tout son long, et ne mesure la largeur du tabouret. Je le vois qui voltige à moitié. Il commence à basculer en arrière.
Eh merde...

- Attent... commençai-je.

Ma main se fait plus rapide que mes paroles, que je prononce malheureusement un peu trop tard. La force gravitationnelle était-elle alors trop puissante, ou bien le plancher trop accueillant? En tout cas, c'est à deux que nous tombions alors, tête la première.
Le temps de reprendre nos esprits, et nous étions à terre, moi, le pied sur le tabouret, et lui étalé par terre, les pieds en l'air.
Me relevant, passant ma main sous mes cheveux, vérifiant que le choc n'ai pas été trop dur, je le regarde d'un air blasé. Il me rend un grand sourire.
Attendra-t-il que je lui demande si tout va bien, ou bien s'enquit-il de ma santé? Quoiqu'il en soit, je n'attends pas de phrase de sa part, et lui dit :

- Fais attention, Take, c'est pas de la moquette par terre. Le bois, ça fait mal.

Le suivant du regard, je souris, fier de ma petite vanne. Il ne se laissa cependant pas faire, et répliqua aussitôt avec un sourire narquois. Je me contentai de l'ignorer et poursuivi :

- Maintenant, si ça ne te gêne pas, j'aimerais faire un autre type de duo.

Soudainement, le rouge me monta un peu aux joues, embarrassé à cette idée qui me trottait dans la tête.

- Hum... Comment dire... C'est un morceau que j'ai écrit pour piano/chant et guitare. Donc il manque une voix. Je voudrais te demander de jouer avec moi la partie de guitare.

Il acquiesça. Un sourire fendit mes lèvres, et je lui dis alors :

- La partition de guitare est au rez-de-chaussée, juste sur la gauche quand tu descends les escaliers. Il est sur le meuble. Je vais chercher le reste.

Sans attendre de réponse, je fis volte-face et quittai la pièce.

Nous jouons sans un mot. Mais il n'y en a pas besoin, même pas pour tourner la page. En fait, au fur et à mesure que le morceau avance, je ne regarde même plus la partition, tout me revient.
Et nous arrivons à l'étrange accord de fin, sur lequel je suis toujours incapable de vraiment placer un nom. Donc il s'appelle "l'accord de fin", voilà. Je suis plutôt fier de moi.
Ok, hyper fier.
Un peu d'amour propre de temps en temps... Qui a dit que chez moi c'était tout le temps?
J'étais quand même un peu crispé, je le sens dans mes bras... Allez un bon étirement et on est reparti pour une séance d'"embêtons Ren". Meilleur passe temps inventé à ce jour, je jure.
Je m'étire donc de tout mon long les bras tirés au maximum en arrière. Parce que sinon c'est pas un étirement.
Hey hey, attendez, depuis quand j'ai pas de dossier? Naaan je veux pas tomber. Je tomberai pas.
Tomberai pas du tout.
Je suis en équilibre une demi seconde sur le bord et...

- Attent... vient la voix de Ren, quelque part sur ma gauche

...Je suis vaincu par l'attraction irrésistible du plancher et je m'étale par terre.
Gloire à moi, je suis en vie.
Vaincu par un plancher... Un plancher... Allez Takeji, tu vas arriver à digérer celle là aussi. Après la porte, le plancher... Prochaine attaque du bois, le cadre? Je vais instaurer un périmètre de sécurité, juste au cas où. Et qui a eu l'idée d'acheter un tabouret aussi petit d'abord?
Ren.
Qui est d'ailleurs étalé à mes côtés, un pied sur le tabouret. Hmm, je savais que tu tenais à moi Ren. Au point de vouloir me protéger de l'attaque du plancher vengeur. Snif, c'est beau.
Il se relève et se passe la main dans les cheveux.
Aaw, je suis désolé pour tes cheveux mon grand, mais tu as fait un noble sacrifice que je n'oublierai jamais.
Il me jette un regard blasé au possible.
Je lui rend mon plus beau sourire.
Et il a même pas eu besoin de payer pour l'avoir, franchement...
... Je suis pardonné hein?
Nan, en fait il va surement ajouter cela à son tableau des gaffes que j'ai déjà faites. Parce que je sais qu'il cache un compte de mes gaffes comme ça quelque part, oui.
Je suis sûr qu'il voulait même pas tomber à la base. Sans cœur.
Mais je te pardonne, parce que t'es tombé, héhéhé.
Bien fait.
Viens avec moi dans le monde des conneries, tu vas voir ils sont gentils et t'auras du chocolat si t'es sage. Takeji, tais toi tu dérailles complètement.
On va mettre ça sur le compte de la collision avec le plancher, hein, et oublier tout ça.
Là voilà c'est oublié.

- Fais attention, Take, c'est pas de la moquette par terre. Le bois, ça fait mal, me raille-t-il.

Peuh! Tu m'empêche d'oublier là, tu vois pas? Et puis d'abord, menteur, t'as voulu faire une sieste par terre avec moi, je le sais, même si j'ai pensé le contraire y'a pas deux secondes. La preuve, tu m'as donné un surnom.

- Tu viens de le découvrir, hein. Comme ça tu tenteras pas de sieste sur ton plancher. Je t'évite des mal de dos futurs, héhéhé, je réplique avec un sourire narquois.

Je me relève.

- Maintenant, si ça ne te gêne pas, j'aimerais faire un autre type de duo.

Han, il m'a ignoré complètement.
Même pas calculé.
Je savais que j'avais raison. Qui ne dit mot, consent, n'est ce pas? Héhéhé.
Je le regarde alors qu'il recommence à s'embarrasser tout seul et qu'un léger rouge lui monte aux joues. Tu penses trop pour ton bien Ren.
Est-ce que je lui saute dessus pour ruiner sa coupe comme le soir de notre rencontre?
J'envisage sérieusement l'idée.

- Hum... Comment dire... C'est un morceau que j'ai écrit pour piano/chant et guitare. Donc il manque une voix. Je voudrais te demander de jouer avec moi la partie de guitare.

Oh... Je suppose que je peux remettre mes expériences de coiffeur à plus tard. Guitare, hein, ça doit pouvoir se faire. J'acquiesce donc de la tête et il sourit. Il ajoute:

- La partition de guitare est au rez-de-chaussée, juste sur la gauche quand tu descends les escaliers. Il est sur le meuble. Je vais chercher le reste.

Et il s'en va. Frimeur, moi aussi je sais le faire. D'ailleurs, regarde, je passe la porte sans rien dire, et le piano est sans voix. Et toc!
Bon... Descendre les escaliers, puis à gauche c'est ça? Ok, on va mettre à l'épreuve mon sens de l'orientation. Pas de commentaire sur le fait que ce soit dans une maison. De toute façon c'est trop grand ici.
Je descends les escaliers. Et je percute en plein milieu. Il a écrit le morceau lui même! Ouah. Hey, faut assurer alors. Et je suis curieux d'entendre ce morceau.
Alors, en bas des escalier, tournez à gauche puis prenez la partition avant de faire demi-tour et de reprendre l'escalier principal.
Je fais trop bien le gps hein?
Arrivé en haut de l'escalier prenez la porte...
La porte...
... Laquelle?
Qui a cru qu'il serait marrant de mettre autant de portes dans un couloir, et faire en sorte qu'elles se ressemblent toutes?
Trait pour trait.
Le gps ne peut vous aidez, demerdez-vous. Je savais que c'était des babioles inutiles, les gps. Qui a besoin d'un gps quand il y a la téléportation?
Moi.
En fait, je crois savoir pourquoi je suis né avec la téléportation. C'est à cause de ce sens de l'orientation qui me permet de me perdre même dans une maison. Aussi grande soit-elle. Bon... Quelle porte?
Je soupire. Ça fait au bas mot 2 minutes que je suis en haut de l'escalier à me demander quelle porte ouvrir. Je pourrais me téléporter, mais ça serait beaucoup moins drôle. Finalement je me décide pour celle sur le mur d'en face, un peut plus loin dans le couloir. Elle me dit quelque chose. Oui, même si elles sont toutes identiques. Allez, c'est celle là c'est sûr. J'ouvre.
Raté. A première vue, on dirait une chambre. Probablement celle de l'animal qui hante ces lieux. Si le dit-animal me voit, je suis mort.
Je recule à cette pensée, pour mettre de la distance entre moi et la porte.
Il va me traiter d'imbécile, se mettre en colère, et ruiner son semblant de bonne humeur. A trop froncer les sourcils, il aura des rides jeune. Vite refermons la porte.
Mais discrètement, des fois que... Je tire donc la poignée vers moi pour refermer, en concentration extrême et position précaire, car je suis toujours éloigné de la porte. Vous avez déjà vu un type refermer une porte en la tirant vers lui tout en étant légèrement penché en avant pour attraper la poignée? Nan? Vous ratez quelque chose.

La porte noire s'ouvre, et l'inconnu apparaît.

Je ne connaissait pas vraiment le sens de l'orientation de Takeji, mais si j'avais su qu'il était pire que déplorable, je lui aurais demandé de rester dans la salle de musique, tandis que j'allais chercher toute les partitions, dispersées dans toute la maison.
M'enfin, n'ayant pas compris cela, j'ai préféré laissé faire Takeji. Je me retrouvais donc dans mon bureau. D'un style victorien, majoritairement composé de bois, il y avait une petite bibliothèque aux couverture souvent usées. Un héritage de mon grand-père côté maternel. Mon large tapis était étendu au sol, d'une couleur vermeil un peu flash. N'y faisant cependant guère attention, je me dirigeais vers le bureau, et écartais les multiples paperasses. Si j'étais plutôt soigné niveau partition, en ce qui concernait les notes et les contrôles des élèves, ce n'était pas trop ça (mais ça, il ne le savent pas...). Malheureusement, ma partition avait eu le malheur de prendre un peu la poussière, faute d'être utilisée, et c'était retrouvé sous une pile maladroitement pliée.
Pas ça, pas ça, ni ça...
Alors que je commençais à désespérer, et me résigner à retrouver Takeji, les mains vides, après m'être excusé, mon regard fixa un tiroir à moitié ouvert. De mon œil d'aigle, je remarquais une feuille parsemé de bandes et de points noirs. Une partition!
La saisissant, je passais les quelques pages en revue, chantonnais l'air à la volée, et acquiesça de la tête. C'est ça. La partition chant et piano.
Voilà, maintenant il ne me reste plus qu'à rejoindre Takeji. Vu le temps que j'ai mis pour la rechercher, il doit certainement déjà être en salle de musique. Afin de ne pas l'inquiéter, je vais emprunter un petit raccourci, histoire de gagner du temps.
Je sortis donc dans le couloir, partition en main. Quel ne fut pas ma surprise de voir ce fameux Takeji situé à deux portes à droite par rapport à la mienne. J'ignorais s'il s'était perdu, mais en tout cas il était devant une porte interdite. Personne n'y entre, sauf moi. Le rouge de la colère me monta un peu aux joues, et je décidais de lui faire passer l'envie de retomber sur celle-ci.
Je m'approchais de lui, discret.
Je me penchais aussitôt au-dessus de son épaule et lui chuchotai :

- Qu'est-ce que tu fais là?

Ma phrase le surprit et il sursauta. Personne n'y entre. Et pourtant, il l'avait fait. Sans connaissance de cause, peut-être par hasard, mais durant ce laps de temps où je l'avais aperçu, ma mauvaise humeur avait brutalement refais surface.
Seulement, entraîné dans son sursaut, il voulut certainement s'appuyer à quelque chose de stable, et appuya alors sur la poignée. Comme il s'y était adossé, il tomba face la première, pénétrant dans mon espace privé. Effet du destin, hasard ou voulu? Impossible de le savoir. Mais tout ce qui me passait par la tête à ce moment, c'était de lever ma main et de le gifler. C'était tout ce que je voulais.
Et c'est ce que je fis.
Il se releva en silence. Je ne pris même pas le temps d'attendre qu'il me regarde. Du revers de la main droite, je giflais Takeji avec un forte virulence. Là, je ne pouvais pas m'en empêcher.
Avec une voix forte, digne du professeur le plus sévère, je dis :

-Non, mais tu te prends pour qui, Kido?! C'est pas parce qu'on est devenu potes dès nos premiers instants qu'il faut déjà que tu m'espionnes chez moi! Tu te rends compte que tu violes mon espace privé là?! Dire que je pensais te faire confiance! Non mais dépêche-toi de filer de ma chambre! Tu n'as pas honte?!

Respirant avec intensité, je reprenais mon souffle. Je m'en voulais un peu à présent, mais le fait qu'aujourd'hui n'est pas vraiment une bonne journée, il fallait vraiment que je me défoule. Je suis juste à présent un peu déçu de l'avoir fait sur Takeji plutôt que sur mon oreiller.
Mais maintenant, il fallait voir les représailles sur Takeji. Lui qui d'habitude est de si bonne humeur... comment va-t-il réagir?

Forcément, aujourd'hui c'est pas mon jour. Cependant, je m'attendais à une nouvelle attaque du bois, mon ennemi naturel, plutôt qu'à une du maitre des lieux. Ou alors, ils ont fait un pacte.

- Qu'est-ce que tu fais là?

Je sursaute violemment. Quand est-ce qu'il est arrivé derrière moi? Plus important, pourquoi je ne prêtais pas attention à mon entourage? Je suppose que je relâche un peu trop ma vigilance près de Ren. Lui par contre, il est toujours alerte.
Prof trop sérieux.
Toujours est-il que dans mon sursaut je tente de me stabiliser sur quelque chose. Et quoi de mieux que la poignée que j'avais déjà en main?
Mauvaise idée.
La porte n'était pas entièrement fermée, et je tombe face la première dans la pièce interdite.
J'en ai marre de me cogner. Comment voulez vous que je garde le peu d'intelligence qu'il me reste si on s'obstine à me cogner la tête partout.
La prochaine fois je met un casque, et toc.
Si je survis à aujourd'hui...
Je suis mort hein?
Je peux rester sur le plancher alors, je suis bien là. Comme tout s'obstine à m'y envoyer.
Je vais passer le reste de ma vie à ramper, vous allez voir.
Bon allez Takeji, debout.
A peine debout, je me prend une énorme gifle, et recule d'un pas pour ne pas encore tomber. Aie! Mais il a de la force dans les bras lui! Et d'abord, j'ai rien fait pour la mériter. Pas ma faute si y'a pas de panneaux sur tes portes. Pas ma faute non plus si tu t'amuses à approcher les gens par derrière pour les faire tomber. Méchant.

-Non, mais tu te prends pour qui, Kido?! C'est pas parce qu'on est devenu potes dès nos premiers instants qu'il faut déjà que tu m'espionnes chez moi! Tu te rends compte que tu violes mon espace privé là?! Dire que je pensais te faire confiance! Non mais dépêche-toi de filer de ma chambre! Tu n'as pas honte?! Me dit-il -non, limite crie-t-il en fait- d'une voix sévère.

Je me frotte la joue pendant qu'il parle. Tape fort ce type quand il veut.
Je ne m'en tirerai pas avec une mauvaise plaisanterie hein? Il est très très en colère. Et je suis vraiment vraiment pas doué.
Bon, considérons mes options. Dehors les plaisanteries. La téléportation ne sert à rien. J'ai pas mon sabre. De toute façon j'irais pas le trancher. Mais je peux lui faire peur. Oh, remarquez, j'ai pas besoin de mon sabre pour lui faire peur, et faire semblant de me mettre en colère. Si il faisait pas ces trois centimètres de plus que moi, ça me faciliterait la tâche...
Il reprend son souffle et je ne sais toujours pas comment réagir.
Je suppose que je l'ai en partie mérité pour être un imbécile, mais quand même. Oh allez, commençons par le début.

- Pardon. Je me suis perdu, aussi ridicule que cela puisse sonner. Ta maison est très grande tu sais. Et toutes tes portes se ressemblent.

Je fronce les sourcils, je vais quand même pas me jeter à genoux pour quelque chose dont je ne suis pas entièrement responsable. Comment vais-je me -nous- tirer de là? Seconde étape, calmer l'animal.
Je fais quoi? Je lui tend une friandise et je vois si ses oreilles se dressent et si son regard s'allume?
Heureusement qu'il ne lit pas dans les pensées.
De toute façon, j'ai pas de friandise. Ah! Mais ça commence à m'énerver tout ça. Habituellement, si on me frappe, je riposte. Sauf que les gens qui me frappent, je les aime pas et c'est réciproque. Je le chatouille? Nan il va s'énerver encore plus et croire que je ne le prend pas pas au sérieux. Alors que c'est tout le contraire, sinon je me serais tiré depuis un moment. Et avec tout ça, je suis toujours dans la chambre. Mais il est devant la sortie en même temps, imbécile. Il tire toujours la tronche, et ne réagit pas. Y'a un câble qui va lâcher dans mon cerveau. Et je vais faire une connerie. Bah, je suis plus à ça près. Il va réussir à me mettre en colère, donc je vais me calmer avant.

- Tu vas arrêter de tirer la tronche oui? Je me suis excusé! Bouge, fais quelque chose!

Et avant qu'il n'ai le temps de faire quoi que ce soit, je lui lance le premier objet qui passe à ma portée.
Un oreiller.
Il a de la chance. Oreiller en pleine face, parce que je vise trop bien. Il a intérêt à réagir, sinon je ne répond plus de rien. Je croise les bras et le regarde fixement. Je dois pas avoir l'air très content. Pourtant, dans d'autres circonstances, j'aurais ri à sa tête, et à la façon dramatique dont le coussin est retombé sur le sol.
Allez, maintenant il va râler parce que j'ai lancé quelque chose?

Et les larmes apaisent les maux du cœur...

Alors que je commence moi-même à me poser des questions sur sa réponse, il enchaîne directement après mon petit monologue.

-Pardon. Je me suis perdu, aussi ridicule que cela puisse sonner. Ta maison est très grande tu sais. Et toutes tes portes se ressemblent.

Grande? Je ne dirais pas ça. Il n'y a que trois étages. Et puis, c'est normal que mes portes se ressemblent, puisque je n'aime pas dépenser mon fric dans les portes, et surtout que personne avant lui n'était venu chez moi.
Mais ce n'était pas vraiment le moment de parler de ça. De mon côté, je restais impassible. Bien qu'un peu rassuré, je ne pouvais m'empêcher de voir rouge. Si je n'avais pas été en colère, j'aurais certainement rougi. Je n'aime pas qu'on vois mon espace privé, ça me gêne au plus au point. Et puis, même si je sais que j'ai les mêmes goûts que Takeji en matière de vêtement, c'est ici que je les entrepose tous, et mon armoire est à moitié ouverte, on peut donc distinguer plusieurs tenues. C'est donc d'un visage de marbre que je fixe Takeji, encore sous le choc.

-Tu vas arrêter de tirer la tronche oui? Je me suis excusé! Bouge, fais quelque chose!

Et c'est alors que se produisit la chose à laquelle je ne pouvais m'attendre. Takeji, en désespoir de cause très certainement, attrape mon oreiller. Mon oreiller! Sur mon lit soigneusement fait. Et le voilà qu'il me le lance à la figure, en pleine poire! C'est qu'il vise bien celui-là...
Bref, me voilà donc face à lui, l'oreiller à terre, ma tête de déterré en prime. Il me faut bien quelques secondes pour comprendre la situation présente.
Puis, d'un regard sournois, accompagné quelques secondes plus tard d'un sourire machiavélique, je lui dis :

-Tu... as... fait... quoi... LÀ?

M'approchant de lui, je me penche un peu pour être exactement à sa taille. Que dois-je faire? Répondre à sa demande et enclencher une magnifique bataille de polochon dans MA chambre à NOTRE âge? Ou bien, faire le prof sérieux et le morigéner jusqu'à ce que le goût de la plaisanterie fasse trois fois le tour de son cerveau?
Fermant les yeux d'un air désespéré, je pose ma main sur mon visage, et d'un air théâtrale, je mime mes paroles :

-Dieu, qu'ai-je fait pour mériter pareil ami?

Il semble vexé. Ou bien peut-être joue-t-il la comédie comme moi? D'un œil malicieux qu'il ne remarque certainement pas, je prend mon oreiller et me dirige lentement vers le lit. Ma phrase a fait son œuvre, Takeji est occupé à trouver une réplique et me tourne alors le dos quand je pose l'oreiller sur le lit. C'est le moment ou jamais. Avec un silence digne de ma forme fusionnelle, je passe derrière lui, juste entre le lit et Takeji. Puis finalement, je le saisis dans le dos, et comme je le dépasse, il se retrouve les pieds dans le vide. Je le jette gentiment sur le lit et passe mes mains de chaque côté de sa tête, de tel sorte d'être face à face :

-Dis, tu n'as pas honte de m'obliger à retrouver ma bonne humeur alors que ce n'est vraiment pas le jour, dis-je en lui tirant la langue.

Sur ce, je pris un oreiller et le lui lança à bout portant. Comme ça, on est quittes et y'a plus de problème. Je me relève, lui laisse le temps de reprendre le fil de ses émotions et finit par lui lancer par dessus mon épaule :

-Merci de m'avoir remonté le morale, et vraiment désolé pour la gifle... je suis... vraiment confus.

Quel est l'avantage de parler par-dessus l'épaule? Simplement parce que lorsqu'on se sent gêné, on peux détourner la tête dans un sens pour que l'autre ne voie rien. Sauf qu'en rougissant dans mon coin, rongé par la honte et le remord, j'oublie le fait qu'il y a un immense miroir en face de moi, et que Takeji pourrait très bien me voir comme ça.

Oui, je me le suis promis...
Quand j'étais petit, et que j'étais un petit enfant à problèmes, incapable de se contrôler quand un ami à lui se faisait tabasser. Qui pouvait rentrer le soir plein de bleus, et d'un œil au beurre noir en prime.
Je me l'étais promis. De ma vie, je ne voulais plus qu'une personne ai à souffrir de mon autre « moi » qui dégénérait au quart de tour. Quand bien même on me pousserait à bout. Je ne céderai jamais.
JAMAIS.
Et pourtant, aujourd'hui, je l'ai frappé. Mon ami le plus cher, que je pourrais même appeler « petit frère » si j'en avais un jour l'occasion. Et d'un côté ça me fait souffrir. Souffrir affreusement.
Au final, c'est comme si je m'étais blessé.
Et le pire de tout, c'est qu'il n'avait pas répliqué. Non, il s'était excusé! Excusé de ma faute! Comment ne pas se sentir humilié après ça? Non vraiment, je me sentais désemparé.

Désemparé d'être idiot à ce point.
Désemparé d'avoir eu à frapper quelqu'un.

Et c'est alors que pour la première fois depuis de nombreuses années, des larmes coulèrent sur mes joues. Certes petites, infimes et silencieuses, mais qui soulage toujours les blessure du cœur. Je ne renifle pas ni ne pleure complètement, mais reste simplement figé dans un silence de mort. Je ne sais pas si Takeji me voit, mais j'espère que non. Je me sentirais encore plus honteux.
Pour un mec, surtout censé être adulte, pleurer est vraiment un signe de gamin, et je n'aime pas qu'on me prenne pour un gamin.
Mais bon, ça passera peut-être avec Takeji. Quoiqu'il en soit, pour éviter de lui donner des soupçons sur mon comportement, je me retourne vers lui, sans m'essuyer les yeux, et en prenant bien soin de fixer le sol, pour qu'il ne remarque pas mes yeux mouillés. Il ne bouge pas lui non plus, et je prends peur. A-t-il déjà compris?
Afin de contourner tous ses soupçons, je lui dis :

-Ben alors, ne fais pas cette tête, ça va très bien!

Hum, pas très convaincant, mais j'essaye de faire de mon mieux. Je m'approche à nouveau du lit, prend un oreiller, et l'enlace fortement, posant mon menton dessus. Comme Takeji ne réagit et ne parle toujours pas, je me tourne vers lui, et lui fourre mon oreiller dans sa figure.

S'il me voit les yeux mouillés, tant pis pour moi, je l'ai bien mérité après tout.

N'empêche... Magnifique lancer. Et sa tête aussi est à tomber.
Bien. Fait.
Oui je boude toujours. Nan mais.
Il me lance un regard sournois. Ok, il complote quoi?
Aaattendez, pause. Ren? Un regard sournois? Ren. On parle du prof qui vient de me crier dessus et de me taper méchamment. D'ailleurs j'ai encore mal.
Bref, Ren qui prend mon rôle. Parce que c'est moi qui envoie les regards sournois, et les sourires machiavéliques.
Comme celui qu'il m'envoie quoi. J'aime pas ça du tout. Parce qu'il ne le fait jamais -même si on ne se connait pas depuis longtemps- et que ça ne doit pas être bon signe.
Super, c'est la journée.

-Tu... as... fait... quoi... LÀ?

Je t'ai lancé un coussin. Pourquoi? Si tu veux je le refais, comme ça tu seras sûr.
Il s'approche de moi et se penche légèrement. Oui c'est bon je sais que tu fais trois centimètres de plus que moi. Frimeur. Trébuche sur l'oreiller. Méchant.
Il ferme les yeux, pose une main sur son visage et d'un air théâtral entame sa réplique:

-Dieu, qu'ai-je fait pour mériter pareil ami?

Tu veux jouer à ça? Ok. Je prend mon air air vexé et je continue à bouder. J'avoue être assez curieux quant à la suite.
Il se baisse et récupère son oreiller. Bon... Me faut un truc mieux que l'oreiller dans la tronche, allez, réfléchissons au prochain coup.
Hah! Mais c'est quoi ça? Pourquoi je vole? Évidemment le coupable, c'est Ren. Il me lance sur le lit. C'est ça, après la taille, la force? J'ai déjà testé tout à l'heure tu sais. Il se place une main de chaque côté de ma tête. L'idée de me téléporter pour atterrir au dessus me traverse l'esprit. Après ça je lui enfoncerais la tête dans les coussins, nah.

-Dis, tu n'as pas honte de m'obliger à retrouver ma bonne humeur alors que ce n'est vraiment pas le jour.

Et il me tire la langue. Han, il m'a tiré la langue! Je l'ai tapé trop fort avec le coussin?
Avant que je n'ai le temps de placer ma mine éberlué, tout devient noir et je sens une masse sur mon visage.
Un coussin.
C'était mon idée ça! Voleur! Et je suis encore par terre. Enfin, sur un lit. Mais pas sur mes deux jambes quoi.
Je savais que Ren s'était allié à tous ces objets vicieux.
Ce gag n'est plus drôle. Prière de laisser Takeji sur ses deux pieds dorénavant. La prochaine fois je riposte. L'alliance "faisons tomber Take" n'a qu'à bien se tenir. Je vais m'occuper du chef déjà.
Et nan j'ai pas honte, Ren. Jamais.
D'ailleurs... Victoire!
Il est de nouveau de bonne humeur. Niark niark niark, je suis trop fort.
Bon, la prochaine fois il se démerde hein, je vais pas me prendre des coups pour le faire sourire à chaque fois.
Ouh, dit comme ça, on dirait qu'il l'a fait exprès. T'as tout planifié? Avoues. Bouffon.
Je retire l'oreiller, parce que j'aime la lumière du jour, et puis parce que j'ai besoin de ma vue pour viser. Je m'assois. Il est debout.
Attaque de l'oreiller, second round.

-Merci de m'avoir remonté le morale, et vraiment désolé pour la gifle... je suis... vraiment confus.

Pas autant que moi. Allez, je ne suis officiellement plus en mode "je boude".
Par contre, j'ai toujours l'oreiller dans la main.
Il est dos à moi, et a la tête droit devant lui. Huh? Il fait quoi?
Ah, il y a un miroir devant lui, il l'a vu? Takeji idiot, bien sûr qu'il le sait, c'est chez lui.
Il rougit et se morfond. Ah non! Je jure que si il recommence...
J'arme mon bras prêt à lui lancer le coussin. Mais... Il a l'air très profondément dans ses pensées. Je baisse mon bras et remets l'oreiller en place.
Pfiou, et je fais quoi moi maintenant? C'est un cas Ren quand il s'y met. Regardez, en cinq minutes, j'ai eu le droit à la crise de colère, le tirage de langue avec le coussin dans la tronche et maintenant le broyage de noir violent.
Broyer du noir sur quoi par ailleurs? Je veux dire, l'incident est clos, je ne lui en veux pas, et j'étais même prêt à commencer ma prochaine connerie. Et là, il est dos à moi à ruminer. Je ne sais même pas à quoi il peut bien penser.
Rappelez moi pourquoi je suis ici à la base?
Pour jouer de la musique je crois bien. Je soupire et baisse le regard sur mes mains.
Il va bien finir par dire quelque chose non?
Sinon ça sera moi. Pour dire quoi?
Je choisis bien mes moments pour n'avoir rien à dire, hein?
J'entends du bruit devant moi et relève la tête. Il se retourne mais garde la tête baissée. Oh... Ren?

-Ben alors, ne fais pas cette tête, ça va très bien!

Ouais bien sûr. Et moi je suis Rodolphe, le renne du Père Noël. T'as vu mon nez rouge qui clignote? Joli hein?
Je suis bête, mais il y a des limites. Je ne fais pas de commentaire. Mon pote, il y a des larmes sur ton visage, et elles ne sont pas invisibles. Oui je sais que tu aimerais bien, mais raté. Maintenant, soit tu me dit ce qui ne va pas, soit je viens chercher les réponses. Allez, au moins il ne s'est pas enfuit.
En même temps, s'enfuir de sa propre maison hein... Surtout si on en est le propriétaire ET le seul résident.
Il s'approche et vient s'assoir sur le lit, en attrapant le coussin. Il le serre contre lui et pose sa tête dessus.
Je ne réagit toujours pas.
Flippant hein? Calme, pas de réaction, pas de bruit ni de commentaire étrange/stupide/intelligent -oui ça arrive-.
A dire vrai, je ne sais pas quoi faire là...
Il se tourne soudain vers moi et m'enfonce l'oreiller dans le visage.
Encore. On a usé jusqu'à la corde les deux gags du jour, on passe à autre chose?
Bon, ce soir je dors sans oreiller et debout, parole de renne. Oui, je suis Rodolphe, vous vous souvenez?
Quoi? J'ai besoin de décompresser, j'ai pas fait de connerie depuis 5 minutes, ça me pèse.
Ouais nan, en fait j'aurais bien aimé être Rodolphe. C'est plus facile d'aller consoler quand on est un animal, parce qu'on ne peut pas parler, donc personne n'attend de vous des mots.
Sauf que là...
L'oreiller tombe, Ren regarde ailleurs, je regarde Ren. Têtu hein? Je jette un oeil à la pièce, y'a pas de mouchoir nul part? Bon.
Ça risque d'être maladroit, et je remercie tous les dieux qui existent que personne ne soit dans la pièce. J'vous dit pas les ragots sinon. Je lui attrape le menton, et lui essuie les yeux en disant:

- Je ne sais pas pour quoi tu t'en fait à ce point, mais quoi que ce soit tu peux en parler tu sais.

Je repose mes mains. C'est pas le moment de plaisanter. De toute façon, pour une fois, je n'ai pas d'idées. Ah, c'est la faute de tous ces coussins dans la tête... Regardez où ça mène. Dangereux ces objets, très dangereux.
Ren me regarde, et je sens qu'il est gêné. Je le serais aussi à sa place. Mais bon, au point où on en est. Et j'aimerais bien entendre la raison derrière tout ça. Parce qu'il y en a forcément une, Ren ne se laisse pas contrôler par ses émotions contrairement à moi. Je le vois qui se mord la lèvre, il ne veut pas parler? ... Après tout, ça serait son choix, je ne vais pas le forcer.
Sur un coup de tête je me penche et le prend dans mes bras. J'ai l'impression qu'il en a besoin. Ou alors c'est moi.
On s'en fiche.

- Tu peux ne pas parler aussi, mais je suis là si besoin.

Je ne peux pas faire grand chose de plus.

Et la musique suis le fil du vent...

Je sais que je n'ai pas l'air du tout convaincant. Et je sais aussi qu'il est au courant. Dans ce cas, me direz-vous peut-être qu'il est inutile de gaspiller sa salive? Eh bien, je pense exactement la même chose. Voilà pourquoi, après avoir lancé l'oreiller, je ne pus m'empêcher de regarder ailleurs, en restant dans un silence profond.
Je n'attends aucune considération de sa part, puisque c'est moi qui suis à l'origine de la petite engueulade.
Bref, me voilà donc plongé dans mes pensées, à me morfondre légèrement, cependant soulagé d'un poids après avoir versé les quelques larmes. D'ailleurs, elles commencent à me gratter. Il faut que je les essuient. Mais j'ai une véritable flemme. Finalement je n'ai pas besoin de le faire.
Takeji m'attrape par le menton. Aaaa... tends... Ça porte à confusion là... M'enfin, mes rideaux sont en velours lourd, et le soleil lui-même ne passe pas à travers.
Bref, il m'essuie mes larmes. Hum, ça serai mieux passé si nous étions des filles. La foule se serait exclamée « C'est trooop mignon ». Or, ce n'est pas le cas. Et ce n'est pas non plus fini.
Takeji m'invite à me confier.

-Je ne sais pas pour quoi tu t'en fait à ce point, mais quoi que ce soit tu peux en parler tu sais.

Lui en parler? De ma vie d'avant? Avant d'être professeur? Ça l'intéresse? Je ne pense pas. Je n'ai pas l'intention de m'attirer sa pitié. Ça non. Et puis, ce n'est pas vraiment mon genre de pleurer et de m'expliquer. Pas du tout.
C'est donc d'un parfait réflexe que je me mord la lèvre. C'est compliqué d'être paradoxal de nature. J'ai peur que mon ami se transforme en homme pris de pitié. Déjà que pleurer salit tout mon honneur, si on peut l'appeler comme ça...
Raconter mon passé. Décidément non, ce n'est pas le moment. Ce ne sera jamais le moment. Sans vouloir faire prétentieux, je n'ai pas envie de ressembler à ces filles qui pleurent dès la moindre égratignure, et qui racontent leur vie à qui veut l'entendre. Je reste renfermé.
Et pourtant...
Takeji m'attire brutalement à lui. Un câlin... un câlin...UN CÂLIN? Mes yeux se font grosses comme des boules de billard. Mais qui est-ce? J'ai l'impression de découvrir une nouvelle phase de sa personnalité. Le Takeji qui s'enquit de la santé, qui affectionne mieux que quiconque.
De nouveau, il dit :

-Tu peux ne pas parler aussi, mais je suis là si besoin.

Que dire? Merci mais je ne peux pas? M'enfuir? Non... quitte à ce qu'il me prenne en pitié, autant le faire tout de suite. Mais avant tout...

-D'abord promets-moi de ne pas répéter ce que tu viens de voir. Tu ne peux pas savoir comment ça salirait ma réputation. Oublie simplement. Ça ne se reproduira plus. Ni la baffe, ni les diverses sentiments qui me sont passés devant les yeux.

Comment être sûr qu'il la tiendra? J'haussais les épaules d'un geste bref, et m'appuyai sur le lit, les mains en arrière, le regard fixé sur le plafond. Il est beau mon plafond. Un peu doré. Il me fait penser aux chambres d'aristocrates. J'aime ça. J'ai toujours été habitué à la luxure, donc c'est dans mes gênes d'apprécier les belles choses, surtout quand c'est cher. Car même après avoir été chassé de la maison, je ne restais cependant pas sans le sou, étant donné ma carte bleu, dont le montant est censuré.
Bref!
Avec tout ça, je me suis éloigné du sujet principal. Mon enfance? Je dois raconter mon enfance? Soit. Je raconterais.
Prenant une grande bouffée d'air, je commençais.

-Bon. Disons qu'étant jeune, j'étais le genre de personnes à rentrer dans une bagarre à partir du moment où il y en avait une. Je me fichais des conséquences, de ceux qui avaient raison et de ceux qui avaient tort. Je tapais simplement. Je rentrais parfois le soir soigneusement amoché, avec une heure de colle en prime.

Je me stoppais. Faut-il vraiment tout raconter? Alors qu'on ne se connait presque pas? Moi, je ne connais rien de son passé. Qui me dis qu'il ne s'amusera pas à raconter mon histoire à d'autres?
Non, je ne pense pas.
C'est donc après une dizaine de secondes de silence que je continuais, toujours lancé :

-En grandissant, j'ai pris conscience de ma nature violente, et j'ai tout fait pour la modérer, quitte à faire du sport. C'est la musique qui m'a calmé. Enfin, qui a grandement calmé les choses. Car, tu l'as vu aujourd'hui, ça n'a toujours pas disparu.

De nouveau, je me stoppais. D'un regard neutre, je tournais mon regard vers Takeji et lui dis :

-Disons que je me suis promis de ne plus frapper personne, maintenant ce que je sais ce que ça peut provoquer. Mais toi, tu n'as rien dit. Enfin, plutôt rien de ce que je puisse imaginer. Tu ne m'as pas répondu avec les mains. Et ça, crois-le ou non, c'est la meilleure façon de calmer quelqu'un. On se sent un peu honteux, et surtout soudainement inférieur.

Je soupirais. Étais-ce vraiment indispensable de raconter ma vie? Pourtant, maintenant lancé, j'éprouvais encore plus le besoin de parler. Takeji restait silencieux. N'avais-je pas encore tout dit?

-Ce qui m'étonne chez toi, c'est ton sang-froid à tout épreuve. Je suis content d'avoir un mec comme toi pour ami. Souris-je.

Quoi, quoi? J'ai fini! J'ai plus rien à dire, alors arrête de me fixer avec ces yeux. Tiens, d'ailleurs, je te le prouve, puisque tu n'as pas l'air d'y croire :

-C'est tout. Indiquai-je pour marquer la fin.

Ah non, mon poto, je te raconterai pas toute ma vie, ça tu peux en être certain. Ou bien, ce ne sera pas avant un an.
Décidément, nous nous sommes bien éloignés du sujet principal. À savoir, la musique. D'ailleurs, je n'attendis pas de réponse d'un Takeji un peu dans la lune. Je pris les partitions qui avaient volées de la main de Takeji quand il était tombé dans ma chambre. Les rassemblant, je les ajoutaient aux miennes, qui avaient soigneusement été posées sur le petit placard, peu après la royale baffe.
Passant la porte, je levais les partitions à hauteur de mon cou, et lançai à Takeji :

-Bon, tu viens? Oublions tout ça une bonne fois pour toutes, et allons jouer. J'ai hâte de voir tes aptitudes à la guitare. Si elles sont pareilles qu'au piano, je n'ai pas à m'en faire. Ris-je.

L'attendant à la porte de la chambre, j'attendis une réponse ou un geste de sa part. Je l'avais choqué ou quoi ?

Parlera, parlera pas.
Parlera.

-D'abord promets-moi de ne pas répéter ce que tu viens de voir. Tu ne peux pas savoir comment ça salirait ma réputation. Oublie simplement. Ça ne se reproduira plus. Ni la baffe, ni les diverses sentiments qui me sont passés devant les yeux.

J'ai rien contre les sentiments. Et t'inquiète, la prochaine baffe, je l'éviterai huhu. Tu pourras voir la téléportation en action.
Répéter... Même si il me prenait l'envie de le faire, il n'y aurait personne pour me croire.
Non mais franchement, répéter? Et puis quoi encore? Un renne ça ne parle pas de toute façon.
Je devrais peut être arrêter avec l'histoire du renne, non? Des fois que je me mette à agir comme l'un d'eux... Ouh, Takeji revient sur Terre, tu t'égares.
Ren hausse les épaules et s'éloigne, tandis que je ramène mes bras le long de mon corps. Il s'appuie en arrière sur ses bras et fixe son plafond.
Il a quoi de plus que moi le plafond?
Attendez, rayez ça, c'était une connerie qui pourrait être mal prise. Dire qu'il faut même surveiller ses pensées... Ha ha, je suis mort si jamais je croise un lecteur de pensées. Ou avec un peu de chance, il sera suffisamment sain d'esprit pour avoir le réflexe de se barrer direct.
Ren prend une grande inspiration. Ah, il va parler?

-Bon. Disons qu'étant jeune, j'étais le genre de personnes à rentrer dans une bagarre à partir du moment où il y en avait une. Je me fichais des conséquences, de ceux qui avaient raison et de ceux qui avaient tort. Je tapais simplement. Je rentrais parfois le soir soigneusement amoché, avec une heure de colle en prime.

Sérieux? J'ai du mal à imaginer Ren en enfant à problèmes... Mais soit, c'était un petit bagarreur et alors?
Personnellement j'étais timide à en mourir... Opposés jusqu'au bout hein? Pas que ça soit dérangeant.
Ren est en train de penser, mais à quoi? Hmm... Le passé qui revient en tête? Il finit par reprendre:

-En grandissant, j'ai pris conscience de ma nature violente, et j'ai tout fait pour la modérer, quitte à faire du sport. C'est la musique qui m'a calmé. Enfin, qui a grandement calmé les choses. Car, tu l'as vu aujourd'hui, ça n'a toujours pas disparu.

Ah, c'était ça? Euh...
Ok justification acceptée, de toute façon c'est pas comme si je n'avais pas déjà pardonné. Et sans raison en plus.
Des fois je me demande ce que j'ai dans la tête. Le premier qui fait une remarque, il se prend un coussin dans la tronche, clair?
Ren tourne son regard vers moi et ajoute:

-Disons que je me suis promis de ne plus frapper personne, maintenant ce que je sais ce que ça peut provoquer. Mais toi, tu n'as rien dit. Enfin, plutôt rien de ce que je puisse imaginer. Tu ne m'as pas répondu avec les mains. Et ça, crois-le ou non, c'est la meilleure façon de calmer quelqu'un. On se sent un peu honteux, et surtout soudainement inférieur.

Et t'avais imaginé quoi au juste? Parce que personnellement je manquais d'imagination à ce moment là et je me demandais comment réagir.
On peut pas passer à un sujet moins sérieux? Je sais que j'ai demandé mais... Raah, Ren souris quoi! Fais quelque chose pour détendre l'atmosphère, même si tu racontes un truc pas marrant du tout. Ça me pèse et je n'ai même pas d'idée de stupidité à penser. En fait, je n'arrive pas à tourner le sujet dans un autre sens comme je le fais si bien d'habitude. C'est assez embêtant. Bref.
Bien sûr que j'ai répondu sans les mains, je suis un être supérieur capable de beaucoup de choses et...
Ouais ok, j'étais bien trop confus pour penser à utiliser mes mains. Et j'ai besoin de mains en bonne santé pour jouer du piano. Toi aussi d'ailleurs. Donc nan, pas de bagarre pour moi.
Je devrais peut être dire quelque chose? Je suis trop calme depuis... Trop longtemps. Je suis sûr que je m'agite plus en dormant.
En même temps... Devinez quoi? Gagné! Je ne sais pas quoi dire. Encore.
Allez, c'est bon, jamais deux sans trois, on a usé le troisième gag de la journée. Ça suffit merci beaucoup. Si je chope celui qui s'amuse à mes dépends...

-Ce qui m'étonne chez toi, c'est ton sang-froid à tout épreuve. Je suis content d'avoir un mec comme toi pour ami, fait-il en souriant.

Ha ha, moi aussi je suis heureux de me compter dans mes amis.
Nan attendez, c'est pas ce que je suis censé répondre hein? Je t'aime bien aussi Ren.
Je continue à le fixer. Il a quelque chose à ajouter?

-C'est tout.

Ah bah nan.
Hmm... Je n'ai pas perdu ma journée moi. Ren se lève et récupère les partitions.
Partitions! Tiens c'est vrai on doit jouer. Hey, ça tombe bien je veux me dégourdir les mains sur une guitare.
Pourquoi?
Parce que.

-Bon, tu viens? Oublions tout ça une bonne fois pour toutes, et allons jouer. J'ai hâte de voir tes aptitudes à la guitare. Si elles sont pareilles qu'au piano, je n'ai pas à m'en faire, rit-il.

C'est... Un compliment?
Rougis pas rougis pas! Oh punaise, c'est quoi cette manie de merde à chaque compliment hein? Bon, au moins c'est très léger je le sens. Trèèèès trèèès très léger. Il a pas intérêt à remarquer. Pour être sûr je vais quand même éviter de croiser son regard.
Si j'étais un renne...
Ok ok j'arrête.
Il est à la porte et m'attend. En même temps, il a tout intérêt à me montrer le chemin. Je relève les yeux vers lui et lui envoie un sourire narquois.

- Et moi je veux voir ce que tu vaux en chant.

Et avec ça je passe à côté de lui en attrapant les partitions de guitares dans ses mains et arrive dans le couloir.
Yeh, Takeji est de retour! Tu m'as manqué vieux, avec l'autre qui se prenait pour un renne... Même si l'autre c'est moi.
J'ai perdu des gens en route? Héhéhé.
Ren se retourne et vient dans le couloir en fermant la porte derrière lui. Passe devant vieux, je touche plus à tes portes moi. Objets vicieux...
Il se dirige vers la bonne porte. Qui était deux portes à côté. Beh ouais évidemment. Bon au moins, c'était pas celle juste à côté.
Si je fais un beau panneau en papier avec des couleurs et je le donne à Ren, il va le mettre sur sa porte?
Je lui ferai mes plus beaux yeux de chiot, il sera obligé de dire oui. Sinon j'irai le mettre moi même quand il dormira.
Téléportation, téléportation héhéhé.
Ha ha... Faudra déjà que je reconnaisse la porte. Retour à la case départ.
Nous entrons dans la salle de musique. Guitare, guitare, où es tu? Ah! Trouvée. Elle est toute simple et elle m'appelle.
Oui, on commence déjà à communiquer. Elle me dit "viiiens, viiiens".
Faut que je dorme.
Ren se dirige je ne sais où, probablement vers le piano. Mais je n'y prête pas attention et vais vers la guitare. Je la prend et la fais sonner pour vérifier si elle est accordée. Je n'ai pas une oreille parfaite, mais ça m'a l'air bon.
Avec ça j'attrape un pupitre et met la partition qui était sous mon bras dessus. Là, niquel.

- J'suis prêt!

Et avec le sourire en plus.

On s'entraîne, dis on s'entraîne?

Ah, ah! Je l'ai fait rougir. Je pouffe, tâchant quand même de me contrôler. Décidément, il montre ses sentiments lui aussi. Journée sentimentale...
Bref, pour palier son manque de contrôle, le voilà qui me retourne la phrase :

-Et moi je veux voir ce que tu vaux en chant.

Ha, ha très drôle! Avoue que tu l'as fait exprès. N'empêche, ça m'a pas fait rougir, moi! Je me suis trop dépensé dans les sentiments, alors va falloir faire fort pour me sortir de mon état semi-sérieux.
Il prend les partitions de guitare et me dépasse. Je prends soin de soigneusement fermer la porte derrière moi, non sans jeter un coup d'œil désemparé sur mon lit, un peu chahuté.
Tu vas avoir du travail quand il sera parti, mon vieux.
Je soupire. Takeji attend devant la porte. On dirait que même si ma baffe n'était pas vraiment justifiée, ça lui a amplement suffit. Je passe donc dans la salle de musique, situé à 2 portes sur la droite, par rapport à ma chambre.
J'y entre, suivi de Takeji. M'installant sur le piano, Takeji saisit une chaise, un pupitre, et pose sa partition dessus. J'espère qu'il comprendra les notes.
Apparemment oui. En tout cas, il ne me pose pas de question.
D'ailleurs, je voilà qui me dit :

-J'suis prêt!

Bien, bien, tout ça. Mais pas moi. Je ne suis pas spécialement stressé, puisque j'aime chanter. Le truc, c'est la coordination du piano basse et soprano avec la voix par-dessus. Je l'ai travaillé plusieurs fois, donc ça devrait aller.
Je pose mes mains sur les touches et passe ma tête par-dessus le piano à queue, fixant Takeji. Il faudrait éviter les problèmes, donc je préfère savoir :

-Dis-moi, t'a bien pris le morceau qui s'appelle Amorphous?

Il acquiesça. Puis, je continuais :

-Si tu as besoin de t'entraîner un peu avant, tu me dis. Puisque tu là voies pour la première fois, il vaut mieux. De toute façon, c'est toi qui commences.

Je m'en doutais. Il n'y avait même pas pensé. J'eus envie de rire, mais je m'en retins. Vraiment, il est pas possible. Quand à moi, j'effleure les touches avec silence, fredonnant simplement l'air. Puis, finalement je m'étire pendant que Takeji grattouille des accords et des arpèges sur la guitare. Je reconnais automatiquement ma mélodie. S'il y avait eu de la batterie et ma vraie guitare électrique, ça le ferait encore mieux...
En parlant de guitare électrique...

-Attends-moi ici, Takeji.. Ne t'aventures pas dehors! Je vais chercher ma guitare électrique. Ça sera mieux pour jouer. Tu risques de ne rien entendre sinon, puisque le piano couvre deux voix à la fois.

Et, sans attendre de réponse, je sortis de la salle et montais au troisième. La chambre d'ami m'attendait. Sa porte étant toujours ouverte, on pouvait percevoir l'intérieur. Inutile de la détailler, elle est comme ma chambre. Sauf qu'elle, elle possède ma magnifique guitare blanche super stylisée. La saisissant, je descendis les escaliers, passait par ma chambre pour prendre tous les branchements (eh oui, mes affaires sont disséminées à travers toute la maison, de façon qu'il est rare de me voler un ensemble d'accessoires sans faire toutes les pièces), et enfin par le bureau pour prendre les enceintes.
Je revenais les mains pleines, et disposait tout dans la pièce. J'aidais Takeji à tout installer, et réglait le son pour qu'il ne défonce pas mes fenêtres.

Je me rassis peu de temps après, écoutant la mélodie rapidement apprise que Takeji jouait.
J'attendis un petit moment...

Je le vois passer sa tête par dessus le piano. Il dit:

-Dis-moi, t'a bien pris le morceau qui s'appelle Amorphous?

Euh... Rapide coup d'œil à la partition. Yup c'est ça. J'acquiesce. Il ajoute:

-Si tu as besoin de t'entraîner un peu avant, tu me dis. Puisque tu là voies pour la première fois, il vaut mieux. De toute façon, c'est toi qui commences.

Ah... C'est pas bête comme idée tiens. L'andouille, j'y avais même pas pensé. J'étais prêt à me jeter tête la première dedans. Catastrophe sur pattes.
Je dois faire une tête penaude car Ren a l'air de s'empêcher de pouffer. C'est ça, ris, j'en ai rien à faire d'abord. Je m'en vais regarder cette partition. Voyons voir. Il a une écriture claire, cool, je ne vais pas me tuer les yeux à lire. Remarque, je n'en pensais pas moins venant de lui.
J'enchaine quelques accords, puis prend de l'assurance et joue. Hey, c'est sympa comme truc.

-Attends-moi ici, Takeji.. Ne t'aventures pas dehors! Je vais chercher ma guitare électrique. Ça sera mieux pour jouer. Tu risques de ne rien entendre sinon, puisque le piano couvre deux voix à la fois.

Quoi quoi quoi? Mais t'as pas finit de me prendre par surprise? Le voilà qui file. Il a dit quoi? Pas bouger?
Oui maman, je serai sage promis. Maintenant que je suis dans la bonne salle, j'en bouge plus.
Il a parlé de guitare électrique? Me mets pas ça entre les mains Ren, je vais faire beaucoup de bruit. Vraiment beaucoup.
C'est un instrument parfait pour faire du bruit en même temps.
En attendant je continue à lire la partition. Il y a tout un tas d'accord et des enchainements pas forcément très simples, mais ça tombe sous les doigts tout seul.
Ah, Ren est de retour, j'entends du bazar dans le couloir. Maintenant que j'y pense, une guitare électrique, ça prend aussi des amplis, pas forcément petits et légers. Et il est parti chercher ça tout seul... Idiot têtu. Enfin, c'est pas nouveau.
Ne jamais lui dire ça en face, jamais.
Le voilà qui passe la porte avec tout ce qu'il faut.
Il est au courant que je pourrais très bien décider d'avoir une idée stupide et profiter du fait qu'il ait les mains pleines? Il me sous estime là...
Je suis trop sage ça va pas tout ça. Allez, je vais l'aider? Question stupide, oui. Nous installons donc les appareils, et je le vois qui règle la puissance du son.
Rabat-joie.
De toute façon j'aurais peut être joué fort un tout petit peu pour rigoler, mais j'aurais fini par baisser pour entendre Ren.
Ou alors je me serais tapé un délire à la fin héhéhé.
Avant que Ren n'arrive et ne débranche tout, évidemment. Voyez comme je prédis l'avenir parfaitement.
Il finit par retourner s'assoir, et je recommence à gratter sur la guitare. Qui fait plus de bruit cette fois.
Bon, je pense qu'on est bons. On commence?

- On commence?

Oh tiens c'est reparti. Pas possible tout ça. Je le regarde et il me fait signe de commencer. C'est vrai que c'est moi qui commence. Et cette fois je n'ai pas qu'une note, hourra. J'entame donc le morceau par les quelques notes d'intro, avant d'enchainer sur des accords.
Ren rejoint rapidement au piano. Puis à la voix. Il a une voix vraiment grave et chante en... Japonais. Ça me rappelle des souvenirs. C'est notre langue natale.

Ha, ha! aishiteru!

-On commence?

Oui, on commence. D'ailleurs, un simple acquiescement a fait démarré cette mélodie. À vraiment, c'est vrai qu'il manque de la batterie. M'enfin, ce n'est pas si grave, c'est joli comme ça aussi.
Et me voilà qui commence à chanter.
Celle que j'utilise rarement, mais que j'entraîne tous les matins. Ma voix de basse.

-Maboroshii datto wakate
Kuzure yuku suna no kabe no mukou
Afure dashita shuumaku no umi e

Premières phrases. J'aime les phrases que j'écris, je ne sais pas mais... je les trouvent belles. Et le pire c'est qu'elles viennent comme ça... traduction pour ceux qui ne comprennent rien au japonais: Séparé d'une illusion, L'autre côté du mur de sable s'effondrera, Vers l'océan final qui a débordé*.

Spoiler:

Et nous voilà... Takeji termine par un dernier petit solo. Il joue vraiment bien. Si l'envie me prenait un jour de créer un groupe, je n'hésiterai pas à le prendre avec moi. Enfin, s'il le voulait.
Je terminais la dernière note.
Finalement, nous nous regardâmes, une fois la musique achevée. Puis, soudainement, j'inspirais un bon coup.

-Tu joues vraiment très bien! Que ce soit le piano ou la guitare, tu es vraiment très doué! Félicitations!

Je ne sais pas pourquoi, mais malgré l'heure (quelques heures de l'après-midi), je me sentais plein d'entrain, prêt à relever n'importe quel défi! Enfin, allons-y mollo quand même...
Je me relevais du tabouret, et refermais le couvercle du piano.

-Ah! Je me sens l'âme d'un coureur! Merci d'avoir joué avec moi, ça m'a vraiment fait plaisir.

Et pour confirmer le tour, je lui lançais mon plus beau sourire. Avec ça, s'il n'est pas content. N'empêche, à voir son visage, il a l'air d'apprécier mon morceau. Tant mieux.

-Dis-moi, tu veux prendre un verre et manger un peu? Moi, ça m'a un peu creusé de chanter. Et puis, comme je ne me suis pas échauffé avant, j'ai la gorge desséchée maintenant.

Et je mimais mes paroles. Attendant sa réponse, je pris mes partitions dans la main. Qu'il laisse la guitare ici, je rangerai tout plus tard. De toute façon, je vais devoir ranger pas mal de choses quand il sera parti.
J'attendis donc sagement la réponse de mon invitation à manger...

*NdA: Google trad. est notre ami, ne m'en voulez pas...
*NdA: Faute de connaître le japonais (j'aimerais bien), je m'en remets à nos vénérables traductions qui ne veulent rien dire.
*NdA: Mauvaise traduction, à ne pas prendre au pied de la lettre.

Ça me fait penser à ma ville d'origine.

-Maboroshii datto wakate
Kuzure yuku suna no kabe no mukou
Afure dashita shuumaku no umi e

Ça fait combien de temps que je n'ai pas entendu de japonais? Un bon moment. En plus il chante bien. Presque instinctivement je joue moins fort pour me fondre dans le chant et le piano.

Spoiler:

Yuh, j'ai un solo de guitare au milieu. Aah, trop bien écrit. J'ai presque envie de crier "bravo". Mais en plein milieu de la chanson... On va éviter, hein.
On arrive à la fin de la chanson, j'ai pas envie de finir. Veux pas. Oh, un solo de guitare. Ça je veux par contre.
Et voilà c'est fini. Snif? Bah, y'en aura d'autres. Il a intérêt.

-Tu joues vraiment très bien! Que ce soit le piano ou la guitare, tu es vraiment très doué! Félicitations!

Huh! Il a trouvé la corde sensible et maintenant il joue avec.
Je rougis.
Ça t'amuse hein? Avoues.
Faut que je fasse quelque chose contre ce "réflexe" stupide. Je sais! Je vais me balader avec un masque. J'aurais l'air encore plus stupide que d'habitude mais c'est pas grave. Et si on me demande pourquoi, je dirais que... Je dirais quoi d'ailleurs? Une allergie soudaine au Soleil très grave qui euh... Me fait agir étrangement et euh... Bref.

-Ah! Je me sens l'âme d'un coureur! Merci d'avoir joué avec moi, ça m'a vraiment fait plaisir.

Le plaisir est réciproque. L'âme d'un coureur? Perso je préfère me téléporter, même si courir c'est marrant aussi.
D'ici à ce qu'il se transforme en un animal à quatre pattes et se tire en courant, on est pas loin. Faudra que je lui demande de me montrer ses transformations un jour tiens. Je suis sûr que je trouverai une ou deux remarques à placer pour le voir s'exaspérer sur mon compte héhéhé. Y'a des boutons qui sont bien trop voyant et faciles à pousser.
Il me lance un sourire.
Hmm, je ne l'ai jamais vu sourire comme ça, il doit vraiment être content.
Hourra, miracle, joie et que la paix vienne sur le monde.
Aucun rapport, je divague.
En même temps, c'est normal d'être content, ce morceau est magnifique. Il en a écrit d'autres?
Je veux voir! Et jouer au passage.

-Dis-moi, tu veux prendre un verre et manger un peu? Moi, ça m'a un peu creusé de chanter. Et puis, comme je ne me suis pas échauffé avant, j'ai la gorge desséchée maintenant.

Mais fallait les faire tes vocalises, pendant que je faisais joujou avec la guitare. Oui, j'aurais surement ricané.
En même temps, je trouve ça tordant les vocalises. Même si il y en a qui s'en sortent superbement bien, je me rappelle celles qu'on nous faisait faire au conservatoire... Mon dieu. Heureusement qu'on était mômes.
Tiens, maintenant qu'il le dit, j'ai soif aussi... Et peut être faim. J'ai fait quoi ce matin déjà?
Y'a pas eu de matin. Levé à 13h. Et ensuite je me suis battu avec une porte, pour trouver des biscottes.
Ça me fait penser, où est-ce que j'ai remis le paquet? Bah, je suis bon pour une nouvelle traque aux biscottes demain matin.
C'est un sport passionnant. Et dangereux, mais c'est un détail.
Si je résume ma situation actuelle, je suis en train de penser à mon paquet de biscottes alors que mon meilleur ami -je peux le considérer comme tel nan?- est planté devant moi en train d'attendre une réponse à sa question.
Je m'aime.

- Maintenant que tu le propose, j'avoue que ce n'est pas de refus.

Je lui envoie un petit sourire et me gratte la joue. Je repose la guitare. Hmm, faudra revenir ranger tout ça. Mais je ne suis pas contre un autre morceau. Il est quelle heure?
Je me retourne vers Ren, qui me fait signe de le suivre et nous quittons la pièce pour aller vers les escaliers.
Je me méfie des escaliers, d'ici à ce que je tombe... Je peux me téléporter en bas?
Ren va me regarder bizarrement, et je ne serai jamais capable de formuler à voix haute la raison derrière tout ça, à savoir: ta maison m'en veut. La mienne aussi, mais j'ai réussi à lui échapper ce matin.
Concentration, concentration.
Takeji, bouge, arrête de fixer les escaliers et descends. Heureusement que Ren est devant.
Allez, un pied, l'autre pied... Ça frise la paranoïa.

- Tu sais que tu chantes super bien?

Y'a t-il un seul lien logique entre mes pensées et mes actions?
Y'a même pas de rapport entre les escaliers et sa voix. Sauf peut être le propriétaire.
Encore 15 marches.
Ou alors c'est mon cerveau qui fonctionne à retardement -ça serait pas étonnant- et je le félicite seulement maintenant. D'ailleurs il est en bas des escaliers et se retourne en levant un sourcil légèrement. Je lui renvoie un sourire que j'espère naturel.
Encore 8 marches.
Et là c'est le drame. Je ne sais pas dans quoi je me prends les pattes, mais ce qu'il y a de sûr c'est que je le fais. Et je tombe en avant. 8 marches sur la figure? Très peu pour moi.

- Ah, fait...

Je me téléporte en bas des escaliers. Sur mes deux pattes, applaudissez.

- ...Chier. HA! Même pas tombé! Dans vos... marches les escaliers!

Ça rime! Je m'aime.
Ren me regarde comme si une deuxième tête m'était soudainement apparue sur l'épaule.
Ah, il n'est pas au courant de la guerre qui s'est livrée toute l'après midi sous son nez hein. Takeji vs les objets en bois et leurs potes les coussins. Ça et ma lutte pour rester debout. Heureux sont les innocents. Mais je pense que je préfère passer pour un idiot que lui raconter mes pensées des dernières minutes. Pas que ça puisse me faire passer pour plus intelligent.
Allez, agissons comme si tout était parfaitement naturel. Je lui envoie un grand sourire.

Il veut me tuer, ce mec...

Ah! Il se décide enfin à parler! Pas trop tôt me direz-vous... Mais je commence à m'habituer à son comportement, et... je ne sais pas, mais ma patience à décuplé, voir triplé depuis que je le connais. Le voilà qui pense à je-ne-sais-quoi, une expression indéchiffrable sur le visage, finissant par m'annoncer :

-Maintenant que tu le propose, j'avoue que ce n'est pas de refus.

Ah, ben tu vois quand tu veux. Je souris. Lui aussi, et il se gratte la joue. Ben soit pas gêné mon vieux... enfin c'est plutôt moi le vieux dans l'histoire....bref!
Il est inutile de lui dire de se lever, et c'est tout naturellement qu'il pose la guitare et me suit dans le couloir.
Puisque la cuisine, la salle à manger et le salon sont au rez-de-chaussée, il faut descendre l'escalier principal de la maison. Il est large, et les marches ne sont pas hautes.
C'est donc avec une rapidité habituelle que je dévale les escaliers. Habitude ou non, se gameler dessus serait faire preuve de beaucoup de maladresse.
D'ailleurs, le voilà qui descend les marches à son tour... beaucoup plus lentement et précautionneusement que moi. Mais t'a peur de toute ma maison ou quoi? Elle va pas te manger tu sais?
Sans lever les yeux, il me lance alors, tandis que je franchis la dernière marche et me réceptionne directement au rez-de-chaussée sur ma jambe gauche.

-Tu sais que tu chantes super bien?

Ah merci, c'est vraiment gentil de ta part. Mais comme je l'ai déjà dit, si tu espères avoir ta revanche sur moi, après ton petit rougissement, il va falloir faire encore mieux. Je me contente donc d'acquiescer en silence. Inutile de dire merci... vu comment il est concentré, ça serai une perte de temps.
Eh bien d'ailleurs, la chose auquel je pensais le moins arriva. Takeji, t'es vraiment pas doué... Que ferait tes élèves s'ils apprenaient ton manque de délicatesse quand tu t'apprêtes à tomber, le fait que tu n'es pas adroit, ne serais-ce que pour descendre de simples escaliers...
Que ferais-tu si tu étais une fille? Avec des talons aiguilles, je n'imagine même pas la catastrophe.
Dans ce cas, inutile de montrer que tu vas tomber. Puisque je le sais parfaitement.
Peut-être faudrait-il que je me transforme en panda roux, histoire d'amortir sa chute? Paraît que c'est super doux comme bestiole... moi je sais pas, j'ai pas pris pour habitude de me câliner...
D'ailleurs, à quoi je pense moi? Take est sur le point de tomber et je prends le risque de réfléchir? Tant pis, mon poto, j'ai pas le temps de me transformer, et j'ai non plus envie que tu m'écrases une fois au sol... Le panda roux, c'est petit et mignon, c'est pas un coussin!

-Ah, fait...

Oui, fais chier. T'aurais pu le dire... si t'avais eu le temps. Et c'est là que le don sert à quelque chose, à part au boulot.
En effet, Takeji disparaît soudainement, brusquement e ma vue, et apparaît à mes côtés. Belle utilisation! J'ai presque envie de l'applaudir, mais ça l'encouragerai de plus belle, et ça j'en ai pas l'intention. J'ai envie de rire, et ça je ne vais pas me retenir longtemps.

-...Chier. HA! Même pas tombé! Dans vos... marches les escaliers!

Nouvelle expression? Tu m'en apprends chaque jour un peu plus. Ah décidément, tu es une exception à la règle. C'est pour ça que je t'aime comme meilleur ami. Mais ça non plus, je ne le dirais pas, ça ferait penser à un masochiste.
Bref!
Bon, voilà maintenant je rigole. Désolé, là c'est vraiment dirigé contre toi, alors ne m'en veux pas trop. Tu es vraiment... Je sais pas... Mais c'est trop.
Alors là, je rigole pour de bon. À tel point que je dois me plier en deux, mes mains sur mon ventre, pour essayer de me stopper. Ah non! Arrête ça, j'en peux plus, soit un peu sérieux dans la vie!
Ah vraiment, tu fais tout pour me faire sortir toutes mes émotions aujourd'hui toi !

-Tu es trop marrant. Vraiment désolé, mais là je ne peux pas m'en empêcher! Haha...

Voilà, c'est sorti.
Encore plié en quatre, je me dirige vers la cuisine où j'espère pouvoir retrouver mon attitude sérieuse. J'aimerais me terrer dans un coin de la maison sous forme de belette pour ne pas qu'il me vois comme ça, mais ça serait fuir. Alors, ayant repris un minimum de calme, je me tourne vers lui et lui demande :

-Bon, tu veux quoi? J'ai des biscottes, des biscuits apéritifs et encore beaucoup de choses. Si tu n'as pas faim, j'ai du... hum...

Un trou de mémoire? C'est possible, vu le nombre de boissons qui ornent mon frigo. Je goûte à tout, et j'aime toujours ce que je goûte. J'ai donc toute une panoplie de soda, jus de fruit et alcool. Mais puisque je ne tiens pas vraiment ce dernier, je suis un peu en rupture de stock, puisque personne ne vient habituellement.
J'ouvre donc mon frigo, et le montre à Takeji :

-Voilà. Alors il y a des jus de fruits avec à peu près tous les goûts possibles, et puis sinon du Coca, du Sprite et toutes ces marques (qu'on ne devrait normalement pas citer sans payer pour les droits d'auteur)? Alors, qu'est-ce qui te tente? Pour moi... Ah! Et j'ai aussi du café. D'ailleurs...

...C'est ce que je vais prendre. Je démarre la machine à café, et indique d'un sourire Takeji à pouvoir fouiner chez moi, du moment qu'il ne casse rien... on ne sait jamais maintenant.
La machine commence à faire du bruit, et je pose une tasse en-dessous du serveur. À présent, deuxième chose à faire : Allumer la télé et s'asseoir tranquillement en discutant de choses et d'autres.
C'est ce que je fais.

-Je me repose un peu, ne m'en veux pas. J'ai beau me sentir prêt à courir un marathon, je n'en suis pas moins flemmard. Et en tout flemmard qui se respecte, je préfère regarder les coureurs à la télé, et m'imaginer à leur côté.

Bon d'accord, nouvelle phase de ma personnalité. Avec un peu de chance, il ne s'en rendra pas compte.
Et puis, de toute façon, aujourd'hui, c'est la journée des émotions...

Je suis trop fier de moi.
Alors pourquoi il rigole, lui?

-Tu es trop marrant. Vraiment désolé, mais là je ne peux pas m'en empêcher! Haha...

Il est littéralement plié en deux.
Tombe, tombe, tombe. Tu vas te cogner la tête sur une marche, tu vas voir.
Il arrivera à remarcher un jour après ça? Nan parce que je me demande si il va pouvoir se déplier.
Le voilà qui se dirige tant bien que mal vers la cuisine. Ha ha, t'as du mal à marcher hein? Quelle idée, il est plié en deux, rigole, et pourtant il avance. Je le suis en souriant, parce que de toute façon, y'a pas moyen d'être en colère contre lui si il rit comme ça.
Mais j'aurais ma vengeance, tôt ou tard.
Il finit par reprendre un peu de calme et se tourne vers moi pour me demander:

-Bon, tu veux quoi? J'ai des biscottes, des biscuits apéritifs et encore beaucoup de choses. Si tu n'as pas faim, j'ai du... hum...

Biscottes? Ha ha. La blague.
Il se tourne vers son frigo et l'ouvre:

-Voilà. Alors il y a des jus de fruits avec à peu près tous les goûts possibles, et puis sinon du Coca, du Sprite et toutes ces marques. Alors, qu'est-ce qui te tente? Pour moi... Ah! Et j'ai aussi du café. D'ailleurs...

Dites... Est ce qu'une âme charitable veut bien m'expliquer comment il fait tenir tout ça dans son frigo? Je veux qu'il m'enseigne sa technique.
Il se dirige vers la machine à café. Tu ne te trouves pas assez réveillé comme ça? Je t'ai trouvé très lucide pour rigoler tout à l'heure, moi. Takeji, arrête de ruminer. Il me fait un signe de tête et un sourire, m'invitant à chercher comme je le veux. Ok.
J'ouvre le frigo. Alors... Va pour un jus de pomme. Me faut un verre aussi. Voyons voir... Un placard, allez hop j'ouvre.
Bingo, trop fort.

-Je me repose un peu, ne m'en veux pas. J'ai beau me sentir prêt à courir un marathon, je n'en suis pas moins flemmard. Et en tout flemmard qui se respecte, je préfère regarder les coureurs à la télé, et m'imaginer à leur côté.

Sa voix vient de la pièce d'à côté. Je me tourne, et effectivement, il est devant la télé sur le canapé.
Flemme de courir? Rien que pour ça, j'ai envie de trouver un prétexte pour justement le faire courir. Héhéhé... Dans sa propre maison...
Je vais me faire tuer.
Je le verrais bien se transformer en un animal quelconque pour s'étaler sur le canapé. Une petite bête de préférence.
Comme ça je l'attrape et le lance quelque part. Et il reviendra en courant pour se venger. Faut que j'arrête, j'ai trop d'idées quand il s'agit de l'embêter. Et je pense qu'il a mérité sa pause.
Je viens donc le rejoindre sur le canapé, en prenant bien garde de ne pas me prendre les pieds dans le tapis. Parce que c'est du bois en dessous. Je jette un œil à la télé. Pub. Héhéhé, c'est une invitation à ouvrir ma bouche ça.

- Si tu as écrit d'autres morceaux, ce dont je ne doute pas, tu n'as qu'à m'appeler pour jouer, je fais remarquer.

Il répond avec un sourire, et nous embrayons sur une discussion anodine sur des sujets aussi divers que variés, avec la télévision en fond sonore.
Je ne sais pas exactement combien de temps nous discutons, mais je retiens que, fait étonnant, malgré nos comportements assez opposés, nous nous entendons sur pas mal de sujets. Et ceux où ce n'est pas le cas entrainent une discussion animée pour chaque point de vue.

- Il est maintenant 18h, nous allons enchainer avec... fait la télévision légèrement oubliée.

18h?? Attendez, je suis sûr que je devrais être en train de faire quelque chose maintenant. Quelque chose que j'aurais dû faire ce matin si je m'étais effectivement levé. Sauf que ça n'a pas été le cas. J'arrête de parler soudainement et fronce les sourcils. Demain c'est... Jeudi. Et le jeudi, je donne cours.
Je crois que j'ai du boulot qui m'attend... Je le vois d'ici, sagement posé sur mon bureau, qui m'envoie des ondes télépathiques pour que je m'occupe de lui. Il est temps de prendre congé.

- Je... crois que j'ai un joli paquet de feuilles diverses qui m'attendent et doivent être prêtes pour demain..., je me gratte la tête. Je vais devoir y aller. Tu veux un coup de main à ranger le bazar en haut?

Je pourrai me téléporter après ça. J'aime ce don.

Tu t'en vas déjà? D'accord, bonne route.

Assis avec ma tasse dans les mains, je sirote tranquillement. Takeji me rejoint quelques secondes plus tard.
La pub... là je sens qu'on va parler... Gagné!

-Si tu as écrit d'autres morceaux, ce dont je ne doute pas, tu n'as qu'à m'appeler pour jouer.

Mais tu sais, j'en ai beaucoup des morceaux en attente... Quelques petites modifications et ce sera bon. Voilà ce que je lui réponds.
Et nous nous embrayons peu après sur des discutions parlant de choses et d'autres, tels deux petits vieux. Je suis content, car malgré nos habitudes et nos attitudes peu communes, nous tombons d'accord sur la plupart des sujets. Le destin fait bien les choses, non?
La télévision annonce 18h. Tiens, on dirait que ça a fait un déclic chez Take.
Le voilà qui fronce les sourcils...
Oh, toi je te connais bien maintenant... Et je fais la même expression quand je me souviens que j'ai oublié quelque chose d'important, et que je m'en rends compte un peu tard.
Le voilà qui s'annonce :

-Je... crois que j'ai un joli paquet de feuilles diverses qui m'attendent et doivent être prêtes pour demain..., Je vais devoir y aller. Tu veux un coup de main à ranger le bazar en haut?

J'y crois pas... Il s'en est rendu compte? Je veux parler du bazar... Bref, je sais ce que c'est d'être prof, et étant donné que j'ai terminé mes cours de demain depuis le week end dernier (je prépare les cours de la semaine le week end), je crois qu'il est mieux qu'il s'occupe de lui avant moi.
D'ailleurs, je lui réponds gentiment, un peu surpris cependant :

-Ne t'en fais pas pour ça. Je ne compte pas me mettre au boulot maintenant. Et puis, je sais ce que c'est la paperasse. Bonne chance. Désolé de t'avoir retenu aussi longtemps, ça m'a vraiment fait plaisir.

Il me répondit que je n'avais pas à m'en faire. Bon, tant mieux.

Pour ma part, je le raccompagnais à la porte d'entrée, pour éviter qu'il se perde encore une fois. Il n'avait rien amené, donc ça ne m'étonnait qu'il parte les mains vides.
Il s'en alla bien vite.
De mon côté, ayant fermé la porte, je ris une nouvelle fois, désireux de décompresser.
Si seulement j'avais su à quoi m'attendre...

-C'est un cas, oui... C'est un cas.

Ça, c'est sûr. D'ailleurs, j'ai bien envie de sortir moi. Rester entre quatre murs n'est pas superbe, même avec une bonne occupation (oui, je pense à lui). Me transformant en léopard, je choppe ma clé entre mes dents aiguisées, ouvre la porte, la referme et la verrouille avec la clé (vous n'imaginez pas la galère avec des pattes, mais j'aime la difficulté).
Enfin, je la retire avec mes dents, et m'élance loin de chez moi, à une vitesse effarante, le vent me faisant frissonner jusqu'aux os.

Je n'ai qu'une chose à dire...
IL FAIT FROID!

Il me répond gentiment:

-Ne t'en fais pas pour ça. Je ne compte pas me mettre au boulot maintenant. Et puis, je sais ce que c'est la paperasse. Bonne chance. Désolé de t'avoir retenu aussi longtemps, ça m'a vraiment fait plaisir.

- Retenu? Je ne vois pas en quoi. Je me suis bien amusé aussi, et t'inquiète, je ne me ferai pas battre par des feuilles, je répond.

Ah ça nan. Merci, j'ai eu mon compte d'objets maléfiques pour la journée.
Nous nous levons donc tous les deux, et il me raccompagne jusqu'à la porte d'entrée. T'as peur que je me perde Ren? Je ricane intérieurement. Si il ne s'était pas donné la peine de se lever pour aller jusqu'à la porte, je me serais déjà téléporté.
Bah... J'ai bien envie de marcher un tout petit peu dans les rues. Les feuilles peuvent bien attendre quelques minutes de plus.
Je passe la porte avec un dernier signe de main, et il la referme derrière moi. Alors... Gauche ou droite?
Droite.
Je suis à quelques mètres de la maison de Ren quand j'entends sa porte se ré ouvrir, et je me retourne.
Attendez, c'est quoi cet animal qui sort là? Ren a un chat? Il me faut deux secondes pour réaliser que c'est probablement Ren lui même.
Je lève les sourcils. Alors comme ça, il peut se transformer en chat. Oui ok c'est un léopard tout blanc.
C'est juste un chat qui a bu trop de lait.
Oh punaise. Le dit-chat est en train de fermer la porte avec ses pattes. Ses pattes. Puis retire la clé avec ses dents.
Ok, si je cherche Ren, je n'ai regarder tous les léopards des neiges que je trouve, et vérifier si ils ont leurs clés quelque par sur eux.
J'ai envie d'éclater de rire. Mais je vais attendre qu'il soit un peu plus loin, hein. Parce que boule de poil là a l'air d'avoir de grandes dents.
Ren la boule de poil. Ça sonne bien. La prochaine fois que je le vois, je l'appelle comme ça.
Il va adorer.
Je le regarde s'éloigner à toute vitesse, et je relâche enfin mon rire. Y'aurait fallu le filmer.