Un avenir incertain.

Nephilim Lloyd De Sylphie & Matt Eogan Drust

&

Qu'est ce que deux mois dans une vie ? Et bien ça peut être deux mois de cauchemars où on à l'impression de tout perdre alors qu'on se démène pour que tout revienne à la normale ou alors ça peut très bien être deux mois de pur bonheur où on se laisse porter par la douce vague de chance sur laquelle on surf où tout nous réussit même si on le fait maladroitement.

Matt se trouvait plutôt dans le deuxième cas de figure car depuis qu'il avait recueilli Nephilim, il envisageait l'avenir avec un peu plus de sérénité. Il avait trouvé quelqu'un avec qui partagé ses angoisses. Elle comprenait quand ça n'allait pas, il n'avait même pas besoin de le dire, elle devait le sentir. Ils étaient parfaitement en osmose.

Le seul événement inquiétant était sûrement la lettre que Nephilim avait reçu quelque jour auparavant envoyée par Matt. A l'époque, il devait partir pour un boulot spécial pour lequel il n'avait voulu donner aucun détail à la petite. Il fallait la préserver du fait que Matt était maintenant traqué par les Cross pour avoir tuer Gaël Cross. La lettre n'avait rien en soi d'inquiétant :



Pourtant, malgré son impassibilité totale à son retour, Matt était persuadé que derrière cette insouciance affichée, elle se doutait de quelque chose. Il n'avait pas réussi à lui en tirer un mot et de toute façon il préférait éviter d'en parler car derrière cette excuse de travail se trouvait une réalité beaucoup plus sordide qu'elle ne devait pas savoir. Tout du moins, pas tout de suite.

Pour l'instant autre chose le préoccupait : Nephilim refusait d'aller en cours. Elle ne voulait pas retourner à l'orphelinat ne serait-ce que pour travailler. Matt ne comprenait pas bien mais il pensait qu'elle avait peur des représailles ou de se faire disputer. C'était une étape difficile mais de toute façon, elle ne pouvait pas rester comme ça.

~

18h, un soir à Little Angleton

Encore une journée difficile à faire un boulot pénible. Peu importe, ce n'était que pour voir les zygomatiques de sa petite princesse en action. Chaque jour qui passait, elle semblait épanouie. Malheureusement, Matt allait devoir aller à contre sens de ce bonheur mais ce n'était que pour son bien. Il avait peur de sa réaction quelque part. Et si elle voulait partir parce qu'elle trouve ça trop cruel ?

Non, non Matt. Tu ne lui demandes pas la mer à boire. Bien sûr que ce n'était pas l'impossible mais à cet âge, les adolescents sont souvent fragiles et susceptibles. Alors, il ne voulait pas la vexer mais dans tout les cas il fallait qu'il lui en parle. C'était difficile mais parfois il y a des étapes difficiles à franchir dans la vie. Il ne fallait pas qu'elle gâche son année à cause de Matt.

La remettre en selle, cela ne serait pas si dur. Il fallait simplement trouver les mots, la rassurer tout en lui faisant comprendre. Il avait toujours réussi à avoir les mots avec les femmes alors pourquoi pas avec Nephilim ? Parce qu'ils avaient tout de même un lien particulier et que ce n'était pas une fille comme les autres. Matt la trouvait exceptionnelle.

Il passa la porte de son appartement. La pièce était chaude et il était réconfortant de trouver son chez soi. Idgy releva la tête en entendant quelqu'un rentrer mais il se rendormit aussitôt lorsqu'il vit que ce n'était que l'humain noir. Qu'il était agréable de retrouver son foyer chaud avec la personne qu'on adore et qui est notre raison de vivre.

Nephilim se trouvait là, sur le canapé. Elle était assoupie, sa longue chevelure châtain tombant paresseusement sur ses épaules, ses yeux clos plein d'innocence. Apparemment, elle l'attendait et elle s'était endormie en l'attends. Il n'était que 18h pourtant. Matt s'approcha et lui fit un bisou sur le front en la serrant doucement contre lui.

- Nephi, lui chuchota-t-il doucement, je suis rentré.

Il se mit à côté d'elle, lui laissant tout l'aise qu'elle voulait pour se coller contre lui. C'était réconfortant de la voir, la chaleur abondait dans son coeur aussi aisément que les étoiles abondent la nuit. Ils restèrent un petit moment comme ça, Matt cherchait ses mots. Difficile de passer d'adolescent irresponsable à un simili père en quelques mois. La responsabilisation n'est pas une chose aisée, on ne peut la forcer. C'est quelque chose qui vient seul.

- Ma petite princesse... Il faut qu'on parle de quelque chose..

Il planta son regard dans le sien. Ni trop dur, ni trop gentil. Il la regardait en essayant de voir ses sentiments. Pas facile. Son coeur battait à la chamade et il tremblait légèrement. Pas facile de recadrer une jeune fille qu'on ne connaît depuis pas si longtemps mais avec laquelle il y a déjà une relation si forte.

Ça va faire un petit moment déjà. Que je suis ici. Ça me plaît. C'est petit, c'est mignon. On dirait une planque plus qu'un appartement, mais ça ne me gêne pas. Et puis Matt est là après tout. Enfin... quand il est là bien sûr. Pour le moment... pour le moment il est parti. Ça va faire quelques jours... non, je ne sais plus. Un certain temps s'est écoulé, et moi je ne sais pas si ce sont des jours ou des heures. C'est du temps, tout simplement. Je n'ai pas voulu sortir aujourd'hui. J'ai vu la petite lettre sur la table. Alors je me suis dite que je l'attendrais jusqu'à ce qu'il revienne. Mais le temps, ce fichu temps, a passé. Et Matt, il ne revenait toujours pas. Pendant plusieurs minutes ou heures, je me suis ennuyée. Je me suis sentie seule, et la présence d'Idgy me rassurait un peu. Je me suis mise à le caresser à rebrousse poil, ce qui eut le don de me faire éclater de rire lorsqu'il a grogné. Il a dormi sur mes genoux puis a préféré le canapé, mais je l'ai viré rapidement. Au final, c'est moi qui ai terminé avachi sur le canapé. Il est pas très grand ce canapé, mais comme je suis petite, il me va parfaitement.

À chaque fois que je sors, je croise tout le temps un élève de l'orphelinat. Il faut croire qu'il y en a partout. Ça pousse comme du chiendent. Et à chaque fois, je dois leur ressortir la même chose. Oui, je vais bien, et non je ne veux pas revenir à l'orphelinat. Si j'ai trouvé une nouvelle famille, c'est que je ne veux pas la quitter. Plusieurs orphelins ont auparavant vécus en famille d'accueil. Mais il faut croire que ça s'est mal terminé pour qu'ils terminent à l'orphelinat. Moi j'ai de la chance. Ma famille est prête à m'accueillir, mais je suis allé à l'orphelinat. Et maintenant, j'ai trouvé une famille qui m'accueille encore mieux que la précédente et l'orphelinat. Alors je ne la quitterai pas. Il y a des gens qui disent que je leur manque. Mais moi, je ne les crois pas. Parce que moi, je ne les connaissais pas. On leur a sans doute demandé de dire ça. Mais je ne suis pas dupe. Et puis de toute façon, il y a des bons cours par internet. Je continue d'étudier, et j'ai mes propres horaires. C'est beaucoup mieux que l'orphelinat. Tout ce que je ne veux pas bosser, ce sont mes pouvoirs. L'onde de choc dans un appartement, ce n'est pas vraiment pratique, et je veux éviter à Matt de dépenser le maximum de choses. Il n'y a que l'influence sur les émotions que je peux tenter. Mais comme je le subis plus que je ne l'utilise, j'ai peu de chance d'avoir quelqu'un qui me corrige. Et je ne pense pas que Matt appréciera s'il apprend que j'use de mon don pour obtenir ce que je veux. Déjà qu'en temps normal, il fait déjà presque tout ce que je veux...

Je fixe Idgy d'un air pâteux. Relève les yeux l'instant d'après pour tomber nez à nez avec l'horloge. Il n'est que 17h, et pourtant j'ai l'impression d'avoir sommeil. Comme si en fait, l'horloge elle me narguait mais qu'en réalité, il était quatre heures du matin et que je ne dormais toujours pas. Beuuuh. Sommeil... je cligne des yeux avec difficulté, avant de me les gratter avec nonchalance. Je vais me coucher je crois. Il est pas tard pourtant. Idgy m'observe en inclinant la tête. T'as quelque chose à me dire ? J'ai un bouton quelque part ? Je me lève malgré moi pour avancer en titubant un peu jusqu'à la salle de bain. J'ai l'impression de réapprendre à marcher. Je sais pas si c'est comme ça quand on boit trop. Mais ça fait un drôle d'effet. J'ai un peu la tête qui tourne et envie de vomir. Mais c'est pas grave, j'ai dû me lever trop vite. Je cligne à cent battements par minutes. Dodo. Dodo, vite. Je retourne sur le canapé, à défaut d'attraper mon lit assez vite, sans parvenir jusqu'à la salle de bain. Je tombe comme une masse sur le canapé nettement plus accueillant maintenant. Ma tête lourde penche dangereusement d'un côté, avant de s'écraser comme sur un lit de plumes. Mes yeux ne tardent pas à se fermer eux aussi, et moi voilà entraîné dans le pays des rêves.

… Pas pour bien longtemps, en réalité. J'ai l'impression qu'une minute s'écoule entre mon sommeil et l'arrivée de Matt. Oui l'arrivée de Matt. Mon cerveau prend un certain temps avant d'enregistrer l'événement tant attendu. La chose qui me réveille, c'est la brusque sensation d'être remué. Une sensation assez désagréable, mais qui, une fois réveillée, pourrait me donner plus qu'envie. Comme à mon habitude lorsqu'on me réveille alors que mon esprit a décrété que non, je râle. Dans un jargon assez nephilimien. Quoique, je me demande même si je suis à même de me comprendre en temps normal. Il n'y a finalement qu'à ce genre de moment où je comprends ce que je raconte sans que la personne en face y pige un centigramme.

- Nephi, je suis rentré.
-Tu es en retaaard...

Dit entre deux bâillements excessifs dans un langage approché du nephilimien mais relativement audible pour être compris. Car, comprenez-le bien, si vous écoutez bien ce que je raconte à mes réveils et que vous tendez l'oreille, vous comprendrez très certainement. La dernière syllabe traîne en longueur, faute de fin plus appropriée. Pour moi, c'est une oscillation permanente entre compréhension et incompréhension. Connaissance de sa présence et absence totale. À vrai dire, ce n'est qu'au moment où mes paupières, ces paresseuses, se décident à s'ouvrir et que la forme claire de Matt m'apparaît et que je me rends enfin compte qu'il est là. J'en profite pour me gratter les yeux et lui faire un bisou sur la joue pour lui dire bonjour ou plutôt... bonsoir. Bonne nuit pour moi en l'occurrence. Un bâillement s'échappa une nouvelle fois tandis que la source de chaleur, un peu fraîche en fait, s'approche de moi. Automatiquement, je m'en saisis pour me permettre de me rendormir. Refermant les yeux, je respirais avec aise. Ça, c'est bien son odeur, aucun doute. Au moment où je m'apprête à me rendormir, Matt se met subitement à parler, me sortant brutalement de ma rêverie déjà bien avancée.

- Ma petite princesse... Il faut qu'on parle de quelque chose..

Instinctivement, je lève mes yeux jusqu'à lui en les ouvrant progressivement. Il me jette un regard sérieux, un regard auquel je n'ai été que très peu habitué. Avec lenteur, je détache mes mains du tour de taille de Matt, et prend un peu de distance, en me plaçant face à lui, les mains sur les pieds, assise en tailleur. Je me demande bien ce que cette chose doit être. J'ai fait quelque chose de mal ? Il a fait quelque chose de mal ? Il lui arrivé quelque chose ? Il doit s'en aller ? Au fur et à mesure que la déferlante de questions s'offre à mes yeux, ces derniers s'ouvrent totalement, montrant une absence totale de sommeil. Je suis, pour le coup, bien réveillée. Mon esprit de jeune enfant se pose trop de questions. Trop de questions que la parole va devoir faire cesser. Mon regard se fit soucieux, un peu trop peut-être, et ma parole enchaîne :

-Qu'est-ce qu'il y a Matt ? Il s'est passé quelque chose ? J'ai fait quelque chose de mal ?

Ma dernière phrase appuie sans s'en rendre compte sur la marque personnelle « j'ai ». Il a l'air de me regarder avec une telle intensité que j'ai l'impression d'être à la source de cette chose qu'il veut me dire. Mais j'ai beau chercher, je ne vois pas en quoi je l'aurai déçu. Je ne vois pas en quoi j'aurai fait quelque chose de mal. Idgy saute sur le canapé et vient se poser sur mes genoux, ce qui a le don de me faire sursauter puisqu'il dormait il y a encore quelques secondes. J'inspire profondément, avant de me recadrer sur la discussion. Son mutisme ne m'aide vraiment pas.

« Celui qui n’a pas subi les sévérités d’un maître subira les sévérités de la vie. »

C'était difficile de la réveiller ainsi pour lui parler de ça comme ça là maintenant. Matt savait qu'il était obligé de le faire et ô combien dur c'était pour lui. Plus jeune, il détestait qu'on le guide dans sa vie, il voulait faire ses choix tout seuls et surtout n'avoir aucune contrainte. Une vie de prince. Seulement, malheureusement, cette vie n'existe que dans les contes de fées. Et encore. C'est pourquoi il devait parler à la jeune fille.

Il était étrange de voir qu'il était certainement dans une position plus inconfortable que Nephilim car il n'était pas énormément plus vieux qu'elle et il n'avait sans doute pas l'autorité nécessaire pour lui dire de retourner en cours. Comment pensait-il que ça pouvait marcher alors ? Et bien il comptait prouver à Nephilim que c'était vraiment obligé qu'elle y aille. Pour son avenir et qu'il fallait qu'elle lui fasse confiance. Pas facile.

Si mignonne, elle se détacha de lui. Preuve que la discussion prenait une tournure un peu formelle. Elle se mit en tailleur avec les mains posés sur ses pieds. Matt s'émerveillait devant chacun de ses faits et gestes mais il n'était pas l'heure d'être gentil. Il fallait expliquer les choses posément. Lui faire comprendre sans s'énerver. De toute façon, pensez-vous sincèrement que le jeune homme est capable de s'énerver contre Nephilim ?

Matt regardait fixement les yeux de la jeune fille. Son regard se faisait plus vif mais traduisait aussi un manque de sommeil. Elle avait besoin de dormir. Matt la laisserait bien dormir autant qu'elle veut mais il fallait qu'il y ait cette discussion. Elle devait sans doute se poser trop de questions. Des choses fausses probablement et des choses vraies sans doute. Il y a toujours une part de vérité dans un mensonge.

-Qu'est-ce qu'il y a Matt ? Il s'est passé quelque chose ? J'ai fait quelque chose de mal ?

Non Néphilim, il n'allait pas te reprocher de laisser traîner trop tes affaires parfois. Non Néphilim, il n'allait pas te reprocher d'être raleuse. Non Néphilim, il n'allait pas t'annoncer qu'il avait tué un homme dernièrement. Rien de tout ça. C'est beaucoup moins grave que tu ne l'imagines. Tant d'insouciances mais tant d'inquiétude naissaient dans sa tête. Matt sentait d'ici que son cerveau fourmillait.

Il devait peser ses mots, la rassurer, être gentil sans trop l'être, être méchant sans trop l'être non plus. Il devait en tout cas rompre le silence qui s'était installé depuis quelques secondes seulement. Il n'y arrivait pas, il cherchait ses mots. Vous savez, on croit qu'éduquer un gosse c'est facile mais tenter l'expérience. Vous verrez qu'il est moins facile que l'on ne le croit. Et encore, Matt ne l'éduquait pas depuis qu'elle était né.

- Il faut que tu retournes en cours.

Mince, Matt. C'était sans doute un peu trop brusque pour elle. Bien sur, d’après ce qu'elle a dit elle n'a pas connu que douceurs depuis qu'elle est né mais tu y as été sans doute durement. Allez, rattrape toi. Il culpabilisait déjà de lui avoir dis ça. C'était trop dur, trop sec même s'il ne voulait pas que ça se passe comme ça. Parfois, la sévérité vaut mieux que de la douceur mais là c'était un peu trop.

- Je veux dire, c'est pour ton bien que je te dis ça..

C'est déjà mieux. Il avait envie de caresser son visage et de la serrer fort pour lui dire qu'il l'aimait toujours autant et qu'il ne voulait pas être méchant et qu'elle faisait ce qu'elle voulait au fond mais il ne le fallait pas. Il ferma les yeux un instant. Ses paupières closes, c'était si bon. Lui aussi avait très envie de dormir mais on n'a jamais assez le temps de dire aux gens qu'on aiment à quel point on les apprécies.

- Je sais que ce n'est pas facile, mais ne t'inquiète pas je serais là pour toi.

Juste une phrase pour conclure la demande qu'il lui faisait. Une phrase avec un peu plus de douceur pour lui montrer qu'il n'était pas inhumain et qu'il la comprenait. Il montrait son point faible largement et elle pourrait très bien l'exploiter sans soucis mais elle n'était pas comme ça. Elle comprendrait, sans doute. Un sourire bref. Lui rappeler que même s'il lui dit ça, Matt protégera toujours Nephilim.

Elle semblait tellement perdue. Bien sûr, ça ne devait pas être facile pour elle. Au fur et à mesure qu’il parlait avec elle, il se rendait compte qu’il était vraiment son sauveur, comme un ange gardien. Quelqu’un qui arrive comme ça et qui vous sauve de toute les horreurs que vous vivez au quotidien.



Quelqu’un qui vous fait oublier tout les soucis du quotidien, quelqu’un sur qui on peut se reposer en toute circonstance. Comme un grand frère mais en mieux. Il savait que Nephi comptait beaucoup sur lui mais il ne pouvait faire autrement.

Qui peut se targuer d’avoir très bien réussi dans la vie sans avoir faire d’études ?

Peu de monde, bien peu de monde. Quelques génies, quelques esprits ingénieux qui réussissait à s’en sortir grâce à un opportunisme hors du commun ou tout simplement grâce à de bonnes idées.

Matt ne voulait pas dévaloriser la petite c’était certain, mais il savait qu’il y avait peu de chance qu’elle y arrive.

Dans le monde magique, on a besoin de bases solides pour réussir. Ou alors une richesse infinie. Matt n’avait pas autant d’argent à lui apporter bien qu’il le ferait s’il pouvait.

Les enfants sont cruels en cela. Ils pensent toujours qu’on leur veut du mal alors qu’on essaye de toute faire pour qu’ils soientdans les conditions parfaites.

C’est compliqué tout de même. Par plus tard, bien sûr, ils nous remercient. Mais sur le coup, c’est tout de même assez dur parce que l’on a l’impression d’être des tyrans.

Le pire dans l’histoire c’est qu’elle pleurait et Matt n’aimait pas vraiment les gens qui pleuraient parce que ça lui donnait sacrément envie de verser quelques larmes aussi.

Heureusement elle s’arrêta vite. Il valait mieux, Matt sentait déjà la tristesse envahir son corps.

Comment lui expliquer, lui faire entendre raison ? Il fallait se mettre à sa place. Elle se sentait sûrement trahie, comme si Matt allait l’abandonner sur l’autoroute bien que la mentalité du jeune humain noir était tout autre.



Dans ce genre d’histoire, la confiance joue beaucoup. Pour autant, Nephilim accordait-elle une confiance sans limite à Matt ? Il en était quasiment convaincu. On ne peut pas ne pas avoir confiance en quelqu’un et le suivre dans sa maison et habiter chez lui. Puis le jeune homme avait tout de même fait ses preuves depuis le temps.


-Dis-moi Matt, pourquoi tu es jamais là ? Pourquoi je te vois rarement ? Tu travailles pour qui ? Je veux pas partir si c'est pour te voir encore moins.


Les enfants ne sont pas toujours agréable, c’est Matt qui vous le dit ! Parfois, ils sont si méchants qu’on a juste envie de dire «très bien. Fais ce que tu veux mais ne viens pas pleurnicher dans mes jambes après si tu n’y arrives pas plus tard». Ils ne mesurent absolument pas la portée de leur acte.



Surtout que toute ces questions, tout ces pourquoi n’avait qu’une seule raison «Toi.». Il avait envie de lui crier que c’était pour elle qu’il revenait si tard chaque jour, qu’il n’était pas très présent. Il fallait bien gagner de l’argent. En plus, il cherchait toujours les assassins de sa mère bien qu’il avait mis un peu en suspens ses recherches depuis le débarquement de Néphilim dans sa vie.



Cependant, il ne pouvait pas répondre ça abruptement, déjà parce que la jeune fille culpabiliserait sûrement et que ce n’était pas le bon moyen pour lui faire entendre raison et puis que sans doute, étant donné son jeune âge, elle ne comprendrait pas. La douceur, toujours la douceur. C’est complexe les gosses.



- Je ne suis jamais là parce que je travaille ma princesse..



Elle s’était levée, et regardait le plafond d’un air vexé. Mais Matt commençait à la connaître et il savait qu’elle tentait simplement de cacher ses sentiments parce que Matt avait appris à lire sur son visage, ce qu’elle ressentait et toute ces choses.

Il aimait réellement Nephi. C’était la petite soeur qu’il n’avait jamais eu et elle éclaircissait son quotidien jour après jour.

Pour rien au monde, il ne lui ferait de mal. Il voulait la rendre la plus heureuse possible mais il faut parfois savoir trancher dans le vif.

Dans la vie, on a toujours des décisions à prendre. Au début, lorsqu’on est jeune, on ne prends pas ses décisions, on laisse «les grands» s’en charger pour nous parce qu’on est pas capable de savoir ce qu’est le meilleur pour nous.



Et puis plus vieux, les adultes se divisent en deux catégories : les «décisionnaires» et les «fonctionnaires». Ceux qui décident et ceux qui appliquent. Lorsqu’on a encore le luxe de choisir, il faut le faire parce que le plaisir de pouvoir choisir n’est pas quelque chose que l’on a toute notre vie.



Mais, même à l’âge adolescent, on a des choix à faire. Certains prennent des choix, d’autres suivent les autres. Pourquoi ? Par peur d’être discriminé si on choisit quelque chose qui va à l’encontre du sens commun. La peur est ce qui régit chaque vie humain. La plupart des choses sont fait par crainte du «plus grand nombre».



Il se rapprocha et la força doucement à se retourner. Pour qu’elle comprenne, elle devait le regard et il devait plonger son regard dans le sien. Parfois, il aimerait posséder un don de manipulation, tout serait bien plus simple. Mais malheureusement, il avait été doté d’autres pouvoirs.



- Tu me vois rarement parce que je travaille pour nous. Pour que ton avenir soit plus radieux que le plus brillant des soleils d’été, pour que ta vie soit remplie de choses bonnes. Comme si tu ouvrais un tiroir à bonbons. Je préfère que pour toi il soit rempli, plutôt que vide.



Il enchaînait les comparaisons pour l’endormir. Il n’était absolument pas sûr que ça marche mais il se disait que tant qu’il y avait une infime opportunité d’y arriver, il fallait essayer à tout prix de la saisir. L’attentisme, ça n’a jamais marché dans la vie. Sauf pour les plus chanceux d’entre nous.



Il devait réenchaîner sur l’école mais c’était difficile comme ça. Il devait trouver une transition douce pour ne pas brusquer la jeune fille mais avec les jeunes personnes comme ça, il n’était pas facile de trouver un équilibre. On ne sait jamais de quelle nature va être la réaction de l’enfant en face.



Nephi n’était plus vraiment une enfant, pas encore une adolescente et certainement pas une adulte. Elle n’était pas encore en âge de comprendre toute les subtilités de la vie. Tout ce que la vie a de plus beaux pour nous c’est des choses qu’elle appelle «impôts» et «loyer». Pas vraiment des choses très agréable à vrai dire.



Pas non plus des choses simple à expliquer pour quelqu’un de jeune. Tant qu’on ne touche pas son propre argent, on n’est pas à même de se rendre compte de sa valeur. L’argent de poche ne nous permet pas de le savoir puisque il est obtenu sans vraiment d’effort de notre part.



- Si tu veux passer du temps avec tes enfants et ne pas être comme moi c’est à dire un tuteur indigne (il lui fit un sourire), tu dois retourner à l’école. Pour avoir une vie meilleure. Tu auras une vie normale, ce n’est pas une vie de rester ici tout les jours sans voir beaucoup de monde ce n’est pas bien. Tu es comme une fleur en train de croître. Il faut faire attention à toi, bien te préserver jusqu’à ton éclosion. Tu es encore dans la phase de croissance mais bientôt tu vas éclore et tu sera la plus belle des orchidées. Comme ça quand tu rentreras, je serais là et nos retrouvailles seront le plus beau et bon moment de la journée.



Un discours peut être convaincant pour une enfant. Un adulte lui aurait juste ris au nez mais il va fallait savoir adapter son discours aux gens à qui on parle. En l'occurrence, elle n’était pas prête. Pas prête à entendre un discours bien trop rude pour un être humain de son âge.

Il lui prit la main doucement, comme un signe pour lui dire que quoi qu’il arriverait, il serait solidaire et il l’aiderait à faire face aux événements.

De toute façon, maintenant, elle savait bien que il ne la laisserait plus tomber. Les galères c’était fini pour elle. Place aux rêves.

On a tous des rêves dans la vie, combien d’entre nous pourront les accomplir ? Très peu car un rêve est aussi quelque chose de difficilement réalisable. Mais il faut à tous, un but, une raison de se lever le matin.

Sans quoi la vie ne rime plus à rien.

Matt en avait eu des tas de rêve mais la réalité lui a bientôt fait face et s’est moqué de lui. Tout ces songes n’aboutiront jamais. Il avait maintenant un objectif : il voulait que Nephi y arrive et qu’elle s’en sorte beaucoup mieux que lui. 

L’erreur est aussi parfois dans l’éducation des parents, ils se montrent trop protecteur et cache la réalité à leurs enfants.

Matt n’avait pas à faire attention à ça, Nephilim savait déjà bien des choses sur la réalité. 

De nos jours, si les enfants veulent tous devenir astronautes, c’est pour se barrer de cette terre où ils devront vivre toute leur vie. On subit les choses plus qu’on n’agit pour les changer. On ne peut rien faire face aux destins malheureusement.

Il est tel qu’il est et rien ne pourra le modifier.

Si du jour au lendemain, on est un seigneur et on doit devenir un clochard, on ne peut accepter la condition dans laquelle on se trouve. Pourquoi se battre dans un monde d’égoïste et de narcissique. «Moi» n’est définitivement pas la plus belle chose du monde. «Nous» commence à ressembler à quelque chose. Le mieux est «Ils».



Personne ne contrôle le monde. Personne n’est maître d’autre chose que de soi. D’un jour à l’autre on peut se retrouver avec rien puis le lendemain retrouver la sérénité. Les relations humaines sont à la fois la chose la plus complexe mais aussi la chose la plus heureuse qui existe.



Elle était là, au milieu de la pièce comme une muse. C’est vrai que cette jeune fille lui donnait de l’inspiration. Elle lui inspirait des centaines de projets qu’il adorerait faire avec elle. Du basique parc d’attraction à un grand voyage autour du monde jusqu’à l’adopter officiellement. Tout ça se bousculait dans sa tête.



Il fallait attendre, on ne peut pas imposer des choix à des personnes sans qu’ils aient un tant soit peu connaissance du projet. Pour comprendre les limites, pour comprendre tout ce que cela implique, tout les enjeux, il fallait qu’elle mûrisse. La patience est la mère des vertus.

Y avait juste un problème dans ce joli discours.

Matt ne possédait AUCUNE patience. Son impatience l’avait toujours caractérisé. Il veut toujours aller plus vite que la musique mais il avait si peur de la réaction de Néphi. Il voulait juste y aller pas à pas.

Tant de questions et d’hésitations régissent notre vie. On se pose parfois tant de problèmes pour des choses si simple.

Les réactions humaine sont complexe en cela. On ne sait jamais si l’autre va accepter ce que l’on dit alors on attends, on emmagasine à l’intérieur de nous.

Deux choix, soit on est sûr de nous auquel cas on peut aller parler à la personne (avec tout de même une petite appréhension). Soit c’est le jour où t’explose qu’on dévoile tout.

On se rend compte dans ces moments là qu’on a été stupide de ne pas demander avant.

Vous êtes vous déjà demandé ce que vous faisiez là ? Moi, oui. On a tous un rôle dans la vie. Un rôle à jouer dans l’histoire, pour l’éternité. Il existe une histoire d’amour pour chacun d’entre nous. A nous de savoir l’exploiter, c’est tout.



Le regret est pour les personnes faible. Il sera toujours facile de se retourner vers le passé et de dire «Ah, si j’avais su..». On doit assumer les choses. Un monde parfait, le ciel bleu, des humains altruistes. Ce n’est qu’un rêve.

Il tendit les mains vers Nephi avec un sourire pour lui dire d’arrêter tout ce cirque pour pas grand chose. Il avait vraiment envie de retrouver sa chaleur réconfortante, de serrer ce petit être contre lui. Cela ne tenait qu’à elle.



- Allez, viens voir ton Matt préféré !



Durant la conversation, Néphilim parla de bonbons lorsque Matt en parla. Elle saisissait l'occasion au vol, c'était la marque des enfants rusés. Ils ne parlent jamais de choses, ils n'y pensent peut-être même jamais mais lorsqu'on évoque le sujet, il n'hésite pas à en parler.

La petite fille était vraiment une fille. C'est à dire quelqu'un de complexe, qui peut retourner sa veste à tout moment c'est à dire être adorable puis quelques secondes après se montrer fortement désagréable. Enfin, Néphi n'était jamais vraiment désagréable, il fallait le dire.

-Tu me promets que tu viendras me voir tous les soirs ?

Ah, toujours cette question. Comme si c'était un enfer d'aller là bas. Bon il fallait avouer que l'école n'était jamais quelque chose d'agréable. Là bas, on apprend des choses dont on a pas forcément besoin et on se fait commander alors que personne n'aime vraiment ça.

Elle se tourna avec un air faussement menaçant. Matt avait simplement envie de rire. Elle pointa son index vers lui. Elle avait vraiment tout de la fille qui s'apprête à faire des menaces terribles. Il rit intérieurement. Il n'eût pas le temps de répondre qu'elle enchaîna.

-Mais ne crois pas que je veuille aller là-bas !

Oh, de toute façon, Matt a déjà l'intime conviction que Néphilim y retournera. Pour deux raisons, parce qu'elle ne veut pas décevoir son "ange gardien" et aussi parce qu'elle se doutait bien que ses conseils étaient souvent avisés. Il fit un petit sourire, il avait gagné.

Lorsque Matt ouvrit ses bras, elle croisa ses bras comme pour refuser tout contact. Elle regarda ailleurs comme désintéressée de ce qu'il pouvait lui proposer. Puis elle finit par poser ses yeux d'enfants, si beaux, sur lui. Puis elle fondit dans ses bras, ce qu'ils attendaient tout les deux.

C'était une chaleur géniale que celle d'un enfant. Parce qu'un enfant vous fait confiance, il croit que vous êtes capable de réaliser des monts et merveille et ne se rend pas compte de la réalité. Il pense que vous êtes capable de le protéger de tant de chose lorsque vous ne pouvez pas le faire. Elle murmura :

-Tu sais, j'ai peur que la directrice te fasse pas confiance. Tu veux pas être mon grand-frère ?

C'est ce qu'il était un peu depuis le début. En fait, il n'avait pas de rôle officiel mais plein d'officieux. C'était son nouveau tuteur, son ange gardien, son grand frère, son père enfin tout plein de choses qui ne serait malheureusement jamais vraie mais qui était pensée sincèrement par les deux.

-Mais ne crois pas que je veuille aller là-bas...

Toujours cette même phrase, comme si elle croyait que cela allait avoir un quelconque effet sur lui. C'était drôle la véhémence des enfants quand ils sont persuadé de quelque chose. Il eût un sourire, il tenait toujours la petite dans ses bras et il pourrait bien rester des heures comme ça.

- Tu peux revenir quand tu veux, même tout les soirs. Tout les week-end, ça serait bien, non ?

Il réfléchit un instant puis serra Nephilim un peu plus fort dans ses bras. Il n'avait pas envie de la perdre mais parfois on fait des choses à contrecoeur. On fait les choses pour le bien des gens sans parfois penser à son propre bien. Ca peut faire mal, mais la gratitude des personnes nous récompensent.

- Je viendrais avec toi et j'expliquerais si tu veux, clairement la situation à ta directrice.

Il eût un petit sourire puis lui fit un petit bisou, tout content. Il avait besoin d'affection c'était ce que tout homme souhaitait. Un humain noir comme lui ne devrait pas être comme ça mais malheureusement c'était sa nature. Tantôt sanguinaire, tantôt affectueux.

- Je suis ton grand frère mais je suis aussi ce que tu veux. Que veux tu que je sois pour toi ?

Elle souriait, c'était toujours agréable à voir le sourire d'une jeune fille parce que ça se perd de nos jours. Les jolies jeunes fille oublient de sourire et passent leur temps à se soucier de choses beaucoup plus superficielles telles que dépenser de l'argent.
La société à bien changer et, mais c'est une question de point de vue, elle s'est plutôt dégradée. Avant, on préférait bien des choses sur le physique qui était bien plus agréable à voir que les préférences de la société actuelles. Des valeurs morales qui se sont perdues en cours de routes. Avec les neurones probablement.

- Et tu seras là ? Toujours là ?

Qui est éternel ? Certainement pas Matt. Sa mort approche chaque jour depuis qu'il a tué le frère de l'actuel chef des Cross, Dorian. Il en avait appris des choses depuis ça, il s'était documenté sur l'histoire de cette famille. Le moins que l'on puisse dire c'est que ceux qui s'y sont frottés s'y sont piqués. Gloups.

- Le plus souvent possible, répondit Matt avec un sourire quelque peu forcé, je veillerais toujours sur toi en tout cas.

Elle s'accroche à son cou comme un enfant au cou de sa mère le premier jour de l'école. La séparation entre deux êtres qui se portent beaucoup d'affection est parfois fatale mais Matt avait bien conscience que ce n'était que temporaire. Il aimerait la voir plus souvent mais il ne pouvait pas.

Dans la vie, il faut savoir serrer les dents. Attendre que l'orage passe, faire le dos rond pour mieux ressurgir. On n'a pas toujours ce qu'on veut et bien heureusement sinon ça serait trop facile. Il suffit de garder la tête bien dressée vers l'horizon et se dire qu'il se fera plus clair, tôt ou tard.

Elle se recula suite à sa dernière phrase et sembla le jauger, le passer aux rayons X pour confirmer qu'il méritait bien sa confiance. Les enfants sont étranges. Les filles sont étranges. Alors les enfants filles sont doublement étrange ? OHMYGOD.

-Tu n'as pas besoin d'être quelqu'un. Pour moi, tu es un peu déjà comme un ange. Avec des graaaaandes ailes qui me protègent.

Matt sentit le rouge gagner ses joues et ses pommettes. Les enfants savent toujours faire des remarques embarrassantes. Bien qu'enfantine, sa remarque fit beaucoup plaisir au jeune humain noir. On entend pas toujours des remarques d'une telle envergure.

Elle fit un signe de se taire puis s'approcha tout doucement de lui. Matt aimait bien ce genre d'action, il trouvait ça très doux et puis ça lui plaisait. Ca ressemblait à une scène de film qui finissait bien. Il espérait que sa vie était un film qui allait se finir bien. Espérer. Espoir.

- Mais chut, ça y'a que toi qui le sait.

Il n'y a pas que "toi" qui le sais. Parce que toi c'est aussi toi. C'est nous, on forme une équipe, prête à combattre le vent et la pluie, comme on l'a déjà fait, mais aussi des obstacles et des événements bien plus terrible que l'on peut l'imaginer. Ca arrivera, et plus vite qu'on ne l'attends.

- Que moi, que moi... Que nous oui ! C'est un peu notre force. Ce qui fait de nous une équipe indestructible, ma princesse.

On a tendance quand on est jeune à sous-estimer la force qu'une complicité peut dégager. On se dit qu'on est plus fort individuellement et que les autres ne sont qu'un poids. Mais au fur et à mesure, on se rend compte que l'aide de personnes extérieures, c'est pas si mal.

Never let me go.

- J'aimerais bien te reconnaître officiellement. Enfin, je sais que c'est impossible mais j'aurais tant aimé qu'ont aient un lien réel nous deux.

Matt baissa la tête, d'un air légèrement triste. Parfois les gens sont débiles. Ils compliquent les choses pour trois fois rien. On penses souvent que mener une bonne vie c'est réfléchir à ses actes. Peut-être qu'au final, on oublie de vivre simplement. C'est peut-être trop dur pour certain
C'est quelqu'un d'extraordinaire cette Néphilim. Se bonifieras-t-elle avec le temps ou deviendras-t-elle comme toute les autres pimbêches qui caractérise notre société de nos jours ? Hum, Matt avait bon espoir qu'avec l'élan du Mystery Orphenage et le sien, elle deviendrait quelqu'un de bien. Ca manque un peu de nos jours, vous ne trouvez pas ?

Il releva la tête avec un sourire. Il devait se battre pour qu'elle devienne cette personne. Une fille si exceptionelle qu'un homme se poserais la question de s'il devait bien faire le premier pas. Une fille si exceptionnelle que tout le monde en rêverait comme une épouse et mère parfaite.

Enfin, c'était loin tout ça. Matt était persuadé que s'il parlait de garçons à Néphilim elle aurait un air dégoûté et qu'elle ne voulait pas en entendre parler, qu'elle finirait sa vie en vieille fille parce que de toute façon y avait qu'un seul homme très bien dans cette vie c'était Matt. Etrange n'est- ce pas ? Disons.. Néphilim.

- On retournera à l'école quand tu seras prête...

N'être jamais sûre de rien. J'ai quitté mon père et sa femme, ma belle-mère. J'aurai pu vivre heureuse, sans doute, avec mon petit demi-frère. M'occuper de lui et tenir le rôle de la grande sœur. Sans doute aurais-je bien vécu. Sans doute serais-je aujourd'hui une petite fille modèle implantée à La Valette, capitale de Malte. Peut-être. Pourtant j'ai tout lâché. J'ai décidé de prendre mes affaires à 11 ans à peine et j'ai laissé mon père s'amuser avec ma belle mère. Je n'ai rien dit, je suis juste partie. Il avait compris, et c'est pourquoi il m'a emmené dans cet orphelinat. Mon père était sorcier, mais pas doué. Tout ce qu'il a fait pour moi a fini par me blesser. Aujourd'hui encore , je me demande s'il fait vraiment parti de ma famille. Pour moi, elle est morte depuis ma naissance. Jamais, jamais je ne comprendrais les adultes. Moi, je ne pourrais pas mourir pour mettre quelqu'un au monde. Je suis trop égoïste. Mais l'humain n'est-il pas comme ça ?

Un soupir s'extirpe de mes lèvres pour effleurer les bras dans lesquels je suis. Matt. Il est sans doute la seule famille que j'ai jamais désirée. Je n'ai pas besoin d'être entourée. Je veux simplement quelqu'un qui m'apprécie. Comme je suis. Et Matt, il est comme ça. Quelqu'un qui m'aime bien, même avec mes défauts. Peut-être que c'est lui qui est trop parfait. Est-ce que j'ai le droit de le mériter ? Est-ce que... est-ce qu'il va finir par partir, un jour ? Est-ce qu'il sera toujours, toujours là ?

- Le plus souvent possible, je veillerais toujours sur toi en tout cas. 

Un sourire revient se loger sur mon visage, étirant mes traits de légères pommettes. Oui, il sera là pour moi. Même s'il fait des choses que je ne connais pas, même s'il rentre tard, même si le monde s'écroule, il sera là. Dans un coin de mon cerveau pourtant, l'information a dû mal à passer. Ah bon ? Est-ce vraiment vrai ? Les adultes sont doués pour mentir, pour faire plaisir même. Tout ça, est-ce que c'est vraiment, vraiment vrai ? Un jour, Matt il rencontrera une femme. Il a quel âge d'ailleurs ? 19 ans ? Peut-être un peu plus. Il est mâture, pas moi. Quand il aura trouvé quelqu'un, moi je serais qui ? La petiote dont il a la charge ? Une sorte de... fardeau trop vite demandé ? Ma main agrippe instinctivement le t-shirt du garçon et ma tête vient se loger près de son cou. La question est trop difficile à sortir pourtant... pourtant il le faut.

-Matt, tu... tu as une...

Tu es jalouse.
Tais-toi.
À quoi ça t'avancera ?
Ferme-là.

-... Rien, oublie.

C'est une voix étranglée qui parle à ma place. Mon inquiétude se fait ressentir, malgré toute ma volonté pour la cacher. Sans doute suis-je un peu jalouse au fond. Voir même très jalouse. J'ai peur de perdre face à une plus grande. J'ai peur de perdre la place à ses côtés, d'être remplacée comme un jouet d'enfant. Comme l'enfant que je suis en vérité. Et lui me lance de mielleuses paroles. Ce qu'il veut devenir ? Il n'a pas besoin de devenir. Il est. La voilà, la différence. Et moi, moi qu'est-ce que je suis ? Qu'est-ce que je dois devenir pour qu'il me garde avec lui ? Je peux faire n'importe quoi. N'importe quoi. Vraiment. Il faut juste qu'il me dise. Peut-être que je dois grandir ? Paraître plus adulte. Mais je ne veux pas de cette maturité. Ça fait mal. Ça fait mal d'apprendre. Et la maturité elle se gagne aussi par les murs qu'on se prend. Certains plus fort que d'autres. Ça fait tellement mal. Matt, je veux pas grandir. Est-ce que tu comprends ?

Et Matt rougit. J'ai rarement l'occasion de le voir rougir. J'ai dit quelque chose de gênant ? Pourtant, c'est ce que je sens. Comme si il avait des grandes ailes, si grandes que partout où je vais, j'ai l'impression de voir quelques plumes descendre du ciel. Comme ça. Mais ça il y a que moi qui le voit. Alors il ne faut pas qu'il le dise. À personne. Je lui ai dit ce secret alors c'est à lui de le garder. C'est son secret à lui.

- Que moi, que moi... Que nous oui ! C'est un peu notre force. Ce qui fait de nous une équipe indestructible, ma princesse.

De nouveau un sourire éclaire mon visage. Oui, c'est notre secret à nous. Un jour quelqu'un m'a dit qu'on pourrait se faire de très grands amis rapidement, mais qu'on ne rattraperai jamais les années passées avec son ou sa meilleur(e) ami(e). C'est ça qu'il faut faire. Il faut avoir de plus de souvenirs ensemble ? Pour que jamais, jamais Matt ne parte comme ça, du jour au lendemain. J'ai l'impression qu'il est indestructible. Physiquement non, mais moralement, Matt a l'air de pouvoir déplacer des montagnes. Je veux rester avec lui. Si je dois devenir obéissante, alors je ferais ça, mais jamais, jamais il n'aura le droit de me quitter. Jamais. J'acquiesce silencieusement à sa dernière phrase. Peut-être oui. Mais moi, je suis pas indestructible. C'est parce que tu es derrière que j'y arrive.

J'aimerais bien te reconnaître officiellement. Enfin, je sais que c'est impossible mais j'aurais tant aimé qu'ont aient un lien réel nous deux. 

Mes yeux jusque là clos s'ouvrirent avec étonnement. Me reconnaître officiellement ? Est-ce que ça veut dire qu'il compte m'adopter ? M'adopter... en vérité, j'ai déjà une vraie famille, je sais pas comment ça pourrait se passer. Officieusement, j'ai recommencé ma vie, mais officiellement, je suis encore une De Sylphie. Je suis encore sous la tutelle de mon père, jusqu'à mes dix-huit ans. Il y en a qui viennent à l'orphelinat avec des parents,, d'autres qui viennent de les perdre. En fait, l'orphelinat Mystery, c'est un peu une grande école pour tous ceux qui souhaitent apprendre, et ceux qui ont perdus leurs parents. Mais Matt ne doit même pas savoir que j'ai des parents. Ou un parent officiel en tout cas. Ma belle-mère n'est pas ma mère, rien ne la ramènera. Jamais.

-Matt... Matt, je... je suis désolée. Tu peux pas. Je veux dire... c'est pas moi qui veut pas. Mais... mais Matt j'ai des parents.

C'est pas suffisant.

-Enfin, un parent. Quand je suis venue, j'ai... j'ai recommencé ma vie mais... mon père est mon père... il te laissera pas me reconnaître. Il est pas méchant mais... mais il te laissera pas faire ça.

Même si mes paroles sont hésitantes, je ne pleure pas. Je veux être forte, comme lui. Alors, je pleure pas. Est-ce qu'il m'excusera ? Est-ce qu'il va s'énerver ? Oh Matt, je voudrais tellement plus avoir de père pour rester avec toi. Pour que je sois officiellement ta petite sœur ou quelque chose d'autre. Je m'en fiche. Qu'est-ce que je dois faire, dis ? Même Mystery te laissera pas faire ça. Et Ren. Ren il connaît mon père. Si Mystery laisse faire, ça effleurera les oreilles de Ren et Ren il le dira à mon père. Et mon père il sera énervé. Enervé pour de bon. On peut pas. On peut pas... mais, mais s'il te plaît, est-ce que tu peux essayer ?

-Je... c'est idiot, mais Matt, Matt tu peux essayer ? On ne parlera avec la directrice. J'en parlerai même si tu veux. Mais il faudra faire attention. Ren... Ren il doit pas le savoir. Lui, il connaît mon père. C'était mon tuteur. Il sera énervé s'il l'apprend, et... et mon père aussi.

Et Matt sourit. Rien ne peut l'ébranler ? Ou peut-être qu'il ne m'a pas bien entendu, j'en sais rien. Toujours est-il que ce sourire rassure le mien et le fait de nouveau apparaître. Matt, dis-moi Matt, si je rentre à l'orphelinat tu viendras me voir combien de fois par semaine ? Tu fais quoi dans la vie ? Plus j'y pense, plus je me dis que je ne connais rien sur toi. Rien sur ce que tu fais quand tu n'es pas à la maison. Ni même si toi aussi tu as une famille. Rien. Je ne connais rien. Est-ce que tu m'apprendras, dis ? Ce que tu fais, ce que tu aimes, ce que tu détestes, et toutes ces choses qui m'intéressent ?

- On retournera à l'école quand tu seras prête...

Quand je serais prête ? Est-ce que ça arrivera un jour... ça fait si longtemps que je n'y suis pas allée. Un mois, peut-être deux. Et si Mystery ne m'accepte pas ? Et si je dois rester à la maison ? Moi ça me gêne pas, mais je sais que ça blessera Matt. Je sais qu'il veut que je sois intelligente. Alors il fait son dur. Pour que je ne regrette pas plus tard. Peut-être qu'il a raison, mais c'est difficile à avouer... j'acquiesce tranquillement avant de répliquer :

-Et si Mystery elle veut pas ? Si elle veut pas que je rentre à l'orphelinat ? Tu feras quoi ?

Oui, tu feras quoi ?

Nephi avait peur. Matt la connaissait bien maintenant et il savait deviner quand la jeune fille avait un problème avait quelque chose. Et là il y en avait un. Elle souriait mais le jeune humain noir devinait que quelque chose se cachait derrière tout ça. Elle agrippa le t-shirt du jeune homme et remit sa tête près de son cou.

-Matt, tu... tu as une...

Une voiture ? Non. Une passion ? Oui. Une ratatouille ? Pas sous la main. Une bouteille de vodka ? Oui, mais pas pour toi. Une bouteille de shampooing ? Oui ! Une envie particulière ? Oui, bien sûr, on a tous des envies. Une solution pour tous les problèmes de la vie ? Non, désolé.

-... Rien, oublie.

Bon, ok. Matt fronça légèrement les sourcils, il se demandait bien ce qu’elle voulait lui demander. C’était le problème qu’il y avait entre eux parfois, un manque de communication. Nephilim était affecté par son passé et elle avait peur que Matt parte bien qu’il lui en ai fait la promesse qu’il ne partirait pas.

Lorsque Matt lui parla du projet d’adoption qui lui trottait dans la tête depuis un certain moment, une expression d’incrédulité s’inscrit sur le visage de la jeune fille. Elle n’en revenait pas, on dirait qu’il avait dit un gros mot.

Après tout la mère de Nephi est morte alors pourquoi pas. De toute façon qui ne tente rien, n’a rien du tout. Et Matt voulait tout de même espérer qu’il avait une chance. Comme toujours, c’était sa nature d’être optimiste.

-Matt... Matt, je... je suis désolée. Tu peux pas. Je veux dire... c'est pas moi qui veut pas. Mais... mais Matt j'ai des parents.

Aie, coup dur. Matt savait déjà qu’elle avait son père mais il ne pensait pas qu’il avait encore une quelconque légitimité sur elle. Après tout, Matt l’avait recueilli et la traitait comme sa propre fille depuis qu’elle était là. Il se battait pour elle alors que celui qui l’avait engendré n’était même pas capable d’assurer cette mission.

-Enfin, un parent. Quand je suis venue, j'ai... j'ai recommencé ma vie mais... mon père est mon père... il te laissera pas me reconnaître. Il est pas méchant mais... mais il te laissera pas faire ça.

Sauf si par malheur, un contrat est déposé sur sa tête et il disparaît bizarrement. Il ne pourra rien contester du tout là. Non, Matt, t’as pas le droit de faire ça. Même si Nephi aime pas son père, si elle le savait elle le détesterait. Elle ne veut la mort de personne.

Ses paroles sont hésitantes. Matt avait la lèvre inférieure qui tremblait légèrement, signe qu’il est désemparé et qu’il a envie de pleurer. Il n’aime pas se prendre des refus bien que dans sa vie, il s’en est pris pas mal au final. Ca fait toujours aussi mal.

Allez, soit fort. Rien que pour elle, tu n’as pas le droit de pleurer. Si tu montres ta faiblesse, elle va devenir faible. Tu veux pas de quelqu’un de faible n’est-ce pas ? Tu veux quelqu’un de fort. Nephilim a beau être une De Sylphie, Matt en ferait une Drust sur le plan mental. Une battante qui ne laisse jamais rien au hasard.

-Je... c'est idiot, mais Matt, Matt tu peux essayer ? On ne parlera avec la directrice. J'en parlerai même si tu veux. Mais il faudra faire attention. Ren... Ren il doit pas le savoir. Lui, il connaît mon père. C'était mon tuteur. Il sera énervé s'il l'apprend, et... et mon père aussi.

Voilà ! C’est exactement ça dont voulait parler Matt. Il voulait qu’elle espère, qu’elle soit optimiste. Parce que l’espoir est la seule chose a laquelle on peut se raccrocher quand tout va mal. Sinon, si on espère pas, on se retrouve dans l’impasse et on finit par se jeter sous un train.

- Je ferais du mieux que je peux Nephilim. Je vais me battre pour toi. Je sais qu’on va réussir mais ça ne va pas venir comme ça. Ca va prendre plusieurs mois, rien ne va changer. Parfois, j’aurais sûrement du mal mais tu seras la pour me soutenir, je l’espère.

Il lui fit un nouveau sourire. Il doit paraître inébranlable, il doit paraître inflexible, surpuissante. Il doit juste être son modèle. Il faut montrer l’exemple lorsque l’on veut que quelqu’un qui nous admire devienne quelque chose. Cela demande beaucoup de rigueur et des sacrifices.

Elle avait toujours l’air un peu renfrogné a l’idée de retourner à l’école. Bon, Matt la comprenait en même temps. Qui aime aller à l’école ? Hormis pour les amis que l’on voit, peu de personne aiment ça. Matt avait gagné mais cela sûrement une bataille longue pour lui faire comprendre à quel point c’est important. Elle le comprendrait au fur et à mesure aussi.. Quand elle grandirait.

-Et si Mystery elle veut pas ? Si elle veut pas que je rentre à l'orphelinat ? Tu feras quoi ?

Cette fameuse Pandora Mystery, directrice historique du Mystery Orphanage. Inflexible de réputation mais aussi que l’on ne berne pas. Matt devrait expliquer la situation en détail mais sa condition d’humain noir était sûrement un problème. Il ne savait pas, il fallait voir.

- Elle voudra. Elle veut le bien des élèves. Sinon, on trouvera une solution. Ne t’en fais pas. On a toutes les cartes en mains pour réussir.