Heureux évènements [PV Shy-adorée]

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 Heureux évènements [PV Shy-adorée]

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MessageSujet: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptySam 21 Avr 2012 - 0:44

Heureux évènements [PV Shy-adorée] Nenshy10

Shybaï & Nérys


« Tout ce que j'ai construit à Mystery ressemblait aux fragments translucides et colorés d'un kaléidoscope que cette femme a réussi à bouleverser et à réorganiser en formes étranges que je ne connaissais pas. »

Le changement, c’est tout une civilisation, c'est tout continent, c'est tout monde. C'est tout un algorithme effréné, tout un cosmos qui vibre et qui s'étonne. C'est toute une vie qui retient son souffle. C’est toute une vague d'attentes et de caprices qui s'inocule dans votre âme à vos dépends et qui vous susurre tout doucement à l'oreille : « va, continue, aller, tu n’as plus le choix maintenant : tu n'as plus personne pour te tenir la main, dorénavant».

    « Salut les filles ! Vous n'auriez pas vu Shybaï par hasard ? Je la cherche depuis une bonne heure et impossible de la trouver. »

Le changement, c’est tout un ensemble de ventricules, de veines et d'artères qui palpitent, éperdus, et qui battent toujours plus vite, toujours plus fort. C'est des jambes, des bras, un corps en orthostatisme, tout ce sang qui déferle vaillamment comme un torrent incandescent dans votre chair.

    « La dernière fois qu'on l'a vue, Lyvie et moi, elle allait quitter sa salle de classe. Il me semble qu'elle a parlé de rentrer chez elle. Tu as un problème, Nérys ?

    - Non non, aucun souci ! Enfin... je dois lui parler, mais ce n'est rien de bien important...

    - D'accord. En tout cas, si jamais je la croise, je lui dirais que tu la cherches.

    - Merci Ruka, tu es un ange.

    - Où vas-tu ?

    - Dans ma chambre. Je me sens un peu nauséeuse. Bonne journée les filles ! Et faites attention si vous sortez, il va certainement pleuvoir à verse. 
    »

Le changement, c’est un masque d'argile noire où la peur, la souffrance ou la joie y sont délinéées à la craie.

Mais n'est-ce pas là le lot commun de l’homme ?

La concernant, Nérys n’a jamais été douée pour y faire face ; si elle a un jour prétendu le contraire, c'est qu'elle vous a honteusement menti. Et en tout état de cause. Parce que c'est quand même bien plus simple de se donner de grands airs, de faire croire que nous sommes invulnérables plutôt que d'avouer : « Je suis dépassée, tu m’entends ? Complètement perdue ! Je ne contrôle plus rien, ça va bien trop vite pour moi ! Bon sang qu’est ce que je dois faire ? Dis-moi ! Qu’est ce que je dois faire ? ».

Seulement ces temps-ci, la vie de Nérys ne se résume qu'en un enchevêtrement de bouleversements inédits. Et inattendus.

Pandora. Jon. Le bébé.

Du jour au lendemain, tout a changé. Sans qu'elle ne puisse émettre la moindre réserve. Sans qu'elle n'ait le temps de reprendre son souffle. Car tout se faufile entre ses doigts. Tout lui échappe. On l'a laisse là, pantoise, observer tout ce qu'il y a à observer.
Actrice mais spectatrice.
Active mais passive.
Comme un banal pantin de bois entre les mains du destin.

Alors, Nérys finit assise à sa fenêtre, les genoux rabattus contre son torse, une main tremblante sur le ventre. Elle est désormais partagée entre une joie indescriptible et une douleur dans le cœur, cruelle et forte : parce qu'il arrive que l'on ose plus se réjouir de rien, de peur qu'on ne nous le prenne.

Car le destin peut se montrer bien plus cruel que la vie elle-même.

Ce qui est bien quand on est à la place de Nérys, c’est que la faiblesse n’est pas tolérée. Surtout, lorsque qu’on parle en terme d'enfants, puisque leur sécurité et leur survie dépend de nous. Ce qui est bien, aussi, c’est qu’on peut refouler au plus plus plus profond de notre être cette douleur nauséabonde et se bercer doucereusement d’illusions, cultivées et entretenues par le travail à outrance. Ce qui est moins bien, par contre, c’est qu'au bout d'une certaine période d'autoflagélation, le risque d'implosion est imminent.

Parce qu'on ose pas partager ses peurs, ses craintes et ses faiblesses avec les gens qui nous entoure.

Nérys a peur. De tout. De rien. Dans sa tête, il y a cette petite voix qui lui susurre à l'oreille  : « Savoure ton bonheur ! Rends-toi compte de la chance que tu as : un homme. Une mère. Un enfant. Des enfants. Des amis. Une vie. Bien remplie. Ne gâches pas tout pour de simples fabulations. Ne jettes pas tout au feu parce que tu as peur de ne pas être à la hauteur, parce que tu crains de ne pas être en mesure de tout protéger de toi-même. Tais-toi. Profites. Souffres en silence. »

Le changement, c'est comme un saut dans le vide. Sauf qu'il n'y a personne en guise de filet pour vous retenir et vous empêcher de dégringoler.

Depuis combien de temps était-elle là, assise à sa fenêtre, à remuer dans l'ombre de la fin d'après midi ses pensées les plus obscures ? Aucune idée. Peut-être attendait-elle seulement que l'on ai besoin d'elle ? Ou juste que l'on vienne la dépêtrer des limbes noires et crasseuses de sa mélancolie ?

Un coup d’œil fugace vers l’aiguille du temps qui trotte encore et encore dans son cadran de verre, prisonnière de son décompte infini à jamais. Sans ciller, Nérys se rend compte qu'il est déjà 16h20. Elle avait passé pas moins d'une heure à sa fenêtre, à regarder le ciel charbonneux et à attendre la pluie salvatrice et là... là des fourmis parcouraient ses membres ankylosés, endoloris par sa position statique. Elles étaient des millions à s’insinuer dans sa peau, criblant de leurs petites pattes factices ses jambes d'une sensation désagréable.

Néanmoins, elle n'esquissa pas le moindre geste et caressa son ventre d'un geste machinal. Puis commença à penser à ses parents. Depuis leur mort, il a fallu tout reconstruire. Tout reconstruire dans un monde disloqué et où la magie est maître.
Bien sûr, elle attendait cet enfant avec impatience mais... mais qu'adviendra-t-il si elle devait finir comme son père et sa mère, autrefois ? Avoir un enfant, c'est prendre des risques et, si le sien n'avait pas encore vu le jour, elle craignait déjà pour sa vie. Pour son futur.

Car le destin peut se montrer bien plus cruel que la vie elle-même.

Et Nérys, en ayant déjà fait l'amère expérience, ne veut pas que son enfant connaisse la douleur de la perte d'un être cher. Elle veut juste que ce bébé grandisse en paix, avec tout ce que l'enfance peut lui apporter en joie et en bonheur.

    « Assez. »

Par delà la fenêtre, son regard se fixa sur Nathanaël, sur Quãn, puis sur des centaines de feuilles qui dansaient avec le vent dans un tourbillon de couleurs. Lorsqu'un éclair zébra dans les airs, elle ne put s'empêcher de retenir mon souffle, avant de froncer les sourcils et d'espérer que les deux garçons aient eu le temps de se réfugier à l'intérieur du château. Le tonnerre éclata quelques secondes plus tard et la pluie commença à tomber. Le sol était jonché de plusieurs flaques d'eau crépitant au contact des gouttes, flaques qu'un petit écureuil roux s'exhortait à éviter.

Et soudain, Nérys fut stoppée dans sa contemplation quand, dans le silence entrecoupé par le charivari de l'orage, quelqu'un frappa à sa porte.

« Oui ? Entrez ! »

Spoiler:


Dernière édition par Nérys McLaren le Mar 14 Aoû 2012 - 18:08, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptyDim 22 Avr 2012 - 0:59

C'est marrant, on dirait que mon pinceau picore des bouts de ma feuille. C'est comme s'il avait pris vie lui-même pour dessiner ce dont il avait envie. Moi, du moment qu'il ne me fait pas une vache ou un escargot, je suis d'accord. Parce que les vaches et les escargots c'est le mal. Même si ça n'a pas été prouvé scientifiquement par des calculs savant ou je ne sais pas quelle expérience explosive, ça n'empêche pas que ce soit le mal. De toute façon moi j'aime pas les calculs. Donc je me fie à mon instinct. Mon instinct me dis de me méfier. Et mon instinct à - presque - toujours raison.
Par exemple, l'autre jour Rhyan a voulu prendre un yahourt dans le frigo. Je lui ai dis de ne pas le manger, que j'avais l'impression qu'il était périmé même si la date limite n'était pas encore dépassée. Evidemment elle ne m'a pas écouté et elle a fini le reste de la journée au lit, toute pâle. Bon, d'un autre côté ça m'arrangeait bien parce qu'elle était sensée voir Ichiru et que malgré tous les efforts que je fais, j'ai toujours autant de peine à considérer leur relation d'un bon oeil. Je sais ce que vous allez dire ; mère trop protectrice, étouffante, etc... Mais ce n'est pas ça. C'est juste que je n'aime pas qu'on fasse du mal aux gens que j'aime.
C'est compréhensif, non ?

Mais arrêtons de parler de ça, parce que ça m'énerve. À la place je regarde plutôt mon tableau et le chemin que mes doigts ont empruntés tout seul, accroché à mon pinceau. J'aime bien peindre comme ça, laisser les choses aller et n'écouter rien d'autre que le silence. Je pense que c'est mon inconscient qui se manifeste. Parce que vu ce que j'ai dessiné...
C'est un mariage. Un mariage en plein automne. Des feuilles oranges volent autour des deux amoureux alors qu'ils rient aux éclats. La robe de la mariée et d'une blancheur éclaboussante et semble illuminer la scène. Les invités lancent le riz ; les mariés semblent s'échapper vers le bonheur ; le ciel s'achemine de bleu ; le temps avant alors que le tableau est fixe ; le tableau se dépeint de toutes ces couleurs. Je ne sais pas si mon oeuvre mérite pareille parataxe, mais moi en tout cas je l'aime bien et elle représente bien mes pensées du moment. Du coup je le laisse sur son chevet pour qu'il sèche, enfile mon manteau et me glisse hors de ma salle de cours. Au passage je salue Lyvie et Ruka en train de papoter devant ma salle. Je crois avoir entendu les termes "lipides" ou encore "phénylalanine"... Trop sérieuses ces filles, sans doute en train de réviser un contrôle de chimie ou de biologie. Je me souviens que moi à leur âge... non moi rien du tout, je suis un mauvais exemple. À leur âge je n'allais plus en cours.

Mais n'en parlons pas, ce ne serait pas un bon exemple pour mes enfants. En parlant d'eux, j'ai hâte de les revoir. En ce moment Taki et moi on alterne nos jours de boulot pour pouvoir veiller sur les enfants. Pandora a été vraiment chouette avec ça. Et aujourd'hui c'est au tour du papa poule de s'occuper de ses poussins. Mais moi évidemment j'ai hâte de revoir mes bébés. Je vous ai déjà dis comme ils sont mignons ? Avec leurs petites mains qui s'enroulent autour de mes doigts quand je leur tend ma main.
J'enfourche mon vélo avec un sourire béat sur les lèvres, rêvant déjà du moment où je pourrais serrer mes petits contre moi. J'en ai pour une vingtaine de minute à pédaler, un quart d'heure si je vais vraiment vite. Et je vais vraiment vite parce que je suis trop impatiente. Résultat, quinze minutes plus tard je me retrouve perchée au dessus du lit des jumeaux, les admirant comme on admire la huitième merveille du monde. Je les regarde sous tous leurs angles, comme si j'avais peur d'apercevoir une main à six doigt, une deuxième langue, un oeil bionique ou un nombril tordu. Mais non, ils sont toujours aussi parfaits. Ce sont mes enfants. Toute proportion de vantardise gardée, évidemment.
C'est perturbant, j'ai l'impression d'avoir oublié quelque chose à l'orphelinat... Mais tant pis, je n'arrive pas à remettre la main sur ce que j'ai oublié. Du coup j'abandonne - je finirai bien par m'en souvenir à un moment ou un autre - et je me pose dans un fauteuil pour inventer une histoire avant la sieste de Hana et Jace. J'aime me dire qu'ils peuvent comprendre mes mots même s'ils n'ont que quelques mois.

- Il était une fois un dromadaire. Il était illusionniste alors c'était un... dromadairilus ! Comme tous les dromadaires il n'avait bien sûr qu'une seule bosse, mais comme il était jaloux des chameaux, le dromadairilus utilisait ses illusions pour ajouter une deuxième bosse à côté de la première. Mais un jour le dromadairilus croisa le chemin d'une chamelle malheureuse,...

Je continue mon histoire encore un bon moment. Vous non plus vous ne saviez pas que ça existait les dromadairilus ? Et bien... allez chercher sur google. Ou yahoo. Ou msn search. Et vous trouverez... absolument rien sur eux. Parce que ça n'existe pas ailleurs que dans mon histoire pour mes enfants. J'aime bien leur inventer des histoires, c'est reposant.
Quand j'ai eu finis mon histoire, ils dormaient tous les deux paisiblement alors je suis sortie de la chambre sur la pointe des pieds tout en sachant que le silence ne durerait pas. J'ai rejoins Taki au salon et je me suis blottie dans ses bras alors qu'il me murmurait à l'oreille que Rhyan était sortie pour tout l'après-midi. Evidemment à ce moment là j'ai eu des idées pas mentionnables devant des oreilles de moins de 18 ans. Sauf que c'est aussi à ce moment là précisément que je me suis souvenu de ce que j'avais oublié à l'orphelinat.
Mes dissertations.
Enfin plutôt celles de mes élèves. Que ça faisait une semaine que je devais les corriger. J'aime pas les corrections, mais je m'arrange tout de même pour ne pas dépasser un certain délais. Du coup j'ai dû abandonné mon fiancé avec un baiser sur les lèvres pour retourner à mon vélo.

Cette fois, le voyage me pris 25 minutes parce qu'il y a plus de montées et que forcément bah ça va moins vite. Une fois arrivée je vais jusqu'à mon bureau, je glisse la pile de copie dans mon sac, puis je sors direction la maison. Pour de bon cette fois.
Sauf que sur le chemin je croise Ruka qui m'indique que Nérys veut me voir. Forcément je souris en pensant à mon amie. Ça tombe bien parce que je dois justement lui demander un truc super important. Enfin pas vraiment le genre de truc vital, mais c'est quelque chose qui représente beaucoup pour moi et je pense honnêtement qu'elle sera d'accord. Elle compte beaucoup pour moi et elle a toujours été là quand j'avais besoin d'elle. À l'annonce de la naissance des jumeaux, quand ils sont arrivés, quand Taki a eu son accident... En retour j'essaie d'être aussi présente pour elle, comme la fois où Taki et moi on a été chercher Jon en Afrique. Avec le temps elle est un peu devenue ce que je peux qualifier de grande soeur. C'est marrant d'ailleurs quand on y pense, j'ai tellement de peine à m'habituer à l'idée que, quelque part aux Etat-Unis, j'ai un demi-frère alors qu'au contraire, je n'ai aucune peine à imaginer Nérys en tant que grand frère.
Du coup je n'hésite pas à faire demi-tour pour me diriger en direction de la chambre de la sous-directrice. En chemin j'entends l'orage qui résonne et je ne peux m'empêcher de lancer un juron à demi-mot. Ça va être coton pour rentrer là. Il y a des jours où j'aimerais bien être téléporte... Surtout que la tempête semble frapper avec plus d'intensité que je n'en ai jamais vu. Au pire je peux attendre jusqu'au retour de Rhyan à l'appartement puis demander à Taki de venir me chercher. Je trouverai bien un moyen, je trouve toujours un moyen.

J'arrive à la porte de Nérys et je toque doucement contre le bois.

« Oui ? Entrez ! »

Je n'hésite pas une seconde à pousser la porte et à me glisser à l'intérieur. Elle est belle Nérys, assise sur le bord de sa fenêtre à contempler l'extérieur. Je reste là un moment à la regarder en souriant pour essayer de graver l'image dans mon esprit. J'ai envie de la dessiner comme ça, entre cette sorte de mélancolie et de nostalgie. Puis je m'approche en souriant, opposant ma joie et ma bonne humeur naturelle au calme de la pièce.

- Ma Néné ! Il paraît que tu veux me voir ?

Grand sourire alors que je passe mes bras autour de son cou pour lui faire un câlin. Ici Nérys est adorée par tous les enfants, mais il ne faut pas croire qu'elle n'est pas appréciée par les professeurs ! En fait je pense que tout le monde l'aime bien. Ce qui est sûr c'est qu'elle mérite bien ce câlin. Moi, je reste un moment dans cette position, mon regard suivant le sien à travers la vitre pour observer le vent se battre avec les branches.

- Ça va ?

Je sais qu'elle ne n'a pas voulu me voir par hasard. Il y a autre chose. Il doit y avoir autre chose...

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« Vivre c'est se mettre en danger, réalisa-t-elle. De la même façon qu'apprendre à marcher c'est d'abord accepter l'idée de tomber. »



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MessageSujet: Re: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptyMer 25 Avr 2012 - 21:32

Lorsque la porte s'entrouvre pour se refermer aussitôt, Nérys sait pertinemment qui se trouve ici, avec elle dans cette pièce sombre : immédiatement, sans savoir comment ou pourquoi, elle se sent soudainement apaisée dans ses tribulations.

    « Ma Néné ! Il paraît que tu veux me voir ? »

Sans avoir le contrôle de ses lèvres, la voilà qui les étire en un sourire franc et sincère. Ses yeux voguent vers la nouvelle arrivante et, sur le coup, elle ne regrette pas de le lui annoncer. À elle. En premier.
Parce que Nérys souhaite que, Pandora et Jon mis à part, Shybaï Artissa soit la première à être au courant pour le bébé.

C'est un peu comme une sœur.
C'est un peu comme une confidente.
C'est surtout une très bonne amie.


    « Ça va ? »

Quand elle devine ses bras entourer ses épaules, elle se sent subitement en confiance. Toutes les peurs, toutes les craintes qu'elle avait pu ressasser quelques instants plus tôt lui semblent ridicules, à présent. Sans importance. Et aussi fragiles que des fétus de paille dans le vent.

Shybaï avait ce don. Ce don de pouvoir la calmer rien que par sa présence, ce don de faire disparaître momentanément la noirceur de son âme, alors qu'elle ignore jusqu'à l'existence même de ses démons intérieurs.
C'est ce qui s'est passé la fois où elle avait cru perdre Jon à jamais : en apparence, elle ne laissait rien transparaître alors qu'à l'intérieur, elle bouillait d'inquiétude, de tristesse, de peur, de solitude, de mélancolie. Elle s'efforçait de rire et de sourire alors que tout allait mal et qu'elle pleurait derrière son masque.

À ce moment là, elle s'était rendue compte qu'elle pouvait tout perdre du jour au lendemain.
Qu'on pouvait tout lui arracher.
Qu'on pouvait tout lui prendre en une poignée de main.
Absolument tout.

Surtout que son ''tout'' ne se résumait qu'à lui et à lui seul. Elle n'avait besoin que de sa présence à ses côtés pour se sentir pleinement vivante. Or, il était parti et elle s'était aperçue que rien ne retenait Jon à elle, surtout après tout ce qu'elle lui avait fait subir : les mensonges et les cachotteries forcées, les sorties avec d'autres personnes, d'autres hommes. Elle avait voulu défier Icare, se rapprocher du soleil pour en admirer l’éclat. Et comme lui elle s'était brûlé les ailes. Elle s'est écrasée à même le sol comme une vulgaire poupée en se brisant les os, brûlée à vif dans sa chair par des rayons mortels auxquels elle ne pouvait pas échapper.

Son soleil, c'était lui et quand il est parti, elle n'avait plus rien.

Rien n'aurait dû le retenir à elle, de toute manière.

Shy et Taki avaient, si j'ose dire, fait office de pommade. Qui sait ce qu'elle aurait bien pu faire, par désespoir ?

Shy, je voudrais être comme toi : souriante, charismatique… meilleure.

    « Maintenant, ça va mieux, oui. »

Dans un imperceptible mouvement, Nérys se déplace et invite son amie à s'asseoir à son côté. Dos à la fenêtre, la sensation de sa peau contre la vitre glacée lui soutira de longs frissons.
Sans précipitation, comme dans un appel à la tendresse et au réconfort, elle glisse sa tête sur l'épaule de Shy et replie ses genoux vers sa poitrine. Une main sur son ventre qui commençait sensiblement à s'arrondir.

Si tu étais un mot, alors tu serais sans aucun doute "joie", semblable à une petite bulle de verre ornée de volutes dorées, remplie d'images pastelles que floutent les émotions qui tourneraient alors en une valse lente et mystérieuse dans le tourbillon d'un millier de paillettes cuivrées, telles les feuilles colorées par l’automne.

    « Je suis désolée de t'avoir dérangée. Ce n'était pas si important et ça aurait pu attendre demain surtout que... tu devais certainement être en train profiter de Hana, Jace et Tak...»

Elle fut coupée dans son élan, surprise par la vision qui s'offrait à elle : sans s'en apercevoir, elle avait utilisé son don d'illusions pour donner vie à l'image qu'elle se faisait de Shy : des bulles de différentes tailles, magnifiques, criblées de paillettes d'or et d'argent et parées d'arabesques multicolores, dansaient avec la grâce d'une ballerine dans la pièce.

    « Oops ! Désolée. C'est joli, hein ? Mais je ne t'ai pas demandé de venir pour profiter du spectacle avec moi, en fait. J'aimerais juste te dire quelque chose. Tu es la première à qui je le dis, donc ça me fait un peu flipper mais... comme j'ai toujours eu ton soutien, quoi qu'il advienne... je me suis dit que... enfin bref. »

Nérys ne put s'empêcher de rire, avant de prendre la main de Shy et poursuivre avec sérieux :

    « En fait, toi et Taki êtes les personnes en qui j'ai le plus confiance, si on exclu ma mère et Jon. Et vous avez toujours supporté le couple que nous formons, malgré tous les moments difficiles. J'ai toujours envié votre alchimie, la tendresse que vous avez l'un envers l'autre, votre chance de vous aimer comme au premier jour et aux yeux de tous alors... depuis que Jonathan est revenu, je n'ai pas arrêté de me dire : ''Pourquoi pas moi ?'' ou bien ''J'en ai assez d'être égoïste et de le blesser juste parce que je veux que ce que nous sommes reste secret''. Alors, nous sommes allés voir Pandora. Tous les deux. »

Nérys reconnaît volontiers que c'est en partie le couple Kido qui lui a donné l'envie de se confier à sa mère, bien que le petit être qui grandit en ce moment même dans son ventre ait eu un poids considérable dans la balance.

    « Ce n'est pas seulement la jalousie -si on peut appeler ça comme ça- à votre égard qui nous a poussé à le faire, en fait. Qui plus est, ma mère a réagit bien mieux que ce à quoi je m'attendais. Et contre toute attente, elle nous a volontiers accepté. Ça ne l'a pas empêchée de se sentir blessée : non pas par le mensonge en lui même, mais par le fait que nous ayons pas eu assez confiance en elle pour cacher notre relation aussi longtemps. Ça, c'est la première chose dont je voulais te faire part.»

Comment était-elle censée lui dire ? Après tout, Shy lui était tout aussi importante que Pandora et, bien qu'elle ne soit pas Jon, lui avouer qu'elle est enceinte et qu'elle aimerait qu'elle soit la marraine de son enfant n'était pas quelque chose d'aussi aisé à dire que ce à quoi elle s'était attendu.

    « Shy. Tu sais que je t'ai toujours considérée comme une grande amie, comme une sœur, pas vrai ? C'est... comment te dire ? C'est pour ça que j'aimerais que tu sois la marraine de mon enfant. Parce que, Shy : je suis enceinte. »


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MessageSujet: Re: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptyVen 27 Avr 2012 - 0:08

Je serre Nérys aussi fort que possible, comme si j'avais peur qu'elle s'envole. Mais ce n'est pas possible ; elle n'est pas un oiseau, ni même métamorphe. Et je doute que des ailes viennent à lui pousser dans le dos en une nuit. Et puis de toute façon, même si c'était le cas, qui vous dit qu'elle ne préférerait pas rester sur Terre ? C'est même sûr en fait, parce que sur Terre il y a Jon. Et que Nérys et Jon, c'est comme une évidence.
Le problème... le problème c'est qu'avec l'accident de Taki, j'ai réalisé que tout le monde pouvait... partir. Mourir. Je n'aime pas ce mot, mais il faut dire les choses telles qu'elles sont. Moi, la mort m'a toujours un peu fait peur. Je n'aime pas les cimetières. La première - et dernière - fois que j'y suis allée, c'était pour l'enterrement de ma mère. J'avais cinq ans. Mais ça m'a marqué à vie.
Là-bas il y a que des gens tristes, qui pleurent, habillés de noir. Il y a des fleurs sur les tombes, mais même elles on dirait qu'elles pleurent. D'ailleurs pour moi ça n'a jamais été le cimetière des hommes, mais le cimetière aux fleurs. Les humains eux ne sont plus humains à partir du moment où leur âme a décidée d'aller graviter au fin fond de l'univers. À ce moment là leur corps commencent à se décomposer jusqu'à être plus que poussière. Alors que les fleurs sur les tombes elle, on peut es changer. Mais on peut pas changer les cadavres par d'autres.
Ce qui est sûr, c'est que moi j'ai peur que Nérys se retrouve au cimetière aux fleurs. Je sais - j'espère - que ce n'est pas pour tout de suite, mais un jour ça arrivera. Avant ou après moi je n'en sais rien et je m'en fiche. C'est juste qu'il faut accepter que tous les gens qu'on aime peuvent mourir. Vont mourir. Même... même Hana et Jace. Rien que d'y penser, j'ai la nausée.
Au fond, l'amour à ça de dangereux qu'il rend la perte d'un être cher encore plus douloureuse. Quand c'est un inconnu qui meurt, on peut être triste pour lui et sa famille, on peut avoir de la compassion, mais jamais on éprouvera cette peine maladive qui hante chaque recoin de notre corps à la recherche de la moindre faiblesse pour venir bouffer notre joie.
J'ai peur de voir les gens mourir. Du coup je sers Nérys encore plus fort.

« Maintenant, ça va mieux, oui. »

Je ne peux pas m'empêcher de sourire et de déposer un bisou sur sa joue. J'aime être ici avec Nérys. Ça a quelque chose de... rassurant. Pour moi elle a toujours été quelqu'un de fort sur lequel on peut s'appuyer. Même quand Jon est parti, elle avait toujours l'air aussi droite, comme si rien ne s'était passé, alors qu'à l'intérieur elle devait bouillonner. C'est marrant, je crois que je ne l'ai jamais vue pleurer. Alors qu'elle, elle m'a déjà vue dans tous mes états. C'est pas que je sois extrêmement sensible, mais...
Bon d'accord, je suis extrêmement sensible.

Nérys se décale et je m'assieds à côté d'elle sur le rebord de la fenêtre. On dirait deux petites filles en train de rêver au monde qui les entoure. Et forcément le contraste avec la réalité me frappe de plein fouet et me fait réaliser qu'à 24 ans, avec deux enfants et bientôt mariée, je ne suis plus vraiment une enfant.
C'est drôle, quand j'étais petite je croyais que les gens de plus de 18 ans étaient adultes. J'ai attendu mes 18 ans avec impatience, pensant passer dans un autre monde, qu'un truc extraordinaire me serait révélé. Bien sûr, il ne s'est rien passé du tout. Rien de rien. Nada. Niente. Quelque part je suis même devenue plus enfant que ce que j'étais. On ne devient pas moins innocent en une seconde, ni plus responsable...

La tête de mon amie est venue s'appuyer dans ma nuque, comme un refuge contre le monde, comme si elle avait tellement confiance en moi qu'elle me laissait la protéger contre les horreurs de la terre. C'est drôle parce que d'habitude c'est plutôt elle qui joue à la grande soeur. Moi je suis à fleur de peau, toujours prête à réagir excessivement que ce soit de joie ou de tristesse, je laisse le monde entier lire en moi comme dans un livre ouvert. Nérys est plus... calme. Bon ok, si je dois être honnête, elle est le parfait contraire de moi. Là où je crie, elle se contentera de sourire, là où moi je m'énerverai et ne ferai absolument pas avancer le problème, elle gardera son sang froid et résoudra tout comme si c'était évident. Là où je suis une enfant, j'ai un peu l'impression qu'elle est l'adulte.
Alors moi évidemment je ne sais pas vraiment quoi dire quand sa coquille se fendille et qu'elle laisse filtrer sa faiblesse. Moi les gens je leur fais des câlins, je danse la samba avec eux, je chante dans les rues parce que c'est marrant. Mais avec les mots je suis plus maladroite, moins solide, moins convaincante. Pour une prof de théâtre ce n'est pas vraiment la gloire, mais c'est juste mon caractère. Je pourrais lui balancer des phrases toutes faites, une avalanche de mots bateau qui veulent un peu tout et rien dire, mais je n'aime tout simplement pas ça. À quoi cela sert-il de voler les phrases des autres ?
Alors j'attends. Je pose ma tête sur la sienne et j'attends simplement qu'elle me confie le pourquoi de ma venue.

« Je suis désolée de t'avoir dérangée. Ce n'était pas si important et ça aurait pu attendre demain surtout que... tu devais certainement être en train profiter de Hana, Jace et Tak...»

L'espace d'une seconde je me demande pourquoi elle s'est interrompue avant d'apercevoir les fines bulles, fusillés de paillettes d'or et se dressant tels des arc-en-ciel au milieu de la pièce. On dirait des papillons, à la fois fragiles et merveilleux. Ça me fait penser à elle, ça me fait penser à moi, ça me fait penser à nous. Mais je trouve qu'il manque quelque chose. Alors lentement je tends un peu la main pour laisser mon pouvoir se mêlant au sien, mes illusions vivre au travers des siennes. Des spirales tourbillonnent à présent autour des bulles, sans jamais s'arrêter, tellement éphémère qu'elles nous persuadent détenir le secret de l'éternité, mais s'en moquer. Puis enfin je peux laisser mon rire cristallin engloutir la pièce.

« Oops ! Désolée. C'est joli, hein ? Mais je ne t'ai pas demandé de venir pour profiter du spectacle avec moi, en fait. J'aimerais juste te dire quelque chose. Tu es la première à qui je le dis, donc ça me fait un peu flipper mais... comme j'ai toujours eu ton soutien, quoi qu'il advienne... je me suis dit que... enfin bref. »

Sa main saisit alors la mienne et mes yeux se remplissent de curiosité. Je sens que c'est quelque chose d'important, que c'est quelque chose de fort et que je n'aurais absolument aucun regret d'être revenue ici pour venir chercher mes dissertations. De toute façon cela me fait toujours plaisir de voir Nérys, mais là... je ne sais pas. Je n'ai pas besoin de mots pour comprendre que c'est quelque chose de magistral. D'énorme. De vertigineux.

« En fait, toi et Taki êtes les personnes en qui j'ai le plus confiance, si on exclu ma mère et Jon. Et vous avez toujours supporté le couple que nous formons, malgré tous les moments difficiles. J'ai toujours envié votre alchimie, la tendresse que vous avez l'un envers l'autre, votre chance de vous aimer comme au premier jour et aux yeux de tous alors... depuis que Jonathan est revenu, je n'ai pas arrêté de me dire : ''Pourquoi pas moi ?'' ou bien ''J'en ai assez d'être égoïste et de le blesser juste parce que je veux que ce que nous sommes reste secret''. Alors, nous sommes allés voir Pandora. Tous les deux. »

Je sers sa main un peu plus fort, devinant déjà l'annonce officielle faite à Pandora. Je réalise dans un même temps que c'est fini, qu'ils n'ont plus besoin de se cacher, qu'ils pourront se balader main dans la main à Little Angleton, qu'ils pourront s'aimer sans se cacher.
J'avoue que je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ils cachaient leur relation à tout le monde. C'est vrai, Taki et moi avons passé plusieurs mois à nous dissimuler - même si les trois quart de l'orphelinat étaient au courant grâce à certains adolescents un peu trop fouineurs et trop bavard -, mais eux ça fait des années qu'ils s'aiment. Et encore, aimer ne doit pas être assez fort. Si je sais que l'alchimie entre mon fiancé et moi règne dans notre simplicité à nous aimer, celle de Nérys et Jon réside sans nul doute dans tous ces chemins tellement beaux et complexe qu'ils ont établis de l'un à l'autre, tous ces liens d'amour qu'ils ont tissé jour après jour, nuit après nuit. Je n'ai jamais aimé les voir dans la même pièce en présence de gens qui ne savaient pas qu'ils s'aimaient. Ils devaient alors jouer aux simples amis, collègues, rôle que, même s'ils le tenaient bien, ne leur allait pas du tout. J'avais envie de leur crier de s'embrasser, de s'aimer au grand jour, de s'enfuir dans un coucher de soleil. Et si Nérys m'annonce ce que je pense... je vais bientôt pouvoir faire tout cela.

« Ce n'est pas seulement la jalousie -si on peut appeler ça comme ça- à votre égard qui nous a poussé à le faire, en fait. Qui plus est, ma mère a réagit bien mieux que ce à quoi je m'attendais. Et contre toute attente, elle nous a volontiers accepté. Ça ne l'a pas empêchée de se sentir blessée : non pas par le mensonge en lui même, mais par le fait que nous ayons pas eu assez confiance en elle pour cacher notre relation aussi longtemps. Ça, c'est la première chose dont je voulais te faire part.»

Je suis tellement contente ! J'ai envie de sauter de joie, de danser la macarena, d'inventer une chanson ! C'est fou comme j'ai surtout envie de crier !

- Je suis tellement contente pour toi ! Et pour vous ! Je trouve ça merveilleux et ça ne m'étonne pas qu'elle ait accepté votre relation. Vous êtes tellement mignon et vous vous aimez à un tel point... Je ne sais pas comment elle a fait pour ne rien remarquer avant, parce que vous deux pour moi c'est un peu comme une évidence. Je... Ahlala Néné, ça me rends super heureuse là !

Je dois sûrement avoir l'air un peu idiote avec ce sourire sur les lèvres, mais pour tout dire je m'en fiche ! Tous les deux vont tellement bien ensemble que c'est une véritable libération pour eux que de s'afficher au grand jour ! Bientôt ils se marieront, vivront heureux et auront beaucoup d'enfants !

« Shy. Tu sais que je t'ai toujours considérée comme une grande amie, comme une sœur, pas vrai ? C'est... comment te dire ? C'est pour ça que j'aimerais que tu sois la marraine de mon enfant. Parce que, Shy : je suis enceinte. »

Je... je... ET BIEN ÇA POUR UNE SURPRISE ! Je ne m'attendais franchement pas à ce que la partie "et auront beaucoup d'enfants" de l'histoire de mes amis se réalise aussi tôt. Mais c'est... c'est... C'est encore plus merveilleux ainsi ! Et cette fois-ci je ne peux m'empêcher de me relever, d'attraper les mains de la future jeune maman et de la faire tourner avec moi dans la pièce en riant. Puis j'arrête doucement avant de poser une main sur son ventre. Enceinte ! Nérys enceinte !

- C'est une fille ou un garçon ? Ou vous ne savez pas ? Depuis combien de temps ? Et le papa a pris comment la nouvelle ? Oh je suis tellement contente ! Tu verras c'est une expérience épuisante mais formidable ! Il n'y a même pas de mot pour la décrire, mais qu'importe tu comprendras en la vivant ! Je suis sûre que nos enfants seront amis et...

Je me calme un instant, un sourire plus doux venant prendre place sur mes lèvres.

- ... et bien sûr que j'accepte d'être la marraine. Évidemment.

_________________

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MessageSujet: Re: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptyLun 2 Juil 2012 - 15:39

Les vies sont si fragiles, si incertaines, jonchées de rencontres plus ou moins déterminantes. Il y a aussi de ces événements qu'on ne décide pas, de ces épreuves et de ces circonstances qu'on ne voit pas venir, comme aveuglé par le beau soleil que l'avenir est prêt à nous offrir.
Le problème, c'est que quand ils se produisent ou sont sur le point de se produire, ça vous prend de court et c'est déjà trop tard.

La vie, c'est ça.

    « Je suis tellement contente pour toi ! Et pour vous ! Je trouve ça merveilleux et ça ne m'étonne pas qu'elle ait accepté votre relation. Vous êtes tellement mignon et vous vous aimez à un tel point... Je ne sais pas comment elle a fait pour ne rien remarquer avant, parce que vous deux pour moi c'est un peu comme une évidence. Je... Ahlala Néné, ça me rends super heureuse là ! »

Il y a de ces chemins qu'on foule sans se douter du danger. Après tout, tout est calme aux alentours : pourquoi est-ce qu'on se méfierait ? Pourquoi on resterait aux aguets ?
Tout est rose. Tout est beau. Tout est parfait.
Il n'y a rien à redouter. Non ?

    « Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi bien. Je suis très contente que tu nous approuves : ton avis m'importe presque autant que celui de ma mère, tu sais ? »

Il y a de ces gens vers qui on va, sans but, sans élever nos défenses, sans les craindre parce qu'après tout, on a rien à attendre d'eux mais aussi, parce qu'on reste persuadé que de nos vies on ne croisera plus jamais leur chemin.

    « C'est une fille ou un garçon ? Ou vous ne savez pas ? 

    - Et bien... 

    - Depuis combien de temps ? Et le papa a pris comment la nouvelle ? 

    Shy ? 

    Oh je suis tellement contente ! Tu verras c'est une expérience épuisante mais formidable ! 

    - Heu... Shy ? Doucement ! Tu m'écoutes ? 

    Il n'y a même pas de mot pour la décrire, mais qu'importe tu comprendras en la vivant ! Je suis sûre que nos enfants seront amis et... 

    Shy !
     »

Puis un jour, ils sont là, à nouveau, devant nous. On est surpris sans être inquiet, on leur tend la main dans un geste absolu de confiance, on accepte de boire un verre, de fumer une ou deux clopes en parlant du temps qu'il fait, là, dehors, et de la vie qu'on voudrait.
Et là, sans s'en rendre compte, on est mort.

Toujours aussi ignorant qu'à notre commencement.

    « ... et bien sûr que j'accepte d'être la marraine. Évidemment. 

    Haha c'est génial ! Je ne t'aurais pas laissé refuser de toute manière : je t'aurais harcelée, traquée, collée, suivie partout et envahie jusque chez toi rien que pour que tu acceptes, tu sais ! Hahaha !
     »

Il y a de ces moments coutumiers, de ces minutes ordinaires qui, un matin qui n'est pas fait comme les autres, se retrouvent bouleversés en une fraction de temps.

    « Non mais en plus je suis sérieuse : je l'aurais vraiment fait, hein ! »

Et le papa a pris comment la nouvelle ?
Nérys McLaren, veux-tu m'épouser ?

Il y a de ces silences qui paraissent anodins, de ces mutismes que l'on refuse de remplir parce qu'on y est bien, tout simplement.

Je...

Mais peut-être qu'elle aurait dû trouver le courage et la force, par delà sa douleur et sa terreur, de briser le silence une fois pour toute.

Non pas qu'elle aurait pu empêcher ce qui est arrivé de se produire : après tout, on croit que la vie a ses fondations solides. On s'émerveille alors béatement du chemin parcouru jusqu'à ce que, comme ça, soudainement, pour un éblouissement comme un autre, elles volent en éclats pour se fracasser contre un rêve.

Et le papa a pris comment la nouvelle ?

Ou dans son cas, contre un cauchemar récurrent.

Quand on y pense, c'est douloureux.
Ça fait aussi mal que de sentir la vie vous quitter.
Comme ça.

Le cauchemar se réincarne. Le cauchemar recommence.

On se crispe alors dans un mouvement soudain, on se sent perdre des couleurs, perdre son assurance, perdre sa confiance en la vie. Une main entortille frénétiquement une mèche de cheveux, comme si tout cela pouvait balayer l'effroi et les doutes.

    « Jon... il... il l'a bien pris, si... si j'en conclus à ce qui s'est passé ensuite dans le bureau de ma mère. »

J'ai peur de ce que j'ignore.
Je suis terrifiée, comme mise à nue dans un endroit sombre que je ne reconnais pas, comme abandonnée dans une cavité obscure où je m'enfonce chaque jour davantage et dont je ne trouve pas les bords ni n'en connais la fin.


    « Shy, il faut que tu m'aides. Je ne sais vraiment pas quoi faire. »

Il y a des jours comme ça où l'on ose plus se réjouir de rien, de peur qu'on ne nous prenne tout ce qu'il y a de plus beau.

Jusqu'à ce qu'il ne nous reste plus rien.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptyMar 14 Aoû 2012 - 11:18

Il y a de ces jours où il suffit de peu pour être heureux. Un sourire, un regard, une bonne nouvelle. Ça fait battre notre coeur un peu plus fort, ça nous rend euphorique, ça nous donne envie d'exploser et de sauter un peu partout ; ça nous rappelle à quel point on est vivant. On se construit sur ce genre de bonheur qui nous mettent le baume au coeur et qui nous font ignorer la peur.
Jusqu'à ce que tout s'écroule.
Mais rien ne va s'écrouler, n'est-ce pas ? Nérys est là, face à moi, avec dans son ventre un petit être incroyable qui grandit jour après jour. Elle ne construit pas un château de cartes, mais un empire de brique. Pourquoi arriverait-il malheur à mon amie, à ma soeur de coeur ? Pourquoi seulement y penser ?
Elle est là près de moi. Tout va bien, tout va bien...

Taki aussi allait bien. Taki, Jace et Hana... On avait construit notre bonheur en équilibre sur notre famille, on se disait qu'à quatre on pouvait faire face à tous les problèmes. Mais qu'en est-il quand le quatre se transforme en trois ? Le bonheur explose, la famille est détruite. Taki aussi allait bien. Il allait bien puis la bombe a surgit, dans tous les sens du terme. Son corps a explosé en même que mon coeur. N'est-plus resté que la peur, la solitude et le désespoir.
C'est du passé maintenant. Tout va bien, tout va bien... Taki va bien. Il est revenu de cet autre monde dangereux dans lequel il s'était perdu, le monde de l'inconscience. Il est revenu alors je ne devrais plus avoir peur. Mais pourtant si. Si parce qu'à trop se brûler les ailes on ne peut se rendre compte que d'une seule chose.
On est mortel.
Mais pourquoi est-ce que je pense à ça maintenant ? Nérys est là devant moi, elle va bien, tout va bien. Le petit foetus qui grandit en elle aussi va bien. Ils sont jeunes tous les deux ils ne courent aucun danger...
Taki aussi était jeune au moment où la bombe a explosé...
La future maman a une bonne mine. Elle n'est pas à l'agonie et elle se tient debout sans problème. Pourquoi y aurait-il un problème d'ailleurs ?
Taki aussi était en bonne santé au moment où la bombe a explosé...
Mais Nérys n'est pas Taki. Il ne faut pas que j'aie l'impression que tout peut s'écrouler juste parce qu'une fois j'ai failli m'échouer, les ailes coupées par le malheur foudroyant. Il ne faut pas, non.
Mais alors pourquoi un mauvais pressentiment me broie-t-il les entrailles ?

Je ne veux rien entendre, je ne veux rien savoir. Je veux m'aveugler de bonheur et c'est tout. Pourquoi penser à l'avenir qui nous attend si on ne se laisser d'abord pas le temps d'apprécier le présent. Alors je souris. Quelles raisons aurais-je de pleurer ? Nérys est enceinte.

« Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi bien. Je suis très contente que tu nous approuves : ton avis m'importe presque autant que celui de ma mère, tu sais ? »

Peut-être qu'au final je vais bien pleurer. Mais ce seront des larmes de bonheur qui inonderont mon visage. Parce que je suis heureuse, tellement heureuse de voir ce lien si fort entre Nérys et moi. Ça me touche de savoir que mon avis a autant d'importance pour elle. Ça me touche tellement que j'en oublie toutes les pensées noires qui tournoyaient dans ma tête l'instant d'avant pour crier ma joie ouvertement, écoutant à peine mon amie qui essaie de m'interrompre.
Ce n'est pas parce qu'on oublie que ça arrête d'exister...

« Haha c'est génial ! Je ne t'aurais pas laissé refuser de toute manière : je t'aurais harcelée, traquée, collée, suivie partout et envahie jusque chez toi rien que pour que tu acceptes, tu sais ! Hahaha ! »

Comme si j'avais pu refuser ! J'imagine déjà nos enfants jouer ensemble et être les meilleurs amis du monde. Je les imagine grandir ensemble, faire les pires bêtises, découvrir la vie tous les trois. Hana, Jace et mini Nérys ou mini Jon. Je me demande bien comment ils l'appelleront. Et à quoi il ressemblera. Aura-t-il l'humour de son père ou l'air raisonnable de sa mère ? Le sourire de sa maman ou les yeux de son papa ? Je ne sais pas, je ne peux pas encore savoir. Mais ce qui est sûr c'est que cet enfant grandira entouré d'amour. L'avenir ne s'annonce-t-il pas merveilleux ?
Si avenir il y a...

« Non mais en plus je suis sérieuse : je l'aurais vraiment fait, hein ! »

Il y a tant de joie dans mon coeur que je n'arrive pas à voir plus loin que les yeux rieurs de mon amie. Je ne vois pas sa peine, je ne vois pas les fêlures, les cassures, les brisures. Je ne vois que le ciel, si beau, si scintillant, illuminé de ses milliards d'étoiles, sans voir qu'au fond de l'océan les étoiles de mers elles jonchent le sable brisés en mille morceaux. Je ne vois pas le fond de l'abysse, je ne vois pas la douleur de celle que je considère comme ma soeur.
Pourquoi regarder la vérité quand on peut s'aveugler de bonheur ?
Pourtant la douleur est bien là. Épaulée par la peur qui, tel un poids lourd, entraîne Nérys encore plus bas. La future maman se crispe comme hantée par une vérité qui fait trop mal pour qu'on puisse y penser. Comme hantée par la mort en personne.

« Jon... il... il l'a bien pris, si... si j'en conclus à ce qui s'est passé ensuite dans le bureau de ma mère. »

Alors pourquoi cela n'a-t-il pas l'air de la rendre malheureuse ? Pourquoi ai-je l'impression que les briques se transforment en courant d'air et que tout s'envole. Ce n'est plus tomber, c'est juste disparaître. Pourquoi Nérys ? Pourquoi n'as-tu pas l'air heureuse ? De quoi as-tu peur ?
Et pourquoi suis-je si aveugle ?
Dis-moi mon amie, raconte-moi tout. Je veux savoir, je veux savoir ce qui te fait souffrir. Je ne suis pas sûre de tout comprendre, j'ai besoin de tes mots pour me rassurer, pour me dire que tu vas bien, que je n'ai pas besoin de m'inquiéter. J'ai besoin de savoir.
Même si tout va mal ?
Même si tout va mal. Je veux juste savoir. Pouvoir être là à tes côtés, te donner un peu de ma force. Je ne promets pas d'en avoir beaucoup, j'en ai toujours eu moins que toi. Mais je te promets d'être là, de t'aider, de faire tout ce que je peux. Comme toi tu as toujours été là pour moi. Mais dis-moi, dis-moi tout.

« Shy, il faut que tu m'aides. Je ne sais vraiment pas quoi faire. »

Mes bras entourent Nérys, la serre fort contre moi. Je ne sais pas pourquoi elle a besoin d'aide, je ne sais pas ce qu'elle veut de moi, mais ce que je sais c'est que mon amie ne va pas bien et que je n'aime pas la voir comme ça.

- Que s'est-il passé ma Nérys ?

À croire que le bonheur ne peut pas gagner à chaque coup...

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MessageSujet: Re: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptyLun 8 Oct 2012 - 15:11

    « Que s'est-il passé, ma Nérys ? »

Calme insondable et silence morbide. Nuit noire, profonde tristesse. Mélancolique, je me revois encore à ma fenêtre, guettant quelque chose, quelqu'un, tandis que les rayons de la lune se lovent sur ma peau et que l'humidité ambiante, glaciale et gorgée de sel me balafre doucement le visage. J'ai les yeux pleins de sanglots, mais les larmes refusent de couler.

Dans mon Mystery adoré.

Les portraits accrochés à mes murs et les statuettes qui trônent sur mon bureau ne bronchent ni ne murmurent, et leurs yeux fixes, vides, morts, n’ont rien à voir avec ce qui me terrifie. La poussière quant à elle n’a que quelques jour d’âge et n'a rien de fantasmagorique. Avec allégresse, le lustre se balance insensiblement au dessus de ma tête, comme le pendu au bout d'une corde et exposé aux yeux des curieux, tandis qu'au dehors, les branches du peuplier dégarni dessinent sur ma tapisserie des ombres mystiques.

Des fantômes du passé me poussent à aller dans le jardin. Alors j'avance, la démarche raide, le pli au milieu de front, concentrée sur mes talons.
Je frissonne soudain, mais les murs, statiques et impassibles, se fichent de mes états d'âme.

Dans mon Mystery déserté.

Une fois dans le jardin, au milieu des herbes folles, il n'y a nulle ombre, nulle cavité où m'abriter et disparaître. Je continue cependant, sans m'arrêter une seule fois sur le chemin à la teinte rouille d'une barre de fer qui se meurt en plein soleil, avec une impression fugitive, une illusion d'entendre quelque chose -un bruit, un souffle, un bruissement dans le lointain. Pourtant, il n'y a rien d’autre que la valse lente du vent et des feuilles mortes qui s'éparpille et se dilue dans l’eau boueuse d’un mutisme peuplé de fantômes.

Au loin, à même le sol, j'aperçois une silhouette difforme sous un drap d'un blanc immaculé. La puanteur plaquée au sol par l'humidité ambiante me remplit de dégoût, d'appréhension et d’amertume. Mais je m'avance, m'avance encore et me laisse guider par mes pas -mes jambes décident pour moi. Comme hypnotisée : dieu seul sait à quel point je ne veux pas voir ce qui se cachait là-dessous...
… sous le linceul se dévoile la moitié d'un corps. Je m'effondre à son côté, tremblante, et m'empare de la main. Glaciale. Ce corps, c'est mon corps. Le mien. D'une blancheur morbide, cadavérique. Un sourire d'ange a forcé la barrière de mes lèvres. Du sang a séché sur mes zygomatiques. Il y a un trou béant dans ma poitrine. Mon cœur est brisé.
Je suis morte. Et mon enfant n'est plus là.

Mes doigts enserrent avec force le tissu, et l'envie de me coudre les paupières se fait sentir. Pourtant, par delà la blancheur du drap, je devine d'autres formes. Je veux fermer mes yeux comme si rentrer mes mains au fond de mes orbites pouvait à jamais m’empêcher de les rouvrir. Mais il est trop tard désormais.
Alors je tire le suaire à moi...


    « Shy, je sais que tu vas t'inquiéter mais... »

Nérys se stoppa net, reprenant son souffle. Son cauchemar récurrent venait de lui revenir en mémoire, et elle refoula avec peine chagrin et frissons.

Dans mon cauchemar, les jours ne valent rien, pas plus que mes craintes, mes cris et mes sanglots.

    « Voilà, quand Jon et moi sommes allés dans le bureau de ma mère lui avouer la vérité, j'étais aussi venue dans l'intention de leur annoncer à tous les deux que j'étais enceinte. Ils avaient l'air heureux de la nouvelle et... comment dire... Jon m'a demandée en mariage. »

Je ne veux pas revivre ça, Shy. Plus jamais.

    « Je n'ai pas répondu sur le coup. Comme si je disais... non. »

Nérys n'esquissa pas un sourire, pas un grimace. Seul son ton dur, cassant, montrait à quel point elle s'en voulait de cette attitude : toujours faible, jamais à la hauteur, il fallait toujours qu'elle se laisse dépasser par les évènements et que ça se termine mal, ou jamais sans douleur tout du moins.

    « Ça me tue de dire ça, parce que je veux pas que tu te fasses du mouron pour moi : tu dois suffisamment t'inquiéter pour Takeji, Rhyan et les enfants et moi, tout ce que je trouve à faire, c'est d'arriver comme une fleur et d'en rajouter une couche. Je suis désolée, Shy. Vraiment... je suis navrée... »

Comment était-elle censée dire à celle qu'elle considérait comme sa sœur de cœur que, d'une part, elle avait failli perdre son enfant et qu'en plus, elle n'avait pas osé raconter à sa mère et à Jon qu'elle en cauchemardait toutes les nuits depuis ?

Alors je tire le suaire à moi et...
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MessageSujet: Re: Heureux évènements [PV Shy-adorée]   Heureux évènements [PV Shy-adorée] EmptyLun 3 Juin 2013 - 20:57

Quel est ce silence qui inonde la pièce tout à coup ? Comme si Nérys s’effaçait peu à peu, devenant aussi translucide qu’un fantôme. Je la sens partir à la dérive, loin de moi dans un monde où règnent cauchemars et larmes. Je la sens s’enfoncer dans des abysses bien trop sombres, bien trop lugubres. Je connais ce regard, cette peur indéfinie au fond des pupilles, cette attente insoutenable qui nous broie l’estomac. Je la connais, mais je ne la comprend pas. Que se passe-t-il, que s’est-il passé ? Pourquoi le sourire qui régnait sur tes lèvres s’en est-il allé ?
Tout à coup la température de la pièce diminue de quelques degrés alors que j’ai l’impression que mon amie tombe de plus en plus profondément dans des limbes qui me sont inaccessibles. Ma main se pose doucement sur son bras, mais à peine l’ai-je effleurée que je la retire en frissonant, tant sa peau est brûlante. Que t’arrive-t-il Nérys ? Explique moi, je ne comprends pas, j’ai de plus en plus peur… Où a disparu toute la joie, tout le bonheur de cette nouvelle ?
Comme engloutis par la vie.

« Shy, je sais que tu vas t'inquiéter mais... »

Je tremble presque, attendant des mots qui ne veulent pas sortir. J’ai peur pour elle, pour mon amie. C’est mon rôle après tout de m’inquièter, comme c’est mon rôle d’être là pour elle dans les moments douloureux, les craintes et les doutes.

« Voilà, quand Jon et moi sommes allés dans le bureau de ma mère lui avouer la vérité, j'étais aussi venue dans l'intention de leur annoncer à tous les deux que j'étais enceinte. Ils avaient l'air heureux de la nouvelle et... comment dire... Jon m'a demandée en mariage. »

Je ne saute pas de joie à cette nouvelle parce que je sens qu’il y a quelque chose d’étrange, quelque chose qui dérange. Comme si ça ne s’était pas passé comme cela devait se passer. Comme si cette demande en mariage avait brisé plus de choses qu’elle n’aurait dû en construire.
Bien sûr, je me souviens de la demande en mariage de Takeji, de ma joie, de tout l’amour que j’avais ressentit à ce moment là. De mon envie d’annoncer à la Terre entière que j’allais enfin devenir Mme Kido. Je me souviens du sourire illuminant mes lèvres, du bonheur naissant au creux de mon ventre et de mon excitation. Mais je ne lis rien de tout cela dans les yeux de mon amie, je n’y vois que du vide, un vide glacé rongé par la peur et la solitude.
J’ai de la peine à comprendre, car je sais que Nérys aime Jon plus que tout au monde. Il faudrait être sot pour prétendre le contraire. Il n’y a qu’à voir les sourires qu’ils échangent, les petits clins d’œil lorsqu’ils se croisent dans les couloirs, leurs gloussements de gamins amoureux lorsqu’on les surprend ensemble à simplement discuter dans la salle des profs. Et puis combien de fois mon amie m’a-t-elle raconté à quel point elle l’aimait ? Combien de fois m’a-t-elle glissé entre deux cafés qu’une fois de plus elle avait passé une nuit merveilleuse auprès de son amant ? Et la fois où Takeji et moi étions partis rechercher Jon en Afrique… Il était revenu pour elle, par amour.
Alors qu’est-ce qu’il peut bien clocher ? Pour Nérys n’est-elle pas déjà en train de rêver à la robe blanche qu’elle portera et au prénom de son enfant ? Quel malheur a bien pu la toucher à ce point ?

« Je n'ai pas répondu sur le coup. Comme si je disais... non. »

Ma respiration se fait opréssante et j’ai l’impression irrationnelle d’étouffer. L’attitude de Nérys si froide, dure envers elle-même montre qu’il y a quelque chose de plus là dessous. Quelque chose de douloureux, presque dangereux.

Quelque part, la bête rampe. Ses crocs dégoulinent de bave et sentent l’appel du sang. Elle a soif de haine, de douleur, de peur. Le monstre est sortit de son terrier, prêt à dévorer quiconque choit sur son passage. Rien ni personne ne pourra arrêter sa course effrénée, effroyable. Elle est prête à bondir, guettant le moindre faux pas, le moindre mouvement un peu trop brusque…

« Ça me tue de dire ça, parce que je veux pas que tu te fasses du mouron pour moi : tu dois suffisamment t'inquiéter pour Takeji, Rhyan et les enfants et moi, tout ce que je trouve à faire, c'est d'arriver comme une fleur et d'en rajouter une couche. Je suis désolée, Shy. Vraiment... je suis navrée... »

Elle n’a pas à s’en vouloir pour ça ! Tes bras l’entourent à nouveau, mais ce veulent cette fois-ci forts et rassurants. Comme un cocon confortable pour larguer sa tristesse et libérer ses ailes de papillons. Bien sûr, tu préfèrerais que tout aille bien pour celle que tu aimes plus qu’une sœur, mais en cas de soucis il faut qu’elle comprenne que tu seras toujours là pour elle. Takeji va mieux à présent, les enfants grandissent bien et, même si tu as de la peine à l’accepter, Rhyan est en train de se transformer en véritable adulte. De toute façon, même si tout le monde allait mal, je serai toujours là pour ceux que j’aime, quitte à arrêter de dormir s’il le faut.

Il y a ses barrières autour, mais qu’importe ? Les barrières sont faites pour être sautées, détruites, dépassées. Il y a mille façons de passer à travers. Le sang frais l’attend de l’autre côté et son odeur lui promet d’orse et déjà un véritable régal. Le monstre se lèche les babines comme une hyène découvrant le cadavre putrifié de son prochain repas. Il rassemble ses muscles, prêt à bondir, à tuer.

- Il ne faut pas que tu culpabilise pour ça Nérys ! Au contraire, tu es mon amie et je suis là pour les bonnes nouvelles, comme quand tu me proposes d’être la marraine de ton enfant, mais aussi pour les moments plus douloureux. Je ferai tout ce qu’il est en mon possible de faire pour te rendre ton si joli sourire. Ne sois pas navrée Néné, c’est mon rôle de t’écouter, de me faire du soucis pour toi puis d’être rassurée quand tout va mieux. Ni toi, ni moi n’avons eu une vie facile, mais ça nous a au moins appris une chose ; à ne pas laisser tomber les gens qu’on aime. Et encore moins quand cette personne là est notre sœur.

La bête terrible bondit alors dans un soupir. C’est un bon prodigieux qu’il s’offre là, à la mesure de la proie qu’il est venu dévorer. Un bond que nulle barrière, nulle limite de ne peux retenir.
Alors pourquoi s’est-il écrasé le nez contre le grillage ? Pourquoi sa puissance a-t-elle failli face à une simple barrière ? Le monstre réessaie une fois, deux fois, puis trois. Et il fini par abandonner dans un feulement, l’estomac dans les talons et la défaite en travers de sa gorge. Quelle est cette chose qui lui interdit de donner la mort ?


- Je suis une barrière Néné. Une barrière qui ne te laissera pas te faire bouffer par le malheur. Sois en sûre.

Mon sourire se veut rassurant, une béquille à toutes les épreuves qu’elle vient d’endurer. Mais est-ce que cela suffira-t-il seulement ?

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