I don't think I'll ever be happy


June & Mikeal

Guess what ? Today is my birthday. J'ai vingt quatre ans. Et personne pour me le souhaiter. Je suis un noble extrêmement malheureux, voilà. Enfin, souhaité par mon frère, non merci. J'espère qu'il a oublié, ça me réconforterai dans l'idée qu'il n'en n'a rien à faire de moi. Bref, je suis donc à la recherche d'une victime, à qui je pourrais faire toutes les crasses possibles et inimaginables parce qu’aujourd’hui, j'ai tous les droits, que je suis un noble, alors forcément, un enfant pourri gâté. Ou presque, j'étais tout de même chez les sorciers noirs.

Et puis, je sais pas comment m'habiller. J'ai l'impression d'être une fille des fois pour ce genre de choses, c'est n'importe quoi. Du coup, je suis à poil, devant mon armoire. Un peu vide, ce qui me désole. Enfin, je suis en caleçon.

Jean bleu marine foncé, retroussé en bas. Tee shirt blanc. Veste noire. On enfile les chaussures de ville et on sort, clope au bec que j'allume sur le chemin.

Il fait pas très beau aujourd'hui. En même temps ... On est en Ecosse. Quel pays de merde. Même en Allemagne il ferait plus beau. Quoique, partout on a eu un temps de merde je crois. Il me suffit de regarder la météo sur mon iPhone (parce que je suis riche) pour voir que partout il y a un temps dégueulasse. Mais l'écosse, c'est pire. C'est comme la Bretagne. Enfin, j'en sais rien, je n'y suis jamais allé, mais c'est ce qu'on dit en tout cas.

Oui, je crois aux rumeurs qui courent, je suis un mouton mais vous savez quoi ? Vos gueules. J'ai dit qu’aujourd’hui j'avais tous les droits. Alors j'ai tous les droits, un point c'est tout.

Bref, je suis dehors. Et il fait gris. C'est nul. Mais je crois que je l'ai déjà dit. J'avance un grand pas vers une destination inconnue. Disons que mes pas me portent, le vent, le soleil... Ha non, il n'y en a pas. Les nuages sont épais. Même pas un trou dans cette masse. C'est dégueulasse. J'ai plutôt l'impression qu'il va pleuvoir, plus qu'autre chose. C'est naze. On est le quatre Juin, et il va pleuvoir. Bordel. Joyeux anniversaire, Mikeal. Merci, merci.

Ce soir, je sortirais. Ça vaudra peut être mieux que de rester dans ce trou paumé. Ca sera, beaucoup plus fun. Beaucoup, beaucoup. Parce que j'ai pas super envie de garder des gosses le jour de mes vingt quatre ans. C'est naze.

J'arrive en vue de la balançoire et ça me rappelle le truc que je voulais faire la dernière fois. Décoller, sans mes pouvoirs, ou presque. Alors j'avance plus vite à cette direction, tout en fumant ma clope, qui finit bientôt d'ailleurs. Et ça, c'est naze. Du coup, je vais même fumer jusqu'au filtre. Même si c'est pas bien et que ça rend stérile. De toutes façons, j'aime pas les gosses, j'en veux pas. Au pire, j'en adopterai un. Jeune, un très jeune sorcier. Et je l'éduquerai à ma manière, voilà.

Je me rapproche de plus en plus de la balançoire et je m'aperçois qu'il y a déjà quelqu'un. Qui veut me faire chier mon jour ? Je m'approche encore. June. Je souris en la voyant. C'est la parfaite personne pour céder au moindre de mes désirs. Enfin, c'est ce que j'ai décidé, parce que la connaissant ... Enfin, du peu que je connais, ça va gueuler. Et donner des ordres. Oh, non. Si elle veut je serais son esclave le jour de son anniversaire ... Même si j’aimerais pas, pas, pas du tout !

J'arrive donc, sans un bonjour, sans un salut, passe comme une furie devant elle et m’assoie sur la balançoire à côté de la sienne, commençant à me balancer. J'ai décidé de faire mon con, voilà. Et je ferais ce que je voulais faire avant de lui parler. Parce que c'était mon premier plan. Ah non, le premier était de trouver une personne. Bah, merde, voilà. Je fais ce que je veux de toutes façons. Mon anniversaire, oubliez pas.

Tandis que la balançoire prend déjà de la vitesse, je me lève, mets mes pieds dessus. Et c'est déjà plus compliqué de la faire bouger, c'est naze. Alors j'utilise un peu la télékinésie, sinon ça me servirait à rien. J'adore mon don, vraiment. Je l'aime. Alors je me balance, jusqu'à être parallèle avec le sol, ou presque. Et j'ai un large sourire sur les lèvres, parce que je sais que c'est "dangereux". Pour un humain normal. Pour moi, non. Bien sûr que non. Télékinésie. On peut tout faire avec. Oubliez pas. Oubliez surtout pas. Pouvoir de feignant.

Arrière, je vais en avant. Je m'apprête un sauter, un éclat de rire arrive, un "whoooo !" ambitieux, enjoué. Enfin, vous voyez ce que je veux dire. Mon dieu, que je suis mauvais avec les adjectifs ! Mauvais, mauvais mauvais. Vraiment mauvais. Mais vous avez pas le droit de m'en vouloir. C'est mon anniversaire.

Et je saute. Et puis voyant que si j'utilise pas mes pouvoirs, se sera nul, je me propulse davantage en avant. Plus loin, plus vite. Et je ris en atterrissant sur le sol. Je suis sûr que c'est mieux quand on a pas de pouvoir en fait. Il doit y avoir toute l'adrénaline et tout. Enfin voilà, faudrait que je fasse des choses plus drôle. Du genre ... Non, je sais pas en fait. Je suis nul, ahaha. Bref, je me relève et vais vers June. Je pose deux mains sur ses cuisses et ... Comme à chaque fois qu'on se voit, je l'embrasse, un sourire aux lèvres. Il faudrait que j'arrête avec cette habitude en fait. Mais je crois que... Je ne peux pas m'en empêcher. Alors je continuerais de le faire, ça me plait de toutes façons.

Les nobles n'en font qu'à leur tête, décidément. Encore plus quand se sont des gamins cons. Un peu comme moi quoi.

Je stoppe la balançoire sur laquelle j'étais assis avant d'entreprendre mon aventure bizarre et me rapproche d'elle à petit pas, cul dessus.

- Devine quoi June June ?

J'ai un grand sourire aux lèvres. Comme un gamine n fait. Comme un gamin qui veut annoncer que c'est son anniversaire. Comme un gamin qui veut annoncer le merveilleux cadeau que ses parents lui ont fait.

Je m’approche de son oreille. C'est cool les oreilles, ça permet d’entendre. C'est trop bien. Je plains les sourds, définitivement.

- C'est mon anniversaire.

Je rajoute un clin d'oeil. Oui June, tu vas souffrir aujourd'hui, parce que je l'ai décidé. Aller, sois mon esclaaaaaaaaave. Bébé. Oops. J'avais envie, ça m'a échappé. Ahaha. Je me marre.

Parfois je sens mes os craquer sous le poids de toutes ces vies que je ne vis pas. Le grincement de la balançoire recentre sans arrêt mes pensées. On pourrait trouver ça désagréable mais ça m'aide juste. J'oublie parfois que je me balance et des poussées d'adrénaline me font sourire alors que j'ai l'impression de chuter. Seulement l'impression. La balançoire est délaissée depuis que nous sommes arrivés. C'est un peu triste, une image cassée d'une enfance tout autant brisée. J'espère que cela les rendra totalement insensibles. Je ne sais pas ce que comptent en faire nos supérieurs, mais pour qu'ils grossissent dans les rangs de telles organisations, y'aura forcément le paradoxe de tuer ceux qui ont pu s'enfuir. De vieux amis.
Je ne crois pas que j'aurai de problèmes particuliers pour assassiner ce genre de personnes. Vous savez, les amitiés, ça passe. Et surtout, ça ne sert à rien qu'à lier. Bon, si un de mes potes me sauvait la vie, je pourrais pas le tuer après. Je le sais. Parce que je serais redevable. J'ai trop de valeurs, faudrait que j'en noie certaines pour devenir une vieille pourriture sans aucune droiture.
La belle vie.

Je me balance bas, juste pour m'occuper la tête. J'ai reçu un magnifique message aujourd'hui, disant, que, que, que, que, que ?
Plus beau jour de ma vie, vous savez. Enfin un peu d'action !
Que dès demain, je pouvais quitter ces lieux pourris, moisis, ces machins chiants qui hurlent, courent de partout, quitter la chambre qui laisse pas du tout le jour entrer, et aussi ces gens qui travaillent et qui te regardent avec des yeux emplis de haine, et c'est pathétique ! Et aussi ces runes. Et surtout le sang que les Souls ont foutu partout, franchement, c'est dégueulasse. Mais c'était marrant. Enfin, eux, ils ont pas à vivre ici après quoi, merde, ça sentait pas super bon.
Vous imaginez même pas les mouches après.

Je suis franchement de bonne humeur. Simplement calme. Et ça m'étonne tellement de moi que je m'offrirai bien des messages. Puis Mikeal arrive. Lui, par contre, pète la forme. Tant mieux. Il fait mal quand il va pas des masses trop bien. Ma phrase veut rien dire, mais vous parlez pas non plus en phrases construites dans votre tête, alors je fais ce que je veux. Hum.
Il débarque donc, choppe la vieille balançoire à côté de moi et se met à se balancer; il faut qu'il aille le plus haut bien sûr, sinon ça serait nul c'est ça ? Si il me rentre dedans, je le jure sur la mémoire de Mavis, que je lui explose le crâne à la hache. Parce que merde, j'ai un bleu énormissime sur la mâchoire. Hier, il était noir.
C'est moins sexy tout à coup, et en plus ça fait grave mal. Mais j'ai pas trouvé de raisons de le cacher, alors quatre gosses m'ont demandé pourquoi. Sans doute que ça a du leur faire plaisir que je me sois fais un peu mal. C'est assez étrange de se sentir détesté par autant de gens. J'arrive pas à savoir si j'y prends mon pied ou pas.. mais..
Je crois que oui.

Et il saute. J'oserai espérer qu'il se ramasse les dents par terre mais il serait vraiment pourrave en télékinésie sinon. Un gros nul. Parce que si ça sert pas à se sauver, les dons et pouvoirs, ça servirait pas à grand chose. Oh, si, à être flemmard ! Mais moi ça marche pas très bien quand même. A part pour donner des ordres à tout le monde mais ça, à la limite, bon. Y'a les esclaves quoi.

Bon bref, il revient, il a l'air tout content, tout frétillant, c'est bien Mike. Je pourrais dire que je faisais ça quand j'étais gosse mais.. non. Quand j'étais gosse .. je.. ba jouais pas trop. Je crois qu'on est tous aussi immature parce qu'on à pas pu l'être avant. Il faut un âge légal chez les noirs pour être débile et puérile.
Visiblement il a la maturité.
Il s'approche et, mains sur les cuisses, ses lèvres viennent toucher les miennes. Bah. C'est comme se faire la bise, vous voyez ? En plus rapide. Et plus marrant, aussi. C'est une habitude comme une autre. Dans certains endroits, ils se font quatre bises, et dans d'autres ils ont tous un check différents.
Et bien nous, c'est un.

Il se rassoit sur la balançoire et je remercie le monde entier qu'il ne m'ait pas tamponné, je suis de bonne humeur, et j'ai pas envie de m'agacer. Parce que ouais, bonne humeur ou pas, June reste June. J'ai toujours eu les nerfs un peu sensibles..
Ouais.

- Devine quoi June June ?

Je dirai rien sur le fait que la répétition de mon prénom fait un peu débile, et que ça marche pas trop trop. Je le regarde dans les yeux pour lui montrer que quand même, je porte un peu d'intérêt à sa devinette.
J'ai envie de lui demander si la bonne nouvelle, c'est qu'il part, mais en l'occurrence, c'est moi qui me casse, et qu'il reste ou non, j'm'en fou.
Il s'approche trop près, et ça me fait baliser, parce que j'aime pas les gens trop près.

- C'est mon anniversaire.
- Ouuuuuh. C'est génial.

Je me mets à rire, gentiment mais forcément c'est un peu moqueur. Sourire aux lèvres je fais mine de réfléchir. Je sais que je risque de me prendre une patate dans l'épaule ou du genre mais je lâche.

- Laisse moi réfléchir.. disons.. Trente ans ? Non, peut être pas quand même.. Vingt huit ?

J'dois toucher au but là, non ? Ahah. Pauvre petit. Je devrais peut être lui souhaiter, non ? Il paraît que c'est ce que font certaines familles. Ca servirait à quoi au juste ? A .. avoir des cadeaux ? Les gens savent pas quand je suis née, et j'ai pas de parents, frères, cousins, neveux, ni tantes. Alors ma foi.
Il paraît qu'ils ont même inventé une musique, une chansonnette sur cet événement. Enfin, j'ai pas envie de gâcher Mikeal avec un regard tout à fait méprisant.. alors. . Oh, non, ça ferait trop cliché. Je lui souhaiterai quand il aurait été gentil. Si il est gentil. Mike peut être gentil ? Pas torturé, blessé, ou quoi que se soit, mais vraiment gentil ?
Moi je sais pas faire j'crois. Plus faire tout du moins.

- Il a eut des jolis cadeaux le petit Mikeal ?

Nia nia nia. Je devrais peut être lui offrir quelque chose aussi, mais .. je suis trop égoïste pour partager mes sous. Et rien que parce qu'il fume des indus, et moi des roulées, je lui offrirai rien. Rien du tout.
Tiens, d'ailleurs, j'ai pas de clope entre les doigts. Etrang

June et moi, on a notre forme de salut. Voilà, c'est devenu officiel parce que je l'ai décidé. Et en ce jour, je suis le maître du monde. Voilà. Et comme elle m'a pas rejeté, ou quoi que se soit, ça veut dire que ça la dérange pas. Par contre, je fais ça quand il n'y a personne autour de nous. Vous imaginez sinon ? Se serait ... Bizarre ou alors on s'en prendrais plein la gueule. Et j'ai pas vraiment envie de me battre avec d'autres sorciers noirs, surtout quand je sais que je suis loin d'être le plus fort et même le moins psychopathe. Moi qui pensait que j'étais fou parfois, en voyant les Soul, je leur descerne la médaille d'or sans hésitation.

Et puis, c'est mieux de s'embrasser, plutôt que de juste se faire la bise ou se serrer la main. Ou même mieux qu'un mot. C'est mieux. Point. Ouais, je sais pas trop ce que je dis, ça se voit, non ? Aller, pardonnez moi, c'est mon anniversaire. J'ai tous les droits. Je vous demande pas vraiment votre avis en plus. C'est comme ça un point c'est tout. Soumettez-vous à moi ! Ahaha.

- Ouuuuuh. C'est génial.

Nan mais, genre tu te moques de moi. C'est vrai qu'on dirait un gamin de cinq ans qui dit ça. Qui veut avoir l'attention sur lui. Qui veut qu'on lui souhaite. Parce que pour le moment, personne ne me l'a souhaité. En même temps, c'est pas le genre de truc qu'on se raconte à Rosenrot. Et même si Anja a mon dossier complet et donc connait sûrement ma date de naissance, ce n'est pas le genre à faire des surprises party. Encore moins pour moi. Mes parents ne me l'ont jamais souhaité. Il n'y avait que Alfred pour me donner un peu de joie dans ce jour. Et mon frère, bien évidemment. Mais je crois qu'il est en voyage. C'est bien dommage ! Ironie, quand tu nous tiens.

Et Alfred, eh bien, peut être plus tard dans la journée. Après tout, c'est jusque minuit. Bref, June, te moque pas de moi. Je suis un petit enfant malheureux. Mais aujourd'hui, je ne dirais rien de ma tristesse, pas comme la dernière fois. Sinon c'est nul. Aujourd'hui, j'ai la joie de vivre, et c'es cool. Parce que ma famille ne m'atteint pas, je me fous de tout le reste, je me fous de tout. C'est mieux comme ça, beaucoup mieux. Car les sentiments, ça pue, c'est nul, ça craint.

- Laisse moi réfléchir.. disons.. Trente ans ? Non, peut être pas quand même.. Vingt huit ?

Elle me cherche là, elle me cherche ! Je me lève de ma balançoire, me mets devant elle, pose mes mains sur ses épaules et la pousse dans le vide. Et je la rejoins, comme ça je suis sûr qu'elle tombera par terre. Mais j'utilise la télékinésie pour pas que la chute soit trop violente.

Nous voilà donc par terre, et moi je ris. Et puis du coup, j'ai la flemme de me relever. Mais c'est pas une position super confortable comme ça.

- Me prends pas pour un vieux, j'ai vingt quatre ans, gamine.

Parce que tout ce qui est plus jeune que moi est gamin. Voilà. Juste retour de la chose ! Mouahaha. Je m'aime. Et quand je décide que je m'aime eh bien, c'est vrai. Euuuh ... Je m'égare là je crois. Bref, je me relève, sans l'embrasser cette fois, miracle de la vie ! Je la boude, j'vais pas aller lui faire des bisous en plus, c'est nul. Par contre je lui prends la main et l'aide à se relever. Trop gentil, vraiment, je suis trop gentil. C'est pas bien, pas bien du tout.

Je me rassoie donc sur ma balançoire et me remets dans mon ancienne position. C'est à dire, prêt de June, comme ça je peux tout lui faire, à tout moment. Sauf que, je lui prends la main. Je sais pas pourquoi, non plus. Mais c'est comme ça.

- Il a eut des jolis cadeaux le petit Mikeal ?

Je lâche un rictus. Non, pas de cadeaux. Pas de bon anniversaire non plus pour le moment. En même temps, quelles sortes de parents noirs apportent de la joie à leur enfant, honnêtement ? C'est n'importe quoi ! Se serait tout une éducation à revoir. Si les noirs étaient gentils, ils seraient à Orpheo, et pas chez Croix ou Rosenrot.

Donc non, pas de gentillesse dans la famille. Pas de choses qui font plaisir. Même le repas ne change pas de d'habitude. En même temps, on est riche, on a l'habitude de manger des... Bons trucs. Ce qui ne m'empêche pas du tout d’apprécier le McDo de temps en temps. Ou même des boites de conserve.

Je suis riche, ouais, mais parfois, je ne me prends pas la tête. J'me demande comment je serais avec mes gosses, plus tard. Enfin, j'ai dit que je ne voulais pas de gosse. Ça braille, c'est horrible. C'est un virus cette chose. Qui se propage incroyablement vite. Trop vite. Beurk. Enfant égal caca. Dans tous les sens du terme, vous voyez ce que je veux dire ? Oui, vous voyez.

Parce que ici... J'ai même du changer des gosses. Ouais. C'est naze. Très naze, le caca qui remonte jusqu'au milieu du dos, non merci. J'ai aps envie de vivre ça tous les jours. Ha mais oui ! J'ai des esclaves ! Mais, ici aussi il y a des esclaves, alors pourquoi ... ? Ha oui, Redwan. Saleté celui là. La prochaine fois que je le croise, je le bute.

Comme quoi je vous ai dit que j'étais trop gentil. Un peu naïf et con aussi parfois apparemment... Je me plains. Vraiment.

- T'es drôle June. Chez nous, cadeaux ou même "Joyeux anniversaire" ça n'existe pas.

Même si je croise Cornelius il ne dira rien. Absolument rien. Il me croisera, le regard mauvais, regard que je tiendrais et on continuera tous les deux notre chemin. Piint. Enfin, s'il est encore là.

- Du coup, tu veux bien me faire un cadeau toi ? Et je te ferais un super truc le jour de ton anniversaire.

Sourire colgate. Ouais, j'aime bien dire ça jai l'impression. Par contre, elle serait gentille de ne pas m'offrir juste .. Une clope. Je le prendrais mal. Je ferais juste "Ho, trop d'honneur". Mais moi, je suis gentil. Mais je sais pas encore ce que je lui prendrais pour son anniversaire. Faudrait déjà que je la connaisse mieux pour ça. A part la faire gagner à tous les jeux vidéos possibles et inimaginables, la baiser... Je vois pas. Voilà, super ce que je connais d'elle, n'est-ce pas ?

En même temps, chez nous, on ne connait quasiment rien de nos collègues. Notre passé c'est nos faiblesses. On expose pas nos faiblesses à ceux qui peuvent nous tuer à tout moment, sur simple ordre. Alors on se tais, on ment, on invente, une vie meilleure, et on essaie de la vivre, tout simplement. Tout simplement.

Vous savez ce que j'aurais adoré avoir ? Plus que tout ? Plus qu'une famille, plus que des frères, ou soeurs, plus qu'un chien quand j'étais petite ? Peut être même plus que de n'avoir pas tué Mavis ?
Avoir quelqu'un qui me choisirait. Qui me choisirait moi plus qu'un départ, moi plus qu'une autre, moi plus qu'un frère ou un père. Moi plus qu'un don, plus qu'une vie. Juste moi, tout entière. Quelqu'un qui me connaîtrait entièrement. Mais vous voyez, c'est plus possible. Et.. je sais que ça ne le sera plus. Parce que quand je suis bien avec quelqu'un, il faut que je le repousse. Le plus vite possible. Mais ça va Mike, n'est pas encore trop près.

- Me prends pas pour un vieux, j'ai vingt quatre ans, gamine.

Vingt quatre ans ? Ahahah, peut être dix de moins sous son crâne. Il me dit quand même ça après m'avoir renversée de la balançoire et que je me sois écrasée par terre.. et.. c'est lui qui me traite de gamine. Bon après je dis ça, je dis rien quoi. Clame haut et fort que tu es mature, on te croira facilement.
Gros gamin va !

- T'es drôle June. Chez nous, cadeaux ou même "Joyeux anniversaire" ça n'existe pas.

Je sais très bien que je suis drôle, mais merci quand même petit garçon de me rappeler que mon sens de l'humour est des plus exquis. C'est toujours agréable quand on flatte notre égo, forcément. Surtout quand c'est lui quoi, et que je sais que son égo flotte tranquillement des kilomètres au dessus de l'atmosphère terrestre. Je me demande si à cette instant, d'ailleurs, il ne va pas percuter Mars, parce que bon, le fait que ça soit son anniversaire à l'air de le rendre frétillant.
Ouais ouais, frétillant.

- Du coup, tu veux bien me faire un cadeau toi ? Et je te ferais un super truc le jour de ton anniversaire.

Oh, merde. Voilà tout ce que j'ai envie de dire. Forcément, naturellement, il aurait pu crever, la bouche dans une flaque, que j'aurais pas dis oui. N'oubliez pas que je suis totalement égoïste. Et ce, pour toujours.
Mais il a proposé de me faire un super truc alors forcément, ça m'intéresse. Mais là, tout de suite, j'ai pas gagné deux mille dollars. Et même si je pouvais les gagner, je les mettrais pas dans un cadeau. Surtout pas dans un cadeau d'anniversaire. Et encore moins dans un cadeau d'anniversaire pour Mikeal O'Callaghan.
Mais j'aimerai bien ma surprise quand même, vous me comprenez ? Parce que j'aimerai savoir ce que ça fait, d'avoir un cadeau. Caaaa-deaaau. C'est ultra anormal comme mot, déjà, et ça veut pas dire grand chose finalement. Eh, sérieusement, cadeau. Répétez plusieurs fois dans votre tête, cadeau. Ca. Deau. Deau. Ca. Cadeau ! Cadeau. Cadeau, cadeau.
Et à la fin, ça veut plus rien dire du tout. Vous comprenez ?
Moi oui. Et de vous, je m'en fou.

- D'accord.

Je sais pas pourquoi j'accepte, et je sais très bien que dans la seconde que je vais suivre je vais déjà regretter, voilà, je regrette déjà. Voilà, voilà, c'est ta faute Mike, putain, j'le savais ! J'aurais pas dù. Merde, merde, merde.
Merde.
Bon. Va bien falloir trouver quoi du coup, quand même, pour pas qu'il croit que ma parole ne vaut rien. Parce que c'est faux, vous voyez ? Mais j'ai la flemme de réfléchir, et j'ai pas trop trop envie de faire d'effort alors qu'il y a juste deux secondes j'étais par terre.

- Ce que tu veux. Choisis. Mais rien de payant.

Je lève les yeux un instant. Il fait moche, vraiment moche. Et j'ai une robe blanche. C'est génial ! Je regarde mes rangers chocolat, en me disant qu'il va trouver tous les trucs les plus horribles, et humiliants, et chiants, et fatiguant à faire de toute la terre juste parce que c'est moi, et qu'il est lui.
Ce qui est largement suffisant, soit dit en passant.
De toute façon, je pourrais rien lui acheter de payant parce qu'on est pas téléporteurs, qu'on ira sûrement pas demander de l'aide à qui que se soit où ça paraîtrait vraiment, vraiment trop bizarre, et qu'à L.A (On dirait que ça fait Los Angeles mais non, c'est daubé) y'a rien ) acheter, rien à visiter, rien à faire. Nul quoi.
Et il est hors de question que je le serve, par la même occasion, sinon je fais de lui mon pantin pour la journée, quitte à finir avec le cerveau complètement explosé. Il a l'habitude de toute façon le pauvre.
Ah, et faut que je lui souhaite, c'est la coutume.

Je m'avance avec une tendresse jouée, comme le reste de ma vie, et pose une main sur sa joue avant de l'embrasser avec douceur. Je sais faire, j'ai appris à le faire. C'était pas inné. J'ai pas de douceur en moi. J'entrouvre les lèvres alors que je m'accroche d'une main à sa nuque, alors que ma langue danse avec la sienne. C'est plus agréable que la première fois. Peut être parce qu'on se connait un peu mieux. Je.. je sais pas. Peut être que c'est parce qu'il est plus un inconnu et que ça change quelques petits détails. J'en sais rien, j'ai pas envie de savoir.

Je me recule donc finalement, avant de souffler.

- Joyeux anniversaire.

Peut être bien que je le pense vraiment.
Peut être.
Non, j'rigole.

- D'accord.

Et là, c'est comme si j'étais un gamin. Mais un vrai, de cinq ans, qui n'a pas encore eu d'éducation de noir, qui attend tout de la vie. Qui veut juste être heureux. J'étais optimiste étant petit. Je le suis toujours d'ailleurs, espérant que demain sera mieux qu'hier. du coup je lui décroche un énorme sourire, joyeux. Comme un gamin. Voilà, moi, j'ai cinq ans. Et j'aime bien avoir cinq ans, techniquement, on t'engueule pas trop quand t'as cinq ans. Surtout Alfred. C'était elle la meilleure. J'aurais aimé que se soit elle ma mère. Mais dans ce cas là, je serais encore plus gentil que je ne le suis aujourd'hui. Et ça, c'est pas très bon.

Enfin, je suis content. Parce que je vais avoir un cadeau. Et les enfants, ça aime les cadeaux. Par contre, elle ne me connait pas, elle ne saura pas ce que je veux. Et ça tombe bien, parce que moi non plus je sais pas. J'en sais rien en fait. Je veux juste être heureux, qu'on me fasse plaisir. Et ds fois, les petits plaisirs sont les plus simples. Genre, juste une petite surprise, vous voyez ?

Disons que des fois, je traîne devant les collèges, les lycées ou je ne sais quoi. J'observe juste, parce que je n'ai rien à faire. Sans mauvaise pensée parfois. Et là, une fille court dans les bras d'un garçon, qu'elle embrasse. Presque les larmes aux yeux. "Surprise" dit le garçon. Comme quoi, rendre heureux, c'est pas compliqué. T'as juste à aller chercher ta copine quand elle quitte les cours. Sans qu'elle le sache.

Sauf que nous, on est là, tous les deux, dans cet orphelinat plein de gosse. Je suis riche, je m'achète tout ce que je veux. Et du coup, je ne sais pas ce que je veux. Mais genre, rien du tout. Je suis un enfant gâté un peu. Un peu trop du coup parfois. Mais je gère assez bien ma vie, du moins, c'est ce que je pense.

- Ce que tu veux. Choisis. Mais rien de payant.

Une pipe. Non Mike ! Ne dis pas ça ! Ne le dis pas. Sinon tu vas te prendre une baffe, monumentale. C'est obligé. Donc ne le dis pas. Mais, je suis un gamin, non ? Si. Oui mais non. Ça veut traverser les lèvres, je lutte de toutes mes forces pour te pas le dire.

Elle s'avance vers moi, pose une main sur ma joue et m'embrasse. Baiser que je lui rend, laissant nos langues valser ensemble tandis qu'une de ses mains s'accroche à ma nuque. Heureux, je suis heureux. Elle se décroche.

- Joyeux anniversaire.

Le sourire de gamin revient, du coup, je dépose un léger baiser sur ses lèvres, sincère. Une façon de dire merci, j'espère qu'elle le comprendra de cette façon. Ça fait du bien, en quelques sortes, qu'on me le dise. Qu'elle le pense ou pas ne change rien, je m'en fiche. Elle l'a dit. Et pour moi, c'est le plus important. Aujourd'hui, j'ai cinq ans. Aujourd'hui, on m'a souhaité mon anniversaire. Aujourd'hui, je suis heureux.

Une autre idée débile me vient en tête. Je la prends, sur mes genoux. Je m'en fiche qu'elle soit d'accord ou pas, c'est la même chose. Et puis je chuchote, bas, très bas. Je sais pas si je veux qu'elle l'entende ou pas. Peut être, mais j'ai peur.

- Reste avec moi... Tout le temps...

C'est pas bien ce que je dis. Ça me fait peur. J'aurais même voulu dire, pour toujours. Protège moi, tout le temps. Parce que j'ai peur, et que je t'aime bien, June. Mon coeur bat la chamade, j'ai peur de sa réponse. Extrêmement peur. Avant que je le dise, ma tête était penché, caché. Elle l'est toujours, mais je rougis en plus. Voilà. Trop gentil Mike, trop gentil. C'est pas bien.

Je décide donc de me reprendre, relève la tête, peut être que quelques rougeurs sont encore présentes sur mes joues, mais je m'en fiche. Je lâche mon sourire à la con. Le sourire qui dit je m'apprête à dire quelque chose de très con. Extrêmement con. Mais je suis en mauvaise position, pour m'enfuir. Parce que je sais qu'elle va répliquer. C'est juste obligé après ce que je vais lui dire. Surtout, que c'est pour déconner.

- Je veux une pipe.

Voilà, je l'ai dit, c'est fait. Alors je me lève, d'un coup et commence à courir, pour être hors de portée d'un quelconque coup qu'elle pourrait me porter. Je veux pas être taper. Je veux paaaaaas ! Ça fait mal quand on est tapé. Ça fait mal.

Je suis à quelques pas d'elle, pas beaucoup, mais je m'arrête, pour rigoler. Parce que c'est pour rire après tout, tout ça. Ce n'est qu'un jeu, pas vrai June ? Ou pas. Je sais pas en fait, j'en sais rien. Et c'est pas comme si j'y faisais beaucoup attention.

Alors June, je rigolais, alors s'il te plait, me tape pas. Steuplaaaaaait. C'était une blague, juste une blague. Même si j'aimerais bien une pipe, c'est cool. Faut que j'arrête avec ça, décidément. Vilain Mike.

On apprécie pas la valeur des choses, je suppose, quand on est riche. Je suis pas sûre de les apprécier non plus, parce que je ne suis pas matérialiste, mais avoir quelques blondes de temps en temps, ça serait bien. Ou avoir un grand appartement, aussi, ou juste un bien, un peu plus fonctionnel. J'aurais peut être une voiture, ce qu'évidemment, je n'ai pas. C'est pas très pratique mais en règle générale, j'oblige quelqu'un à m'emmener.. C'est le plus facile, le plus rapide. Et si c'est mon coup de la veille, c'est encore mieux, parce qu'il aurait vraiment servit à quelque chose.
J'aimerai bien être riche. Etre une putain de riche à la tête d'une organisation. Ce serait trop, bien. Fatiguant, aussi, mais j'aurais un sacré pouvoir.

Il m'attire sur ses genoux. J'ai pris l'habitude d'être comme une poupée. Il prend ma main et m'entraîne quand il veut de toute façon, et là c'est un peu pareil. Je pourrais résister mais je sais qu'il a simplement plus de force que moi, et mes cinquante kilos. C'est affligeant, en y pensant, qu'on puisse être déplacée de la sorte sans trop d'effort. Bon, Mikeal ne compte pas, il est télékinésiste.

Ses lèvres forment quelques mots que je capte alors qu'il est à mi-voix. Des mots qui laissent la June sans émotion revenir en force.

- Reste avec moi... Tout le temps...

Je perd toute expression, tout mouvement qui prouve que nous sommes en vie. Comme cligner régulièrement des yeux, sourires, toutes les mimiques du visage, bouger sans cesse les mains, les doigts, les yeux, s'agiter un peu, incliner la tête ou la tourner, jouer avec ses cheveux, croiser les jambes, toucher l'autre, tout ça fuit de mon corps alors que je lâche.

- Je pars demain.

C'est tellement détaché que j'aurais très bien pu dire qu'il faisait moche et qu'il allait bientôt pleuvoir. J'ai pas envie d'avoir le moindre côté négatif sur le fait que je pars. Je suis comme un objet qu'on pousse, place, déplace. Ca n'a d'importance ni pour moi, ni pour personne parce que justement. Je ne suis personne.
Personne.
Il faut garder son costume. Et tant pis s'il est tout déchiré, parce que c'est le seul qu'on puisse avoir. Le mien finira en cendres, mais tant pis, je le traînerai derrière moi. Mon costume, mon masque, la personne que je suis à l'extérieure. Pas celle de l'intérieure. C'est tout l'inverse des princes charmants. Je suis la princesse à l'extérieur et le crapaud à l'intérieur. Mais il ne suffit pas de m'embrasser pour l'apercevoir. Il faudrait gratter les apparences, et personne ne le peut.
Je regarde Mikeal relever la tête, les joues encore un peu rouge de ce qu'il vient de demander, et je ne sais pas quoi en penser. Si.. le fait qu'il laisse les émotions parcourir son visage, ça fait de moi quelqu'un d'un peu plus particulier à ses yeux, ou si le fait qu'il fasse ça n'est qu'une faiblesse, un truc qu'il devrait refouler comme nous tous ?
Je crois qu'il ne devrait pas laisser son visage s'exprimer ainsi à sa guise, mais j'ai pas envie qu'il arrête non plus.
Paradoxe de ma vie.

Puis je vois son sourire.
Je le sens pas du tout, là.

- Je veux une pipe.

Et il se lève pour partir en courant. J'ai la flemme de lui courir après comme une enfant, alors qu'il tentera de m'esquiver. On sera vu, de plus, autant par les autres sorciers qui pourraient traîner dans les parages, que par les gosses qui pourraient bien nous trouver débiles et nous mettre misère après.
Je lui lance donc un regard tout à fait étonné, et fait genre d'être un peu choquée, avant de laisser glisser entre mes lèvres, l'air innocente et naïve. Et si c'est pas crédible une seule seconde je m'en fiche.

- Mais c'est payant ça, O'Callaghan. La moindre pute, dans le coin, devrait coûter trente pounds, et j'ai pas un rond.

J'ai envie de lui tirer la langue mais je réprime ça, c'est bon, je suis assez immature comme ça. Je crois que je l'ai déjà été assez pour mes cinquante prochaines années. Et dans cinquante ans, j'aurais plus envie de faire l'idiote. Peut être que ma culpabilité m'aura rattrapé, parce que j'en aurai eu marre de courir. Ou j'aurais simplement ralenti. Ou alors, comme dans les films, j'y aurais fait face.
Et pas comme dans les films, j'en sortirai pas vivante.

J'ai l'estomac qui pique un peu, d'ailleurs. J'arrive pas à savoir pourquoi mais lèvres pincées, je faire taire la sensation qui me donne envie de tout laisser tomber. Je crois que c'est le monstre qui dort dans mon coeur qui voudrait sortir et tout bousiller. Mais je ne peux pas, comme toujours. Sinon Mikeal en prendrait pour ses frais, peut être que les enfants aussi, et finalement, moi.

J'espère qu'il ne pense pas s'en tirer quand même aussi facilement quand même. J'veux dire, je suis pas une fille gentille d'Orphéo. C'est mielleux d'ailleurs, gentille, et ça sonne faux, ça sonne mielleux. Personne n'est totalement gentil, c'est obligé.

- Mais colle toi une baffe, gamin.

J'ai pas mis beaucoup de volonté, parce que je sais qu'il va y résister, et si il le fait pas, raison de plus pour ne pas trop insister. Bref, du coup, si il fait tout pour ne pas le faire, il me vrillera pas les tympans, les yeux aussi, et les nerfs avec. Mais j'veux quand même qu'il le fasse, pour avoir osé sortir une obscénité pareille. Merde, j'aurai pu être choquée. Bon, c'est raté, je le reconnais.

Oh. Il pleut. Ma robe va être transparente.
Ba. Il m'a déjà vu à poil.

J'm'en fou alors. Comme de tout. Même de lui.
Même de lui ?

Je savais que j'aurais pas du dire ça. Je le savais, vous voyez ? Je sens que ça va pas. Elle est contre moi après tout, mais je n'ose pas lever les yeux, j'ai trop peur de ce que je vais voir. J'ai peur d'avoir mal, c'est ça. Peut de tout ça. Peur de sa réaction. J'ai peur qu'elle me dise de m'en aller. Parce que je sais qu'elle m'a entendue, sinon elle ne réagirait pas comme ça. Qu'est-ce qui m'a pris de dire ça ? Honnêtement ? C'est n'importe quoi. Je commence à dire n'importe quoi. J'ai peur. Peur, peur, peur.

- Je pars demain.

Ça fait moins mal que ce que je pensais. Beaucoup moins mal. J'ai eu peur, j'ai eu peur qu'elle dise autre chose. Ça aussi ça fait mal, un petit pincement au coeur. Pourquoi ? J'en sais rien. Je suis complètement perdu, tout ça, c'est du n'importe quoi. C'est censé être un jeu. Juste un jeu. Qu'un jeu.

Mais en même temps, si elle part, ça me permettra de voir vraiment ce qu'il en est. Ne plus avoir à me raccrocher à personne. Je crois. Je vais m'ennuyer sans elle je pense. Je n'ose pas lui demander où elle va, si nous nous reverrons. J'ai peur de ce qu'elle pourra dire. Très peur. Et je ne veux pas avoir mal. Je suis un lâche, je fuis la tristesse, je la fuis de toutes mes forces. Je fuis la dépression, je fuis les choses qui blessent.

Frappe moi autant que tu veux, fais moi saigner, je m'en fiche. Mais les mots, se sont les choses qui restent ancrés profondément en soi. C'est la chose la plus dur à oublier. Surtout ceux qui font mal, ils sont à jamais dans ta chair, dans ta peau, dans ton coeur. Tu ne peux pas les oublier. "Le temps répare les blessures" c'est des conneries tout ça. Des merdes pour dire que demain ira mieux. Alors que non. Tu fuis juste, tu les caches. Et des fois, quand la pression est trop grosse, tu pleures à chaudes larmes, mais c'est tout.

Et tu ne veux pas pleurer, évidemment. Pleurer, c'est pour les faibles. Et toi, tu essaies toujours de faire croire que tu ne l'es pas, même à toi même. Tu mens à tout le monde mais surtout, tu te mens à toi même. Alors même lorsque tu es seul, même quand toute cette pression s'abat sur tes épaules, tu contiens tes larmes, du mieux que tu peux, car tu sais que sinon, tu ne pourras plus t'arrêter, parce que tu vas juste ressasser tous les mauvais souvenirs qui te hantent. Et ça, c'est mal. Alors tu oublies, tu mieux que tu peux, tu essaies, tant bien que mal. Tous les jours, pendant toutes les secondes de ta misérable existence.

Sinon, à part ça, vous allez bien ? Non, ne répondez pas, je m'en fiche. Je suis égoïste. Elle me court même pas après. Genre, elle me court pas après. Nan mais genre quoi. Grosse gamine qu'elle est. Je suis incroyablement déçu. Je m'attendais à recevoir une baffe moi ! C'est presque pas drôle sinon. Vous croyez quoi ? Je dis une connerie, je la cherche, je la provoque, faut bien qu'elle réponde, non ?

Non, son regard choqué de prude ne suffit pas. Parce que je sais qu'elle ne l'est aps du tout. Sinon, pourquoi on aurait couché ensemble quelques minutes après la première parole échangée ?

- Mais c'est payant ça, O'Callaghan. La moindre pute, dans le coin, devrait coûter trente pounds, et j'ai pas un rond.

Ahaha, très drôle. Je suis sûr qu'elle se croit hilarante. C'est obligé. Obligé.

- Je préférerais que ça vienne de toi.

Ajoutez à ça un air rieur, un peu provocateur. Sinon, ça ne viendrait décidément pas de moi. Et se serait nul. Vous imaginez, quelque chose dit par moi mais pas fait selon ma mixture ? Mon dieu, que se serait sombrement naze. Nul, pourri, à chier.

- Mais colle toi une baffe, gamin.

Oh non, j'ai pas envie ! Sauf que il y a déjà ma main qui m'arrive à la figure, une moue dégoûtée, je la laisse me taper la joue, contrôlant à peu près la force. Ça y est, t'es contente ? J'y ai même pas résisté en plus. Je suis trop faible. C'est naze. Elle a trop d'emprise sur moi en fait je crois, c'est vraiment pas bien. Vilaine June. Et vilain Mike aussi qui la laisse faire. On est tout de même deux dans l'affaire. Je crois que parfois, j'ai des tendance masochiste, à toujours me ... Me ... Me ... Comment on dit déjà ? Me rabaisser ! Voilà, c'est ça. Donc, à toujours me rabaisser comme ça, même dans ma tête. C'est déjà ça. C'est déjà trop. C'est pas bien. Vilain Mike ! Faut vraiment que j'arrête, sinon je vais laisser les autres le dire, sans que je les engueule ou que je fasse quoi que se soit. Et... Se serait vraiment nul. Se serait un changement de personnalité, un autre Mike. Toujours moi, mais différent. Et en gentillesse. Beurk, ça me dégoûte rien que d'y penser. On se reprend en main !

La pluie s'abat, d'un coup. Merde, j'la sentais venir depuis le début celle là. Et c'est nul. Je déteste la pluie. Je la hais. Je ressemble à rien avec de la pluie. Mes vêtements vont collés, surtout mon tee-shirt, il est super fin. June va voir mon torse ! Oh mon dieu ! Non ! Je suis pure, chaste et innocent ! Aheum. Faut que j'arrête avec mes conneries aussi... Ou pas.

Et puis, elle aussi est en blanc. Une jolie robe blanche d'ailleurs, que je dois avoir dégueulasser tout à l'heure en la foutant par terre. Maintenant ça va être tout moche. Pas grave. J'peux lui donner ma veste si elle veut. Mais elle voudra pas. Donc je ne proposerai pas et je ne le ferais aps non plus de ma propre initiative. Pas après ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Non, sûrement pas.

Bref, j'me suis collé ma baffe, elle soit être heureuse. La pluie s'abat plus fort et me voilà déjà... Tout trempé. Ma veste est lourde, beaucoup trop lourde, alors je la jette sur la balançoire en passant. Je m'approche de June, calmement.

Je pose mes mains sur ses hanches, me rapproche davantage d'elle et pose mes lèvres sur les siennes, sous la pluie. Parce que c'est cool. Vachement cool. Trop top méga cool. Et je me mets à rigoler, parce que je trouve ça drôle, de s'embrasser sous la pluie. Peut être un peu trop romantique aussi ... Oula, ça me fait peur de parler de ça. Romantisme, je lui chie dessus à celui là. Bref, c'était pas l'idée de base, donc on ne dit rien ! Tout le monde se tait, tout le monde ! Et puis, j'ai pas envie de rentrer maintenant.

Je joins mes mains aux siennes, pose mon front sur le seins et sourit, en la regardant dans les yeux. Hey, June, j'suis bien là. J'ai pas envie de partir. Et j'ai pas envie que tu partes non plus. Mais j'ai pas le droit de le dire. J'ai pas le droit. Par contre, j'aimerais bien avoir le même don que toi, pour te l'ordonner, de ne pas partir. Mais dans ce cas là, je serais découvert. Et ça non plus c'est pas bien. Mais j'ai quand même pas envie qu'elle parte. June, c'est quand qu'on va se revoir ?

Je ne sais pas qui je suis. Simplement et clairement. Bizarrement, me barrer d'ici me fait juste plaisir, et je sais que je ne considère Mikeal que comme une option. Une option plutôt cool. Et le dire ne m'a rien fait. Parce que je pars et que c'est une simple réalité, que j'accepte avec facilité et détachement.
Au vu de ce que je vois, c'est la même chose pour lui. Bon. C'est pas comme si j'avais l'habitude d'être seule et ou rejetée, mise de côté. Et bien.. ça ne me fait rien. Non, vraiment, je m'en fou. C'est plus facile comme ça, pour moi, pour lui, pour nous deux. Mais pas pour nous, bien sûr, parce que "nous" n'existe pas. Et n'existera jamais.

Qu'est-ce que qui fait le plus mal ? Ne pas savoir ? Ou savoir un truc qui fait mal ? Ne pas savoir. Voilà. Sinon, je lui demanderai si lui, il reste. Ou.. enfin je ne sais pas. Non, je ne demanderai rien ça.. ça n'a aucune importance. Le fait que nos chemins se croisent un instant, c'était marrant mais rien de très long, rien de durable, rien qui n'ait besoin d'être ancrée sous la peau de qui que se soit. J'ai déjà trop de trucs qui me saignent à l'intérieur, pas besoin d'y rajouter un nom.
Surtout pas un gars de Rosenrot.

- Je préférerais que ça vienne de toi.

Et bah vas-y, traite moi de pute, je dirai rien très cher ami. Enfin, il l'a pas vraiment fait mais ok, d'accord. Le truc c'est que ça me fait quand même rire parce que je sais que c'est des taquineries. Bon, après je crois pas qu'il serait totalement contre mais il doit se douter que j'ai un poil, ouais, un mini poil de respect envers ma personne pour pas faire ça tranquillement, en plein milieu d'une cours visible de tout le monde.

- On verra ça une prochaine fois.

A peine les mots ont coulés de ma bouche que j'ai qu'une envie, c'est de les rattraper. Je pourrais courir un marathon entier même six, pour ne pas les avoir dis. Putain, c'est ultra cramé ça, ça veut dire que je veux le revoir, ouais, qu'il y aura une prochaine fois, et merde, je devais jouer la détacher, et je hais la vraie June que je suis.
J'veux dire, je croyais que j'arrivais toujours à parfaitement bien maîtriser ça, et que les flèches qui se plantaient en moi n'atteignaient pas la vraie petite fille qui restera toujours cachée dans un coin. Sur ce point là, j'avais raison. Mais je savais pas que la petite fille pouvait hurler ce qu'elle voulait, ressentait, en quelques mots.
Ruinant mon indifférence et ma négligence.
N'est-ce pas injuste ?

Il se met à pleuvoir. De grosses gouttes dans un orage sublime. J'entends les hurlements et cris des enfants qui rentrent se mettre à l'abri je suppose. Je ne comprend pas pourquoi nous, on reste sous la pluie. Personnellement, elle ne me gêne pas tant que ça. Pas du tout, d'ailleurs. Ma tante aimait bien me punir sous la pluie, quand il commençait à faire froid. Elle ne savait pas quelle éducation me donner, parce que je venais de gros méchants. Qui étaient censés me donner une éducation horrible. Je deviendrais sûrement pourrie gâtée, et méchante avec une éducation avec de l'amour, et des gentils, parce que j'étais méchantes ! Ehwi.
Eh non.

Il jette sa veste et je me distrais l'oeil sur son t-shirt qui lui colle à la peau. Ses tatouages sont à moitié visibles, et je discerne quelques lettres. Mais le plus intéressant, c'est assurément pas ça, c'est des muscles dessinés sous le coton trempé. Je trouverai ça encore plus cool s'il ne pouvait pas faire pareil avec ma lingerie. Je tente de décoller la robe mais bientôt je m'avoue vaincue alors qu'il s'approche posément.
J'adore quand il est comme ça. Vraiment. Genre calme. Comme moi, dans l'instant.
Surtout, ouais, SURTOUT qu'il s'est collé la baffe que je voulais, sans me retourner le crâne. Je l'aurai presque remercié sur l'instant, parce que le gens ont un esprit contradictoire tellement développé que des fois ils font le contraire juste pour m'emmerde. Et ça fonctionne bien... ça me saoule.

Ses mains se collent sur mes hanches et je peux sentir la chaleur du contact sur ma peau. Il s'approche et colle ses lèvres contre les miennes. Je ne sais pas pourquoi il fait ça; on a pas besoin de raison après tout. Mais il pleut, et il m'embrasse. C'est très cinématographique et très cliché, aussi. Mais si c'est autant repris, c'est que c'est attirant, vous voyez ? Qui n'en a jamais rêvé ? Bon, moi, okay, mais quelle petite fille n'a jamais voulu un baiser sous la pluie ?
Sauf que d'habitude, le garçon aime la fille, et la fille aime le garçon. Je ne sais pas la relation que nous avons, mais je crois que je l'aime bien un peu de temps en temps. Et que c'est comme un gars de vacances que je reviendrais plus jamais ici. Et je ne reverrais plus jamais Mikeal O'Callaghan.
Je souris contre ses lèvres.

Nos mains se scellent et nos front se rejoignent. Il pleut super fort, et je regard l'eau goutter de ses cheveux, sur sa tempe, contourner ses joues pour aller jusqu'à son menton, juste en dessous de son sourire. Jusqu'à ce qu'elle se suicide sur le sol couvert de graviers. Je vrille mon regard dans le sien et contemple ses prunelles claires. Forcément, je le trouve beau. Et pour la première fois depuis longtemps j'ai envie d'être nulle part ailleurs. Nulle part.

J'l'aime bien Mike. Voilà.

J'ai pas envie de bouger, c'est définitif. Je sens pourtant l'eau qui me gèle un peu mais je ne crois pas avoir froid. Je suis presque sûre de pouvoir rester ici jusqu'à la fin des jours, mais ça serait pas vraiment permis.

Bon.

- Et ..

J'ai pas envie d'entrer dans le moindre sentiment, j'ai pas envie de voir la vérité, je préfère la laisser cacher looooin, encore plus looooin, tellement plus looin. Alors du coup, il faut bien recommencer, non ? Alors jouons, Mike. C'est vraiment plus simple ainsi, je suis sûre que tu penses la même chose.

- T'aimerai que je reste pour quoi au juste ? Parce que ton anniversaire finit à minuit, alors forcément, c'est pas une raison suffisante.

De toute façon, quoi qu'il dise, ça ne suffira jamais. Je suis désolée d'être égoïste, simplement.

- On verra ça une prochaine fois.

Je souris, à l'idée qu'il y aura une prochaine fois. Qu'on se reverra. C'est étrange ce qu'on vit, j'ai l'impression. Enfin, surtout de mon côté. J'ai l'impression que je m'attache beaucoup trop vite à elle. C'est pas vraiment la bonne solution. C'est pas sain. Pour moi, surtout, dans ce cas. Elle, elle s'en fiche. Je fais mine que je m'en fiche. en même temps, notre relation n'est pas encore assez développé pour que ça me fasse vraiment du mal. Donc je m'en remettrais, n'est-ce pas ? Oui, bien sûr. J'ai vécu beaucoup de pertes dans ma vie après tout. Au pire, elle sera juste une des choses que je me mettrais à cacher, au fond d'une boîte dans ma tête. Avec des millions d'autres choses.

- Et .. T'aimerai que je reste pour quoi au juste ? Parce que ton anniversaire finit à minuit, alors forcément, c'est pas une raison suffisante.

Genre, qui te dis que j'aimerais que tu restes ? Bon, d'accord, j'avoue. J'aimerais beaucoup. Mais ça, tu le sais pas. Ha, en fait si tu le sais, vu que je l'ai dit, tout à l'heure. Merde. Je suis déjà vieux pour oublier quelque chose qui date de quelques minutes ? Il faut croire. Je n'aime pas ça, vraiment pas.

Du coup, j'me rassoie sur la balançoire, toute trempée, gardant June avec moi. Parce que je suis bien avec elle. Et non, je ne veux pas quelle parte. JE récupère ma veste, sur la balançoire d'à c^té pour finalement lui mettre sur les épaules. Je sais pas trop à quoi ça sert parce qu'elle est lourde, et toute mouillée. Peut être parce que je veux pas que tout le monde la voit presque à poil. Peut être ... J'en sais rien, j'm'en fiche. Je veux dire, c'est pas comme si j'étais jaloux, ce n'est pas comme si elle m'appartenait, ce n'est pas comme si on était en couple ou quoi que se soit. Juste une envie fugace, une idée qui m'est passée par la tête.

Dis June, moi aussi j'ai une idée de jeu. On joue à "on forme un couple" ? Idée à la con, pas vrai ? Oui, c'est une idée à la con. Carrément. Mais c'est qu'un jeu, pas vrai ? Même ça, c'est un jeu.

Les anniversaires qui finissent à minuit, c'est nul. Parce que déjà, on se réveille pas à minuit. Du coup on profite même pas des vingt quatre heures qui nous sont consacrées. Et puis, pour moi, une journée se finit quand moi je vais dormir. Et pas avant. Si on est lundi, et que je me couche à trois heures du matin, il sera toujours lundi. Et pas mardi. C'est faux, je refuse. C'est trop compliqué de suivre sinon. Bon, sauf quand on fait une nuit blanche sans dormir, là, d'accord. Mais sinon, c'est après avoir dormi qu'on est "demain". Mon anniversaire devrait donc se terminer quand je vais dormir. Et pas avant.

Et puis techniquement, si on veut partir comme ça, ça devrait juste à l'heure précise où on est né notre anniversaire. Mais là, se serait carrément pourri. Imagine t'es né à quatre heures du mat. Tes potes doivent se réveiller à ce moment là pour te réveiller pour te souhaiter un bon anniversaire. N'importe quoi. du grand n'importe quoi. Et puis non, à l'heure précise, c'est de la grosse merde. Où est le plaisir de profiter de sa journée ? Nulle part.

Je refuse que mon anniversaire termine à minuit. Je refuse que June parte. Voilà. Juste parce que je le veux. J'ai pas le droit qu'elle reste juste parce que je le veux ? C'est pas une raison suffisante ça ? Ça devrait. Exaucer mes moindres désirs. C'est ce qu'elle devrait faire. Juste parce qu'elle m'aime passionnément. Humour, humour. Je remercie le ciel qu'elle ne soit pas lectrice de pensée. Même si je ne crois pas en Dieu. Enfin, si. Parce que Dieu, c'est moi. Voilà, mes chevilles vont très bien.

Je sais pas quoi lui dire. Enfin, c'est qu'un jeu, pas vrai June, juste un jeu ? Oui, un jeu.

- Parce que je suis bien avec toi. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ça. Jamais même en fait. Cette envie d'aller nulle part ailleurs, de rester là, comme ça. Qu'il pleuve, qu'il neige, qu'il vente, je m'en fiche. Tant que t'es là, ça me va, et je suis heureux.

Un jeu June, c'est juste un jeu. On joue à se mentir. Ou joue à se faire croire qu'on est heureux, qu'on tient l'un à l'autre. C'est bien de jouer. Si on sait qu'on joue, on peut dire tout et n'importe quoi. On peut faire croire n'importe quoi, l'autre ne dira jamais que c'est vrai. C'est bien, tu peux dire toutes les vérités que tu veux sans jamais être blessé. Même si c'est qu'un jeu, tu te prends au jeu, et c'est tout. June, je veux continuer de jouer, mais si t'es pas là, qui jouera avec moi ? Ya personne d'autre pour jouer à ça avec moi. Personne. Et moi, je ne veux jouer qu'avec toi. Parce qu'avec toi c'est drôle, avec toi, c'est bien. On est bien ensemble, tu trouves pas ? Même sous la pluie, je m'en fiche.

Et puis du coup, j'ai envie de lui proposer mon nouveau jeu. Dis June, on continue de s'amuser ? Et comme ça, même si tu pars, le jeu continue. Parce que c'est le genre de jeu qui dure toute la vie je crois. Ou presque. Parce que si c'est un jeu, quand on en a marre, il suffit d'arrêter le jeu, et tout sera fini. Et vu que c'était juste un jeu, tout le monde sera content, pas vrai. Dis June, on joue ?

- On joue ?

Pourquoi je n'arrive pas à dire la suite de ma phrase ? Je veux dire, c'est juste un jeu, ce n'est pas comme si je m’investissais, ce n'est pas comme si il y avait des risques. Alors, j'oublie tout, je vide ma tête. Aller, on se lance.

- June, on joue à être ensemble ?

Mon coeur rate un battement mais j'empêche le rouge de me monter aux joues, car je sens qu'il arrive. Non, loin, très loin. Les sentiments, c'est mal. De toutes façons, j'en ai pas. C'est ça, j'en ai pas. Mais je veux jouer. C'est marrant de jouer. Et du coup, c'est quoi les règles ? Oui, j'ai cinq ans.

Il pleut toujours et heureusement qu'on est bientôt en été, on aurait finit par rentrer au beau milieu de l'hivers. Ca aurait sans doute été moins drôle, moins.. débile, aussi. Je nous trouve beaucoup plus stupides, tout à coup. Comme si on avait rien de mieux à faire de notre vie, et ça doit être vrai. Qu'est-ce qu'on a de si beau à faire dans notre vie ? De beau ? Rien. Mais je tiens à ma corruption. Un gentil est sensible, et attentionné. Je suis un bloc de négligence et d'égoïsme. Peut être comme les autres, mais je l'assume.

Il pose sa veste sur mes épaules. Elle est lourde, et absolument pas chaude puisqu'elle est autant mouillée que nous et qu'il n'y a pas de vent. Je ne sais pas pourquoi il fait ça, mais les explications ne font pas parties des règles. Bien sûr qu'il y a des règles ! Et ne rien demander en fait partie, parce que les explications veulent souvent dire qu'on demande à ce que nos sentiments, nos émotions soient démêlés. On entre dans les croyances de l'autre, dans ce qu'il ressent, ses idéaux, ses avis et ses opinions. Et ça, c'est entrer dans les failles de l'autre, parce que dans toute croyance il y en a une. Qui peut se le permettre ?
Pas moi.
Pas lui.
Personne.

- Parce que je suis bien avec toi. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ça. Jamais même en fait. Cette envie d'aller nulle part ailleurs, de rester là, comme ça. Qu'il pleuve, qu'il neige, qu'il vente, je m'en fiche. Tant que t'es là, ça me va, et je suis heureux.

J'essaie de ne pas me crisper. Mais est-ce qu'il se rend compte qu'il m'enfonce un poignard dans le ventre ? Qu'il retire l'air que je suis en train de respirer ?
Peut être que vous non plus, vous ne comprenez pas. Mais.. un sorcier noir, ne dit pas ça, vous voyez. Et.. C'est qu'un jeu. Un putain de jeu, et je le sais, c'est marqué un fer rouge sous ma peau. Sur les cendres de mon âme. Mais il ne pense pas ce qu'il dit, voilà surtout la certitude que j'ai. Enfin, on ne peut pas jouer en étant sincère, ça nous engagerait tout entier et perdre nous tuerait. Il ne mettrait pas une partie de sa vie de côté pour moi, et c'est parfait. Mais sil ne pense pas ce qu'il dit .. C'est du foutage de gueule ? C'est ironique ? Il se paie vraiment ma tête ou non ? Parce que j'ai envie d'y croire, voilà, j'ai envie que ces mots là, juste eux soient ceux qui me gardent loin de la noyade quand je suis seule la nuit. Vous ne saisissez pas l'importance d'un tel cadeau. Lui non plus, sûrement. Enfin, j'espère.

Je crois que ce qui fait le plus mal, c'est cet espoir que ça ne soit pas qu'un jeu, qu'une fois la boîte rangée et les joueurs mis de côtés, nous serons encore un peu les même. Enlevez la baise, c'était une partie de plus, enlevez toutes les fois où on s'est embrassé.. Voilà. Mais est-ce qu'on pourrait se blairer plus de cinq minutes sans se bouffer ?
Parce qu'il ne faut pas rêver, un jour il y aura une bataille encore Croix et Rosenrot, et ce jour là, je serais dans les rangs de mon organisation. Et parce que je veux vivre, je serais la première à lancer un poignard en plein dans le coeur de Mike.
Parce que la vie.
Parce que nous. Exactement. Nous nous battons, sera le seul nous que nous connaîtrons.

Quelque part dans mon coeur, ça me blesse. Mais mon coeur m'est inaccessible tant que je ne suis pas seule.

Je souris, donc, parce que c'est gentil quand même, jeu ou pas. Il aurait pu me rire au nez, et il ne l'a pas fait. Je vais considérer ça comme.. Un truc bien. Parce que je vis pas sur une planète où il m'arrive des trucs vraiment bien. Peut être que dans l'univers prochain, j'serais une fille heureuse.
Je cours après un bonheur qui est allergique à ma personne.

Mes lèvres percutent donc sa joue presque au ralentit.
Merci, Mike, de m'y faire croire l'espace de quelques secondes. J'ai besoin de respirer parfois, et le son de quelques mots soulèvent le poids que je traîne depuis tellement longtemps.

- On joue ?

Hum ? Je regarde ses joues se colorer alors qu'il finit par lâcher.

- June, on joue à être ensemble ?

Je souris, amusée. On joue, à être ensemble ? C'est pas un peu compliqué, ça ? Il paraît que ça finit toujours mal, parce qu'on s'attache. Je parle pas de l'amour.
L'amour n'est rien d'autre qu'un fantasme.
Un fantasme auquel je ne crois pas. Les âmes-soeurs, toutes ces conneries sont faites pour faire rêver les petites filles, ou pour souder les couples qui battent de l'aile, en croyant qu'il n'y aura personne après.
Reprend toi, June.
Après Mike, il y en aura d'autres.
Comme Mike, il y en aura d'autres.
Ca me tord le ventre de dire ça, parce qu'au fond j'en veux pas d'autre. Mikeal est mon jouet préféré.

- Et quelles seraient les règles ?

Parce que si je pars demain, c'est un peu stupide. Je suppose que la fidélité n'est pas impliquée. Putain, non. De toute façon, même lui ne serait pas capable de se tenir, et je suppose que moi non plus.
Il est conscient qu'on se reverra sans doute plus jamais ? Jamais ? Alors son jeu serait que l'espace d'une journée ? D'une nuit ?
Je sais même pas ce que font les gens en couple. Ils.. s'aiment ? Ils s'embrassent à longueur de journée ? Ils font l'amour ? Ils.. se tiennent par la main ? Ils s'affichent ?
Hors de question de s'afficher.
On est censé passer la nuit dans la même chambre alors je suppose. Et je serais incapable de faire des adieux en règle. Parce que je suis June, qu'il est Mikeal, et que ça ferait trop cliché. Non, vraiment.
Alors d'un coup, il serait l'heure, et je partirai ? Voilà. L'histoire de ma vie.
Partir.
Partir pour vivre.

- Oublie l'amour, et les sentiments. On pourrait jouer avec, ça serait marrant, mais je n'en ai pas. Et oublie la fidélité, aussi. Ca devrait pas être très dur de les barrer, si ?

Je me moque gentiment. Parce que bon, il en a pas fallu beaucoup pour que je finisse contre un mur, et c'est une évidence que ça me ferait un peu chier aussi. Vous voyez le topo. Imaginez rester avec le même gars pendant.. quarante ans ? Il a intérêt à être doué, intéressant et drôle. Puis un peu gentil quand même, pas jaloux parce que c'est chiant, et la liste est encore tellement longue !
Où alors, il paraît qu'il faut juste être amoureux. Mais ça veut dire quoi, l'amour ?

Tu sais June, tout ça n'est qu'un jeu. C'est toi qui a commencé le jeu, la toute première fois. Moi, j'le fais juste continuer. Parce que j'ai envie qu'il continue. Je me mens en même temps avec je crois. Du coup, c'est niquel. Continuons de jouer, à jamais. Parce que ça n'implique rien du tout, pas de sentiments, pas de vie. On compte juste les points, ou pas. On faut juste semblant, à jamais. Moi je veux continuer de jouer. Parce que c'est bien, tu vois ? C'est de ta faute que j'ai envie de jouer maintenant. Avant, je m'en fichais. Avant, je mentais. Maintenant je joue. C'es un peu la même chose je crois, mais là on est d'accord tous les deux.

Je sais pas si elle prend mal ce que je dis. June, on joue hin. C'est qu'un jeu. Juste un jeu. Alors le prend pas mal. Mon rôle, c'est juste de te faire rêver. Ni plus, ni moins. C'es le jeu. Je joue. Alors toi aussi, joue avec moi. Fais moi rêver, toi aussi. Donne moi de l'espoir, même si ce mot est dénué de sens pour nous. Espoir. C'est les gens malheureux qui en ont, c'est ça ? L’espoir d'être heureux, l’espoir d'être amoureux ? L'amour, c'est que des conneries de toutes façons. Ça n'existe pas. Dans ma famille, il n'y a pas d'amour. J'en ai jamais vu. J'en vois juste chez les autres et ça me parait... Complètement ridicule, bizarre. Inventé. Voilà, c'est juste une invention des gens.

Être en couple, c'est juste une habitude. Quand quelqu'un dit qu'il t'aime, comment ça peut être vrai ? Comment on peut aimer quelqu'un ? Je veux dire, on aime sa présence, on aime être avec lui, on aime ce qu'on fait. C'est juste une histoire d'habitude. C'est juste l'habitude de faire tout ça, on y prend juste goût. C'est pour ça que les gens chialent après. Ils sont déçus, ils ont perdu tout leur point de repères, ils sont désorientés. C'est pour ça, faut pas avoir de sentiments en plus, ça vient tout gâcher. Faut juste s'amuser. C'est ça la vie, un grand jeu. Faut juste se dire que de toutes façons, on est que des pions sur un échiquier géant, on subit. Et on vit sur ça. Ya rien d'autres. Le reste, c'est des mythes. Des histoires qu'on raconte, pour faire croire que tout va bien, pour faire croire qu'on peut être heureux. Foutaises. Que des conneries. La vie est une connerie. C'est tout.

Sauf que June, elle sourit. N'oublie pas que c'est un jeu. N'oublie pas. Nous sommes des méchants, tous les deux. Appartenant à deux organisation qui ne font que profiter l'une de l'autre. Croix profite de Rosenrot pour avoir plus de personnes. Rosenrot profite de Croix pour son influence. C'est tout. Sinon, on peut pas se blairer. Qu'on soit bien tous les deux, ensemble, c'est déjà du gros délire. Un grand n'importe quoi. On fait semblant que tout va bien, alors qu'on est censé se détester. Si Anja me demandait de te tuer dans la seconde, je le ferais sans hésiter. Parce que j'effacerais le jeu. Et que si je ne te tue pas, c'est ma vie qui finirait. Et j'aime trop ma vie pour la finir maintenant. Je veux vieillir, faire toutes les conneries possibles et inimaginables. Je veux vivre. Vraiment. Alors je n'arrêterais de vivre pour rien au monde. Pour personne. Je suis égoïste, je ferais toujours passer ma vie avant celle d'un autre. Même si je vois Steve en danger de mort, si je vois que je mourrais aussi, je me casse. C'est tout. Même si c'est mon meilleur ami. Car là non plus, ça ne veut rien dire. C'est juste le gars avec qui je traîne depuis que je suis tout petit. C'est comme un frère pour moi. Mais je le laisserais crever. De toutes façons, il ferait exactement la même chose de son côté. Alors crevons tous. Mais d'abord, vivons. Échappons nous. Loin, très loin. Jouons.

- Et quelles seraient les règles ?

Je comptais sur toi pour les dire. C'est toi qui invente les règles. Et on se fait rêver, l'un l'autre. C'est tout. C'est toi qui a commencé le jeu. Au tout début. C'est toi qui invente les règles. Moi je fais que proposer. Parce que j'ai aucune imagination pour ça. Rêver. C'est pas mon genre. Moi c'est plutôt torturer, baiser, s'amuser, se défoncer, boire, tuer, mentir... C'est ça que je fais. Inventer, je sais pas. Je sais pas faire ça. Même si en mentant je m'invente une vie. Ou pas, je cache plus des choses qu'autre chose. Ou je les embellit. Mais je pars de quelque chose. Faire semblant d'être un couple. J'en sais fichtrement rien. Je veux dire, Cornelius et Alessia sont le seul couple que je connaisse et que je vois tout le temps. Mais, se sont mes parents. Et, l'amour, ils ne connaissent pas. Pas du tout.

- Oublie l'amour, et les sentiments. On pourrait jouer avec, ça serait marrant, mais je n'en ai pas. Et oublie la fidélité, aussi. Ça devrait pas être très dur de les barrer, si ?

Je souris. Parce que la fidélité, déjà, le temps que je la revoie, si on se revoit un jour, j'aurais déjà coucher avec Bleu je sais pas combien de fois encore. Et je serais aussi aller voir ailleurs. Parce que juste Bleu... Bah à force, c'est lassant. Il me fait d'autres horizons moi. Sinon c'est naze. Et puis, on a tous les deux coucher ensemble juste quelques minutes après. Je l'ai pas violée, elle ne m'a pas violé. On tait d'accord tous les deux. Donc, elle aussi ira voir ailleurs. Sauf si on se revoit demain. Ce dont je doute. Je ne pense pas aller à Londres demain. Ou peut être que si. J'en sais rien. Je verrais, je commence à en avoir marre d'être ici. Mais là bas aussi c'est des gosses. Des humains et des mêlés en plus. Qui sont tristes, qui braillent, qui pleurent. Alors qu'ici, on leur serre la vis. Parce qu'on est des méchants.

Et puis, elle part demain... C'est triste.

- On passe la nuit ensemble, tu restes dormir avec moi, déjà. Parce que j'ai envie. Et tu t'éclipses pendant que je dors, le matin.

Je passe mon nez sur sa joue et l'embrasse. J'ai pas envie qu'elle parte. J'ai pas envie. Mais je n'ai pas mon mot à dire. Et puis, se serait vachement suspect. Infidélité et pas de sentiments, je suis d'accord.

- Si on joue, ça veut dire qu'on va se revoir.

Je souris. J'ai encore des choses à dire.

- Agir comme un vrai couple mais ... Pas en présence de choses magiques. Faudrait pas pousser. Baiser, parce que le sexe c'est le bien. Sortir, s'amuser. Et, se faire rêver.

Surtout, se faire rêver. Ça doit être la partie la plus importante. A la rigueur, je crois que le reste vient tout seul après. Alors June, on joue, pas vrai ?

Je tourne sa tête pour l'embrasser. Aller June, on joue.

La pluie commence à s'affiner, et c'est mieux. Je ferme plus les yeux toutes les secondes avec de grosses gouttes qui m'écrase les cils. Ouais, voilà, j'ai envie de vous parler de la pluie, des bois qui commencent à sentir l'odeur du mouillé, comme le goudron d'où ressort cette putain d'odeur si particulière. Ouais, j'ai envie de vous parler de tout ça, parce qu'avant tout, je sais que je suis en train de perdre cet air totalement désobligeant qui me colle à la peau. Ce côté je m'en tape de tout, j'm'en fou, dégage ! qui me protège. J'ai besoin de ça pour prendre de la distance, j'ai besoin de mes regards blasés alors que je hurle à l'intérieur pour éloigner les gens, quand ils comprennent qu'ils peuvent juste balancer une info et partir. Ils ne s'attardent pas, et je ne m'accroche pas. C'est plus simple.
J'aime bien ce mode de vie qui pendant longtemps, et c'était prévu pour les cent prochaines années. Un truc parfait.

Je hais m'engager dans la moindre conversation. C'est encore pire, bien pire que de s'y impliquer. Avec .. Des intentions de fin. Convaincre, ou du style. Et j'adorerai, là, repousser Mikeal avec un rire tellement cruel, un regard blessant, qui veut dire "mais putain garçon, je me fou de ta gueule depuis le début et tu y crois ? Tu y crois sérieusement ? Ahahaha ! " Mais j'peux pas. Parce que je me crèverai les tympans en m'attendant casser mon nouveau jeu, et qu'on est bien partis pour aller quelque part. Restait à savoir où.
Loin. S'il te plaît, Mikeal. Emmène moi plus loin que n'importe qui, qu'on fasse une pause loin de tout ce qu'on est.

- On passe la nuit ensemble, tu restes dormir avec moi, déjà. Parce que j'ai envie. Et tu t'éclipses pendant que je dors, le matin.

Il a les même idées que moi, et ça me fait sourire franchement alors que son nez passe sur ma joue. Il m'embrasse et je fais de même le sourire au bord du coeur. J'adore son côté tactile. Et je n'ai aucune idée de pourquoi. C'est sans doute parce que ce n'est pas moi, pas moi du tout. Je hais ça, les gars qui collent, ouais, les gens collant toujours à vouloir te toucher, t'embrasser, comme si t'allait t'envoler. Mais demain je m'envole, et pour une fois c'est moi qui voudrait me prouver qu'il est toujours là.
T'es toujours là Mikeal ?

- Si on joue, ça veut dire qu'on va se revoir.
- Peut être.

Je hoche un peu timidement la tête. Je sais pas si je pourrais suivre ou survivre à toutes les règles, allez savoir si demain je ne serais pas lassée ? Je me blase, me lasse trop vite des gens, j'ai envie de les jeter trop vite, et je jette souvent la moitié d'une histoire avec. Mais j'ai couru trop vite sur notre route, pour que je puisse simplement soulever un couvercle pour l'y plonger dedans.
Mes semelles de plomb sont un peu plus légère. C'est agréable autant que c'est inhabituel.

- Agir comme un vrai couple mais ... Pas en présence de choses magiques. Faudrait pas pousser. Baiser, parce que le sexe c'est le bien. Sortir, s'amuser. Et, se faire rêver.

Je fronce le nez comme je fais quand je suis amusée, je hais, je hais ce tic, mais j'y peux rien. C'est mon visage, tout seul ! Je m'empresse d'afficher simplement un sourire habituel, et je sais que des plis se sont creusés de chaque côté de ma bouche.
Un jour, Mavis m'avait dit " C'est tellement voyant ! " Alors j'avais demandé qu'est-ce qui était si voyant. " Quand c'est sincère ou pas ! Ouais, quand tu le penses, quand t'es vraiment contente, t'a des petits plis de chaque côté de ta bouche. "
Je cesse de sourire. J'ai pas envie que ça soit sincère.

- Ok, ça me va.

Il me tourne la tête et naturellement je viens chercher ses lèvres. Parce qu'elles sont faites pour ça, voilà tout. Vous savez que les humains sont les seuls animaux à s'embrasser sur les lèvres ? Alors plus on s'embrasse sur les lèvres, plus on est humain. Enfin, humain.
Sorcier.

- Mais..

Parce qu'il y a toujours, toujours, toujours un " mais " .

- .. On gagne quoi ? Ou on perd quoi ? Il n'y a pas d'intérêt à jouer si il n'y a rien à la clé, ou pas de risques.

C'est un principe simple, on faisait ça quand on était petit. On gagnait toujours quelque chose, forcément, c'est le but de jouer ! On a plus deux ans non plus, on fait plus ça pour nous divertir ! Je crois qu'on a besoin de ça, pour vivre. Et nous, on peut pas dire " Le premier qui tombe amoureux perd. " Vous voyez, parce que ça n'arrivera juste.. pas. Mais on est pas des robots.
On essaie, forcément, mais c'est pas possible. On le saurait, sinon. Même la méchanceté n'est pas robotique alors.. j'aurais beau vouloir traiter Dorian Cross de robot.. et bah non, même pas.

- Le premier qui arrête de jouer, le premier qui s'accroche un peu trop, ou le premier qui développe quoi que se soit de nocif envers l'autre comme la haine, la rancoeur.. ou .. au pire, l'amour, à perdu. Et il devra un service à l'autre. C'est bon comme ça ?

On connait tous les deux la valeur d'un service je suppose, c'est à dire pas grand chose, forcément. C'est dans la mesure où on ne nous voit pas, dans la mesure où les organisations ne sont pas engagées, que c'est pas trop humiliant, et blablabla. Ca ira forcément jamais jusqu'à sauver une vie.
Je sauverai jamais sa vie.
Ou peut être par ennui, un jour, qui sait.

Je me lève finalement de la balançoire. J'ai pas froid, mais j'ai pas envie de passer ma journée sur une aire d'enfant, avec Mikeal ou pas. Je ne prend pas sa main, parce que je préfère quand c'est lui qui le fait, et que je suppose qu'il va me suivre maintenant. Je ne lui ai pas dit, forcément, mais.
Je sais pas à quoi ressemble, ou ce que font les "vrais couples". Je connais de quelques regards Louyse et Dorian, mais ça ne veut rien dire du tout. Je ne côtoie pas les autres. Bien sûr, je sais.. un peu. Parfois, je vois à quoi ça .. ni à quoi ça sert, ni à quoi ça rime. Mais.. bon. Je vois. Simplement.

- Peut être.

Elle fronce le nez. C'est drôle comme mimique. On dirait un sourire, sur ses lèvres, en même temps. C'est drôle, c'est mignon, adorable même. Wouah, des mots pareils sont dans mon esprit, dur à croire. Très dur à croire. C'est du grand n'importe quoi ! Je deviens fou, au secours. Enfin voilà, c'est amusant, mignon. Je ne sais pas ce que ça veut dire par contre. Mais j'aime bien.

Elle essaie d'arrêter mais il y a encore des plis au coin de sa bouche. Je souris davantage en voyant ça. June, t'es mignonne. June, je t'aime bien. June, je veux vraiment pas que tu partes. June, c'est quand qu'on se revoit ? Parce que c'est obligé, non ? Je veux dire, t'es d'accord pour le jeu. Donc on joue. Aller, June. On se revoit. Toujours, tout le temps. Et on se fait rêver. Comme si nos vies étaient destinées à se croiser tout le temps, pour finalement n'en former qu'une. Non, je ne crois pas au destin. Mais c'est drôle de croire en ça. De se faire rêver comme ça. De jouer.

- Ok, ça me va.

Jouons.

- Mais.. On gagne quoi ? Ou on perd quoi ? Il n'y a pas d'intérêt à jouer si il n'y a rien à la clé, ou pas de risques.

Ha, oui, c'est vrai. On gagne quoi ? Bah, j'en sais rien. Le premier qui a des sentiments, le premier qui fait chier l'autre, le premier qui éprouve quelque chose, le premier qui doit tuer l'autre, le premier qui doit s'éloigner. Le premier a qui il arrive quelque chose a perdu. Parce que le jeu, c'est que rien n'est sincère. Alors si il commence à avoir quelque chose de vrai, c'est nul. Mais du genre, trop. Et puis, on n'a pas de sentiments nous, pas vrai ? Disons que c'est juste une précaution de plus. L'amour, c'est naze. Je veux pas être amoureux. J'ai déjà dit pourquoi. Invention. Futilité. Ça sert juste à faire souffrir. J'ai enfermer tout ce qui me faisait souffrir. Dans une boîte, dans ma tête. Je le cache, à tout le monde. Je rejette tout ça. C'est pas pour en ajouter d'autre. Je fuis la douleur. Je fuis la tristesse. Je la provoque chez les autres parce que je n'ai aucun sentiment, mais c'est tout.

- Le premier qui arrête de jouer, le premier qui s'accroche un peu trop, ou le premier qui développe quoi que se soit de nocif envers l'autre comme la haine, la rancoeur.. ou .. au pire, l'amour, à perdu. Et il devra un service à l'autre. C'est bon comme ça ?

Je souris, hoche la tête et scelle nos lèvres, une fois de plus. Je sais pas ce que j'ai avec ça. J'embrasse pas autant les gens d'habitude. Mais avec June, ça passe super bien, alors je me gêne pas. J'aime bien ce contact. Ça me parait presque normal. Par contre, ce n'est pas normal de penser comme ça. Le jeu a commencé, pas vrai ? Oui, depuis longtemps. Depuis toujours.

On sait bien quel genre de service c'est. Se sera jamais un truc de fou. Du genre j'ai des problèmes dans mon organisation. Non, c'est mort. Parce que jamais je lui demanderais de prendre à ma place, j'ai bien trop de fierté pour ça, et même si elle me le demandait eh bien, je ne le ferais tout simplement pas. Se sera juste un service con. Con mais qui peut avoir plus ou moins d'importance. Je pourrais très bien lui demander de m'acheter une maison, ahaha. Parce que j'ai vraiment envie de me barrer d'Allemagne. J'ai pas envie de rester dans ce manoir ma vie entière. Certes, il est bien, mais je dois supporter les vieux. Et ça, c'est nul. J'le garderais quand ils crèveront, je suis sûr qu'Alex en veut pas de toutes manières. Je le partagerais avec Thalia. Ça ira. J'espère qu'Alfred crèvera après mes parents, elle est sympa. Et Bianca a déjà été virée depuis longtemps. Oui, on vire notre famille du manoir, parfaitement. En même temps elle est tarée, mais pas dans le bon sens du terme. Je veux dire, ces pouvoirs la contrôlent, et elle en est folle. Ça lui tape sur le système, ça la hante. Enfin, voilà. Incontrôlable, insortable.

June se lève, s'avance un peu et je m'avance, à ses côtés et lui prend la main. Elle ne la rejette jamais de toutes façons. Et puis, même si elle le faisait, qu'est-ce que ça ferait ?

Un éclair éclaircit le ciel gris et je fronce les sourcils. La pluie qui commençait à se calmer revient, plus forte encore. Le bruit du tonnerre se fait entendre. J'aime pas ça. J'aime pas le tonnerre. Enfin, si. Pour aller effrayer les gosses, c'est drôle. Très drôle. Je m'en souviens, je l'avais fait à Cardiff une fois. Avec un gars, qui a disparu. Juste, disparu. Plus de messages, plus d'appel. Je n'ai strictement aucune nouvelle. Peut être qu'il s'est juste détaché de moi aussi, c'est parfaitement possible. Je m'en fiche, après tout. Mais il était marrant.

Je m'avance donc vers l'entrée de l'orphelinat. Plus personne n'est dehors, et il n'y a personne aux fenêtres non plus. Absolument personne. Tant mieux, comme ça je peux laisser ma main dans celle de June. Je peux laisser ma veste sur ses épaules.

Nous sommes sur le porche de l'orphelinat. Abrité de la pluie, ça fait du bien. J'agite donc la tête et m'ébouriffe les cheveux. Je vais aller me changer. J'aime pas être trempé comme ça. Mais hors de question qu'on rentre comme ça à l'intérieur. C'est bien que quand il n'y a personne. A croire qu'aujourd'hui tout le monde est occupé. Tant mieux, personne ne nous fait chier dans ce cas là.

Je me retourne donc vers elle, l'embrasse, longtemps, tendrement. J'approche ensuite ma bouche de son oreille pour murmurer.

- A ce soir.

Je glisse un petit clin d'oeil et pousse la lourde porte pour aller jusque dans ma chambre. Au programme : douche, changer, bouffer... S'occuper jusqu'au soir. Et ce soir, j'lui dirais aussi de garder la veste. Se sera un engagement d'un futur ensemble. Ahaha.