Paris, été 2018.

J'me baladais, sur l'avenue, le cœur ouvert aux inconnus. J'avais envie de dire bonjour à n'importe qui, n'importe qui et ce fut toi, et je t'ai dit n'importe quoi, j'avais envie de te parler pour t'apprivoiser !

Ah. Si seulement. Sauf que les parisiens, bah … Ils sont vilains. Les gens ici, ils disent pas bonjour quand ils croisent quelqu'un dans la rue. Ils disent pas bonjour en entrant dans un magasin. Ils tirent la tronche partout. En marchant dans la rue, en prenant les transports, en se baladant à Montmartre... Tout le temps.

Mely, c'est quand qu'on rentre à la maison s'il te plait. J'en ai marre moi ici. Et puis c'est trop grand. Trop trop grand. Trop de choses, trop de gens. J'me sens pas bien du tout. Et puis je baragouine juste le français. Malgré cinq ans ici, j'ai toujours un peu de mal. Pour mon vieux petit cerveau de petit vieux, hm.

Je travaille aussi dans une épicerie, mais … C'est moins bien. J'peux pas me déguiser, déjà, c'est nul. J'suis salarié, brrrrr, quelle horreur. J'accueille les gens avec les sourires, c'est à peine si j'ai un « hm » dénigrant en retour. Ya pas d'habitués, que des nouveaux visages tous les jours tout le temps tous les jours tout tout tout tout tout le temps. Et j'en peux plus. Trop de trop. Trop d'activité. Les gens pressés qui veulent même pas parler météo.

Ils veulent même pas voir les photos de ma merveilleuse petite fille d'amour trop pipouille trop mignoninette d'amour. Bande d'ingrats. Voilà. C'est dit. Je ne le retirerais pas. Non non non non non. Vous pouvez pas m'en empêcher. Vous avez qu'à pas être des vilains les parisiens. Nah.

Vilains.

Bon. Du coup j'me balade, mais le cœur il y est pas trop trop. J'veux rentrer dans ma campagne tranquille, pleine de verdure, pleine de la senteur de l'eau salée pas loin, pleine de fraîcheur, pleine du bruit des vagues qui s'écrasent contre les falaises mélangées aux mouettes et goélands. Aaaah, quel plaisir.

Ici, on a une Seine qui pue. Et des sales pigeons sans pattes. Dégueu. Une Seine pleine de velib et des rats dans le métro. Tu parles d'un cadre idyllique.

Tu parles de la ville de l'amour. Little Angleton c'est quand même vachement plus romantique. Plus calme, plus reposant, plus serein. Ici, tout est à cent à l'heure et moi, je suis pas le rythme, j'ai pas envie de le suivre. Ils prennent pas le temps de vivre ces gens là.

Trop trop trop trop trop trop trop trop trop trop.

Je vais pour m'acheter une glace et là, y'a qui ? C'est un visage qui m'est tout familier ça ! Mais oui ! Un copain, est-ce qu'il sent comme la maison ? C'est la maison le copain. La. Maison. Oui.

– Iaaaaaaaaaaaaan !

Un petit orphelin du Mystery. De chez moi. De mon Ecosse. Oh mais mon petit qu'est-ce que tu fais ici ? Oh mais pourquoi Paris mon grand ? Oh mais que ça fait du bien de voir une boubouille connue. Oh mais qu'il a grandit, qu'il est devenu tout beau. Comment ses traits se sont affinés et les rondeurs de ses joues ont disparues. Mon enfant est devenu grand.

Oui, tout le monde c'est mes enfants. Little Angleton c'est une graaaaaaande famille. C'est ma famille. Et qu'elle me manque. Olala. Vivement qu'on y retourne hm.

Londres, Londres, Londres. Pas une seule trace d’Adelman, rien ne suffit. J’ai froid, j’ai chaud, j’ai froid, j’ai chaud, j’ai froid, j’ai chaud. Alors Paris, parce que Croix c’est la France avant tout et que je veux des réponses - des réponses que je n’ai pas. Que je n’arrive pas à obtenir.

Sale chienne de vie.

J’en salive de colère et à part me doser dans le sport, soulever des trucs lourds ou aller nulle part pendant longtemps, j’ai pas de solution ni de porte de sortie. On peut pas m’enlever tous mes amis d’un coup, potentiellement comme ça en un claquement de doigt. Le tapis de sérenité que je m’étais construit jusqu’alors est élimé ; on voit le parquet à travers. Je rêve de crocs dans des gorges, de pulsations, de coups de reins sur des capots à côté de lacs immenses qui me noient, des cernes de Carla qui deviennent noirs et se déchirent, partent en lambeaux.

Ma santé mentale va super.

Su-per.

C’est juste qu’avec Simje, on a fait une mission et c’était un charnier humain, et dans le charnier humain, y’avait des blasons d’Orpheo. J’ai pas bien vécu ça. Vraiment, j’ai pas bien vécu ça.

— Iaaaaaaaaaaaaan !

Je sursaute comme on chat à qui on aurait balancé un seau d’eau froide : ça ne fait aucun fucking sens que Lestat Khayman soit ici. Dans mes souvenirs il est 1. chelou, 2. britannique, 3. il a un petit enfant de sexe féminin, 4. il est lié à une meuf avec un fantôme que je sais pas c’est qui, 5. son épicerie coûte cher, mais pas tous, genre les bonbons soucoupes, non. Ça va.

J’pense aux fois où j’ai volé des H en cannette avec Carla et je me sens subitement coupable, genre c’est le bon moment de se sentir coupable. Mais ça reste incroyable que de par hasard il soit là, et que de part hasard en plus, il me reconnaisse alors que j'ai du pas mal changer. Genre grandir et pousser. Ouais. Mais bon. Vraiment hein, j’essaie de jouer à 1+1, à qui est-ce, à tous les jeux en même temps, mais tout ce que j’ai à dire c’est :

— Mais qu’est-ce que vous foutez là enfin ?

Je m’ébouriffe les cheveux — marque de fabrique alors que je m’époussette une épaule, genre pour ne pas le regarder dans les yeux de suite. Je n’ai aucune idée de ce qu’il est devenu alors je dis, quitte à mettre les quatre pattes dans le plat :

— Et l’épicerie à LA ? Votre épicerie à vous ?

Ça serait trop stylé que je parle de la Californie mais non, on parle bien du petit bled où il fait jamais beau, et où les enfants ont tous un placard à cadavres où ils font sécher leurs parents.

Je lui offre un sourire de loup, les seuls que j’arrive à composer en urgence. La canicule parisienne rend mes mutations anxieuses et vraiment peu chaleureuses mais au fond, j’suis un gars bien. Il le sait non, que j’suis un gars bien ?

Le petit Ianouninet qui est devenu tout grand, ton beau garçon, presque que je l'aurais pas reconnu tiens. Mais on oublie pas ses enfants, sa famille, sa mère patriiiiiiiiie. Petit Ianinounet que j'ai fait sursauté. Oh no. Je voulais pas mon petit, désolé, mais tu comprends, l'excitation de voir quelqu'un que je connais dans cette ville des enfers ! C'est comme si je retrouvais un bout de la maison, je pouvais pas passer à côté de renifler ma bonne vieille Ecosse qui manque manque manque.

–Mais qu’est-ce que vous foutez là enfin ?

Il secoue ses cheveux, j'vous jure qu'on dirait un bon gros chichien qui se secoue après la pluie ou juste pour le plaisir. Il dégage un peu quelque chose … D'animal. Mais j'ai toujours eu cette petite impression autour de lui, ce petit éclat un peu sauvage dans ses yeux, ses petites canines légèrement pointues qui ressortent quand il sourit. Tout à fait charmant ce petit blondinet, toujours gentil avec les autres, toujours à faire des blagues au vieux qui tient l'épicerie n'est-ce pas ?

Je fais un visage tout triste.

– C'est Melychoue qui m'a attirée dans cette antre des enfers. Elle m'a fait « blablabla, ça devait craignos ici, et regarde j'ai des affaires qui débutent à Paris, on devrait y passer un moment ! » – je prends une petite voix aigue mais toute mielleuse pour imiter mon amoureuse de ma vie – et... Bah on est pas encore rentré et moi je commence à en avoir ras la cacahuète ! Tu sais pourquoi les gens ils sont si méchants ici toi hm ? Pffff.

J'en bouderai presque tiens. Dès que je pense à ces c******* de parisiens, je deviens tout morose et je pars dans mon coin. Ou je vais voir Laure-Anne to cheer me up. Elle est mon petit rayon de soleil qui me fait oublier absolument n'importe quoi. Mon petit bébé de l'amour ouiiiiiii. Mais oooh, regardez moi ça ! Paris me fait devenir vulgaire. Tsssss. Voyez comme ça va MAL.

– Et l’épicerie à LA ? Votre épicerie à vous ?

J'hausse les épaules d'un air las.

– J'espère qu'elle va bien. On a pris quelqu'un pour s'en occuper pendant qu'on était ici. Mais j'ai hâte de rentrer et de retrouver mon terre terre. Ici c'est nul. J'ai pas mes petits gamins chapardeurs.

Je lui glisse un clin d'oeil. Parce qu'ils pensent être si discrets ces gamins ? C'est des gamins, ça fait naturellement des bêtises un peu partout. Des fois j'me fache, quand même, faut pas pousser Lesty dans les orties. Ils pensent tous pouvoir me berner, ahaha ! Ils pensent que je ne sais rien et que je ne vois rien. Mais Lesty il a des supers pouvoirs ! Lesty il est MAGIQUE. Lesty, il a des caméras de surveillance. EH OUAIS. Bim. Et puis même sans ça, quand je suis à la caisse et que j'entends des petits chuchotements, que je vois des têtes regarder à droite à gauche, je sais très bien ce que vous faites ! Quand vous ricanez tout doucement. Tssss. Ces enfants alors !

– Et toi mon petit loup, tu deviens quoi ? Et ta petite bande de canaillou ? J'ai l'impression que ça fait une é-ter-ni-té que j'ai pas vu vos petites bouilles.

Une éternité oui oui oui. Très envie de les voir tous. Très envie de voir tout le monde courir dans les champs, dans la forêt, d'entendre les chouettes hululer dans la nuit, et même le jour parfois hm... Bref, ici y'a que des humains et des chiens en appartement. Tu parles d'une vie. Pas de nature, pas d'air frais, rien. Comment font ces gens pour vivre hein. Ici c'est étouffant.

– Tiens tu veux quoi comme parfum ?

C'est papy Lesty qui paye sa tournée de glace aujourd'hui. Moi je vais prendre pistache, framboise et violette. Parce que ça va pas du tout ensemble mais ça m'est complètement égal. On régale.

J’avais oublié qu’il parlait le monsieur, genre il parlait b e a u c o u p. Mais alors beaucoup. Je dis pas que c’est pas bien (ou bien) mais que c’est… présent. Chronophage. Mais ça décolle un peu nos nez égocentriques de nos petites vies bien huilées. Nous, nous, nous, nous. Nos reflets dans le miroir le matin ; on se met en scène nous mêmes dans nos rêves à nous la nuit tombée. What a shame.

– C'est Melychoue qui m'a attirée dans cette antre des enfers. Elle m'a fait « blablabla, ça devait craignos ici, et regarde j'ai des affaires qui débutent à Paris, on devrait y passer un moment ! » et... Bah on est pas encore rentré et moi je commence à en avoir ras la cacahuète ! Tu sais pourquoi les gens ils sont si méchants ici toi hm ? Pffff.

C’est vrai que LA craint sa race, j’avais oublié à quel point les innocents étaient impactés. Sont, impactés. J’ai tellement l’impression que nos vies sont totalement distinctes, comme deux mondes parallèles que j’en oublie la vérité. Ils meurent. Nous aussi.

– J'espère qu'elle va bien. On a pris quelqu'un pour s'en occuper pendant qu'on était ici. Mais j'ai hâte de rentrer et de retrouver mon terre terre. Ici c'est nul. J'ai pas mes petits gamins chapardeurs.

Je lui fais un grand sourire de gamin, de ceux qui éclairent les visages et font suinter les coeurs. Désolé, Lestat. Désolé.

— Vous savez, des chapardeurs y’en a dans toutes les villes. Même à Paris. Même s’ils boudent et qu’ils disent pas bonjour. Vous êtes de ceux à mettre des paillettes dans leurs yeux !

Peut-petre qu’à Paris ils ne comprennent pas le charme désuet de Lestat, si c’est le cas j’en suis peiné. Je suis pourtant sûr qu’il trouvera son public ici aussi.

– Et toi mon petit loup, tu deviens quoi ? Et ta petite bande de canaillou ? J'ai l'impression que ça fait une é-ter-ni-té que j'ai pas vu vos petites bouilles. Tiens, tu veux quoi comme parfum ?

Que lui dire ? Que lui dire de non magique ? Pas grand chose. De la glace aux boyaux ? Aux rognons ? Haha, quel cynisme, Ian ! Quel cynisme. Dis donc. Un peu de tenue quand on revoit un vieil ami de sa vieille ville qui est en train de partir en fumée. J'me demande qui il a employé pour rester sur le champ de bataille à sa place, à LA. Qui va mourir quand L... stop. De la joie Ian. On distille la joie.

— Vanille ! Et puis… On va bien ! On passera vous voir quand LA aura arrêté de craindre. C’est que vous m’avez jamais présenté votre ptit bébé Lestat. Et c’est pas bien gentil ça.

Il fait chaud dans Paris, à buter les vieux, faire sortir les moustiques, empêcher de baiser les amoureux et catapulter les plus pauvres en enfer. Un été classique, quoi.

Ianinouninouchet sourit de toutes ces dents. Il doit en faire tomber des filles avec une gueule pareil celui la ! Ou des gars, pour ce que j'en sais ! Il était avec Autumn si mes souvenirs sont corrects. Mais il a toujours été proches de ses amies et amis. Notamment Carla, oui oui, je me souviens bien de ces deux là, les petits yeux rouges et se croyant discrets. Alala, les gosses, j'vous jure !

Les gosses, on est moins discrets après avoir bu ou fumé. Faites vos larcins avant. Alala ces gosses, j'vous jure. Faut tout leur dire, tout leur apprendre.

– Vous savez, des chapardeurs y’en a dans toutes les villes. Même à Paris. Même s’ils boudent et qu’ils disent pas bonjour. Vous êtes de ceux à mettre des paillettes dans leurs yeux !

Ce qu'il dit... Me touche, mais me touuuuuuuche. Quel amour ce gamin. Il a quel âge maintenant ? 20 ans ? 25 ? C'est plus trop un gamin pas vrai ? Mais quand on les voit grandir ces jeunes... Alala, nous les vioc, on pourra pas s'empêcher de leur rappeler tous les trucs embarrassants qu'ils ont fait. Hihihi. Ces d'jeunz.

– C'est toi qui met des paillettes dans mes yeux mon petit ! Si tu savais comme ça fait du bien de voir une petite tête de connue, alala.

J'l'ai ptet déjà dit. Bah ! Je radote, c'est tout. Que voulez vous, ça va de package avec la vieillesse. Tu verras quand t'auras mon âge tiens ! Tu seras comme moi, à radoter.

Ça fait chaud chaud chaud au cœur de savoir qu'on fait du bien aux gens. Ça fait plaisir qu'ils le rendent à leur tour, à leur manière. Je prends toutes les manières moi tiens. Sauf le sadomasochisme, faut peut être pas abusé hm.

C'est notre tour de commander la glaaaaaaceuh. Petit Ianouninouninet demande vanille. Ah quel classique, mais toujours aussi bon n'est-ce pas ? Les milkshakes vanille perso, mes favs de la terre de la vie. Classique, indémodable. Jamais déçu.

– Et puis… On va bien ! On passera vous voir quand LA aura arrêté de craindre. C’est que vous m’avez jamais présenté votre ptit bébé Lestat. Et c’est pas bien gentil ça.

Ooooooh mon petit, tu sais pas dans quoi tu t'embarques. Mes yeux s'illuminent de nouveau, je mets une main sur ses épaules, toute joie.

– Oh mais tu peux la voir maintenant si tu veux ! On habite pas loin, tu peux venir y'a pas de souciiiiiiis ! Elle est adorable, toute pipou toute gentille toute belle toute aaaaaaah.

J'arrête de m'épancher parce que je pourrais continuer looooongtemps sur à quel point mon amour de fifille est merveilleuse.

J'ai qu'une envie, c'est qu'il me dise « oui oui go allons gaiement chez notre épicier fou ! ». Oh oui s'il te plait dis oui dis oui dis oui.

– Et tout le monde est le bienvenu quand on sera de nouveau à LA ! On fera un pique nique géant ouiiiiiiiii !

J'applaudis des deux mains, hâte de mettre ce plan à exécution, de revoir toutes mes petites têtes d'amour, de les voir se chamailler, de faire une bataille de nourriture, ou pas. Bref, de reprendre la vie, la vraie. Back in LA.

Des fois j’me dis que Lestat, même s’il est très mignon, comment est-ce qu’il a fait pour survivre à la vie, au quotidien, et à l’âge adulte ? À gérer son propre commerce, toutes les règles administrative, la compta, gérer un enfant, des couches, des salaires ? Des.. devoirs ?

Vraiment, vraiment aucune idée ce gars est un putain d’extra terrestre.

– C'est toi qui met des paillettes dans mes yeux mon petit ! Si tu savais comme ça fait du bien de voir une petite tête de connue, alala.

Il doit se sentir bien seul dans Paris, là où personne ne se connait et tout le monde se roule dans l’anonymat avec confort. Retrouver une aiguille dans une botte de paille ; retrouver une tête connue dans la capitale française. Une horreur.

Je goutte la glace à la vanille qui serait très mauvaise pour ma diet si j’en avais quelque chose à foutre. Sans savoir pourquoi, le loup fait fondre le gars qui se pose parfois sur mon ventre ou mes hanches. Quelques jours à bouffer du mulot et c’est disparu, ne restent que les muscles noueux et les veines en surface de mes avants-bras.

– Oh mais tu peux la voir maintenant si tu veux ! On habite pas loin, tu peux venir y'a pas de souciiiiiiis ! Elle est adorable, toute pipou toute gentille toute belle toute aaaaaaah.

Il est trop drôle ; je lui fais un grand sourire, de ceux qui atteignent les yeux, les joues, le front, les paillettes on a dit, Lestat, les paillettes. Je croque dans ma glace, j’ai douze ans et elle me gèle les dents. Mes nerfs m’envoient une vague de douleur au cerveau, j’suis trop con mais depuis l’enfance j’trouve ça marrant.

— Bien évidemment que je te suis ! Elle te ressemble ?? Elle ressemble à ta femme ?

Est-elle folle mais goleri ?
Les deux ? Haha, je blague. Mais il s’emballe, l’épicier, il s’emballe.

– Et tout le monde est le bienvenu quand on sera de nouveau à LA ! On fera un pique nique géant ouiiiiiiiii !

Il applaudit même des deux mains et je rigole sans réussir à lui dire mais Lestat, la guerre on la perd et d’ici à ce que tu retrouves ton épiceries, on sera sûrement tous morts. Moi le premier. Je m’ébroue pour pousser ces pensées là mais elles s’accrochent comme des tiques, et dit en essayant d’être ravi :

— Si c’est pas à LA, ça sera ailleurs ! On sera tous se retrouver c’est évident.

Genre au Paradis. Ou en Enfer, j'sais pas bien, le purgatoire est-il une option ? Pas réellement sûr que qui que se soit dans la bande ne mérite d'avoir une auréole ou d'être canonisé, ni d'être évoqué lors d'une messe ou quoi. Mais y'a peut être un enfer et un paradis pour les.. gens comme nous qui ... ont fait de leur mieux ? Parce que Lestat comme les autres c'est tout ce qu'on sait faire au final : de notre mieux.

J'suis vraiment refait de voir une tête connue, j'vous l'avais déjà dit ? J'ai l'impression d'être sur un petit nuage de bonheur. J'ai même l'impression de sentir l'Ecosse juste à me trouver à côté de ce petit chenapan de Ianounou. Ça donne encore plus envie de rentrer à la maison, certes. Mais petit baume au coeur, tout ça tout ça, tu connais les bails.

– Bien évidemment que je te suis ! Elle te ressemble ?? Elle ressemble à ta femme ?

Il sourit du plus qu'il peut et je l'imite, j'ai envie de tirer sur mes joues et sur mes lèvres pour étirer encore pluuuuuus ce sourire que j'ai. J'suis content. Content content content. Y'a un bout d'la maison dans cette ville des enfers. Le bout de la maison illumine ma journée et il est ok pour continuer de l'illuminer. Et moi ça me fait du bien tout ça, à mon petit coeur. J'avais peur de l'ennuyer avec mes histoires de papa gateau, mais il est partant ! Vous vous rendez compte vous ? Il veut bien venir voir mon amour de petite fille ! Je suis gaga, gagaaaa ! (Gaga olalala, want your bad romance) je m'égare semble-t-il.

Je le prends par dessous le bras et l'entraîne donc avec moi, ma glace dans l'autre main. D'un pas entraînant, direction la maison pour voir la plus merveilleuse des petites filles, mon petit don le plus précieux, le petit amour de ma vie. Ma petite fille à moi que j'aime fort fort fort fort fort. Plus grand que l'univers.

– Elle a un peu de nous deux ! Aussi belle que Mely, heureusement, elle a tous ces bons côtés niveau physique, elle fera des malheurs dans la cour de l'école tiens ! Sauf qu'il faudra pas qu'elle oublie que son papounet veille au grain, hihi !

No way je laisse le premier venu toucher à ma fifille d'amour. Le gars (ou la fille, ou lae iel, oui parce que maintenant ils sont compliqué ces jeunes hm. Moi j'veux blesser personne alors j'm'adapte mais des fois ce vocabulaire à l'oral, c'est vraiment pas facile alors permettez moi de ronchonner comme le vieux boomer que je suis) passera un interrogatoire de fou ! Période d'essai de pfiou, jusqu'à ce que je sois plus de ce monde, au moins ! Et même comme ça, j'vais être un fantôme et toujours garder un oeil sur ma fillette. Hors de question qu'on lui brise le coeur, hors de question qu'on lui fasse du mal. Papa sera toujours là. Tou-jours. J'vais me mettre à faire de l'alchimie pour fabriquer un elixir de logue vie tiens. C'est bien ça. Bon plan. Dès que je suis à la retraite, je m'y mets ! Mais faut aussi que je trouve un moyen de conserver un corps en bon état, parce que c'est bien beau de vovre longtemps, mais si je suis un légume, non merci ! Je digresse encore.

– Si c’est pas à LA, ça sera ailleurs ! On sera tous se retrouver c’est évident.

Oh mais mon petit, tu n'imagines pas à quel point ces mots me touchent. J'en ai presque la larme à l'oeil tiens. Oui, un jour on sera de nouveau tous ensemble, parce que LA, c'est la maison. Et pourquoi les gens ne voudraient-ils pas revenir à la maison, pas vrai ? Je sais que très souvent, tous ces petits de l'orphelinat vont dans les grandes villes, c'est plus attractif, y'a plus de travail, tout ça tout ça. Mais ils reviennent toujours, pour passer dire bonjour, pour prendre des vacances, pour être au calme... Toutes sortes de raisons. Mais on revient toujours, et c'est toujours un plaisir de revoir toutes ces têtes.

Regardez, Luka qui des fois disparaît, puis revient, toujours, un peu déboussolée d'abord, puis qui reprend ses marques et sourit à nouveau. Carla, qui est parti faire ses études dans la grande ville, mais c'est toujours un plaisir de la revoir. Logan, qui, well, il a ses parents à LA, c'est vachement plus facile de le voir lui ! Ange, qui n'hésite pas à venir voir les nouveaux enfants de l'orphelinat et passez voir Pandora. Bref. Tout le monde revient. Toujours.

– J'ai si hâte de revoir toutes vos têtes si tu savais. Se serait génial de pouvoir réunir toutes les générations qui ont défilé !

On marche on marche et on arrive bien vite dans l'impasse où nous vivons. On a réussi à louer un appartement dans un endroit plutôt calme, pas loin de Montmartre parce que c'est quand même un endroit sympa.

– J'espère t'es en forme !

Parce qu'on habite au sixième et dernier étage. Et y'a pas d'ascenseur, mais bon, au moins ça maintient en forme, pas vrai ? Avec une poussette et les courses, c'est l'éclate la plus totale !

J'attrape mes clefs, ouvre la porte, laisse Ian passé avant de la refermer.

– C'est moi ! Et j'ai un invité ! Hihihi, je crie à la cantonnade. Je sais pas si Mely est à la maison ou si c'est la baby sitter. Je rajoute plus bas à l'adresse de Ian : tiens, viens par là. C'est bientôt la fin de la sieste.

Je l'amène donc dans la chambre de Laure-Anne qui est paisiblement en train de dormir dans son lit. Je caresse tout doucement sa joue, pour ne pas la réveiller de suite, la laisser dans son doux monde de rêve le temps qu'elle mérite. Je replace une petite mèche de cheveux bruns derrière son oreille pour que Ian puisse pleinement admirer la beauté magnifique de ma fifille d'amour. Je ne me lasserai jamais de la voir dormir. Et c'est pas juste parce que comme ça on est tranquille, hm. Je replace son doudou préféré juste à côté d'elle, elle le reprend instantanément, je ris doucement.

– Le plus beau cadeau de mon univers.