Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )

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 Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )

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Karhel Gúeï
Karhel Gúeï
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MessageSujet: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyVen 7 Déc 2012 - 17:41

Le courage de fuir


Il devait partir. L'idée s'était imposée comme une évidence, après sa première transformation dans le phare. Cette nuit-là, il avait failli tuer Jonathan.
Il était rentré à toute allure dans le dortoir du deuxième étage, où il avait rassemblé silencieusement quelques affaires, puis il était passé discrètement à la cuisine pour prendre quelques pommes et une miche de pain à emporter, avant de ressortir dans le jardin. Il avait mis quelques minutes à créer une illusion de lui-même, assis en tailleur contre le mur de la maison, en position de méditation. Ainsi, quand Jonathan le verrait en rentrant du phare, il n'oserait pas le déranger de peur de le voir perdre le contrôle et se transformer à nouveau.
Puis il avait pris la fuite, longeant la côte vers l'Est sur plusieurs kilomètres, jusqu'à ce qu'il soit incapable de maintenir l'illusion plus longtemps. Après une courte pause, il avait repris sa route. Il avait marché inlassablement le reste de la nuit, et une bonne partie de la matinée. Exténué, il s'était enfin arrêté dans une petite crique isolée surplombée par les falaises. Le corps réchauffé par le soleil de midi, il s'était assis en tailleur sur un rocher, les mains posées sur les cuisses, en position de méditation, et s'était retiré profondément en lui.
Il avait pénétré dans la prison mentale où il avait enfermé le monstre. Il était resté des heures ainsi, à tenter de calmer la fureur noire de la bête. Il lui avait progressivement transmis ses pensées, et sa certitude que Björn Kristiansen était bel et bien mort, comme l'avait dit Jonathan. Peu à peu, il avait mêlé sa conscience à celle de la créature, jusqu'à les rendre indissociables. Il avait progressivement apaisé la violence et les terribles sentiments de la bête. Mais sa noirceur, il savait qu'il ne pourrait jamais l'éliminer, car elle était l'essence même de la créature avec laquelle il partageait désormais son esprit, et il savait que le danger reviendrait bien vite. Néanmoins il pourrait, en l'apprivoisant avec patience, s'en faire une puissante et fidèle alliée.
Une fois certain qu'il la contrôlait totalement, Karhel avait retiré avec prudence la rune qui maintenait la créature enfermée. Ensemble, ils avaient étendu leur conscience dans tout son esprit, et il l'avait laissée transformer son corps une nouvelle fois. Le loup de cendre dont il avait naturellement pris la forme était parti à une allure folle dans la nuit, dissimulé par la fumée noire qui l'entourait de toutes parts.

Et le loup courait, foulant le sol des ses pattes puissantes. Il se dirigeait vers le Sud, ombre indiscernable dans les ténèbres nocturnes. Il finit par arriver dans les régions montagneuses, et là il déploya ses ailes de fumée, qui le portèrent loin au-dessus des sombres vallées. Karhel se laissait guider par l'instinct sauvage de la créature, qui le dirigeait entre les sommets arrondis des vieilles montagnes.
Mais, comme la Lune se levait à l'horizon, il sentit la volonté de la bête se renforcer dangereusement. Il se sentit peu à peu envahi d'une fureur naissante... Alors il se concentra de toutes ses forces, pour la forcer à se poser sur le flanc enneigé d'une petite montagne. Là, il traça de nouveau dans son esprit les lignes flamboyantes de la rune, et la bête rejoignit sa prison.

Karhel soupira de soulagement en observant son corps redevenir normal. Il avait failli se laisser submerger. La créature était encore trop furieuse, trop dangereuse. Il lui faudrait beaucoup de temps pour apprendre à la contrôler. En attendant, il devrait renforcer ses défenses mentales autour d'elle. Car il ne doutait pas que l'esprit sournois trouverait bientôt un moyen de contourner la rune qui le maintenait prisonnier...

Karhel descendit dans la vallée et continua sa route à pieds, longeant le torrent qui coulait au fond, sous le couvert des arbres moussus. La pâle lueur de la Lune lui permettait à peine de voir où il posait ses pieds. Le craquement des brindilles sous ses pas résonnait dans le silence pesant qui l'entourait. La peur s'insinuait en lui, le glaçant aussi bien que le froid qui s'engouffrait sous ses vêtements et le faisait frissonner. La peur... Il sentait que la bête se nourrissait de ce sentiment, qu'il lui donnait de la force... Il devait se ressaisir.
Il s'approcha du torrent qui coulait violemment, creusant son lit dans le roc, comme un immense toboggan au milieu des bois. Avisant une dalle lisse au bord de l'eau, il descendit prudemment jusqu'à celle-ci. Il ouvrit son petit sac, prit la couverture en laine qu'il avait emportée et s'en enveloppa. Ramenant les jambes contre son torse, il les entoura de ses bras pour se tenir chaud, le menton posé sur les genoux. Il prit une grande inspiration pour se calmer, puis, fermant les yeux, s'enfonça en lui en même temps qu'il expirait. Lentement, il effectua les exercices qu'il faisait quotidiennement pour clarifier son esprit. Il démêla ses émotions comme on démêle des cordes entrelacées, passant d'un bout à l'autre pour défaire les nœuds. Puis il les aborda l'une après l'autre, pour tenter de les calmer. La peur de l'inconnu, les innombrables doutes qui l'assaillaient, la tristesse d'avoir quitté l'orphelinat se retirèrent, remplacés par un calme plat. Il sentit les premiers rayons du soleil parvenir jusqu'à son visage, réchauffant sa peau frigorifiée...

Un craquement retentit derrière lui, tout proche. Il sursauta et ouvrit les yeux en se retournant.

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Dernière édition par Karhel Gúeï le Ven 15 Mar 2013 - 13:04, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyLun 14 Jan 2013 - 22:31

Un coup de vent. Un clignement de paupière. Un froncement de sourcil a suffit. Un plissement de nez. Un éclat luisant dans les yeux. Un souffle, à peine, et du fond des entrailles elle monte et rage intérieurement contre le monde entier, ronronnant au creux de sa gorge.

Les dents grincent et martyrisent la lippe inférieure tandis que le front se barre d'un pli soucieux. La joue pulse au rythme des meurtrissures avant de laisser place à la langue qui berce la douleur comme on tête un réconfort.

La colère. Elle tente de toutes ses forces de la contenir.

    « Tu n'es pas ma mère. Je ne suis pas ta fille. Nous ne sommes pas une famille. Je ne t'ai rien demandé. Je ne te dois rien. »

Une main rageuse s'abat sur le coin de son visage et pendant un instant, elle croit perdre connaissance. Elle titube, tangue puis tombe à même le sol. Ses jambes ne veulent plus la supporter tandis qu'un brouillard épais étire dans sa tête chacun de ses bras. La seconde fait le choix de rester silencieuse et ses doigts glacés se perdent sur sa joue, comme pour apaiser le brasier qui s'exalte sous sa chair.

Un goût âpre titille son palet.
Le goût sombre et cruel du sang.

Sur le coup, elle a l'impression d'avoir bu des litres entiers de colère pure en quelques secondes à peine, à un point tel qu'elle en déborderait de chaque pore de sa peau. C'est comme si elle avait avalé de la poussière jusqu'à ce que la terre crisse entre ses dents.

Commence alors une folle sarabande entre haine et rancœur : son corps et son cœur hurlent et réclament vengeance. La fureur glousse et défèque sa bile à chacun de ses pas.

    « J'en ai assez de faire les frais de ton incapacité à avoir des enfants par toi-même, Freja. »

Comme la lune a deux visages, sa figure se pare d'un masque d'argile orné d'une esquisse de sourire presque innocent : au dessous elle bout et montre les crocs, tandis que sa bouche se remplit de poison.

    « LA FERME !!! »

Le face à face est brutal, d’une violence inouïe, d'une férocité à en faire des échos sur les murs, à enfoncer ses ongles dans les paumes de ses mains, à s'en noyer la voix dans une mer de cris et de complaintes désespérées.

Son cœur bat furieusement dans sa poitrine comme les sabots d'une horde folle d'étalons sauvages. Son corps est devenu un morceau incandescent de haine à l'état pur. Elle demeure immobile cependant et pense à la manière la plus sournoise de la faire souffrir à nouveau.

C'est alors que son regard s'enchaîne au visage défait de Vinesh et que sa tête ne devient que champs de ruines. Une pluie acide déverse sa colère et abreuve ronciers et buissons. Elle est là la barbare, la mauvaise et l’acerbe. Contenue depuis si longtemps maintenant qu'elle n'en est que plus forte. Elle a ouvert les yeux sans crier gare et a pris possession du petit être sur le bout de ses pattes de velours. Elle demeure ici, lovée au creux de sa poitrine d'enfant, étendue de tout son long, guettant la moindre anicroche, la moindre occasion, le moindre faux pas qui pourrait laisser éclater toute sa fureur.

La colère.
Behati est en colère.
La colère fait partie d'elle comme un double infernal.
Une bête à abattre mais dont on ne se débarrasse jamais vraiment.
Une bête qu'elle a finit par chérir.

Freja porte les mains à sa ceinture avec précipitation puis en défait la boucle, les doigts tremblants.

    « IL EST TEMPS QUE TU ME DONNES LE RESPECT QUE TU ME DOIS !!! »

La bête grogne dans sa tête et se redresse soudain, sentant le danger approcher. Behati ne fait rien pour l'apaiser, attise même la flamme de son propre chef. Puis, quand Freja commence à s'approcher d'elle avec l'intention sévère de lui donner une correction qu'elle sait ne pas mériter, elle ferme les yeux et dit avec toute la dureté du monde :

« Tu es un bourreau, un supplice, un corrosif sur ses plaies. Tu es désaffection et tes poings s'abattent et bourrent de coups celle qui ose. La colère est une volonté. La violence, une arme. »

Et alors que Freja se penche sur la petite pour la relever contre son gré, un coup d'une force inouïe s'écrase sur son visage. La seconde se fige alors et la stupeur chasse la colère de Behati en un claquement de doigt. Freja s'écroule dans un vacarme impossible sur la table basse du salon tandis Vinesh se tient debout face à elle, raide, les yeux comme vidés de toute humanité, sa main fermée en un poing intransigeant.

Elle comprend aussitôt qu'elle l'a forcé à le faire. Elle.

Sous le choc, toute colère disparue, elle ne voit comme autre échappatoire à cet enfer que la porte d'entrée. Elle ne sait pas vraiment où aller, mais dans un instant pareil, ce n'est pas ce qui lui importe le plus.

Elle veut juste disparaître.

Cette année-là, ses ''parents'' ont eu l’excellente idée de passer les vacances dans un lieu qui, s'il se trouve isolé de toute civilisation, a eu le bénéfice de la réjouir : ils comptaient passer une bonne semaine sur les hautes terres du centre nord de l'Angleterre, le Peak District, les Pennines, et les Landes du Yorkshire. L’endroit est superbe mais ce genre de détails a tendance à échapper à l’enfance. Pour elle, ce qui en fait la magie, c'est sans conteste qu’il possède une écurie et que, là-bas, un labrador y a élu domicile.

Behati ne sait pas comment il s'appelle. Elle s'en fiche, d'ailleurs, ce n'est pas ce qui l'intéresse chez lui. Elle aime son odeur. Il l'apaise, ne pose pas de questions, ne l'oblige pas à parler et éloigne ces angoisses qui viennent souvent la hanter.

Par chance ce soir-là, tous les chevaux ont été laissés au pré pour la nuit. Dédaignant les soirées dansantes où les vacanciers se secouent ridiculement le popotin, elle a l'habitude de s'éclipser pour faire un tour avec lui sur les promenades : ironiquement, ce qui avait le bénéfice de l'apaiser à chaque fois se trouvait être l'élément qui avait déclenché la dispute entre Freja et elle.

À tâtons derrière la porcherie, elle passe la barrière et s'agenouille en silence. Elle cale son dos contre le mur avant de le sentir contre ses genoux, dans l’obscurité quasi-totale. Elle le distingue à peine mais sait pertinemment que c’est lui. Il devine son chagrin et sa peur et laisse glisser sa truffe humide sur sa joue dans un ultime réconfort.

Elle aime le silence de cette complicité. Puis elle finit par se demander depuis combien de temps elle est ici, avec lui, sans en avoir la moindre idée. Des mois, des années, des décennies, des millénaires ? Une éternité. C'est si facile de compter les coups et les cris quand on n'a aucune notion du temps. Elle n'a aucune notion du temps. Depuis quand, alors ? Des années peut-être ? Pourquoi pas… si ce sont beaucoup de chagrins, de regrets et de larmes, alors oui, cela fait des années qu'elle est là, tout contre ce labrador.

Puis, elle décide de se reprendre en main, de sécher ses larmes d'un coup de manche et de faire leur promenade habituelle. Il jappe et se lève, ayant compris ses pensées sans même qu'elle ai besoin de les exprimer à voix haute.

Elle est dans l'espoir d'effacer toute trace de remords vis-à-vis de Freja, bien qu'elle sache déjà que tout effort restera vain.

Les voilà donc marchant côte à côte, elle oublieuse, lui profitant de l'air du soir, le temps de froisser quelques graminées et de disparaître derrière une colline jonchée de fleurs sauvages. Le chemin terreux se transforme sous ses pas en un amoncellement pantagruélique de caillasses en tout genre. Le vent quant à lui s'amuse à souffler violemment, comme s'il cherchait à lui décrocher les poumons. Ses longs cheveux se perdent alors sur son visage et lui barrent la vue, la marche commence à se faire dure et difficile à un point tel qu'elle est obligée de s'arrêter plusieurs fois sur des rochers polis. Malgré tout, elle sait que les Pennines ne sont pas du genre à se laisser facilement apprivoiser et, lorsqu'elle sent qu'elle perd toute volonté de poursuivre son chemin, elle n'a qu'à poser sa main sur la tête du chien pour se persuader de continuer sa route.

La soif, qui avait pourtant tardé jusque là, se fait alors sentir. Par chance, non loin de là, Behati pouvait percevoir le son d'un torrent. Mais c'est lorsqu'elle s'avance sur les hauteurs qu'elle commence à perdre le contrôle de la situation : au moment même où elle parvient à distinguer le fil de l'eau et le courant se perdre entre les roches, le labrador se met à aboyer et à s'agiter. Puis, il disparaît soudainement de son champ de vision. L'inquiétude faisant lentement son chemin, elle s'enquit de descendre la pente avec prudence pour essayer de le retrouver et de rentrer.

C'est là qu'elle le remarque. Elle le remarque déjà de loin. Non pas qu'elle le voit vraiment, la distance est trop grande et ses yeux n’ont jamais eu la grâce de lui offrir une évidence. Mais elle le remarque, emmitouflé dans une couverture, si petit et si frêle. Le chien, redevenu silencieux, est à mi-chemin entre lui et elle et, si ce garçon -car c'en est un- semble tout à fait endormi, elle redoute qu'il ne le surprenne et prenne peur : après tout, un accident est si vite arrivé...

Alors, penchée en avant, les mains sur ses genoux, elle tente de rappeler le labrador à l'ordre en murmurant, lui soufflant de ne pas s'approcher, de la laisser faire. Le chien se stoppe soudainement puis revient vers elle en trottinant. La paume sur le creux de sa poitrine, elle reprend son souffle et calme les battements de son cœur. Elle lui offre une caresse ou deux en récompense avant de s'avancer à tâtons vers le jeune garçon.

C'est à ce moment là qu'une branche morte sous ses pieds la trahit. Elle ferme les yeux et serre les dents le temps d'une seconde, espérant ne pas l'avoir réveillé, sauf qu'en les rouvrant, leurs regards se heurtent pour la première fois : sur le coup, elle a l'impression de tomber dans un gouffre sans fond ni fin, d'être engloutie par l'obscurité de ses iris. Jamais elle n'avait eu l'occasion de rencontrer quelqu'un avec des yeux aussi... vivants. Surprise, elle lance alors à sa personne :

    « Désolée de vous avoir dérangé, je ne voulais pas vous réveiller... »

Vieux réflexe que de vouvoyer : elle veut donner la distance, la mesure du respect entre des gens différents par leur âge, leurs origines, leur façon de vivre. Après tout, et elle le sait d'expérience, les gens qui tutoient trop vite ont tendance à s’accorder la permission de rentrer dans la sphère privée de leurs semblables et poser des questions qui n’ont pas lieu d’être.
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Karhel Gúeï
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyMer 23 Jan 2013 - 23:29

Des yeux. Des yeux uniques, rares, précieux. Si beaux et si perçants, transperçants, transcendants...

Depuis combien de temps ce regard dure-t-il ? Des secondes, des années, trop courtes mais trop longues. Le temps que le cœur s'arrête et reparte de plus belle. Mais cette fois la peur n'y est pour rien, elle s'est enfuie loin, loin, comme une bête pourchassée, jusque dans les endroits les plus sombres, que nulle lumière ne peut percer.

Puis vient la voix. Envoutante, vivante, vibrante, brûlante... Le monde se réduit à un regard, un son, et tout le reste disparaît. Le mots n'ont plus d'importance, plus de sens. Ils batifolent dans le désordre ; et pourtant une discorde apparaît, une distance. L'envoutement est brisé.



Karhel ferma les yeux.

Que s'est-il passé ?

Il avait totalement perdu le contrôle. Comment ? Il plongea en lui même, et ne tarda pas à en découvrir la raison. Un sentiment avait envahi tout son esprit. C'était un sentiment nouveau, inconnu. Un sentiment merveilleux, puissant. Puissant et dangereux. Karhel s'entoura de toute la force de sa volonté, et plongea en son cœur. Les yeux apparurent devant lui, mais cette fois ils ne lui firent rien, et le reste ne s'effaça pas. Il la vit, Elle, se tenant face à lui, à la lisière toute proche des arbres bordant le torrent. La finesse de ses traits faisait ressortir la beauté de ses yeux, qui reflétaient la pâle lueur de la lune. Ses lèvres délicates bougèrent, et cette fois, il put comprendre ce qu'elle disait.

    « Désolée de vous avoir dérangé, je ne voulais pas vous réveiller... »


Voilà ce qui l'avait libéré. La distance dans ses mots, dans sa voix. Ils ne venaient pas du même monde. Peut-être même ne venait-elle pas de la Terre...

Karhel était déchiré entre deux impressions contraires. D'un côté il y avait ce mystérieux sentiment, si beau, si attirant, qui faisait battre son cœur si vite, et de l'autre la méfiance de ce qui l'avait si facilement envouté.

Je dois reprendre le contrôle...

Il déploya sa volonté pour rassembler le sentiment qui s'était étendu dans tout son esprit. Mais il n'eut pas la force ni le courage de le faire disparaître totalement. C'était si pur, si magnifique...
Il respira profondément, et ouvrit les yeux.


Elle était toujours là, immobile. Il n'avait pas du s'écouler plus de quelques secondes. Ses paroles lui revinrent en mémoire. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais s'arrêta brusquement.
Que dire ? Il pouvait parler désormais, mais c'était bien plus dur qu'il ne l'avait imaginé. Le seul son sorti de sa bouche était cette exclamation qu'il avait poussée dans le phare. En fait, il n'avait encore jamais vraiment parlé.
Que dire ? C'était tellement plus simple d'être muet...

    « Je... je ne dormais pas. Je... Co... Comment tu t'appelles ? »

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Dernière édition par Karhel Gúeï le Ven 15 Mar 2013 - 13:21, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyVen 15 Mar 2013 - 12:47

Je suis Noctambule.

Cette nuit, à ses débuts tout du moins, restait semblable à des milliers d'autres nuits que j'ai vécu.

Une existence un peu sombre, pareille à un crépuscule ombrageux et éternel.

Cette nuit commence comme toutes ces autres nuits que j'ai vécu et pour lesquelles j'ai voulu tout lâcher, tout abandonner pour renaître, et faire comme si. Comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, semant au gré du vent tous les souvenirs qui ne valaient pas d'être vécus.

Mais...

… mais à chaque fois mes mains tremblent et je vacille, tandis que mon coeur détraqué se déchire en un milliers de morceaux, incapable de battre à nouveau dans le creux de ma poitrine. Et j'ai beau cogner, rager et hurler, rien n'y fait.

Alors je lève les yeux, la nuit, et je regarde le ciel.

Je regarde le ciel et je me dis : « Regarde. Regarde attentivement. Observe chacune de ces petites étoiles attentivement, Betty, car chacune d'elles n'est ni plus ni moins qu'un morceau de ton cœur que tu as égoïstement fait volé en éclat sous couvert de ne le garder que pour toi. »

Rien ne change, et tout demeure. À chaque fois j'ai la prétention de croire que ça pourrait marcher, qu'un un jour, tout serait différent et que je parviendrais à oublier. À tout oublier jusqu'à en renier mon existence même.

Laisser fondre sur ma langue une miette de bonheur.
À nouveau.

Sauf qu'à chaque fois c'est le réveil en sursaut, le front inondé de sueur et la lèvre tremblante, à deux doigts de vomir un flot d'émotions trop longtemps contenues, berçant dans le creux de mes bras les illusions et les regrets.
Je reste et demeure consciente, moite et seule, à l'image de ce que m'a dit Vinesh, un soir plus sombre que les autres : « Betty, tu es l'oxymore le plus inaccessible et le plus poussé qu'il m'ait été donné de connaître. »

Parce que je veux une famille, ma propre famille, tandis que je fais tout pour rejeter ceux qui tenteraient de s'approcher de moi d'un peu trop près.

Je suis seule, mais simplement parce que je l'ai décidé.

Alors...

    « Je... je ne dormais pas. Je... Co... Comment tu t'appelles ? »

Et puis tout à coup une voix, une voix toute petite, un timbre unique et saisissant, et beau à vous en écraser le cœur si d'aventure vous en posséder encore un... non : beau à vous en mordre violemment le trou béant de votre poitrine.

Un peu à la manière d'un coup de massue subit sur la courbe de votre nuque.

    « Et bien... »

Ses yeux sont noirs, blancs, opales et nacres. Sa voix vous charme, sa voix vous nargue. Ses yeux sont brumes, sa voix est vagues et ils s'échouent brutalement sur les rivages d'un cœur perdu sous le sable...

Sur le coup, je n'ai pas tout de suite compris ce que je pouvais lui trouver à lui, à ses yeux, et à chacune de ses intonations. Je fermai les yeux une seconde à peine pour reprendre contenance avant de souffler...

    « Je m'appelle... »

Et puis, j'ai été frappée d'une sorte de lueur, de lumière de la raison.

Que ce soit lié ou non à cette chose, à ce pouvoir qui me gangrène la gorge, je n'ai jamais aimé la voix des gens et la sensation que l'on m'écorche les oreilles m'a toujours un peu accompagnée, si bien que je n'y fais plus trop attention.

Trop dure. Trop passionnée. Trop sèche. Trop rauque. Trop nasillarde. Trop légère. Trop âcre. Trop mordante. Trop superficielle. Trop suave. Trop fade. Trop mielleuse. Trop fausse. Trop pointue. Trop stridente. Trop nonchalante. Trop sombre.

Un peu à l'image des peurs et des traumatismes passés.

Ou trop parfaite.

Comme un mouvement musical revêche et impersonnel.
Comme une symphonie sans chef d'orchestre.

    « Je m'appelle... »

Or, j'ai saisi que si cette voix était si belle, ce n'est justement pas parce qu'elle était parfaite ou sans défaut -car il y a certainement des voix ayant plus de charme, plus de douceur, un timbre plus agréable ou plus clair, bien que je n'y ai jamais prêté attention- mais plutôt parce qu'elle a quelque chose de voilé et d’inconsciemment masqué aux yeux et oreilles du monde...

    « Mmh... Et bien, un nom n'est qu'un nom mais... s'il est si important, je te le dirais à une seule condition : je peux m'approcher ? »

Il y a dans sa voix comme une fêlure, une fragilité transcendée, une vulnérabilité qui en fait la beauté unique et incomparable.

C'est une voix si lointaine de la mienne mais pourtant aussi lumineuse qu'un soleil d'été, échouée aux pieds de mon crépuscule ténébreux et éternel.

Je suis Noctambule et convoite la saison des paisibles.
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptySam 30 Mar 2013 - 1:30

Sa propre voix lui parut faible, défaillante. Sans aucun timbre, sans aucune tonalité, comme un instrument désaccordé resté trop longtemps dans l'oubli, silencieux.
Karhel leva les yeux vers la jeune fille, qui affichait une expression étrange.


    « Et bien... Je m'appelle... »


De nouveau, il faillit succomber au son envoûtant de sa voix. Jamais il n'en avait entendue qui ait autant de profondeur, de clarté, à la fois suave, mélodieuse, harmonieuse... et terriblement attirante.
Mais il tint bon. Sa volonté se dressait comme une digue devant une mer agitée, protégeant son esprit de la tempête de sentiments qui se déchaînait en lui. Pourtant, il manquait de vaciller. Comment était-ce possible ?

Soudain, Elle eut un mouvement de recul, et la tempête s'apaisa d'un coup, au moment où une vague allait le submerger.
Une distance, encore.
Et une lueur de soupçon dans ses yeux.

Karhel se sentait à la fois soulagé et un peu déçu. Car son cœur battait de peur et d'allégresse, délicieusement déchiré dans la bataille de son esprit. Un combat entre la raison et l'abandon, entre la conscience et l'amour. Il voulait y résister, il voulait y céder. Et il souffrait de ne pouvoir choisir.


    « Je m'appelle... »


Son hésitation était presque palpable. Que pensait-elle ? Qu'avait-il fait pour la faire reculer de la sorte ?
Semblant prendre une décision, elle le regarda dans les yeux. Au même moment, le soleil jaillit par le col d'une montagne, illuminant son beau visage. Et ce fut au tour de Karhel de reculer, frappé par ce regard bleu, ces grands yeux brillants.


    « Mmh... Et bien, un nom n'est qu'un nom mais... s'il est si important, je te le dirais à une seule condition : je peux m'approcher ? »


La peur le prit de nouveau. Si elle s'approchait, arriverait-il à résister ? Mais il avait terriblement envie qu'elle s'approche. Pour pouvoir plonger son regard dans le sien, voir toutes la beauté de son visage, toutes les nuances de ses yeux si magnifiques. Alors il céda, sachant qu'il ne pourrait jamais revenir en arrière.


    « Ou... oui, tu peux... »


Sa voix lui parut encore plus frêle et tremblante qu'auparavant. Il baissa la tête pour cacher sa honte. C'était sûrement pour ça qu'elle avait reculé.
Il n'aimait pas parler.

Et pourtant, il le fallait. Il devait lui expliquer, pour qu'elle ne le fuie pas ! Si elle partait, il sentait qu'il ne pourrait pas survivre.
C'était si difficile... D'habitude, il avait recours aux illusion pour s'exprimer, mais avec elle... il risquait de lui faire encore plus peur ! Elle n'était pas magique ! A moins que...

Comment expliquer ce sentiment qu'elle avait provoqué en lui, sinon par la magie ? N'était-ce qu'une création de son esprit, de son coeur, ou quelque chose d'autre était-il à l'oeuvre ? Et si...

Mais non. Il ne pouvait pas courir un tel risque. Alors, la tête toujours baissée, il prit une grande inspiration.


    « Je suis dé... désolé. Je n'avais en... encore... jamais parlé, je v... »


Il secoua la tête en s'entendant. Les rayons du soleil réchauffaient son corps, mais il se sentait glacé. Arriverait-il un jour à parler normalement ?

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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyVen 26 Avr 2013 - 23:54

Tes mots resteront mon murmure préféré...

Le halo du soleil naissant tire le coin de l’œil et picote le galbe de ses rétines, tandis qu'un soupçon de lumière monte des frondaisons vers le ciel bigarré de l'aube ; il ondoie entre les branchages percés de feuilles, se berce sur les tâches de mousse et de lichen pour finalement se perdre sur les racines, sombres et sinueuses.

Son regard, suspendu à demi à la lisière de la forêt, se fixe sur l'inquiétante présence de ces choses qui ne se résignent pas à disparaître : il glisse sur le sommet d'une roche de laquelle pointe un rameau mort, comme un doigt tendu infiniment vers les nuages et les étoiles.

Les pierres se taisent, et lui aussi. Il reste stoïque et silencieux, comme s'il pesait le pour et le contre de sa proposition, là, emmitouflé dans sa couverture, la dévisageant comme si elle venait d'un autre temps, d'un autre monde.

Se joue-t-il de sa patience ? Peut-être. Était-elle allée trop vite en besogne ? Sûrement. Elle s'efforce néanmoins de garder l'immobilité des morts, guettant le moindre son sortir de sa bouche pour franchir le pas qui les sépare.

Oui.

Dans le drapé du jour, elle attend, se languit et imagine.

    « Ou... oui, tu peux... »

Comme un reste de piano qui s'accroche, laisse tomber trois notes avant de repartir ou comme l'aurore qui, à la manière d'une bravade, lance ses longs crachats rosés à la face du ciel avant de se tirer en douce, sans qu'on s'en aperçoive vraiment.

Elle veut le voir de plus près, plonger ses yeux dans ce qu'elle avait saisi de tendre, dans ce regard qui ne semble se méfier que de celui des autres et qui lui lègue une solitude perpétuelle dont on ne sait jamais vraiment s’il l'avait choisie ou s’il la subissait.

Elle fait donc un pas. Puis un autre. Encore un autre. Et puis encore... Un pied devant l'autre. Nonchalants alors qu'ils vibraient de se presser. C'était comme si elle était restée assise toute sa vie et qu'elle avait subitement décidé de se lever à l'aube malgré le poids du monde sur ses épaules et en dépit de l'amour mal dégluti qui traînait encore dans sa gorge.

Puis elle se pare d'un sourire timide mais sincère, tout en observant son visage. Elle le trouve beau, bien sûr. Mais c’est plus que cela. Il se dégage de ces traits comme une évidence, comme si elle se retrouve tout d'un coup avec quelque chose sur les bras.

Elle détourne la tête, un moment -le temps de s'asseoir à son côté pour être exacte.

    « Bien ! Une promesse est une promesse : je m'appelle Behati, et toi ? »

Un moment seulement. Parce qu'il n'est en rien gênant d’admirer ce visage quand tout en lui démontre qu’il est là pour qu’on le détaille attentivement. Parce qu'il montre tant de choses.

Intérieurement, elle retrace du bout des doigts ses traits en passant sur la mâchoire, le galbe de son cou, la courbe de son nez, le duveteux de son arcade sourcilière, comme si elle était à la recherche un détail, d'une explication valable.

    « Je suis dé... désolé. Je n'avais en... encore... jamais parlé, je v... »

Elle lève un sourcil, étonnée, puis le souvenir de ses années de mutisme lui revint avec force dans la figure : ses mots étaient moches et ses phrases si laides, tremblantes d'un reflet maladif qui n'arrivait pas à naître. Elle rêvait de sentiments purs, sans factures, sans compromis, d'une vaste envolée sans halte, sans respiration, d'un élan tout du long maintenu.

    « Tu n'as jamais parlé ? Jamais, jamais ? Vraiment ? »

Or tout était tronqué.
Toutes ses paroles lui faisaient l'effet d'un avortement sans fin.
Des échecs qui s'accumulent. Plus de saillie, plus d'élan et des ratures qui s'entassent, encore et encore.

Un horizon de peine, un océan de regrets.

Oh ! Elle parvenait à orner ses phrases de quelques rythmes rêveurs, de mots qui se succèdent sans trop se chahuter.

Mais c'était lisse. Trop lisse.

Elle avait une voix mais n'avait rien à crier, si ce n'est une infinie médiocrité.

Et il se trouve qu'elle préférait le silence à la nullité.

    « Dans ce cas, ne sois pas désolé et n'aies honte de rien, dis-moi exactement ce que tu as à me dire. Vas jusqu'au bout de ta pensée, lentement et clairement. Tu peux même recommencer autant de fois que tu le souhaites : je t'écoute attentivement. »

Spoiler:


Dernière édition par Behati Al Hattal le Jeu 30 Mai 2013 - 22:40, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyMer 29 Mai 2013 - 22:13



Il sentit les battements de son cœur s'accélérer comme elle s'approchait de lui. Elle avait la grâce d'un félin quand elle marchait, avançant avec une lenteur patiemment contenue, comme si elle craignait qu'il ne s'enfuie.
Pourtant, Karhel était bien incapable de bouger, tant il était attiré par ses yeux, son visage. Elle était comme un ange lumineux descendant vers lui, à travers la brume qui montait de la forêt sous les premiers rayons du soleil. Ses cheveux voletaient autour d'elle dans la faible brise qui parcourait la vallée, et elle même semblait voler, légère.

Cela dura quelques secondes à peine, pendant lesquelles leurs yeux ne se lâchèrent pas, et pourtant il sembla s'écouler des années, comme dans un rêve ou le temps s'allonge, peu pressé de revenir à la réalité. Puis soudain, un simple clignement et elle se tenait là, assise tout à côté de lui, à quelques centimètres et pourtant pas assez proche pour qu'ils se touchent. Il aurait voulu se déplacer un tout petit peu, la sentir contre lui, s'assurer qu'elle était bien réelle...

    « Bien ! Une promesse est une promesse : je m'appelle Behati, et toi ? »


Le mot résonna dans le vide de son esprit. Behati... Un nom qui lui allait si bien. Rare, unique, beau... comme elle.

Il la vit se tourner vers lui, le dévisager. Lui-même s'attarda sur la beauté de ses cheveux, la courbe parfaite de ses lèvres, de ses joues, le bleu profond de ses yeux. Sa peau avait la couleur de l'aube dorée, illuminant dans la plus parfaite harmonie le paysage merveilleux qui les entourait.
C'était la chose la plus belle qu'il avait jamais vue... et qu'il verrait jamais.

    «Je... Je m'appelle... Karhel. »


Ce n'était même pas son vrai prénom. Rien qu'un mot qui le remplaçait, insipide, faux. Il avait l'impression de lui mentir, mais que pouvait-il répondre d'autre ? Il était arrivé comme ça sur cette terre. Sans nom, sans souvenirs, sans parole. Perdu jusqu'à ce qu'il la rencontre.

Behati.

Elle fronça doucement les sourcils en l'entendant dire qu'il parlait pour la première fois. Il lut l'étonnement sur son visage, puis autre chose, venu de loin comme... un souvenir. Une tristesse du passé.

    « Tu n'as jamais parlé ? Jamais, jamais ? Vraiment ? »


Il sut qu'elle le comprenait. Qu'elle avait déjà vécu cette peine, cette douleur. Il se sentit envahi par la tristesse qui émanait d'elle, et qui se répercutait en lui, s'accordait à ce qu'il ressentait, et qui, étrangement, apportait du réconfort à son cœur.

Il leva les yeux pour croiser son regard et ne plus jamais le lâcher.

    « Dans ce cas, ne sois pas désolé et n'aies honte de rien, dis-moi exactement ce que tu as à me dire. Vas jusqu'au bout de ta pensée, lentement et clairement. Tu peux même recommencer autant de fois que tu le souhaites : je t'écoute attentivement. »


La douceur de sa voix lui redonna du courage. Seulement... que dire ? Qu'il était magique ? Qu'il était possédé par un monstre qu'il tenait enfermé dans son esprit ? Qu'il avait failli tuer son professeur ? Ou simplement qu'elle était la plus belle créature qu'il ait jamais rencontré...

Rien de tout cela, évidemment. Il avait trop peur de l'effrayer, de la perdre.

Alors il se leva, et lui tendit une main hésitante.

    «On peut marcher ? »


Une douce chaleur se répandit dans tout son corps lorsque leurs deux mains se rencontrèrent. Il tira sur son bras pour l'aider à se relever et garda le contact quelques secondes de plus, avant de la lâcher. Il détourna le regard, troublé par ce changement qu'il sentait au plus profond de lui. Il n'avait qu'une envie, c'était de lui reprendre la main, pour sentir de nouveau la chaleur de ses doigts, la douceur de sa peau. Ne plus jamais la lâcher. Mais quelque chose le retint, et se mit simplement à marcher.

Ils avancèrent côte à côté au milieu de la forêt, parmi les vieux arbres et les grandes fougères vertes, peu soucieux de trouver un quelconque chemin. Cet endroit respirait la pureté, comme s'il venait tout juste d'apparaître dans la fraicheur de l'aube, rien que pour eux deux. Le tapis d'aiguilles de pin caressait ses pieds nus, et le chuchotement de leurs pas amortis troublait à peine les bruits de la forêt. Le chant des oiseaux se mêlait au bruissement des arbres dans le vent et au son du torrent. Les écureuils insouciants sautaient au-dessus de leurs têtes, tâche rousses dans un océan de vert.

Karhel inspira longuement l'air frais, se laissant envahir par la sérénité du lieu. Puis il se décida à parler.

    «J'ai... J'ai pu parler... hier soir, mais... Je me suis enfui. Je m'étais arrêté pour... pour... réfléchir. Et... toi ? Tu es toute seule ici ? »



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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptySam 1 Juin 2013 - 0:33

Si je pouvais toucher ton coeur de mes lèvres, je te ferais aimer cet amour qui n'existe pas encore.

    « Karhel... »

Le temps pourrait s'arrêter sur son nom, se suspendre un instant sur les hauteurs, languissant. Et s'il voulait dormir ? Elle se bercerait alors dans son roulis hésitant qui chantonne le jour, dans la bruine matinale, et elle nicherait ses espoirs dans la courbe de chacune de ces lettres.

    « On peut marcher ? »

Tout est calme autour d'eux : elle entend les oiseaux, sent les rayons d'un soleil qui palpite doucement au dessus des nuages grisâtres et insouciants. L'air, lumineux dans son flegme bleu, scintille tandis que le vent rend l'herbe glabre et lisse à force de l'embrasser.

Elle-même, pour la première fois depuis longtemps, se sent apaisée et tranquille.

Alors, elle lui offre son plus beau sourire en guise de réponse, puis lève sa main vers lui dans un dernier abandon : ses doigts glissent dans le creux de sa paume, serpentent sur le duveteux de sa peau, coulent et enserrent sa poigne.

Révolution.

Elle se relève donc, les joues délicatement rosées, manquant à maintes reprises de retomber sur le sol. Puis ils ont marché. Ils ont marché lentement, sans un mot, côte à côte dans le ciel d'un hiver doucereux, côtoyant les nuages et les oiseaux et bordant les chemins du soleil, chatouillés par le souffle glacial de l'hiver.

Ignorante du monde à leurs pieds, tout ce qui l'importait prenait place dans les ombres de ce visage.

En cet instant, lui seul suffisait.

    « J'ai... J'ai pu parler... hier soir, mais... Je me suis enfui. Je m'étais arrêté pour... pour... réfléchir. Et... toi ? Tu es toute seule ici ? »

Un rayon de soleil l’éblouit tout d'un coup, dans le calme et le silence de décembre, dansant en poussières minuscules jusqu'au bout de l'horizon. Elle frissonne mais ce froid qui gagne du terrain, conquérant de la moindre parcelle de peau, l'enlace dans une étreinte qui n'est pas si désagréable.

Elle se tait alors un instant devant ce qui lui paraît inimaginable : est-ce que les gens restent aussi surpris, fascinés et charmés qu'elle devant chaque contour de ce visage ? Parce qu'il a dans ses lignes une harmonie, une unité dont elle ne parvient pas à se détacher.

Elle se détourne brièvement, lève la main pour caresser la lueur qui chauffe timidement sa peau, un sourire profondément sincère ancré sur le visage, puis grimpe sur le tronc d'un arbre mort recouvert de mousse pour lui faire face.

    « Je ne suis pas seule mais je me suis enfuie, moi aussi... »

Elle a envie de rajouter un « et maintenant, je ne regrette rien » timide, mais elle trébuche, s'effondre contre sa poitrine et...

    « Pardon, je deviens maladroite quand je suis... »

… s'engouffre et tombe dans l'infini et les ténèbres de ses iris.

Impossible de savoir ce qui a changé. Pas moyen de mettre la main sur ce petit rien qui a tout retourné, tout chamboulé, sans égard pour sa peine et ses désillusions. Qu'importe l'endroit où elle pose les yeux à présent, tout lui échappe : tout ce qu'elle a construit jusque là ressemble aux fragments translucides et colorés d'un kaléidoscope qu'il a réussi à bouleverser et à réorganiser en formes étranges qu'elle ne reconnaît pas.

Pourtant...

… pourtant c'est agréable, ça réchauffe, ça éclate, là, quelque part dans le ventre, comme des bulles d'eau et de savon. Elle sent comme une certitude, une évidence en elle rien qu'en le regardant. Peut-être la conviction que si ce sourire, ces yeux, ce visage ne changeaient pas, il y aurait toujours quelque chose qui valait la peine d'être à la fois recherché et contemplé dans ce monde.

Perdue dans ses yeux, la voilà sans dessus dessous.
Et le pire c'est qu'elle se prend à aimer ce nouveau désordre, ce petit vent de nouveautés et cette veine rebelle qui pulse à ses oreilles.

Perdue dans ses yeux, sa voix s'est brisée ; elle a étouffé un instant ses mots.
Et son coeur s'est fendu comme le plus beau des refrains.

    « … troublée... »

Parfaitement.

Ce garçon, cet inconnu la trouble jusqu'au plus profond de ses entrailles. Elle ne sait pas s'il l'apprécie, grâce au peu qu'il connaît d'elle et pourtant, ce n’est pas cela qui la bouleverse, non. Ce qui la titille, l'intrigue, la perturbe et la tourmente c'est de ne pas savoir si elle l'aime déjà ou non.

Ce sourire retenu qui affleure aux lèvres et l’éclat brutal de ces yeux qui la fixent… Elle a l'impression de perdre pied, de chavirer seule, portée par ses suppositions, incapable de donner un sens à ses gestes comme aux siens.


Dernière édition par Behati Al Hattal le Dim 7 Mai 2017 - 1:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptySam 14 Sep 2013 - 13:09

Unknown...


Le soleil perça à travers la canopée, et sa lumière éblouissante lui réchauffa le visage. La voyant frissonner, Karhel voulut lui prêter sa couverture, mais avant qu'il ait pu faire un geste, elle s'écarta et sauta sur un vieux tronc d'arbre mort, recouvert de mousse verte et de lichen. Elle se tourna vers lui et le regarda dans les yeux, soudain plus grande, plus belle. Plus inaccessible aussi.


    « Je ne suis pas seule mais je me suis enfuie, moi aussi... »


Sa voix sonnait comme un défi. Un défi lancé, non pas à lui même, mais au monde tout entier. Et telle qu'il la voyait là, fière et forte, il ne doutait pas qu'elle pourrait accomplir n'importe quoi.

Pourquoi s'était-elle enfuie ? Certainement pas pour les mêmes raisons que lui. Il voulut le lui demander, mais se retint de justesse. Elle risquerait de lui retourner la question... et puis peut-être n'avait-elle pas envie de lui répondre. Du moins pour le moment.
Son regard changea soudain, et elle sembla sur le point de dire quelque chose. Mais son pied glissa sur la mousse humide de rosée, et elle tomba en avant. Karhel se précipita pour la rattraper, et elle s'accrocha à lui. La tête contre sa poitrine, à quelques centimètres de son cœur qui semblait vouloir s'en échapper pour venir se blottir contre elle.


    « Pardon, je deviens maladroite quand je suis... »


Leurs yeux se rencontrèrent.


    « … troublée... »


Leurs visages étaient proches. Trop proches. Il sentait la douce chaleur de son souffle sur sa peau, l'odeur enivrante de son parfum. Il se trouvait face à l'océan infini de ses grands yeux bleus, naufragé solitaire englouti dans les abysses de ses pupilles, qui dans un ultime spasme cherche à regagner la surface. La peur de se noyer s'entremêle avec la tentation de ce qu'il y a plus loin, à quelques centimètres à peine. Mais la peur de l'inconnu prend peu à peu le dessus.
Inconnue. C'est comme ça qu'elle pourrait s'appeler. Behati l'Inconnue. L'inconnu est la chose la plus terrible et la plus merveilleuse qui soit en ce monde. Il réunit la prudence et l'intrépidité en un équilibre précaire, qu'un seul battement de cil suffit à faire basculer.

La Prudence...

Karhel s'écarta légèrement d'elle, la tenant encore par les épaules.


    « Ça... Ça va ? »


L'enchantement était brisé. Pourquoi donc avait-il parlé ? Gêné, il détourna le regard et se remit à marcher. Mais ce faisant, il fit descendre lentement sa main pour venir la placer dans la sienne.

... et l'Intrépidité.

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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyLun 17 Fév 2014 - 19:31

Et la magie fut brisée.

En quelques minutes, elle avait été propulsée un peu plus près du soleil, là ou tout est suspendu, même le temps, nébuleux et délicat entre les nuages, là où la tête ondoie d'univers en galaxies, là où les étoiles filantes s'allongent sur une mer cobalt aux reflets de soie lorsqu'elles voient un vœu passer, là où le monde change de sens et où les perspectives choient à vos pieds dans un bourdonnement.

Puis il s'était détourné et l'avait repoussée, et tout s'éteignit d'un claquement de doigts. Elle s'est écrasée à même le sol comme une vulgaire poupée en se brisant les os, brûlée à vif au plus profond de sa chair par des rayons mortels auxquels elle ne pouvait pas réchapper.

Elle avait voulu défier Icare, se rapprocher du soleil pour en admirer l’éclat. Et comme lui elle s'était brûlé les ailes.

La déception tissa sa toile dans le trou béant de sa poitrine, insidieuse, tandis que tout ce qu'elle avait ressenti un instant auparavant se brisa comme un flocon de cristal qu'un souffle de froid avait suffit à fissurer en mille particules avant de le faire voler en éclats.

    « Ça... Ça va ? »

Si ça va ? Non. Non, ça ne va pas, aurait-elle voulu dire. Comment veux-tu que ça aille ? Il y a trop d'émotions, trop d'émois, trop de sentiments, trop de renouveau, d'un coup, que je ne parviens plus à suivre. Trop de changements soudains, trop de revirement, trop pour ce cœur que je m'étais efforcée de briser et d'ensevelir mais qui trouve encore le moyen de battre dans ma poitrine. Par ta faute. Alors non, non, ça ne va pas. J'ai juste besoin d'éponger ce trop plein émotif, trop vif, trop brillant pour mes pauvres yeux habitués à ne voire que par la morne fenêtre de mes pupilles ternies. Karhel ! Je ne m'attache pas ! Plus ! Jamais ! Pas quand je pense à tout ce qui m'a été enlevé ! Mais j'ai l'impression de déborder de tous les côtés par ton simple contact ! Et le pire, c'est que ça me plaît. Ça me plaît tellement que ça me fait peur... Et ça, c'est le début de la fin ! Parce que ça veut dire que j'ai encore quelque chose à perdre... !

C'est là qu'une main, sa main à lui, s'empare de ses doigts dans une caresse. Dans un murmure...

...ham...

Elle cligne plusieurs fois des yeux tandis qu'ils recommencent à marcher, l'un à côté de l'autre, ses doigts noués délicatement au creux de sa paume comme on prend soin d'un trésor.
Son cœur a cessé de battre à plusieurs reprises et en si peu de temps qu'elle se demande comment il est encore possible qu'elle ne soit pas déjà morte et six pieds sous terre.

Mais peu importe. Elle se contente de fixer leurs mains entrelacées du coin de l’œil, rougissante, avec le cœur battant au bout de ses phalanges engourdies.

Et cet éclat qui lui chatouille l’estomac et lui soupire les poumons...

    « Oui, bien mieux grâce à toi, merci. Et toi ? »

Elle lui rend donc l'étreinte de sa main et, dans l'expectative d'en savoir un peu plus sur lui, commence... :

    « Karhel... ? »

...ham...

Au fin fond des Pennines, le soleil continue de s'étirer paresseusement, vague empilement de clartés rouges et dorées. Et à la mélodie du vent se mêlant aux herbes folles s'enjoint un murmure venu d'un autre temps, d'un autre lieu. Un murmure faible mais oppressant, qui s'asphyxie et se perd et se tait, là, dans le creux de son oreille.

Elle se retourne dans un sursaut. Elle a l'impression de sentir quelqu'un, là, dans son dos, son souffle froid tout contre sa joue.

Une vision ? Non. Aucun gouffre profond et lugubre, semblable à une gorge hostile, ne s'était ouvert sous ses pieds, tandis qu'elle tentait de toutes ses forces de s'agripper aux quelques et rares racines de la réalité, avancées de fortune qui défilaient devant ses yeux à toute vitesse. Elle avait encore une conscience nette et précise d'elle et de cette main douce et chaude enlacée à la sienne. Elle ne s'est pas perdue au milieu de souvenirs qui ne lui appartiennent pas, perdue au milieu d'images, d'un flot de visages inconnus, d'un amalgame d'éclats de voix ténébreuses et ombrageuses... Et son âme n'était pas entrée en résonance avec... son monde...

Non... Non, ce n'est pas ça...

    « Tu as entendu ? Ce murmure... »

...Du...

Enfin… Pas tout à fait... Elle a l'impression de buter perpétuellement sur quelque chose, tandis que, dans une caresse glaciale, cette voix rauque et grave -celle d'un homme, elle en aurait mis sa main à couper- murmurait comme gémissent des saxhorns avec indolence. Un peu trop près de son oreille.

...Du...ham...

C'était comme un cadavre qui refusait de s'en retourner dans sa tombe, de se laisser couvrir d'oubli et qui crache encore un soupir à travers la terre fraîchement retournée de sa tombe ; c'était comme s'il avait encore le rire de gratifier la mort de son bras et de la salive d'un graillon pour sa face.

    « Duham... »

C'est à ce moment là que le chien se rappelle à sa mémoire en sautant sur Karhel, se tortillant contre ses jambes et léchant fébrilement sa main libre pour réclamer des caresses, jappant à tout va, joueur et joyeux. Behati se baisse alors en riant, tout murmure oublié et les doigts du garçon toujours fermement encrés aux siens, pour poser sa main sur la tête et grattouiller son flanc avec entrain.

    « Oh ! On dirait qu'il t'aime déjà, lui aussi ! »
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyMar 22 Avr 2014 - 13:14

Le contact de leurs mains retenait son esprit, et les contours des arbres qui défilaient autour d'eux prenaient des allures de rêve. Il sentit sa confusion, les tressaillements de sa main. Mais elle ne la retira pas.

    « Oui, bien mieux grâce à toi, merci. Et toi ? »


Elle serra un peu plus sa main dans la sienne...

    « Karhel... ? »


Il ne répondit pas. Un frisson parcourut son dos. Un malaise, là, quelque part. Et ce picotement dans sa paume, jute à l'endroit où leurs peaux se touchaient. Et l'impression grandissante d'être observé. Il sentait quelque chose dans son esprit, sans pouvoir le distinguer. Une présence, inaccessible, qui planait au-dessus de son être tout entier...

Behati sursauta et se retourna brusquement. Elle semblait nerveuse elle aussi. Et ses yeux, si apaisants quelques instants auparavant, lui donnaient une sensation de peur grandissante. Il y avait quelque chose qu'il ne voyait pas, tapi dans le noir.

    « Tu as entendu ? Ce murmure... »


Il la regarda, de plus en plus inquiet. Elle avait senti quelque chose, elle aussi. Il s'enfonça en lui, tentant d'apaiser sa peur comme il avait appris à le faire. Mais elle résistait, alimentée par cette ombre grandissante. Le picotement s'accentua. Le malaise se fit plus intense, plus terrifiant. Ça approchait. Il pouvait presque Le toucher. Les battements de son cœur sonnaient comme des pas lourds à ses oreilles.
Ou comme des coups frappés à une porte...

    « Duham... »


La douleur. Plus forte, plus terrible que jamais. Comme une lance de métal brûlant enfoncée dans sa tête pour le torturer. Le Nom avait fait l'effet d'une bombe. Une porte invisible avait volé en éclat, et la douleur était entrée par cette faille, balayant tout sur son passage. Il s'était recroquevillé dans un coin de son esprit, s'accrochant encore à la réalité de ses sensations pour résister à la vague de souffrance qui menaçait de l'emporter au plus profond des ténèbres, là où ne restait plus que la folie.

Et il la vit. Elle. Behati. Elle avait gardé sa main dans la sienne, et les avait posées sur la fourrure épaisse d'un chien. Un labrador blanc. Il ne l'avait même pas vu arriver... Mais quelle importance ? Il était déjà ailleurs, loin dans un autre monde.

Behati... un nom contre un nom.

Elle était en danger.


Le chien changea d'attitude. Il releva la tête, les poils hérissés et les oreilles dressées. Il grogna, d'abord. Puis aboya... avant de s'enfuir en jappant. Le chien L'avait senti. Libéré de ses chaînes, Il grandissait dans son esprit.

Il devait la protéger.

Alors Karhel puisa dans ses sentiments, la vision du visage de la jeune fille, ce contact si doux de leurs mains entremêlées. Il s'étendit une dernière fois dans son esprit avant qu'il ne soit trop tard. Repoussa la souffrance et la peur, bâtit un mur autour de sa conscience pour gagner un peu de répit.

    « Behati... Je suis... désolé. Il faut que... je parte. Je... Je suis... trop dangereux.»


Il approchait, se nourrissant de la souffrance qui bouillonnait à l'extérieur pour alimenter sa fureur. Le Guntray heurta le mur une première fois...

Et toujours, sans s'arrêter, une voix résonnait dans sa tête. Grave, profonde.

Duham. Duham. Duham...

Un voix qui ne lui était pas étrangère.

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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyJeu 24 Avr 2014 - 23:34

    « Behati... Je suis... désolé. Il faut que... je parte. Je... Je suis... trop dangereux. »

Elle ne prend même pas la peine de relever la tête. Son sourire disparaît comme un de ces messages éphémères que l'on aurait écrit dans le sable, à la merci des vents et marées. Leurs mains se séparent. Pathétique. Elle se lève tête haute, drapée dans ce qui lui reste de dignité, tourne les talons, le dos, se détourne de lui pour ne pas qu'il voit à quel point elle est pathétique. Elle aurait dû s'en douter. Elle aurait dû s'en douter dès le moment où ses prunelles se sont ancrées dans les siennes, en fait. Partir... Bien sûr qu'il devait partir ! Ils partent toujours, la laissent toujours derrière de toute manière. C'est comme ça. Ça a toujours été comme ça. Est-ce que ça aurait dû changer ? Espérait-elle que ça change ? Pourquoi est-ce que ça devrait changer, au final ?

    « Dangereux ? »

Un éclat de rire fade mais moqueur s'échappe de sa gorge sans qu'elle puisse le retenir. Elle se mordille les lèvres en guise de pardon silencieux et ferme les yeux de toutes ses forces.

Lui ? Dangereux ? Quelle idée ! C'est elle et elle seule qui est dangereuse.

    « Ne cherche pas d'excuses. Et ne t'excuse pas. C'est rien, vraiment. Les gens qui m'approchent finissent toujours par me fuir au final. Parce que je suis étrange et que je vois des choses que je ne suis pas censée voir. Et que c'est mon destin de finir toute seule je suppose ? Enfin... pour ce que j'en sais... »

Elle hausse les épaules, lasse. Elle capitule. Elle ne cherche pas non plus à comprendre pourquoi ses yeux, son visage, son odeur, sa main dans la sienne, sa douce présence blessante l’ont empreinte de cette fascination sibylline quoique gargantuesque, néfaste, mais si terriblement attrayante.

    « Merci de m'avoir accordé quelques instants de sérénité, Karhel. Du fond du cœur. Je ne l'oublierais pas. Et ne t'oublierais pas. »

Elle se tourne vers lui, l'embrasse rapidement sur la joue et s'éloigne. Elle s'éloigne d'un pas rapide, les mains dans les poches de sa veste, là-bas, vers l'horizon, derrière les croisées nues ; là-bas, d'où l'on aperçoit le ciel dans son duvet d'aube s'étirant tout du long contre le dos revêche des prés, tressaillant par moment sous l'effet de la caresse soudaine du souffle du vent. Elle s'éloigne sans un regard en arrière pour ne pas revenir, pour ne pas succomber. Malgré le trou dans sa poitrine qui fait mine de se fendre un peu plus à chaque pas qu'elle esquisse. Elle part. Elle part l'esprit fatigué et vagabond et les yeux tirés de larmes anciennes qui ne peuvent plus couler.

A ce moment là, c'est comme si elle a perdu conscience. Comme si elle ne parvient plus à se sentir. Comme si elle s'est désincarnée. Comme si elle s'est enfermée dans une pièce assoupie et plongée dans l'éclat du soir tombé, l'odeur d'une nuit nimbée par la brume collante d'une mauvaise lune.

Elle n'est tirée de ses pensées lorsque ses pieds maladroits butent sur une pierre plongée dans un océan de feuilles mortes. Elle se rattrape de peu au tronc sec et cagneux d'un chêne tandis que ses yeux errent aux alentours, sans qu'elle puisse pour autant se repérer. Un soupir abattu s'échappe de la barrière de ses lèvres que ses dents viennent ensuite inlassablement martyriser.

La voilà donc perdue, si perdue qu'elle ne peut même plus dire qu'elle l'est encore.

Elle ne se souvient pas d'être passée de près ou de loin de ce grand arbre dont les branches lâchent des grincements rageurs et tremblent dans le violent roulis des feuilles battues par le vent tandis que les racines tortueuses, mises à nue par l'érosion, écument et paressent sous la rosée du matin. Et puis, juste derrière, le vide. Elle se rapproche avec prudence, une main posée sur le tronc nu et noueux du chêne et observe au-delà du gouffre ce monde qu'elle connaît si bien : ce monde de grandes personnes aux avenues grises jonchées de réverbères et de travailleurs pressés, aux éclats fugitifs de phares des voitures qui fusent sans prévenir au gré des chantiers et des avenirs qu'on bricole, aux trains qui trouent le ciel et serpentent nonchalamment, longilignes, souples animaux fuyants vers des contrées un peu lointaines.

Une vague tension bourdonne autour d'elle, lâche et fuyante ; Behati n'en a cure : elle est bien trop grêle pour forcer la jeune fille à détourner son regard, jeté quelques centaines de mètres plus bas, gisant parmi la brome drapée de la poussière fade que déverse en glissant le soleil, par-delà les cimes de gravas.

Elle aurait dû y prêter attention pourtant.

    « AH ! »

Parce que quand la terre s'effondre brutalement à ses pieds, si vite que le souffle lui manque et que son cœur cesse de battre, elle agrippe, hagarde mais avec toute la force dont elle est pourvue, le bout d'une butte salvatrice. Elle tente quelques instants de remonter mais son énergie faiblit à vue d’œil. Elle est terrifiée mais ne pleure, ni ne crie. Ses bras frêles sont crispés vers l'avant dans un ultime effort et, dans la perspective de voir à quel point la situation est désastreuse, elle se risque même à tourner la tête pour contempler ce vide, cette étendue smaragdin et argenteuse en dessous d'elle, malgré ses longs cheveux qui, emmêlés devant ses yeux, lui cachent la vue avec entrain.

Oh ! Ce petit talus, là-bas, ne lui a pourtant pas échappé ! Il lui permettrait de remonter, avec difficulté, certes, mais remonter tout de même... encore fallait-il qu'elle l'atteigne et ne le rate surtout pas.

    « C'est tout ou rien... Betty... Tout... ou rien... »

Et c'est sur une inspiration qu'elle lâche prise. Elle glisse pendant ce qu'il lui semble être une éternité puis s'effondre quelques mètres plus bas, sur le talus tant espéré.

Mais elle n'a pas le temps de se réjouir, ni même de hurler : ses jambes se criblent et se vrillent d'une douleur insupportable tandis que sa tête heurte si violemment le sol qu'un trou béant et obscur, aussi immense et profond que ce gouffre qui l'a happée quelques instants plus tôt, l'engloutit toute entière.
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CITATION DU PERSONNAGE : C'est au pied du mur qu'on voit le mieux... le mur.

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Karhel Gúeï
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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyMer 29 Oct 2014 - 23:05

Leurs mains se séparèrent et Behati lui tourna le dos. Il fallait qu'elle s'en aille, vite ! Mais elle ne comprenait pas. Elle lui parla, déjà loin, séparée de lui par ce qu'il venait de dire, et par les ténèbres qui envahissaient son esprit. Seule la profonde tristesse de ses paroles parvenait jusqu'à lui, douloureuse. Il aurait voulu lui expliquer, la mettre en garde... mais il était déjà trop tard.

C'est alors qu'elle se retourna, et qu'elle lui parla. Sa voix, comme un enchantement, traversa les ombres qui l'entouraient pour venir le rejoindre. Elle lui dit qu'elle ne l'oublierait pas. Et elle se leva sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue, avant de s'enfuir d'un pas rapide sur le chemin. Et c'est ce baiser qui lui sauva la vie.

Car cet élan de tendresse ralentit l'invasion des ténèbres alors qu'il s'en allait en courant dans la direction opposée, et lorsqu'il l'entendit crier, il avait encore le contrôle sur son esprit. Il fit aussitôt demi-tour. Il sentit son corps changer et la fumée noire du Guntray s'étendre autour de lui dans sa course effrénée, tantôt bondissant, tantôt galopant. Lorsqu'il parvint à la falaise, il déploya ses ailes noires et piqua vers le talus ou se trouvait Behati, inconsciente. Le combat qu'il livrait dans son esprit retenait presque toute son attention. Les attaques du Guntray se faisaient de plus en plus féroces, et il savait qu'il risquait de la tuer en restant auprès d'elle. Mais elle avait besoin de secours, et la peur, cette fois, une peur amoureuse, était de son côté. Alors il la prit dans ses griffes, délicatement, et s'envola avec elle vers la ville en contrebas. Il atterrit dans un tourbillon de fumée et la posa là, sur un banc au bord d'une rue déserte. Il l'allongea tendrement, et se pencha à son oreille pour un ultime adieu, l'entourant de sa fumée.


    « Au revoir Behati. Je reviendrai, c'est promis. »


Détournant son regard de la jeune fille, il courut tout le long de la rue en actionnant les sonnettes des maisons et criant au secours. Et avant que la première porte ne s'ouvre, il s'envola. Ses dernières forces l'abandonnèrent alors qu'il tentait de s'éloigner le plus possible avant de perdre le contrôle. Il fut submergé par une vague d'obscurité, porté par la volonté sans faille du Guntray. Réduit à une simple de lueur de conscience perdue dans un océan de ténèbres, il fut emporté au plus profond de son esprit...

Plus forte que jamais, la voix répétait sans cesse le même mot, comme une accusation.


    « Duham. Duham. Duham. »



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MessageSujet: Re: Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati )   Et je cours, je cours, je cours ♫ ( PV Behati ) EmptyDim 7 Mai 2017 - 1:25

J'étais ensevelie dans un repos paisible entrecoupé de doux songes -une première depuis longtemps- et, tandis que je reprenais mon souffle entre deux tumultes d'images, ma tête ondoyait d'univers en galaxies, là où le monde change de sens et où les perspectives s'estompent et se brouillent.

Et ce fut au moment même où je commençais à apprécier de me débattre contre ces sensations dépaysantes qu'il me sembla que l'on m'attirait ailleurs. Une brume légère m'entoure de ses longs bras nébuleux mais chaleureux et mes défenses tombent à mes pieds dans un bourdonnement.

Et je me suis envolée.

Je me suis envolée d'un bond, parcourant ce pays où les étoiles filantes s'allongent dans les champs de coton dès qu'elles voient un vœu passer ; ce pays où les arbres à clous se parent de roses et de violettes sous la rosse d'une pluie d'or et de lilas : ce pays où les plages de sucre fin battent l'écume d'une mer d'ambroisie, si belle que l'on ne peut s'empêcher de rire rien qu'en effleurant ses reflets de soie.

Je n'ai pas peur.

Je n'ai pas peur parce que je me sens légère, montant toujours plus haut, si haut, tandis que mes lèvres s'entrouvrent pour laisser mon souffle se mêler à la couleur du couchant.

Alors, quand tout s'éteint et disparaît d'un claquement de doigt, quand le songe s'évapore et que le rêve m'abandonne, j'abaisse plusieurs fois le voile de mes paupières pour chasser l'éblouissement.
Le jour au-dehors s'ébroue, et je remonte la couette, languissante, pour me blottir tant bien que mal dans les restes de mes féeries nocturnes.

Tout explose soudain dans un indivisible chaos, la douleur lancinante dans mes jambes me faisant ravaler un sanglot. Mon tourment serpente jusque dans ma tête pour l'y emprisonner d'un étau implacable et ma bouche se fige dans une muette supplique, dans un rictus douloureux.

La chambre est fade et humide, les draps à terre forment une mare blanche surgissant du carrelage, là où j'aurais voulu me cacher pour échapper au monde si j'avais pu.

Hors, il m'est impossible de bouger.

Alors je reste là, immobile, l'esprit perdu et les yeux bordés de larmes. Deux mains inconnues viennent saisir ma main, comme pour introduire le réconfort sous le joug d'une caresse. Une vague de souvenirs se déchaîne sans pitié au creux de mes rétines.


    « Docteur, je crois qu'elle est réveillée. Est-ce que tu m'entends ? »

Ses iris papillonnent ici et là, bien trop frivoles pour se poser un instant. Pas un son ne tombe de ses lèvres serrées, cloîtrant ses interrogations à l'intérieur de peur de tout laisser sortir trop vite et que tout ne lui échappe.

    « Je crois qu'elle nous entend. Bonjour, je suis le Docteur Wilson. Tu es à l'hôpital. Quelqu'un t'a trouvé blessée et t'as amenée ici. Est-ce que tu as de la famille que nous pouvons prévenir ? »

Elle les écoute parler, réfléchissant à chacun de leur mouvement de tête, à chacun de leur plissement d'yeux et à chacun de leur silences. En ondes aléatoires, les remous de la conversation viennent s'échouer à son bord; elle n'y nage pas mais s'y laisse flotter, la tête dans l'eau, immergée dans ses pensées; pas avec les leurs, mais pas tout à fait ailleurs non plus.

    « Mieux vaut la laisser se reposer et lui poser les questions nécessaires quand elle sera plus en forme. Sa blessure a la tête n'est plus si inquiétante et... »


Sa poitrine se heurte à la violence des bonheurs bien vite fanés et aux désespoirs si tôt reçu, bras lésés et jambes tendues, les yeux baissés sur les larmes d'un espoir déçu.

Ah oui. Elle se souvient maintenant. Car c'est le problème avec le bonheur : plus on essaie, moins on y arrive. On ne comprend pas même si on sait qu'on peut être heureux avec rien, comme on peut être malheureux avec tout. On sait qu'il surgit sans prévenir, et qu'il disparaît avant qu'on ait pris garde.

Le problème, avec le bonheur, c'est qu'on ne devrait pas chercher, mais qu'on ne peut pas s'en empêcher et...

...et, une fois qu'on le frôle du bout des doigts, on se trouve cloué fermement au sol.

Debout et seul.

Je voulais pourtant que tu m'aimes. Même si c'était vain.


[RP TERMINÉ]


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