Je ne sais pas où aller, je ne sais pas si on m’attend quelque part. ça fait quatre longues années que je n’espère plus voir le bout du nez de mes meilleurs amis. Sont-ils toujours de ce monde, sont-ils partis ? Dieu seul le sait.

Ce n’est pas comme si on avait pu garder contact avec nos téléphones, ce n’était pas si simple.
Je pourrais retourner en Ecosse et m’installer à nouveau à Little Angleton, attendre le retour de mes amis. Et combien de temps j’attendrais ? Et si ils me cherchaient déjà et qu’ils avaient commencé par là ? Dans ce cas j’y passerais après eux et j’aurais raté mon rendez-vous.
Soit on se retrouve par hasard, ou disons que c’est le destin, soit je deviens détective…

Pour l’instant j’ai l’impression d’être encore en « cavale ». J’aurais peut-être dû rester au Monténégro, j’aurais tout simplement disparu de la circulation et j’aurais fini mes jours là bas. Mais j’ai quand même une furieuse envie de rapports humains, et de retrouver ce que j’ai perdu. C’est naturel, n’importe qui a besoin d’un foyer. Mais pour le moment je suis un sans-abri. Attendez, non. Y a le Teufelsberg, et en fait j’ai une tente au cas où, donc je suis plutôt sans domicile fixe. Ce qui est bien aussi, je ne laisse pas de trace.
Pas que ça me plaise VRAIMENT, mais c’est pas comme si je ne savais pas me débrouiller.

Voilà, je suis juste un SDF qui fait très attention à sa peau quand même. Quand je rencontre quelqu’un j’essaye de ne pas m’exposer, je ne raconte pas mon histoire, ou du moins pas la vraie. Si il s’avère que la personne est douée, je ferme ma bouche sur ma race, rien ne doit transparaître. C’était déjà bien chiant quand les Sorciers Noirs nous courraient après -rappelons que j’ai été esclave pour pas mal de ces connards- en plus quand des Humains doués se mettent à traquer des Sorciers ou des Mêlés pour X raison… Finalement tout le monde s’entretue et toi tu essayes juste de passer entre les mailles du filet.

Je soupire finalement en pensant à tout ça. La nuit se met lentement à tomber sur Grünewald.
J’ai choisi d’aller faire un tour, mon campement est installé pour la nuit, et la plupart des gens qui traînent ici ne feraient pas de mal à une mouche.
Il n’y a à vrai dire pas grand monde, au milieu de l’hiver, les autres SDF préfèrent dormir dans la ville près des bouches de métro, ou dedans même. Puis c’est un site protégé voyez-vous, donc y dormir c’est un peu faire un doigt aux gardes forestiers et personne ici ne veut finir en prison. Enfin, certains si, parce qu’ils y seront au chaud, au sec, et nourris. Moi cependant, pas trop, mais j’ai réussi à trouver comment ne pas me faire chopper : je suis un mec vraiment sympa.
J’ai l’impression que tout ce que je dis n’est qu’un ramassis de conneries. Mmh. Oui clairement.

Je marche lentement dans la nuit tombante. Au loin j’entends le loup, le renard et la belette un peu la ville, des discussions.. Je les essuie, pas besoin de me concentrer là-dessus. En proie à des pensées fantaisistes de mes amis, de nous, avant tout ça, et de tout ça sans nous. Je suis mélancolique.
Plus loin, je trouve une petite clairière avec la vue dégagée sur Berlin. Je m’y assieds et contemple la ville. Je soupire. J’entends encore les bruits de la ville, malgré moi, et malgré le kilomètre qui me sépare d’elle. Franchement ce don me saoule des fois, et là je n’ai plus envie de lutter. Finalement, j’ai envie d’être seul mais je me sens trop seul pour continuer à me faire croire à moi-même que j’en ai réellement envie. Encore un soupir.