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MessageSujet: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyMar 2 Mar 2021 - 15:24

Les cicatrices n’étaient pas parties. Il avait donné du temps et de l’argent pour qu’elles ne marquent pas sa peau, et pourtant, les zébrures avaient pris logement sur la peau de son bas ventre au nombril, claires, presque blanches.

Elaïa lui avait posé la question alors qu’il tenait la planche de sa fille, en demi combinaison de surf, musclé comme un dieu grec, ses cheveux fous et ses yeux graves. On se retournait sur lui, pas encore la trentaine, plein de sable, entièrement à sa fille. Pour la première fois, la famille, le mot famille lui paraissait plein de promesses renouvelées, il faisait chaud, l’été brûlait la moitié de la terre et son frère trainait autour de lui ; Bleu, aussi.

Pour la première fois, il ne se sentait ni perdu, ni là par hasard, ni en danger. La vie roulait sur sa peau qu’il avait presque perdue et il était reconnaissant, de Bleu, de l’eau salées qui lui cramait les yeux, de sa fille qui voulait bien chahuter avec lui. Et alors qu’elle s’endort souvent avec lui, sous la couette, un ordi sur le lit qui fait tourner un film ou un autre, il se glisse dans les rêves des autres, Myaw parfois, Bleu, sans le vouloir.

Anja.

Elle ne le laisserait jamais la laisser partir ; le voulait-il seulement ?

— Allez papa ! S’il te plaît !

Il regarde ailleurs.

— Papa !

Se mord la lèvre ; sait-elle à quel point ces deux syllabes sont sa faiblesse ?

— Tout le monde va chez Maé, même Benny !

Elle semble hésiter de l’attitude à prendre, reste loin tout de même, comme toujours. Mais elle se décide finalement, lui offre un sourire éclatant, chaud, qui atteint ses yeux et, dans ses moments là elle ne ressemble à personne. Ni Anja, ni lui.

— D’accord.

D’accord, elle irait chez Maé, à trois sûrement ou quatre, les gens du surf comme elle dit, les seuls, les vrais, les amis, les copains, le seul truc dont elle parle, véritable catharsis pour môme. La môme qui a une capacité à se faire des amis si rapidement.

*

Il rejoint Anja. Elle ne le sait pas, c’est pas important qu’elle ne le sache pas, qu’elle ne s’y attend-elle pas ? Ne le sent-elle pas arriver, venir ? Il rejoint Anja sans avidité, avec une patience de chat qui laisse le soleil tourner jusqu’à l’avoir sur le pelage. Il ouvre la porte comme il le fait pour entrer dans ses rêves, le corps chaud, la démarche souple, un jogging pend sur le bas de ses hanches, le coton épais à l’odeur de sel.

Un sourire fait pour briser le coeur des femmes, des autres qu’il ne regarde pas — quand il se retournait pourtant lorsqu’il était marié.

Il ne fait que quelques pas, la détaille en plan, en entier. Anja, Anja, Anja. Ses doigts tirant sur les lambeaux de peaux de son ventre, la chair en bouillie, en lambeaux. Quand enfin, il comble la distance sans avoir rien dit, c’est pour la prendre dans ses bras, jouissant de la simplicité de l’avoir contre lui. Là. Présente. Quelque chose de réel et tangible avant de la pousser contre un mur, de voler ses lèvres, sa main immense contre son visage, les doigts à l’arrière de son crâne. Le bassin plaqué contre celui de la jeune femme, désirant, enivré, vivant.

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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyMar 2 Mar 2021 - 16:03

Elle aimerait être capable de le regarder sans avoir l’impression de mourir. Sans se rappeler le sang, comme une seconde peau, sur sa peau, sur la sienne. Le sang partout qui perlait et qui s’est ancré jusque dans ses rêves les plus profonds.
Green en train de mourir.
Green mortel.
Green qui lui manquait alors qu’il était partout sous sa chair.

Dans un geste rendu tellement naturel par l’habitude, Anja attrapa une feuille et commença à gratter.

Liebe Green,

Ta peau contre ma peau, tes lèvres contre mes lèvres. Tous ces mots que je n’ai pas osé te dire, ces mots étouffés par le poids de ton corps sur le mien. Ces mots que je ne sais que t’écrire, sachant que cette lettre, tu ne la liras jamais.

Il y a quelques heures à peine – ou était-ce déjà dans une autre vie – tu es rentré à la maison. Celle qu’on a habitée ensemble. Comme si tu ne l’avais jamais quittée, comme s’il était facile pour toi d’ouvrir la porte et de rentrer dans la case.
Un matin tu t’es réveillé et tu es parti. Un après-midi tu es revenu.
Je n’ai pas cherché à comprendre ta présence, parce que des mots auraient parus maladroits dans l’ambiance qui régnait entre tes yeux et les miens. Je n’ai pas voulu briser ce silence, ce mirage de te voir avancer vers moi, ouvrir tes bras et m’accueillir contre toi. Et, même si je l’avais voulu, je n’aurais pas su quoi dire. Je n’aurais pas su choisir dans le tourbillon de ma tête que je ne comprends pas toujours.
En fait, il n’y avait rien à dire vraiment.

Puis mon dos contre le mur, comme la toute première fois. Et tes lèvres sur les miennes, ta respiration en moi qui remontait, les frissons de nos désirs qui se mêlaient. Ça semblait naturel et évident, tellement doux, tellement différent de… de…
Je n’ai même pas pensé à cet autre avant toi.
Te rappelles-tu de mes mains qui passaient sous ton T-shirt, sentant le relief des cicatrices que je connaissais. Des cicatrices que j’avais vu crever ta peau et cet homme, cet inconnu qui n’était peut-être – sans doute – même pas du même camp que nous et qui les soignait, délivrant ta peau de la mort qui la tachait. Mes doigts ont appris ces dessins nouveaux qui avaient germé depuis notre dernière fois ainsi, la dernière fois que nous nous étions retrouvés tous les deux dans cette intimité douce que tu semblais vouloir m’offrir à nouveau. Je voulais les ancrer en moi, m’en rappeler avec cet espoir naïf d’être celle qui savait, celle qui connaissait assez le corps et le cœur de l’amant pour dessiner, comme une aveugle, tes formes dans le noir.
Mais tu n’avais pas prévu de me laisser assez de temps, n’est-ce pas ?

Sincèrement, j’avais peur que la parole rompe ce moment. Que tu t’envoles à nouveau. On avait si souvent tordu les mots ensembles, détruit le château de silence qui nous entourait qu’il me semblait qu’il aurait suffi d’une syllabe pour tout briser et que tu repartes.

Alors je me suis tue et j’ai fait passer ton haut par-dessus ta tête.

[…]


Pendant que la main gauche écrit, la main droite dessine inconsciemment des cicatrices qui n’appartiennent qu’à elle.

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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyMar 2 Mar 2021 - 16:35

Pour le première fois de sa vie, Green est complexé de son corps. Il a conscience, en tout cas, de ne plus appartenir aux standards de son espèce ; de ne plus appartenir à son utilité, à sa fonction. Il n’est plus en gros muscles ronds et pectoraux, plus de gros dos large en V, il a fondu. Il sait que quand il se balade dans la rue, son t-shirt flotte dans son dos, soulevé par la crête de ses omoplates qui jouent le jeu de la marche. Il sait les balafres de son ventre qu’il connait déjà par coeur et ne voit plus vraiment, sauf quand il s’imagine sous le regard d’une autre. Il s'est déjà regardé devant la glace, tirant sur les traits de coutures là où ses intestins ont essayé de sortir un jour, les béances d'une haine qu'il n'a jamais vraiment compris ; dont il ne peut pas tout à fait se défaire non plus. Ah, les sales humains noirs, ces crasseux des bas fonds, personne ne comprend ce qu'ils veulent, tout le monde les souhaitent morts.

Un morceau de charpie, de la chair granuleuse sous les doigts, inensible désormais, comme si un bout de cadavre avait fait sa place ici. Dégueulasse, qu’il était, son ventre, dégueulasse et dégoûtant sûrement. Mais parce qu’il ne se sent pas objet de désir à l’instant mais totalement désirant, celui qui veut, qui dirige, qui prend, parce qu’il a une faim d’Anja assez dévorante pour taire ses peurs, il laisse le haut passer au dessus de sa tête. Le mouvement l’éloigne un instant, le temps de faire passer le col par sa tête.

Il revient net vers la jeune femme, reprend ses lèvres comme il voudrait reprendre sa vie. Un vent stupide lui passe au travers la tête, un autre enfant, et s’ils avaient un autre enfant, laisse passer cette pensée. Il s’accroche à l’élastique de son pantalon noir, le descend, s’arrime à la culotte pour qu’elle subisse le même sort, l’assied sur le bureau.

Rare qu’il ne pense à rien, tout de même.
Et pourtant. Il ne pense à rien du tout, parfaitement là. Il serait incapable de dire s’il est amoureux d’Anja : c’est Anja, c’est tout. Il s’accroupit, s’agenouille face à celle qui fut sa reine. Passe une jambe par dessus son épaule, embrasse la peau tendre de l’intérieur de sa cuisse, respirant l’odeur de celle qui fut un jour chez-lui, sa femme. Un noeud se défait dans son estomac, les lourdes cordes se délient sans qu’il ait eu conscient qu’elles étaient un jour là, en tas, sans qu’il se souvienne quand est-ce qu’elles ont élu domicile dans ses tripes. Les yeux clos, le nez contre la cuisse, il caresse la peau blanche, repousse ce qu’elle a fait avec Red dans un coin, loin, aussi loin qu’il en a la force. Quand la paix lui revient, il arrime ses yeux à ceux d’Anja, s’approche de son sexe dans une demande muette.

Je peux ?

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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyMar 2 Mar 2021 - 17:11

À mesure que les mots remplissent le papier, elle songe à quel point la lourdeur du regard de Green lui manque, alors qu’il la regardait parfois écrire, qu’il la voyait se déchirer dans cet exercice qui exacerbe son cœur.
Anja aimerait qu’il soit là, encore une fois.

[…]

Sous le T-shirt, sur la peau, tu as changé. Il y a les cicatrices, évidemment, mais il y a aussi les muscles qui sont plus fin, la force qui s’est doucement apaisée dans les veines nerveuses de tes bras. Ce n’était plus le corps d’un combattant à la solde d’idéaux qui n’étaient même pas vraiment les siens. Tu es devenu un père, Green. Celui d’Elaïa. Et je pense que je ne t’ai jamais trouvé aussi beau que dans la lumière défaite de cette fin d’après-midi.

Tes lèvres se sont suspendues aux miennes et tes doigts à l’élastique de mon pantalon que tu as viré avant de faire subir, quelques instants plus tard, le même sort à ma culotte. Puis tu m’as poussée jusqu’au bureau avant de t’accroupir devant moi. Je ne pouvais cesser de me demander dans ma tête si c’était vraiment toi, si c’était vraiment nous, cette douceur qui embaumait la pièce. Et pourtant je retrouvais dans ton geste, dans le regard que tu m’as lancé alors que tu avais la tête entre mes jambes, des souvenirs rassurants.
Qui gerçait mon cœur par leur manque.
Ma main a glissé dans tes cheveux, contre ta joue, j’aurais voulu que ce moment se suspende à jamais. C’était à nouveau toi contre le monde et mes yeux te soufflaient oui, oui pour tout, oui pour toi.

Ta langue s’est aventurée entre mes hanches, comme si elle, elle n’avait jamais oublié. Les mouvements, l’ardeur, la passion et le désir. Les flammes qui brûlaient contre ma chair, qui explosait jusque dans mon ventre, venant vibrer à l’intérieur de ma tête. J’ai compris à ce moment, entre deux gémissements, que tu étais le seul capable de me faire jouir, le seul avec qui je pouvais me laisser suffisamment aller pour cela. Ça allait plus loin que nos deux corps ensembles, c’était profondément intellectualisé.
Et ta bouche sur moi, j’ai eu l’impression de mourir mille fois.

[…]


Elle ne put plus se retenir. Les images encore imprégnées dans sa tête lui collaient à la peau et aux doigts. Sa main abandonna le stylo pour descendre entre les jambes et se caresser, se rappelant les gestes de la langue de son amant. Anja voyait son image qui se mouvait contre elle et qui, à aucun moment ne se mêlait à celle de Redwan.
L’aîné des Soul, ça avait été la souffrance d’une vengeance douloureuse, presque une punition. Il n’y avait pas eu de plaisir, pas eu de véritable désir, uniquement le besoin insidieux de faire du mal à celui qui l’avait abandonnée. De lui crever l’esprit comme lui l’avait fait en la quittant. Et l’espoir de l’éloigner définitivement de son corps.
Ça avait été un tel échec.

Dans un soupir bruyant, Anja jouit une fois de plus. Puis elle regarda sa main mouillée, ne sachant pas vraiment qu’en faire, avant de l’essuyer contre ses habits. Elle avait l’impression que l’odeur de Green émanait encore de cet ébat solitaire.

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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyMar 2 Mar 2021 - 18:03

Elle vient.
Bien sûr qu’elle vient ! Prétentieux Green ? Même pas. Quelqu’un au commande qui veut ce qu’elle désire, qui la connait, connait le corps et la chair ; quelqu’un qui jouit autant par l’esprit que le corps, rien de mécanique mais une sombre machination chimique.

Eux.

Eux qui ont donné Elaïa, la fleur écarlate dans sa culotte, le même goût sur sa langue, la même sensation contre ses lèvres. Elle jouit et la tension dans son caleçon lui fait mal à présent, il en serre les dents, une vue grandiose sur Anja, ses joues colorées par l’orgasme.

Jamais été plus belle.

Il aurait voulu la voir enceinte, la voir mère, la voir tenir le petit bébé dans ses bras ; cette patate violette ressemblait-elle déjà à l’incroyable petite fille qui habite chez lui ?
Le corps d’Anja tombe juste dans sa main, à la bonne place, comme s’ils avaient été créés ensembles, d’une même pièce déchirée à cet instant. Comment a-t-elle pu se donner ainsi à Redwan, sale et sanglant ?

Mais présent. Tellement présent.

Il ravale sa colère, appuie dessus, presse cette émotion, il la verra plus tard. N’ont-il pas suffisamment de temps et d’espace pour se détester une autre fois ? Dans un autre espace temps, ils en viendront toujours aux mêmes cercles, quoi qu’il en soit.

Autant profiter de ce sommet, prendre la vague comme elle vient. Il l’embrasse à nouveau avec une lenteur qu’il ne se connait pas, mord doucement la lèvre inférieure d’Anja, rejoint ses yeux. Il lui semble qu’il ne l’a pas regardée comme ça depuis une éternité. Il enlève son haut, tout contre elle, entre ses jambes ouvertes, trace un trait délicat de la gorge de la blonde jusqu’à son pubis, pose le pouce sur son clitoris.

Comment donner ce qu’on n’a jamais reçu, de l’amour ?
Comment pourrait-elle lui donner ça, elle aussi ?

Comment Cyan réussit-il à aimer Rhyan si bien ? Si fort, si parfaitement ? Avec une constante, une douceur qui n’a rien à envier à la colère, qui ne les déchire jamais. Pourquoi toujours si compliqué pour lui, rien de gratuit, et, il touche d’un air absent, sans en avoir conscience, les zébrures sur son bas ventre, alors qu’il fait rouler son pouce sur la boule de nerfs d’Anja.

Sa souffrance tout contre son humidité et sa jouissance.

Elle le rendra fou.

C’est un oracle, une prédiction, des mots sages qui prendront sens plus tard — s’ils ne prennent pas déjà sens maintenant déjà. Il la désire tellement que son caleçon colle à l’humidité formée sur son sexe. Belle, belle, belle Anja. Anja qui sème le vent dans sa vie et l’emporte dans sa tempête, Anja qui choisit trop puis qui disparait, Anja qui commande ou qui lâche prise, entièrement. À lui, rien qu’à lui, possession empoisonnée mais addictive, il le sait maintenant, il ne peut pas la quitter sans ressentir le manque, les tremblements.

Un seul prénom, tant de conséquences.

Anja.

I can’t stand the shakes,
Why do I suffer withdrawal ?

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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyMar 2 Mar 2021 - 22:30

Qui aurait pu croire qu’un jour, la gamine qu’elle était et qui haïssait tant les hommes pourrait tomber amoureuse de l’un d’entre eux ? Avec tellement de force que ça lui faisait mal.
Mais peut-être que ce constat renforçait encore plus sa férocité à leur égard ?
Sur le seuil de ses trente ans, Anja se rendait compte que toutes ses certitudes lui échappaient.

[...]

À quoi as-tu pensé, toi, en me voyant jouir ? T’es-tu rappelé les nombreuses fois dans cette chambre, sur ce bureau même ? Le sexe et le combat, les seuls moments où nos corps se trouvent et s’accordent, comme s’ils étaient fait pour s’entendre.
Avant que tout ne s’évanouisse dès le moment où l’un de nous essaie de parler. Si beaucoup disent qu’un couple réside sur la communication, nous il résidait dans le silence.
Mais parfois les mots explosent et nous aussi. Ce qui n’empêche pas l’amour de rester. Je crois. Comment offrir un « je t’aime » à quelqu’un quand on ne l’a nous-même jamais reçu ? J’espère sincèrement que tu peux le dire à Elaïa. Et qu’un jour je serai capable, moi aussi, de trouver le courage de le lui dire.

Après la jouissance, tu es revenu vers moi, ton baiser sur mon baiser et tes yeux, tes yeux, tes yeux.
Tes yeux dans lesquels je peux lire les siens.
Tu as enlevé mon haut, découvert ma peau pour qu’elle retrouve la mienne. Tes blessures contre moi, leur contact boursoufflé, le souvenir encore brûlant dans ma tête, te voir ne plus t’arrêter de mourir. La douleur de mon monde qui s’écroule et de réaliser que, sans toi, plus rien ne me paraissait tenir.
As-tu ressenti la même chose au moment de la mort de Chloé ?

Ta main est descendue jusqu’à mon clitoris pour me faire jouir un peu plus alors que je sentais ton sexe gonflé de l’autre côté du tissu. Ce fut mon tour de glisser mes mains contre l’os de tes hanches et de tout enlever, sans prendre le temps de séparer les étapes. Tout à tes pieds, royaume échoué. Puis ma main qui te caresse, ma main qui a la forme de ton sexe de sa mémoire, jamais vraiment oublié. Tout me paraissait tellement naturel, couler de sens. Je retrouvais les gestes, les saccades, les plaisirs et ton désir. Ma maison de solitude s’était ouverte sur ta présence et je profitais de ce moment, de ce temps qui, je le savais, ne durerait jamais assez longtemps. Alors j’ai guidé ton sexe contre le mien, sans pourtant le laisser entrer. J’en avais envie, vraiment.
Plus que tu ne pourras jamais l’imaginer.
Mais j’avais peur, en le laissant entrer, que tu jouisses en moi puis que tu t’en ailles, à nouveau. J’avais peur, et je savais que c’était ce que tu ferais, me laissant à nouveau seule avec des mots que je ne contrôle toujours pas. Alors j’ai patienté, aussi longtemps que j’en étais capable, jusqu’à ce que mon propre désir me submerge trop, m’asphyxie dans mes envies, jusqu’à ce que je sois incapable de résister. Et, seulement alors, je t’ai laissé entrer.

[...]


Tout lui échappait, si ce n’était l’image de Green, fichée trop loin dans sa poitrine.

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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyMer 3 Mar 2021 - 14:41

Il aurait voulu qu’on lui dise avant, ce que c’était que l’amour. Comment donner ce qu’on a jamais reçu ? De la fierté, de la honte, du courage, de la peur ; il avait pu expérimenter un panel de ressentis grâce à ses parents mais jamais l’amour simple. Même avec ses frères, ç’avait été sous couvert de pouvoir et d’ambitions, même les jeux. Surtout les entrainement. Les opposer puis les dire soudés, c’était Allen Soul, tout ça. Sa patte de partout, sale, dure.

Dégueulasse.

Après Anja, Green rêverait longtemps avec Elaïa dans ses bras à tuer son paternel, un petit canif de chasse dans sa gorge, il scierait, il aurait du mal à trancher les ligaments du cou, mais ça irait, ça irait, la mare de sang serait presque noire et la boucle serait bouclée.
Après Anja, oui.

Parce qu'Anja, là... oh, Anja. Il se sent sur les rivages de la folie, déjà mouillé jusqu'aux mollets dans l'insanité qui lui tend les bras, l'appelle, lui susurre des bestialités sexuelles qui le chavirent.

Elle le désappe, il lui semble manquer d’air, de beaucoup d’air subitement, comme si son corps prenait toute la place, ses hormones, toute sa tête. Sa main autour de sa verge, il se mord la joue pour ne pas l’attraper à bras le corps et la prendre violemment, pour se libérer. Que ça en soit finit de cette tension insupportable, si lourde, bouillonnante. Elle le laisse là, il ne force pas, il la touche, lit sur son corps les nouvelles années qui sont passées. Il se mord l’intérieur de la joue pour que la douleur le ramène à lui-même, moins bestial et, quand enfin, elle se referme autour de lui, trempée, il y va aussi doucement qu’il le peut. Les mains sur les hanches d’Anja, il se coule avec une lenteur qui hésite entre l’exquis et la torture pour lui, attrape la chair de sa belle pour rentrer aussi profondément qu’il peut.

Il lâche un soupir ; du soulagement ? Il vole quelques secondes là, immobile, lui attrape le menton, les doigts sur ses joues pour avoir ses lèvres et attaque un va-et-viens connu, attendu, évident, sûrement. Mais rapidement il sort, retourne la jeune femme et, son torse contre son dos, rerentre. La pression lui arrache un grognement. Une main sur son sein les lèvres dans son cou, il s’accroche à la peau tendre, y laisse un suçon violacé. La marque ressemble à un gouffre sombre sur le cou délicat d’Anja, il s’accroche à son bassin, les yeux rivés sur la modification qu’il avait pu imposer à ce corps. Il accèlère, suce le lobe de l’oreille, réembrasse le suçon.

À moi, la mienne, ma meuf, ma femme, ma partenaire mon histoire d’amour bancale à moi, mon passé et mon présent et mon futur à moi ma vie avec elle ma maison mes souvenirs, cette peau qui m’appartient, ces soupirs qui sont à moi, ces yeux que je possède et mon amour à moi semble dire cette trace alors qu’il jouit.

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Anja L. von Duisbourg
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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyJeu 4 Mar 2021 - 0:48

Les yeux de la sorcière se noyaient dans les lignes qui semblaient s’écrire toutes seules sous la pointe de son stylo. Régulières, comme autant de flèches acérées, de certitudes sur le papier. Il n’y avait pas d’hésitations quand le papier devenait la métaphore de la peau de Green et son écriture, les cicatrices qui l’avaient redéfini.

[...]

Mes hanches se sont emboîtées avec tellement de perfection dans les tiennes, comme si elles avaient été taillées dans le même morceau d’os avant d’être rompues en deux. Peut-être était-ce ça d’ailleurs, notre histoire. Un seul bloc de chair séparé en deux et maudit, destinés à toujours se désirer sans jamais réussir à être réunis pour toujours. Toi qui rentre, toi qui sort, dans un rythme doux et maîtrisé.
Puis le monde qui s’immole. Et toi, toi, toi qui attrape ma taille pour me retourner, mon corps qui rencontre le bureau alors que je me penche un peu en avant. Vague souvenir de ma première et unique sodomie avec Redwan, puis la douleur qui reflue comme une marée alors que tu rentres en moi, toujours aussi naturellement, toujours autant fait pour moi.
We’re meant to be.
Et ta bouche vers ma gorge qui s’accroche et qui tire dans une trace sombre qui, je le sais, se marque, s’ancre en moi et hurle que je suis à toi, que tu es venu et que tu t’es abandonné là. La trace de ton désir étalée dans mon cou. Puis tout est allé plus vite et tu accélères, accélères, tes mains et tes lèvres se perdent et m’envahissent, un lobe, un sein, je jouis encore puis toi, puis moi, puis je ne sais plus qui de nous deux, peut-être ensemble à l’unisson, tout est allé trop vite.
Jusqu’au liquide si chaud dans mon corps.

J’aurais aimé, à cet instant précis, trouver les mots pour que tu t’accroches toi, et pas juste un suçon dans mon cou. Savoir dire ce qu’il fallait pour que tu restes pour la nuit, pour le mois, pour toujours. Ou pour que tu m’emmènes, même rien qu’avec des mots, dans tes moments à toi. Partager dans tes souvenirs un repas avec Elaïa, l’intelligence de son regard, tout ce qui fait d’elle un être autant à part.
Mais je ne les trouve jamais, les mots.
Alors je me suis retournée pour te faire face, sans penser aux spermes qui coulaient lentement et chaudement le long de mes jambes. Je me suis retournée pour te regarder, pour graver encore une fois cette image mentale de toi, ce corps tellement plein de vie et d’histoires. Puis ce sont mes bras qui ont cherché à la place de ma langue, mes bras qui ont entouré ton torse pour me blottir contre celui-ci, comme aux temps d’avant.
J’aurais voulu rester dans tes bras pour toute l’éternité.

[...]


Sa main libre remonta doucement jusqu’à sa gorge, à l’endroit exact où son cœur semblait encore battre, dans la trace que lui avait laissée Green. Une trace, surtout, qui était la preuve que tout cela n’avait pas été qu’un rêve muet.

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Et entendre ton rire qui lézarde les murs
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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyJeu 4 Mar 2021 - 11:44

Tout s’arrête qu’ils n’ont toujours pas dit un mot. Peut-être l’ont-il compris à force de subir, ils ne savent pas se parler, communiquer, comprendre, s'aimer. Green, après, plus tard, ne comprendra pas comment Anja a fait pour ne pas lui demander pour Elaïa, pour ne pas le noyer de questions pour ne pas, au moins, vouloir une photo, une ancre, une accroche. Mais si, quelques années auparavant il lui en aurait voulu — peut-être ce ressentiment se serait doublé d’un mépris crasse —, tout ça aura disparu au profit d’une incompréhension simple, diffuse. Une incompréhension qu’il relèguera au rang de toutes ces questions sans réponses, auquel on trouvera des arguments qu’il trouvera bidon, pour protéger, pour l’organisation.

Il ne comprendra pas.

Ce qu’il comprend, en revanche, c’est leurs corps. Elle vient entre ses bras, il la serre, l’entoure. Le nez dans ses cheveux, il respire cette odeur qu’il avait cru croire acquise et habituelle, qu’il ne remarquait plus tant, finalement. Il presse ses lèvres son crâne, ils sont nus sans gêne. Incroyable comme subitement il est ramené à son âge ridicule, même pas trente ans — il dirait bien, encore 170 à tirer ! mais il sait que les sorciers noirs ne meurent jamais de vieillesse — et si fracturé déjà ! Trente ans sans innocence, sans déboires stupides, sans une vie aussi banale mais brillante des normaux, des innocents qu’il méprise et envie à la fois. Avec le pouvoir les responsabilités.

Avec le pouvoir…

Il soupire doucement de ce soulagement intense, comme s’il n’avait pas pu respirer de longtemps et que ça lui avait trop pesé. Ses mains chaudes autour d’Anja, ses pensées cruelles viennent lui souffle que Red, peut-être, l’a tenue, s’est-elle laissée tenir comme ça ? L’a-t-elle embrassé, seulement ? L’a-t-elle voulu aussi fort ?

Il a la nausée.

Quelque chose d’insidieux, posé sur sa langue. Greffé à sa langue, même. Obligé d’en avoir si durement conscience. Un aphte de détresse. Un ulcère de la colère qu’Anja lui force de porter sur lui.

Anja est trop ancrée sous sa peau pour que ça ne le fasse pas souffrir, que ça ne creuse pas un lac plein de peine dans ses tripes ; elle le lui a dit après tout. Je voulais que tu aies mal. Et bien, c’est réussi, songe-t-il. Il se décolle finalement : le temps lui manque. Il embrasse les lèvres qui savent si bien le rendre misérable comme tout puissant.

Et se tire. Ou bien se casse.
Difficile à dire dans ce genre de situation.

Se tire, alors, ou se casse ?

Ni l’un ni l’autre, à vrai dire.

En quelques secondes il est à nouveau habillé, à nouveau Green Soul, profondément marqué par tout ce qui lui a été apposé. Il jette un regard à Anja, lourd de ce qu’ils sont, complexes et compliqués. Et puis, et puis non, il ne s’en va pas, il ne se casse pas non plus, plus maintenant, plus cette fois.

Cette fois, il se sauve.

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MessageSujet: Re: 14 juin ; right over here. (-18)   14 juin ; right over here. (-18) EmptyJeu 4 Mar 2021 - 14:25

Elle n’avait plus envie d’écrire, pas envie de crever le papier sous la souffrance qui avait suivi. Les belles histoires sont celles qui ne se terminent jamais. Dès lors qu’on rentre dans les foyers, dans l’intimité, ça chavire.
Navire échoué dans la tempête de ses veines.
Mais Anja se força à continuer, parce que ce qu’elle avait vécu cet après-midi là n’avait pas que des peaux qui s’étaient rencontrées dans une mécanique connue. C’était plus profond, plus tangible.
Moins noyé.

[…]

J’aurais voulu rester dans tes bras pour toute l’éternité. Ces éternités qui ne finissent plus, qui s’immobilise pour se figer, incapables d’éclore plus loin dans le temps, tellement que même cette dimension n’a plus d’emprise sur elles. Une statue. Plus de nouvelles cicatrices, plus ces signes au coin de tes yeux qui, très doucement, marquent ton âge. Elaïa voit-elle les rides qui naissent lorsque tu souris et qui, trop tôt, se graveront sur ton visage ? Cherche-t-elle parfois, lorsque tu la prends dans tes bras, les premiers cheveux blancs ? S’inquiète-t-elle de te voir vieillir, chaque année, le même jour qu’elle ? Ou au contraire, est-elle soulagée de te savoir encore en vie, une année de plus avec toi dans cet élan constant de survie qui te nourrit ?

Un soupir brise l’instant et je sais déjà qu’il est trop tard, que tu t’en es allé. Je le sens dans tes lèvres qui m’embrassent, je le lis dans tes yeux qui me regardent. Il y aurait tant de choses à dire, tant de balafres auditives que je pourrais lâcher, pour essayer de te retenir, juste un instant de plus avec moi. Est-ce que c’était pour ça, toutes nos joutes verbales, nos agressions continues l’un envers l’autre ? Est-ce que c’était aussi un peu ça, finalement, qui nous permettait de ne pas nous égarer ? Nous mépriser pour mieux rester ensemble ?

Penses-tu à Redwan en t’éloignant de moi ? Est-ce que tu as mal, est-ce que tu me hais, est-ce que tu aimerais mourir encore une fois ? Imagines-tu le corps de ton frère à ta place, tellement plus solide et présent, qui entre dans une pièce avec sa force, son aura de violence envahissant tout l’espace ?
Les réponses à toutes ces questions que peut-être tu te poses – ou non –, c’est que ton aîné m’a prise comme une chienne avant de jouir sur mon dos et de s’affaler dans le canapé, simplement satisfait, sans tendresse, jamais, sans même imaginer me garder un instant dans ses bras pour lire ce qui ne va pas et la peine noire qui gangrène mes sentiments.
Mais tout ça, tu ne le sais pas. Comment pourrais-tu le savoir ? Ce que tu sais c’est les nuées que les rêves t’apportent parfois, des formes en filagramme dans ton esprit. Et ces mots, les miens, que tu as peut-être entendu sur le seuil de ta mort : « Je voulais que tu aies mal ». Et c’est vrai, je le voulais. Mais je voulais surtout que tu me reviennes.

Tu es déjà rhabillé que je suis toujours incapable de bouger ou de songer à te t’appâter avec des mots. Tu me lances un dernier regard avant de fermer la porte et c’est comme si rien n’avait jamais existé, comme si tout cela n’avait été qu’un rêve, à la fois beau et terriblement douloureux.
Que des souvenirs qui s’étiolent encore et encore.

Alors que tu n’en finis plus de me manquer.

Anja


La sorcière noire caressa le papier qu’elle imaginait peau une dernière fois, avec de ramasser les feuilles et de les jeter dans l’âtre qui brûlait dans la pièce.
Tous ces mots qu’elle ne dirait jamais.

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