It's the end of the world

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Anja L. von Duisbourg
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MessageSujet: It's the end of the world   It's the end of the world EmptyLun 5 Juil 2021 - 13:44

Sur son bureau, Anja observe la pile de papiers qui l'attend encore, alors que ses côtes grincent encore, que ses blessures ne sont pas tout à fait refermées. La nuit est déjà bien avancée, mais la sorcière noire sait qu'elle ne dormira pas ce soir, qu'il n'y a plus le temps pour ça désormais, plus de repos pour la reine.
Reine couchée.

Elle repousse cependant les tas devant elle pour attraper une feuille vierge et combler les vides dans son cœur.

Meine liebe Elaïa,

La guerre est terminée. Peut-être pas entièrement, peut-être pas pour Dorian Cross et Croix, mais elle est terminée pour Rosenrot. La décision n'a pour l'instant voyagé que dans les hautes sphères et sera rendue publique ces prochains jours. Il y a encore beaucoup de travail, de négociation avec Orpheo, il faudra plier l'échine, éviter la colère de Croix – mais ils sont aussi détruits que nous.
Ça aura été beau le temps que ça a duré. Mais nous sommes trop fatigués, à bout, décharnés, ensanglantés.
Je ne sais pas encore quelles seront les conditions d'Orpheo. Je ne sais pas encore comment Rosenrot sera demain, si la tête de la reine devra tomber pour laisser la place aux marionnettistes, si c'est ton grand-père qui sortira de l'ombre pour reprendre les rênes qu'il n'a jamais véritablement lâchées, ou s'il trouvera un autre pantin avec lequel jouer. Elle est ainsi la vie, pour lui ; se cacher derrière les autres, pour que lorsque tout s'écroule, résister et survivre.
Nous ne sommes que de la chair à canon.
Peut-être que je devrai me rendre, peut-être que je devrai mourir. Peut-être que je ne te reverrai jamais, Elaïa. Mais je ne peux plus supporter tout ça. Le sang, les massacres. Il y a quelques jours encore, quelques jours pour que tout bascule.

Et la guerre est terminée pour Rosenrot.

C'était un dernier coup, un hameçon lancé au désespoir, un sursaut dans l'alliance entre Croix et Rosenrot. Une attaque de masse, avec tous les télékinésistes mobilisés pour l'occasion, et quelques autres encore. Nous étions une centaine, une centaine d'âmes agglutinées, une centaine de cibles si faciles pour Orpheo. Comme s'ils avaient été prévenus, comme s'ils nous attendaient.
Ce fut un massacre. Des corps démantelés, des images terribles, même pour des sorciers noirs entraînés à ne pas s'émouvoir sur le champ de bataille ou à côté. Je ne dois ma survie qu'à quelques soldats qui se sont jetés devant pour me permettre de m'échapper, abandonnant le combat comme une lâche.
Sur les 113 sorciers avec lesquels j'étais partie, il n'en resta plus qu'un seul autre. Un soldat de Croix, épouvantablement jeune – mais ne l'étions nous pas tous, labourés par Orpheo, déchu par nos ennemis. Nous n'étions plus que deux âmes écorchées, ensanglantées, blessées et échouées au cœur du désert du Sahara. Pas de vivres, pas de téléporteur ou de guérisseur avec nous, simplement la vie qui s'écoulait hors de nous.
Deux fantômes à marcher dans le désert. Plus de rang, plus de camp, plus qu'une question de survie. Qu'il soit soldat, roi ou maître de l'univers importait peu ; ce qui importait c'était de survivre. C'était de sortir hors de ce désert.

– Tout seul on y arrivera pas. On se fera bouffer par le sable et je ne tiens pas à rester enterrée ici.

Lorsque nous nous étions suffisamment éloignés de l'espace de combat, je m'étais tournée vers lui pour lui tendre une main.

– Anja.

Consciente également, qu'au bout du chemin, il ne deviendrait peut-être pas juste un soutien, mais une vivre sur pattes. Je n'avais, évidemment, aucune envie d'en arriver là, aucune envie de tuer un sorcier, qu'il soit de Croix ou d'ailleurs, pour le dévorer.
Mais je voulais rentrer, espérer un jour te revoir.
Revoir Green peut-être

[...]


Une guerre terminée après tant de victoires, mais de défaites également. Rosenrot était à genoux et la reine avait la tête sous la guillotine.
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MessageSujet: Re: It's the end of the world   It's the end of the world EmptyMar 6 Juil 2021 - 12:25

Tout le monde est mort.

Le garçon avait l’impression de danser sur des décombres, d’être dans un vieux film de guerre à la Stalingrad. Des sacrifiés, des cadavres, des anonymes, des gens prêts à poser leur vie pour quelque chose, on sait plus bien des années après, on saura plus bien à des années d’ici, je crois. Il se sentait en pilote automatique, une raideur générale de la survie ; il s’inspirerait sûrement de ce moment pour coller des horreurs dans le crâne des autres. Il renifla, rechargea dans le vide pour la millième fois son arme à feu qui tinta sèchement. C’était un gentil garçon, Harry, et il se retrouvait là, la carapace craquelée et du sang au bord des lèvres. La reine de Rosenrot était là aussi — le roi de Croix ne se déplaçait pas. Il se demanda brièvement si c’était une bonne chose que Dorian n’ait pas été là et puis, abandonna le fil de pensées. Ça n’avait aucune sorte d’importance : tous les autres étaient morts. Il oublierait les noms, les visages — il frissonna en pensant à ceux avec qui il mangeait, s’entrainait, à cette étrange discussion où l’un d’eux avait dit mais si ! Harry, essaie de me citer un héros qui était heureux !  et le garçon avait répondu un truc bâteau, il savait bien plus, quelque chose comme on est tous le héros de notre histoire…. mais l’autre avait pas lâché l’affaire, du genre à dire n’importe quoi gros, mais dis-moi ? ça vaut quoi d’être le héros ?

Les non-héros n’étaient donc pas malheureux car ils étaient morts. La phrase résista quelques secondes sous la chaleur écrasante du désert avant de s’étioler, comme le reste. Il aurait des semaines pour en cauchemarder, il n’y avait pas d’énergie à dépenser là-dedans pour le moment. Tout seul on y arrivera pas. On se fera bouffer par le sable et je ne tiens pas à rester enterrée ici. Ses yeux clairs fouillèrent la reine pour essayer d’y trouver un quelconque débris d’humanité, une douleur. Un truc. Elle lui proposait de ne pas s'entretuer - il n'y avait pas pensé. Il souleva lui même son pantalon, sa jambe avait été prise dans une sorte de piège à loup qui lui avait bouffé le mollet, et une brûlure avait grimpé son échine mais la première ne saignait plus, la seconde n’était qu’un halo de douleur sans danger. Anja. Il hoche la tête, prend la main qu’elle lui tend pour la secouer brièvement. Harry. Ils n’avaient pas fait le tour des blessés mais au fond de lui, en tout cas, il savait : ils n’étaient que deux. Lui à fouiller les pensées des heures elle, elle il paraît qu’elle maitrisait les masses par la pensées. C’était aussi clair que shady et il n’avait pas cherché à en savoir plus. Blessée ? demanda-t-il pour se faire une idée de leurs chances de survie. Son kevlar gardait deux cartouches de munitions d’une automatique qu’il n’avait plus (qui avait fondue) et il s’en débarrassa. Deux grenades dont une à plâtre — utile — et une balle runique à énergie, trois pâtes de fruit, de l’eau en gel, trois balles de silencieux… de la crème solaire. Fantastique. Un plan autre que marcher vers l’infini ?

Il avait peur, mais étrangement, pas peur de mourir. Peur du grand vide, des grands silences, de la femme qu’il savait cruel et de sa propre tête qui savait l’enfermer dans une prison de « et si » qui avaient le pouvoir le rendre fou.
Qui avaient le pouvoir de tous les rendre fous.

Qui a dit que les pouvoirs ne sortaient jamais au hasard ?
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Anja L. von Duisbourg
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MessageSujet: Re: It's the end of the world   It's the end of the world EmptyMar 6 Juil 2021 - 13:35

Elle se demande si l'échafaud viendra, et si Green sera quelque part dans la foule, à planter ses yeux dans les siens pour mieux la voir crever. Et à ce moment-là, celui où la vie se coulera hors de ses veines, quelles seront ses dernières pensées ?
L'amour ou la haine ?

[…]

Le soldat de Croix avec qui j'étais remonta le bas de son pantalon, dévoilant les blessures qui avaient fouillé sa jambe, la chair cramée dans une odeur noire. C'est avant tout ça, la guerre, Elaïa. J'espère que tu n'auras jamais à la connaître, mais j'en doute. Ce sont les morts, les blessures, les odeurs de cadavres et les gouilles de vomi de celles et ceux qui n'ont pas les tripes pour tenir. Les peaux qui suintent et qui tremblent, les muscles déchirés et qui se laissent graver par les souvenirs qui deviendront les cauchemars de nos insomnies. J'aimerais que tu n'aies jamais à connaître ça, ces odeurs et ces couleurs, mais à l'heure où nous perdons la guerre, celle où nous abdiquons, je sais déjà qu'une autre éclatera. Éternel recommencement de nos âmes de toujours vouloir se battre. Les phénix renaissent de leurs cendres et les esprits belliqueux se nourrissent des cadavres encore fumants. Peut-être que ça ne sera pas Rosenrot et Croix, peut-être que ça sera une autre guerre, d'autres ennemis, d'autres enjeux. Mais il y a dans toutes les histoires des Allen Soul, des Anja von Duisbourg, des Dorian Cross et des soldats. Ils portent juste des noms différents.

– Harry.

Dans cette histoire, le soldat s'appelait Harry et la reine était déjà déchue. Il attrapa ma main pour la serrer ; plus de rang, de courbettes, d'effroi dans le désert. Juste la survie.

– Blessée ?

Je remontai mon haut, dévoilant les runes sur mon ventre et le sang bercé entre les côtes. Le sang, il y en avait partout ; dans le sable, dans nos traces de pas, sur nos mains. Notre sang, mais surtout celui des morts, celui de nos alliés.
La plupart des mes blessures étaient anecdotiques, à l'exception de traces profondes qui lézardaient mon ventre. Arme à feu ou arme blanche, dans la bataille tout avait été tellement plongé dans l'inconnu que je ne savais même pas à quel moment les blessures s'étaient tracées, je me rappelais juste de la douleur, vague information dans cette vague de mort.
Je sortis de mon sac le drap beige qui avait permis de nous dissimuler pour approcher de nos ennemis et je le déchirai en trois bande : une que j'enroulai fermement autour de mes côtes, une que je disposai sur ma tête pour me couvrir la tête et la troisième que je balançai sur le sable jaune taché de sang et de soleil, aux pieds de Harry. Même pas de trousse de premier soin pour éponger un peu les blessures ; nous étions partis trop sûrs de nous, trop fiers, encore et toujours. Croix et Rosenrot qui tombaient dans les pièges, et y retombaient, un peu mieux à chaque fois. Grand classique alors que nos soldats disparaissent.

– Un plan autre que marcher vers l'infini ?

J'observai les yeux verts, comme teinté de rouge par le sang de ceux qui étaient tombés. Un plan. Quel plan à part essayer de survivre ?
Je posai mon sac, me délestant comme je le pouvais du poids que je portais sur mes épaules avant de focaliser ma lévitation sur mon corps fatigué. Agir ainsi me ferait perdre de l'énergie, j'en étais consciente, mais en l'absence de tout repère, comment même savoir dans quelle direction marcher ?
Je m'élevai un peu, sans trop forcer, espérant apercevoir quelque chose. Dans l'horizon crevait le champ de bataille qui s'étalait jusqu'à si loin qu'il en disparaissait. Haut dans le ciel, le soleil toujours plus chaud, partout autour, le sable et la chaleur. Je me concentrai, recherchant mes points cardinaux sur la base de cette information, regrettant que la nuit ne soit pas déjà tombée avec sa carte du ciel étoilée, même si je savais qu'elle serai rude et froide. Puis, une fois une décision imaginée, je retrouvai le sable et le soldat.

– Le sud est dans cette direction. On devrait finir par tomber sur Ma'tan as Sarah, avec un peu de chance.

Avec énormément de chance. La direction était peu précise, l'oasis n'était pas si large. En nous trompant de quelques degrés au départ, nous pouvions nous retrouver à des kilomètres de l'endroit et de son petit aéroport. Mais quel autre choix avions-nous ?

– Pouvoirs ?

Je repassai les bretelles de mon sac et commençai à marcher vers ce qui pouvait être ma future tombe. Derrière nous, le vent commençait déjà à recouvrir nos empreintes et à créer un cimetière immense pour tous nos morts.

[…]


Ce qui était sûr, c'est qu'au milieu du désert, ce n'était pas à Green qu'elle avait pensé.
Mais au visage d'Elaïa bébé, lorsqu'elle l'avait vue pour la première fois, et la peur de ne jamais voir ce visage grandir.
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MessageSujet: Re: It's the end of the world   It's the end of the world EmptyMar 6 Juil 2021 - 15:27

La femme découpa des morceaux de draps pour se fagotter comme elle peut avant de le balancer à ses pieds. Pourquoi ne pas me le donner dans la main? Ce n’était même pas une question d’ego : il ne comprenait pas pourquoi elle insistait pour traiter le monde comme moins qu’elle tout en venant faire partie de la guerre pour la perdre, comme les autres, misérables vers qui seraient bientôt recouverts par le sable. Le garçon pansa la blessure à sa jambe, vissa une casquette à l’envers sur son crâne. La transpiration rendait ses boucles lourdes et désagréable : il détestait l’Afrique en entier. Chaque recoin de l’Afrique ; comme si un continent pouvait désormais porter l’odeur de la mort et du sable dans la bouche, entre les dents, sur les plaies. Il songea aux petites cailloux qui se foutraient entre les lèvres de la blessures et les tissus déchirés de ses jambes et réprima un frisson. Il fallait qu’il arrête d’imaginer des trucs.

La femme s’éleva dans le ciel et il la regarda, elle faisait aussi moribonde que majestueuse. Quand elle revint, il ne pipa mot, comme si l’autorité de Von Duisbourg s’étendait à lui, celle qui savait, qui dirigeait. Lui écoutait, s’employait doctement à abattre les cibles qu’on lui désignait. Ça s’arrêtait là, beaucoup. Le sud est dans cette direction. On devrait finir par tomber sur Ma'tan as Sarah, avec un peu de chance. Il acquiesça quand bien même il ne savait pas de quoi elle parlait, mauvais en géographie, bien meilleur au milieu des mots et des armes à feu. PAH ! PAH ! Il repensa à Jester qui se recousait, penché en arrière sur un muret dégueulasse et de comment ça lui avait collé la nausée au bord des lèvres. Les balles et les trous, ok, mais les coutures dans de l’humain, immonde.

Il frissonna alors qu’il avait chaud. Bien trop chaud. Pouvoirs ? Il offrit à la reine un sourire solaire tout en fossette, comme s’il avait eu de la fierté à annoncer ce qui suivait. Tout en sarcasmes. Lecteur de pensées. Horrificateur. Sa voix trahissait sa fatigue, elle était sortie basse et brisée ; incontrôlable. Il fit quelques pas pour initier sa lente et longue et pénible et terrible marche vers le sud. De quoi nous sortir de là, n’est-ce pas ? Il s’enfonçait dans le sable. Les cadavres seraient bientôt des monticules anonymes ; lui et Anja aussi, peut-être, plus loin. Il fit un geste résilient : je ne suis pas assez con pour trainer dans ta tête, si tu te poses la question. Mais les reines n’étaient pas de ce genre là, bien souvent, et la loyauté des sujets étaient acquis. Il ne savait pas les fous, les amours infidèles et les bureau de bois sur lesquels les enfants sont faits. Il songea qu'elle était plus petite que lui, plus fine, qu'elle avait sûrement moins de gras et de ressources que lui. Que si elle en venait à mourir, Rosenrot serait un serpent sans tête à se débattre. Pas pour longtemps ceci dit, pas pour longtemps. Il fit un pas de plus vers la suite.
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MessageSujet: Re: It's the end of the world   It's the end of the world EmptyMer 7 Juil 2021 - 14:17

L'avenir lui apparaît si fragile, si friable. Tout ce qu'elle a construit, cet empire, cette alliance avec Dorian Cross, tout ce qui s'écroule aujourd'hui, traîné dans la boue. Il faut apprendre à tomber pour se relever, mais certains ne se relèvent jamais.
En fera-t-elle partie ?
Le monde que la sorcière noire s'est acharnée à créé, ce monde pour sa fille, pour le futur des sorciers, où les humains seraient enfin à la place qui est la leur – inférieure – et que les sorciers pourraient régner en maître avec leur pouvoir ; c'est ce monde-là qui est défait. Toujours l'ombre pour Elaïa, toujours l'échec pour Anja.

[…]

Le sable s'enroulait autour de nos godasses, brûlant dans l'air. Combien de temps pouvions-nous tenir ? Certainement plus longtemps que des humains et leur constitution si faible, mais certainement pas l'éternité. La soif viendrait, l'insolation aussi.

– Lecteur de pensées. Horrificateur.

Je tressaillis faiblement en entendant les pouvoirs du soldat qui m'accompagnait. Horrificateur, comme ton grand-père. De la pire espèce, capable de fouiller les peurs les plus profondes pour les étendre dans nos pensées. Il n'y a qu'à voir la place d'Allen dans la société ; un pouvoir destructeur et puissant.
Mais ce qui m'effrayait peut-être le plus, c'était la lecture des pensées. J'avais appris à maîtriser mes peurs, à serrer les dents, même devant les imaginations les plus affreuses. Mais les pensées, si on m'avait enseigné à créer des murs et à maîtriser mes idées, je doutais d'être capable de le faire dans cet état, sur des kilomètres et des kilomètres de marche.

– De quoi nous sortir de là, n'est-ce pas ?

C'était peut-être le seul avantage de crever dans ce désert. Il mourrait avec mes pensées et la connaissance de ton existence serait balayée par le vent.

– Je ne suis pas assez con pour traîner dans ta tête, si tu te poses la question.

Disait-il la vérité ? Je caressai l'idée de le tuer tout de suite, surtout que sa compagnie paraissait inutile étant donné ses pouvoirs – et même, pire qu'inutile, dangereuse. Pourtant quelque chose me retint. La peur de la solitude ? L'angoisse de mourir seule, recouverte par les sable jaune du désert ?
Je pourrais toujours le tuer à l'arrivée ou si je le sentais tenter quoi que ce soit.

– Tant mieux.Tu n'aimerais pas ce que tu y trouverais.

Les longues journées d'une reine, les difficultés constantes, réussir à rallier l'avis des puissants de Rosenrot – dont Allen Soul, toujours Allen Soul. De la politique qui était, à l'époque, parfois hachée par les nuits avec ton père, un exutoire à ce pouvoir sur mes épaules, quelque chose pour me tirer de l'eau.
Mais Green était parti et il n'y avait plus que la politique, les morts par dizaine, Orpheo qui recourbait ses longs doigts sur les sorciers noirs. Il verrait dans ma tête ton existence, certes, mais il y verrait aussi la mort, et nous en train de perdre la guerre. Il n'était qu'un mercenaire, quelle conscience pouvait-il avoir de tout cela ? Et sous les ordres de Dorian Cross… qui avait disparu depuis longtemps, laissant presque un siège vacant derrière lui. Je me souviens qu'à une époque il était question que j'épouse son frère. Un mariage de pouvoir, pour rallier nos deux familles sur un autre plan, comme pouvaient le faire les rois et les reines du monde des innocents. Ça ne s'est jamais fait et je regrette parfois ; je me dis qu'avec son absence, avec Dorian qui fuit constamment ses responsabilités, j'aurais pu prendre la tête des deux organisations, une flèche plus précise à tirer.
Mais combien faut-il que je sois orgueilleuse pour prétendre que cela aurait pu changer notre destin ? Percer Orpheo suffisamment profondément pour qu'on puisse enfin gagner, que ce soit eux qui abdiquent, plient le genou, capitulent ? Je ne suis pas fière à ce point.

Nous avancions lentement, bousculés par les grains qui ne cessaient de bouger, rendant cette marche plus difficile. Lentement et en silence. Mes côtes m'élançaient, je savais que mon bandage était précaire, pas suffisant. J'aurais dû les recoudre, mais nous n'avions rien pour cela. Je ne me retournai pas pour demander au soldat si sa jambe le ralentissait ; il était dressé pour serrer les dents et avancer, au moins, ça Dorian savait faire. Des bons petits soldats.
Parfois, je lévitai sur quelques mètres, pour épargner mes pieds, continuer à avancer. Mais la magie épuisait beaucoup mes réserves. La nuit n'était pas loin, et je savais déjà qu'elle serait dure, froide, remplie des bruits étranges des monstres qui se cachaient entre les dunes.
Les dunes et le sable… Le sable qui se mit soudain à bouger. Je crus d'abord à une hallucination, à la chaleur qui m'avait atteinte, aux gouttes de sueur qui perlaient sur mon front pour disparaître dans ma vue, la troublant. Mais le sable continuait de bouger et se rapprochait de la jambre du soldat. Il me fallut un instant pour comprendre, bien moins de temps pour que la lame glissée dans ma ceinture sorte sous l'impulse de mon pouvoir et aille transpercer le sable, à quelques centimètres du pied de Harry.
Je me baissai alors pour attraper le long ruban de sable dont le sang roulait en taches sur le désert.

– Je crois que nous avons notre repas pour ce soir.

La tête de la vipère décapitée, aux crocs encore sortis, s'était figée dans le sable pour l'éternité.

[…]


Mais comment trouver de l'ombre, au cœur du désert ?
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