Il était maintenant 20h13, le Soleil baissait vers l'horizon pour laisser place à la lune. Le ciel était dégagé malgré la présence de quelques fins nuages dispersés dans le ciel d'un bleu enivrant.


Je suis assis sur la plage et regarde l'horizon guettant le moment où le Soleil disparaitrait dans la mer.
Des grains de sable virevoltent autour de mon bras tendu devant moi.
Je bouge l'index et le sable se concentra en une fine pellicule. Je bouge mes autres doigts pour la faire changer de forme, elle devient successivement une sphère, un cube, une pyramide, cependant ces solides sont disproportionnées car je ne maitrise pas entièrement mon pouvoir et puis mes talents artistiques ne sont pas hors du commun, c'est pourquoi j'ai du mal à obtenir des formes parfaites.


Puis je relache mon bras, la pyramide se disloqua pour retourner à l'état de sable.
...Je songe...j'ai voyagé pendant deux années pour venir dans cette endroit, j'ai respecté la volonté de mon père adoptif, Kalim, qui m'avait tant fait l'éloge de cet orphelinat. Et moi, je reste là sur une plage déserte, à contempler l'horizon alors que je devrais plutôt aller de l'avant et visiter l'école, rencontrer les autres orphelins ou que sais-je encore...
Mais je ressens toujours un sentiment étrange lorsque je me trouve avec une personne que je ne connais pas; je ne sais pas si c'est de la peur, du dégoût...Je ne peux le décrire. J'espère que ce sentiment disparaitra au cours du temps... pour que je puisse enfin agir normalement.


Le Soleil approchait de plus en plus de l'horizon...je ne partirais qu'au moment où l'étoile polaire se révélera dans la voute céleste, cette étoile qui m'a guidé dans le désert et m'a permis de rejoindre l'Europe...je me suis toujours dit que les étoiles étaient chacune le guide d'un être, qu'il soit humain, animal ou végétal...si l'on trouve son étoile, on trouve ce que l'on a toujours recherché, ce que l'on a toujours désiré. Pour moi, l'étoile polaire est une étoile qui nous permet de nous approcher de ce but et de découvrir celle qui nous correspond.


Durant cette euphorie de songes, j'avais imperceptiblement fermé les yeux, lorsque je les rouvris, le Soleil effleura l'horizon, à partir de cet instant, il éclairera l'Angleterre pendant encore 45 secondes avant de disparaitre.
En ce même instant, je sentis de faibles vibrations agiter le sable. Une personne approchait. Je vis en effet une silhouette se dessiner non loin de moi mais je ne percevais pas le visage de cette personne car j'étais ébloui par la lumière émise par le Grand Astre. Je mis alors ma main au dessus de mes yeux, cela ne changea rien. J'attendis...
Lorsque la seule lumière restante fut celle de la lune, je perçus enfin l'identité du jeune homme. C'est un professeur de l'orphelinat. Si je me souviens bien, il s'agit du professeur de musique...

Là ou le vent me porte...

Belle soirée comme je les aime. Le soleil commence à se coucher. Je souris. D'un sourire animal. Oui, je suis transformé. En ocelot, car j'ai besoin de me familiariser avec toutes mes métamorphoses. Cette forme est celle que je préfère, après le léopard. Elle est svelte, petite et rapide. Ses couleurs sont pétantes et ondulées. J'aime.

Mes habits entre les dents, dans une sorte de panier en tissu, je regarde de mes yeux d'animal, de mes yeux perçants et violents, le coucher de soleil qui s'apprête à disparaître sous la mer. Je m'assis. Une rafale de vent fouette mon pelage. C'est tellement agréable. Je sens chaque grain de sable. Je ferme les yeux. Tellement agréable.

Je me fatigue. Cette forme est plus difficile à garder que le léopard. Mais je n'y peux rien. C'est normal. Lentement, je reviens à ma forme humaine. Je m'habille de mes vêtements du dimanche, ceux avec qui je peux être bien dans ma peau. Ceux avec qui je me retrouve. Mes habits de style Louis XIV, anciens et pourtant...

Je suis debout sur le sable, les bras croisés, et l'air sérieux. Je n'ai pas envie de rentrer. Pas tout de suite. J'apprécie l'air aujourd'hui. Il n'est pas agressif. Simplement doux et accueillant. Le soleil va bientôt décliner. J'avance droit devant moi, guettant le moment où j'aurais les pieds dans l'eau.
Le sable. Parfois chaud, parfois chiant. Je n'ai aucun avis dessus. Je me contente de l'observer, sans chercher à comprendre comme il se forme. Il est lui, je suis moi, un point c'est tout.

Je baisse les yeux. Il y en a, là. Pas un grain de sable, mais une personne. Sur le coup, je m'en veux d'être ainsi présenté. Puis, j'ignore totalement ce qu'il pourrait me dire. Pour le moment, mieux vaut être courtois.
Et puis, je l'observe. Je reconnais peu à peu ses traits, illuminés par un soleil de plus en plus rouge, et de plus en plus faible. Il lève les yeux vers moi, mais ne me reconnait pas. Ce n'est pas mon cas.
C'est un des nouveaux élèves du Mystery. Un de MES nouveaux élèves. Il s'inscrit en musique si je me souviens bien.
Voyons... il me semble bien avoir feuilleté son dossier pas plus tard que ce soir... Qui est-ce? Ce serai malpoli de ne pas savoir...
Voyons... Esteban? oui.

Me tournant vers lui, je le salue poliment :

-Bonjour Estéban, (c'est bien ton nom?) rajoutai-je après un silence de sa part.

Quel mystérieux jeune homme.

Le professeur m'adressa la parole.


-Bonjour Estéban


Je ne pouvais m'empêcher de le détailler de haut en bas car, au lieu de porter le vêtement sobre avec lequel s'habillent généralement les professeurs, ce musicologue avait des habits étranges, des vêtements que portaient les nobles du XVIIème ou XVIIIème siècle.


-C'est bien ton nom ?


Je fis mine de ne pas être surpris par son étrange accoutrement...
Mes yeux se posèrent ensuite sur son visage. Je dépliai mes jambes et poussai le sable qui s'écrasa sous mon poids pour me permettre de me relever et me retrouver à sa hauteur. Durant ce mouvement, j'avais continuer à le dévisager, intrigué. Ces yeux était étranges, ils avaient comme une lueur...animale. Mais bon, ce n'est pas sur cela que je me suis attardé. Je lui répondis d'une voix calme.


-Oui...et je crois me souvenir que vous, vous êtes mon professeur de musique, c'est cela ?


Le professeur hocha la tête pour approuver et un léger sourire apparu sur son visage.


-Vous me cherchiez ? demandais-je, sceptique.


Comme je ne connais pas encore les règles de cet établissement, j'ai d'abord pensé qu'il est venu pour m'annoncer que je devais rentrer ou quelque chose dans ce genre, mais dans ce cas il ne porterait pas ce genre de costume. Sa venue m'intriguai, car les professeur sont censés avoir d'autres choses à faire que de se balader sur la plage.

Le vent des souvenirs...

-Vous me cherchiez ?

Sa question me surpris en premier lieu. Le chercher? Non. Je ne suis pas ce genre de prof qui viendrait chercher un élève jusqu'à la plage. Je suis plutôt du genre à faire confiance.
De toute façon, il n'a pas d'autre choix que de revenir au Mystery. Mais je ne m'étendais pas dessus et répondit d'un signe de tête négatif. Inspirant profondément, je me mis à fixer l'horizon avec merveille. J'avais toujours aimé observer la mer. Pour unique réponse, je dis :

-Je me balade simplement dans le coin, rien de très exceptionnel.

Estéban m'observait toujours, et je finis par demander :

-Je ne pensais pas te trouver là, mais puisque nous y sommes tout les deux, raison de plus pour faire connaissance. J'aime bien connaître les défauts et qualités de mes élèves. Et si tu pouvais me parler un peu de ton pouvoir, j'en serai heureux.

Ce n'était pas vraiment moi qui voulait parler, mais le regard du jeune homme me mettait mal à l'aise, et je me sentais obligé de parler avant de m'en aller. Cependant, il ne répondit toujours pas, comme intéressé par ma personne, où cherchant à découvrir mes multiples facettes. Comme celle que j'évitais de montrer, à savoir mon côté vraiment désagréable et silencieux. Oui. Durant ma vie, avant de devenir professeur, j'étais plutôt un mec silencieux, distant et violent. Mais depuis ma nouvelle profession, je vais beaucoup mieux.

Le jeune homme était debout, face à moi, toujours aussi silencieux et fixe. Mystérieux, comme à mon âge d'adolescent rebelle. Je me permis alors un petit rire, que je tentais de cacher. Les souvenirs affluait en masse, et je me trouvais ridicule.
Finalement, je finis par rire aux éclats. Estéban dû me prendre pour un fou, car ses yeux étaient ronds comme des boules de billard. Au bout de quelques secondes, je me calmai. Je me justifiai peu après :

-Tu me rappelles moi à ton âge. Silencieux, observateur... mais en plus gentil, par contre.

Je lui lançai un sourire encourageant, et m'étirai. Il commençait à être tard, mais j'éprouvais à présent un réel besoin de parler avec lui, sauf si cela le gênait.
Et dès que mon envie serai dépassée, je me transformerai à nouveau en ocelot, et rentrerai chez moi.

Quelle bonne journée!

Ma question sembla l'étonner car il haussa les sourcils. Il secoua la tête et la tourna ensuite vers la gauche pour regarder l'horizon.


-Je me balade simplement dans le coin, rien de très exceptionnel. lâcha-t-il finalement.


Je continuai à l'observer pour essayer de mieux cerner sa personnalité mais il ne laissait rien transparaitre.


-Je ne pensais pas te trouver là, mais puisque nous y sommes tout les deux, raison de plus pour faire connaissance. J'aime bien connaître les défauts et qualités de mes élèves. Et si tu pouvais me parler un peu de ton pouvoir, j'en serai heureux.


Je viens de rencontrer cet homme et il me demande déjà quel est mon pouvoir...je n'en ai jamais parler à qui que ce soit, excepté Kalim, mon père adoptif et à la directrice pour pouvoir m'inscrire.
Dois-je lui faire confiance ? cette question traversa mon esprit et mes yeux se plissèrent instinctivement. Moi qui n'ai eu aucun vrai contact avec des humains de l'extérieur, devrais-je leur faire confiance ? Alors que je songeai à cela , le professeur commença à ricaner, puis son rire s'amplifia et empli l'air environnant. "Cet homme est il vraiment apte à l'enseignement ?" pensais-je.
Son hilarité retomba et il me dit :


-Tu me rappelles moi à ton âge. Silencieux, observateur... mais en plus gentil, par contre.


Je lui rappelai lui à mon âge ? Peut-être qu'il me comprendra mieux alors. Je me mis alors à sourire moi aussi. Puis je fermai les yeux, les bras le long du corps, paumes vers le ciel. La sensation que j'aime tant parcouru mon corps, partant de mes jambes, remontant vers mon torse et redescendant dans mes bras. Le sable jaillit autour de moi et dansa autour de mon corps tout entier. Mon professeur, car dorénavant je devrais l'appeler ainsi, eu un léger mouvement de recul et plaça son bras devant ses yeux


- Je peux contrôler le sable qui se trouve autour de moi. lui dis-je, un sourire aux lèvres.

Le vent de la découverte.

J'exposais une défensive surprenante au moment au moment où Esteban fit jaillir du sable autour de lui. Enfin, je n'appelais pas sa une défensive, mais plutôt un mouvement de recul inapproprié du moment présent. En gros, j'avais simplement évité de me retrouver avec du sable dans les yeux. Réflexe humain. Cependant, dès qu'il m'eut dit :

- Je peux contrôler le sable qui se trouve autour de moi.

Avec un sourire à demi-découvert, je ne pus m'empêcher de croire qu'il avait pris mon geste pour une défensive. C'est vrai, je suis un homme orgueilleux, mais le fait d'enseigner me permet de contrôler mes émotions. Encore une fois merci pour la directrice, sinon je ne serais encore qu'à l'heure qu'il est un mêlé errant, inutile et violent.
Mais ce visage pour ma part intolérable et presque hautain, ça me rappelait encore une fois moi. Je voyais à travers ses yeux, d'une certaine manière.
Bien qu'il m'eut expliqué la nature de son pouvoir, je restais perplexe. Observant de plus près, attentif à chacun de ses mouvements, j'arrivais à la conclusion qu'Estéban possédait un pouvoir qui lui correspondait bien. Mystérieux, libre et évasif.
Durant ce laps de temps où je n'avais pas parlé, trop occupé à réfléchir, il y avait eu un long silence, seulement brisé par le bruit des vagues. Estéban m'avait observé (j'ai l'impression qu'il cherche à découvrir quelque chose) sans parler. Mais moi, j'ai beaucoup de choses à cacher, comme ma nature violente. Et j'ai appris à ne rien laisser transparaître en quelques années. Vraiment, je me demande bien les motivations que j'ai dû entreprendre pour me présenter au poste de professeur. Je ne suis pas fait pour ça, c'est tout le contraire de ce que j'avais envie de faire. J'aurais aimé avoir une vie nomade, libre et sans compagnon. Mais le destin a fait les choses autrement, et me voila aujourd'hui.
Je soupirais, et souleva d'une main la mèche qui cachait mon oeil gauche. Mes cheveux étaient bouclés, comme à leur habitude, et je ne m'étais pas levé assez tôt pour me les lisser. En plus de ça, je ne me lisse les cheveux que lorsque je suis énervé, or, je suis parfaitement calme et "joyeux".
Pour en revenir au moment présent, la seule parole idiote et incensé que je pus prononcer à ce moment fut un :

-Je vois...

Plutôt mal assuré. Estéban restait silencieux. Je n'avais pas posé de question, et je comprit bien qu'il n'était pas du genre à parler librement. Passé mystérieux. Mais la nuit est déjà tombée et mes pieds sont un peu engourdis par le froid survenu brutalement. J'éprouverais bien le besoin de me tranformer une dernière fois avant de rentrer, mais étonnament, je ne souhaite pas rentrer, mais observer les vagues obscurcient par le manque de lumière.
Je jetais un coup d'oeil rêveur en direction des vagues relativement menaçantes au fond, mais qui apparaissent doucement sur le sable mouillé, répétant sans cesse ce mouvement d'avant-arrière. J'aimerais me transformer, mais je ne le fait jamais devant quelqu'un, alors j'attends.
Un long silence s'ensuit. Il me semble que la discussion touche à sa fin. Estéban ne bouge pas. Quand à moi, je décide de m'asseoir sur le sable un peu frais. Ma main droite saisit un poignée de ce dernier, l'élève. Puis, ma main s'entrouvre et les grains de sable filent entre mes doigts, suivant la direction du vent, face à la mer.

-C'est vrai que le sable est une belle création naturelle.

Toujours rêveur, je m'essuie la main sur mon pantalon, pour libérer les grains encore collés. Je fixais l'horizon, attendant éventuellement une parole du jeune homme, ou bien un geste.

Mon professeur me transperça du regard, ce regard animal qui s'anime par moment et qui est toujours accompagné d'un léger sourire en coin. La flamme qui brûlait dans ses yeux ne dura qu'un court instant mais son sourire demeura.
Cette homme est tout aussi étrange que le retranscrivent ses vêtements, j'ai comme l'impression qu'il refoule une émotion qu'il a enfermée en lui.


-Je vois...dit-il en soupirant.


Le sable qui circulait autour de moi retomba avec un bruit sec mais quelques particules continuaient à voleter.
...C'était lui qui avait demander à voir mon pouvoir et pourtant il n'y prête pas attention, serait-il en train de me tester ?


A ce moment, un courant d'air surgit, il s'engouffra dans nos vêtements et nous lécha la peau, nous frissonnèrent. Le silence pris place dans la conversation et on n'entendait plus que le bruit des vagues s'étalant sur le sable mouillé. Le professeur de musique posa son regard sur le lointain et le ramena petit a petit vers la plage. Il s'assit et pris une poignée de sable qui s'envola lorsqu'il détendit les doigts.


-C'est vrai que le sable est une belle création naturelle.continua-t-il en fixant à nouveau l'horizon.


Un dernier coup de vent balaya le reste de sable en suspension autour de moi, puis je m'assis à coté de lui, regardant dans la même direction.
Je me décidais alors à ouvrir la bouche:


-J'ai passé toute ma vie dans le désert...le sable était l'élément le plus présent autour de moi,j'y suis né, j'y ai vécu et j'espère pouvoir y mourir...en pensant ainsi, j'ai fait corps avec lui.
Malheuresement, on rencontre peu de sable dans ces contrées, c'est pourquoi j'espère pouvoir retourner en Afrique le plus rapidement possible et vivre en présence de cet élément qui m'est si cher.


Mon professeur ne broncha pas mais il écoutait attentivement chacune de mes paroles, chacun de mes mots...
Lorsque j'eue finis ma phrase, j'eue envie de mieux le connaitre, lui. Je repris sa question:


-Et vous, pouvez vous me dire quel est votre pouvoir ?


Il bloqua sa respiration pendant quelques secondes, puis ferma les yeux...

La mort emportée par les vagues

Tout s'est passé si vite. Une minute tout au plus? Je n'en sais rien.
Nous étions tranquille, nous étions bien, heureux de faire connaissance, heureux de notre vie, du vent qui soufflait dans nos vêtements, provoquant une sensation agréable et qui me faisait frissonner certaines fois.

Si rapidement.
Une question. Estéban me l'avait posé. Mon pouvoir? J'en ai un. Lequel? Je n'ai pas à le cacher, mais ma bouche ne s'ouvre pas.
Je fais pivoter mes yeux sur la gauche, vers l'horizon. Il y a quelques chose là-bas, je le sens. Quelque chose de mauvais, de putride. Ça m'incendie les narines comme de l'ail. Je ne supporte pas ça. Mais je sais à quoi il correspond. Un mort, dans les vagues, un mort ayant souffert dans cette dernière. Je n'ai pas à avoir pitié, de toute façon, je n'ai jamais eu pitié des morts. Tant que ça ne me concernera pas, je ne m'en soucierais pas.
Le mort ne bouge pas. Il doit réfléchir. Je ne cherche pas à imaginer ce qui se trame dans sa tête.
Estéban ne l'a pas encore remarqué. Ça peut se comprendre. Je dois faire comme si de rien n'était. De toute façon, il s'en rendrait bien vite compte, et ce serai un moyen pour moi d'évaluer l'ampleur de ses capacités.
Il ne l'a pas remarqué? Pas si sûr.
Lorsque je dirige mon regard vers lui, il a le regard penché vers l'horizon, les yeux plissés pour apercevoir une forme dans les vagues.
Mimant mes paroles, je lui dis, attirant son attention :

-À vrai dire, je suis...

Métamorphe. Il m'eut fallu une demi-seconde pour le dire, mais ce fut durant cette dernière que le mort se mit à attaquer. Estéban fut la première victime. Mais le mort ne m'avait pas oublié, et s'élança alors vers moi. Désarçonné par sa vitesse surprenante, je me fis avoir durant ses quatre premières attaques. Mais il n'en fallu pas une de plus.
La devinette quand à mon pouvoir n'aurait pas duré longtemps de toute façon.
Vint alors le soucis de la transformation. M'enfuir en prenant la forme de busard aurait été considéré comme lâche, OR je ne suis pas ce genre de personnes. La belette et le panda roux sont inutiles pour des raisons simples, c'est qu'ils ne sont pas adéquates à la situation. Restait l'okapi, trop gentil pour ce moment, l'ocelot et le léopard des neiges.
Pour des questions pratiques et esthétiques, je penchais pour l'ocelot, plus rapide et à l'aise sur le sable que le léopard.
Tant pis pour les vêtements, je n'avais juste qu'à espérer qu'un coup de vent brutal ne survienne pas pendant le combat.
Je me transformais rapidement, sous les yeux surpris d'Estéban. Avec une vitesse pouvant faire pâlir le plus grand athlète du monde, je jouais au chat et à la souris avec le fantôme.
Pas que ça m'eus réellement plu de faire ça, mais le mort avait une réelle vitesse, et rivalisait avec le mienne, ce qui avait le don de m'énerver. Comme je voyais Estéban immobile, mon ton fut un peu rude et morigénant, mais la situation était telle que je n'aurais pu parler gentiment.

-C'est pas que j'ai spécialement besoin de toi (pour le moment), mais un coup de main serait vraiment le bienvenue.

J'aurais voulu ajouter un bref "Et ça me permettrait de savoir ce que tu vaux au combat", mais étant donné que je n'étais pas son professeur de magie, je n'avais aucun droit de l'évaluer, ou c'eut été simplement par plaisir.

Il se décida enfin à bouger.

Nous l'avions tout les deux aperçu. Cette silhouette qui se distinguait à travers les vagues.
Qu'est-ce donc ? Elle semble humaine, serais-ce un fantôme ?
Mes suppositions furent arrêtées par la voix de mon professeur.

-À vrai dire, je suis...

A cet instant, une violente douleur s'empara de mon crâne et un être transparent traversa mon corps. Le souvenir de Kalim mort apparu dans mon esprit.
Troublé par l'attaque du Poltergeist, je mis quelques secondes à me rétablir. Cependant le professeur Takahata n'était plus là et à sa place, un félin était apparu, n'ayant pas une très bonne connaissance des animaux, je ne savais pas exactement de quel animal il s'agissait. Je ne compris qu'un instant après que mon professeur état en fait un métamorphe.
Encore sous le coup de la surprise, je n'osais pas bouger mais le ton sarcastique de Takahata me fit l'effet d'un verre d'eau fraiche renversé sur la figure.

-C'est pas que j'ai spécialement besoin de toi (pour le moment), mais un coup de main serait vraiment le bienvenue.

Je n'ai jamais combattu de Poltergeist auparavant, je n'ai donc aucune notion de combat réel. Il m'est arrivé de rencontrer des fantômes perdus ou de bons esprits mais jamais de Poltergeist. Ce sera donc une première.

Je me mis alors à une dizaine de mètres du combat et j'entrepris d'ériger des murs de sable, non pas pour l'arrêter car ces derniers étaient assez friables, mais pour le ralentir et ainsi donnait un avantage au métamorphe.
Ma vitesse de construction des murs était assez basse mais elle semblait convenir au félin.

Le fantôme, conscient du gène occasionnée, se jeta sur moi...sa tête translucide heurta le sable...
Je me trouvais alors aux cotés du professeur. Ce dernier leva un sourcil.
Je ne suis pas mécontent de mon don de téléporteur, il m'a déjà aidé bien des fois.

-Comment fait-on pour vaincre un tel fantôme ? demandais-je haletant.

Calmer les vagues hurlantes...

Ma réflexion l'avait fait réagir. Il commença alors par ériger une barrière de sable. tout d'abord, je ne saisis pas vraiment le sens d'une telle attaque, qui n'avait pas l'air, ma fois, fort solide. Sa défense fut donc plus particulièrement une sorte de ralentissement, fait exprès ou non.

Puis, je devinais avec lenteur la deuxième faculté de l'élève. Téléporteur. Un pouvoir incroyable et très efficace. Je levais un sourcil, soudainement intéressé. Esteban stoppa net mes interrogations, et demanda entre deux inspirations :

-Comment fait-on pour vaincre un tel fantôme ?

Comment? Eh bien, mon ami, il n'y en a pas des masses. Quand le fantôme n'est pas totalement mauvais, il est plutôt facile de le raisonner, de parler avec lui, de lui faire comprendre sa situation, et encore tant d'autres choses...
Mais quand ça ne se passe pas comme on veut, le fait de parlementer est inutile. Cette solution s'applique alors aux poltergeists. La meilleure défense se trouve alors être l'attaque, et il devient plus facile de parler avec un fantôme affaiblie qu'un demi-démon rongé par la haine.
Je soupirai, esquivant un vingtième coup acharné du fantôme courroucé. Cette attaque nous avait séparé, Esteban et moi. Il allait falloir me rapprocher de lui pour lui expliquer la situation en deux mots, et lui dire quoi faire. En gros faire preuve de rapidité et d'efficacité.
Mon talent pour l'oral et l'enseignement se révèle alors fort utile. Synthétique.
J'inspire un bon coup. Mon plan se crée clairement dans ma tête. J'enfonce mes griffes dans le sable, prend appui sur mes postérieurs, me retire sur l'arrière.
Je m'élance vers Esteban. Quelques secondes. Pas une de plus.
Je suis près de lui, et il se défend tant bien que mal, étant donné qu'il ne connait pas les manières pour battre un poltergeist. Remuant mes moustaches, et ouvrant la gueule, découvrant des dents finement ciselés, je lui dis :

-C'est un poltergeist. Mieux vaut l'affaiblir pour le moment. Utilise tes capacités pour le fatiguer, lui tendre des embuscades, me l'envoyer, tout! Quand il sera incapable de bouger, on essayera de le raisonner. S'il résiste, tue-le.

Mon ton s'était fait vraiment sec sur la fin, et j'eus peur un instant qu'il le remarque. Il m'observa d'une manière un peu étonné. En forme de félin, plus précisément en état de prédateur, j'avais tendance à me laisser guider par mes instincts et à m'exciter rapidement de la mort des autres. Car dans ma tête, mort rimait avec sang, sang avec nourriture (même si c'était totalement faux puisqu'il n'y aurait pas de sang avec un fantôme), et nourriture avec joie.
je baissai les yeux, conscient de mon erreur, et les relevais peu après, nourrit d'une lumière encourageante et flamboyante.

-Allons-y.

Un instant après ma question, notre assaillant attaqua à nouveau, Ren fit un bond en arrière et je réutilisai mon don.
Le fantôme se retrouva alors entre nous deux, nous séparant.
Furieux de ne pas arriver à nous toucher, il me fonça dessus en émettant un cri strident. Je me mis à esquiver ses coups sans utiliser mes pouvoirs, pour éviter de me fatiguer.
Mon professeur bondit et atterrit près de moi. Il me dit dans un rugissement.

-C'est un poltergeist. Mieux vaut l'affaiblir pour le moment. Utilise tes capacités pour le fatiguer, lui tendre des embuscades, me l'envoyer, tout! Quand il sera incapable de bouger, on essayera de le raisonner. S'il résiste, tue-le.

-Allons-y. ajouta-t-il un instant après.

Le démon nous sépara à nouveau et voulut s'acharner sur moi, probablement car je semblais être le plus faible.
Suivant le conseil de mon professeur, un pic de sable se matérialisa autour de mon poing. Quelques secondes après, la tête du Poltergeist fut littéralement transpercée. En retombant derrière moi, il vacilla mais ne s'effondra pas.
Je rejoignis mon professeur qui hocha la tête pour approuver mon action.
Lorsque le fantôme se retourna, son visage était orné d'un trou béant au niveau du front. Il lâcha un cri de rage qui résonna entre les falaises et fit s'envoler les quelques mouettes nageant sur les flots puis il traversa les quelques mètres qui nous séparaient en moins d'une seconde. Mon professeur et moi furent projeter en l'air. J'amortis ma chute en déplaçant du sable et le félin retomba sur ses quatre pattes. Mais à peine furent nous debout que la Poltergeist voulut nous enchainer, c'était sans compter la "corde" de sable que j'avais réussi à attacher à son pied un instant auparavant. Il s'écroula et Ren se changea en léopard pour le plaquer au sol en appuyant de tout son poids. Le fantôme essayait de s'enfuir mais il finit par renoncer et se calma.

-C'est terminé ? demandais-je, prudent, à mon professeur.

Et le vent se calme.

Estéban savait très bien utiliser son élément, et cela m'en ravit. Si ça n'avait pas été le cas, j'aurai dû m'en sortir seul. J'étais plutôt heureux dans un sens.

-C'est terminé? avait-il demandé, prudent.

Si c'était terminé? Presque. Presque. Mais il avait très bien travaillé. Avec un peu de chance, je pourrais rapporter tout ça à Mme Mystery. Je n'aimais pas que des combats restent au silence.

-Presque. Mais tu as bien travaillé. Félicitations. Dis-je sur un ton dur mais gentil. Maintenant, il faut tirer ça au clair.

Dirigeant mon regard félin vers le fantôme, je rugis un bon coup, histoire de lui faire comprendre que là, il était en mauvaise posture, et que je n'hésiterai pas à mordre s'il ne m'écoutait pas. Le fantôme eu l'air de se relâcher, même si sa haine était encore très présente. Mais il ne m'impressionnait pas, en ce moment.

-Calme-toi, poltergeist. Dis-moi plutôt ce qui t'a incité à devenir ainsi. Regarde-toi! Tu es rongé par la haine! Ne te laisse pas enfoncer par tes ressentiments, sinon tu ne trouveras jamais le repos. Explique-moi, dis-moi la vérité, car sinon je te tuerai sans hésitation. C'est clair?

Il n'y avait aucune raison d'être gentil avec les poltergeist. Non. Il leur fallait plutôt une bonne dose de sévérité et d'autorité, et là en général, ils comprenaient.
Histoire d'appuyer mes menaces, je rugis une nouvelle fois. Le fantôme m'ignora, conscient de ne plus pouvoir s'échapper.
Estéban s'approcha, et s'accroupit pour être à notre hauteur.
Je posais ma lourde patte de léopard sur la main du fantôme. Il y eut un cri strident. je en supportais pas qu'on se paye de ma tête. C'est pour cette raison que j'avais volontairement presque cassé son bras. Mes yeux félins se tournèrent alors vers Estéban.

-Essaye de le raisonner par des paroles. En ce qui me concerne, ça ne marche pas vraiment. Pour moi, sa vie ne tient qu'à un fil. Je m'en veux d'être comme ça, mais je suis adepte du travail rapide. Et là, c'est la mort.

J'avais été un peu brusque, mais je n'aurais pas pu parler tranquillement au moment actuel.

Les tentatives d'intimidation et de persuasion de mon professeur ayant échouées auprès du Poltergeist, il s'adressa à moi.

-Essaye de le raisonner par des paroles. En ce qui me concerne, ça ne marche pas vraiment. Pour moi, sa vie ne tient qu'à un fil. Je m'en veux d'être comme ça, mais je suis adepte du travail rapide. Et là, c'est la mort.

Mais pourquoi faudrait-il le raisonner ? Un Poltergeist est un Poltergeist, c'est une personne qui est morte dans la souffrance et qui "vit", si on peut appeller cela vivre, dans la souffrance. Est-ce que lui faire comprendre qu'attaquer les gens ne lui sert à rien le libérera ? Un fantôme qui est tombé dans un monde de haine et de tortures ne pourra pas en revenir indemne. Si l'on tue un Poltergeist, son âme sera libérée et il n'aura plus à souffrir...
Même s'il devenait un bon fantôme, son esprit serai toujours pris dans un étau. Même les bons fantômes souffrent. Ils sont condamnés à rester seuls pour l'éternité, privés de leurs êtres les plus chers. Quelle que soit la façon dont cet homme est devenu Poltergeist, il mérite de ne plus souffrir et donc de mourir pour de bon.

Ma main se leva et une pellicule de sable se décolla du sol près de la tête du Poltergeist. Elle atterrit sur sa bouche, du sable continua à s'amonceler au dessus de ses lèvres déformées par un rictus de rage. Bientôt, mon bayon de sable lui recouvrit tout le bas du visage, l'empêchant ainsi de crier.

-Je n'ai rien à dire, vous pouvez le tuer.

Quand la tempête cesse, les vagues dorment.

Avais-je bien entendu? Ou bien étais-ce sous l'effet de la rage que ses mots avaient volontairement changés de sens, une fois passés dans mes oreilles? Je ne pense pas.

-Je n'ai rien à dire, vous pouvez le tuer.

Quelle franchise. Au moins, Estéban ne se perdra pas en chemin quand il combattra seul. D'un côté, j'approuvais son choix. D'un sourire animal, j'acquiesçai. Il n'avait pas tort. De toute façon, il ne restait à ce poltergeist qu'une solution, et c'était la mort.
Dirigeant mon regard vers le poltergeist, c'est en fermant les yeux, plus du tout énervé -Il faut croire qu'Estéban m'avait calmé en une seule phrase- que je les rouvrit peu après, et dans un silence de plomb, achevait le fantôme d'un énorme coup de patte. Il disparu d'un seul coup, son corps devenant de plus en plus transparent, pour finir par ne plus avoir aucune consistance.

Me retournant vers Estéban, je lui dis :

-J'aurais été plus violent si tu n'avais pas prononcé ces paroles. Alors je voudrais te dire merci. Même si tu ignores pourquoi, ça m'a permis de me calmer.

Soupirant, je me détournais, et ondulant la queue, suivant le mouvement du corps du félin, je saisis mes habits dans la gueule. J'avais décidé d'aller me changer chez moi, et puis je me sentais bien dans ma forme fusionnelle. D'un baillement qui ressemblait plus à un rugissement, j'en fis tomber mes affaires. J'en profitai alors pour me tourner vers Estéban et lui dire :

-Je me suis fait une bonne idée sur toi. Mais je pense que tu devrais rentrer au Mystery. J'y vais aussi, mais je rentre directement chez moi, alors je ne pense pas pouvoir faire le chemin avec toi, tu m'enverras désolé. Je commence à fatiguer.

Oui. Il fallait que j'aille dormir. Ces évènements inattendus m'avaient creusés l'estomac. Et la fatigue commençait à se faire sentir dans mes muscles. un deuxième combat aurait pu m'être fatal. Il faut que je pense à dormir plus tôt, moi...
Saisissant un nouvelle fois mes vêtements, je me dirigeais vers le Mystery. D'un coup de museau, incapable de parler, je poussai Estéban. Il n'eut pas vraiment l'air de vouloir partir, mais mon regard mauvais le dissuada de me désobéir. J'allais me faire un sang d'encre s'il ne rentrait pas. Eh oui, un prof en internat, c'est aussi chiant qu'un père ou une mère.