Un après midi ensoleillé c'est l'idéal pour aller faire un tour dans Little Angleton et apprendre à mieux connaitre la ville. Jolie petite ville au passage. Jolie et calme. Ohlala comme ça me change de New York. Je vais vous avouer quelque chose... Manhattan me manque, le shopping me manque, mes amis me manquent, ma maison me manque, tout me manque à par cet enfoiré de trafiquant de drogue. Je l'ai aimé, mais apparemment ce n'était pas réciproque ... Que cet abruti aille bruler en enfer! C'est tout ce qu'il mérite. Enfin bref, je ne vais pas faire un débat sur mon ex-petit ami qui était et qui doit surement toujours être un dealer. J'ai passé quatre mois dans le pire quartier de New York : Le Bronx, à trainer dans les bars avec une bande dealers et de drogués. J'avoue que sur ce coup là j'ai fais fort. Si mes parents étaient au courant ils me feraient guillotiner, mais ils ne le sauront jamais, ils se fichent bien trop de moi pour s'inquiéter d'où est-ce que j'ai passé mes trois dernières années.
Aujourd'hui, mes cheveux ont décidés d'ondulés, et moi, j'ai décidé de les laisser comme ça. Je replace juste correctement la frange, un coup de spray par-ci par-là hop hop hop, terminé. Maquillage habituel : rouge-à-lèvre clair, yeux totalement noirs, un peu de poudre sur les joues et hop, deuxième tâche achevée. J'enfile vite fait un leggings simple, noir, et un short, un chemisier blanc ainsi qu'un boléro noir par dessus. Je prends un épais giler en laine gris souris et enroule une écharpe autour de mon cou, une paire de gants assortis à l'écharpe, j'enfile une pair de bottines à talons et aiguilles, emmène mon habituel sac Dior en cuir noir. Je prends une pomme au passage dans la bannette et sors de l'appartement, verrouillant derrière moi.
Alors, je vais où aujourd'hui? Pas au centre-ville, j'ai déjà visité, et puis ça manque franchement de boutiques de créateurs ici. Oui, oui je sais, vous allez dire "Retournes dans ton quartier de Riche, ici on est dans une PETITE ville", n'empêche qu'il en manque. Point. Qu'y a-t-il comme endroit que je n'ai pas encore visité? Rien. C'est tellement petit qu'en une après-midi vous avez fais le tour de la ville. Bon d'accord, d'accord j'arrête de critique.... Ah bah tiens! J'aperçois le square là-bas. Je penses tellement à tout et n'importe que je n'ai même pas vu que je marchais déjà à travers les ruelles de Little Angleton. Pour en revenir au square, je n'y suis pas encore allée, occasion pour moi d'y faire un tour. Je traverses donc une route et m'engage dans le parc. Certes ça n'a rien à vous avec Central Park, mais c'est assez mignon. Ah ah! Vous avez vu que je sais faire autre chose que critiquer!
Je marche tranquillement, j'observe les gens, habitants de la petit ville. Soudain, je sens de minuscules griffes s'enfoncer dans mes jambes, puis plus rien, et je me retrouves avec un truc gros et gris sur l'épaule. Je sursautes et pousse un cri (Ouais c'est mon instinct qui m'a dit de faire ca). Je tournes légèrement la tête, un écureuil? Décidément y a vraiment un truc pas normal dans cette ville, quasiment pas de boutiques, des ruelles désertes, et maintenant un écureuil gris qui grimpe sur les gens? Pas net DU TOUT tout ça...

Il fait beau, avec toute cette neige dehors. Je ne me lasse pas de sortir tous les jours, courir dehors que ce soit sous forme humaine ou animale. Marcher dans la neige, c'est super. Les pattes du loup n'aiment pas trop, mais celles du renard son ravies. C'est leur milieu naturel, marcher sur la neige est plus naturel que le sol d'une forêt ou un tapis d'herbe. Et je me sens presque plus à l'aise en renarde qu'en louve en ce moment. Presque, car le loup reste ma forme préférée, et est quand même capable de résister à la neige. Le mieux, c'est de savoir que l'année prochaine aussi, il y en aura. J'espère tellement que tout se passera bien jusque là. Plus de morts, plus d'épreuves, la paix. Utopie, je sais bien que je rêve. Je vois l'agitation qui règne chez les adultes, ils la cachent mal. Enfin, suffisamment bien pour les plus jeunes, mais très mal pour les autres. Nous devrions être au courant, après tout, rien que notre statut d'orphelin, nous sommes en mesure de comprendre des choses que les autres adolescents de notre âge ne comprendraient pas. J'aimerais avoir une mauvaise note au lycée, et me dire "mon père va me tuer, et ma mère va me priver de sortie". Si seulement... J'aimerais qu'on m'empêche de sortir, parce qu'on s'inquiète pour moi, j'aimerais qu'on me crie dessus parce qu'au fond, ils ne veulent pas nous voir grandir aussi vite, j'aimerais être félicitée quand je réussis, j'aimerais savoir que quand tout va mal, eux seraient là pour moi, présents depuis ma naissance. Des gens qui ont décidé de ma venue, qui l'ont attendue, souhaitée, préparée. J'aimerais les serrer dans mes bras une dernière petite fois. Juste une, jusqu'à ce que je les rejoigne. J'aimerais qu'à la question "ils font quoi tes parents?", je n'aie pas à répondre "j'ai pas de parents". Pas de parents, c'est faux. Je ne suis pas un bébé tombé du ciel. J'ai des parents. Et quoi qu'il arrive, ils seront toujours mes parents. Je suis fille de morts, et les morts ne sont jamais que d'ex-vivants.
Mais de quoi est-ce que je me plains? Mes parents m'aimaient. M'aiment toujours de là où ils sont, je le sais. Certains ici étaient hais de leurs géniteurs, et pourtant ont continué jusqu'au bout à les aimer, et les aiment encore maintenant. Et puis, les adultes du Mystery et les autres orphelins sont comme une seconde famille. Sans avoir souhaité notre venue, parce qu'il est toujours triste de voir arriver un nouvel orphelin, ils nous accueillent, fournissent le même amour à chacun, et en trouvent toujours à fournir pour chaque nouveau. J'ai un presque grand frère ici. J'ai trouvé un presque oncle qui m'a recueillie dix mois. Et il me serait impossible de dire sans mentir que je ne suis pas heureuse ici. Je ris, je souris, je me surprends à attendre avec impatience de voir telle ou telle personne, je pense à des vivants plutôt qu'à des morts, je suis juste heureuse d'être là. A bêtement sourire dans le vide pour rien, à marcher dans la neige un écureuil sur l'épaule. Si on se morfond dans le passé, on ne profite pas du présent. Si on se soucie trop du futur, on ne profite pas du présent non plus. Le passé c'est le présent d'hier, et le futur, le présent de demain, il faut les vivre en temps et en heure.
L'écureuil, parlons en. Sa nouvelle lubie, c'est de sauter de mon épaule pour courir devant moi dans la neige. Il adore ça, il me l'a dit, ça "brise du gland de chêne divin". Ses références sont douteuses, mais son jeu est amusant, la plupart du temps. J'ai beau lui avoir formellement interdit d'y jouer dans les rues de Little Angleton à cause des voitures, il ne m'écoute pas.
Et pourtant, aujourd'hui encore je me rends au petit village, écureuil sur l'épaule, après cet épisode grande déprime. Je refuse de déprimer, je refuse de m'abattre de pensées noires, je refuse d'être triste, je refuse tout sentiment négatif, même quand ça ne va pas. J'ai assez de mes crises. Et on a qu'une vie, autant l'entourer de sentiments positifs. Rester heureux aussi est un combat, qu'on doit mener seul sans attendre des autres. Parce qu'il est trop facile de voir tout son travail renversé par la disparition de quelqu'un. Les bases doivent être posées par soi. Les briques sont ensuite apportées par les autres.
Songer ça occupe, je suis déjà un pied dans Little Angleton. Je flâne sans but précis pour le moment, surveillant Ace du coin de l'œil. Mais il semble paisible sur mon épaule, à observer le genre humain comme on se plait tant à observer les animaux au zoo. Qu'est-ce qu'il doit s'amuser. une fois il m'a demandé pourquoi est-ce qu'on allait acheter des choses que l'ont peut trouver dans la nature, et pourquoi est-ce que les femelles de notre espèce se bariolent le visage de noir ou de couleurs alors que les mâles ne le font pas. Je n'ai pas vraiment pu répondre à la deuxième question. La conception de la beauté chez les écureuils et la notre n'est sensiblement pas la même. Ace n'aime que ce qui a une longue queue touffue, des oreilles en pointes et deux dents qui dépassent. Il trouve aussi que les lapins sont une honte au règne animal, sans que je sache pourquoi.
Et soudain, alors que je pense à lui en plus, le poids sur mon épaule disparait, et je vois la fusée grise filer dans la neige. Allons bon, c'est reparti. ACE! Je lâche un soupir plus gros que moi, et me mets à courir dans la neige à sa suite. Le petit monstre prend un malin plaisir à bifurquer dans une rue, passer entre des caisses que je dois enjamber, et filer droit vers le square, où il grimpe sur les rampes. Il y a quelqu'un dans le square, mais je n'y prête pas plus attention que cela. Sauf qu'Ace grimpe sur la personne en question et me regarde avec un air suffisant qui me donne envie de lui lancer une boule de neige dessus. Et puis il ressaute au sol, passe entre mes jambes avant de grimper dans l'unique arbre du square. Je regarde le haut de l'arbre sans un mot, complètement désespérée mentalement. On ne le changera pas.

- C'est malin ça...

Et je ne peux pas me transformer pour le récupérer, pas en plein village, pas devant quelqu'un. Je choisis d'ignorer l'animal qui aime attirer l'attention sur lui.

- Pardon, il ne t'a pas embêtée?

C'est une jeune fille blonde, très bien habillée je dois le remarquer, et vraiment très jolie. Elle semble avoir mon âge, d'où le tutoiement. Les adolescents ont cette capacité géniale à tous se tutoyer naturellement. Les enfants aussi le font. Mais pas les adultes.

- Il aime un peu trop grimper sur les gens sans prévenir...

J'entends un bruit dans le feuillage derrière moi. Un bruit que je sais indétectable pour l'ouïe humaine, mais que mon ouïe canine me permet de percevoir. Des fois je récupère mes dons lupins sous forme humaine, sans le vouloir, sans même m'en rendre compte. J'ai de toute façon toujours eu une oui fine. La métamorphose ne fait que renforcer cela.
Qu'importe, c'est parce que je sais qu'il n'a pas pu être entendu par l'humaine que je suppose être sans pouvoirs en face de moi que je me suis retenue juste à temps de me retourner. Dur de cacher ses pouvoirs des fois.
Un "pouf" peu discret dans la neige m'indique que l'écureuil vient de s'écraser au sol. Enfin, il a juste sauté de l'arbre, et encore oublié avec quelle facilité la neige s'enfonce sous n'importe quel poids. Je sais qu'il revient vers moi, et je tourne la tête vers lui en haussant un sourcil. Il a l'air très fier de son coup. Je me baisse pour le ramasser.

- La prochaine fois, tu ne viendras pas avec moi au village.

Il s'en fiche complètement, je le sais bien, et se tourne vers l'inconnue en la regardant avec de grands yeux. T'espère avoir une alliée, Ace?