Je cherche en ma mémoire qui je suis.

Sujet: Je cherche en ma mémoire qui je suis. Lun 28 Jan 2013 - 23:04

Je courais. Sans même me figurer des gens qui me regardaient. Pour une fois, leurs regards m'importaient peu. Je courais. À travers l'orphelinat, comme si le diable en personne me poursuivait. Et en vérité, de toute mon existence, je n'avais plus eu aussi peur de cette façon depuis la mort de nos parents. Je secouais la tête, tout en continuant à courir. Je ne voulais pas me remémorer cette période. Automatiquement, comme pour me protéger, j'imaginais une lumière me guidant jusqu'à un endroit protégé. J'effectuais rarement mes illusions sur les autres, mais je l'utilisais au contraire très souvent sur moi.

Autour de moi, les lignes commencèrent à se troubler. Je commençais à perdre le contrôle de moi-même. J'avais peur. Terriblement peur. Mon cerveau effectuait des à-coups violent pour me ramener sur la terre ferme. Je voulais tomber dans les pommes. Et au lieu de ça, je courais à en mourir. Je bousculais quelqu'un, ne me tournait pas vers lui, continuait ma route. Je montais les escaliers quatre à quatre. Je voulais fuir cet endroit maudit. Le sous-sol. Je m'y étais rendu sans vraiment le savoir. À vrai dire, à l'origine, ce n'était vraiment pas ma destination. Je voulais simplement me diriger vers le hall. Mais mes pas m'avaient menés autre part. J'étais descendu profond, à tel point que même si un certain doute s'emparait de moi à cet instant, j'ai continué ma route. Et puis, je suis tombée sur des cachots. Des vieux cachots comme dans les films d'horreurs. Et à travers ça, j'ai vu deux yeux me fixer comme s'ils voulaient me tuer. Alors j'ai crié. Et j'ai fui. Voilà tout.

Sans vraiment être asthmatique, je finis par devoir ralentir ma course. Je m'étais à moitié écorché le pied en ratant une marche et si les larmes refusaient de couler, c'était uniquement à cause de la peur.j'étais encore sous le choc de ces yeux machiavéliques. De ces yeux de tueurs qui m'avaient fixés dans la pénombre permanente. Rien qu'à y penser, j'en avais froid dans le dos. Reprenant légèrement mon souffle, je continuais d'une manière un peu plus lente à escalader les marches deux à deux. Comme je n'avais pas l'intention de sortir aujourd'hui, je m'étais vêtu d'une robe noire style gothique et j'avais attaché un collier serré autour de mon cou, tout en gardant des collants noirs et du vernis à ongles de la même couleur. Niveau maquillage en revanche, j'étais resté dans les tons sobres. Et puis, mes cheveux étaient parfaitement lissés et attachés en une longue tresse pendant dans mon dos.

Sans vraiment savoir où je me dirigeais, je fonçais jusqu'à la première salle. Et il se trouva que cette salle n'était autre que la salle télé. Allumée pour qui souhaite la regarder, la salle était néanmoins déserte. Et pour une fois, ce fut à mon grand malheur. Je souhaitais que quelqu'un me rassure, ou même me fasse réagir. Mais la salle était totalement déserte. Ma main vint instinctivement chercher l'encoignure de la porte et je pénétrais dans la salle. Le bruit de fond de la télé était véritablement dérangeant. D'autant plus que c'était le seul bruit qui animait la pièce. Alors, ça ne me rassurait pas trop. Avalant ma salive, mes minis talons claquèrent sur le bois au sol. J'inspirais profondément.

Arrivé en milieu de salle, des bruits de pas en provenance de l'extérieur me firent sursauter. Ils étaient plusieurs. Et ils couraient, tout comme moi. Alors, réflexe inutile, je partis me réfugier derrière un des gros coussins, de manière à ce qu'ils ne me voient pas. Le problème étant qu'ils se dirigeaient tous vers la salle de télévision. Moi, j'étais un peu en panique. Lorsqu'ils arrivèrent, ils ne m'aperçurent pas au premier abord. Mais ils devaient tous avoir dans les 16 à 18 ans. Des grands. Des très grands. Tous des garçons, comme moi. Ah non, la petite dernière était une fille. L'un d'entre eux s'affala comme un ours sur le canapé derrière lequel j'étais caché. Et alors, il me vit. Moi, je baissais la tête pour la cacher, mais ma chevelure blonde platine ne m'aidait pas vraiment. L'adolescent adulte se pencha alors pour me voir. Et moi, je n'eus d'autre choix que de relever les yeux. Au début son regard paraissait tellement, tellement gentil. Mais moi, je savais que si je parlais, c'en était fini. C'est pourquoi, lorsqu'il me demanda mon prénom, je secouais négativement la tête. La fille s'approcha alors à son tour et me regarda gentiment. Non, non, pourquoi me parlaient-ils ? Qu'ils se taisent enfin, qu'ils me laissent. Je ne voulais pas me faire frapper.

C'est pourquoi, environ une minute trente après que cet discussion ai commencé, je me levais d'un seul coup et poussait les gens s'étant agglutinés autour de moi. Et là, ils se rendirent compte de ma force. Et là, je me tournais vers eux comme pour m'excuser, tout en continuant à marcher vers la sortie. Et là je ne regardais pas devant moi.

COLLISION.

-E... excusez-moi !

Et paf, réflexe. Et paf, Kilyann avait émit un mot. Et moi je ne voulais plus regarder leurs yeux. Alors j'ai essayé de m'enfuir de cette salle, sans une seule larme aux bords des yeux.

Sujet: Re: Je cherche en ma mémoire qui je suis. Mar 29 Jan 2013 - 0:37

- Dis Kily, tu veux aller à...

Je me retourne en disant ces quelques mots et, il n'y a plus personnes derrière moi.

- La balançoire ...

Mais où a-t-il bien pu aller ? Il était là il y a deux secondes. Je rangeais juste quelque chose et plop, disparu le frérot. Sauf qu'on vient d'arriver, on ne connait pas l'orphelinat, et je n'ai pas du tout confiance en ces personnes. Enfin, j'ai l'impression qu'ils ne nous feront aucun mal. Du moins qu'ils ne nous battront pas juste parce qu'ils en ont envie. Vous voyez ce que je veux dire ? Mais après on ne juge pas un livre d'après sa couverture. Et puis, mon frère est spécial dans son genre. Je ne sais pas du tout comment les personnes qui vivent ici pourrait réagir à son contact. Et j'ai plutôt peur de ça à vrai dire. C'est pour ça qu'en ce moment je le colle partout où il va. Et je lui avais demandé de m'attendre. Et il est parti.

Je pousse un soupir exaspéré et secoue la tête. Il faudrait que je me résigne avec lui tout de même. Je sais qu'il est tête en l'air, en plus il est curieux. Du coup il vagabonde partout. Même c'est un froussard de première. Si quelque chose l'effraie il va fuir à la première occasion. Mais un vrai gamin il est sinon. Sauter partout et observer chaque recoin avec ses grands yeux d'un petit être qui découvre le monde.

Je pose donc mes affaires et sort de la chambre. Je passe dans les couloirs d'un pas calme, lançant des regards noirs à tout le monde. Mais personne ne s'étonne ou ne me fait de remarques désobligeantes. Pas de pertes de temps comme ça au moins. Je n'ai pas envie de débattre sur quelque chose ou même de me battre tout court. J'ai autre chose à faire. De plus primordial : retrouver mon frère dans ce grand domaine. J'espère juste qu'il n'est pas sorti du bâtiment. Déjà que celui-ci est grand, si en plus il sort, cela va être encore plus compliqué de le retrouver.

J'essaie de me mettre dans la tête de Kilyann. J'essaie même de sentir ses émotions. Pour cela, j'appuie mon dos sur le mur d'un couloir désert, je ferme les yeux et me concentre. J'inspire profondément et pense à mon frère, à mon jumeau. Je sens le lien se tisser et d'un coup, je perçois ses émotions. Il a peur, il est effrayé. Il fuit. Mais où est-il ? Je ne saurais le dire. Je coupe la connexion car c'est extrêmement fatiguant de la maintenir alors qu'il est loin de moi. Mais c'est tout de même avec lui que j'ai le plus d'habilités à maintenir mon don d'empathe aussi longtemps et aussi loin. En même temps, grandir à ses côtés doit avoir beaucoup aidé.

Bon, s'il fuit. Quand il fuit généralement il essaie d'être avec des personnes, et plutôt en hauteur. Je suis au Rez-de-chaussée, c'est donc mal parti pour le retrouver. Je monte donc les escaliers, réfléchissant également à la façon d'agir de mon jumeau. Hauteur, gens, intérieur. Oui parce que entre quatre murs on peut se sentir plus protégé que si on était à l'air libre. Après, ça dépend quels sont ses quatre murs. Une cage n'a rien du tout de rassurant, je peux vous le confirmez, Kilyann aussi d'ailleurs. C'est pour ça qu'on n'apprécie pas trop les pièces exiguës et on déteste les ascenseurs. On vous racontera peut être un joue ce qu'il nous est arrivé.

Si il était au troisième étage, je l'aurais vu car j'en viens. Je m'arrête donc sur le palier du deuxième, à la recherche d'animation, de bruit, mais je ne vois rien du tout qui puisse faire l'affaire.

J'entends des pas monter les escaliers, quatre à quatre, non loin de moi. Mais j'ignore ce bruit. Jusqu'à ce qu'il recommence, plus doucement cette fois. Avec des éclats de rire. Des voix matures, grandes, d'adultes presque. Je décide de les suivre de loin, on ne sait jamais après tout. Je monte donc jusqu'au troisième étage et alors que j'arrive à l'étage, je vois le groupe de personnes entrées dans la salle à la télévision. Je m'approche donc de la salle, d'un pas nonchalant, regardant dans les autres pièces d'un coup d'oeil si je ne vois pas mon frère.

Puis, j'arrive devant la porte grande ouverte de la dite salle télé et j'aperçois la personne qui partage mon sang et ma chair. Accompagné d'adolescent. J'ouvre mon don vers mon frère. Il a l'air effrayé et dans l'incapacité de parler. Enfin, il est effrayé. Et je sais pourquoi il ne veut pas parler. On a la même voix après tout. Et celle-ci est grave. Une allure de fille avec une voix d'homme, généralement ça ne colle pas.

Pour le moment, les adolescents le regardent avec curiosité tandis que je suis sur le pas de la porte, invisible pour eux. Leur regard est persistant, ils ne veulent pas le lacher. Alors il s'enfuit. Vers moi. Et me percute.

-E... excusez-moi !

Je ressens toujours ses émotions, et encore plus fort maintenant qu'il est collé à moi, et cela ne me fatigue quasiment pas. Et je sens la terreur qui émane de lui. La peur de ce que les autres ont entendu. La peur de se faire lyncher à nouveau. Je les regarde d'ailleurs, tout aussi rapidement je prends le bras de mon frère pour le placer derrière moi. Je sers donc de rempart entre mon frère et les éventuels agresseurs. Qui sont choqués d'ailleurs. Et oui, une voix d'homme. Ca surprend toujours alors qu'on s'attend à une petite voix fluette. Je fronce les sourcils et pince les lèvres et m'attends à toutes répliques ou attaques qui viendraient des plus grands.

Ils me fixent désormais, et leur regard font des allers retours : mon frère, moi, mon frère, moi. Ils sont toujours aussi surpris. Je lance mon don vers eux. Je n'aperçois pas d’animosité. Ou du moins pas encore. Je serais toujours méfiant, à l’égard de tout le monde. Je ne fais confiance à personne, sauf à mon frère, mais cela va de soit.

Ils se lèvent, et sortent de la salle. Je me décale pour leur laisser le passage et continue à leur lancer des éclairs tant qu'ils ne disparaissent pas de mon champ de vision. Enfin, je me détends et prends mon frère dans mes bras. Je lui prends la main et on s'installe dans le canapé. Je baisse le volume de la télé pour qu'on puisse parler. Je le garde serré dans mes bras.

- Où étais-tu passé Kily ? Tu sais que je n'aime pas quand tu pars comme ça, tout seul...

Je pose ma joue sur son crâne, ses cheveux. Dépose un baiser sur la capillarité qui lui entoure la tête et me remets dans la première position. Je garde sa main dans la mienne tout en la caressant. Notre position peut parfois être suspecte pour certains mais il en a toujours été ainsi entre nous deux. Encore aujourd'hui, on dort souvent dans le même lit, c'est comme si nous étions inséparable. Enfin, nous sommes, inséparables.

Sujet: Re: Je cherche en ma mémoire qui je suis. Mar 29 Jan 2013 - 12:11

Inspirant, expirant. Je voulais fuir. Fuir ma vie, en commencer une nouvelle. Elle ne pouvait, de toute façon, pas être pire de celle que je vivais en ce moment. Nous venions à peine de rentrer à l'orphelinat, et déjà je craignais mon environnement comme la peste. Comme si la moindre de mes remarques n'étaient qu'une bombe à retardement, menaçant d'exploser à n'importe quel instant. Je ne voulais pas ça, non.

Et puis, dans mon empressement, je bousculais quelqu'un. Sans même prêter attention à cette personne, je ne manquais cependant pas de m'excuser, comme à mon habitude. Et paf, mon identité était découverte. Ma précipitation vers la sortie fut néanmoins stoppée par une forte accroche au niveau du poignet, qui me ramena bien vite à ma précédente collision. La chose étant qu'au lieu de me prendre des coups, on me fit passer dans le dos de cette personne. En relevant les yeux, un peu sonné, j'eus le temps d'apercevoir des cheveux mi-longs et blonds. Blonds, voir presque blancs. Kelyann. Sans même apercevoir son visage, je pouvais le reconnaître. Non pas pour ses cheveux, mais aussi bien pour sa tenue, sa démarche, ses gestes, ses membres aussi frêles que les miens et pourtant tellement plus puissants. Voilà, tout cela, c'était mon frère. Et pour rien au monde je ne l'échangerai. Néanmoins curieux de la suite des événements, ma tête se décala sur le côté pour observer la scène. Une main vint se serrer au t-shirt de mon frère, mais j'affrontais cependant le regard des autres. À voir leurs têtes à vrai dire, je ne pouvais pas vraiment sonder leurs esprits. De l'étonnement, ça, c'était certain. Si encore il n'y avait eu que moi... Mais mon frère était venu se mêler à tout ce joyeux monde, et sans même l'observer je pouvais deviner son regard. Depuis trop longtemps nous étions habitués aux fixations incessantes de nos connaissances. Au final, c'était un peu de ma faute. Même beaucoup. Nous étions simplement prévenants.

Il n'y avait vraiment aucune animosité particulière dans leurs airs. Y étions-nous vraiment arrivés, au final ? Avons-nous enfin trouvé ce havre de tranquillité où personne n'était en mesure de nous juger ? Je ne pouvais rien prédire, mais dans ma tête, la méfiance refusait de s'extraire. J'inspirais profondément et dans un silence total, les jeunes adultes quittèrent la salle. Kelyann me protégea durant tout ce temps, trop habitué aux changements de comportements. Et puis, moi dans tout ça, je continuais de fixer les gens. Moi non plus je ne possédais pas de regard méchant. J'étais simplement sur mes gardes, prêt à tout changement d'état.

Quelques secondes plus tard, lorsque tout le monde semblait avoir disparu de la salle, mon frère me prit alors par la main pour m'emmener vers le canapé. Et puis, il me prit dans ses bras. Moi, je n'ai pas pleuré. Et je ne pleurais toujours pas, une première. D'habitude, ces bras réconfortants suffisaient à me faire perdre tous mes moyens. Mais pas là. Après tout, il ne s'était rien passé de mauvais. Pas de bagarre, pas de coups. J'étais encore sous le choc. Une partie de mon esprit était totalement assaillie par cette nouvelle et joyeuse information. Ça me faisait tellement plaisir d'être accepté par ces nouvelles personnes. Même si ce n'était que pendant un court instant. Au moins, un jour, j'aurais vu ces yeux. Qui n'appartenaient pas à mon frère.

- Où étais-tu passé Kily ? Tu sais que je n'aime pas quand tu pars comme ça, tout seul...

Une faible pression sur mon crâne. Je relevais les yeux. Et tint fixement les siens. Ah oui, c'est vrai que nous étions ensemble, il y a quelques minutes. Pourquoi étais-je parti d'ailleurs ? Peut-être que c'était à cause de cet attroupement, au fond de l'endroit où nous jouions. Ou bien, une porte de l'orphelinat ouverte que je n'avais jamais vue auparavant. Je ne m'en souvenais même plus. Parti. Je m'étais envolé comme un papillon. Et je savais que Kely aimait jouer son rôle d'attrapeur de papillon. Ça ne me dérangeait pas. Non, je dirais même plus que ça me rassurait d'un côté. J'étais persuadé que si un jour je venais à disparaître, alors il y aurait toujours quelqu'un qui affronterai vents et marées pour me protéger. Oui, mais c'était un peu égoïste de ma part de penser ça. Moi, je ferais la même chose pour lui, mais après tout, n'étais-ce pas pour être sûr d'avoir quelqu'un qui me protège ? Je n'en savais rien. Et à vrai dire, je me prenais rarement le crâne avec des idées aussi saugrenues et lugubres. Sans prononcer une seule parole, mon regard dériva jusqu'à ma main dans la sienne. Ce que je faisais. Où j'étais.

-Je... je ne sais pas. En bas. Tout en bas. Kely... Ah, il y a des choses terrifiantes dans les sous-sols !

Lentement, tandis que ma peur d'être jugé s'estompait, une autre refaisait surface, comme une vague. Ces yeux. Ces yeux affreux du sous-sol, derrière les barreaux. Mais mon Dieu, pourquoi y avait-il des choses pareilles dans les sous-sols ? Et pourquoi fallait-il qu'il y ait des sous-sol ? Je détestais ces endroits. Ils étaient pleins de saleté, et puis la lumière du jour ne passait plus du tout. On était obligé de s'éclairer avec ce qu'on avait. Et dès lors qu'il n'y avait plus de lumière, c'en était fini. Totalement fini. Il fallait se résigner à mourir. Par manque d'air, ou bien par peur. Mais pourquoi y avait-il des yeux aussi lumineux ? Et un sourire. Qu'étais-ce donc ? Un fantôme ? Un frisson me parcouru le dos. Ça existait, même ? Je n'en avais jamais vu. Jamais jamais.

-Est-ce... est-ce que tu crois aux fantômes ?

Hésitation. Je ne voulais pas paraître idiot pour mon frère. Après tout, c'était censé être moi l'aîné, malgré les apparences. Alors, il fallait être fort, ne pas montrer sa faiblesse. Malgré tout, cette phrase témoignait terriblement de mon manque de connaissance et surtout de mon immaturité. Nos professeurs de route ne nous avaient jamais parlé de ça. De nos dons, de nos pouvoirs, de l'exorcisme. Mais ça c'était sur les humains, pas sur ces... choses ambulantes sortant des contes de fées. Alors quoi, que fallait-il croire ? Y retourner ? Oh non, pour rien au monde je n'y retournerai. Ce soir, j'aurais des difficultés pour dormir. Et puis, s'il y en avait dans le sous-sol pourquoi n'y en aurait-il pas ici aussi ? À cette idée, mon corps se raidit. Mais avant tout, je voulais entendre sa réponse. Kely...

Pendant que je fixe ces jeunes gens, je sens une main s'accrochée à mon tee shirt, derrière moi. Et je perçois une présence à l’extrémité de mon champ de vision. La tête de Kilyann. Les individus sont calmes, sans animosité. Ils nous regardent, plutôt choqués. Nous dévisagent presque à certains moments, mais nous avons connus pire. Du coup je garde la tête droite, prêt à me battre si il faut.

Ils ont l'air de comprendre qu'on ne bougera pas tant qu'ils resteront ici, ils ont donc assez de décence pour nous laisser la pièce. C'est bien aimable à eux. Nous ne sommes pas encore assez proche des gens de cet orphelinat pour rester avec eux. Disons surtout que j'ai peur de leur réaction vis à vis de mon frère. Mais un jour viendra sûrement où tout deviendra facile. Où nous pourrons vaquer tous les deux à nos occupations sans se préoccuper de l'autre. Je l'espère, c'est après tout pour cette raison que nous sommes venus jusqu'ici, que nous avons fait tout ce voyage. L'espoir de cette vie nous a fait avancer, alors même qu'on luttait contre les éléments, contre les monstres humains. Chassés, battus, nous avons réussis à survivre.

J'amène mon frère jusqu'au canapé pour le serrer dans mes bras. Aucune larme ne vient, j'en suis rassuré et un sourire léger apparaît sur mes lèvres, invisibles à tous car caché dans sa chevelure. Après tout, il n'y a rien eu de violent, juste de l'appréhension de notre part.

Il relève la tête, je vois son visage apaisé, et je souris de plus belle en voyant que tout va bien pour lui. Je serre un peu plus mon étreinte sur lui. Et puis, quand on est comme ça, don activé ou non, je perçois toujours ses émotions. Enfin, il doit s'activer automatiquement quand je suis avec lui, sans que je le sente. Même si je ne sais pas vraiment si le mot "activer" est approprié. J'hésitais avec "ouvert" qui n'est pas tellement mieux. Mais laissons de côté cette question de vocabulaire.

- Je... je ne sais pas. En bas. Tout en bas. Kely... Ah, il y a des choses terrifiantes dans les sous-sols !

Je sens sa crainte monter d'un coup. Je fronce un peu les sourcils et le serre encore un peu plus fort dans mes bras. Mais sa crainte ne monte pas plus. Pas d'inquiétude, pas d'angoisse. Juste une petit coup de crainte, qui reste constant. Après m'être inquiété de cette manière de ces émotions, je peux à présent jouer mon rôle de grand frère. Même si je suis le petit des deux. Mais c'est moi qui veille sur lui. Et puis l'ordre, qui s'en soucie ? Ça doit sûrement être parce que je suis le petit que je dis ça. Car si j'étais le grand, avec mon caractère, eh bien, je n'arrêterais pas de le dire. Je m'en vanterais presque. Tout cela avec humour, comme de bien entendu.

- Pourquoi es-tu allé dans les cachots Kily ? Enfin, arrête moi si ce n'était pas là. Mrs Mystery nous a pourtant fortement déconseillé d'y pénétrer.

Je lâche un soupir d'exaspération. La curiosité est parfois un très vilain défaut. Je sais déjà que j'aurais de la compagnie dans mon lit ce soir, mais cela ne me dérange absolument pas. J'ai parfois peur qu'il croit qu'il m'embête. Alors que pas du tout. C'est mon rôle de veiller sur lui, je n'échangerais ça pour rien au monde. C'est mon frère, mon jumeau, c'est la prunelle de mes yeux. Rien n'est plus précieux que lui dans ce monde. Si il venait à disparaître, je mettrais la terre à feu et à sang pour le retrouver sain et sauf. Je chevaucherai mille monts et vallées pour aller le chercher. Je ferais tout pour lui. Et je sais qu'il ferait exactement la même chose pour moi. Du coup, jamais je ne l’embêterai, juste pour le taquiner sur le sujet "Tu m'enquiquines, je dois toujours prendre soin de toi" car ça pourrait lui faire du mal, et je le sentirais en même temps. Car tout ce qu'i le touche me touche. Donc jamais. Car je ne le pense absolument pas. Et comme pour répondre à ses pensées, je le berce légèrement, fermant les yeux et reposant encore une fois ma tête au sommet de la sienne.

-Est-ce... est-ce que tu crois aux fantômes ?

Je réfléchis tout en regardant les images bougées dans la télévision. Captivée, ma démarche mentale s'active.

- Je n'en ai jamais vu. Mais parfois, le monde devient glacé, comme si on était en hiver. Peut être que c'est à cause de fantôme que ce phénomène apparaît. Et puis, Mrs Mystery aussi nous a dit que ça existait. Et elle, je veux bien la croire. Elle a vraiment l'air d'être une femme de confiance. Les enfants sourissent à sa vue. Donc, ce n'est pas une question d'y croire ou non, car ils existent. Mais peut être pas pour tout le monde. Et on verra sûrement ça en cours. Maintenant, arrête de penser à ça.

Je lui décroche un sourire et le décoiffe, emmêlant sa tignasse en secouant ses cheveux avec ma main. Et ça me fait rire. Je sus qu'il ne va pas aimer ça. Mais ça m'est égal.

Je me reconcentre sur la télé, essayant de capter le son faible qui sort des enceintes incrustées dans la boîte. Les images défilent, n'ayant pas vu le début, il est difficile d'en comprendre le sens, mais je continue tout de même à m’accrocher. Sachant pertinemment que tout ce sur quoi je pourrais tomber, aura aussi commencer. Alors, il n'y a plus qu'à attendre qu'autre chose commence.

Sinon, nous aurions aussi pu aller jouer, ou explorer un peu plus le domaine, mais il fait froid dehors, je n'ai pas envie d'aller m'habiller, et puis la salle est vide, je suis enlacé à mon frère donc tout va bien, je n'ai plus du tout envie de bouger maintenant. Sauf si mon frère me le demandait, car, je ferais absolument tout pour lui.

Mon frère, c'était un peu mon tout. Quand il était loin de moi, je prenais peur pour un rien. En revanche, à ses côtés, je pouvais bien annihiler une armée... enfin à peu près. Et c'était bien parce que j'étais seul à ce moment que j'ai pris peur. Une grosse apparition, là, tout au bas. Terrifiante, elle était terrifiante, avec ses yeux amusés et son sourire à faire fuir les rats. Une apparition, une véritable apparition, comme je n'en avais encore jamais vu. C'était impressionnant. Et moi, j'ai couru, couru jusqu'à faire disparaître cette image de mon esprit. Mais ce n'était pas si facile, et le monde autour de moi ne m'aidait pas. Dès qu'un visage étranger m'apparaissait, j'avais l'impression de revoir ces deux gros yeux et son sourire machiavélique. Je me fichais bien des moqueries sur le coup. Et puis Kely est revenu vers moi, et là tout s'est terminé. J'ai pleuré, j'ai longtemps pleuré dans ses bras. J'étais trop sensible, il allait falloir que ça change, un jour, pour que Kely puisse enfin libérer du boulet, du fardeau que j'étais.

- Pourquoi es-tu allé dans les cachots Kily ? Enfin, arrête moi si ce n'était pas là. Mrs Mystery nous a pourtant fortement déconseillé d'y pénétrer.

Les cachots ? Alors comme ça c'était ça les cachots ? Était-il fâché contre moi parce que j'y suis allé ? Pitié non, je ne préférerai pas. Ce n'était pas de ma faute. Je... j'ai simplement voulu visiter et ça s'est fait tout seul, simplement. Il y avait tellement de pièces différentes, ici, c'était tout à fait normal de vouloir chacune les visiter. Mais je m'étais rendu trop loin, et à présent, cet espèce de spectre me poursuivait dans mon esprit. Plus jamais, non plus jamais je ne me rendrais dans cette pièce ! Je n'aurais jamais dû découvrir cet endroit, maintenant j'étais totalement incapable de penser à autre chose. Et qu'était-ce, en fin de compte ? Un spectre, un fantôme ? Je ne savais pas que ça existait. Est-ce que ça traverse les murs ? Ça pourrait venir la nuit pour nous effrayer alors ! Je ne veux plus rester ici. J'ai cru trouver un réconfort, mais c'était de courte durée, cette vieille bâtisse gardait d'affreuses choses. Affolé, mon ton monta plus haut qu'à l'accoutumée.

-Il y a des choses affreuses ! Dis-moi pourquoi ils gardent des choses pareilles ?! Je ne veux plus dormir ici, qu'on m'éloigne de ces fantômes !

Le mot était sorti tout seul. Fantômes. Ça me faisait peur de le prononcer à haute voix. Je pouvais presque sentir leurs présences spectrales autour de moi, comme attirés par nos petits corps. Qu'on m'éloigne de cet endroit ! Kely, partons, partons d'ici et n'en revenons jamais. Tu avais tort, nous n'avions rien à faire dans cet endroit. Il était dangereux, beaucoup plus dangereux que nous ne le pensions. Disparaissons dès demain, comme ces fantômes qui hantent ces murs et cherchons cet Eden. Il devait bien exister quelque part. C'était forcé.

Alors, comme pour confirmer mes soupçons, je demandais à Kely s'il croyait aux fantômes. Parce que moi, j'étais persuadé d'en avoir vu un. Il était trop réel pour n'e^tre qu'une simple apparition de mon imaginaire. Ces yeux, non je ne les oublierai jamais. Pourquoi diable gardaient-ils des choses pareilles. En plus d'être une laideur phénoménale, elles semblaient sonder le fond de ton être, et te paraître beaucoup plus proches du trou d'où elles venaient. Il fallait que je questionne mon frère. Je n'avais jamais vu de fantômes, alors peut-être que finalement j'avais simplement vu quelque chose d'autre... je tâchais en tout cas de m'en persuader.

- Je n'en ai jamais vu. Mais parfois, le monde devient glacé, comme si on était en hiver. Peut être que c'est à cause de fantôme que ce phénomène apparaît. Et puis, Mrs Mystery aussi nous a dit que ça existait. Et elle, je veux bien la croire. Elle a vraiment l'air d'être une femme de confiance. Les enfants sourissent à sa vue. Donc, ce n'est pas une question d'y croire ou non, car ils existent. Mais peut être pas pour tout le monde. Et on verra sûrement ça en cours. Maintenant, arrête de penser à ça.

Que j'arrête d'y penser ? Il passa une main dans mes cheveux et les farfouilla. Moi, je râlais, parce qu'il savait que je n'aimais pas ça. Et il sourit. Il voulait me changer les idées. Kely était vraiment gentil avec moi. Je devis en profiter. Mais mes craintes restaient là, au fond. Vaincre une armée à ses côtés ? J'étais probablement un peu trop idyllique en prononçant ces mots. Je restais peureux, avec ou sans lui. Si on m'en séparait, je finirais juste par me morfondre, sans protection. J'étais fragile, et c'était une vraie plaie que de l'avouer. Pas physiquement, mais moralement. Une vraie porcelaine. Soupirant, je ne pus m'empêcher d'ajouter, un peu plus rassuré.

-Dis, est-ce que tu crois qu'on sera vraiment bien ici ? J'ai eu un mauvais pressentiment en venant ici.

Tout en prononçant ces paroles, je me rapprochais un peu de mon frère et vint poser ma tête sur son épaule, tout en fermant les yeux. La maison était grande, elle était aussi terriblement bien construite. Sans doute fallait-il s'y mettre avec de grosses catapultes pour défoncer les murs. De plus, elle devait être protégée avec la magie., d'une quelconque manière que ce soit. D'ailleurs, en y pensant, Kely et moi nous n'y connaissions vraiment rien à la magie et à sa manière de fonctionner. Peut-être pouvions-nous apprendre un peu avant de partir ? Juste profiter de leurs enseignements, en somme. C'était une bonne idée.

Inquiétude, peur, effroi, incertitude. Voilà ce que je ressens chez mon frère actuellement. Et tout ça est intimement lié, c'est extrêmement dur de les dissocier, et encore plus dur de lui faire oublier tout ça. En plus, ses peurs ne sont pas que celles du fantôme, et c'est bien là le problème. C'est aussi la peur du rejet, de la part des autres, et de moi. La peur qu'on soit les jumeaux maudits aussi. C'est une vieille histoire. Un vieux mythe.

Dans les histoires, qu'elles quelles soient, c'est toujours des jumeaux maudits. Soit le premier vole tout le pouvoir à l'autre. toute la force, tout, dans le ventre de leur mère. Techniquement, le plus faible meurt avant que la mère n'accouche. Sinon, les deux vivent, mais un sera toujours beaucoup plus faible, moralement, physiquement... Oui, c'est très triste, mais je ne fais que raconter des histoire. Sinon, deux jumeaux naissent. Leur pouvoirs magiques augmenteront exponentiellement tout au long de leur vie, ils deviendront les magiciens les plus puissants du monde entier. Mais ils apportent le malheur. Le plus grand des malheurs dans le pays dans lequel ils vivent. Les gens deviennent fous, ou le roi. Tout le monde s’entre tue, la ville n'est plus que sang. Les personnes ne sont plus. Et ce, où qu'ils aillent.

Et nous ? Nous avons perdu nos parents, nous avons été maltraités toute notre vie, car trop efféminés. A cause de la différence. Et nous seront encore mal vu, toute notre vie, car nous sommes des mêlés. Mais ça dépend du monde dans lequel on vit. C'est pourquoi on se méfie de tout. Surtout Kily, il a tendance a trop vite avoir peur, mais je suis là pour le protéger. Même si j'ai peur, autant que lui, je fais de mon mieux pour ne pas lui montrer, pour ne pas qu'il s'inquiète d'avantage. C'est mon rôle.

- Il y a des choses affreuses ! Dis-moi pourquoi ils gardent des choses pareilles ?! Je ne veux plus dormir ici, qu'on m'éloigne de ces fantômes !

J'essaie de le calmer, tant bien que mal. C'est plutôt difficile, car la peur revient tout le temps. Ces choses sont trop présentes dans son esprit car bien trop présente.

- Je ne sais pas. C'est une vieille bâtisse, ils sont peut être trop occupés avec les enfants pour faire le ménage. Et puis, nous n'en avons jamais vu dans le château, sauf ceux qui ne nous veulent pas de mal. Il doit donc il y avoir quelque chose pour ne pas que ces spectres sors des cachots. Tu es en sécurité Kily. Je te le promets.

Je le berce, c'est dur de le calmer. Mais tant que je sentirais cette peur enfouie en lui, cette peur récente, je continuerai à le clamer. Car la peur de se faire sera à jamais graver dans son coeur. Je ne peux que lui faire oublier pour un temps éphémère et indéterminé. Elle sera plus faible que les autres, mais toujours là. Et surtout, je sais la reconnaître. Avec les personnes que je rencontre, une peur est juste une peur. Avec mon frère, je ressens toutes ces peurs différentes. Ayant toujours vécu avec lui, je trouve ça parfaitement normal. Je m'inquiéterais plutôt si ce n'était pas le cas. Vous imaginez ? Si je n'arrivais pas à déchiffrer mon frère ? Se serait une honte, je ne pourrais pas dire de moi que je suis son frère, son protecteur. Je ne pourrais pas, se ne serait pas du tout crédible. Alors je m'y applique soigneusement, je prends du temps parfois pour déchiffrer tout ce qu'il ressent, quand je n'arrive pas à dormir. Ça lm'occupe et ça m’épuise tellement que je tombe dans les bras de Morphée dès que je n'ai plus d'énergie.

- Dis, est-ce que tu crois qu'on sera vraiment bien ici ? J'ai eu un mauvais pressentiment en venant ici.

Je n'aime pas qu'il dise ça, je fronce donc les sourcils. Je veux que tout aille bien. Au moins, nous n'avons pas eu de regards méchants depuis que nous sommes là, tout le monde est adorable avec nous. Mais ça nous ai déjà arrivé. Ça ne dure qu'un temps. Mais j'essaie de déchiffrer leur coeur à toutes ses personnes. Je ne perçois pas d'animosité, pas de dégoût, rien. Ils sont neutres par rapport à nous, ou ils sont contents. Après, je ne peux pas affirmer qu'ils vont retourner leur veste. Je ne les pas assez côtoyer pour savoir tout ce qu'il ressente. Et les sentiments humains sont bien trop compliqués. Rien que mon frère me prend énormément de temps, alors des inconnus ? Je lâche l'affaire.

- J'espère Kily, je l'espère vraiment.

Parce que moi aussi j'ai peur. J'en ai marre de fuir, des fois j'aimerais bien craquer, et pleurer moi aussi. C'est dur de tout garder sur ses épaules, pour un enfant de mon âge. Mais je survis, je fais ce que je peux. Mais je ne veux pas m'enfuir à nouveau. Je ne veux pas. Et il y a tellement d'enfants différents ici, je ne vois pas pourquoi on serait mal traités. Sinon, il n'y aurait pas tant d'enfants. Tout se passera bien, j'essaie de m'en convaincre, tant bien que mal.

Sujet: Re: Je cherche en ma mémoire qui je suis. Sam 2 Nov 2013 - 19:16

Il était tellement difficile de vivre. Toujours, il fallait s'accrocher à de petits monceaux de souvenirs et continuer à avancer malgré la tempête qui faisait rage. Kely, si tu savais comme j'avais peur. J'essaye de paraître le plus tranquille possible pour ne pas trop te voir déchiré. Je sais que tu ressens tout ce que moi je ressens, alors j'essaye de masquer un peu tout ça. Mais tu sais, parfois c'est vraiment difficile. J'ai besoin de sentir tes bras protecteurs et me sentir comme quand nous n'étions que tous les deux, deux foetus dans le ventre de maman. Oui, c'est vrai le monde extérieur me faisait peur, et il me le fait encore. Vivre dans cette grande bâtisse ce n'était sans doute pas la meilleure idée. Je m'en veux un peu quelque part. Et si nos parents étaient morts à cause de moi ? Et si j'avais commencé à assumer plus jeune mes goûts, ou bien à rentrer dans le tas des gens banal, peut-être que tout ceci ne serait pas arrivé. Je n'aurai sans doute pas dû naître.

Je secouais la tête. Non, mon frère m'en voudrait à penser comme ça. Je ne veux pas qu'il le sache. Alors, je repense à ce qu'il s'est passé. Là, dans les cachots. Ce sourire, cette entité meurtrière. Oh, si tu savais comme j'avais eu peur. Peur qu'il me mange, qu'il ne fasse qu'une bouchée de moi. Alors, je m'étais réfugié dans cette salle, tremblant de peur, face à d'autres personnes. Et puis, toi, Kely, tu étais venu me porter secours, comme toujours. Tu es vraiment mon plus grand chevalier. Pourtant, cette peur, je n'ai pas pu te la cacher longtemps, tout comme il m'était d'ailleurs impossible de te cacher quoi que ce soit. Tu es tellement juste et droit. Tu me défends corps et âme. Personne ne pouvait avoir la même chance que moi. Et j'espérais secrètement que tu ne pensais pas à mal de moi. Je ne voulais pas être un fardeau.

Puis, j'ai fini par crier. Par sortir cette peur terrée au fond de moi. J'ai presque pleuré, mais je me suis retenu. Ça n'a pas duré longtemps, et bientôt quelque larmes ont coulé. J'ai fini par t'avouer que je craignais les fantômes. Pourquoi y'avait-il fallu que nous soyions mêlés ? Hein ? On ne pouvait pas vivre comme tout le monde ? C'est parce que nous étions maudits, c'est ça ? Non, je refusais d'y croire. Ça ne pouvait être ainsi. Nous avions au moins le droit à un instant de calme. La vieille dame qui gérait cet orphelinat nous l'avait assuré, nous avions trouvé le petit eden. Mais les cachots faisaient peur, et moi je ne voulais plus revoir ça. Plus jamais. Oh, Kely, partons. Partons loin, cet endroit n'est pas le bon. Aucun n'est capable de nous accueillir, même le plus gros chateau fort du monde. Je ne me faisais plus d'illusion déjà à cet âge. Maudits, nous l'étions. Si nous ne partions pas rapidement, nous finirions par semer le trouble sur cet orphelinat, j'en étais certain. Et je suis sûr que quelque part, tu pensais la même chose.

- Je ne sais pas. C'est une vieille bâtisse, ils sont peut être trop occupés avec les enfants pour faire le ménage. Et puis, nous n'en avons jamais vu dans le château, sauf ceux qui ne nous veulent pas de mal. Il doit donc il y avoir quelque chose pour ne pas que ces spectres sors des cachots. Tu es en sécurité Kily. Je te le promets.

Et il commença à me bercer gentiment, doucement. C'était si dur d'oublier ce visage. Si dur. J'avais un peu de mal à te croire, pourtant. Quelque chose les retenant ? Il n'y avait rien. Rien de visible en tout cas. Et c'était dangereux de garder des choses pareilles. Pourquoi ne les tuaient-ils pas ? Est-ce qu'il punissaient les enfants turbulents dans ce genre d'endroits ? Je frissonnais. Cet endroit ne me disait rien qui vaille. Ce n'était pas le bon endroit, pas encore. J'inspirai puis expirai lentement, pour me calmer. Je fermais les yeux, tâchant de me figurer des images plus belles. Je voyais un beau champ d'été, le vent parcourant les allées de blé. Ce décor ne m'était plu apparu depuis bien longtemps, alors je pris soin de l'observer encore un moment. Cela me permit de me calmer. Juste un peu pour oublier ce méchant sourire, en tout cas.

Et puis, je t'ai enfin fait part de mes craintes. D'une de mes nombreuses craintes. Le fait de ne pas être à sa place, une fois encore. Cette impression d'inhospitalité malgré la chaleur des lieux, malgré la chaleur des hommes. Serions-nous bien ici ? Avions-nous enfin trouvé cet endroit tant recherché ? J'en doutais, et Kely devait bien le sentir, quelque part, comme moi. Je pris la main de mon jumeau et la porta sur mon coeur en lui demandant honnêtement si nous serions bien. Je lui fis également part de mes doutes à ce sujet. Et lui, tout ce qu'il trouva à répondre, ce fut :

- J'espère Kily, je l'espère vraiment.

Je soupire brusquement. Je suis lassé, lassé de courir à droite à gauche pour s'évader, pour s'échapper d'un homme nous voulant du mal. Lassé de ne pas posséder d'endrit à nous, où vivre dans le calme, rentrer le soir au tour d'un bon feu et rire. Je posais mon front sur l'épaule de mon frère et fermait les yeux une nouvelle fois. Ce décor d'été avait disparu. Je me demandais même s'il n'était pas totalement issu de mes rêves. Après tout, je ne souvenais pas l'avoir déjà aperçu en vrai. Voilà, mes rêves étaient l'unique moyen de m'évader. Le monde était trop dur, beaucoup trop dur pour nous deux. Et pour moi. Ma main se serra dans la sienne, et je murmurais faiblement :

-Je regrette nos premières années. Avant que tout cela n'arrive. Tu te souviens du visage de maman et papa ? Moi, ils me paraissent trouble aujourd'hui, pourtant je vois encore leurs sourires les soirs de Noël. J'espère qu'un jour on pourra retrouver cette tranquillité.

Les yeux clos, je tâchais de me souvenir de ces visages. Je n'avais pas menti. Seuls les sourires me revenaient en mémoire. Quelques rares sourires ancrés à jamais dans mon être. Je regrettais tout ça. Si j'avais pu, je serai revenu en arrière, sans jamais plus faire avancer le temps.

Je sais que mon frère essaie souvent de diminuer ses sentiments. Je le sens quand il essaie de les cacher. J'ai envie de lui dire que c'est inutile, que notre lien est si fort que je sais tout de lui. Et que ça ne me gêne pas de partager ses émotions. C'est vrai que par contre, de son côté, il n'a pas vraiment d'intimité. Mais on n'a aucun secret l'un pour l'autre. Je sais tout de lui, il sait tout de moi. Et puis, même sans mon don, je saurais quand même tout de lui. On a grandit ensemble. Ca fait des années que je le suis dans ses folies, dans ses pleurs, dans ses rires. Même sans mon don je pourrais savoir ce que mon frère ressent, j'en suis persuadé. Je crois dur comme fer à la relation spéciale que peuvent avoir deux jumeaux. On est si soudés. Fusionnels.

Je ferai tout pour mon frère. Vraiment. C'est la prunelle de mes yeux, je serais prêt à mourir pour lui. Le soucis, c'est que je sais qu'il a besoin de moi. Et j'ai aussi besoin de lui, le faire rire et sourire sont mes seuls buts de la vie. Cela fait si longtemps que je ne l'ai pas entendu rire. Cela fait si longtemps qu'on a pas eu peur. Ca remonte à avant le grand feu. L'incendie, qui nous a tout pris. Il nous a prit papa. Il nous a prit maman. On était tellement bien, là bas, avant. Et depuis, on se bat pour notre survie. Vous pensez pas que c'est dur pour deux petits orphelins ? Tout petits orphelins. Pourquoi on est tombés que sur des mauvaises personnes ? Pourquoi il a fallu qu'on fuit, encore et toujours ? Pourquoi … ? Pourquoi on a pas réussi à avoir des vrais gens gentils pour s'occuper de nous ? Pour nous servir de papa et de maman ? Bien sûr, on oubliera jamais nos vrais parents, mais se serait tellement plus simple de pouvoir compter sur des adultes en qui on puisse avoir confiance, qui prendrait soin de nous. Mais après tout ce qu'on a vécu, on pourra refaire confiance à quelqu'un ? Je ne sais même pas si je fais confiance à Mrs Mystery. Oh bien sûr, elle a l'air gentille. Mais ils avaient tous l'air gentil.

Je veillerais toujours sur toi Kily. Toujours. Pour toujours et à jamais. Je te le promets. Je serais toujours à tes côtés, pour prendre soin de toi.

Je berçais doucement mon frère pour apaiser sa peine. Ca me réconfortait de le voir aller mieux. Je suis si lié à lui que toutes ses émotions influent en moi et changent les miennes. Il est triste ? Je suis triste. Il est en colère ? Je suis en colère. Il a peur ? J'ai peur. Triste pour lui et peur pour lui aussi, car je ne veux que son bonheur. Mais c'est un tout qui fait que je me devais de le protéger.

Je sens qu'il se calme. Enfin. Sa respiration est plus lente, plus apaisée, ses craintes s'effacent, remplacées par un sentiment de calme, petit à petit. Il prit ma main pour la poser sur son cœur. Il battait encore un peu vide. L'inquiétude. L'inquiétude que nous ne soyons pas à la bonne place, encore une fois. Comme toujours. J'étais pareil. Je ne savais pas si c'était l'endroit parfait pour nous. J'avais peur qu'il nous arrive quelque chose. Ou que quelque chose de sombre, de noir arrive. Pour nous. Pour les autres aussi, peut être.

Il soupire. Ma réponse n'a pas du lui plaire. Mais je ne sais pas quoi lui dire. Je ne peux être que sincère avec lui. Et oui, j'espère que on a trouvé notre place. Je l'espère, je ne peux faire que ça de toutes façons, non ? Pourquoi on partirait ? Personne ne nous a encore chassés, personne ne nous a encore faits du mal. Et je les sonde, tous les gens que je croise, à la recherche de la plus petite once de méchanceté. Mais non. Je ressens de la compassion, de la pitié, de la bienveillance. Les adultes sont un peu plus compliqués, ils ont plein de trucs à l'intérieur, et j'arrive pas bien à avoir accès à ce qu'ils ressentent, comme si ils se protégeaient. Ils ont des choses à cacher ? Ou alors ils veulent pas qu'on s'immisce dans leur intimité. Mais moi je veux juste protéger mon frère, alors je veux juste savoir les menaces, avant qu'elles n'arrivent sous la forme de poings.

-Je regrette nos premières années. Avant que tout cela n'arrive. Tu te souviens du visage de maman et papa ? Moi, ils me paraissent trouble aujourd'hui, pourtant je vois encore leurs sourires les soirs de Noël. J'espère qu'un jour on pourra retrouver cette tranquillité.

Il avait déposé sa tête contre mon épaule. La mienne l'avait rejoint. Et je secoue la tête. Les larmes montaient. Parfois je pleurais. Parce que la peine était trop forte. Je ne me souvenais plus du visage de nos parents. Ca me rendait triste. Si triste. Leur voix sont floues, je me souviens des silhouettes, je me souviens de leurs attitudes, j'ai des souvenirs mais … Par contre, si je les croisais, je m'en souviendrais. Ca, j'en suis persuadé. Que je pourrais les reconnaître. Sauf que, on ne les croisera plus jamais. Parce qu'ils ne sont plus là.

Envolés.
Comme la maison.
Le feu a tout emporté.
Des cendres, tout ce qu'il reste.
Nos parents, des cendres.

Une larme roule sur ma joue et s'écrase dans les cheveux de Kilyann. On a même pas de photos. Pourtant, je me souviens, que papa adorait nous prendre en photos, tous les deux. Parce qu'on était tout le temps tous les deux. Rares sont les photos où on est seuls. Et y avait de photos de maman. Et de papa. Je le sais. Elles étaient accrochées dans la maison. Mais leur visage … Ne me revient pas en mémoire. Et le feu a tout emporté. Si on avait pu garder une photo d'eux … Une seule … Pour ne jamais les oublier … Mais on était arrivés trop tard. Et on voulait pas être séparés. Alors on s'est enfuit. On est des lâches de s'être enfuis, comme ça ? De papa et de maman ?

- Je me souviens pas non plus. Mais je me souviens de tous ces moments de paix, de rires, d'insouciance.

Je renifle, je souris. Ca fait du bien de repenser à tout ça. Mais si mal à la fois. J'ai l'impression que mon cœur se déchire. Alors je serre mon frère encore plus fort. Il va finir par étouffer à force. Mais jamais je ne le lâcherai. C'est la seule personne qui me reste de tout ça. C'est mon frère. Mon frère à moi.

Je bouge un peu, garde la main de Kily dans la mienne et me lève. Je lui souris, sincèrement et l'aide à se relever. Je serre sa main dans la mienne et le conduit dans les escaliers, et dehors. L'air est frais. Mais tant pis. On va se changer les idées, hin Kily ? Moi ça me manque de te voir rire, de te voir sourire. Alors même si ici, c'est pas fait pour nous, autant en profiter tant qu'on le peut, non ? Et s'amuser, et essayer de vivre, pleinement, c'est pas ce que papa et maman auraient voulu ?

- On fait la course jusqu'à la balançoire ?

Et avant qu'il n'ai pu répondre, je l'entraîne dans ma course. Parce que même dans une course tous les deux, je ne le lâcherai pas. Jamais. Le vent me fouette le visage, rentre dans mes yeux, qui se défendent et font couler des larmes. Mais j'ai envie de rire. J'ai envie de profiter. Il fait frais mais beau. Kily, faut qu'on profite de la vie.

Un jour peut-être, quand nous deviendrons plus grands, nous finirons par oublier tout ça. La blessure se refermerait petit à petit, comme un scratch. Comme un pansement appliqué de manière très très lente. Ce serait difficile d’oublier ça, je le savais très bien. La vie était dure à vivre et nos rêves compensaient nos nombreux désirs insatisfaits. Je n’aimais pas cette vie de nomade, je voulais me sentir exister sans être aux dépens des autres. La vie était trop dure, et Kely était le seul à m’aider à l’affronter. Il vivait la même chose que moi, à chaque seconde. Je me demandais souvent s’il n’avait pas simplement envie de me quitter, moi qui me morfondais tant. Constamment même.

Je regardais ses beaux cheveux platine, les mêmes que les miens, en plus court. J’ai tellement peur de te perdre, un jour. J’ignore quelle serait ma réaction. Je pense que je déprimerais, parce que je suis si faible. Je n’ai pas le courage de me rebeller face aux adultes et puis… tu as toujours été là pour moi, pour m’aider et me soutenir. Je dois l’avouer, je ferais bien pâle figure si tu disparaissais. Tout ne serait plus qu’agressions, désespoir. Violence. J’apprendrais à me cacher du monde, à trouver dans mes rêves un moyen de t’y retrouver. Je pense que c’est ce qu’il se passerait.

Mes parents apparurent à moi comme un souvenir. Un souvenir lointain ramené au présent par d’impressionnantes langues de flamme autour de notre maison. Nous aurions pu nous y trouver, nous aussi. Nous aurions pu disparaître, nous aussi. Je secouais la tête. Fallait-il que je me sente aussi nostalgique pour faire un souhait pareil ? Et puis, Kely il méritait de vivre. Il était gentil, il était joyeux, il rayonnait. Je n’étais certainement qu’un poids pour lui, même s’il ne le montrait pas. J’avais tant de difficultés à ne pas me considérer comme un animal s’accrochant à lui comme pour survivre.

Je posais ma tête sur son épaule en sentant la sienne se rapprocher de moi. Les souvenirs de ce fantôme me hantaient et refusaient de s’évanouir, même auprès de mon chevalier.

- Je me souviens pas non plus. Mais je me souviens de tous ces moments de paix, de rires, d'insouciance.

Ses paroles soulevèrent quelques hésitations, quelques moments de silence. Est-ce qu’il pleurait ? Est-ce que je l’avais fait pleurer ? Je m’en voulu et pinçais mes lèvres. Est-ce qu’on peut partir, maintenant ? Nous étions encore si jeunes. Nous ne pouvions simplement pas nous enfuir, encore une fois. Pour aller où, faire quoi ? Au moins, ici, nous avions de quoi manger, un toit sous lequel dormir et une instruction. C’était un petit Eden que je refusais de considérer comme tel. Je regrettais tellement le passé à chaque seconde, je réfléchissais à ce qui aurait pu se passer à l’époque si nous étions rentrés plus tôt, si nous avions pu sortir nos parents de tout ça. Je frissonnais tandis que Kely me prenait dans ses bras. Il nous restait tant de choses à apprendre, à assimiler tant bien que mal, dans la souffrance ou dans la joie. Trop souvent dans la violence. Je sentis le poids se tarir et relevais les yeux sur mon frère debout. Inclinant la tête, je me demandais ce qu’il y avait dans la sienne.

- On fait la course jusqu'à la balançoire ?

Quoi ? Maintenant ? Sans même me laisser le temps de réagir, Kely m’obligea à me lever tout en me tenant la main. Ce n’était pas une course, c’était un moyen de se sortir les pensées de tout ça. D’oublier un peu et de profiter du moment présent. Je secouais la tête.

Nous descendîmes les escaliers à toute allure, passant sous les râles des professeurs nous demandant de faire attention et bientôt, la belle lumière du jour se posa sur nos peaux blanches. Il y avait quelques enfants à l’extérieur et la balançoire était prise au moment où nous nous y dirigions. Mince. Je soupirais, un peu déçu, puis me tournais vers Kely, tout en lui prenant les deux mains pour le mettre bien face à moi.

-Je propose qu’on aille jouer avec les chevaux. On les caressera, on leur fera des câlins. On oubliera tout ce qui nous poursuit, les fantômes et les cauchemars. Et même si je suis égoïste, Kely, je prie pour que jamais personne ne nous sépare.

Et sur ces mots, mon visage afficha un maigre sourire un peu timide, un peu gêné. Une promesse qui me tenait à cœur et qui venait d’être prononcée, discrètement, dans un phrase a priori sans intérêt. Je t’aimais tant, Kely. Plus que moi, c’est ton bonheur que je désirais avant tout. Si je pouvais en faire partie, je serais le plus heureux des frères.

Jamais mon frère ne sera un fardeau pour moi. Ô grand jamais. Parce que mon frère c'est un peu toute ma vie, c'est lui qui me permet de vivre, de respirer, d'être heureux. Sans lui, je ne serais juste … Plus rien. C'est mon soleil, mon oxygène, il est tout ce dont j'ai besoin pour vivre, et quand je le vois rire ou sourire, mon cœur s'emballe, tout son visage s'illumine et … J'aime le voir heureux. C'est ce pour quoi je vis. Pour qu'il soit heureux. Je veux lui trouver un havre de paix pour qu'il puisse vivre sans danger, sans personne pour le maltraiter, sans personne à qui se méfier, sans personne pour le menacer. Evidemment, je veillerai toujours au grain, pour m'assurer qu'il aille bien. Toujours. Je serais toujours là pour lui. Comme son ombre.

Jamais on pourra nous séparer. Jamais

Et puis, qui serait assez cruel pour séparer deux jumeaux avec une relation si fusionnelle ? Personne. On peut pas. Et moi je décide de vivre toujours près de mon frère. Toujours. Je serais quoi sans lui ? Plus rien. Plus rien du tout. J'ai toujours été avec lui, et c'est là où je suis le plus heureux.

C'est vrai qu'on a toujours peur. Peur de devoir fuir une nouvelle maison, peur que des malheurs nous rattrapent. Tout le temps. On en a déjà vécu assez, non ? Je veux dire, nos parents sont morts, on a fui pour pas être séparé, on a failli mourir de faim, et de froid, plusieurs fois. Des personnes nous ont accueillis, des vilaines personnes au final, alors on redevait fuir. Toujours toujours toujours. Et là ? Ici ? On peut pas être bien ? On peut pas être heureux ? Les enfants qui étaient là juste avant n'ont pas été menaçants, les adultes sont prévenants. Je souhaite si fort qu'on ai trouvé notre havre de paix.

Je propose alors qu'on aille à la balançoire. C'est pas vraiment une proposition étant donné que sa main était déjà dans la mienne et je l'entraînais dans les escaliers à ma suite. Je courais déjà, pas pour fuir, pour courir comme un enfant quand il est heureux, quand il s'amuse. Je voulais retrouver toute cette innocence que j'avais perdu il y a déjà si longtemps.

Le vent soufflait dans mes cheveux. Le soleil brillait dans mes yeux. J'étais à côté de la personne la plus importante pour moi dans ma vie. Je ne pouvais être plus complet.

La balançoire était malheureusement déjà occupée. On ne s'est pas rapproché davantage que nécéssaire, je n'étais toujours pas très à l'aise face à des inconnus, à cause de notre passé. Je ne sais toujours pas comment ils vont réagir face à Kilyann. Et c'est hors de question qu'il soit blessé.

Mon frère serra ma deuxième main pour que je me mette face à lui.

-Je propose qu’on aille jouer avec les chevaux. On les caressera, on leur fera des câlins. On oubliera tout ce qui nous poursuit, les fantômes et les cauchemars. Et même si je suis égoïste, Kely, je prie pour que jamais personne ne nous sépare.

Je hochais la tête face à sa première proposition. Je souriais, tellement plus franchement que lui. Mon frère avait la maladie d'être timide, parfois, avec moi. Mon Kily.

Je posais délicatement une main sur sa joue, la caressant doucement, mettant une de ses mèches aussi blondes que les miennes derrière son oreille. Je me mis sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur son front. Mon frère. Je l'aime et je l'aimerai toujours.

-Tu es loin d'être le plus égoïste de nous deux. Et je serais toujours avec toi.

Toujours. Je lui repris la main et l'entraîna vers l'enclos des cheveux.