Dans l'Obscurité se fondent les Exilés. Oubliés pour mieux se relever. ( Meiko, Nerys, Jonathan, Zacharia, Maysar, Kelyann )

Quand tout se casse la gueule... on se serre les coudes.

MAY' ~ MEI' ~ KELY ~ ZACH' ~ NENE

La tempête était passée.

Les sorciers noirs ont pris le Mystery Orphanage.

Emportant avec elle un flot de prisonniers

Ils nous ont massacrés sans aucune pitié

Et de morts.

Comment en est-on arrivé là ?

Il ne pouvait chasser de ses yeux les images de cette terrible soirée. Les visages ensanglantés des orphelins, des autres professeurs. Les corps froids, sans vie. Les cris de douleur.

Il n'avais pas su les protéger. A cause de sa faiblesse, de sa trop grande confiance en lui... il les avait laissé mourir.

Maysar secoua la tête et respira profondément pour chasser ses sombres pensées. Il ne devait pas flancher. Il fallait continuer de tenir, comme il l'avait toujours fait. Pour ceux qu'il avait sauvé. Et pour ceux qui étaient morts.
Il continua de marcher sur le flanc du volcan, en direction de la grotte qui leur servait de refuge. Il se sentait de plus en plus essoufflé. L'effort qu'il avait fourni les jours précédents avait failli le tuer. Si Josh n'avait pas été là...

Après qu'il ait vu en esprit Pandora se faire emmener par les sorciers noirs, l'infirmier et lui avaient rejoint les orphelins dans l'Autre Lieu. Il avaient marché près de trois heures au milieu du Brouillard pour s'éloigner le plus possible du Mystery Orphanage... jusqu'à ce que Maysar soit à bouts de forces.
Car cet univers parallèle avait des lois étranges, incompréhensibles, illogiques. On pouvait aussi bien trouver un poisson nageant dans le brouillard qu'un chat à l'affût. Les humains non-magiques ne lui posaient pas d'avantage de problème. Mais dès qu'il était question de magie, les dépenses énergétiques s'intensifiaient. A force d'expérience, Maysar en avait conclu que dans cet univers, la magie provenait de sa propre énergie, et que les personnes magiques s'en nourrissaient continuellement. C'est pour cela qu'accueillir tout ce monde lui avait tant coûté. Et encore... la plupart n'étaient que des enfants.

Il avait failli manquer de forces pour ouvrir une fenêtre sur le monde réel. Heureusement, il y était parvenu, mais il tirait les conclusions de son erreur. S'il n'avait pas réussi, la magie consommée par les autres l'aurait tué. Et que serait-il advenu d'eux ? Il frissonnait rien que d'y penser.
Enfin... ils étaient sains et saufs, c'était l'essentiel.
Ils avaient suivi un chemin jusqu'à la ville la plus proche, où le plus discrètement du monde, ils avaient loué un bus jusqu'à Thurso. Maysar avait caché les enfants dans la forêt aux abords de la ville, laissés aux bonnes mains des autres professeurs le temps d'aller en ville réserver un Ferry. Même en demandant à tout le monde, il avait à peine eu assez d'argent pour payer le voyage, et ils n'avaient presque plus rien en arrivant en Islande. Il avait du vendre des objets de valeur qu'il conservait dans l'Autre Lieu - et auxquels il tenait beaucoup - pour pouvoir acheter un bus.

C'est ainsi qu'ils étaient arrivés ici. Après avoir revendu le bus dans une petite ville, ils avaient marché toute la journée dans la montagne, jusqu'à cette grotte. Maysar la connaissait déjà ; il l'avait visitée en esprit des années auparavant.
En voyant la petite faille dans le roc, on ne se doutait pas qu'un si grand espace se cachait derrière. Après avoir fait une trentaine de mètres dans un étroit couloir, on aboutissait dans une vaste caverne ornée de formations calcaires impressionnantes. Mais l'étonnement ne s'arrêtait pas là. Dans une salle attenante, un vaste trou dans le plafond de la grotte laissait passer l'eau en même temps que la lumière. De l'herbe poussait ainsi autour de la cascade, dont le fracas était assez fort pour couvrir les cris des enfants, qui viendraient donc se défouler ici.
Quand on suivait en barque sur un bon kilomètre la rivière qui partait des chutes, on parvenait à une autre caverne. C'était une formation rare et merveilleuse, car à son extrémité, la grotte se poursuivait sur quelques dizaines de mètres sous le Vatnajökull, le plus grand glacier d'Islande, qui couvrait une superficie vaste comme la Corse.
Maysar fondait ses espoirs sur cet endroit. Car on pouvait aisément faire fondre des salles dans la glace, et une calotte aussi grande se déplaçait suffisamment peu pour garantir la sécurité des enfants. Sa seule inquiétude restait l'activité volcanique sous-glaciaire, mais d'après les volcanologues locaux qu'il avait rencontré, l'endroit était relativement stable - les véritables éruptions se concentraient plus au sud.

C'était donc l'endroit rêvé où réfugier ! Ici, ils seraient à l'abri des sorciers noirs - et d'Orphéo, jusqu'à ce que la situation se stabilise.
Bien sûr, il restait beaucoup de choses à faire pour rendre l'endroit vivable, à commencer par trouver une solution contre l'humidité des parois. Il restait aussi bon nombre de cavernes à explorer, car la grotte semblait se poursuivre sans fin. Certaines, qui ouvraient sur des gouffres, étaient trop dangereuses pour les enfants et devraient être comblées, tandis que d'autres permettraient de s'y installer confortablement.
Mais en attendant que tout ça soit mis en œuvre, ils avaient cantonné les enfants à la première caverne, où ils avaient installé des matelas, une cuisine de fortune et un éclairage aux bougies, dont la chaleur donnait à l'air une agréable température.

Aux Orphelins déjà présents étaient venus se joindre ceux qui avaient été envoyés à Orphéo. Il n'avait pas été facile de les faire quitter l'Ordre, mais Maysar avait pu bénéficier de l'aide d'Edwin, le chef de la police magique. Le jeune homme avait su faire preuve de bon sens et écouter les arguments de Maysar. Il avait convenu que compte-tenu de la disparition de Pandora et Declan, l'endroit n'était plus sûr, et avait accepté de les faire partir sans qu'il lui révèle où se trouvait leur refuge. Maysar avait été très touché de sa confiance envers lui, à l'heure même où les critiques contre lui et Pandora fusaient au sein de l'Ordre. Il savait qu'en cas de besoin, il pourrait compter sur Edwin.

A Orphéo, il avait également retrouvé Jonathan et Nérys, qui s'étaient joints à lui. Ses relations avec Jonathan avaient toujours été un peu tendues, mais ils avaient d'un commun accord mis leurs différents de côté pour coopérer.
Ainsi, pendant que les autres adultes s'occupaient d'installer les nouveaux arrivants et d'organiser la vie dans l'orphelinat, Maysar s'était retiré dans une caverne plus calme pour méditer et utiliser son don. En esprit, il avait survolé Little Angleton et le manoir pour se renseigner sur l'activité des sorciers noirs, qui semblaient s'être installés dans l'orphelinat.
Il avait voulu continuer pour chercher d'éventuels rescapés du massacre, mais aller plus loin lui aurait demandé un effort de concentration qu'il était bien incapable de fournir dans l'état de fatigue où il se trouvait.
Or, en repartant de Little Angleton, il était tombé par hasard sur le jeune Zacharia qui fuyait le village en compagnie d'une jeune fille. Il croyait beaucoup en ce jeune homme, qui l'avait sorti d'un mauvais pas quelques années auparavant. C'est pourquoi il avait décidé d'aller le chercher. N'étant pas en état de faire un nouveau voyage, il avait demandé à Jonathan de se téléporter et de les ramener. Ils étaient revenus avec une surprise inattendue : ils avaient retrouvé Meiko Greyjoy, une jeune apprentie exorciste pleine de talent qui avait été son élève. Elle semblait secouée, mais il avait tout de suite pu compter sur son aide.

Car désormais, le plus important était de protéger la grotte et les lieux alentours.

Maysar se faufila à travers la faille d'entrée de la grotte et suivit le couloir jusqu'à la caverne. Les autres étaient déjà rentrés. Il vit Nérys qui parlait à Kilyann. Il s'approcha d'elle et fit signe aux autres de le rejoindre.

« Bien. Personne n'a rencontré de problème ? »

Maysar nota tout de suite que Zacharia était rentré seul. Il fronça les sourcils. Où était passée Ambr ? La jeune fille avait été assez discrète depuis leur arrivée ici. Elle avait aidé sans poser de question, mais refusait toujours de rester longtemps dans la grotte - sans toutefois donner d'explication.
Malgré l'assurance de Zach, il n'était toujours pas sûr et pouvoir se fier à elle...

« Ce ne sera pas suffisant pour protéger efficacement les lieux, mais ces runes auront au moins l'utilité de nous prévenir de l'arrivée d'un étranger, et de le ralentir un peu... »

Ils repensa aux faibles protections du Mystery Orpanage. Mais comment avaient-ils pu à ce point manquer de prudence ? Ils devaient tirer des leçons de leurs erreurs, et faire en sorte de ne pas les répéter...

« ... Mais je cherche encore un moyen de dissimuler notre présence ici - et d'empêcher que le lieu de notre cachette soit divulgué. J'ai déjà vu une vallée entière rendue invisible par des runes immenses tracées dans la plaine et reflétant la position des étoiles. Mais il a fallu des années aux Nazca pour les tracer, et nous n'avons pas autant de temps. De plus, de nos jours, de telles runes seraient rapidement repérées par satellite.

Je ne connais aucun autre moyen, mais j'espérais que l'un de vous aurait une idée... »

Spoiler:

Secouée est un mot bien faible pour décrire l'état dans lequel j'étais quand Jonathan m'a amené dans cette grotte. J'ai peu de souvenirs de cette nuit. Le feu, le sang, des hurlements à vous déchirer l'âme en deux. Je me souviens avoir énormément couru, le plus vite possible jusqu'à l'orphelinat déjà entre les mains des sorciers Noirs. Je me souviens avoir usé de ma magie, un peu trop peut-être ce qui a fait que je m'évanouisse. C'était le trou noir. Je me suis réveillée avec Sadima près de la plage. J'avais mal partout. C'est là que Jonathan est arrivé comme un sauveur. Sadima n'a pas voulu partir avec lui, elle m'a complètement abandonnée. C'est comme ça que je me sens. Après tout ce qu'elle m'a fait, tout ce que nous avons traversées nos chemins s'arrêtaient sur cette plage. C'est une solitaire, je devrais lui en vouloir et pourtant..

Nous sommes donc arrivés dans l'orphelinat de fortune que le vieux Maysar avait.. Construit si l'on peut dire cela comme ça. L'Islande.. Il fait froid j'aime pas ça le froid. Mais je n'ai pas le droit de me plaindre. Ces enfants ont vécu des choses terribles, on doit se serrer les coudes tous ensemble pour s'en sortir. Nérys, Jonathan, Maysar, Zach et moi.. Les adultes, ceux qui doivent tout gérer. J'aurais jamais demandé ça avant, maintenant je dois m'y investir à fond. Enfin du mieux que je peux après la douleur dans tout mon corps.

La grotte était plutôt grande et spacieuse. Je suis sûre qu'entre tous les adultes on arrivera à faire quelque chose de véritablement sécurisé et habitable pour tous. C'est sûrement pour ça que Maysar nous réunis tous.

MAYSAR ▬ Ce ne sera pas suffisant pour protéger efficacement les lieux, mais ces runes auront au moins l'utilité de nous prévenir de l'arrivée d'un étranger, et de le ralentir un peu.. [...] Je ne connais aucun autre moyen, mais j'espérais que l'un de vous aurait une idée...

Mmm, j'ai du mal à réfléchir. Je vais à coup sur sortir quelque chose de réellement stupide, mais au moins j'aurais donné une idée. Au moins ça.

MEIKO ▬ Cela ne nous prendra peut-être pas des années finalement.. Enfin non vous avez raison ce serait trop compliqué à cacher des runes par des runes et ainsi de suite. On devrait.. Se concentrer aussi sur l'aménagement surtout pour les plus jeunes et voir s'il est possible qu'il y ait d'autres entrées pour leur fournir les mêmes protections basiques ?

Voilà j'ai encore dit n'importe quoi. Je me masse le front, j'aimerais bien dormir également.. Non d'abord la réunion Meiko. D'abord, la réunion.

Spoiler:

J'essaie de rassurer mon frère du mieux que je peux. Son angoisse, sa peur, son inquiétude ... Tout ça est devenu mien. Tous ses sentiments sont miens aussi. Tout ça se mêle, j'essaie de le réconforter, sans succès. Parce que même moi, je n'y crois pas. Moi aussi je suis effrayé, autant que lui. Mais j'essaie de ne pas lui montrer, pour qu'il ne se sente pas coupable. Pour le protéger. Pour nous protéger.

Mais c'était déjà il y a quelques jours, et nous étions déjà en sécurité, à Orpheo. Mais voilà, nous pensions avoir trouvé un havre de paix, pour nous. Et voilà que des méchants débarquent. A croire que nous attirons les malheurs. Kily, tu crois vraiment que nous sommes des jumeaux maudits ? J'aimerais pleurer, là, maintenant, mais je reste en permanence avec toi, et je me dois d'être fort en ta compagnie. Il ne faut pas que nous chavirons tous les deux, sinon, qu'est-ce qu'on va devenir ? Même la nuit je ne pleure pas, parce que je me doute que tu dors mal. Je te sens bouger dans le lit, te coller à moi, trembler. Je sens ton coeur qui souffre, qui a peur ... Oh mon Kily ... Qu'avons-nous ?

Et puis, il y a un monsieur, quelques jours plus tard qui nous a demandé si nous voulions continuer à étudier. Du moins, je l'ai pris comme ça. Edwin qu'il s'appelait, me semble-t-il. Alors je lui ai dit oui. Il fallait que nous devenions plus forts, pour pouvoir survivre tout seuls. Même si je ne fais plus confiance à personne. Je me méfiais de tout le monde, certes on nous a sauvé, mais ces méchants, comment ils sont rentrés ? Alors voilà, je me méfie de tout le monde, et je ne parle à personne, sauf à mon frère. Je fusille tout le monde du regard. Je n'aime personne, voilà. Par contre, je veux bien que Kily se socialise. Il en a besoin. Mais moi, je guette.

Et le chemin était long. Très long. Nous avons eu froid, nous n'avions pas d'argent, ou très peu. Ce fut dur d'arriver jusqu'en Islande. Plusieurs personnes nous accompagnaient. Il y avait le vieux Maysar avec nous. Mais moi, je ne fais confiance à personne, même pas à lui. A personne. Je n'ai confiance qu'en moi et mon frère. Parce que le coeur de mon frère n'a aucun secret pour moi. C'est une partie de moi.

Mais nous sommes finalement arrivés, dans une grotte d'Islande. Ça peut paraître dur et froid à première vue, surtout sous un glacier, mais avec un peu d'habitude, on trouvera sûrement l'endroit confortable. Et puis, on est loin de tout. Et monsieur Fjerda a pris uniquement des gens de confiance avec lui. Même si je n'ai confiance en personne, je tiens à le répéter.

Du coup, Kily parle tranquillement avec l'ancienne sous directrice. Nous ne sommes pas très nombreux ici. Où sont passés les autres ... ? Certains sont encore au Mystery, en tant qu'esclaves ou transformés en sorciers noirs, petit à petit. D'autres sont restés à Orpheo et d'autres sont ... Juste morts. Morts. Ils commençaient à être mes camarades et ils sont juste tombés.

J'ai encore envie de pleurer... La pression est lourde, je veux craquer, mais Kily est bien trop près. Surtout que Maysar commence à parler, du coup tout le monde l'écoute attentivement. C'est un problème important qu'il pose. C'est vrai qu'il faut trouver une solution. C'est important ... Très important. Il en va de la sécurité de tous. De la mienne, de celle de mon frère. Mais vous êtes des adultes, pourquoi vous êtes incapables de nous protéger ? Nous on est faibles, on peut à peine s'occuper de nous même. Pourtant Dieu sait qu'on en a vécu des choses avec Kily. Mais eux ils ne savent pas, ils ne savent pas tout ce qu'on a vécu. Seule Pandora sait. Et je ne sais pas si elle en a parlé à d'autres. Mais seule Pandora connait toute notre histoire.

Une fille parle aussi. Je ne la connais pas. Je l'ai vue quelques fois à l'orphelinat mais c'est tout. Elle a les même cheveux que mon frère et moi. Si blond qu'ils en paraissent blancs. Du coup, moi aussi je décide de prendre la parole, les sourcils froncés, essayant de contrôler le tremblement de ma voix.

- Nos pouvoirs aussi peuvent nous permettre de savoir qui approche. Si quelqu'un a de mauvaises intentions, je peux le sentir ...

Mais il sera peut être déjà trop tard. Si je n'ai pas l'habitude de côtoyer la personne, je m'en apercevrais que quand il sera à dix mètres de moi. Et peut être que je m'en apercevrais que s'il a de mauvaises intentions pour mon frère et moi. Mais peut être que d'autres ici sont plus fort. Je donne donc juste une orientation pour la sécurité de tous. Et oui, je veux qu'on installe de meilleurs... Chambres ? De meilleurs espaces habitables disons ... Parce que c'était juste provisoire, maintenant j'ai l'impression qu'on va rester longtemps ici. Alors, faisons en sorte que se soit un endroit agréable à vivre, non ?

En ce temps là le rien s'appelait quotidien, et nous allions pointer dans les jobs interdits, dans les musiques blêmes, dans les sombres parfums, dans les dédales obscurs où plane la folie...

Ambre m'avait sauvé. Je ne m'en remettais toujours pas. Elle m'avait sauvé de l'esclavage, et on s'était enfuis tous les deux. Moi, Zacharia Creed, j'avais été si choqué que j'en avais oublié de faire des blagues débiles. Je n'avais pas prononcé un mot. J'avais même oublié de penser à des choses débiles. C'était si grave que ça. Si grave que je n'arrivais pas à dire ou à penser la moindre choses insensée. Ça allait revenir. Mais quand même. C'était flippant.

J'étais adossé au mur froid de la grotte dans laquelle nous nous étions réfugiés. Pas seuls. J'avais eu avant l'attaque contact avec Maysar Fjerda, un professeur au Mystery Orphanage, qui avait connu Hayley. Il m'a un peu aidé à surmonter la douleur, et puis nous avons fait connaissance. C'est lui qui nous a sauvés, au final. Ce vieil homme sait voyager en esprit. Nous fuyions à travers Little Angleton, lorsqu'il nous a repérés. Il nous a envoyé un autre professeur de l'orphelinat, Mr Taylor, un téléporteur. Ainsi nous sommes nous retrouvés en Islande, dans une grotte plutôt imposante, où nous avons découvert des orphelins, des professeurs. Une sorte d'orphelinat de fortune. J'ai appris ici que la directrice avait été enlevée, que l'endroit été tombé, c'était la panique au sein d'Orpheo. Cela m'avait rendu excessivement triste. Et puis il y avait Ambre. Je lui était extrêmement reconnaissant, et je n'aurais jamais pensé qu'elle puisse faire cela pour moi, elle était tellement solitaire. C'était justement cela qui m'empêchait de lui montrer toute ma gratitude. J'aurais voulu la prendre dans mes bras et être hystérique, mais elle redoutait le contact avec les autres, de peur de leur faire du mal.

Tout comme aujourd'hui. Nous nous apprêtions à tracer des runes tout autour de notre cachette pour protéger l'endroit. Elle était partie, plus loin. Je ne savais pas où elle était. Soupirant, je me levai et attrapai un poignard que l'on m'avait donné, il était couvert de runes, et me permettait de me battre, de graver d'autres runes, et de couper toutes sortes de choses. Comme ma bite. Ah. L'humour débile revient. Bon signe.

Je rejoint à présent les autres un peu plus loin il y a déjà Maysar, Nérys, Meiko, une jeune apprentie aux cheveux blancs plutôt mignonne, et Kelyann, un orphelin, timide. Je m'approchai du petit groupe, au moment où la jeune femme se mit à parler. Intelligente et prévoyante, elle pensait au confort des enfants. J'hoche la tête.

-Tu as raison Meiko, je pense que ce sont nos deux priorités, n'est-ce pas Mr Fjerda ?

Je le regardai, interrogatif. C'est fou comme cet homme inspirait le respect. Comme Pandora Mystery. Ils faisaient la paire. J'avais entendu dire qu'ils étaient amis, même. Le très jeune adolescent au visage fin prit la parole, affirmant que son don pouvait lui permettre de détecter les intentions des autres. Je lui adresse un sourire encourageant :

-Voila quelque chose de positif ! Je dois vous avouer que je n'ai pas de pouvoir, seulement un don, je suis télékinésiste...Je ne sais pas si cela pourra vous être utile.

Je ne connais pas exactement les dons et pouvoirs des autres. Ceux d'Ambre, je fois. Je conceptualise. C'est...Conceptuel. Une petite voix intérieure a bien envie de me demande si ma connerie aussi, est conceptuelle, mais elle va gentiment se taire. Maysar peut donc...Voyager par l'esprit et Jonathan est téléporteur. Son pouvoir je ne sais pas. Quant à sa fiancée, aucune idée. Elle est (était ?) pourtant la sous directrice de l'orphelinat. Mais bon. Je crois que Meiko est élémentariste de feu, je l'ai vu tenter de réchauffer un enfant, le jour de mon arrivée. Je ne pose pas la question de leurs dons et pouvoirs aux autres, je ne veux pas me montrer indiscret. Je me contente de dire, comme voulant la protéger :

-Au fait, excusez Ambre pour son absence. Elle n'est pas vraiment habituée au contact humain et son pouvoir est...Spécial.

Je fis un sourire gêné et con. J'espère que ce n'était pas secret défense. Quand même pas, elle est avec nous, maintenant, les autres ont bien le droit de savoir si elle peut être dangereuse ou non. Enfin, je ne veux pas qu'elle soit stigmatisée non plus. Surtout pas. De toute façon je suis un boulet.

Je souris avec plus de conviction, et déclara :

-Alors, on s'y met ? Chef, des instructions ? dis-je en regardant Maysar Fjerda qui doit me prendre actuellement pour un retardé mental.

Je ressemble à un gamin débile. Mais j'aimerais bien que ma bonne humeur légendaire puisse remonter quelque peu le moral des troupes, de ces gens qui ont récemment souffert, connu la perte d'êtres chers, le traumatisme du sang, du sang partout. Les sorciers noirs. Je fis une grimace. Oui, il fallait être positif. Ça tombait bien, c'est ce que je sais faire de mieux. Ça m'empêche d'être triste. Et Dieu sait que j'en ai, des raisons d'être triste.

Le sang sur mes mains tâche mon cœur...

Je regarde son visage d'ange en me répétant que tout ira bien, que mon fils aura un avenir parmi les hommes, qu'il n'aura pas à se cacher pour son sang, qu'il pourra être ce qu'il veut, qu'il s'en donnera les moyens. Il ouvre grand ses yeux bleus et les posent sur moi en gazouillant. Je lui souris, je lui murmure que tout va bien et qu'importe s'il ne comprend pas. Il a un avenir radieux qui l'attend, il n'a pas le choix. Tout les orphelins qui ont survécu n'ont pas le choix. Ce sont mes enfants, tous. Une larme coule le long de ma joue, douce larme de sel. Salim babille calmement mais il a passé la nuit à pleurer et j'ai dû me balader avec lui pendant des heures. Dés que je le posais entre maman et moi, sur notre matelas, il se remettait à gigoter et finissait invariablement par pleurer. Calé contre mon torse, entouré par mon pull et mes bras, il dormait enfin, tant que je marchais. J'ai refusé que Nérys se lève, je elle devait se reposer. Sa mère était aux mains cruelles des sorciers noirs et elle avait perdu tout ce qui faisait sa vie ou presque, en quelques heures. Je devais la protéger.

Donan est à mes côtés. Quand Salim est né, il a eut peur que je l'abandonne, il a eut peur que je le laisse tomber. Il croyait que je n'aurais que mon fils biologique. Je lui ai dis que ce n'était certes pas pareil, mais que je serais toujours là pour lui et à jamais. Traumatisé par ce qu'il a vu lors de l'attaque du Mystery Orphanage, il ne nous quittait pas d'une semelle, Nérys et moi. D'ailleurs il avait tenu à dormir à côté de moi. Dés lors lui s'était endormi calmement alors que Salim s'était mis à brailler. Fébrile, l'enfant m'aidait à amuser le bébé. A maintenant huit ans, l'enfant chétif qu'il était a un peu grandit. Toujours aussi blond, toujours timide. Sa main agrippe fermement la mienne. Il la regarde, la contemple, de grands yeux rond. Elle semble bien plus grande que la sienne. Il regarde l'entaille qui coure de mon pouce à mon coude, striée de points de suture, aux rebords encore rouge et gonflé de l'affront. Il la touche doucement et je grimace sans rien dire.

- Tu as mal ?
- Non.
- Pandora elle dit que c'est mal de mentir...

Je lui souris et lui ébouriffe les cheveux. Oui j'ai mal, mais ça va aller. La plus grande plaie reste celle de mon coeur, béante, ouverte sur les minuscules corps encore chaud que j'ai dû laisser derrière moi, abandonner pour ne pas mourir moi même. Ce n'était pas de la lâcheté, ma vie n'avait rien à voir là-dedans, on comptait sur moi pour m'occuper des enfants après, je n'avais pas le droit de mourir. Je vois que les adultes et les plus grands se regroupent. Nérys parlait avec Kilyann, Maysar est arrivé et d'autres sont venus. J'ai pris Salim dont les yeux commencent à papillonner. Je rejoins mon amour et l'embrasse rapidement. J'écoute ce qu'ils disent.

- Pour ce qui est des runes, je suis aller en disséminer tout autour, les gravant sur des pierres, qu'elles durent plus longtemps mais il faudra les recharger tous les jours. Je m'en chargerais. Cependant Maysar a raison, ce n'est pas suffisant. En attendant de trouver une solution nous pouvons toujours faire des tours de garde. Sous ma forme de Puma, je peux parcourir des rondes rapidement.

Donan, qui m'avait suivit, se colla à ma jambes, refusant de rejoindre les autres enfants. Je regardai le vieil homme qui avait sauvé des orphelins ici présent. Si nous avions des différents de temps en temps, nous savions nous respecter et faire valoir l'ordre de nos priorités.

- Pour ce qui est du confort, Nérys a un accès complet aux comptes bancaires du Mystery Orphanage dans la semaine où le banquier n'a pas de nouvelles de Pandora. On va pouvoir aménager cet endroit mais il faudra aller en ville. La priorité reste de trouver des lits potables pour les plus jeunes et notamment les bébés.

Je ne pense pas qu'à Salim mais aussi au petit Chance... Et aux enfants de moins de six ans. Zacharia demande à Maysar des instructions et je les attend aussi. Je suis d'accord pour qu'il soit en charge ici, mais je veillerais également personnellement à tout. Ce n'est pas que je ne lui fais pas confiance, mais certaines amertumes restent.

Maysar regarda ses compagnons prendre la parole un à un. Il était fier de les voir tous, au bord du gouffre de détresse qui s'était ouvert dans chacun de leurs coeurs, garder courageusement la tête haute pour se concentrer sur les problèmes immédiats.
Il répondit d'abord à la remarque de Kelyann, qui l'avait attendri par sa simple lucidité. Ce petit avait la tête sur les épaules et un sens des responsabilités qu'il fallait mettre à profit. Par ailleurs, quelques interactions supplémentaires avec ses camarades ne ferait pas de mal à sa méfiance naturelle...

"Bien, dit-il. Kelyann, je suis tout à fait d'accord avec toi. Comme c'est toi qui as eu l'idée, que penses-tu d'aller parler à tout le monde pour établir une liste des compétences, dons et pouvoirs de chacun ? Grâce à ces informations, nous pourrons mettre chacun à contribution, et établir un plan d'action en cas d'incident."

Il se tourna ensuite vers la jeune apprentie.

"Et le premier pouvoir dont nous allons avoir besoin, c'est du tien, Meiko. L'Islande est un pays froid, et nous allons avoir besoin de plusieurs feux bien entretenus pour réchauffer la caverne. Il faudra aller chercher du bois en quantité ; peut-être que tu peux t'en occuper, Zacharia, avec ta télékinésie et quelques adolescents."

Il regarda le jeune homme dans les yeux. Celui-ci semblait un peu remué, comme tout le monde, mais avait gardé le principal : cet air de joyeuse confusion que Maysar affectionnait tant chez lui.

"Il y aura aussi du boulot pour toi à l'intérieur, je pense, dit-il avec un petit sourire. Peut-être qu'il faudra acheter un groupe électrogène (il jetta un regard en biais à Nérys), et dans ce cas il y aura des lampes à fixer au plafond. Et d'une manière générale, tu ne seras pas de trop pour aider à aménager le lieu avec les enfants et les autres professeurs. Il faudra installer les lits de camp dès que nous les aurons, construire une cuisine et organiser les stocks de nourriture, peut-être délimiter des espaces avec des cloisons en toile... "

Il se perdit un instant dans ses pensées. L'important dans l'immédiat, c'était d'assurer un minimum de confort pour tout le monde, mais aussi de faire en sorte que tout le monde soit occupés. L'aspect psychologique ne devait pas être négligé, et les enfants en particulier avaient grand besoin de se changer les idées...
Il s'adressa de nouveau à Zach.

"Tu ne le sais pas, mais j'avais déjà rencontré Ambre Esyll avant que vous n'arriviez ici tous les deux. Je sais également quels... problèmes... elle a causés à Orphéo. Malgé ça, elle me semble être une personne plein de ressources. Mais elle représente aussi un danger dont elle est consciente, elle a besoin d'aide, et il va falloir qu'elle accepte la nôtre. Zach, les raisons pour lesquelles elle t'a secouru sont les mêmes qui font qu'elle t'écoutera. Je pensais aussi (il se tourna vers Jonathan) que tu pourrais faire équipe avec elle pour sécuriser les alentours et recharger les runes. Elle semble avoir une longue expérience de la vie dans la nature, et puis tu as... toujours su approcher les gens comme elle."

Ils échangèrent un regard. Maysar sentit l'ombre de Karhel planer entre eux. Quoi qu'en pense le jeune sorcier, il n'avait aucune animosité à son égard. Il supportait même son aversion sans broncher, car il savait à quel point l'amertume de Jonathan était fondée. Maysar aurait seulement aimé qu'il comprenne les raisons qui l'avaient motivé...
Il sourit au professeur. Dans tous les cas, ils devraient compter l'un sur l'autre. Peut-être que cette nécessité de se faire confiance comblerait un peu le fossé qui les séparait.
Enfin, il s'adressa à Nérys.

"Le plus urgent, comme l'a dit Jonathan, est d'acheter le matériel nécessaire pour un minimum de confort, et la nourriture pour les prochains jours. Peut-être qu'il serait prudent de transférer l'argent sur un nouveau compte qui nous serve de façade. Mais mon principal souci reste l'acheminement des fournitures jusqu'ici... Je n'arrive pas à imaginer comment nous allons transporter tout ça sans accès routier..."

Il regarda le groupe en espérant que l'un d'eux aurait une idée. Il sourit de les voir là, préoccupés par toutes ces questions essentielles, prêts à faire tout ce qu'il faut pour sauver l'orphelinat et ses habitants.