Il faisait encore doux dehors, l'après-midi touchait à sa fin mais la journée avait été belle et claire maintenant une température relativement agréable. Quelque oiseaux pépiaient encore, beaucoup moins nombreux que durant la pleine journée, emplissant l'air d'une mélodie délicate. De petits insectes voletaient au dessus de l'eau sombre du bassin. Rendue verdâtre à force de stagner, on était loin du liquide cristallin du lac. Mais Quãn doutait fort qu'on se laisse aller se promener en dehors de l'orphelinat à cette heure-ci, aussi, comme il aimait la proximité de l'onde, il s'était rabattu sur le bassin. De grosses grenouilles sautaient sur la margelle en pierre et la surface était par moment perturbé par le passage d'une des carpes koï. Quãn regretta de ne pas pouvoir mieux admirer leur robe colorée.

Il était debout, au bord du bassin. Un boken à la main, ses yeux noirs plissés sous la concentration, un petite moue sur les lèvres, il effectuait des kata d'entraînement. Les mouvements précis de son sabre en bois faisaient parfois siffler l'air sous l'effet de la vitesse, tandis qu'ils glissaient silencieusement l'instant d'après. Toute sa petite bouille fermée par l'effort, il s'attela à un passage techniquement plus difficile. Beaucoup plus. Il avait déjà vu son père exécuter cette série de mouvement mais il ne l'avait jamais apprises, lui même. Cela remontait à plus de deux ans maintenant et il avait du mal à conserver des souvenirs distincts.

Il se lança et trébucha. Non ce n'était pas ça mais il voulait y arriver. Pour lui, en sa mémoire, parce que c'était son kata à lui, celui qu'il préférait, il disait qu'il regroupait toute l'essence du sabre. De grosses perles de sueur coulaient le long de ses tempes lorsqu'il se releva pour se remettre à la tache, tellement concentré qu'il n'entendit pas les pas qui s'avançaient vers lui.

Mine de rien c'est crevant de donner des cours. Et d'assurer le boulot d'exorciste au passage. Y'a un nombre pas possible de fantômes ici. Beaucoup de gentils, mais aussi beaucoup de poltergeist. Quand il faut les exorciser, c'est la guerre... Sans mauvais jeu de mot. On essaie toujours de les raisonner. Parce que faire disparaitre une âme, c'est un peu comme tuer. Tuer ça revient à effacer de parmi les vivants. Et exorciser, c'est effacer de parmi les morts. Y'a bien la mort après la vie. Mais après la mort, y'a quoi? Rien. Enfin, en tout cas je pense qu'il n'y a plus rien. Une existence gâchée.
C'est déprimant et je ne sais même pas pourquoi j'y pense alors que j'ai rien exorcisé de la journée. Par contre je vais tester certaines runes sur certains de mes meubles si ça continue. Parce que le placard, là, franchement t'abuses. Mais mince, en quel honneur je me prends ta porte dans la tête comme ça en l'ouvrant?
Oui, je me suis ouvert la porte dans la figure et alors? C'est pas de ma faute, c'est lui qui a allongé sa porte pour me toucher.
Pourquoi j'ai l'impression que personne n'y croit?
Allez tous avaler un canard. Et étouffez vous avec ses plumes. Et toi, arrête de rire. Tu sais quoi canard? Euh... Placard! Je voulais dire placard. Non je ne donne pas de surnoms à mon placard, merci bien. Du coup je ne sais plus ce que je voulais lui raconter.
Tant mieux. Notre vie privée ne vous regarde pas. Et vous vous êtes suffisamment amusés à mes dépends.
Il est temps que je sorte de là. A la base j'étais juste venu déposer mon sabre. Vu qu'on veut ma mort ici, je ne resterai pas plus longtemps. Je jure qu'il doit y avoir des trucs de pas nets ici. Un ou deux fantômes qui s'amusent et que je n'arrive pas à choper. Vous ne perdez rien pour attendre.
Maintenant que le sabre est déposé, je peux repartir comme je suis venu. C'est à dire sans passer par la porte ni la fenêtre. Donc en me téléportant. Mieux que toutes les clés du monde ça. La futur cause de la disparition des serruriers.
Je me suis téléporté en dehors de l'orphelinat, sur la terrasse. Il y a encore des enfants qui jouent, même si la plupart sont actuellement à l'intérieur. Fin de journée oblige, à mon avis un certain nombre d'entre eux est complètement crevé. Ou pas. Ça dépend des jours. Ils semblent ne jamais se fatiguer pendant une semaine, et celle d'après, on dirait qu'ils dorment debout.
J'ai envie de trainer, alors je vais trainer. Avec un tout petit peu de chance, je croiserai quelqu'un. De toute façon on croise tout le monde toute la journée en vrai. Pour ça qu'on a intérêt à être en bons termes avec tout les autres. Mais je ne vois pas pourquoi on ne s'entendrait pas. Jamais eu de problème à ce niveau là pour ma part. Tant mieux, je déteste m'énerver sur les autres. Les câlins c'est mieux d'abord. Même beaucoup mieux. Non ça ne veut pas dire que je m'amuse à faire des câlins à tous mes collègues quand je les croise dans les couloirs. En fait... Si, y'en a deux à qui je fais ça de temps en temps, maintenant que j'y pense. Deux autres profs, dont un qui n'est pas fan des câlins à la base. Pas grave, j'essaie toujours de le convertir. On devrait peut être s'y mette à plusieurs, allez savoir.
Je demanderai à Tim et à Shybaï de m'aider. Tim parce que ce gosse a toujours des idées terribles, et Shybaï... Parce que c'est Shybaï. Pas besoin de justification, et vous pouvez toujours vous jetez dans un pot de moutarde pour que je parle. Non mais.
A quel endroit je vais là exactement? J'ai passé la balançoire, déserte d'ailleurs, et je crois qu'il y un enfant là bas près du bassin. En fait je ne crois pas, j'en suis sur. C'est Quãn, qui s'entraine au sabre tout seul. Cet enfant est terriblement doué pour son âge. Vraiment, quand il aura grandi, il sera un défi. Il est toujours attentif et comprend bien, en plus il est adorable. Et puis il aime beaucoup pratiquer le sabre. La preuve, il est en train de le faire. Avec une petite arme d'entrainement en bois.
Je n'approche pas encore, me contentant de l'observer pour ne pas le déconcentrer. Mais il se lance dans un enchainement un poil trop difficile pour lui. Quoique... Qu'il réussisse ne m'étonnerai pas en fait. Il trébuche, et je décide d'approcher. Je ne me fait pas discret volontairement, mais je ne suis sûr qu'il sache que je suis là en fait.

- Ce sont des mouvements un peu durs pour toi, essaies d'y aller plus lentement pour les intégrer.

Je lui souris et pose une main sur sa tête pour lui ébouriffer les cheveux. A le voir, ça doit faire un petit moment qu'il est là. Avec les carpes du bassin comme spectateurs. Ça vit super longtemps ces poissons! Sérieusement, qui pourrait croire que des machins comme ça puissent vivre cent ans? Ils sont déjà uniques par leur couleurs dès le départ. Les poissons rouges les ont imités par la suite. Que des copieurs.

- Tu vas y arriver avec de l'entrainement. Ça fait longtemps que tu t'entraines près du bassin?

[Ah, première personne, bon ben va pour la première personne alors.Et au présent ^^]

Je suis tombé. Ce n'est pas grave. Papa disait toujours que, quand on veut réussir quelque chose, il faut s'entraîner, encore et encore, jusqu'à atteindre l'objectif qu'on s'est fixé. Papa n'est pas une âme errante, je ne crois pas qu'il soit un fantôme, il les connaissait trop et puis je pense que je l'aurais vu. Non, Papa, il savait qu'on devait aller toujours en avant, parce que si on se retourne pour regarder derrière, on risque de rater l'envol de papillons qu'il se passe devant. Papa et Maman, je suis sûr qu'il sont allés voir ce qu'il y après. Du coup, je ne sais pas s'ils peuvent encore me voir mais juste au cas où, je dois me relever, parce qu'il serait déçu de me voir abandonner. Juste au cas où, je voudrais qu'il puisse être fier de moi.

Alors je me relève. J'ai une boule dans la gorge, comme toujours quand je pense à eux mais je secoue la tête et, en frottant un peu mes yeux, je me remets en position. Ma main tremble un peu. Luka, où es-tu ? Je voudrais que tu sois là. Je voudrais pouvoir me blottir contre toi et puis jouer aux chatouilles pour oublier que mes yeux me piquent. Mais tu n'es pas là et si tu ne reviens pas bientôt, quoi qu'en dise Mrs Mystery et même si ce n'est pas bien de désobéir, je partirai à ta recherche, parce que je suis sûr qu'il y a autre chose. Tu ne m'aurais pas abandonné, pas comme ça. Tu ne serais pas partie sans me dire au revoir, tu m'aurais écrit... Peut-être que tu étais partie en mission, peut-être qu'on a plus assez d'exorciste adultes et qu'ils ont eu besoin de toi, mais ça fait un moment maintenant et si tu n'étais pas en danger...

Il faudra que j'aille poser des questions à Ange. Il était plus que ton ami, même plus que ton frère. Il était ton jumeau, ton âme, l'autre partie de toi. Comme les ailes d'un papillon. J'espère qu'il me parlera, parce que... Je ne veux pas utiliser mon pouvoir sur lui. Mais je dois savoir, je dois savoir si tu vas bien ou si tu as besoin d'aide. Alors, pour toi, Luka, s'il le faut, je le ferai. J'ai déjà perdu un grand-frère, je refuse de perdre aussi ma grande-soeur ! C'est une promesse, crois-moi. Mes mains tremblent à nouveau mais ce n'est plus ni à cause de la fatigue, ni de la tristesse, elles tremblent de la force qui coule en moi depuis que j'ai pris ma décision. Ça fait comme un courant, très chaud, presque bouillant. Je te retrouverai, c'est promis.

J'allais enchaîner sur le premier mouvement du kata, quand j'entendis une voix derrière moi. Je la connais mais je me retourne quand même. C'est le maître Takeji, il enseigne le sabre et la téléportation. Si je me débrouille correctement dans la première matière grâce aux enseignements de Papa, mes performances dans la seconde laissent carrément à désirer. Ce n'est pas mon don premier et, j'ai beau essayer, je n'arrive pas à comprendre comment c'est censé fonctionner. Je ferme les yeux, je pense à l'endroit où je veux aller et... et je ne bouge pas. Mais même pas d'un millimètre, rien, zéro, nada. Luka dit que je suis encore petit et que ça viendra avec le temps, même si je ne serai jamais un expert. J'espère qu'elle a raison parce que je l'aime bien, moi, le maître de sabre et je ne veux pas le décevoir.

Déjà qu'il vient de me voir trébucher. J'en suis sûr parce qu'il dit que c'est difficile pour moi et qu'il faut que j'y aille plus lentement. Je veux bien moi, mais je me souviens pas bien, alors si je vais doucement, je perds l'équilibre et je ne voudrais pas finir au milieu des carpes avec une grosse grenouille sur la tête. J'adore l'eau mais celle-ci, elle est vraiment trop verte pour que j'ai envie de plonger dedans. J'abaisse le sabre le long de mon corps, le temps de m'incliner pour saluer mon professeur comme il se doit. Je me penche vers l'avant et il en profite pour ébouriffer mes cheveux. Je lui souris timidement en me redressant.

"Bonsoir maître Takeji, je suis désolé... Je ne suis pas à la hauteur de vos enseignements."dis-je d'une voix piteuse.

Ben oui, c'est vrai, c'est un très bon maître alors le déshonneur de l'échec, c'est à moi qu'il revient entièrement. Et, je ne sais pas comment c'est au Japon, parce que je crois qu'il est japonais le maître Takeji, mais chez moi, normalement, quand un élève échoue, le maître en est tout aussi responsable. C'est un peu bête parce que, des fois, il y a des élèves, ils écoutent pas bien et puis ils travaillent pas et c'est pas de la faute du professeur. Alors, moi, je veux pas qu'il croit que c'est sa faute si je n'y arrive pas. Je passe la main sur mon front pour essuyer la transpiration et baisse les yeux, les gardant fixés sur le bout de mes baskets.

"Je suis là, depuis la sortie des cours... Je n'ai pas de montre mais... ça doit bien faire deux heures, je pense..." avouais-je à voix basse, honteux de n'avoir fait aucun progrès significatif depuis tout ce temps.

"Vous voulez que je vous laisse la place, maître ?"

Après tout, il n'était probablement pas venu juste pour me chercher moi. Peut-être qu'il voulait se reposer un peu près des poissons. Ça devait être fatiguant une journée à faire des cours, surtout que tout le monde n'est pas toujours très attentif. Ou peut-être qu'il était venu pour méditer aussi... c'est un bon endroit pour la méditation ici. Il n'y a pas souvent grand monde parce que l'eau n'est pas très belle et dans le coup on voit à peine les carpes mais pour méditer c'est bien qu'il n'y ait personne et le léger frémissement de l'onde quand un animal frôle la surface, ça peut aider à se détendre. Chez moi, ça marche en tout cas...

Quãn fait un salut dans les règles avant de se remettre en position. Je n'ai rien à redire, il a parfaitement compris le truc.

- Bonsoir maître Takeji, je suis désolé... Je ne suis pas à la hauteur de vos enseignements.
- Si tu réussissais tout du premier coup, je serais inutile tu sais.

Je lui souris pour qu'il ne s'inquiète pas. Ça ne s'appelle plus apprendre si tout est déjà appris, logiquement.
Il n'y a donc pas de digne ou indigne d'enseignements, à partir du moment où il y a du travail derrière. Si ça rate, l'élève doit persévérer, et le prof réexpliquer et aider. D'autre l'ont fait pour nous avant. Ça me fait penser que j'aimerais bien avoir des nouvelles du maître. Vieux singe. Oui, oui, j'exagère toujours son âge. Il exagérait toujours le mien à la baisse. Et ça marchait pour me tirer vers le haut. Puis il pourra dire ce qu'il voudra, on a fait un certain nombre de conn*ries tous les deux. Il en était particulièrement fier d'ailleurs. Je mentirais en disant que ça ne m'amusait pas. J'ai de qui tenir héhé.
Bref! Tout ça pour dire qu'un jour j'irai trouver ce type, pour lui montrer qui est le plus fort.
Pour en revenir à l'enseignement, ça marche pour les élèves qui font des efforts tout ça. Soyons d'accord, celui qui ne fout rien et n'écoute pas, personne ne se pose la question de qui est le responsable de l'échec. Si échec il y a.

- Je suis là, depuis la sortie des cours... Je n'ai pas de montre mais... ça doit bien faire deux heures, je pense...

Quãn, relèves la tête et souris, je ne vais pas te manger. D'abord, les enfants je leur fait des câlins. Même aux adultes d'ailleurs. Que celui qui a dit que je peux faire des câlins à absolument tout et n'importe quoi sorte. Il aura pas de câlin, lui. Dans tes dents.
Je disais donc, Quãn, je fais si peur que ça pour que tu regardes le sol avec tant d'intérêt?
Deux heures d'entrainement, il a de l'énergie à revendre. En même temps, l'endurance c'est bien. Y'en a qui en manquent cruellement, et ceux là vont faire des séances de remise à niveau. J'aime pas du tout ça. Courir sans but en rond histoire de s'épuiser et de repousser la limite, c'est quand même pas très enrichissant. Alors j'essaie toujours d'user de moyens détournés pour améliorer ça. A commencer par ne pas laisser de pauses pendant l'heure de cours. C'est méchant? Eh bah c'est méchant si vous voulez mais ça marche. Je refuse d'en voir un se relâcher. De toute façon, ils n'en ont pas le temps généralement. Et ils tiennent tous au bout du compte. Les nouveaux galèrent, mais à force, une heure c'est rien. Même si y'en a eu d'autres avant.

- Vous voulez que je vous laisse la place, maître ?

La place? Pas du tout. Je n'ai même pas de quoi m'entrainer. Un vrai touriste. Je regarde et je dis que c'est beau. Enfin, là on va faire un peu mieux quand même.

- Je ne suis pas venu m'entrainer. Par contre, si tu veux on peut revoir tes mouvements à deux.

Peux très bien faire mes mouvements dans le vide. Si j'ai besoin de les faire.
Et si j'ai besoin d'un sabre plus tard, un coup de téléportation et hop. J'ai déjà dit que ce don était trop bien? Bah je le dis. Même plus que trop bien. Il lui manque juste la portée offensive. Mais être presque intouchable, c'est pas mal non plus. A défaut de blesser, on épuise. Et après on frappe. La patience est une vertu. Troisième rang à droite, tu sors, je t'ai entendu dire des choses d'hérétique anti-téléportation. Non mais.
Je vais commencer par corriger deux trois petites choses sur la position de Quãn. Je me place derrière lui, et lui attrape les bras pour mimer en parlant.

- Quand tu vas attaquer, lèves ton arme un tout petit peu plus haut, pour avoir plus d'élan de frappe. Mais fait en sorte de ne pas laisser d'ouverture là.

Je désigne tout son ventre qui est forcément exposé quand on lève le sabre. Le but est de ne pas laisser l'adversaire l'atteindre. Si il va vers l'avant pour toucher, on abaisse l'arme sur lui. Ça fait un peu piège, mais c'est facile d'oublier qu'on laisse des ouvertures partout en bougeant l'arme. Et sinon on esquive -oui j'ai pensé téléportation-, et dans ce cas on n'abaisse pas l'arme, pour pouvoir frapper directement après.

- Réessaies le début de ton enchainement en te tenant légèrement de profil après ton coup vers l'avant.

Je le lâche et lui souris pour l'encourager.

Je fais une petite moue lorsque le maître dit qu'il ne servirait à rien si je réussissais tout du premier coup mais ça ne se voit pas parce que j'ai toujours la tête baissée. Je n'ose pas trop la relever parce que, parce que je ne suis pas très fier de moi. C'est vrai que l'exercice est dur, sinon, il ne représenterait pas toute l'essence du sabre comme disait Papa mais ça fait quand même un sacré bout de temps que je travaille dessus et je n'arrive toujours pas à en faire la première partie. C'est bizarre j'avais jamais pensé aux choses dans ce sens là, que si on réussissait tout, tout de suite, alors les professeurs ils seraient inutiles. Je me demande un peu ce que ça implique... Est-ce qu'il faudrait qu'on rate des choses exprès pour être sûrs qu'ils soient utiles ? Parce que c'est toujours triste de ne servir à rien. Mais non, en y pensant, y a pas besoin, parce que justement, on est pas assez forts pour arriver à tout sans leur aide. Et puis c'est tout.

Bon il n'est pas venu pour s'entraîner, je lui dit pas mais ça quand même, je m'en doutais un peu puisqu'il n'a pas son sabre avec lui. Mais il aurait pu venir pour autre chose quand même. C'est un bassin ici, on est pas dans un dojo et à moins que je ne me trompe, la fonction première d'un bassin c'est pas vraiment de servir de lieu d'entraînement au sabre. C'est moi qui ne l'utilise pas comme il devrait mais bon, d'un autre coté, dans le gymnase et ben, y a pas d'eau à proximité et moi j'aime bien qu'il y ait de l'eau et puis ça ne fait de mal à personne après tout. Peut-être que ça dérange les carpes et les grenouilles, remarquez, je ne sais pas trop. C'est peut-être pour ça que le gros crapaud là-bas avec ses yeux globuleux, il laisse échappement un coassement bruyant qui sonne comme une protestation. Je tourne les yeux vers lui et le regarde, longuement, comme pour comprendre si je le gêne ou non. Mais je ne trouve pas la réponse à ma question alors je reporte mon attention sur maître Takeji.

"Oui, bien sûr, ce serait un honneur, mais ne vous sentez pas obligé de m'aider, je ne veux pas vous embêter. Dites, vous croyez qu'on le dérange ?" que je lui demande en pointant le batracien du doigt.

Je lève mon sabre comme il me montre mais un peu trop haut et mon ventre est à découvert, je fronce le nez et replace mon sabre à la bonne hauteur. C'est une erreur de débutant, de laisser un si grand espace. Je m'en veux un peu mais je hoche la tête au conseil suivant. Je recommence depuis le début, en me tenant un peu de profil après le coup en avant, ça marche ! J'y arrive ! Sauf que... sauf que je ne me souviens plus du coup suivant dans l'enchaînement et je reste planté là, bêtement, comme un lapin devant des phares de voiture.

"Et zuteuh !! Oh euh pardon maître !"

Je m'incline pour m'excuser et fixe à nouveau la margelle de pierre, tout penaud.

- Oui, bien sûr, ce serait un honneur, mais ne vous sentez pas obligé de m'aider, je ne veux pas vous embêter. Dites, vous croyez qu'on le dérange ?

Qui ça? Oh, le crapaud? Si tu veux, on peut demander à un télépathe. Mais je suis sûr que le crapaud n'est pas dérangé, n'est-ce pas M.Crapaud? Parce que lui aussi il s'entraine au sabre, quand personne ne le voit. Et il est de sortie pour apprendre, là.
Hey, si les grenouilles peuvent se transformer en princes, alors oui, les crapauds peuvent manier le sabre. Sabre de la taille d'un cure-dent, mais sabre quand même. Un jour on le prouvera. Non ils n'iront pas dominer le monde, parce qu'on ne domine pas le monde avec un sabre. C'est pas fait pour ça.
Bref, ça ne répond pas à la question. Je souris à Quãn et lui dis:

- Et si il était plutôt en train de t'encourager?

Bon, il manque les claquements de main. Allez le crapaud, on lève les pattes avant et on applaudit. Comment ça tu peux pas? Mais si, je t'assure que tu peux. Aussi vrai qu'il y a des manchots sous le Sahara.
Bah oui, dans la banquise sous le Sahara y'a des manchots. Non je ne fais pas d'erreur géographique. Comment croyez vous que les chameaux ont rencontré les dromadaires? Eh bah c'était sous terre -ça rime!-. Sont allés voir sous le Sahara, et ils ont découvert leurs semblables, qui à cette époque pensaient encore être des manchots. Parce que c'est une banquise. Et avec les chameaux, ils se sont dit qu'ils allaient embêter tout le monde avec leurs histoires de bosses sur le dos. Ça marche parfaitement bien d'ailleurs. Voilà comment les manchots du Sahara sont devenus les dromadaire, amis des chameaux.
Ne cherchez pas à dire que c'est faux sans être allés vérifier. Passez le bonjour aux animaux de ma part!
Quãn a réussi le début de son enchainement. Il est vraiment doué. Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin? Trou de mémoire?

- Et zuteuh !! Oh euh pardon maître !

Il s'incline pour s'excuser et fixe de nouveau vers le sol. Mais Quãn, où est le mal? J'ai envie de le serrer dans mes bras là tout de suite, pour lui montrer que c'est bien aussi de laisser filer ce qui nous passe par la tête des fois. Mais de prof à élève... Je préfère attendre que l'élève me saute dessus, comme Tim par exemple. Histoire de pas envoyer mon autorité six pieds sous terre. Bref, je jouerai l'adepte des câlins plus tard.

- Ne t'inquiète pas, ce n'est pas grave. Tu as du mal avec la suite de l'enchainement?

Là par contre, en fait ça serait mieux si j'avais un sabre pour montrer. Mais des fois, expliquer par les mots c'est pas mal non plus.

- Quand tu es de profil après ton coup en avant, tu peux soit reculer, soit faire un pas de côté en fonction des réactions de l'adversaire. Dans ton enchainement, normalement tu fais un pas de côté, mais en combat tu ne peux pas prévoir à l'avance ce que fera l'autre.

Si l'arme est interceptée dans l'attaque, c'est mieux de reculer pour éviter de se prendre un coup. Sinon, on se décale sur le côté et on en remet une couche.

- Ensuite tu pointes l'arme vers l'avant, à hauteur du ventre pour essayer de désarmer en visant les mains.

De toute façon pour désarmer, le mieux reste de viser les mains. Logique puisqu'on y tient l'arme. Et vu qu'à ce moment là, on est sencé être légèrement de côté par rapport à l'adversaire, on ne rencontre pas son arme, juste ses mains. A condition d'aller vite.
Je ne suis pas les enchainements en combat, de toute façon je ne vois toujours pas comment on peut les suivre. Les réactions de l'adversaire ne sont pas prévisibles avant. Encore moins si c'est un fantôme. Mais ces trucs ont l'avantage d'apprendre de bons réflexes.

- Le mouvement qui vient après est une garde, mais essaies déjà jusque là.

Je lui souris. Pas que je doute de sa capacité à réussir, mais si j'en balance trop d'un coup, il va oublier ce qui aura été dit avant. Normal, faut le temps d'intégrer. Je songe de plus en plus à lancer une petite téléportation direction la réserve de sabres d'entrainement... Pourquoi pas prendre le mien? Parce que le mien c'est une lame d'exorciste et que ça fait mal si je cogne avec. Je n'ai pas l'intention de cogner qui que ce soit bien entendu. Mais mieux vaut prévenir que guérir. Et puis, c'est logique de s'entrainer avec du bois quand même.


[Hrp: Je ne pratique absolument pas le Kendo, j'ai jamais touché un sabre de ma vie, donc c'est que de l'invention x'). Désolée si j'écris des trucs qui font grincer des dents à ceux qui connaissent ^^']

En train de m'encourager ? Le crapaud ? Ben alors celle-là je ne m'y attendais pas, je plisse les yeux en regardant le batracien, perplexe. C'est possible ça, une grenouille amatrice de sabre ? Moi je suis pas totalement convaincu, d'un autre coté, si le maître Takeji le dit c'est sûrement que c'est vrai non ? C'est lui l'adulte et puis en plus il n'aurait aucune raison de mentir si ? Bon donc j'esquisse un sourire à l'animal, on sait jamais après tout et je me remets en position. Je me lance et j'y arrive !

Je le savais déjà mais ça montre quand même à quel point un tout petit déséquilibre peut complètement faire échouer un kata et, par extension, un combat, même si au fond, je préfèrerais ne jamais avoir à me battre pour de vrai. Mais bon, je doute que ça puisse être le cas, c'est triste quand même. Moi j'espère que j'arriverais à apaiser les poltergeists et que, comme ça, j'aurais besoin de tuer personne ! Oui bon c'est vrai qu'il y a les sorciers noirs mais... c'est des humains quand même, on peut pas les tuer comme ça. C'est vrai quoi, les fantômes même si je préfèrerai éviter, c'est pas pareil, parce qu'ils sont déjà et que donc, ils ne sont pas à leur place ici mais des gens vivants !!

C'est dur ! Je suis pas sûr que j'en serai capable mais en même temps, les sorciers noirs, et ben ils sont très méchants et il faut bien protéger les humains innocents de leurs attaques. Je crois, je suppose, que personne, n'aime ça, tuer mais on sait que c'est notre devoir alors on sacrifie une part de nous pour aider ceux qui ne peuvent pas se défendre. C'est beau ! Les exorcistes qui font ça, c'est des héros, sauf que bah personne le sait, c'est tout. Mais moi, je suis pas certain que je saurais être un héros.

Je me suis arrêté parce que je me souviens plus vraiment de la suite. J'écoute le maître avec attention même si ma question continue de se balader dans ma tête. est-ce que je serai capable d'être un héros moi aussi ? est-ce que j'arriverai à tuer des méchants sorciers pour sauver des innocents ? J'incline la tête aux explications, pas de coté, fente , désarmement, garde... Je grimace un peu, pas si facile à enchaîner... Je me remets en position et reprend depuis le début. C'est comme ça qu'on apprend, en répétant, encore et encore.

"Je crois pas que j'y arriverai, maître..."

Je dis ça en exécutant mon kata, hop, le pas de coté, et puis la fente en avant pour désarmer et remise en garde. Je suis pas tombé et ça a l'air bien. Je parlais pas du kata, mais du fait de pouvoir devenir un vrai exorciste qui peut se battre contre les sorciers et les poltergeists, bon je ne l'ai pas précisé, c'est vrai. Pas sûr qu'il arrive à comprendre de quoi je parle du coup.

Hmm... Je suis en train de me demander si c'est un enchainement qu'il faudrait faire travailler à toute la classe au prochain cours. Puisque le précédent commence à être acquis, et est en fait assez complémentaire de celui là, ça serait pas une mauvaise idée. Bon il est pas spécialement simple non plus. Peux toujours bricoler par dessus, c'est pas un problème.
Quãn, sois plus sûr de toi, tu as largement les capacités pour réussir.

- Je crois pas que j'y arriverai, maître...

Pourquoi donc? Il reprend depuis le début, et réussi chaque mouvement expliqué, sans faux pas et sans tomber. D'ailleurs y'a plutôt intérêt à ne pas tomber, des fois que le bassin décide de se déplacer pour amortir la chute. C'est la faut des poissons du bassin, c'est eux qui le commandent. Sinon ils s'ennuieraient de leurs journées. Imaginez vous rester coincés dans un bassin comme ça, à longueur de temps. l'ennui total. Donc les poissons complotent toute la journée. Voilà, si un jour vous avez cru voir une lueur sadique dans le regard de votre poisson rouge, c'était peut être pas forcément votre imagination. Et si il vous regarde avec un air intéressé, vous feriez mieux de vous tenir éloignés du bocal. La révolte des poissons rouges, c'est pour bientôt.
Les poissons rouges c'est quand même moins intéressant que le sabre. Et en fait, Quãn, tu as réussi ton enchainement, alors qu'est-ce que voulait dire ta phrase?

- Tu as réussi ton enchainement pourtant. Quelque chose te tracasse?

Si je commence à jouer aux devinettes, on est pas rendus. Il y a tellement de motifs pour s'inquiéter, que si il fallait tous les citer, y'aurait des suicides de désespoir. Enfin, ça ne m'empêche pas de réfléchir. Voyons voir... Si ça n'a pas de rapport avec le sabre directement, ça a un rapport avec l'orphelinat peut être? Problème en cours, je ne crois pas, le connaissant. Qu'est-ce qu'il pense ne pas réussir alors? Sa vie future? Tiens d'ailleurs, je ne suis pas sûr de savoir si il veut vraiment devenir exorciste par la suite. La plupart des orphelins s'y destinent, mais pour autant on ne les force pas. On ne pourrait pas en vouloir à l'un d'entre eux de vouloir tirer un trait sur ses pouvoirs. Même si c'est assez dur d'ignorer qu'on sait voler, ou se transformer en je ne sais quel animal. C'est un partie de soi au même titre qu'un bras ou qu'une jambe. Essayez d'ignorer que vous avez deux bras pour voir. Tout simplement pas possible. A dire vrai, c'est même instinctif de les utiliser, y'a pas besoin de le penser avant. Bon, les pouvoirs on y pense avant en général. Heureusement, sinon y'aurait quelques problèmes de discrétion. "Oups désolé j'ai pas fait exprès de brûler la maison, y'a une araignée qui m'a fait peur, tu m'en veux pas trop?", quoi que, ça a dû arriver j'en suis sûr. Et non, je n'ai jamais fait sauter le réseau électrique de la maison de mes parents au Japon.
...C'était pas de ma faute. Mon père fait très peur quand il décide de fêter Halloween. Déjà que c'est pas du tout une fête japonaise...
Ça justifie le fait que j'étais très loin de m'y attendre. Voilà c'est tout, la maison tient encore debout et j'étais petit. Nah.
Je dérive, encore et toujours, loin du sujet principal.

- N'aies pas peur de parler.

Je lui souris pour le rassurer. Je pense de plus en plus que son problème doit avoir affaire avec l'exorcisme, et qu'il se demande si il sera un bon chasseur de fantômes. Ou quelque chose du genre. Ça lui ressemble bien de se poser ces questions, il hésite sur ses capacités depuis tout à l'heure alors même qu'il réussit.
Enfin, je ne dirai rien à voix haute, parce que c'est tout à fait possible que je me plante sur sur toute la ligne. La lecture de pensée ne m'aime pas. Tant mieux, parce que je ne veux pas l'avoir en face de moi non plus. Même pas besoin de dire pourquoi hein? Faites gaffe, je vais tous vous bouder. Gardez vos commentaires.

J'ai réussi mon enchaînement ? Ah oui, tiens, c'est vrai, ça, je l'ai réussi, bon il n'est pas encore fini mais je suis allé jusqu'au le maître m'a expliqué sans trébucher et sans même me déséquilibrer. C'est bien. C'est bien mais ce n'est pas vraiment ça qui m'embête quand même. C'est facile de manier de le sabre quand on est tout seul et qu'il s'agit juste de faire des mouvements techniques. Mais déjà, c'est pu pareil quand on s'entraîne au boken face à quelqu'un de bien réel et pourtant le but n'est que de s'améliorer pas de vaincre ou même tuer. alors quand on doit passer le fil d'une vraie lame au travers d'un corps, ben ça ne doit vraiment plus être pareil. Comme je l'imagine, au moment ou le sabre s'enfonce dans la chair, on doit voir le regard de son adversaire s'écarquiller comme s'il était surpris, aors que pourtant y a pas de quoi... dans un duel véritable, c'est pas vraiment surprenant de se faire transpercer, on devrait s'y attendre, n'empêche... c'est comme ça que je l'imagine.

Et puis après, on doit voir la vie quitter les yeux, en même temps que le sang s'échappe par la plaie. comme s'il était impatient de sortir. Y a beaucoup de sang, ça je l'imagine pas, je le sais, parce que Maman, elle avait un bout de bois dans le ventre et il y avait du sang partout, j'aurais pas pu croire qu'on en avait autant à l'intérieur de nous, et puis l'odeur cuivrée vous agresse les narines, ça donne la nausée. Ça aussi, je le sais... Pour les mêmes raisons. Je fais encore des cauchemars des fois, je me réveille la nuit en sueur et en tremblant de partout, avec l'image de mes parents tous blancs qui dansent devant mes yeux. Je me retiens de crier et puis je ne le dis pas parce qu'il faut pas se plaindre. Je lève les yeux vers l'adulte qui me fait face. N'aie pas peur... J'ai pas peur bien sûr mais bon...

"Je ne sais pas si je pourrai être un bon exorciste. Je ne crois pas que j'arriverai à tuer. Je veux dire, je sais qu'il faut protéger les innocents mais... Les sorciers noirs, ce sont des êtres humains aussi et les tuer c'est..."

Je m'interromps, à bout de mots pour expliquer ce que je ressens. C'est pas si facile que ça, dans ma tête c'est très clair mais ça a du mal à passer la barrière de ma langue. Tuer c'est mal, j'apprends ça depuis que je suis tout petit et maintenant voilà que tuer, des fois, c'est bien. Et moi ça me perturbe. Une vie, c'est une vie, si on la supprime, est-ce qu'on ne devient pas aussi coupable que la personne qu'on combat ? Peut-être que je ne suis pas vraiment normal. Je ne crois pas que les autres pensent comme moi, ou, en tout cas, ils ne m'en ont jamais parlé. Notons, que je ne leur en ai jamais parlé non plus, il faut dire. Je lève les yeux vers le maître Takeji et penche légèrement la tête sur le coté. Est-ce qu'il a compris ce que je voulais dire ? Je me sens tellement ridicule, que je rougis, j'en suis sûr, je sens la chaleur sur mes joues.

- Je ne sais pas si je pourrai être un bon exorciste. Je ne crois pas que j'arriverai à tuer. Je veux dire, je sais qu'il faut protéger les innocents mais... Les sorciers noirs, ce sont des êtres humains aussi et les tuer c'est...

Une vie c'est une vie, c'est ce qui trotte dans ta tête actuellement non? Ça tourne dans la tête de beaucoup je pense. Et là dessus, impossible de porter un jugement objectif. L'un meurt pour que les autres vivent. C'est donc un choix, ce qui implique un jugement derrière. Et c'est embêtant parce qu'il n'y a pas de réponse, ni de choix juste. Peu importe ce qu'on fait, il y a une partie de mal dedans. A défaut de faire le mieux, on fait au mieux. Comme on dit, on ne peut pas plaire à tout le monde. Pas de bien sans mal non?
Quãn rougit, à croire qu'il est gêné de ses interrogations. Il est intelligent pour son âge, il ne devrait pas avoir honte.

- Il n'y a pas de décision qui soit juste sur ce point.

Je n'ai encore jamais eu à enlever la vie d'un humain. En même temps, à vingt-et-un ans, et étant exorciste depuis pas si longtemps que ça, c'est plutôt normal. J'en ai blessé, certains plutôt méchamment quand j'étais en apprentissage, mais jamais tué. Et je ne suis pas pressé d'avoir à le faire. Les fantômes, c'est déjà une épreuve en soi.

- Une vie est une vie. C'est pour ça que tu ne devras pas tuer si tu peux faire autrement. Cependant, il faudra faire des choix. C'est peut être égoïste, mais entre la vie d'un inconnu et la vie de gens que tu aimes, tu choisirais de sauver qui?

Ma question n'est pas très juste je sais. Je cible un cas précis pour lui faire comprendre que de toute façon, il y a un jugement personnel derrière -ce qui n'apparait pas forcément quand il faut tuer un inconnu pour sauver d'autres inconnus-, et que c'est une route à sens unique avec deux directions possibles. Chacune ayant son lot d'inconvénients. Oui je sais que c'est évident. Mais tant qu'on se pose des questions, c'est que ça ne l'est pas tant que ça au final.
Enfin, je raconte tout ça... Mais il y a toujours des cas particuliers. Ne serait-ce que par exemple la mère de Luka. On ne peut pas la tuer, c'est juste impensable. Pour plein de raisons, à commencer par le fait que ça soit sa mère. Mais on ramènera Luka autrement. Laissez mon optimisme s'épanouir tranquillement. D'abord, il a raison. Si on ne voyait que les mauvais côtés de toutes les choses, il n'y aurait pas autant d'humains sur Terre.

- En devenant exorciste, tu sais ce que tu risques.

Métier dangereux. Même si on est entrainés pour, on a quand même plus de chances de mourir en travaillant qu'un assistant administratif dans une entreprise de crayons à papiers. D'ailleurs celui là, il ferait mieux de changer de boulot. Je dis ça, je dis rien.
Enfin, il a quand même plus de chance de réussite professionnel qu'un vendeur d'esquimaux au Pôle Sud. Ça fait deux fois que je parle de la banquise, l'hiver approche. Rien à faire que ça soit fin décembre. Fait déjà froid ici de toute façon. Bon, pas si froid que ça, mais froid quand même. En plus il pleut régulièrement. Bref, c'est pas le sujet.
Je vais finir par faire peur à Quãn, alors que ce n'est pas mon but. Je lui souris.

- Personne ne te forcera à tuer, Quãn. Tu peux très bien décider de te consacrer exclusivement aux fantômes si tu le souhaites.

Dur d'ignorer les sorciers noirs, mais après tout, ça dépendra d'où il s'installera. La planète est grande.
C'est dur à appréhender pour un enfant tout ça, mais il n'y a pas à cacher la vérité sur ce point. En plus, je pense qu'il m'en voudrait de le prendre pour un tout petit alors qu'il est capable de comprendre.
Changeons les idées de tout le monde. Et si je décidai enfin d'aller rendre visite aux sabres d'entrainement, hein? Je suis sûr qu'ils seront ravis d'avoir de la compagnie. C'est qu'ils doivent s'ennuyer quand y'a pas cours. Bref. Quãn a peut être d'autres questions avant.

Maître Takeji a compris ce que je voulais dire. Oui, une vie est une vie et je me demande si c'est bien ne serait-ce que d'apprendre à tuer. Mais, au fond, je sais bien qu'on a pas vraiment le choix. Ce n'est pas très juste. Je repense à Myaw, à Naomie... Elles sont si petites, elles ne devraient pas avoir à apprendre à se battre. Elle devrait n'avoir que les jeux, les rires et les bonbons à penser. Moi c'est pas pareil, je suis un grand maintenant. Mais c'est vrai qu'on ne peut pas faire autrement. On voit les fantômes et dans le coup, on est beaucoup plus vulnérables parce qu'ils savent et qu'ils nous prennent plus facilement pour cibles. Même chose pour les sorciers noirs. Alors si on ne veut pas qu'elles se fassent tuer, elles doivent apprendre à se défendre même si ce n'est pas juste.

Je lève les yeux vers mon professeur de sabre et plonge dans son regard longuement. Je voudrais pouvoir dire que je vais débarrasser le monde de tous ces dangers fantomatiques et sorciers pour que les touts-petits comme Myaw et Naomie puissent jouer sans se soucier de tout ça. Mais je sais que ce n'est pas possible. Il y aura toujours des fantômes, quoi qu'on fasse. Ma lèvre tremble un peu alors je la mordille pour l'arrêter. En devenant exorciste, je sais ce que je risque c'est vrai. Mais comment je pourrais choisir de ne pas être exorciste ? Comment je pourrais renier tout ce en quoi croyaient Papa et Maman et surtout comment je pourrais faire comme si tout ça n'existait pas alors que des gens souffrent ? Je secoue doucement la tête et répond tout doucement, gravement, à peine plus haut qu'un murmure sans quitter ses prunelles d'ébène.

"Non... Je ne peux pas... J'ai un pouvoir... Papa me l'avait dit. On a reçu un don, c'est notre devoir de l'utiliser pour défendre ceux qui n'en ont pas. Si on ne le fait pas, c'est comme si on les tuait nous même... Parce qu'on a les moyens de les protéger, ça devient notre responsabilité."

Papa me le disait. Je l'avais compris et j'étais d'accord. Je le suis toujours... C'est juste... qu'on devrait pouvoir choisir d'avoir ou non des pouvoirs. Enfin je dis ça mais... au final moi j'adore la Magie. Même si j'avais le choix, je n'abandonnerai pas mes pouvoirs parce que c'est trop bien. C'est... magique. Oui bon d'accord, la magie c'est magique, c'est pas terrible comme explication mais y en a pas d'autre en fait. Un peu comme expliquer pourquoi le sucre c'est bon, ben parce que c'est sucré. Je vois pas trop comment vous expliquer. D'un autre coté, ceux qui ne connaissent pas la Magie, ça n'a pas l'air de leur manquer, ils savent pas ce qu'ils ratent !

En fait, tout le monde devrait naître avec des pouvoirs, comme ça tout le monde aurait la possibilité de se défendre et il n'y aurait plus besoin qu'un petit nombre se sacrifie pour sauver les autres.

"Maître ? Pourquoi est-ce que certains naissent avec des pouvoirs et d'autres sans ? C'est apparu comment ? Et pourquoi Quõc il en a pas eu, alors que Papa et Maman, ils en avaient tous les deux ?"

C'est vrai ça. Normalement avec un papa exorciste et une maman sorcière, on devrait être obligé d'en avoir des pouvoirs mais mon frère, lui, il n'en a pas et vu qu'il est plus grand que moi et qu'on a fait attention pour trouver les signes, il en aura sûrement jamais. Moi je veux qu'il en ait pour venir habiter ici avec nous, c'est vrai quoi... Il me manque beaucoup Quõc, j'espère qu'il va bien. J'écris toutes les semaines mais les lettres s'entassent dans ma chambre parce que je ne sais pas où les envoyer. Je continue d'une voix un peu tremblante et je sens que je rougis à nouveau.

"Vous savez où il est, Quõc ?

- Non... Je ne peux pas... J'ai un pouvoir... Papa me l'avait dit. On a reçu un don, c'est notre devoir de l'utiliser pour défendre ceux qui n'en ont pas. Si on ne le fait pas, c'est comme si on les tuait nous même... Parce qu'on a les moyens de les protéger, ça devient notre responsabilité.

Il est vraiment mature pour son âge. Et son raisonnement est juste, tout en ne l'étant pas. Mais de toute façon dès qu'il faut porter un jugement, ce n'est jamais juste. On utilise nos dons pour les autres, seulement on a pas choisit de les recevoir. Il ne faut donc pas en vouloir à ceux qui les renieraient pour vivre comme tout le monde. Après tout, un pouvoir non travaillé, c'est comme tout, on finit par avoir du mal à s'en servir.
Enfin je dis ça, mais ça reste une chance. On peut faire plein de choses avec la magie. A commencer par se téléporter! Je pouvais pas le louper celui là. Et puis on se débrouille plus facilement dans le vie quotidienne en générale. Enfin, c'est plus intéressant quoi.
Mais en même temps, je dis ça, sauf que pour les humains sans pouvoirs, leur condition leur parait normale et déjà suffisante à leur survie. On ne peut pas manquer de ce don on ignore l'existence non? Ils ne savent pas, en théorie, que la magie existe, et s'en sortent sans. Ils loupent tous quelque chose.
Pour en revenir à la remarque de Quãn... Ouais. Il a raison, et tord à la fois. On a toujours le choix après tout, certains sont justes meilleurs que d'autres. Et nous on a fait le meilleur! Voilà. Quãn a l'air de réfléchir à quelque chose.
Ça fait un moment que je n'ai pas sorti de bêtises. Et pour une fois je n'en ai aucune en tête. Ah si en fait, une. Mon maitre me manque. Sérieusement, le vieux haricot là -même si il est pas vieux, rien à faire-, ça fait vraiment longtemps que je n'ai pas eu de nouvelles. Bon ok ça fait quatre mois. Et alors, c'est trop. J'étais habitué à le voir tous les jours. Parfois même à le trouver derrière ma fenêtre en me levant. Je vous dis pas les coups de frayeur qu'il a pu me faire comme ça. On ouvre tranquillement les rideaux et surprise! Collé à la vitre, le type responsable de votre mauvaise nuit due à vos bleus, vos écorchures, vos diverses courbatures et votre immense mal de crâne. Crevure.
Hé hé... Une fois mon père réparait je ne sais quoi sur le toit un matin -à croire qu'il n'avait que ça a faire-, et il a glissé et est tombé droit sur le maitre qui était venu me narguer à la fenêtre. Et vlan, le duo a fini dans les fleurs de ma mère.
Evidemment, je l'ai aidée à les rattraper.

- Maître ? Pourquoi est-ce que certains naissent avec des pouvoirs et d'autres sans ? C'est apparu comment ? Et pourquoi Quõc il en a pas eu, alors que Papa et Maman, ils en avaient tous les deux ?

Oh. Tu me pose une colle là Quãn. C'est apparu comment... Honnêtement je ne sais pas. Quoi? Je devrais savoir parce que je suis exorciste? Est-ce que je vous demande l'histoire de vos chromosomes moi hein?
Tout ça pour dire que je ne suis même pas sûr que quelqu'un sache comment c'est apparu. Et pareil pour la suite de la question, je ne peux qu'émettre des hypothèses. C'est frustrant pour un prof de ne pas pouvoir répondre aux questions de ses élèves vous savez.

- Je t'avoue que je ne sais pas vraiment comment c'est apparu... Et pour Quõc, tu sais il en a peut être, mais qui ne se déclareront jamais. Ou alors il n'en a vraiment pas une trace, et c'est juste qu'ils ne lui ont pas été transmis. C'est dû au hasard.

Même si c'est étonnant avec deux parents possédant des pouvoirs. Honnêtement, faudrait peut être vérifier ça de plus près.
Maintenant que j'y pense, mes parents n'ont pas de pouvoirs. Mais je ne sais pas ce qu'il en est du reste de la famille. Peut être qu'il y en a eu dans les générations précédentes, et que rien ne s'est déclaré chez mes parents. Ou alors ils me les ont caché. Je ne sais pas. Ils ont bien réagi quand ils ont découvert les miens. Remarquez, on les a découverts tous les trois, et vraiment tôt. Je vous dit pas l'horreur, un gosse téléporteur qui ne maitrise rien, avec un don qui se déclenche quand il a envie. Alors oui, il est arrivé qu'on soit un peu mal barrés parce qu'une téléportation aurait été entraperçue. Mais mes parents sont très doués quand il faut inventer des excuses sur des trucs improbables. Je sais d'où je tiens mes capacités à l'invention de choses étranges. Merci papa, merci maman.
Quãn a l'air triste soudainement. Toi, tu vas avoir droit à un câlin. Peu importe ce que j'ai pu dire plus haut.

- Vous savez où il est, Quõc ?

Et là, je me sens profondément inutile.

- Je... Non, je ne sais pas. Dans un autre orphelinat probablement, ou dans une famille d'accueil. Mais tu finiras par le revoir.

Je lui lance un sourire encourageant à la fin de ma phrase. Y'a pas de raison qu'il ne le revoie pas. Mrs Mystery doit même avoir le nom de l'endroit où il se trouve, quelque part. J'espère pour Quãn. Comme ça il ira le revoir quand il sera un peu plus âgé.
Tire pas cette tête Quãn... Il se pose vraiment trop de questions à la fois.
Je m'accroupis à sa hauteur et lui offre une étreinte, parce que non ça ne devrait pas être permis de tirer une tête pareille.

- Continues à t'améliorer en attendant. Comme ça tu auras plein de choses à lui montrer quand tu le verras.

Je relâche l'enfant et lui souris, avant d'ajouter:

- Tu veux encore t'entrainer, ou on rentre?

Ouais, on, d'abord. C'est une famille ici après tout.

Le hasard... Alors j'ai eu de la chance ? Ou bien j'en ai pas eu ? Vous voulez mon avis à moi ? Celui qui n'a pas eu de chance dans l'histoire c'est Quõc. Moi, je l'ai déjà dit mais la magie j'adore ça, c'est tout simplement trop merveilleux. On peut voler, manipuler l'eau, le feu, guérir et tellement d'autre chose. C'est un peu comme si on plongeait dans les livres de la bibliothèque, donc on peut dire que j'ai de la chance non ? Ensuite les humains innocents, bon eux, ils ont pas de pouvoir, bien sûr je pense que ça, ça leur fait pas pousser des exclamations de joie... d'un autre coté, comme ils savent pas que la magie existe ou plutôt comme ils ne croient pas que la magie existe... Parce que je pense qu'au fond ils savent tous, il suffit de regarder tous les livres, tous les dessins-animés, tous les films, tellement d'histoires ! Quelque part au fond d'eux, ils savent mais ils ne veulent pas y croire... Bref donc comme ils n'y croient, ça ne leur manque pas. Ils connaissent pas donc ils font sans, tout naturellement.

Mais Quõc, lui, c'est différent. Lui, il sait, il sait aussi qu'on a guetté chez lui le moindre signe indiquant quels pouvoirs il possédait. Il m'a vu utiliser la magie, il a vu papa et maman aussi et puis il m'a vu parler aux fantômes. Des fantômes que lui ne voyait pas. Tout ça pour dire que pour lui ça doit être horrible, il sait qu'il y a un autre monde, d'autres pouvoirs mais que ça risque de toujours rester hors de sa portée. J'ose même pas imaginer ce qu'il a dû ressentir toutes ces années. Pourtant, il avait toujours le sourire, il n'a jamais été jaloux, il s'est toujours occupé de moi. Il ne se plaignait pas. Il était trop cool Quõc. Et voilà, je commence à en parler au passé et ça, ça me fait peur. Je ne veux surtout pas l'oublier, même si j'ai une nouvelle vie ici... Je hoche doucement la tête lorsque le maître dit que j'aurais plein de chose à lui montrer. C'est vrai que je fais des progrès mais... il me manque beaucoup. Et Luka aussi.

Il me prend dans ses bras et me serre doucement en me demandant si je veux arrêter. Je le regarde et j'ai les yeux qui piquent mais je secoue la tête. Je ne dois pas rentrer maintenant, je n'ai pas réussi mon kata. S'entraîner toujours, jusqu'à atteindre son objectif !

"Non, je reste, je dois aller au bout de mon entraînement. Finir ce que j'ai commencé. Vous pouvez me dire ce qu'il y a ensuite ? C'était le kata de Papa, je l'ai vu le faire mais il me l'a pas appris. Il a pas eu le temps..."

Il y a une boule dans ma gorge et je mordille ma lèvre parce que je veux pas pleurer. alors je serre mon sabre en bois très fort, comme s'il pouvait me donner du courage. Ca marche mieux avec mon vrai sabre à moi mais c'est trop dangereux de s'entraîner avec, si quelqu'un passe par là et je rate mon coup, je pourrai le blesser gravement et je ne sais pas encore soigner les autres avec ma magie, juste moi. Mais bon, ça marche un peu quand même, c'est déjà ça.

- Non, je reste, je dois aller au bout de mon entraînement. Finir ce que j'ai commencé. Vous pouvez me dire ce qu'il y a ensuite ? C'était le kata de Papa, je l'ai vu le faire mais il me l'a pas appris. Il a pas eu le temps...

Quãn n'a pas l'air d'aller très bien... Mais si il veut continuer l'entrainement, ça aura au moins le mérite de l'obliger à se concentrer sur autre chose. On va l'empêcher de déprimer plus que ça.

- Pas de problème. Attends là deux secondes, je vais chercher un sabre d'entrainement.

Histoire de ne pas trancher quelqu'un en faisant le guignol si jamais ça me prend. Je me redresse et lance une téléportation vers la réserve d'armes. Hey, je lui ai dit d'attendre deux secondes. C'est faisable avec une téléportation. Bon ok faut plus de deux secondes, mais toujours moins qu'en marchant. Et puis zut, je ne vais pas justifier chaque utilisation de mon don.
De toute façon, j'en trouverai toujours une, nah. Même quand vous penserez ça impossible. Parole de téléporteur!
Bon, je prends quel sabre? Tiens, pour une fois je veux poser la question en sens inverse. Je ne prends pas quel sabre? Alors pas lui, pas lui, pas lui, pas ceux là, ni eux, tiens celui là est parfait.
En fait je l'ai choisi au hasard, mais ne lui dites pas, il risque de mal le prendre. C'est susceptible un sabre d'entrainement. Surtout parce qu'ils sont en bois. Ils se sont fait avoir. Aux portes de la Création on leur a dit "Toi tu seras un sabre", et forcément ils s'imaginaient une lame de métal bien tranchante. Alors quand ils se sont aperçus qu'ils étaient en bois... Ils n'ont pas aimé.
Quoi, un problème avec la Création? Attendez, c'est mon nouveau sujet de conversation intérieure. Je ne peux aps l'user tout de suite. Vous saurez l'histoire plus tard.
Contrairement à ce que vous croyez, ça fait seulement dix secondes que je suis parti, ce qui est le résultat de deux multiplié par cinq. Je suis donc parfaitement dans les temps quand j'arrive devant Quãn après une téléportation. Ne cherchez pas de trou à ma logique.
Vous risqueriez d'en trouver et de passer au travers. Ok, elle était nulle celle là... Je ramollis en ce moment. C'est le temps. Fait froid dans ce pays.
Takeji, tu t'enfonces. Vas enseigner le sabre, tu diras moins de bêtises. Guignol.
Ouille. Il est méchant avec moi, lui. Le dédoublement de personnalité me guette au tournant. Bien caché dans un arbre. Comme Robin des bois.
Je me coucherai tôt ce soir.

- Voyons... On a dit une attaque, un pas de côté, on essaie de désarmer et on enchaine avec une garde.

C'est plus fort que moi, maintenant que j'ai une arme dans les pattes je mime en parlant. Déformation professionnelle. Et je suis donc en arrêt sur image sur une garde, pour laisser à Quãn le temps d'enregistrer. Reprenons.

- Fais passer la lame de l'adversaire sur le côté la laissant glisser sur la tienne, et essaies de le frapper à nouveau. Si il se protège, tu brises la garde et tu le désarmes.

Bon, le problème de ce truc, c'est qu'il faut plus de force que l'autre. Ou être vraiment rapide pour lui toucher les mains en brisant la garde. Ça fait deux fois que je parle de désarmer, mais forcément, si ça a marché la première fois, on en arrive pas à cet endroit de l'enchainement.

- Tu essaies?

Puisque je suis armé, il ne va pas taper dans le vide. Je me place face à lui, prêt à parer le premier coup. C'est dangereux comme métier, on doit servir de cible vivante. Prime de risque?
Je rigole. Servir de cible à des élèves au sabre, c'est moins dangereux que de servir de cible à un fantôme. Et en général, à l'arrivée c'est l'élève qui récolte un bleu dans les combats d'entrainement.

Le maître me dit de rester là et qu'il va chercher son sabre. Ah mais non... je ne voulais... Je rougis en secouant vivement la tête m'apprêtant à lui dire que je ne voulais vraiment pas l'obliger à rester avec moi et que lui, il le maîtrise le kata donc il n'a pas besoin de ça, s'il veut se reposer et que je ne veux pas l'embêter. Mais il a déjà disparu. La téléportation c'est super chouette quand ça marche, et quand le professeur Takeji il en parle, on sent bien qu'il aime ça, la preuve c'est qu'il serait parti à pieds sinon, la réserve d'arme n'est pas si loin. Le seul souci c'est que chez moi et ben, ça ne marche pas. Je sais pas ce qui bloque, c'est ma tête qui doit pas penser les choses comme elles devraient je suppose. Bon en même temps, je suis pas le seul hein, on est plusieurs à ne pas y arriver mais quand même. C'est pas parce qu'on est plein à être nuls, qu'il faut en être fier...

Bon, ça y est il est déjà revenu. Ça servirait plus à rien maintenant de lui dire que je ne voulais pas le contraindre à rester avec et qu'il pouvait rentrer s'il le voulait. Il reprend les explications et il me montre les mouvements. Je les observe avec attention. Ils sont fins et nets, pas le moindre déséquilibres, ni la moindre hésitations. Toute cette précision, ça fait bizarre venant du professeur Takeji, du moins quand on ne le connaît pas en cours de sabre. Pas que ce soit un clown non plus mais je le trouve un peu... comment on dit déjà ? Fan... Je sais plus... fan-quelque chose, un peu comme fantaisiste. Et ben quand il manie le sabre c'est plus du tout pareil. C'est rigolo, un peu comme si c'était pu vraiment le même.

Bon il me demande s'essayer contre lui et ce qui était à la base un kata, devient donc un entraînement codifié au duel. Ce n'est plus du tout pareil au final. J'ai jamais bien compris l'interêt des duels codifiés à part pour faire un spectacle. Les kata sont là pour apprendre technique et précision, ils demandent une grande concentration et font travailler la justesse du mouvement. Les duels, bah, c'est les duels quoi... plus que la précision, je trouve que c'est la vitesse qui compte. Mais pas la vitesse à laquelle vous bougez, non celle à laquelle vous pensez. Pour trouver une façon d'attaquer que votre adversaire n'a pas prévue. La surprise quoi ! Mais dans les entraînements codifiés, y a pu d'effet de surprise puisqu'on sait ce ue va faire l'autre. Dans le coup pour gagner...

Ben si ! C'est simple en fait... Pour gagner, faut être plus fort et plus rapide, physiquement. C'est donc ça que ça fait travailler, la musculature, la souplesse, un peu comme de l'échauffement et des étirements mais en plus drôle. Bon allez, assez discuter, le maître attend, faudrait ptet y aller. Je me fends en avant, attaque, un pas de coté pour s'écarter de la trajectoire de la riposte, tentative de désarmement, échouée bien sûr, j'suis pas assez fort, garde. La lame glisse...

Je lance ma lame à sa rencontre aussi vite que je peux. C'est maintenant ! Vais-je réussir à briser sa garde ?

Il commence, fait une attaque vers l'avant, que je pare et à laquelle je riposte tout de suite après, parce que son prochain mouvement est censé être une esquive. Effectivement, il a bien retenu et esquive le coup. Il enchaine avec le désarmement, auquel j'oppose de la force. Y'a pas trente six mille moyens de devenir plus fort, entrainement, entrainement, et pas contre de la mousse.
Et j'informe le petit malin qui a ricané que je ne suis pas de la mousse. Si j'te choppe, je te le prouve, tu verras. Non mais.
Je lance une attaque aussitôt que Quãn recule son arme, et il pare. Bien, il maitrise jusque là. Quãn relance rapidement son arme alors qu'elle glissait encore contre la mienne. Joli, je suis obligé de poser un pied légèrement en arrière pour ne pas risquer d'être déséquilibré. Maintenant pour la suite je triche. Je suis adulte, donc plus grand et plus fort que lui. Mais quand il aura grandit... Hum, faudra faire gaffe.
Bref, en attendant, puisqu'il est au bout de son enchainement, on va improviser la suite!
Note à moi même: Takeji fais gaffe, y'a le bassin avec les poissons et le crapaud à côté. Ils seraient pas forcément contents que tu leur tombes dessus au sens propre.
On peut reprendre. Puisque j'ai un pied en arrière, j'en profite pour m'appuyer dessus et prendre de l'élan pour repousser Quãn. Bien évidemment, je ne l'envoie pas par terre. Je place deux attaques de front faciles à parer. Et là, si il avait fait plus ou moins la même taille que moi, j'aurais pu essayer de le prendre de vitesse pour le toucher au ventre. Maintenant, comme il est plus petit, c'est assez délicat. Par contre j'ai plus facilement accès à son cou par exemple.
Je pare un de ses coup avec un autre coup, et romps immédiatement le contact des armes en les entrainant sur le côté. Un pas sur le côté, et j'envoie ma lame horizontalement vers Quãn.
Seconde note à moi même: le bassin est juste derrière.
Oui, y'a un carnet intégré à ma tête où je note des trucs. Et le problème n'est donc pas que j'ai la mémoire courte des fois, mais simplement que j'oublie de noter des choses. Nuance. Subtile je vous l'accorde mais nuance quand même.
Reprenons. J'aime pas avoir les poissons dans le dos, donc la continuité de mon mouvement précédent je fais un pas vers l'avant. J'ai toujours les poissons dans le dos, mais sont plus aussi proches. Des fois que ça soit des piranha déguisés, imaginez un peu. Et le crapaud, tu as intérêt à rester en place.
Bref. Mon coup horizontal a été bloqué, et comme j'ai avancé, j'en profite pour faire glisser mon arme le long de celle de Quãn. Et quand ma lame arrive à hauteur de son cou, je me décale d'un pas pour contourner sa défense, et pouvoir envoyer ma lame vers son cou.

- Penses à protéger ta nuque aussi.

Évidemment, j'arrêterai mon mouvement avant de le toucher. Décapiter les élèves ne fait pas parti de mes fonctions. Ni de mes droits, au passage. De toute façon, la guillotine c'est pas classe du tout.
Et puis, sur un fantôme c'est pas trop ça. Allez lui trancher la tête, au spectre. Bref. Je parlerai des façon de découper un fantôme plus tard. Surtout que j'ai pas mon sabre anti-fantôme dans les pattes là. Il est bien mon sabre! Je ne vante pas assez souvent ses mérites, et il va finir par être jaloux de la téléportation. Je crois qu'il commence déjà à mener une guerre avec la guitare... Ça aussi, je le raconterai plus tard. Si je commence à penser à la guitare, ça veut dire qu'il va m'arriver un truc en rentrant.
Vous êtes toujours en train de retenir votre souffle parce que vous ne savez pas si Quãn a paré ou a perdu hein? Eh bah... Bonne apnée.

Bon je ne l'ai pas touché mais je l'ai obligé à reculer d'un pas, je suis assez fier de moi quand même. Je commence à baisser mon arme puisque l'enchaînement est terminé mais le maître m'attaque et j'ai tout juste le temps de lever mon sabre pour parer le coup. On vient d'entrer dans une partie duel pur, maintenant les capacités purement physiques cèdent la place à la vitesse de réaction. Je réfléchis à toute vitesse, j'observe mon environnement, dans le coup je me contente de parer par réflexe. Il y a le bassin derrière, je peux peut-être m'en servir, ah non ! Il vient d'avancer d'un pas. Je n'ai pas été assez rapide et la sanction est immédiate, je suis en mauvaise posture là, la lame de mon professeur fonce vers mon cou, je relève mon boken pour bloquer mais il me contourne en me prévenant de protéger ma nuque.

C'est un peu tard, je ne peux pas parer dans la position où je suis. Il ne me reste plus qu'une seule option maintenant si je ne veux pas perdre maintenant. Je rentre la tête dans les épaules et vu qu'il a passé sa lame par derrière, je roule en avant. Ca va lui laisser le temps de se repositionner comme il veut et moi, je vais me retrouver dos au bassin, mais je ne vois pas d'autre option. Je me redresse aussitôt. Merci les arts du cirque qui m'ont appris à me redresser d'une roulade en me servant du mouvement. Comme ça, pas de temps mort à terre. Je secoue un peu la tête et je souris.

J'ai toujours aimé, ça les duels au sabre et surtout quand l'ennemi est fort, même plus fort. On est obligé de se donner à fond, de ne rien lâcher. Bon d'accord en général, on perd, ben ouais c'est le principe d'être moins fort, mais d'un autre coté, la motivation, la perspective d'une victoire un jour, ça me gonfle le cœur. J'adore ça ! Et puis on apprend des manœuvres et moi j'trouve que c'est comme ça qu'on les retient mieux, quand on est la cible. Comme le coup à la nuque, bah je risque pas de l'oublier.

Là je vais tenter un truc, bon ça va être un peu risqué mais en même temps, si je ne joue pas la carte de la surprise, c'est sûr que je vais perdre. Et face à un adversaire techniquement supérieur, y a pas trente-six façons de créer la surprise, il faut se mettre un peu en danger. Allez on y va ! Je fonce vers l'avant m'apprêtant à frapper au flanc et au dernier moment je plie les genoux et tente de taper le tibia. J'avais dit que c'était risqué, si ça rate, j'vais galérer pour me relever, j'suis super vulnérable. Au cas où, je me prépare à parer et rouler sur le coté, c'est pas top parce que je serai toujours à terre mais c'est la seule réponse assez rapide que j'aurais sous la main.

Quãn revient attaquer, et dévie son coup au dernier moment. Joli. Mais j'ai pas envie de prendre un sabre d'entrainement dans le tibia, donc je me décale sur le côté pour esquiver le coup. Même pas de téléportation! C'était pas mal comme invention. Un peu trop risquée quand même.
Je me baisse et tends le bras pour l'attraper avant qu'il ne tombe ou refasse une acrobatie. Allez, devinez ce que je vais faire. C'est pas dur. On peut même la faire en charade. Mon premier est la onzième lettre de l'alphabet, mon second est une plante qui sert à faire des vêtements. Mon tout traduit un élan d'affection.
Je lâche mon sabre et attire Quãn contre moi, en attrapant son arme de ma main libre. Histoire de ne pas risquer un coup de travers.

- C'était une belle manœuvre, mais un peu trop risquée.

Je pourrais très bien lui faire perdre son arme là. Mais je me contente de le relâcher et d'attraper mon sabre.

- En fait, essaies plutôt de viser le genou, pour déséquilibrer.

C'est encore mieux de frapper derrière le genou. Mais bon, un coup à cet endroit, dans tous les cas on le sent passer. Imaginez un peu avec une vraie lame maintenant. Une articulation hors service, c'est assez embêtant.
Je me redresse. Hmm... On continue? Je ne sais pas ce qu'il en pense. Oh j'ai une idée d'exercice rapide. Et comme c'est moi le prof, c'est moi qui décide. Voilà. Enfin je dis ça, mais si Quãn est fatigué, il a le droit d'arrêter. On est pas en cours.

- On va essayer un exercice. Tentes de me déséquilibrer sans retenir tes coups pendant que je pare sans attaquer.

Boulot de masochiste. Mais je ne suis pas obligé de me faire toucher pour être déséquilibré. Si il frappe suffisamment fort et que je le vois arriver trop tard, c'est la chute en parant. Ça reste inégal niveau force mais ça va l'obliger à essayer de frapper partout. Et je suis sûr qu'il peut me déséquilibrer et me faire tomber.
Tant que ce n'est pas dans le bassin...

- Tu sais que tu peux aussi utiliser tes pieds pour frapper.

Chose qui n'est pas assez souvent faite je trouve. Enfin par exemple, j'utilise la téléportation pour esquiver naturellement, parce qu'elle est à ma disposition. Et bien jusqu'à preuve du contraire, on ne tient pas le sabre avec les pieds. Ils sont donc eux aussi à disposition, sauf si on ne tient pas sur une jambe. Donc oui, affronter quelqu'un qui porte un sabre ne veut pas dire qu'on ne risque pas de se prendre un pied dans la figure. Faut pas non plus s'amuser à faire le grand écart dans le vide à la moindre occasion, parce que là c'est très facile de se faire renverser. Suffit de se faire attraper le pied et on devient très mal placé...
Maitre si vous éternuez, c'est normal, je pense à vous.

- Enfin, ça ne te servira pas contre un fantôme... Mais c'est toujours bon à pratiquer non?

Je lui souris en attendant qu'il décide quoi faire.

Loupé ! Un pas de coté et il a esquivé, tout simplement. Là j'étire les lèvres en une moue un peu boudeuse. Bon c'était nul... S'il m'a esquivé aussi facilement, c'est qu'il m'a vu venir à trois kilomètres. Quãn, t'es nul ! Si, si, je t'assure, t'aurais pu porter un écriteau avec marqué dessus "attention c'est une feinte, en fait j'vais taper dans la jambe." ça aurait fait le même effet. Faut pas être mauvais joueur ceci dit, j'ai encore des progrès à faire, c'est tout. Je suis un peu déçu, bien sûr, mais c'est pour ça qu'il faut travailler très dur, sans jamais se relâcher. Bon, j'ai pas vraiment le temps de me lamenter parce qu'en fait le maître m'attrape pour m'offrir un câlin, je me tortille doucement pour me dégager, je ne mérite pas d'être câjoler après la piètre performance que je viens de faire.

Viser les genoux. Ben oui mais comme je me suis moi-même retrouvé à genoux à la fin de mon mouvement pour créer la surprise, ça nécessitait que je lève mon boken trop haut pour avoir suffisamment de force de frappe. J'suis court sur pattes, moi et ça c'est pas ma faute ! Je fronce le nez mais je hoche quand même la tête. C'est lui le professeur après tout, donc s'il dit que j'aurais dû faire comme ça, ben c'est que j'aurais dû trouver un moyen de faire comme ça et puis c'est tout !

Un nouvel exercice... Tenter de le déséquilibrer. J'acquiesce du menton, sans dire un mot. C'est pas pour être impoli mais j'essaye de trouver une solution. Physiquement, je ne suis pas très fort, je suis assez petit... Je suis rapide mais la puissance pure me fait défaut. Les pieds, oui, oui, je comptais bien les utiliser, de toute façon. La seule option que je voie c'est le harcèlement, donner des coups rapides dans tous les sens pour désorienter. Bon ben voilà, c'est la seule idée que j'ai trouvé donc je me lance et j'enchaîne le plus rapidement possible des coups sans grande puissance, coup de boken à l'épaule, coup de pied au tibia, je tourne légèrement, coup de coude dans le flanc enchainé aussitôt d'un coup de sabre sur les orteils , j'en profite pour continuer de contourner et d'asséner un violent coup de pied juste derrière le genou, de toutes mes forces cette fois-ci pour prendre par surprise par rapport aux petits coups légers que je donnais jusque là.

Je m'écarte d'un bond, l'enchaînement n'a duré que quelques secondes mais je suis hors d'haleine, la vitesse ça fatigue, quelque chose de bien !

Quãn enchaine un certain nombre de coups. C'est qu'il est rapide cet enfant, vraiment rapide. Mais ses coups ne sont pas très puissants, je sais qu'il peut cogner plus fort. Hey, tentative de tranchage de pied là! Ok, ok ça coupe pas, c'est du bois, mais quand même. Ça fait mal ça, si on se le prend. Comme les coups de règle sur les doigts avant. Heureusement, ça a été interdit avant que je ne commence ma scolarité.
Qui a dit "ah bon?" ? Je veux un nom là. Je n'ai que vingt-et-un ans, ok? Je suis jeune. Dénonces toi tout de suite. Pendant que j'ai encore une arme dans la main. Attends, on se reparle dans dix secondes.
Après le coup aux pieds, Quãn enchaine par un coup vers le genou. Mais c'est qu'il apprend vite. Je le pare, mais c'est vraiment limite. Au lieu de prendre son sabre sur la jambe, je prends le mien qui a reculé à cause du choc. Parce qu'en plus, il a mis vraiment beaucoup de force dans ce coup. Je plie le genou mais ne tombe pas. Si il m'avait touché complètement, c'était la chute.

- Joli coup!

Ce n'est pas encore le déséquilibre cependant. Je pourrais changer la consigne de l'exercice pour que de "déséquilibre" on passe à "toucher tout court", mais autant faire travailler ce qu'il faut travailler. Si je veux qu'il ait à forcer, il faut une résistance. Si il suffisait de toucher, à force de coups rapides et légers, y'en a bien un qui finirait par passer. Là, il faut plus que ça. C'est le but en même temps.
Il m'a l'air de commencer à bien fatiguer. Incroyable l'énergie que ça a un enfant. Même si on est pas tant en reste que ça en étant adultes. En tout cas pour ceux d'ici. Exorciste, faut bien être endurant. Ça me fait penser à la fois où on s'est battus jusqu'à épuisement avec Ren... Jusqu'à l'évanouissement des deux pour tout dire. Je ne sais pas comment on a pu ne pas se rendre compte de notre état avant qu'il soit trop tard. Mais c'était marrant. Et le réveil... Arg, non je refuse d'y penser. Duo de pas doués.
Je retiens que réveiller Ren tard n'est absolument pas une bonne idée. Il le vit très mal.
Bref. Ça restera enfouit bien loin dans mes pensées. Et les siennes. Revenons à nos sabres.

- Essaies d'être encore plus imprévisible dans tes attaques. Même si c'est vraiment déjà pas mal.

Même qu'il a failli m'avoir. Normal, il a un bon prof. Ok, ok, je me féliciterai plus tard. Rabats-joie. Au fait, toi qui penses que je suis vieux. Je ne t'ai pas oublié. Viens là pendant que j'ai une arme dans les pattes. Je veux juste montrer comment ça marche. Promis tu n'en mourras pas. Regardes, je suis toujours en vie moi. Comment ça tu veux pas? Ce n'est pas une option considérable. En plus, c'est beau l'Écosse. Un peu froid mais très beau.
Il y a un plouf dans le bassin qui me fait tourner la tête. Ouah. Le crapaud tire une de ces tronches de blasé. Je ne pensais même pas que ça pouvait prendre cette tête là un crapaud. Sérieusement. Tu le dis si on t'embêtes hein. Non mais imaginez un crapaud avec un air blasé. C'est comme voir un hérisson sans pics, ça n'existe pas. De toute façon, le jour où je verrais un hérisson sans ses piquants, j'irai en prendre à un cactus pour les lui coller sur le dos. Parce qu'un hérisson se doit d'avoir des pics. C'est comme ça.
Sinon comment il fait pour aller draguer les hérissonnes hein? Ha, personne n'y avait pensé à celle là. Pauvres petits hérissons incompris.
J'ai envie d'envoyer de l'eau sur le crapaud. Sérieusement. Attends un peu, dès qu'on a finit l'entrainement, je te mouille, tu vas voir.
En attendant je me remets en garde. Et envoie une toute petite provocation à Quãn:

- Allez, montre moi ce que tu sais faire.

Evidemment, c'est ce qu'il fait depuis tout à l'heure. Mais il peut aller plus loin. Si ce n'était pas le cas, ça voudrait dire qu'il ne peut plus s'améliorer. Sauf qu'on peut toujours s'améliorer.

- Je risque d'attaquer cette fois.

Je lui souris, et place une attaque droite pour prouver mes dires.

Je suis hors d'haleine, mais j'ai échoué, le maître a plié le genou mais il n'est pas tombé. C'était pas loin pourtant et là quand il me dit joli coup, j'opine du menton parce qu'effectivement, il n'a pas manqué grand chose. Peut-être que si j'avais pu taper plus fort, ça aurait fonctionné mais en même temps j'ai déjà mis toutes mes forces dans mon coup de pied donc même si je le voulais, je ne pourrai pas cogner plus fort. Bon ça sert à rien de penser à ce qu'on peut pas faire, c'est sur ce qui est à ma portée que je dois me concentrer. Imprévisible, imprévisible, mais j'essaie bon sang !!

Je me relève, je sens que je tremble de partout mais c'est pas grave, j'ai encore des réserves. Je tiens debout donc c'est que je suis encore assez en forme pour me battre, allez Quãn, montre lui ce que tu sais faire ! Il en a de bonnes ! Comme si c'était pas déjà ce que je fais. Mais bon, c'est lui le professeur. Alors je hoche la tête fermement.

"Oui, monsieur !"

Ma voix, elle, ne tremble pas. Ah, il corse la difficulté, il décide d'attaquer de... houlàààà. Je lève mon sabre à la dernière seconde pour parer et recule d'un pas sous l'impact. concentre toi, Quãn, concentre toi ! Qu'est-ce que dirai papa ? N'abandonne pas, oui bon, ça s'est fait. Joue sur tes atouts plutôt que de penser à tes points faible, bon ça j'essaie aussi... Mon point fort, c'est la vitesse, je suis plus rapide que lui. Surprend ton ennemi, bah ça c'est loin d'être aussi évident qu'il n'y paraît hein. Sers toi de ton environnement... une margelle de pierre, un bassin, un crapaud... Mouais on peut toujours essayer mais c'est pas un débutant non plus.

J'inspire un grand coup et je cours vers lui, je me décale d'un pas au dernier moment pour éviter le sabre qui devrait logiquement essayer de me cueillir à l'arrivée et j'assène un coup sur l'épaule avec le mien. Un petit bond en arrière pour se mettre hors de portée puis feinte en avant pour porter un coup au flanc, tout en essayant d'écraser fortement son pied avec le mien. On se méfie jamais assez, ça fait super mal les coups aux pieds. Bon oui c'est en dessous de la ceinture mais bon... Nouveau petit bond en arrière et un coup de face, de haut en bas, visible mais le plus puissant possible, s'il a été assez déstabilisé par les attaques éclairs d'avant, ça devrait pouvoir le faire reculer, à défaut de tomber.

La margelle n'est pas loin, ça devrait pour voir le faire. Allez Quãn, encore un effort ! Ce coup-ci, je ne recule pas, sinon je vais perdre l'avantage que j'essaie de gagner. au contraire, je reste très près de lui, le plus possible, je suis dans sa garde en fait. Ça devrait le gêner pour me frapper, un sabre ça a une certaine allonge et donc ça demande un peu d'espace. C'est pareil pour moi bien sûr mais comme je suis plus petit que lui, c'est moins handicapant pour moi. J'envoie la garde de mon boken en direction de ses côtes, c'était plus facile que de frapper avec la lame dans la posture où je me trouve. Je me baisse pour esquiver et j'envoie dans le même temps la pointe de mon coude vers sa rotule, je tourne rapidement pour me placer en face de lui. Je tente un coup de tête au plexus et je me laisse tomber en arrière, le dos bien rond, pour ne pas me faire mal.

Et là, je regroupe mes deux pieds que j'envoie en plein dans les genoux, de toutes les forces qu'ils me reste encore. Bah oui, on a plus de force avec deux pieds qu'avec un seul. J'ai mal partout, le souffle court. Je me relève en tremblant pour contempler le résultat, exténué...

Et c'est reparti pour un tour! J'adore cette discipline. En même temps, tant mieux puisque je l'enseigne. Imaginez un professeur de mathématiques qui ferait une dépression nerveuse parce qu'il n'aime pas les maths, à qui Pythagore donne des plaques de bouton et à qui le nombre pi fait faire des cauchemars. Change de métier cher collègue.
En même temps, les maths c'est quand même beaucoup moins bien que le sabre. Non ce n'est pas de la propagande pour mon cours. Mais que ça ne vous empêche de pas de venir bien sûr! En téléportation aussi bien entendu. Parce que la téléportation aussi c'est bien. Je listerai tous les avantages plus tard. Parce que là, je n'ai pas le temps.
Quãn relance une attaque, et anticipe parfaitement ma réplique. Bien, bien, je vois que certains enseignements portent leurs fruits. Et Quãn est quand même terriblement doué. Il enchaine avec un coup en direction de mon épaule, coup qui se retrouve paré. En fait, je force carrément, et de la parade j'enchaine à une attaque, qu'il esquive avec un bond en arrière. Mais dis donc Takeji, et si tu essayais d'aller un poil plus vite coco?
Ouais bon hein... Je voudrais bien t'y voir. Je te signale que je n'ai pas encore été touché. Et puis, cesse de me parler en publique. Y'en a qui doivent commencer à ce dire que je suis en pleine crise de dédoublement de la personnalité alors que c'est pas vrai. On est trois.
Ma bouche oui j'ai compris. Techniquement, je ne suis pas en train de parler. Juste comme ça.
Feinte de côté de Quãn et en plus il essaie de m'écraser le pied. C'est sensible ces petites bêtes. Non je n'insinue pas que j'ai des petits pieds, ils sont normaux. Mais attendez, c'est pas ça le sujet... Bref.
J'évite d'un bond en arrière les deux attaques de Quãn et réplique aussitôt par une attaque droite, aisément évitée. Il place un coup relativement fort que je pare en posant un pied en arrière. Sécurité supplémentaire.
A quoi est-ce qu'il...? Oh. Malin, ça, de se placer aussi prêt. Il nous handicape tous les deux, mais comme je suis plus grand, c'est plus gênant. Alors je recule un peu. Et j'entends M.Crapaud lâcher un croassement presque effrayant. Sérieusement, je ne savais pas que ça pouvait crier ces machins là.
Avec deux secondes de retard, je me rappelle que le crapaud en question est dans un bassin, bassin qui se trouve... Ouais, derrière moi. Oups. Mais trop tard. Pas le temps de me placer ailleurs sans user de la téléportation. Or, pas de téléportation dans ce duel là, puisque personne n'a utilisé de ses pouvoirs et de ses dons jusqu'ici.
Et Quãn, qui manifestement avait tout prévu depuis le début enchaine des attaques rapidement. La garde du sabre dans les côtes, que je bloque d'une main parce que pas trop le choix. Je réplique par une attaque horizontale, esquivée par la disparition soudaine de l'enfant. Enfin, il se baisse, quoi.
Cette fois, c'est la pointe du coude vers le genou. Il en veut à mes articulations. Je recule, en me rapprochant encore plus du bassin, évidemment. Tentative de coup de tête de sa part -et ton sabre?-, j'évite une nouvelle fois. En même temps, je me voie mal parer ça. Bref. Je tente encore une attaque, volontairement prévisible pour voir sa réaction. Eh bien, il se laisse tomber en arrière pour esquiver avec une acrobatie. Le truc que je n'avais pas vraiment -ok, pas du tout- prévu, c'est qu'il userait de ses pieds. Il envoie les deux vers mes genoux, et comme je ne peux pas parer, ni éviter parce que c'est trop tard, je me baisse un peu pour encaisser le coup sur les cuisses. Pas suffisant. Il a de la force dans les jambes. Vraiment. Déséquilibre en arrière youpi. Attendez moi les poissons, j'arrive.
Au moins, ce n'est pas aussi radical que ça aurait pu l'être si je l'avais laissé me toucher les genoux.
Et plouf.
Elle est froide. Glacée. Heureusement que je ne suis pas dans la partie la plus profonde.
Je souris largement à Quãn et lui dis:

- Bravo!

Il mérite qu'on le félicite. Il doit être exténué. En fait, c'est pas "il doit être", c'est il est. Ça se voit bien. Le crapaud saute dans l'eau. Ah bah je ne pourrai pas le mouiller, il l'a fait tout seul. Je me relève de la marre aux poissons, dégoulinant d'eau. La classe je vous dis.
Il y a des voix qui proviennent de l'intérieur du bâtiment. Oh... Tout le monde dedans. Mais il est quelle heure? Question stupide, l'heure de rentrer et de passer à table à en juger par les appels.

- Tout le monde dedans, c'est fini pour aujourd'hui.

Mince alors. C'est dans ces moments là que j'adore ma téléportation encore plus que d'habitude. On va ranger les sabres avec Quãn, et je le laisse juste avant d'entrer dans le bâtiment. Un changement de vêtement s'impose. Crapaud, je me vengerai. Même si tu n'as rien fait.