Une petite course en ville [Terminé]

Nous étions jeudi. Nérys avait demandé à la Directrice un jour de congé. Elle prenait si peu de congé que la vieille dame n'avait pu refuser. C'est ainsi qu'on pouvait apercevoir aujourd'hui la jeune sorcière se promener dans les rues de Little Angleton. Elle avait décidé de faire un tour à la librairie de la ville, histoire de se changer les idées.

Elle se baladait donc seule, sans se presser, jetant quelques coups d'œils aux vitrines environnantes. En passant devant une bijouterie, elle ne put s'empêcher de s'arrêter quelques secondes avant de reprendre son chemin entre les promeneurs. Nérys leva les yeux et regarda le ciel. Le soleil montait paresseusement vers le zénith. La fin de la matinée s'annonçait déjà.
La jeune femme soupira. La phrase d'un livre qu'elle avait lu une ou deux semaines plus tôt lui revint en mémoire à cet instant : "Le temps passe. Et chaque fois qu'il y a du temps qui passe, il y a quelque chose qui s'efface."

Elle arriva finalement à destination. Une librairie de taille moyenne, mais avec une vitrine chargée de livres, se dressait face à elle. Nérys entra et laissa la porte se refermer d'elle-même, agitant le mobile bruyant qui signalait l'entrée d'un client. Une étagère à gauche de la porte était toute entière consacrée à de vieux livres aux reliures en cuir. D'après les titres que l'on pouvait lire sur les tranches, ces bouquins provenaient des quatre coins du monde.
Nérys balaya l'étagère des yeux. Elle n'eut cependant pas le loisir de consulter plus amplement la collection. Le libraire, qui devait semble-t-il être dans le fond de sa boutique, n'eut pas plus le temps de venir accueillir sa cliente, qui était déjà partie quand il se déplaça.

La jeune sorcière avait en effet quitté précipitamment le lieu en croisant le regard d'une femme qui passait dans la rue. Une femme qui ne lui était pas inconnue. Une telle chevelure rousse ne se rencontrait pas partout... Nérys marchait d'un pas soutenu dans la direction qu'avait prise Natasha.
*Pas de doute, c'était elle. Que fait-elle en ville ?* pensa la jeune femme.

Natasha ne fut pas si difficile à rattraper ; elle s'était arrêtée dans une ruelle peu fréquentée. Si Nérys avait croisé son regard et l'avait reconnu, il ne faisait aucun doute qu'il en fut de même pour la sorcière noire. La Sous-Directrice espérait, avec peu de conviction toutefois, qu'il ne s'agisse là que d'une coïncidence et que cela se règlerait pacifiquement. Mais sachant que la sorcière avait contactée sa fille, Luka, à l'orphelinat, sa présence n'était certainement pas fortuite...

Dans quelques jours, le vingt-un juillet précisément, Natasha fêterait ses trente-huit ans. Ciel, que le monde avançait vite, surtout le temps. Loin de sa fille depuis quatorze, bientôt quinze ans, du moins, espérait-elle avoir Luka avec elle cette année. Mais la dernière rencontre avec sa fille avait été catastrophique. Natasha avait trouvé moyen de se procurer de l'argent, et avait pu prendre une chambre dans The Lonely Ghost. Ce n'était pas le grand luxe mais suffirait amplement à la sorcière noire, sans aucun souci. Celle-ci se réveilla dans sa chambre aux teintes plutôt claires, le gérant avait bon goût, semblait-il.

Natasha s'assit dans son lit et repoussa les draps pour voir sa cuisse droite. Elle avait fait des points de suture elle-même. Son père lui avait appris à se soigner, dessinant d'un ongle court la plaie, elle se sentit soudain mieux. Elle était encore trop faible pour changer de forme mais pouvait voyager entre les rêves, son pêché mignon. Natasha se leva et alla se doucher dans les douches du couloir, une fois fait cela elle s'habilla simplement. Un jean clair qui cacha sa blessure, un chemisier blanc sur son corps. Le tissu était assez large pour faire passer de l'air et lui donner des courants d'air. Il y avait des rumeurs comme quoi il faisait une chaleur de tous les diables, mais heureusement l'Écosse s'en sortait encore bien. Descendant rapidement les marches pour arriver dans le café même, la sorcière portait des sandalettes bleu pastel à petit talon. On était en droit de se demander où elle trouvait l'argent de se payer des habits, de se payer une chambre et de se nourrir. Natasha avait une réserve de fond, il suffisait juste d'être maline et de jouer avec l'argent des humains.

Sortant du café, elle marcha dans les rues sans but. Depuis que Luka l'avait rejeté violemment, la sorcière d'âge mûre n'avait plus vraiment de but. Cela pouvait paraître étonnant mais ses quatorze dernières années, elle n'avait vécu que pour revoir Luka qu'on lui avait arraché. Passant devant une libraire, soudain, elle tilta et leva le nez. Elle vit une femme brune...Nérys McLaren! Natasha eut soudain envie de se jeter dans le magasin pour se battre avec elle. Elle s'en moquait que des humains les voient jouer de leur pouvoir, après tout, elle, c'était une sorcière noire, elle pouvait tuer les humains sans remords.

Elle regarda cette femme, complice de Pandora Mystery, cette vieille folle qui lui avait arraché sa fille. Furieuse, la sorcière consentit pourtant à partir, trop faible pour user de ses pouvoirs. Mais elle entendit des bruits de pas dans son dos, il fut soudain évident qu'on la suivait. Bien loin de paniquer, Natasha prit une ruelle étroite avec une impasse et sombre. Alors seulement elle se stoppa et se retourna lentement pour faire face à Nérys avec rage. Son visage pâle de rouquine aux traits purs de française ne cachait aucunement sa haine présente. Ses prunelles grises vertes claires renvoyaient une image que pourrait très bien comprendre Nérys.

"Nérys McLaren, quel heureux hasard. Me suivrais-tu très chère?"

La voix de Natasha était largement moqueuse, son regard était aussi perçant que celui d'un chat en pleine fureur. Elle n'aimait pas qu'on la suive, depuis quatorze ans elle jouait au jeu du chat et de la souris avec l'Ordre d'Orpheo. Nérys était une jeune femme comparée à Natasha qui avait sept ans de différence, ou plutôt huit vu qu'elle approchait des trente-huit ans.

"Que me veux-tu? Serait-ce à propos de ma fille?"

Il n'y avait pas si longtemps que cela Natasha avait vu Luka qui s'était ensuite enfuie. Sa fille avait dû avertir l'orphelinat, mais Pandora Mystery n'avait rien envoyé aux trousses de la sorcière noire. Cette vieille folle devenait bien vieille décidément. Mais Natasha était plus méfiante envers Nérys. Plus jeune qu'elle, disciple de Pandora par ce qu'elle savait, elle pouvait très facilement l'avoir sur le dos, ou du moins, l'avait déjà. Natasha n'avait pas pardonné aux deux femmes de lui avoir arraché sa fille quand Arthur était mort. En plus de cela l'Ordre d'Orpheo avait détruit sa famille, et l'orphelinat avait pris sa fille. On ne peut pas demander à une mère de ne pas être furieuse dans ces conditions. Cette fille, sa chaire, c'était tout ce qui lui restait du passé, de son amour avec Arthur mais aussi de sa famille complètement tuée par l'Ordre. Ils allaient payé, tous et très cher...

Nérys ne fut ni choquée ni étonnée par l'expression haineuse qui s'était peinte sur le visage de Natasha quand celle-ci se tourna pour lui faire face. Connaissant les évènements, la Sous Directrice comprenait cette colère. Il est légitime qu'une mère désire voir son enfant grandir... Pourtant, on ne pouvait laisser Natasha se rapprocher de sa fille car celle-ci basculerait certainement et deviendrait à son tour une sorcière noire.
La sorcière rompit le silence sans attendre et s'adressa à la jeune femme sur un ton faussement courtois. Elle semblait plutôt sûre d'elle. A vrai dire, Nérys ne savait pas vraiment de quoi elle était capable. Pandora l'avait instruite de quasiment toute l'affaire et des pouvoirs de Natasha, mais elle souhaitait voir ça de ses propres yeux pour savoir à quoi s'en tenir. Elle ne pouvait évidemment pas deviner que la sorcière était blessée et que ses capacités étaient par conséquent temporairement diminuées.
Natasha repris la parole. Nérys ne répondit pas immédiatement à sa question. Elle n'imaginait pas rencontrer cette femme ici. Est-elle de passage ou avait-elle pris une chambre ? En tous cas, il était bel et bien question de Luka, ce qui n'était pas rassurant. Bien que les deux femmes se soient mises à l'écart des habitants dans cette ruelle, on entendait distinctement le bruit de la foule qui n'était qu'à quelques pas de là. Se battre ici, c'était à coup sûr attirer l'attention de tous ces passants, et peut-être même provoquer des blessés.

Il fallait donc que Nérys choisisse soigneusement ses mots pour répondre. Par ailleurs, elle devait se décider rapidement quant aux suites à donner à cette rencontre. Il était bien sûr exclu qu'elle tente quoi que ce soit maintenant et seule.
*Tant pis pour ma journée, il faudra que je rentre immédiatement à l'orphelinat pour avertir Pandora.*
La jeune femme répondit alors enfin à Natasha, d'une voix calme et posée.

- Je suis étonnée de te rencontrer ici Natasha. J'espère que ta présence en ville, si près de l'orphelinat, ne cache pas d'imprudentes ambitions.

Elle marqua une pause et jugea la réaction de la sorcière avant de reprendre.

- Puisqu'on est là, ce ne serait pas une mauvaise idée de parler de Luka en effet. Je pense qu'il serait plus...raisonnable que tu restes éloignée d'elle pour l'instant. Tu n'aimerais quand même pas que nous prenions des mesures plus répressives, n'est-ce pas ?

Natasha était loin d'être idiote et Nérys le savait très bien. Elle ne se lancerait jamais à l'assaut de l'orphelinat seule dans l'unique but de voir sa fille. Par contre, les élèves étaient jeunes et influençables. La présence de la sorcière noire à Angleton était donc menaçante par bien des aspects.
Nérys demeura sereine et ne laissait trahir aucune émotion. Pour une fois, elle ne souriait pas. Le soleil commençait à taper, même si la chaleur n'était pas étouffante, pas encore du moins. Elle fixa les yeux de son interlocutrice sans sourciller. Le désir de vengeance se lisait sans peine dans ce regard.

Nérys était calme, ou du moins, réfléchit aux yeux de Natasha. Elle ne lui sauta pas dessus, elle attendit même. Tant pis, la sorcière noire trouverait moyen d'engager un combat. Mais comment? Dans son état? Impossible, et cela le frustra encre plus, accentuant sa rage.

- Je suis étonnée de te rencontrer ici Natasha. J'espère que ta présence en ville, si près de l'orphelinat, ne cache pas d'imprudentes ambitions.

Elle était naïve? Visiblement oui, ou alors elle se jouait d'elle. Pas de respect pour les anciens, de toute façon, Natasha ne voulait pas de son respect. La sorcière ne dit rien, en réalité, n'eut pas le temps car Nérys la précéda. C'était une joute verbale visiblement, c'était tout ce que pouvait faire la sorcière dans son état.

- Puisqu'on est là, ce ne serait pas une mauvaise idée de parler de Luka en effet. Je pense qu'il serait plus...raisonnable que tu restes éloignée d'elle pour l'instant. Tu n'aimerais quand même pas que nous prenions des mesures plus répressives, n'est-ce pas ?

Natasha sentit le rouge lui monter à la tête, et elle fit un pas en direction de l'autre sorcière. Mais elle se stoppa à temps, non, pas de combat, pas assez forte. Natasha était assez âgée pour savoir quand elle était prête ou non au combat, et là, elle ne l'était pas. Des mesures répressives? Qu'est-ce que ses vieilles sorcières allaient faire à sa fille? Il était hors de question qu'elle laisse Luka entre leurs mains!

"Des mesures? Je te jure Nérys, si tu touches ma fille, je te fais brûler comme les sorcières du Moyen-Âge."

La femme d'âge mûre s'était approchée cette fois-ci, avec détermination et rage. Non, elle ne les laisserait pas blesser sa précieuse fille, pour rien au monde. Ils lui avaient volé une fois sa famille, Luka était la dernière chose qui lui restait. Elle n'était pas prête à se laisser faire, même si elle devait mourir pour cela. La rage contrôlait Natasha, elle s'ouvrit à la rage et la survola, cette puissance effrayante qu'elle ne pouvait pas utiliser à cause de sa guérison en cours. Guérir la fatiguait, elle était sorcière, mais restait humaine sur le point de la guérison vu qu'elle ne possédait pas ce pouvoir comme magie première.

Natasha avait largement menacé la sorcière ennemie, et l'avait menacé des tortures du passés. Dans le Moyen-Âge, nombres de sorciers étaient morts ainsi, mais aussi des humains, accusés à tord. Natasha était le type même de sorcières qu'imaginaient les humains au Moyen-Âge. Rousse, sauvage, les rousses étant considérées comme sorcières. Cela ne rendait qu'encore plus fière la sorcière noire de la couleur de ses cheveux.

"Tu sais Nérys, en décembre Luka Era aura dix-huit ans. Je suis sa mère, et elle est ma fille. Crois-tu que toi et Pandora pourrez toute votre vie protéger ma fille? Elle a ça dans le sang, mon sang."

Le quinze décembre sa fille aurait dix-huit ans, elle serait majeure, et libre. Mais Natasha n'allait pas attendre jusqu'en décembre, on n'était que mi-juillet après tout! Non, elle n'était pas si patiente que cela, c'était une femme d'action. Elle avait attendu quatorze ans, maintenant, il était terminé d'attendre. La sorcière avait fait en sorte de rappeler à l'autre sorcière qu'elle était une descendante d'une longue famille de sorciers noirs, et Luka aussi. Même si elle était aussi la fille d'Arthur, Arthur qui était un mêlé. Mais qu'importe, pour Natasha, s'était sa fille, et elle lui donnerait éducation comme telle. Que cela plaise ou non à Nérys McLaren et Pandora Mystery. Faible, mais pas muette, voici comment était Natasha Cross à trente-sept ans.

A peine Nérys avait-elle évoqué sa fille que la sorcière noire avait avancé dans sa direction, avec visiblement l’intention d’en venir aux mains. Mais celle-ci s’arrêta net. Elle hésitait donc à engager le combat. Cette hésitation ne pouvait cependant pas fournir à la jeune femme de réelles certitudes quant à la condition physique de son adversaire. Toutefois, elle lui laissait espérer que le combat pouvait être évité…aujourd’hui. En effet, dans l’esprit de la Sous Directrice, il ne faisait aucun doute que les deux femmes s’affronteraient un jour ou l’autre.

La réponse de Natasha la désarçonna quelque peu. "Des mesures ? Je te jure Nérys, si tu touches ma fille, je te fais brûler comme les sorcières du Moyen-Âge."
Comment pouvait-elle croire une chose aussi absurde ? Il n’était nullement question de faire du mal à la jeune fille, bien au contraire ! Il était tout simplement aberrant qu’elle ait pensé cela un seul instant. Les "mesures" que Nérys avait évoquées se rapportaient évidemment à Natasha et non à sa fille. Pandora, après lui avoir appris que la sorcière noire avait contacté Luka, avait effectivement suggéré, sans entrer dans les détails, quelques précautions à prendre si cela se reproduisait...
Nérys voulut démentir l’accusation mais n’en eut pas le temps. Voyant la femme se rapprocher d’elle avec plus de détermination, elle fut bien obligée de se tenir prête à combattre. Nul ne saurait ignorer combien la rage rend incontrôlables les personnes sous son emprise… Aux aguets, la jeune femme n’avait pourtant pas bougé d’un pouce. Immobile et droite, elle continuait de regarder son adversaire dans les yeux sans peur aucune.
L’évocation du buché moyen-âgeux la laissa d'ailleurs plus ou moins indifférente. Non pas parce qu'elle était très sûre d'elle et de ses chances de vaincre Natasha. Elle ne se laissait juste pas impressionnée par les bravades... C'était un de ses traits de caractère. Nérys se montrait toujours comme quelqu'un de posée et de calme. Elle maîtrisait très bien ses émotions et, de ce fait, restait peu susceptible et peu incline à perdre son sang-froid.

Son interlocutrice poursuivit sur un ton qui sonna de façon narquoise à l'oreille de la jeune sorcière. Cette fois-ci, elle fut touchée par ses mots. "Elle a ça dans le sang, mon sang." Nérys le savait et c'est bien ce sang que Pandora et elle-même redoutaient. Natasha dut se douter qu'elle avait fait mouche ce coup-là. Pourtant, Pandora n'avait pas pris Luka sous son aile sans y avoir pensé au préalable. Elle et Nérys restaient persuadées que la jeune fille n'était point déterminée à devenir comme sa mère. Le sang n'était pas tout. Mais, grâce à ces prédispositions, il lui serait si aisée de basculer du mauvais côté... C'était la raison pour laquelle il fallait tenir éloignée la mère.
Qui plus est, Natasha avait mis en évidence un autre point non négligeable. Luka fêterait bientôt sa majorité. Personne, pas même la Directrice ne pourra la forcer à rester à l'orphelinat si elle désire s'en aller alors. Bien que Pandora n'ait pas encore abordé le sujet avec elle, Nérys avait la certitude que sa mère songeait déjà à ce problème à venir. Elles avaient moins de six mois pour convaincre la jeune fille d'éviter sa mère ou, du moins, d'éviter de reproduire ses travers...

La Sous Directrice ne se fit pas prier pour répliquer. Elle n'avait pas eu besoin de beaucoup de temps pour trouver quoi répondre car elle y avait déjà réfléchi, sachant bien que cet argument serait mis sur le tapis.

- Tu as raison, Luka sera libre de partir dans quelques mois...et de te retrouver si elle le veut. Toutefois, elle reste pour l'instant à l'orphelinat et nous ne tolérerons pas que tu t'approches d'elle. Je ne te l'apprends pas. Peut-être serait-il bon alors que tu quittes la ville Natasha. Tu n'as rien à espérer ici et aujourd'hui.

Nérys espérait en rester là pour le moment et aviser avec sa mère. Néanmoins, de la part de cette femme, elle ne pouvait que rester sur ses gardes. La sorcière noire ne voudrait certainement pas s'en tenir là...

Nérys avait gardé total silence, comme si elle réfléchissait. Pour Natasha, la rage prenait le pas sur tout, son corps commençait comme à lui brûler. C'était le signe de la métamorphose, son envie la plus profonde de prendre sa forme fusionnelle. Devant ses yeux, des points dansaient, et elle sentait quelque chose rugir au fond d'elle. Sa forme fusionnelle était une tigresse blanche. Mais Natasha doutait d'avoir la force de prendre sa forme animale, de rugir, et de défier cette jeune femme face à elle. De toute façon, elle doutait du bon goût de Nérys, elle ne voulait pas la manger, elle n'était pas une viande assez « pure » pour elle.

- Tu as raison, Luka sera libre de partir dans quelques mois...et de te retrouver si elle le veut. Toutefois, elle reste pour l'instant à l'orphelinat et nous ne tolérerons pas que tu t'approches d'elle. Je ne te l'apprends pas. Peut-être serait-il bon alors que tu quittes la ville Natasha. Tu n'as rien à espérer ici et aujourd'hui.

Vraiment? Luka avait donc oublier de dire ses larmes, et ce que Natasha avait cru sentir en elle. Le désir de revoir sa mère. Rien ni personne ne pourrait remplacer cela, et c'était avec ce genre de chose que jouait la sorcière noire. La rousse ne put s'empêcher de sourire, la joute verbale s'était engagée à défaut d'avoir un combat bel et bien réel. Natasha s'accrocha donc à sa dernière conviction, la dernière qui la portait depuis quatorze ans.

"Arthur Grey était des vôtres Nérys. Tu serais étonnée ce que fait le cœur, le cerveau ne commande pas tout. Je ne partirai que quand j'aurais repos. Vous m'avez volé ma famille, je récupère ce qui me vient de droit. Jamais des gens comme vous n'auriez dû élever une fille comme Luka. C'était souillé la mémoire des Cross."

La sorcière noire cracha cela avec rage. Cela aurait dû être une famille de sorciers noirs qui aurait dû élever Luka Era Grey. Luka était une Grey, de par son nom, car son père le lui avait donné. Mais c'était une Cross aux yeux de Natasha. Arthur Grey avait été membre de l'Ordre d'Orpheo, il avait été chargé de s'occuper de la famille de sorciers noirs des Cross. Résultat, il avait terminé en couple avec Natasha, et Luka était née de leur amour. Qui plus ait, la sorcière rousse, depuis quatorze, faisait un dénie total sur les véritables tueurs de son époux. C'était les Cross qui avaient tué Arthur, et l'Ordre qui avait tué les Cross. Un tel enchaînement des événements qui avaient provoqué une tragédie dans la vie de Natasha, mais aussi dans son mental. Elle avait tout perdu, y compris sa fille qu'on lui avait retiré.

"Tu me dis de partir Nérys McLaren. Mais que se passera-t-il si je ne pars pas? Si vous me tuez, toi et Pandora, j'espère que Luka se vengera. Elle n'a plus de père, ni de famille, je suis la seule chose qui lui reste."

Hautaine, la sorcière redressa la tête avec fierté, elle était la seule famille vivante de Luka. Était-ce pour cela que l'Ordre ne l'avait jamais tué? Soit elle était très bonne en fuite, soit, ils ne voulaient pas avoir un souci sur les bras. Natasha ne savait pas quoi penser, mais autant embrouiller la jeune sorcière. Mais elle ne se laisserait pas tuer aussi facilement, elle y veillerait! Comment aurait réagit Arthur? Natasha aurait tant aimé savoir, son compagnon l'aurait aidé. Oui mais voila, il était mort, par leur faute à tous, et à toutes. Le mal était fait, ne restait que douleur, vengeance et haine ultime. Natasha se nourrissait de ses sentiments forts et destructeurs. C'était son arme, avec Luka, qui la maintenaient en vie depuis quatorze ans.

Errer, errer, pourquoi est-ce qu'un esprit, bon ou mauvais, ressent le besoin de errer, peu de gens le savent, et l'esprit ne le sait pas toujours lui non plus, il a juste envie de se déplacer, comme si c'était encore un être vivant, comme si il n'était jamais devenu ce qu'il est, ou bien y a t'il une autre raison, plus mystérieuse, un besoin de vengeance, de malveillance à assouvir.

Le poltergeist avait envie de s'amuser, mais aucune cible n'était à son goût dans les rues de cette petite ville, il aurait mieux fait de rester dans la forêt à faire des choses immondes à quelques passants ou quelques animaux. Mais ce n'est pas drôle, dans la forêt il n'y a pas de public, pas de spectateurs, personne pour témoigner des phénomènes paranormaux que le poltergeists sont capables de réaliser. Il avançait, longeant les murs, cherchant irrévocablement une proie, une victime, quelqu'un sur qui il pourrait librement exercer son art de faire souffrir.

Le poltergeist regrettait amèrement que seul les personnes disposant de dons puissent le voir, il aurait voulu semer la panique parmi toutes les personnes présentes. Ses cibles favorites étaient les femmes, de tous âges, peut être à cause d'une douleur infligée par une femme dans son passé d'être vivant? Il cherchait, cherchait, cherchait. Il tourna à un angle et tomba sur une chose difficile à se refuser lorsqu'on était décidé à faire du mal.

C'était deux femmes qui avaient l'air de se disputer, deux pour le prix d'une, idée alléchante. Le poltergeist s'avança, toujours à longer les murs, aucunes des deux femmes ne l'avaient remarqué, parfait, mais une chose restait à déterminer, disposent elles de dons? Il le découvrirait tôt ou tard, le plus important pour le moment était de faire un mauvais acte, tout de suite, depuis le temps qu'il cherchait de bonnes victimes. Il voulait passer à l'action.
-Jolies, jolies, jolies demoiselles, chanta t'il avec une voix de petite fille. Pourrais-je jouer à vous chahuter?
Pour le poltergeist, ses proies étaient des poupées, et il décidait quand le jeu s'arrêtait, quand le chahut cessait, si il laissait la proie en vie avec d'horribles séquelles, ou si il l'éliminait...

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Tout peut arriver, ne l'oublie jamais Invité

Bien que sa rage soit palpable, Natasha répliqua sur un ton égal et presque moqueur. Mais les mots qu’elle employa traduisaient clairement ses émotions, sa haine et son désir de vengeance. Pour elle, il semblait clair que sa fille aurait du être élevée comme une sorcière noire, afin de perpétrer la lignée Cross. D’autant plus qu’aujourd’hui, Natasha et sa fille en étaient les dernières représentantes encore en vie.

La sorcière noire poursuivit d’un air suffisant et insista sur le fait qu’elle était la dernière famille qui restait à Luka. Nérys en avait parfaitement conscience évidemment. Malheureusement, la jeune fille n'évoquait pas suffisamment le sujet pour que Nérys sache si celle-ci désirait ou non revoir sa mère. Pandora devait sans doute être au courant, mais cette dernière n’avait pas non plus renseigné Nérys. Elle ne le jugeait peut-être pas nécessaire.
Dans tous les cas, Natasha ne semblait pas du tout encline à quitter la région. Voilà qui rendraient pénibles les mois à venir... La Sous Directrice, sans se départir de son calme, s’apprêtait à prendre congé. Elle ne pourrait visiblement pas ramener la sorcière noire à la raison ; c’était d’ailleurs une cause perdue d’avance. Elle n’avait pas plus envie de se battre contre elle au beau milieu de la ville et ne comptait rien entreprendre d’irréfléchi. Elle n’avait donc pas d’autre option que de rentrer à l’orphelinat pour l’instant et d’informer Pandora et l’Ordre, tout en surveillant Natasha afin qu’elle ne la suive pas jusqu’à Landcastle et qu’elle ne s’en prenne pas aux pauvres habitants tranquilles d’Angleton.

Nérys n’eut toutefois pas le temps de reprendre la parole. Une voix de petite fille s’éleva dans la ruelle : "Jolies, jolies, jolies demoiselles, pourrais-je jouer à vous chahuter ?" Un Poltergeist. C’était bien le moment tiens...
La jeune sorcière fit se tourna légèrement et aperçut l'esprit malin qui longeait le mur. Ces fantômes n’avaient qu’une seule et unique passion : torturer les vivants. Inutile donc de s’interroger trop longtemps sur les mesures à prendre avec celui qui venait d’apparaître. En tant que membre d’Orphéo, Nérys espérait apaiser l’esprit et l’aider à gagner l’au-delà, plutôt que de détruire purement et simplement son âme. Mais elle savait par expérience que ce genre de tentatives aboutissait rarement.

Réagissant donc la première, elle créa une illusion destinée au seul Poltergeist. Enfermé dans l’image d’une prison de verre, il s’immobilisa. La Sous Directrice savait très bien que l’illusion serait brisée d’ici quelques minutes. Aussi fallait-il réfléchir et agir vite. Elle jeta un regard à Natasha, incertaine quant à ce que cette dernière allait faire, maintenant qu'elles avaient été dérangées. Fuir ? Combattre ?

Quelque chose fit hérisser les poils des bras de Natasha tandis qu'elle attendait une réponse de Nérys, mais rien, rien du tout. La sorcière noire allait répliquer quand quelque chose la frôla. Elle sut de suite ce que c'était, un fantôme à l'état pur, son regard clair se fit dur tandis qu'elle attendit que l'esprit vienne à eux.

-Jolies, jolies, jolies demoiselles. Pourrais-je jouer à vous chahuter?

Natasha savait pertinemment qu'un poltergeist pouvait changer de voix et de forme, ce n'était pas forcément une petite fille, cela pouvait être autant une personne âgée qu'une jeune, femme ou homme, qu'importe. Mais le fait que le fantôme utilise cette voix plutôt qu'une autre, en disant long tout de même. Natasha se sentait faible, trop pour se battre, mais assez pour se protéger. De toute manière son pouvoir la devancerait sans souci. Elle se connaissait assez pour savoir que ses pouvoirs protégeaient son corps. C'était un peu comme une autre partie d'elle ou comme si elle vivait avec quelqu'un d'autre comme elle le disait enfant. Soudain, le poltergeist cessa de bouger comme figer dans le temps et Natasha détailla Nérys.

"Tu as utilisé quel pouvoir sur lui?"

Lui, ou elle, qu'importe, le fantôme méchant n'était plus rien qu'un esprit errant et pas du tout sympathique. Mais la voix de la petite fille suggéraient plusieurs choses, le poltergeist était assez intelligente pour se douter que les femmes fonderaient en entendant une voix de petite fille. Le petit souci qu'il n'avait pas dû prévoir, c'était qu'elles étaient les dernières des imbéciles et que Natasha n'aimait pas les enfants, sauf sa propre fille. Soudain, le fantôme bougea encore, comme si la chose était stoppée alors que Nérys regarda Natasha. Il n'était plus question de combat, mais de survie. On avait appris cela à la sorcière noire, et oui, les sorciers noirs n'étaient pas que des barbares, mine de rien!

"Quels sont tes pouvoirs? Je suis blessée Nérys et je ne peux donc pas jouer à éparpiller mes forces. Il faut frapper fort pour avoir la paix."

Elle avoua ainsi qu'elle était blessée, la blessure de sa cuisse qui mettait du temps à guérir. En disant cela, elle annonçait ses forces et ne s'attendait nullement que Nérys ait pitié d'elle et la guérisse. Natasha n'avait pas sa lame d'exorciste avec elle, son père lui en avait offerte une quand elle avait terminé son apprentissage. Tout exorciste, bon ou mauvais sorcier, en avait une, c'était obligatoire et une question de survie. Mais elle la cachait dans un lieu sûr. Il ne lui restait que les runes, et les incantations. N'ayant pas de matière pour dessiner des runes, il ne restait donc plus que les incantations et les pouvoirs. Un plan germa dans l'esprit de Natasha, mais elle attendit les paroles de Nérys. Ensuite, elle proposerait son plan même si elle n'était pas motivée à faire équipe avec une sorcière ennemie. Mais on faisait avec, c'était ce qui lui avait appris sa famille. Il fallait toujours vivre, même si pour cela on devait tuer un fantôme en équipe. Il y avait certaines limites chez les sorciers noirs, mais il était aussi vrai que Natasha vivait en solitaire, et cela changeait sa manière de penser, mine de rien.

La mort est un passage essentiel de la vie. Il ne faut pas essayer de l'empêcher, ce passage est inéluctable, personne n'y échappe. La vie est un court instant et la mort est éternelle. Il n'y a pas de logique dans tout ça. C'est une vérité de ce monde.

Le poltergeist avait parlé de cette voix de fillette à cause d'un passé mouvementé. Autrefois petite fille battue sans raisons apparente par sa mère, il s'en prenait maintenant aux femmes pour une raison de vengeance. Le poltergeist a d'abord été un gentil esprit, c'est en tuant la personne qui autrefois l'avait battu qu'il est devenu ce que les deux femmes ont en face d'elles.

Un poltergeist change de forme et de voix à l'infini, mais celui là était différent, il n'avait pas envie de changer, il voulait rester une petite fille. Personne ne se méfie d'un enfant, surtout pas une femme.

Le poltergeist s'immobilisa, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Tout d'abord, il venait d'être repéré. Il était dans une cage de verre. Il commença à paniquer, puis à pleurer, comme une fillette en soit.
- S'il vous plaît, s'il vous plaît, je veux juste jouer avec vous..

Le poltergeist pleurait pour de bon, mais c'était une ruse, destinée à attendrir les deux femmes. Il voyait bien que la rousse n'avait pas l'air très aimante envers son apparence de fillette, peut être n'aimait elle pas les enfants, ou bien était elle dégoûtée qu'un mauvais esprit prenne la forme d'un être aussi innocent. Peut importe, il continuait de pleurer, son plan fonctionnerait, il fonctionne toujours, quel qu'il soit.

Tandis qu'il utilisait sa ruse la plus fiable, il détaillait la rousse et la brune. La rousse avait un visage dur, et la brune un peu plus doux. Elles étaient parfaites, des proies parfaites. De toute façon, pour le poltergeist, toutes les femmes étaient parfaites, et elles méritaient toutes un peu de son attention, juste pour jouer, être chahuté, et peut être mourir.
- Je veux juste jouer avec vous, répéta l'esprit, toujours à faire semblant d'être triste et déçu.

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Tout peut arriver, ne l'oublie jamais Invité

[Hors Jeu : Natasha, si tu souhaites que le fantôme réponde avant toi, écris à Josh.
Si tu souhaites conserver l’ordre de réponse et que tu es coincée avec mon message, écris-moi et j’arrangerai un peu.
Bonne soirée ^^]

Nérys avait interrogé Natasha du regard, mais celle-ci répondit par une autre question : "Tu as utilisé quel pouvoir sur lui ?" La jeune sorcière voulut répondre mais son don avait déjà cessé d’agir et l’esprit se remit à bouger. Il tentait d’attendrir les deux femmes avec sa voix et ses larmes de fillette. N’importe quel humain innocent s’y serait laissé prendre d’ailleurs. Mais elles étaient toutes deux exorcistes et en savaient suffisamment sur les fantômes pour ne pas tomber dans ce piège grossier.
Toutefois, Nérys n’ignora pas pour autant cette diversion. Si le Poltergeist prenait une telle forme et une telle voix, ce n’était peut-être pas seulement pour les émouvoir. L’esprit était probablement celui d’une petite fille morte trop tôt... Un vague espoir naquit dans le cœur de la Sous Directrice. Les enfants n'étaient pas plus faciles à raisonner mais Nérys avait l'habitude des enfants. Elle arriverait donc peut-être à apaiser ce fantôme.
Comme toujours de toute façon, elle essaierait autant que possible. Mais si la situation devenait trop dangereuse, elle se servirait de sa lame d’exorciste. Elle ne l’utilisait généralement qu’en tout dernier ressort.

Concentrée sur le Poltergeist, elle ne regardait plus du tout Natasha. Cette dernière reprit pourtant la parole : "Quels sont tes pouvoirs ? Je suis blessée Nérys et je ne peux donc pas jouer à éparpiller mes forces. Il faut frapper fort pour avoir la paix."
Ses mots eurent suffisamment d’impact pour que la jeune sorcière lui jette un coup d’œil. Natasha n’avait aucunement l’air de plaisanter. Au contraire, l’aveu de sa faiblesse lui coûtait et cela se voyait. On devinait assez aisément que la sorcière noire cherchait à faire alliance avec Nérys. L’idée n’était pas particulièrement attrayante, il fallait l’avouer, mais il aurait été stupide de refuser l’aide de Natasha si celle-ci la lui offrait – pour sauver sa peau, certes –.
En fait, Nérys n’avait pas peur que la sorcière profite de la situation. D’ailleurs, si elle était réellement blessée, elle ne pourrait pas grand-chose. Le problème qui se posait était de dévoiler ses pouvoirs, ce qu’elle aurait préféré éviter. L’ignorance de l’ennemi était un atout non négligeable. Quoique cela fonctionne dans les deux sens ; Nérys ne savait que ce que lui en avait dit Pandora.

La Sous Directrice pesa rapidement le pour et le contre. Son ennemie aurait bien finit par connaître son don en le subissant ; autant le divulguer maintenant. Par contre, Nérys comptait bien essayer de raisonner le fantôme avant de "frapper fort pour avoir la paix". Les sorciers noirs avaient par définition tendance à vouloir supprimer purement et simplement les mauvais esprits qui osaient s’en prendre à eux, sans se poser de question sur leur âme. Natasha ne faisait pas exception, évidemment.
Ainsi, la jeune sorcière répondit le plus succinctement possible "J’ai créé une illusion" avant de continuer à propos du Poltergeist sur un ton tranquille : "Avant de l’attaquer, j’aimerai tenter de lui parler si tu n’y vois pas d’inconvénients. Si je n’arrive pas à le raisonner, nous le détruirons."

Il ne faisait aucun doute que Natasha allait avoir des objections mais Nérys n’y ferait sans doute pas attention. Elle n’attendit même pas que cette dernière réplique. Avançant d’un pas vers le fantôme, elle s’adressa à lui sur un ton prudent.

- Bonjour. Comment t’appelles-tu ? Tu es en colère ? Je ne peux pas jouer avec toi, mais je veux bien t’écouter. Raconte-moi ce qui t’es arrivé s’il te plaît.

Elle resta sur ses gardes malgré tout, prête à esquiver si l’esprit se jetait soudainement sur elle.

[HJ : Tout est parfait Nérys, ne t'inquiétes pas.^^]

Le fantôme pleurnichait, et cela agaçait fortement Natasha. Sa fille avait probablement pleuré dans son enfance, mais elle ne s'en souvenait plus, et puis, c'était sa fille! Hors, ce fantôme n'était rien qu'un mort enquiquinant. Oui, les sorciers noirs étaient plutôt directs concernant les fantômes, aucune pitié, car le fantôme pourrait s'amuser à lui faire du mal, et lui, n'aurait pas pitié. N'aie pas pitié d'un ennemi qui est fou, voila ce qu'avait appris la famille de Natasha à la descente de la longue lignée des sorciers noirs.

- S'il vous plaît, s'il vous plaît, je veux juste jouer avec vous..
-Assez."

Mais c'était comme si elle ne disait rien, sa voix de ténor s'était élevée mais le fantôme semblait sourd. Il n'écoutait que ce qui lui plaisait, et cela énervait au plus au point Natasha. Elle montait toujours un plan, cherchant dans son esprit quoi faire. Mais Nérys semblait à l'opposée d'elle, enfin, elle s'en doutait tellement. Elle n'avait aucunement dans l'idée que le destin allait lui prouver ses pensées.

- Je veux juste jouer avec vous

Le fantôme voulait jouer, ou plutôt les tuer, et Natasha voulait le renvoyer dans son corps, dans sa tombe. Ils étaient donc en parfait accord! Mais quand elle demanda le pouvoir à Nérys, celle-ci parla d'illusion. Une illusion pour s'attaquer à un fantôme? Natasha fronça les sourcils tant cela la contraria. Ou allait donc le monde? Mais la suite la mit encore plus en rogne!

"Avant de l’attaquer, j’aimerai tenter de lui parler si tu n’y vois pas d’inconvénients. Si je n’arrive pas à le raisonner, nous le détruirons."

Natasha ouvrait déjà la bouche pour répliquer. Mais elle devait se faire vieille car Nérys la devança. Cette stupidité, aux yeux de la sorcière noire, la mit dans une rage folle. Elle qui avait tenté l'impossible, faire alliance avec l'ennemie, se retrouva avec une utopique. Et le discours de la sous-directrice, pour elle, était totalement utopique, et naïf.

- Bonjour. Comment t’appelles-tu ? Tu es en colère ? Je ne peux pas jouer avec toi, mais je veux bien t’écouter. Raconte-moi ce qui t’es arrivé s’il te plaît.
-Bien sûr qu'elle est en colère. Mon Dieu, c'est incroyable."

La voix de la sorcière noire claqua sèchement dans l'air, elle avait compris, elle allait faire cavalier seul. S'éloignant du poltergeist et de la sorcière, elle s'approcha des murs et les observa. Natasha passa une main dans son dos et attrapa une dague qu'elle avait caché sur elle. S'ouvrant la chair sur l'index, elle laissa le sang couler au sol et entama à dessiner des runes sur le mur. La sorcière noire continua de dessiner celle-ci tandis qu'elle notait aussi des incantations et que sa douce voix s'éleva en français et non pas en anglais.

Elle allait enfermer ce fantôme, et revenir le tuer s'il le fallait. Natasha tourna alors la tête vers Nérys et ce fantôme "enfant". Son regard gris-vert clair les observa avec sévérité tandis qu'elle joignait ses deux mains et chercha dans son esprit les incantations. Dans son dos, le dessin parfait de runes pouvant emprisonner le fantôme dans ce mur en attendant d'être abattu. Non, la sorcière noire n'allait aucunement laisser le choix à Nérys de faire la paix. Ses deux mains scellées, le sang frais allant sur la main gauche alors que Natasha ferma à demi les yeux. Elle était soudain très sérieuse malgré son air pitoyable.

"Écartes-toi Nérys, maintenant."

La sorcière était blessée, mais aucunement sympathique. Il la faudrait morte pour qu'elle ne soit pas aussi dure avec les fantômes. Elle était ainsi, et rien ne pouvait la changer, aucunement...

- Bien sûr qu'elle est en colère. Mon Dieu, c'est incroyable.

Nérys avait évidemment ignoré la réplique de Natasha. Cette dernière était furieuse ; c’était prévisible. Mais Nérys n’en avait que faire ; sauver les âmes errantes étaient une des missions d’Orphéo et celle-ci lui tenait particulièrement à cœur. En effet, la jeune sorcière avait toujours de la peine pour ces fantômes. La colère, la haine, la vengeance,... C’étaient ce genre de sentiments qui les animaient et les empêchaient de trouver la paix. De ce point de vue, Natasha n’était pas très différente d’ailleurs.
Or la Sous Directrice était d’un naturel attentionné. Elle prenait soin des enfants de l’orphelinat. Elle n’aurait pu laisser une âme souffrir sans même essayer de la libérer. Surtout l’âme d’un enfant.
Elle avait pourtant conscience que sa tentative était chimérique. Combien de Poltergeist avait-elle réussi à ramener à la raison ? Si peu... Trop peu malheureusement.

Nérys scrutait donc la réaction du Poltergeist. Le fantôme resta muet mais ne bougea pas. Il ne comptait pas attaquer immédiatement, semble-t-il. Avait-il été touché par ces paroles amicales ou attendait-il qu’elle baisse sa garde ? Par prudence, la sorcière n’avança pas non plus. Son visage arborait une expression qui se voulait encourageante. Elle ne pourrait rien faire si l’esprit refusait de lui parler.
Elle allait reprendre la parole d’un ton avenant quand elle remarqua du coin de l’œil la manigance de Natasha. La sorcière noire s’était effectivement écartée pour tracer des runes de sang sur le mur. Ainsi, elle espérait emprisonner le fantôme. N’avait-elle donc pas la patience d’attendre que Nérys vienne à bout de sa tentative désespérée ? Sa voix s’éleva, brisant le silence qui régnait dans la ruelle. Son timbre avait quelque peu changé, étant donné qu’elle utilisait une autre langue, le français.

Nérys n’eut pas besoin de l’ordre de Natasha pour comprendre que celle-ci ne la laisserait pas parlementer plus longtemps. La Sous Directrice jeta à un œil à l’esprit, le regard triste. Elle pensa pourtant qu’en l’enfermant dans ce mur, il restait une chance pour elle de revenir lui parler ensuite. Elle savait très bien qu’il y avait de grandes chances pour cela échoue et qu’elle se retrouve obligée de l’anéantir. Mais cet enfant devait tellement souffrir...
Mettant enfin ses sentiments de côté, retrouvant un air plus sérieux, Nérys s’écarta sans un mot. Elle laissa faire la sorcière noire. Les incantations eurent vite raison du Poltergeist, qui n’eut pas le temps de réagir ou de s’enfuir. Le travail avait été rapide et soigné, image de l’habitude à coup sûr. En tant qu’exorciste, on ne pouvait en attendre moins de la sorcière, aussi noire soit-elle.

Le silence retomba soudainement et lourdement. Natasha mit quelques secondes à quitter sa posture tendue. Les deux femmes regardèrent alors le mur. La Sous Directrice poussa un soupir imperceptible. Elle reporta son attention sur son interlocutrice. Elle n’avait aucune envie de poursuivre la conversation qu’elles avaient avant d’être interrompues, tant il lui semblait parler à un sourd. Natasha ne voulait ni ne pouvait entendre raison. Nérys n’avait plus aucun doute là-dessus. Elle la fixa et parla calmement.

- Je ne veux pas me battre contre toi Natasha. Tu es blessée. Alors ne fais pas n’importe quoi.

Sur ces paroles, Nérys entreprit de quitter la ruelle, souhaitant que la sorcière Cross ne la suive pas dans un élan d'inconscience...

Nérys la regardait, mais Natasha n'eut aucunement pitié. Elle enfermerait ce fantôme, quoi qu'il arrive. Peut-être bien de force même si son état ne le permettait pas. Elle n'avait plus qu'à espérer, alors qu'elle détestait cela, que Nérys ne jouerait pas superman. Elle attendit quelques secondes que la jeune femme se pousse, sinon elle la pousserait elle. Mais Nérys ne fit pas d'histoire, et se poussa pour laisser la magie opérée. Natasha récita à voix haute les incantations en français, les runes sur les murs se mirent à briller, comme si elles répondaient à l'appel de la sorcière noire. Pouvait-on parler de magie noire?

Difficile à dire, mais se fut de la bonne magie. Mais chaque chose à un prix sur terre, et la magie demanda son prix, comme toute chose. Prenant les forces de Natasha, la tête de la sorcière tourna violemment alors que le fantôme fut attrapé par le pouvoir des runes. La vision de la sorcière changea, devenant un monde gris sans couleur. La magie s'en prenait à ses yeux, le prix à payer. Mais tout redeviendrait normal quand elle serait en meilleure forme, soignée. Le mur tremblota quelques secondes et la magie tomba comme de la poussière invisible. Séparant ses deux mains jointes, Natasha passa sa main sur sa bouche sèche. Elle avait un goût ferreux dans cette bouche, elle avait trop abusé, et le contre-coup allait tomber.

- Je ne veux pas me battre contre toi Natasha. Tu es blessée. Alors ne fais pas n’importe quoi.

Toujours se méfier du serpent qui dort, toujours. La sorcière n'était pas prête aujourd'hui, mais un jour oui. Un jour elle ferait face à Nérys et la mettrait à genoux, quitte à en mourir. Le vengeance et la haine sont des sentiments qui traduisent, il faut payer le prix pour les utiliser dans leur pleine jouissance, puissance. Tandis que la "bonne" sorcière partir, la sorcière noire tomba à genoux et se mit à haleter. Posant sa main droite sur son cœur, elle sentit ses battements s'affoler. La magie demandait son prix, et Natasha ne pouvait pas payer. Alors, par une force invisible, la sorcière se plia en deux et vomit du sang.

Quand celui-ci effleura son palet, quand il toucha le sol, le prix fut payé largement. La magie s'estompa, et partit comme un vendeur content d'avoir eu ses petits billets verts. La vue de Natasha était mauvaise, elle était brûlante de fièvre, la magie se vengeait de son orgueil. Son père lui avait pourtant expliqué qu'il ne fallait jamais abusé de la magie quand on était gravement blessé. Le sang sur sa cuisse coulait lentement, signe que la plaie s'était ouverte. Il fallut plus de vingt minutes à Natasha pour retrouver un semblant d'esprit, se redressant lentement, elle vacilla, toujours la main sur son cœur. Elle tourna la tête pour observer les runes enfermant le fantôme, il attendait là, le temps qu'un jour quelqu'un le tue. La sorcière fit un pas en avant, puis un autre. Elle perdait sa beauté, de sa puissance. Si elle continuait ainsi, Natasha ne pourrait jamais ramener Luka, comme elle le souhaitait. Les temps devenaient sombres, et l'avenir incertain pour Natasha Cross...

[Terminé]