Myaw & Luka
« L'enfance ne se vit pas dans l'action
mais dans quelque chose de
plus subtil, qu'on appelle
l'innocence à défaut de
pouvoir la mieux nommer.. »


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Le manoir des Cross est vaste, à l'architecture témoignant très largement de sa grandeur passée. En fait, manoir est un pauvre mot, palais serait plus approprié. Il y avait quelques années, toute la famille vivait ici, enfin, la branche principale, et quelques autres. On y voyait des tableaux des grands hommes et femmes. La luxure et la richesse s'affichaient partout. Me baladant dans ses immenses couloirs, regardant par les immenses fenêtre la lueur de la lune, je me laissais aller à quelques vagabondages. Maman m'avait donner une chambre avec une clé, et elle en avait pris une autre. Enfin, une suite plutôt. Quelques esclaves que notre famille possédait préparait un repas. Ils étaient revenu sur l'ordre de maman, pour remettre le manoir en l'état, et nous servir, naturellement. Je n'étais pas très à l'aise avec ce fait, mais je ne devais rien en montrer. Maman ne comprendrais pas. Comme je ne comprend pas. Il était tard. Nous n'étions pas que deux à l'habiter, cet énorme palais. Il y avait quelques uns des conseillers de Croix, quelques Cross qui avait échappé à la mort, mais très peu, et surtout il y avait Dorian. Ah celui là... Comme Quentin, on ne peut pas se voir.

Mes pas me menèrent dans l'une des salles à manger et je vis que la petite vingtaine de personne logeant au manoir en ce moment était déjà à table. Maman n'en faisait pas partis, sans doute occupée. Je pris place, loin des autres, évitant le regard de Dorian. Ils parlaient tous de Londres et de la défaite. Tous étaient déçus, mais cela leur avait prouvé une chose, Orpheo n'est pas si grand que ça, renverser le conseil des sorciers et humains doués ne serait pas chose impossible. Je me contentais d'avaler deux trois trucs avant de les quitter. Le regarde de Dylan, le fils de Dorian s'attarda sur moi tandis que je partais. Je n'aimais pas spécialement les gens siégeant à cette table, et à vrai dire, c'était plutôt réciproque. Tout au plus nos relations étaient cordiale, rien de mieux, sauf avec certains, mais ils n'étaient pas ici. Ici se réunissaient seulement les plus grands. Les autres n'avaient pas l'honneur de rentrer dans le manoir des Cross. Cross, qui, d'ailleurs, venait d'accueillir un nouveau membre dans sa famille. Édouard Colin Cross. Un bébé venant tout juste de naître quelques semaines auparavant. C'était le fils d'un petit fils du frère de mon grand-père, autrement dis, un lointain cousin.

Je me retirais dans ma chambre et sautais sur mon lit. Édimbourg avait ébranlé mes convictions. Je croyais qu'en partant avec maman, tout serait plus simple. Rien n'en avait été ainsi. Sauf peut être que j'étais contente de la connaître mieux. Elle n'est pas vraiment méchante. Enfin envers moi, juste elle ne sait pas comment s'y prendre. Après il était vrai qu'elle faisait beaucoup passer ses idéaux avant tout. Maman a été élevé comme ça, et pour elle ce que j'appelais mal n'était que bien. Maintenant moi je ne sais trop comment l'appeler. Elle fait ce qu'elle croit juste, ce qu'elle croit le mieux. C'est comme si on vous avait toujours dis que les humains doués ou non s'apparentaient aux singes, qu'ils n'étaient là sur Terre que pour nous servir. Vous ne trouveriez pas cela horrible, mais naturel. C'est un peu comme une religion de fanatique. Pour reprendre la phrase d'un célèbre méchant... Il n'y a pas de bien ni de mal, seulement le pouvoir, et ceux qui sont trop faible pour le rechercher. Voilà tout... Le sommeil ne tarda pas à me prendre, alors que je ne m'étais même pas changé.

Un oiseau bleu me fonça dessus et je l'esquivais en sautant plus haut que la cime des arbres rouge. Un vent sablé me soufflait dessus. Ce n'était pas un simple rêve, je savais le reconnaître, maman m'y avait largement entraîner car on ne sait jamais ce qu'on peut faire dans un rêve, et ce qu'on peut endurer. La douleur étant une information, même si elle n'est pas réelle, le cerveau l'enregistrera comme telle et on la sentira. Un lecteur de rêve m'avait emmené ici. Pas maman, je savais reconnaître sa griffe là dedans. Celui ci me semblait aussi un peu connu et avait un côté plus... enfantin je dirais. Un papillon plus gros qu'une maison agita ses ailes, créant un remous sans nom dans les drôles de sapins qui laissèrent échapper leurs aiguilles. Le sol, aussi mou que si je marchais sur un matelas était aussi jaune qu'une éponge. Je regardais autour de moi, mais je ne voyais personne. Au loin s'étendait de grandes montagnes et j'entendais de drôle d'oiseaux crier à leur sommet. Je me dirigeait vers eux quand j'entendis de tout petits pas. Je me retournais. Myaw...

- Pourquoi ne pas s'enfuir par là ?
- Parce que je ne suis pas un oiseau ! Tu sais voler toi ?
- Oui.

Et m*rde c'est pas vrai. Pas moyen d'aller ailleurs. Pourquoi Myaw, pourquoi faut-il que tout soit compliqué ? Je me mord les lèvres. Et si maman rodait dans les parages ? Non, le rêve serait sans doute bien plus froid. C'est une épreuve que je ne pourrais pas réussir de toutes façons, pas encore. Je ne pourrais pas voir les yeux de la petite princesse en larmes et le supporter. Je n'ai jamais voulu faire de mal. C'est pas vrai ! Je regarde à droite à gauche, pas moyen de s'enfuir. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle capture mon rêve ? Je suis sensée faire quoi là ? Je n'arrive pas à réfléchir correctement. Je peux quand même pas la frapper, la rejeter ? Je ne veux pas. Je me mords les lèvres et essaye de sortir de ce rêve. Mais si il y a quelque chose que je n'arrive pas à faire, c'est bien ça. Je suis incapable de contrôler mes rêves. La faute à qui ? A maman qui m'effrayait quand elle entrait dans les miens. Un ballon vert me dépasse tandis que je l'entend me hurler :

- N'approche pas !

Mon coeur rate un battement. Quoi ? Myaw m'a... repoussé ? Pandora avait raison, et d'ailleurs pourquoi aurait-elle tord ? Je savais qu'en partant je les avais tous fait souffrir. Tous. Même ceux avec qui je n'étais pas totalement proche. Pourquoi ? Je crois que la raison est simple : j'ai jeté une ombre sur le Mystery Orphanage. Il faut que je me montre dur. Je jure. Des fleurs poussent de partout pour embellir ce monde enfantin. Et je vois Myaw qui n'a pas l'air d'aimer. Une vague de ressentiment m'atteint en plein coeur. Me déteste-tu tant que ça ? Non... Non tu ne me détestes pas, bien au contraire. Hein Myaw ? C'est parce que tu me trouves égoïste que toute cette colère gronde en toi... Parce que ton prince est partie, parce que je ne te porte plus dans mes bras, et qu'on ne te lit plus d'histoire, surtout Ange... Moi aussi j'écoutais avant. Je m'approche et m'agenouille devant elle. C'est si difficile de faire comprendre ses choix parfois. Moi même je ne les comprend pas toujours.

-" Ne me juge pas trop rapidement Myaw. Je ne voulais pas vous faire du mal. Je voulais juste être avec maman."

Maman, si peu d'orphelins peuvent prononcer ce mot pour quelqu'un. Moi je le pouvais. Parce qu'elle n'était pas morte, juste qu'elle n'a pas les mêmes idées qu'Orpheo. Décidément, Pandora a semé la graine du doute et celle ci c'est largement implanté. Et si... Et si je revenais ? Non, je perdrais maman. Je ne veux pas perdre maman. Jamais.

Car un petit enfant
n'est que peu de chose
Sans sa maman.

Et je veux vivre heureuse. Pas comblée. Heureuse. Maman m'apporte du bonheur, comme m'en apportait ma vie d'avant. Mais c'est différent. C'est ma maman, la mienne, à moi, et personne ne pourra me la reprendre, personne ne pourra me forcer à la quitter. Car je l'aime d'un amour inconditionnel, et cela signifie qu'elle soit noire ou non, ça ne changera pas. Ca n'a pas d'importance pour moi...

- Non, ce qui est injuste c'est que je ne puisse pas te sortir toutes les phrases bien acides que j'avais préparées. Je pars parce que tu m'as oublié, je boude, je rumine ma rancoeur et, quand tu arrives, je n'ai plus rien à dire. Tu es là et je suis heureux. C'est tout et c'est injuste.
-Je... tu... bafouilla-t-elle
-Tu as raison ma vielle, conclut Salim en sautant sur ses pieds, allons manger.

Je regarde Myaw, comme un pieux dans le coeur. Elle hurle, hurle sa rage. Ses phrases me transperce et puis... Et puis font remonter la rage. La haine. La colère. Que sais-tu de moi petite fille insouciante ? Comprends-tu mon coeur mieux que moi ?

- MOI AUSSI JE VEUX ÊTRE AVEC MA MAMAN. MAIS MÊME SI ELLE REVENAIT, JE NE LÂCHERAIS PAS POUR AUTANT MES AMIS. ET JE N'ABANDONNERAIS PAS ANGE.

La rage déforme mes traits.

-" ET QUESQUE TU EN SAIS TOI ? ENTRE CE QUE TU DIS ET CE QUE TU AURAIS FAIS ?"

Pourquoi personne ne comprend ? Je hais le monde d'être ainsi fait. Et puis quoi Myaw ? Tu penses que tu aurais tourné le dos à ta maman ? Si toi tu en es capable, c'est que tu es un monstres. Moi je ne pouvais pas alors je suis partie. Ca m'a fait souffrir, mais le résultat est là, je suis avec ma maman... Je suis avec elle.
Avancer.
M'appuyer sur ce que j'ai vécu.
Sur ce que j'ai fait. Bien et mal.
Sur mes forces et mes faiblesses.
Mes joies et mes regrets.
Mes remords.
Avancer.

-" Luka, est-ce que tu as déjà tué quelqu'un ?"

Silence.

-" Est-ce que tu vas tuer Ange ?"

Est-ce que j'ai tué ? Oui Myaw. Oui j'ai tué. J'ai tué comme tu tueras si tu deviens exorcistes. J'ai tué comme les sorciers noirs, j'ai tué comme les exorcistes. J'ai tué pour moi et pour d'autre. J'ai tué.

-" Il y a deux réponses à cette question, comme à toute les questions : celle du poète et celle du savant. Laquelle veux-tu en premier ?"

J'ai réagis par instinct, sans vraiment répondre. C'est cette petite formulation que nous utilisions entre nous sans cesse. Entre Ange et moi. Entre Louis et moi. Entre Hayley et moi. Entre Myaw et moi... Mon coeur saigne de mes regrets.

- Plus que le discours des homme, écoute le souffle de la nuit et le murmure de ton cœur. Eux ne mentent pas.

Et le vent vole parmis nous. Il nous sourit. Ils nous sourient. Je ne comprend pas tout. La grosse baleine a disparu. Le vent l'a poussé, comme un gros nuage, le vent l'a viré, mis à la porte. Le vent est tout sourire. Un avion en papier le suit gaiement tandis que nous nous faisons emporter, comme si nous n'étions que de petites plumes. Je me laisse emporter sans lutter, je n'ai plus la force de nager à contre courant. Je ressens le besoin immense d'être méchante envers Myaw, de la blesser, pour lui faire comprendre que rien n'est plus comme avant. Pour lui faire comprendre qu'elle doit me haïr. Pour lui faire comprendre qu'un jour peut être nous serons face à face et que ce jour là elle devra me tuer. Sombres sont mes pensées. Et il rigola. Mes mots étaient vains et il le savait.

- Celle du savant.

C'est un triste sourire sans joie qui transforma mon visage. Celle du savant. Je n'ai jamais aimé le savant. Trop terre à terre et parfois si peu réaliste. On pourrait penser le contraire, mais les savants sortes parfois des aberrations. Ils appellent folle une femme qui a souffert de la perte de son enfant et son amant. Ils appellent sorcière noire une femme qu'ils n'ont pas voulu aider lorsque c'était possible. Ils appellent ennemie ce qu'ils ont fait de cette femme. Et ils feront tout pour éradiquer leur erreur. Je n'aime pas les savants.

Si tu veux absolument te battre, commence par te battre contre toi-même.

Et nous voyageons encore et encore. Les paysages défilent sans arrêt, passant par les couleurs les plus étonnantes. Je vois là un désert spongieux rose pâle sous la lumière d'un soleil sombre. Derrière nous s'étend une forêt de poissons. La mer n'est peut être pas loin qui sait ? Le monde des rêves est vraiment étrange. Je ne sais quoi répondre à Myaw. Ou je ne le sais que trop et je me bat avec moi même. Je me bats tous les jours, contre moi et contre moi. Je suis un double et une dualité, un être paradoxale. Je suis ce que j'ai été et ce que je serais. Mais ce que je suis refuse ce que j'ai été pour être ce que je serais peut être si je ne suis plus ce que j'ai été. Et ce que j'étais se bat pour que ce que je serais soit comme ce que j'ai été et non plus ce que je suis.

-" Le savant affirme que j'ai déjà ôté la vie et il a raison. Mais il dit également que je ne tuerais pas Ange."

Non je ne le tuerais pas.
Je ne pourrais pas.
Même pour avancer.

-" L'as-tu réellement cru ?"

Notre voyage au vent s'arrête et nous relâche dans un noir étoilé sans haut et sans bas. Je suis assise sur rien. L'a-t-elle réellement cru ? Je ne suis pas si différente de la Luka qu'ils ont connu. A vrai dire je suis exactement la même. Je ne tuerais jamais Ange. Jamais.

Pas de réponse. Absence totale de réponse. Bordel Myaw réagis ! J'ai l'impression de faire face à un être vide. Tu es vide Myaw ? Tu n'as pas l'air de tout comprendre. Et puis quoi ? Pourquoi je m'échine à t'expliquer ? Tu es une enfant. Une toute petite enfant. On ne peut certes pas dire que je sois très adulte... Mais tu as sept ans bordel. Sept. Je marque une pause. Comment je le sais sept ans ? Tu es né le 31 octobre, le jour d'Halloween, comme Jonathan, comme d'autres... Je ferme les yeux. Impossible d'oublier. Je me souviens de ton anniversaire, je me souviens de pleins d'anniversaire. On ne peut pas balayer une vie comme ça. Je me mord les lèvres. Tu as l'air si innocente Mymy...
Ais-je le droit d'être ce que je suis ?

- Et... la réponse du poète ?

La réponse du poète ? Mon coeur rate un battement. Je baisse les yeux. Les morts reviennent me voir de temps en temps. Non en tant que fantôme, car ils ont continués, j'en suis sûr, ils étaient tous braves. Ils viennent me voir. Ils me regardent. Jamais il ne parlent. Jamais. Ils n'ont pas l'air haineux, énervés, ou... je ne sais pas. Ils n'ont pas l'air de m'en vouloir, et c'est ça le pire. Je crois que je préfèrerais qu'ils me haïssent, comme je préfèrerais que Myaw hurle au lieu de poser de stupides questions. C'étaient des gars d'Orpheo. Des gars, des filles, sorciers, humains, je ne sais. J'en ai tué trois. Trois. Pas de sang froid, mais dans le combat. Le seul combat que j'ai fait, avec Gaël. Il m'avait embarqué dans une histoire pas possible. Et ils sont morts. Je n'aurais pas dû. Je regrette. Un peu. C'était eux, ou moi. J'ai choisi. Par égoïsme peut être. Ils avaient une famille, j'en ai une aussi. Mais il y a une chose dont je me félicite. C'est de ne pas être comme mon oncle. Enfin, comme le cousin de ma mère si on veut être précis. Gaël n'a pas pas besoin de raison pour faire souffrir ou tuer. Il préfère même ne pas en avoir. De sang froid, il se délecte de la mort et la souffrance. Je sais que ma mère me voudrait moins sensible. Mais je ne pourrais sans doute pas être comme lui.

-" Il n'y a pas de réponse du poète cette fois ci. J'ai tué. C'est comme ça. Pas par envie ni par réel choix. J'ai tué, et le poète ne peut rien y faire."

Je me lève. Un sol d'herbe, un vrai sol d'herbe, se place sous nos pieds. C'est étrange de voir un vrai sol, dans ce monde. Je relève Myaw par les épaules.

-" Je peux te confier un secret ? J'ai vu Ange. J'ai frappé Ange. J'ai été méchante. Vraiment méchante. Mais je l'ai laissé partir. Et tu sais quoi Myaw ? Il m'a laissé quelque chose. Il me l'a rendu plutôt. L'espoir Myaw. L'espoir que j'avais. Et tu sais quoi ? Je reviendrais. Quand je serais prête. Et je ramènerais maman..."

Je la regarde, sans rien dire de plus. Les Cross, ça aurait pu être ma vie. Mais je ne suis pas cette Luka là, qui aurait été élevé par la famille de sorciers noirs. Je suis Luka, j'ai été élevé par le Mystery Orphanage, par Pandora Mystery. Je suis une mêlée, avec du sang de sorcier noir. Une âme un peu sombre, mais pas assez. Je sortirais maman de là, je lui montrerais qu'Orpheo, c'est pas si mal. Même s'ils l'ont laissé tomber. Tout le monde fait des erreurs. J'ai fait des erreurs. Et quand je me souviens des orphelins et professeurs du Mystery, je sais que ça, c'est mon avenir...

Je ne sais pas pourquoi j'ai dis ça à Myaw. Peut être parce que c'est une conviction que j'ai, depuis qu'Ange est partis. Une conviction que j'avais. Que j'ai toujours eu. Je savais que ça ne durerais qu'un temps. Mais j'ai quand même voulu essayer. Pour l'amour d'une mère. Pour la comprendre, savoir ce qui l'a motivé... Je n'y avais pas vraiment réfléchis avant je dois dire. Je crois que je le savais mais je l'ignorais totalement : je voulais la ramener. La sauver. Lui raconter le monde, comme on me l'a montré, avec toutes ses couleurs et cette joie. Plus de douleur, juste du bonheur. Car c'est ce qu'on vit au Mystery Orphanage. Tout le temps. Presque tous le temps. Il y a aussi de la souffrance et de la tristesse. Mais cela devient dérisoire. Myaw vient de m'ouvrir les yeux. La petite fille de sept ans. L'âge de raison... Je ne peux pas rentrer maintenant. Il me reste un travail à faire.

Je crois que je veux changer. Changer de vie, encore... Je veux revenir là où je suis partie. Je veux revivre comme j'ai vécu. J'ai passé plus d'un an de ma vie à vivre dans le noir à me voiler la face. Passé plus d'un an de ma vie à torturer mon esprit. Je respire un grand coup. Il n'y a que ça de vrai. J'inspire et j'expire, un sourire encore hésitant aux lèvres. Le monde des rêves s'est transformé. On se croirait en Écosse. Je connais même cette falaise sur laquelle il nous a emmené. Nous étions quatre petits fous. Ange, Louis, Hayley, et moi. Louis voulait qu'on saute un par un. Il voulait commencer, mais j'ai dis, les filles d'abords ! Hay n'était pas d'accord. Moi j'ai sauté. Louis riait comme un fou. J'avais eu peur. Terriblement peur. Ensuite on a dû épluché les patates pour le repas du soir parce que c'était une bêtise. C'était dangereux. Maman ne me fait pas éplucher des patates. Maman me fait souffrir. L'apprentissage par la souffrance. Qu'y-a-t-il de pire ? J'ai au moins appris quelque chose, je n'y croyais pas assez : je ne voulais pas devenir comme maman.

- Tu promets ?

Un coup de vent plus violent que les autres fait voler nos cheveux. C'est un paysage magnifique. Je regarde Myaw. Plus tard, quand elle sera plus grande, elle fera aussi le grand saut. Tous les ados du Mystery l'ont fait un jour où l'autre. Je l'ai juste fait plus tôt. Mrs Mystery l'accepte, quand on est plus âgé, parce que l'on sait ce que l'on fait. Je savais ce que je faisais... Pas comme cette fois. Pourrais-je redevenir celle que j'ai été ? Ais-je cessé de l'être réellement ? Toute l'Écosse semble attendre ma réponse avec ces coups de vent pressants. Je regarde Myaw. Je ne souris plus. Je la regarde dans les yeux. On ne fait pas une promesse à un enfant à la légère. Je suis absolument certaine.

-" Je te le promet Myaw. Et cette fois, le poète et le savant s'accordent : ils disent qu'on ne peut pas rompre une promesse. Jamais."

Elle me saute dans les bras. J'ai un rire étrange. Il est encore faible. Comme s'il venait de se réveiller. Un rire nouveau qui peine à prendre ses marques. C'est un drôle de rêve que je fais là. Je serre la petite fille contre moi, avec fermeté mais douceur, comme avant.

-" Je t'aime Luka. Je t'aime et tu me manques.
- Je sais Myaw. Je t'aime aussi. Je vous aimes tous. Vous me manquez..."

Une larme coule le long de ma joue. Je la fais descendre pour essuyer ce torrent qui commence. Un rire cassé sort. Je rigole et je pleure. Ils me manquent tellement...