On porte en soi le germe de ses hontes,
de ses lâchetés, de ses démissions...
On ne peut pas résoudre les difficultés
en jouant à cache-cache avec elles.


lundi 8 août 10h12, Burkina fasso, AFRIQUE.

Je me lève doucement. Le soleil tape déjà fort. J'attrape des habits couleur sable, déchirés et sûrement aussi vieux que moi. Je sors de la maison qu'ils ont tous désertés. Combien était-on à dormir dedans ? Peut être une dizaine, bien qu'elle ne soit pas grande. Il y avait les parents, les enfants, mais aussi deux des grands parents. Nous sommes en plein désert, dans un petit village d'une quinzaines de cases. Je plisse les yeux, il y a peu d'ombre à l'horizon, quelques arbres pauvres en feuilles. Je vois quelques enfants courir et rire la poussière volant autour d'eux. Ils sont plutôt maigres. Les femmes préparent ensembles le repas, peut être le seul que nous aurons aujourd'hui si les hommes partis à la chasse reviennent bredouilles. Je n'ai pas l'honneur de les aider, pas le droit, pas maintenant. Cela ne fait que deux semaines que je suis là. Seulement deux semaines. Et je suis arrivé aussi faible qu'un nourrisson. Je me suis téléporté pendant toute une journée, faisant de courtes pauses, j'ai failli en mourir. Mais ils m'ont aidé. Une femme arrive et me demande gentiment dans le français d'ici :

-" On a besoin d'eau, tu peux en chercher ?"

J'hoche doucement la tête et prend les quatre bidons qu'elle me tend. Bien en chair, un sourire malicieux, des habits aux couleurs chatoyante, mais un regard un peu triste. Les femmes ici sont toutes comme ça. La famine les tient en ce moment. Je pars entouré par les enfants toujours rieurs. L'innocence... Aucun d'eux n'a de pouvoirs sauf peut être celui de n'être affecté par aucune misère. Ils me délaissent bientôt pour reprendre leur jeu plus loin. Quand je suis arrivé, ils ne me lâchaient pas. Les hommes blancs disent-ils, ne viennent que rarement, avec des cadeaux souvent. Je n'avais rien à leur offrir, si ce n'est un peu d'aide de ma personne. Je marche sur la terre sèche, sous un soleil de plomb. C'est ici que j'ai décidé de m'exiler pour expier mes fautes, pour faire taire ma honte. Parce que... Parce que je lui ai cédé.

Il y a deux semaines, à Londres. J'avais pour mission de retrouver Ren. Juste le retrouver, le ramener. Mais pénétrer dans la capitale anglaise n'est pas chose facile et je me suis fait prendre. Natasha n'attendait que ça. Je dirais pas que j'ai été torturé. Pas à ce moment là en tout cas. Frappé, un peu. Mais c'était sa menace de détruire le Mystery... Natasha Cross n'est pas une personne à prendre à la légère. Je lui ai dis où était Luka, je lui ai même avouer comment contrer les runes que j'avais personnellement posées. Je lui ai tout dis... Et j'ai dis bonjour aux cellules. Les sorciers noirs chargés de me surveiller ont légèrement jouer avec moi pour des informations, mais là je n'ai rien dis. Cependant la honte me consume. C'est pourquoi quand Londres a été reprise, je suis partis... La honte dans le coeur. Je me suis enfuis, loin de tous les regards qui pouvaient se poser sur moi, là où l'on ne me jugerais pas.

Cela fait bientôt deux heures que je marche. Je pourrais me téléporter, mais ils ne comprendraient pas comment j'ai fais le trajet en si peu de temps. Et puis cette marche dans cet enfer de chaleur me permet d'évacuer, j'expie mes fautes. Je me hais d'avoir cédé et été aussi faible. Mais si Natasha avait été sérieuse ? Je ne pouvais pas risquer le Mystery Orphanage... J'ai pourtant failli. Après avoir remplis l'eau, et après deux autres longues heures de marche, c'est ruisselant de sueur que j'arrive au petit village. Les mères donnent à boire à leurs enfants, se servent de l'eau pour la nourriture et garde le reste au frais dans une case. Elles me regardent avec gentillesse et compassion. Je ne leur ai rien dis, pourtant j'ai l'impression qu'elles savent qu'un tourment habite mon coeur. Ce sont elles qui ont soigné mes blessures que je gardais de Londres... Sans poser de question. Je m'assois sous la pauvre ombre d'un arbre maigre, prêt d'elles, attendant qu'elles aient besoins de moi, ruminant mes pensées, mon coeur lourd sous la honte...

Je me perdais dans mes pleurs incontrôlé. L'image de Natasha Cross, sa main sur l'épaule de Luka me hantait. Autant que ma responsabilité là dedans. Comment Luka pouvait-elle avoir tout oublié ? Pourquoi Natasha refusait-elle de comprendre que le bonheur de sa fille ne passait pas que par elle et son idéologie noire. Natasha a été élevée comme ça et pourtant... Pourtant je pourrais croire qu'elle changerait, pour Luka, pour sa fille, la chair de sa chair... Et pour lui ? Nathaniel... Tu m'as dis l'aimer, tu m'as dis la haïr. Et elle, t'aime-t-elle plus qu'elle ne te hais ? Aime-t-elle Luka plus qu'elle nous hait ? Nous n'aurions jamais dû permettre de laisser cette pauvre femme seule, ruminer la mort de son amour, la perte de sa fille. Tout cela est notre faute, celle de Nathaniel, d'Orpheo... Ma faute.

Takeji s'est abaissé à ma hauteur. Je n'arrive pas à calmer mes pleurs, la fierté d'un homme mis à bas, il ne reste plus rien. Mon coeur souffre de ce que j'ai fait, souffre de savoir Nérys si loin, de savoir ma famille si loin, dans l'incompréhension. Pandora sait elle. Elle ne l'a sûrement pas dis. Mais elle a compris. Peut être est-ce pour cela que ce sont deux professeurs du Mystery qui sont venus me chercher, peut être qu'elle a arrêté Orpheo. Mais pourquoi ferait-elle ça, en me sachant seul coupable ? Personne d'autre n'aurait pu être courant, ils le savaient, elle le savait. Je ne mérite pas tant de compassion.

- "Vendu" Luka? Arrête Jonathan, c'est quoi la vrai version de l'histoire? Ne te fais pas passer pour le grand méchant loup comme ça, te rendre coupable n'amène à rien.
- C'est quand je suis allé chercher Ren à Londres. Natasha m'a pris..."

Je revois parfaitement ses yeux me fixant...
Je revois toute la scène...

-" Madame ! On en a eu un autre !"

Natasha se tourna lentement. Son regard mis du temps à se concentrer sur l'homme que tenaient ses sbires. En ce moment, elle avait l'esprit ailleurs, tourné sans cesse vers sa fille, sa char et son sang. Depuis qu'elle avait libéré Nathaniel (plutôt aidé à s'enfuir car Croix et Rosenrot n'auraient pas compris), elle ne pensait qu'à Luka, toujours, obsédée, inquiète. Ren n'avait rien dit. Il ne dirait rien, elle le savait que trop. Alors pourquoi l'avoir gardé en vie. Eh bien pour l'homme qu'elle voyait devant elle. Jonathan L. Taylor. Un professeur du Mystery qu'elle ne connaissait pas plus que ça, si ce n'est le dérangeant fait qu'il se soit auto proclamé père de Luka. Un sourire féroce anima ses lèvres. Le pauvre Jonathan, quant à lui était déjà bien mal en point si elle en jugeait le sang qui coulait de son visage. D'un signe de tête les deux autres le lâchèrent et il tomba sans retenu sur le sol, pitoyable exorciste. Ils partirent, la laissant seule. Natasha le contempla de haut. Elle savait qu'elle avait devant elle un homme ne sachant mentir, un homme, que son amour pour le Mystery Orphanage, perdrait. Il essayait de se redresser et elle le laissa faire, par jeu. Il tenait à peine sur ses pattes le pauvre chaton !

-" Bien, je crois que tu sais où elle est n'est ce pas ?"

Une lumière passa dans les yeux de Jonathan. Oui il ne savait pas mentir le pauvre, oui, il le savait. Natasha laissa de côté son sourire féroce préférant un autre, plus carnassier.

-" Je te propose un marché. Je te promet la...
- Vos paroles ne sont que poisons et mensonges, et vos promesses ne valent rien !"

Natasha envoya son genoux entre les jambes du pauvre homme qui tomba à terre. Essoufflé, mal en point, et surtout emplie de douleur, Jonathan gémissait. Il se croyait fort, mais se savait aussi faible. Faible par amour...

-" Bien, je te propose la survie du Mystery Orphanage contre l'emplacement de Luka. Rien de plus rien de moins. J'ai en ce moment même trois cents hommes prêt à attaquer ton pauvre orphelinat. Les professeurs ne seront pas assez nombreux. Et ils tueront tous le monde. Homme, femme, enfant, bébé. Il suffit que je le leur ordonne..."

Cette fois ce fut de la peur que reflétèrent les yeux du pauvre professeur. Il ne savait pas si il devait la croire. Mais Natasha Cross était suffisamment convaincante, et lui pas assez fou... Il y avait trop de risques, trop de vies en danger. Nérys, Donan, Pandora, et tous les autres enfants... Jonathan aimait Luka comme sa propre fille, aussi la rendre au diable, fut-ce sa mère, ne lui était pas chose aisée. Une larme coula le long de sa joue. Oui décidément, Natasha trouvait cet homme pitoyable d'être aussi faible par amour.

-" Luka est..."

Je me prend la tête entre les mains. Natasha avait gagné. Sa folie l'avait poussé à prendre Londres, puisqu'on lui avait pris Luka. Elle nous a rendu Londres, car je lui ai rendu Luka. Il n'y avait rien de plus à dire...Mon coeur me faisait atrocement mal. Il cognait comme un fou dans ma poitrine. Je me sentais tellement faible. Faible d'avoir cédé.

-" Qu'est-ce qu'elle t'a promis Jonathan ? Qu'est-ce qu'elle t'a promis en échange de Luka ?"

Je levais des yeux pleins de larmes vers la belle Shybaï qui venait de s'agenouiller à côté de Takeji. Oh mes amis, pourrez-vous me pardonner ? Elle me pris dans ses bras en parlant d'Orpheo avant de me lâcher. Je me sentais si pitoyable. Je les regardais dans les yeux, plein de douleur.

-" Le Mystery Orphanage. Voilà ce qu'elle a promis."

Natasha savait. Savait que je ne pourrais dire non, savait que je ne la laisserais pas faire. Et pour l'en empêcher je n'avais qu'une solution. Le Mystery, ma vie, ma famille, ma femme, mes amis...

-" Alors tu as fait le bon choix... Même si ils ne le savent pas, les enfants te doivent la vie. Natasha les aurait tous faits massacrer sans état d'âme. Et ça, ç'aurait été impossible à rattraper, parce que tu sais très bien qu'on ne ramène pas les morts. Mais Luka, elle, on peut toujours la ramener."

Je soupire. Je sais. Je sais que je ne pouvais pas faire autrement. Mais j'avais tellement honte de ce que j'avais fait. J'ai rarement agis sur des coups de tête, c'est une sorte de première. Je suis partis en pensant que tout était ma faute. Natasha avait laissé les dés dans ma main, et je croyais avoir mal joué. Je n'ai pas très bien joué, mais aurais-je pu avoir un résultat différent ? Je n'ai même pas essayer de marchander. Enfin, bon, marchander avec Natasha Cross, c'est comme essayer de convaincre le diable qu'il devrait se confesser. Autrement dit, c'est carrément mission impossible. Alors quoi ? Pourquoi je suis partis comme ça ? Je ne sais pas, la honte, le sentiment que j'avais mal fait. mais pourquoi avais-je ce sentiment ? Peut être parce que Luka est tellement importante pour moi. Parce que la rendre à Natasha me paraissait peut être la pire erreur que je puisse faire. Je me sens un peu stupide. Même un peu beaucoup stupide.

-" À ta place, nous aurions tous fait la même chose et Mrs Mystery la première. Et je suis sûre que, si Luka savait ce que tu avais fait, elle te serait reconnaissante de ne pas avoir sacrifier l'orphelinat pour elle. Tu n'as pas fait le meilleur choix Jon, mais simplement le seul qui t'étais possible.
- Le seul..."

J'ai un pale sourire. Je déteste quand la vie ne nous offre qu'un choix et que ce n'est pas celui qu'on aurait aimé. La vie est dure. Elle m'a forcé à faire quelque chose que je n'aimais pas. Et puisque c'est stupide d'en vouloir au destin, du moins je trouve, je m'en voulais à moi même. Ce qui est tout de même tout aussi crétin. Au moins aussi crétin si ce n'est pas plus. Je me mord la lèvre. Je regarde Take et Shybaï, qui sont venues me chercher. Ils sont venus. Et ça, ça veut bien dire quelque chose. Pandora me manque, Nérys me manque, les professeurs me manquent, les enfants me manquent. Et c'est pas en restant comme un abruti parfait ici que ça avancera cette histoire. Je me relève. J'hoche la tête. J'hoche pour dire que je rentre. Je me détourne d'eux. Je vais voir les femmes. Elles me regardent. j'ai l'impression qu'elles ont déjà compris. Ces femmes là sont vingt milles fois plus forte que moi. Je souris.

-" Tu t'en vas ?
- Oui.
- Maintenant ?
- Je crois que ça vaut mieux.
- Tu veux pas rester manger avec nous ? Regarde, les hommes rentrent, ils ont de la viande ! Et il nous reste pas mal de légumes !
-D'accord !"

Je rigole doucement. Elles ne m'auraient pas laisser partir comme ça. Jamais. Je me serais fait taper sur les doigts. Elles me demanderont de passer les voir de temps en temps, ça n'a aucun doutes. Elles sont gentilles, bien plus que la plupart des gens. Effectivement, les hommes arrivent, les enfants leurs courent après. Ils ont de quoi manger. Même celui qui était partis dans la grande ville il y a quelques jours est de retour avec eux. Il apporte d'autre vivre et des cadeaux. Quand ça se passe comme ça, c'est la fête ici. Le fait que je pars ne fait sans doute qu'ajouter à cette ambiance.

-" Elles nous invitent à partager un repas avec elles. On a pas trop le choix. Merci."

Je me détourne. Ils me suivent et nous allons aider. Les hommes préparent les bêtes et les femmes commencent la cuisine. Les enfants nous embêtent gentiment. Ils posent plein de question à Takeji et Shybaï. Ils veulent savoir d'où ils viennent et tout un tas de truc. Je suis obligé de traduire et je le fais avec sourire. Je dois être heureux.

FIN