Je suis partis depuis deux jours maintenant. L'Islande. Dorian m'a demandé d'y faire un tour. Je hais le fait qu'il me donne des ordres. Dorian et moi, je dois dire c'est pas l'amour fou. Enfin, je l'aime bien, et lui de même mais on passe notre temps à se chamailler. Alors forcément, quand c'est un ordre de Dorian, je ne peux que râler. Mais je l'aime bien quand même, un peu. Alors voilà, j'avais pris l'avion à Paris pour atterrir à Reykjavik, sous un soleil froid. Nous arrivons dans une période où il ne fait plus jour longtemps ici, malheureusement. Après une sortie dans un bar, j'étais rentré à l'hôtel classe que j'avais loué (quand on est un Cross, qui plus est dans les hauts rangs de croix, on peut tout se permettre non ?). Hier je suis allé voir le gars que Dorian voulait recruter. Ce type est un malade, comme moi, et j'aime ça. Je me souviens encore de notre entrevue, dans les détails, tant il m'a marqué.

La rue était miteuse. Le gars aussi.
Un coup de vent énorme balayais le sol, et faisait trembler les passants. Sombre était le jour, alors qu'il n'était que 17h13. Et je me tenais devant lui, la main prête à dégainer le desert eagle accroché à ma taille.

-" Bonjour, je m'appelle Gaël Cross."

J'avais parlé dans un islandais parfait, mais sûrement avec un accent français vu que c'est en utilisant cette langue qu'il me répondit :

-" Et quesque j'en ai à foutre ? Va te faire voir !"

Ce type n'avait aucune idée à qui il s'adressait. On ne me traitait pas comme ça, moi, un sang pur. Je décidais donc de le punir de son arrogance. La souffrance qui s'insinuait en lui ne le fit pas broncher, surtout qu'à son niveau, il se devait d'être capable de repousser quelque peu mon pouvoir. Il avait mal cependant, je savais le voir dans ses yeux sombres. Sa peau pâle se rosit aux joues et sa mâchoire se contracta. Un grand sourire étirait largement mes lèvres. Notre entrevue pouvait commencer.

Aujourd'hui je me balade dans la campagne, loin de tout, loin du monde, histoire de réfléchir un peu. Je trouve Natasha de plus en plus faible. Et je trouve que son ventre s'arrondit. Serait-elle enceinte ? Je ne pense pas que ce soit dû à un gain de poids. Pas Natasha. Qui serait le père ? Je commence à me poser toutes sortes de questions sur sa qualification à gouverner Croix. Si le père était un humain ? Cette fois ni les Cross restant, ni Croix ne laissera passer cet enfant. Luka avait l'excuse d'être beaucoup plus sorcière qu'humaine. Et encore. Si Natasha meurt, Luka aussi. J'y veillerais personnellement. Mais si le père est sorcier, alors Natasha aura un digne héritier, je l'espère pour elle. Je laisse la magie noire m'échapper, sous la fureur. Il est hors de question que Natasha ruine les Cross, même si elle ne le fait pas exprès. Heureusement, pas d'innocent en vue. Tant qu'on est pas sûr de vaincre Orpheo et de pouvoir les dominer, on suit la conduite d'Orpheo, c'est à dire pas d'innocent au courant de la magie. Ca pourrait nous compliquer les choses. Et je laisse une flamme brûler le ciel, sortant de mon corps comme le sang d'une plaie, lame de colère. Et un petit "Bonjour" derrière moi." Je me retourne. Humaine. J'en suis presque sûre. Magique. Certain. Je ressens sa magie sombre. Encore pire, humaine noire. Je la regarde avec mépris.

-" Tu devrais traîner à mes pieds au lieu de sourire bêtement."

Je regarde cette misérable humaine. Une bête, une esclave à la limite. Moins qu'un chien. Mon mépris envers les humains est à son paroxysme. Ils ne sont rien et nous sommes tout.

Je la regarde comme le misérable insecte que je rêverais d'écraser. Elle est là, insignifiante, devant moi, refusant de plier à mon bon vouloir. J'ai les pensées qui tournent à fond, sans interruption. Je vois ses lèvres bouger mais je n'enregistre pas tout de suite le message. Quelque chose me perturbe.

-" Tes pieds sont bien trop bas. Et je ne vois pas ce que j'irai faire là-bas."

Je serre les dents. Pour qui se prend-elle ? Je sens quelque chose me toucher, doucement, m'approcher. Je n'en comprend pas la nature. Pas le moins du monde. Magique ? Je ne sais pas. C'est un toucher léger, presque imperceptible. Et pour un peu ça me rendrait presque patraque. Je sens ma volonté fléchir. Ca caresse mon coeur et mon âme, mon être tout entier. Ca calme mes ardeurs et mes passions, et apaise mes haines violentes. Pourtant je le sais, je le sens, ce n'est pas quelque chose que j'ai envie, mais c'est inéluctable. C'est désagréable au possible. Je ne me reconnais plus. Je n'arrive plus à réfléchir correctement. Je la regarde, simplement agacé et m'apprête à reprendre mon chemin. Mais mes pensées se perdent tellement que je n'arrive même pas à mettre un pied devant l'autre correctement. C'est comme si... comme si elle avait envoûté mes sens et mes sentiments. Et je n'arrive même plus à la haïr. Mais quesqu'il m'arrive ? Je trébuche pitoyablement et tombe à terre, à ses pieds. Tremblant sous de telles émotions si peu habituelles, je relève le regard.

-" Que m'avez-vous fait ?"

C'est une voix que je trouve fluette qui sors de ma bouche, bien loin de mon arrogance et mon impérial ton habituel. Est-elle charmeuse ? C'est possible. Mais alors pourquoi ça me fait autant d'effet ? Je veux parler d'effet physique. J'ai très chaud. Pourtant ici en Islande, ce n'est pas la chaleur qui règne en maître. Je tremble de tout mon corps. Et je me hais d'être à ses pieds. Mais je ne la hais plus d'être ce qu'elle est. C'est comme si tout mes ressentiments retombaient sur moi et qu'elle n'était plus que quelqu'un qui me faisait de l'effet. C'était rageant et humiliant au possible. Je n'avais même plus la volonté de la punir pour ses actes, de la torturer. Pfffiou, envolé ! J'essaye de me relevé mais je titube trop. Il parait que lorsqu'on fait ressentir des sentiments complètement incohérent avec la personne, celle ci ne sens pas bien, comme si elle n'était plus elle même. Moi je me sens spectateur de mon propre corps. Comme si je n'en avais pas vraiment les commandes.

-" Vous êtes Charmeuse..."

C'était une simple affirmation. Je connaissais pas mal de don et pouvoir et leurs effets. Je savais que les charmes étaient plus ou moins puissant si la personne était ou non du sexe opposé. Ce qui était le cas. Et de plus je savais aussi, heureusement, que cela ne durerait pas. Il faudrait de l'alcool pour que ça dure, de la drogue, ou alors plusieurs charme. Mais elle s'épuiserait avant. Et elle n'a pas l'air d'avoir d'alcool. Le fait que ces substances endorme la vigilance et l'esprit aide à la durée du charme. Je n'arrivais pas à me relever et la honte grandissait en moi. Je me sentais tellement humilié, par une humaine...