La porte du bureau d'Ed s'ouvre violemment.

- ON NE CLAQUE PAS LA PORTE !
- La ferme.

La porte gromelle mais ne pousse pas plus loin. Ed la referme brusquement, mais sans la claquer. Parce que quand même, il l'aime bien. Et puis, si il est méchant avec elle, elle ne l'avertira plus de qui sont les gens qui toquent à la porte, de sorte qu'il puisse se cacher sous son bureau et prétendre être absent quand c'est quelqu'un qu'il ne veut pas voir -en général parce que la personne est furieuse contre lui-.
Très pratique la porte interphone, vraiment très pratique.
Il lance ses chaussures sur le côté d'un mouvement abrupte du pied droit d'abord, puis du pied gauche ensuite. Parce qu'il AIME être en chaussettes, oh que oui. Chez lui, y'a deux tiroirs consacrés uniquement aux chaussettes. C'en est presque un fetichisme. Aujourd'hui elles sont blanches. Demain elles seront blanches. Après demain noir. Après après demain violettes. Il a déjà prévu tout le mois comme ça.
Oh, ça, ça va être un bon mois. Janvier, ça caille sévère, et ses pieds seront bien au chaud oh que oui. Il en oublie presque pourquoi il est entré en rageant dans son bureau.
Aujourd'hui, en plein mois de janvier dans la capitale Anglaise, Edwin Axel Al Hattal 30 ans a utilisé un passage piéton pour la première fois de l'année. Et il a failli se faire écrabouiller comme les hérissons imprudents sur les routes -une minute de silence pour les hérissons-.
...
...
Reprenons. Eddie a failli finir écrasé. En temps normal, il passe par les toits, les égouts même des fois -bonjour l'odeur, mais il a toujours sur lui de quoi masquer tout ça, c'est un génie n'oubliez pas-, il y a deux semaines il s'était carrément accroché à un camion qui roulait tranquillement en ville. Les gens avaient cru qu'il tournait un film et avaient applaudi.
Et bref, aujourd'hui, il a pris le passage piéton et a failli finir en bouillie.
Bordel.
Tous des dangers de la route, tous. Ah si il pouvait leur coller des contraventions ! Et vlam vlam vlam, il lui faudrait trois carnets par jour au moins. Son commissariat ferait fortune.
Sauf qu'à la police magique, on ne colle pas de contraventions. C'est une HONTE. Une véritable honte selon lui. Il se dirige vers sa chaise, s'y laisse tomber avant de promptement lancer ses pieds sur le bureau, et de croiser les bras en se marmonant des trucs à lui même sur comment il signerait avec un plaisir sadique 160 contraventions par jour parce qu'il en est capable, et comment il appellerait la fourrière sous le nez des propriétaires de voitures mals garrées, ou comment encore il guêterait aux feux rouges, déguisé en mamie. Il irait même chercher le Yorkshire pour faire plus vrai.
Le joli Yorkshire avec un noeud dans les poils.
Eddie se met à glousser comme une lycéenne avec sa main devant la bouche en imaginant le-dit Yorkshire. Oh non, trop drôle le clebs.

- As-tu conscience d'être hautement ridicule ? Ton prédécesseur a vraiment, vraiment fait une très mauvaise sélection ici, je regrette le temps béni où la personne assise à ce bureau était quelqu'un de responsable, d'assidu au travail et de sérieux... Si seulement cela pouvait changer. Oh Dieu des Chaises, exauce moi...

Ça, c'est la chaise. Et elle tape sur les nerfs d'Edwidwi depuis un moment. Surtout qu'il n'aime pas du tout qu'on lui dise qu'il fait du mauvais travail. Ego mal, très très mal placé oui en effet. Du coup il cesse de glousser, et retire ses pieds du bureau, pour ensuite se redresser et décroiser les bras. Puis il se lève et s'exprime à voix haute:

- Le Dieu des Chaises a entendu ta prière, il va y accéder dans trois, deux, un... T'es virée félicitations ! Virée, virée, vi-rée.

Sourire narquois satisfait et quelque peu moqueur.

- M. Al Hattal, vous êtes un gros nul.

Son sourire s'écroule comme un château de cartes, et il met sa capuche sans un mot avant d'empoigner le dossier de la chaise roulante. Et puis le voilà passé par la porte de son bureau, sans même prendre le temps de remettre ses chaussures, chaise à sa suite au bout de son bras.
Quand il se promène ainsi, la capuche relevée et enfoncée jusqu'au nez, c'est comme si il y avait un petit panneau "do not disturb" accroché à son épaule. Direction ? La fenêtre qui a vu le baptème de l'air du premier rouleau de papier toilettes volant il y a quelques années.
Sauf qu'à ne pas regarder devant lui, il butte dans quelqu'un et manque de se ramasser parce que la chaise roule, et lui, il est en chaussettes sur un sol glissant.
Forcément, on est pas sensé marcher en chaussettes ici hein.
Son regard file sous sa capuche qu'il est obligé de légèrement relever pour regarder la personne avec qui il vient de jouer aux autotemponeuses.
Mais c'est M.Boss sexy ! Accessoirement John, et son ami.

- John ! Je euuh... Fais visiter les locaux à cette chaise qui... Non en fait elle me les brise et je voulais la jeter dans la Tamise pour voir quel bruit ça fait.

De toute façon, au point où il en est. Un grand sourire se dessine sur ses lèvres.

- Tu veux observer l'expérience avec moi ?

- Vous ne pouvez PAS me faire ça, je vaux TRES CHER !
- Et moi je suis TRES RICHE.
Vu vos fiches de salaire, j'en doute.
Au moins, moi je suis payé, même quand on s'assoit sur moi.

La chaise ne réplique pas, et le sourire d'Ed s'agrandit.

La chaise ne dit plus rien. Elle n'a même pas peur, et c'est même pas drôle. Forcément, une chaine ne peut pas se noyer... Elle continuera à voir des poissons pour le restant de sa vie, ou peut être qu'elle sera repêchée.
Mais dans tous les cas, aujourd'hui c'est décidé, Ed change de siège ! En tant que directeur d'une section de la police magique, il estime même avoir droit à une chaise massante. Ça vaut combien ces trucs au juste ?

Heh psst. Psst. PSSST ! Tu sais qui je suis ? Tu le sais ? Je suis le caleçon de John !

Le sourcil gauche du mêlé a un tic nerveux très bref.

J'ai pleiiin de choses à te raconter.

Edwin se pince l'arrête du nez. Non pitié tout mais pas ça. Faites qu'il se taise. Franchement, des fois il se demande si en fait il n'est pas réellement barge. C'est vrai quoi, est-ce que c'est vraiment un don, ça, d'entendre les objets parler ?

Et le matin quand il se lève...

Parce que franchement, en philo on lui apprenait que les objets n'ont pas de conscience. Alors c'est peut être un tour de son esprit. Même carrément une malade parce que ça dure depuis un sacré bout de temps. Ça se trouve, quand c'est arrivé pour la première fois, il avait avalé un truc nuisible, et maintenant il le paie.

Et cette fille l'autre jour, j'ai tout vu, tout !

Et il le paie même très cher. Pourtant, y'a des objets qu'il n'entend pas parler. Sûrement qu'ils sont trop faibles. Y'en a qui sont beaucoup trop bavards. Et d'autre encore, qu'il arrive à bloquer. Même si pour le moment, il a encore du mal. A quoi ça sert d'être un génie si il ne peut pas apprendre plus vite que les autres à maîtriser son don et à bloquer son esprit, hein ? Il était peut être tellement mieux quand il ignorait l'existence de la magie finalement...
Même si ça a quand même de vachement bons côtés ! Bah ouais, depuis qu'il sait qu'il a des pouvoirs, il grimpe encore plus vite partout parce qu'il sait quoi entraîner.
Top fun.
Cette histoire de caleçon en revenche...

Sinon niveau taille...
- John, par pitié ferme ta braguette.

Et il commence à se réciter mentalement un poème syrien pour bloquer le flot de paroles vraiment pas très catholiques du caleçon. Qu'on le fasse taire, le tissu du jean devrait être suffisant pour l'étouffer.
Bon forcément, ça fait toujours un peu bizarre de demander à son supérieur de boutonner son pantalon, au milieu d'un couloir. Encore plus de lui avouer que son propre caleçon est en train de conter ses exploits au lit sans aucune honte.
Peut être encore plus de s'avouer à lui même qu'il aurait bien aimer vérifer si tout était vrai, par ses propres moyens.
Pcht. Pensée à banir, on ne fait que fantasmer sur le supérieur hétéro, c'est tout. C'est un jeu, et cela doit le rester.
Le mêlé soupire.
Et puis la chaise ricane.
Alors il se souvient de la chaise, et du baptème de l'air qu'elle doit accomplir aujourd'hui même, sans report possible. Et que vu la tête de John, il a ENCORE parlé à voix haute avec un objet. Il serait temps d'apprendre à être plus discret.

- Elle t'a fait quoi, cette chaise, au juste?

Elle l'a traité de gros naze, voilà la vraie raison.

- Elle est insolente ! Et j'aime pas sa voix.

Qu'il a l'air complètement fou le petit Eddie quand il dit ça. Rappelez-vous qu'il cause d'une chaise. Si si, une chaise.
Mais une chaise qui parle, attention. Dommage qu'il soit le seul à l'entendre.

Tu ne te sens pas trop seul des fois ?
- Trop.

Ah ha, cette fois il l'a fait mentalement.

- Tu viendras avec moi en acheter une nouvelle ?

Grand sourire innocent de la part d'Eddie. Après tout, c'est normal d'inviter son supérieur à venir acheter une chaise avec lui, pas de problèmes. Nan mais en plus, Ed n'aime pas les magasins de meubles. Les magasins de meubles, c'est pire qu'une animalerie pour Edwin. Dans une animalerie, les chiots viennent se coller aux vitres et couinent quand on passe à côté, dans l'espoir qu'on s'occupe d'eux. Mais des chiots, c'est trop mignon. Alors Ed leur pardonne le bruit.
Maintenant des meubles. C'est pas mignon. Et ça braille pour qu'on les dépouissère -les modèles d'expositions sont toujorus affreusement grognons, et jaloux de ceux qui se font vendre-, et ça braille pour qu'on les monte, et ça braille pour qu'on leur rende la pièce volée dans un paquet ouvert, et ça se dispute avec son voisin... Certains sont même claustrophobes. Une armoire clostro... Ce jour là, Ed avait dû quitter le magasin, parce que c'était pas possible. Elle aurait filé le mort et une dépression à un Bisounours endurcit.
Eddie reprend sa route en chaussettes dans les couloirs. Comme il n'a pas de chaussures, et que les couloirs glissent, il s'amuse à trainer des pieds, pendant que la chaise guête patiemment le moment où il va se casser la gueule et où elle pourra rire, tellement fort que même John l'entendra.

- Et sinon John, tu faisais quoi dans les couloirs au lieu de bosser toi ?

Le "au lieu de bosser" est évidemment prononcé sur un ton amusé. Sinon ça serait assez mal placé de la part du type qui promène sa chaise.

- Quoi?

Fallait qu'il soit en manque de café maintenant celui là ! Vu sa tête, ça ne peut pas être autre chose.

Et maintenant, chantons ! Il en faut peuuu pour être heureux, dépêche toi de fermer ta braguette...
- Seraient-ce de gros nuages noirs que j'apperçois au loin ?
- La ferme.

Décidemment, le courant ne passe vraiment pas entre Ed et la chaise. A ce stade de relation du couple, il est peut être bon de demander le divorce. Ce qui est bien quand on est pas mariés officiellement, c'est que le divorce peut être très rapide.

- Désolé.

L'homme referme finalement sa braguette, et Eddie relâche une respiration qu'il n'avait pas conscience de retenir. Cette histoire de fantasmer sur le derrière de son supérieur commence à prendre des libertés et à sortir des limites qui lui ont été imposées. Pcht, pas bien du tout tout ça. Oui parce qu'aux yeux de Ed, ce petit matage personnel est un mouton: enfermé par une cloture, à ne pas dépasser. Parce de de l'autre côté de la cloture, se trouve l'herbe toxique "hétéro". Enfin, toxique uniquement pour Ed et sa libido, bien évidemment.

- Acheter une quoi?

Le mêlé sent un petit sourire se dessiner sur ses lèvres.

- Manque de café ?

Oh il peut faire le malin lui hein. Grand copain de la machine à café, ils peuvent avoir de longues discussions que seul Ed comprend. Et après, on le voit ricaner tout seul à côté de la machine, comme un maniaque. Un peu flippant. Des fois, la machine fait des tests. Elle se dérègle toute seule, fait un café chelou, et demande à Ed son avis. Et des fois, Ed, quand il juge que c'est vraiment dégueulasse, et que ça serait donc très marrant que tout l'étage en profite, il dit à la machine de continuer sur sa voie.
Ed, il fait vraiment des blagues de merde quand il s'ennuie. Parfois, il appelle un membre du service au hasard, et fait une farce téléphonique. Ça va de la livraison de pizza non désirée, à Ed fait un malaise dans son bureau venez le sauver vite vite vite.
Evidemment, quand la personne arrive en catastrophe, il est soit caché sous le bureau, soit mort de rire dans un coin.

- Ah! Acheter une chaise! Oui, bien sûr.

Bien sûr ! Allez tous acheter une chaise, c'est un grand évènement.
Ed continue de se sourire à lui même en glissant -littéralement- dans les couloirs. En fait, la chaise roule tellement bien qu'il est très tenté de foutre quelque chose dessus, et de pousser la chaise le plus fort possible pour voir.
Oui, Ed est un grand expérimentaliste qui s'ignore.

- Parfait. Tu crois que je peux faire passer ça pour une dépense de travail et envoyer la facture à Orpheo ?

Regard innocent de la part d'Edwin. C'est pas comme si il demandait ça au grand chef de la Police Magique, hein. De toute façon, ils ont bien les moyens de payer une pauvre chaise, après la disparition tragique de la précédente. Ils ne voudraient pas que leur Eddie n'attrape un mal de dos terrible qui l'empêche de mettre sa signature sur les petits papiers plus ou moins importants qui passent par son bureau tous les jours, voyons. En plus, il a une jolie écriture, Edwin. Bien lisible, claire, soignée, propre, agréable à lire, en bref: une écriture de fille.
On ne peut pas tout avoir.

- Quelle répartie Edwin.

Edwin lui sourit par dessus son épaule. Mais voyons, lui il n'ère pas dans les couloirs. Non, lui il se traine une chaise qui l'empêche de travailler. Donc il va la jeter à l'eau. Et ensuite, pour reprendre le travail, il lui en faudra une nouvelle.
Du coup, la sortie risque d'être avancée, et Edwin va prendre un jour de congé sans en avoir l'air.

- En fait, je cherche le meuble qui contient la machine à café, j'en peux plus là.

Oh, ça se voit John, ça se voit.

- Ça te dis, on jette ta chaise par la fenêtre, et tu m'aides à retrouver ce foutu meuble?

Eddie s'arrête pour faire mine de réfléchir en regardant le plafond. Et puis il retourne ses yeux clairs sur ceux de John avec un sourire en coin qui n'annonce rien de bon.

- Ça marche. Je lance, tu filmes. Comme ça je le montrerai à la prochaine chaise, pour qu'elle se tienne tranquille.

Sur ce il reprend son glissage, tourne au bout du couloir, et continue sa route.

- Tu vois la fenêtre au bout là bas ? Tu diras bonjour au rouleau de PQ de ma part, si il ne s'est pas déjà désintégré dans l'eau.
- Tes menaces n'ont d'égal que tes chances d'avoir une touche avec M.Smith. Si tu crois que je n'ai pas remarqué...

L'homme se rembrunit très visiblement, et fusille la chaise du regard. Pourquoi ces machins notent-ils tout ce qu'il ne faut PAS noter, hein ? Grr...
Il sourit du coup très méchamment quand il arrive devant la fenêtre, et l'ouvre bien grand. Un coup d'oeil dehors pour vérifier qu'il n'y a rien ni personne dans la tamise suceptible de se prendre une chaise -sait-on jamais- et il attrape l'odieuse...

- Tu ne peux pas faire ça, non non non ! J'ai...

... Avant de la lancer le plus loin possible dans l'eau.

- J'ai peur des poissoooooooooooons!

PLOUF.

- Bon débaras.

Il s'en frotte même les mains l'une contre l'autre comme pour les dépoussiérer.
Il referme la fenêtre parce que dehors, ça pèle méchant. Et puis il se tourne vers John.

- Alors cette machine. Elle était où la dernière fois ? Pense à l'enchainer, parce qu'elle aime beaucoup disparaitre quand toi tu en as besoin.

Sans rancune la machine, Eddie vient de te balancer.

Ce pauvre John a l'air tellement désolé. En plus il tire une tête de zombie parce qu'il est en manque de café -et là Ed se félicite mille fois intérieurement de n'être dépendant d'aucun truc commestible-, et en plus il a un guignol un peu dingue en face de lui.
Oui parce que bon, Ed le sait bien aussi, vouloir lancer une chaise par la fenêtre parce qu'elle est insolente est un signe de folie.
Il entend presque déjà les sirènes au loin, et les messieurs en blouse blanche venir le prendre par la main pour l'emener au pays enchanté des fous. Parce que le pays des merveilles d'Alice, c'est un pays de fous. Alors, ça veut dire que seuls les fous ont accès au pays des merveilles.
Conclusion: l'asile, c'est en fait la porte du Pays des Merveilles.
CQFD. Et un jour, Ed ira, juste pour voir Cheshire.

- T'as fini de rire? Se moquer d'un supérieur, tu sais ce que ça peut te coûter?

Ed arrête de ricaner par politesse, et parce que John peut quand même être un supérieur effrayant quand il s'y met. Ed est pratiquement convaincu que des fois, il doit avoir de grands rêves de mégalomanes où il vire tout le monde. Les grands, les gros, les beaux, les moches, les hétéros, les gays, les hommes, les femmes, les secrétaires, les stagiaires, les employés, les chefs de bureau, tout l'monde dehors.
En fait, il a lui même rêvé une fois qu'il se faisait jarter à coup de pompes dans le derrière. Depuis, il vérifie toujours quelles chaussures porte John quand il est en colère contre lui.
Des fois que...
Bref. Eddie hoche la tête, et retient une réplique qui lui pend aux lèvres.

- Désolé, tu sais comment je suis en ce moment, avec toutes ces conneries que font les Humains Noirs pendant qu'on se tue à la tâche pour organiser les J.O.

Le mêlé a un sourire désolé. C'est vrai qu'ils sont débordés. Et sur qui ça retomble inévitablement tout ça ? Sur les chefs. Toujours sur les chefs. Et comme John c'est le super-méga-chef-suprême... Comme les boss finaux dans les jeux. Mais alors un boss méga sex, qui donne bien envie d'arriver à la fin du jeu.
Ed se fout une baffe mentale. Voilà qu'il dérape à nouveau. Ce phénomène de plus en plus récurrent finira par lui jouer un mauvais tour, il le sait. Mais comment demander à John de se déguiser en poubelle pour éviter qu'il ne fantasme dessus ? Quoi que, même la poubelle n'y ferait pas effet, ça se trouve.
La grande tape dans le dos de John le ramène sur Terre. Du même coup, il a un mouvement involontaire d'éloignement. Il fait un pas sur le côté en tressaillant légèrement. On mettra ça sur le compte de sa bizarrerie.
La vérité étant qu'en fait, il ne s'attendait pas à recevoir un contact de John alors même qu'il se faisait des films.

- Allez! Cherchons la cette machine!

Ouais, la machine. La machine. Quand John ne bosse pas, John court après la machine à café.

- Pourquoi tu ne mets pas une cafetière dans ton bureau d'ailleurs ?

Tout en parlant il avance les mains dans les poches. Il a sa petite idée d'où peut se cacher la machine. Faut dire qu'elle va toujours aux mêmes endroits, alors bon... Elle va lui en vouloir de l'avoir balancée, mais il fera semblant d'être tombé dessus par hasard.
Quand il voit cette machine, Ed ne peut jamais s'empêcher de penser qu'en fait, la vie d'une machine à café doit être bien remplie. C'est vrai quoi, ça n'arrête pas de tourner. Y'en aura toujours au moins un en mal de boisson. Puis les machines à café, contrairement à leur nom, ne servent souvent pas que du café. Une fois Ed en a parlé avec la machine. Elle lui a raconté qu'elle rêve de devenir distributrice de jus de fruits. Elle avait l'air tellement triste qu'Ed lui a promis qu'un jour, il la remplira avec des jus, et qu'elle pourra les servir.
Tout du moins jusqu'à ce qu'on les enlève.
c'était l'année dernière, et depuis il attend le premier Avril de cette année pour tenir sa promesse.
Oui, autant faire d'une pierre deux coups.
Eddie tourne au coin d'un couloir. Il sait que la machine est là, parce qu'il l'entend chantonner "A la claire fontaine".

- Elle est en train de chantonner derrière le mur là bas.

Un sourire en coin se dessine sur les lèvres d'Edwin. Quand même, c'est trop drôle quand on y repense. Sacré machine.

- Ed ! Ed non, regarde ce que t'as fait ! J'étais trop bien cachée quoi !
- Désolé, désolé, mais regarde sa tête. T'as pas un peu de pitié ?
- ... Si mais je ne te pardonnerai pas. Tu m'as toujours pas ammené mes jus en plus ! T'es trop nul Ed.
- Heh ! J'ai pas oublié, patiente encore un peu, ils vont arriver. Il faut juste attendre le bon moment.
- C'est jamais le bon moment avec toi.

Ed soupire. Décidément, y'en a aucun qui l'aime aujourd'hui.
Il se décale de devant la machine qui le boude, pour que John puisse y avoir accès.

- Tu peux m'en servir un aussi s'il te plait ? Elle va me cracher son eau brulante à la figure si j'approche trop près.

Et après il finira défiguré, et plus personne ne voudra de lui et surtout pas John.
D'ailleurs en parlant de John...

- John, je vais te poser une question bizarre mais t'as l'habitude: tu as une copine ?

Il lance tout ça d'un air nonchalant en attendant son café. Alors que dans sa tête, il cherche en même temps une issue à la conversation, pour répondre au presque inévitable "pourquoi" qui risque fortement de franchir les lèvres de John.

- Bah, faudrait pas que je reste cloîtré dans mon bureau toute la journée non plus.

Oh, c'est vrai.
Ed se sent quand même un peu désolé que la seule sortie du grand patron soit la recherche de la machine à café quand il est au bureau. Bon en même temps, tout ne monde ne peut pas faire comme Kurt -punaise, il est sexy celui là aussi, Ed a vraiment trouvé un filon- et se balader de service en service comme une fleur. Ni comme Ed et errer en chaussettes dans le bâtiment quand il en a marre.
Quand il en a par dessus les cheveux, il claque la porte de son bureau et va faire un tour. Un tour au sens propre. C'est à dire qu'il fait le tour bu bâtiment, et retourne dans son bureau quand il se retrouve à nouveau devant sa porte. Stupide vous dites ? Selon lui c'est très intelligent, parce qu'il n'a alors pas à se concentrer sur sa route et peut beaucoup mieux évacuer. Il sait que de toute façon, il reviendra à son point de départ.

- Tu pourras toujours sortir avec ton café à la main... Pour narguer ceux qui cherchent la machine par exemple.

Ed se retient de pouffer, parce qu'il trouve que les gens, quand ils cherchent la machine, ils sont toujours trop drôles. Déjà ils ont pour la plupart une tête de zombie. Ensuite, on dirait qu'une guerre nucléaire est en court tellement ils ont l'air désespérés. Des fois ils viennent le voir "pitié M. Al Hatal, retrouvez nous la machine à café" -oui Ed déforme leurs propos-. Des fois ils ne prononcent pas le "h" quand ils disent son nom. Ils débarquent et font "alatal". Et Eddie il aime pas qu'on écorge son nom. Pas du tout même. Lui, il n'écorche jamais celui des autres, alors y'a pas de raison. Dans ces moments là il prend son regard de méchant supérieur hiérarchique tiranique et fixe le profanateur jusqu'à ce qu'il batte en retraite la queue entre les jambes. Il balaie ensuite la foule de manants du même regard, et quand il a réussi à faire fuir tout le monde, il se sourit à lui même et reprend sa route, satisfait de lui même.
Mais aujourd'hui c'est John, et John il n'écorche jamais son nom. De toute façon, John l'appelle par son prénom. Et puis John lui tend un café. Alors John c'est un gentil. Trop attirant pour son propre bien, mais c'est un gentil.
Eddie souffle sur le café en le tenant par l'anse de la tasse. Ils sont bien chanceux d'avoir des tasses. Parce qu'il y en a, ce sont des gobelets. Dire que des ingénieurs sont payés une fortune pour pondre ça, et qu'ils n'ont même pas été foutus de penser que si on verse du café brulant dedans, le gobelet aussi brûlerait, dépasse Eddie. Du coup, on peut perdre son café parce qu'on aurait touché au gobelet -sensé à la base JUSTEMENT servir à ce qu'on puisse prendre le café- et qu'on se serait brûlé. C'est stupide.

- J'entends tes pensées, et elles sont stupides et n'ont pas lieu d'être.

Ed ingore la voix aussi bien que celui à qui elle appartient.
Parce qu'il n'en a pas la moindre idée. De nouveaux objets se manifestent assez régulièrement de toute façon, c'est pas la première fois qu'il ne sait pas qui lui parle, ni la dernière.

- Non, enfin... Non, je n'en ai pas.

Edwin a un sourire en coin qu'il dissimule derrière son café. Bizarre qu'un type comm John n'en ai pas. Enfin, peut être qu'il préfère les coups d'un soir, ça laisse moins de responsabilités, c'est vrai.

- Et toi, quelqu'un dans la vie ?

Il avale une gorgée de café. Brulant, le café. Brulant, comme ce qu'il pense. Brulant comme la gifle qui ne manquerait pas de suivre sa prochaine action si John était une fille. Mais John n'est pas une fille.
En même temps, c'est bien là le problème.

- Moi non plus.

Eddie avance d'un pas fluide en avant, et tandis que sa main tenant la tasse se baisse afin de la poser sur le meuble à côté de son boss, l'autre se lève pour attraper le menton du même boss. Puis il fait ce qui lui trotte dans la tête depuis bien trop longtemps, il embrasse son supérieur adoré.
Bordel. Il ressent un sentiment d'accomplissement surprême là. Objectif numéro 1 de la journée: embrasser M. Sexy Boss COMPLETED. Faudra fêter ça, extra cannettes de Coca ce soir.
Mais le baiser ne dure pas longtemps, déjà Eddie se recule. Parce qu'il a quelques tripes, mais pas suffisament pour bien encaisser de se faire repousser physiquement par sa proie innacessible, pendant un baiser. Verbalement, ça lui suffira. Bon, il est quand même très fier de lui même si il sait qu'il va se prendre un rateau dont tout au fond -même si il ne veut pas l'admettre- il va mettre quelques temps à se remettre.

- Mais en même temps, j'n'aurai jamais de copine.

Il recule en récupérant sa tasse, des fois qu'il se prenne un coup. John et lui sont amis, on embrasse pas ses amis -surtout ceux de l'autre bord- comme ça, John pourrait mal le prendre. Même si Eddie espère que non, parce que c'était pas méchant, il ne vient pas de lui faire une déclaration d'amour tout feu tout flammes hein. Il devrait même être flatté, il est hétéro et fait de l'effet aux gays autant qu'aux femelles, que demander de plus ?

- Rassure moi, je ne viens pas de flinguer quelque chose hein ?

Edwin fronce légèrement les sourcils, soucieux. Et si John était homophobe bien dissimulé ?
Noooon, impossible.

- Haha, comment t'as foiré ton coup mon pov' vieux.
- Ta gueule

Bon ok Ed a profité, mais profité vite fait. C'est à dire que c'était dans sa To do list, fort bien classé qui plus est, mais il aurait dû en fait faire durer le plaisir. Sauf que c'était trop dangereux, car la cible John Smith est instable.
Ça et il crache du feu qui souvent forme les mots "tu vas te faire virer" -ou d'autres expressions synonymes-, et il faut dire que c'est toujours assez impresionnant à voir.
Bon Eddie doit avouer que si lui aussi il était en position de pourvoir virer n'importe qui, il en abuserait de temps en temps. Le fait est qu'Ed ne l'est pas, du coup à la place il menace de foutre les gens dehors à coup de pied au cul. Oh une fois, il en a même menacés deux qui se détestaients de les enfermer dans une pièce pour qu'ils se battent à mort.
Et il l'a fait.
Depuis, ils s'entendent beaucoup mieux.
En tout cas, Ed le sait, c'est pas à cause de ça qu'il pourra sortir avec John Smith, va falloir se faire une raison. Surtout que le John Smith sauvage avance vers lui, et qu'il...
OH ! Il lui fait l'attaque baiser surprise ! Eddie est confu.
Eddie est confu, mais il lui faut 3.14 centisecondes pour commencer à enregistrer. Le Eddie n'est plus confu, et le Eddie participe même.
Sauf que ça ne dure pas longtemps, et si il s'écoutait, il se laisserait dire qu'il est frustré. Mais non c'est faux, maintenant si on le lui demande, il n'est pas frustré.
De toutes les réactions qu'il attendait, celle là... Ne figurait même pas dans la liste.

- C'est la première et dernière fois que ça se produit, sinon t'auras vraiment l'impression d'avoir flingué quelque chose en plus de te faire virer.

Et voilà il recrache du feu. Sacré M.Smith hein.
N'empêche qu'après il se marre, et Eddie n'a pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'il se fout cordialement de sa gueule. C'est du joli tout ça. Tout grand chef qu'il est, pour faire croie qu'il n'est PAS à deux doigts de faire la moue et de bouder, Edwin va noyer sa frustration dans sa tasse de café. Voilà pour la peine, John n'aura qu'à boire le sien tout seul. Non mais.
Et puis M. Boss Sexy se calme et ils se retrouvent tous les deux à se regarder par dessus leur tasse de café. Ed ne sait pas quoi dire. Tout ça parce qu'il ne sait plus quoi penser.
Non en fait, il n'avait pas prévu comment se tirer. Il avait prévu l'entrée, mais pas la fin.
Il repose sa tasse sur le meuble

La vaisselle !

Ignore le meuble.

Non mais la vaisselle ou je balance à tout le service ce qu'il vient de se passer.

Ed reprend sa tasse en regardant méchamment la machine. Puis il cherche un évier des yeux avant de se souvenir que le meuble n'est pas à sa place.
Oh le petit filou !
Bon bah... La tasse est verte. C'est joli le vert non ? Eddie se tirerait bien avec sa tasse verte. Ouais, ça sonne comme un bon échappatoire ça.

- Ce n'est même jamais arrivé.

Il sourit à John, juste pour dire que le message est passé et que de toute façon, il n'aurait pas pu être autrement.

- Tu m'excuseras, mais il me faut une chaise temporaire, et après j'ai du boulot, si je ne veux pas me faire virer. Le boss a la main légère sur les fainéants.

Ok il se moque ouvertement de John, mais c'est parce qu'il l'aime bien.
Il fait alors volte-face en souriant, et s'en va après un dernier signe, tasse en main, chercher sa chaise de remplacement.
Peut être qu'il pourrait passer faire chier Nawel au passage... Ou voir Kurt. Ouais, voir Kurt c'est marrant, et ça lui changera les idées.
Le Eddie est KO. Le John Smith sauvage a gagné, pour cette fois.