Le "clac" de la valise sonne comme définitif. Cela peut aussi bien être un "clac" de satisfaction d'avoir bouclé la valise, que celui annonciateur d'un nouveau départ. Dans le cas présent, il représente surtout celui de satisfaction.
Que je n'aime pas faire ma valise. C'est long, c'est chiant, c'est surtout fatiguant car je ne sais jamais quoi mettre dedans. Cela finissant invariablement par m'énerver, ça mène au baclage pur et simple de la chose. Comme ça au moins, c'est fait. J'y mets un coup de pied pour la forme, puis attrape mon tube de vernis posé sur la commode avant de m'enfuir avec comme une voleuse jusqu'à la salle de bain qui abrite le sacro-saint Disolvant, grand maître capable de rattraper mes bavures.
Je jette distraitement un oeil à l'heure sur le réveil en partant.
Encore 2h avant mon vol. Je suis à Paris, dans le 15 ème. L'avion est à Charles de Gaulle. Ouaiis, ça va l'faire.

[...]

Ça l'a fait, mais de justesse. La jeune femme est arrivée comme une fusée à l'aéroport, où elle a pu avoir son avion pour Edimbourg. De là, elle a ensuite pris une voiture -empruntée à un exorciste du coin- pour plusieurs heures de conduite jusqu'à Little Angleton. Ce qui est bien avec la campagne Ecossaise, c'est qu'il n'y a personne sur les routes.
Du coup elle a pu avoir le pied lourd sur l'accélérateur. Dommage que la voiture empruntée ne soit pas une superbe voiture de sport au moteur rugissant, mais ça restait une voiture capable de rouler vite.
Elle le savait, qu'elle aurait dû se reconvertir dans le pilotage de formules 1.

[...]

Little Angleton est un charmant petit bourg paumé, mais animé d'une vie qui lui semble propre. Il y a plus de jeunes ici que dans les trois villages environnants réunis. Il y a aussi plus de fantômes ici que dans les dix villages environnants réunis. Il y a des vieux, des moins vieux, des gens bizarres, des hurluberlus, des fous, des meutriers, des sorciers noirs, des sorciers blancs, des chiens, des chats, des bébés, des hamsters, des cactus, un dromadaire en peluche, trois patates, des bancs, un moineau stérile et deux cadavres de pigeons écrasés. J'appelle ces derniers des birdburger, bien que je n'en recommande pas la consommation.
J'arrive près du café local, The Lonely Ghost, où j'ai une chambre pour les trois prochains jour, et effectue un créneau sans voitures -ce qui revient à bêtement s'arrêter le long du trottoir- avant de passer le levier de vitesses au point mort, de relever le frein à main et de couper le contact. De cette manière, je suis sûre qu'en revenant, ma voiture n'aura pas dévalé sauvagement tout le village d'elle même, ce qui serait fâcheux car ce n'est pas la mienne.
Je récupère ma valise, qui doit être plus lourde à vide que son contenu mais je n'avais que ça sous la main, dans le coffre, et verrouille voiture d'une simple pression sur un bouton. Les clés en poches, je n'ai plus qu'à me frayer un chemin jusqu'à l'acceuil du café grouillant comme si tout le village y était, décliner mon identité -trafiquée- et obtenir les clés de ma chambre.

[...]

Nath n'a eu besoin que d'un charmant sourire au type un peu costaud qui prenait son café à une table pour se faire porter sa valise au premier étage et passer pour la faible cruche de service aux yeux de tout le café. Prenez la pour une parano qui couvre trop ses arrières, mais elle est partisante du mieux vaut trop que pas assez. La jolie brune a remercié l'armoire à glace d'une bise sur la joue avant de s'enfermer dans sa chambre qu'elle n'a qu'à peine parcouru du regard, lançant avec désinvolture sa valise sur le lit d'une main, et tirant son téléphone de sa poche de l'autre main. Quelques échanges de mots ont suivi l'appel qu'elle a passé, et puis satisfaite elle a raccroché.
Après ça, elle est sortie par la fenêtre, comme tout le monde, pour aller faire son job, la raison de sa présence dans ce village en premier lieu. Un pauvre humain embêté par un fantôme persistant, et elle on lui a donné trois jours pour effacer la mémoire de l'humain et effacer le fantôme tout court dans la foulée.

[...]

L'humain c'est fait. Le fantôme, ça l'est moins, cette rognure refuse de se montrer, il est 21h, j'ai froid, et je suis assise sur une tombe. Puisse son possesseur reposer en paix. Je grelotte, claque des dents, frissonne, et si je n'étais pas un minimum distinguée, féminine et prévoyante avec mon ami le paquet de mouchoir, j'ajouterais même que je morve.
Il va se pointer oui ?! J'en ai marre de jouer la petite fille perdue exprès dans un cimetière pour qu'un fantôme sanguinaire lui tombe dessus, comme dans certains mauvais films d'horreurs qui ne savent pas ce qu'ils perdent à tourner leurs choses en plus du temps et de l'argent. Mes pieds battent impatiemment l'air dans le vide, je crache de la buée par les narines, et je suis tellement convaincue que les pointes de mes cheveux ont gelé, même si elles ne contiennent pas d'eau...

- Si il ne vient pas ce soir, je me pends.

Je parle avec moi même pour me tenir compagnie, parce que les tombes sont pas très causantes et que je suis en train de me faire poser un lapin par un esprit dont le corps est en décomposition.
Charmant.