Ce matin là, Sheryl n'avait pas envie d'aller en cours. Elle s'était réveillée de très bonne humeur, et le dernier souvenir du rêve qui se finissait était une forte odeur de chocolat. Ses yeux tombèrent sur la pile de vêtements emmêlés au bout de son lit. Elle enfila une chemise ample qui masquait un short en toile et sortit paresseusement dans les escaliers. Dans la cuisine, on lui apprit qu'il n'y avait plus de chocolat. Plus de chocolat. La journée avait pourtant si bien commencé ! Pourquoi ! Elle décida alors de foncer à l'épicerie réaliser son petit rêve de la nuit, et s'empiffrer de chocolat noir. Le soleil était doux et limpide, et réchauffait agréablement la peau dans l'air frais du matin. De rares personnes étaient déjà dans les rues, l'atmosphère était tout aussi claire que le ciel, et il flottait dans l'air un parfum d'été. Un cavalier à cheval passa près d'elle, et ce détail, pourtant anodin, la mit en joie.

Alors qu'elle arrivait à la hauteur du petit commerce, elle vit la nouvelle employée de Mr Khayman sur la pointe des pieds entrain de tirer sur le rideau de fer, qui, apparemment, refusait de s'ouvrir.

Elle la salua d'un radieux sourire et lui demanda si elle avait besoin d'aide. A vrai dire, elle ne connaissait pas cette jeune personne, mais en ce jour clair et lumineux, elle se sentait d'humeur à sympathiser avec n'importe quelle personne qui daignerait croiser sa route, même les petites mémés rageuses du parc.

-Non mais saleté de truc ! Non mais tu vas t'ouvrir oui?!

Ok. Quelqu'un quelque part lui en voulait. Ça faisais 5 minutes qu'elle essayait d'ouvrir le rideau métallique de la boutique, en vain. Comme si les péripéties du matin ne suffisait pas. D'abord le réveil qui n'a pas sonné. C'était Oli qui l'avait réveillée, et disons que cela n'avait pas été une partie de plaisir. En fait ce qui l'avait réveillée c'était son propre sac à main en pleine poire. Elle avait eu ensuite une vision plutôt pathétique de son frère. Oli ne portait qu'un short et un vieux T-shirt. Certaines filles auraient dit que c'était sexy, Heather, elle, trouvait cela ridicule. Il était là, dans sa chambre, en train de manger ses céréales et lui annonçant qu'elle était en retard avec un grand sourire collé sur son visage.

-Pourquoi tu ne m'a pas réveillée ?!

-Ben tu dormais bien. Et c'est TON problème soeur chérie ! Mais je t'ai laissé du pain sur la table pour ton petit dèj !
Dit-il avec un clin d'oeil .

-Trop aimable...

C'est donc après s'être habillée à la hâte, avoir tenté de manger un pain dur comme du bois, qu'Heather s'était inévitablement vautrée en beauté dans les escaliers car un de ses talons venait de casser. Donc après être remontée changer de chaussures, optant pour des baskets qui lui permettrai de courir jusqu'à l'épicerie.
Elle était donc là à galérer pour ouvrir la grille, quand une jeune fille qui faisait à peu près 15 ans s'approcha d'elle.
La petite brunette la salua et lui demanda si elle avait besoin d'aide avec un sourire radieux. Heather hocha la tête . A deux elles réussirent à soulever la grille, enfin !

-Merci, c'est gentil de m'avoir aidée , au fait moi c'est Heather !

Heather fit un grand sourire, elle était vraiment contente. Son travail lui permettait de faire de nombreuses rencontres.

Au premier abord, la jeune femme ne semblait pas disposée à passer la journée : elle avait l'air maussade, et une ride de contrariété barrait son front, comme si elle était en combat terrible avec ce foutu rideau de ferraille. Du reste, ses cheveux étaient en bataille, ce qui laissait deviner qu'elle venait tout juste de sauter du lit, et pas dans les meilleures conditions, de plus elle portait un une charmante robe... agrémentée de baskets lacées à l'arrache. Quoi de plus coquet, n'est ce pas. Oh. Oh. Sa robe était à l'envers. Sheryl se mordit la lèvre pour s'empêcher de pouffer et se composa un visage avenant. Sans aucune trace d'hilarité.

Elle empoigna le bord du rideau, et compta un, deux, trois! et elles tirèrent ensemble d'un grand coup sec. La bête fut domptée, et dans un grand bruit rouillé coulissa vers les hauteurs, dévoilant la devanture de la boutique.

La jeune femme se retourna alors vers elle avec un sourire fatigué et la remercia. Elle ajouta ensuite d'un ton gai :

- Au fait moi c'est Heather !

Sheryl remarqua alors que Heather était jolie, malgré sa robe à l'envers. Même plutôt très belle. Canon, pourrait-on ajouter. Elle avait des yeux clairs qui brillaient de sympathie, et des manières amicales, franches et joyeuses.

- Sheryl, lança-t-elle en lui rendant son sourire.

Elles entrèrent dans l'épicerie. Le commerce était très ensoleillé, ce qui donnait une impression de clarté et de joie. Les étalages étaient un peu en désordre. Sur le comptoir, une boîte de trombones de toutes les couleurs était renversée à côté d'un livre ouvert.

Soudain envahie d'une humeur sociable encore plus extravertie que d'habitude, elle ajouta :

- Enfin, j'aime aussi bien qu'on m'appelle Cherry. Comme les cerises !

Elle ne disait pas ça souvent, parce que c'était le surnom que ses amis lui avaient donné à St Fox, et que par conséquent, il était précieux.

La jeune fille lui répondit qu'elle s'appelait Sheryl. Un prénom peu commun, mais somme toute assez joli. Heather l'invitait à entrer dans l'épicerie. Elle alluma alors les lumière, fit quelques vérifications, et rangea ses affaires dans l'arrière salle pendant que Sheryl examinait l'intérieur de la petite boutique de Mr Khayman.
Alors que Heather s'installait derrière son comptoir, enfin le comptoir, il n'était pas à elle bien sûr. Quoique, vu qu'il était enseveli sous un bazar monstre de SES affaires.... Oui effectivement elle ferait peut-être bien de ranger un peu.

- Enfin, j'aime aussi bien qu'on m'appelle Cherry. Comme les cerises !

Sheryl affichait alors un petit air nostalgique. Heather se demandait bien à quels souvenirs la jeune demoiselle pouvait bien penser. Heather la regarda un peu plus attentivement. Elle se rendit vite compte que sa première impression était faute. Sheryl semblait à première vue plus jeune qu'elle ne devait l'être. Heather se demanda aussi si Sheryl venait du mystérieux orphelina qui se situait un peu plus haut. La plupart des jeunes que Heather rencontrait y vivaient.
Alors qu'elle continuait de ranger ses affaires, Heather aperçu alors sur le comptoir un livre ouvert. Sur la couverture était écrit Quatre filles et un jean .

-Oh je le cherchais ! Je ne le trouvait plus ! Ce n'est pas la première fois que je lis, ce dois être la troisième fois je pense. Tu connais ? Tu devrais vraiment le lire ! On trouve toujours un personnage qui nous ressemble. Moi j'aimerais être Bridget Vreeland !

Heather avait toujours beaucoup aimé ce personnage, quelqu'un lui avait même dit une fois qu'elle lui ressemblait. Évidemment Heather trouvait que c'était un superbe compliment. Brodget dans le roman était réputée pour être belle, mais pas une potiche sans cervelle non, elle était belle, sportive et intelligente. Et drôle aussi ! Oui c'était un personnage qui plaisait beaucoup à Heather, bien que les trois autres héroïnes lui plaisait aussi. Disons qu'elle se sentait plus proche de celle-çi que de la caractérielle Carmen, la rebelle Tibby ou que de la sage Lena Kaligaris.

Une fois à l'intérieur de la boutique, la jeune femme entreprit de mettre un peu d'ordre. Elle disparut un instant dans l'arrière boutique, surement en vue de vérifier que rien n'avait été dérangé. Sheryl en profita pour faire le tour du petit commerce. Elle s'était évidemment plusieurs fois rendues à la charmante Mr Khayman's Lullaby, mais toujours en coup de vent et seulement intéressée par l'objet qu'elle venait acheter. De plus, elle était toujours tombée sur le propriétaire lui-même, et jamais sur son assistante. C'était donc une bonne occasion d'approfondir le cercle de ses connaissances ; dans ce trou perdu, il valait mieux s'entendre avec tout le monde ; c'était toujours de la compagnie de gagnée.

Heather ne réapparaissait pas, et Sheryl se prit à farfouiller plus en avant dans les affaires amoncelées sur le bureau, bien que cela ne la regardait pas. Sous une pile plus ou moins droite de feuilles volantes et de bloc notes, où étaient gribouillés à la va vite les comptes du magasin, la tranche abîmée d'un livre. Le jaune de la couverture avait attiré son oeil. Elle le tira à elle et, reconnaissant le titre, eut un grand sourire. C'était un livre qu'elle affectionnait beaucoup, dans le temps, mais qu'elle avait un peu oublié. Il l'avait accompagné durant une convalescence particulièrement longue à l'hôpital, et n'avait quitté ses pensées que très longtemps après son retour à l'orphelinat.

Heather repassa dans la pièce principale et Sheryl remit précipitamment le livre à la place où elle l'avait trouvée, puis fit mine de s'intéresser à une boîte de petits pois tout à fait cylindrique.
Heureusement la jeune femme ne remarqua pas le désordre qu'elle avait mis sur le comptoir en détruisant la pile des blocs notes - car, ajouté au désordre qu'il y avait déjà initialement, il passait inaperçu. Cependant, elle fut attirée par le même objet qui avait intéressé Sheryl, et fondit en un clin d'oeil sur le livre en s'exclamant :

-Oh je le cherchais ! Je ne le trouvais plus ! Ce n'est pas la première fois que je lis, ce dois être la troisième fois je pense. Tu connais ? Tu devrais vraiment le lire ! On trouve toujours un personnage qui nous ressemble. Moi j'aimerais être Bridget Vreeland !

Son enthousiasme soudain surprit un peu Sheryl mais l'amusa. Elle se retrouvait dans cet enthousiasme spontanée qui accompagne la joie de retrouver les souvenirs d'une lecture qui nous avait marquée. En outre, à cet instant, l'énergie d'Heather la faisait réellement ressembler à Bridget !

- Oh je l'ai déjà lu, bien sûr ! s'exclama Sheryl dans la même vivacité, Il y a longtemps que je n'y avais plus pensé !

Elle ajouta plus calmement, comme pour se justifier.

- Mon déménagement à Mystery s'est fait du jour au lendemain, je n'ai pas eu le temps de me préparer correctement, et l'on m'a recommandé de voyager léger. Résultat : question bouquins, je n'ai pu emmener à peine que le quart de mon étagère !

Revenant au sujet initial, elle enchaîna en retrouvant son enthousiasme caractériel :

- Bridget est super, c'est vrai !, acquiesça-t-elle. Mais j'ai toujours préféré Lena. C'est la plus belle et elle a une beauté sereine et froide, comme les déesses de l'antiquité. Niveau caractère, précisa-t-elle en riant, elle est tout ce que je ne suis pas : calme, timide, réfléchie... Peut être que c'est pour ça que c'est elle que j'aime le plus ! Quand j'étais petite, je voulais lui ressembler, mais je désespérais d'y parvenir !

Elle s'était rapprochée du comptoir et y avait posé ses coudes. Ses yeux brillants reflétaient la joie simple d'une bonne journée qui commençait.