Une nuit agitée qui se termina dans un bref sursaut et ce qui aurait put être un cri mais aucun son n'était sortit de ma gorge. Il avait été étouffé, comme mon cauchemar essayait depuis le début de la semaine de m'étouffer lui même, définitivement.
Réveillée a 3h51... Encore! Je m'énerve toute seule en silence. Histoire de ne réveiller personne. Je ne veux pas déranger. Et encore moins qu'on me prenne pour une chialeuse. Ce qui au fond serait légitime ne l'est pas pour moi. Alors j'attends en silence. Non, attendre ne suffira pas cette fois a calmer ce que j'ai en moi, cette chose étrange qui fait que je ne serais jamais comme n'importe quelle fille. J'attrape mes écouteurs, mon cahier de croquis, c'est un beau cahier. Il a bien vécu c'est tout. Avec des reliures dorées, brunes, qui au fond ne représentent rien. Un peu comme ce que je suis. Un rien, un grand rien. Quoi qu'il en soit, je pose le tout sur mon lit. Bien sur, ici il n'y a pas assez de lumière pour dessiner et c'est a peine si je peux distinguer quelques uns de mes traits a la lumière émise par le clignotement du réveil.
Je cherche vaguement dans mon bagage noir de quoi m'habiller. J'attrape le premier jean qui me tombe sous la main et un pull moulant bleu pale je crois. J'enfile le tout, attrape des chaussettes, les enfile machinalement et met mes pieds dans mes chaussures pendant que mes mains attrapent ce que j'ai posé sur le lit. J'ai même perdu mon élastique pendant mon sommeil, ou alors il a cassé, je n'en sais rien, je m'en fiche, j'en prendrais un autre quand ma co-chambreuse aura ouvert ses mirettes.
Je me doute bien, qu'a une heure pareille, plus personne n'est debout. C'est tant mieux, je suis nouvelle mais je n'ai aucune envie de déballer ma vie a n'importe qui. J'allume la lumière du hall et m'assois dans un coin. Je sors mon cretarium et commence a griffonner.
Ensuite? Le vide! j'ai due me rendormir je crois. La sonnerie des cours me révéille, je sursaute. Avant meme que je puisse me relever voila une nuée d'élèves qui me passent devant. Je me sens comme invisible. Je me relève et retourne a la chambre. Ce croquis va finir comme tous les autres: le visage de cet homme.

J'étais déterminée, en fait non, plus un besoin qu'autre chose. Et, la dans l'immense vacarme ou je suis invisible et ou, je ne regarde pas plus les gens qu'eux ne me voient SHBAFF! je me prend les pieds dans quelque chose de dur, et m'étale au sol de l'autre coté de ta valise. Journée de merde! Avant de rattraper mon cahier et mon crayon je cherche a voir ce qui m'a mise a terre avec une facilité déconcertante.
- Un bagage?
Puis je relève les yeux vers toi, je crois te reconnaître mais je passe tellement de temps a planer, et même dans la chambre que je suis bien incapable de retrouver ton nom. Enfin, cela apparaît comme une évidence, encore une personne qui m'abandonne, le motif? je n'en sais rien je m'en moque. Les faits sont là. Je saisis mon cahier, cherchant du regard mon crayon. Je n'aime pas les abandons, même sur une période si courte. Et puis, surtout je me vois mal commencer la conversation avec les yeux tout rouges et au bord des larmes. Pourquoi? peut être la douleur de ma chute magistrale il faut dire, ou alors l'autre peine? un peu des deux surement.

En entendant son nom Laure relève les yeux un instant laissant apparaître toute sa tristesse et quand elle remarque que la femme face a elle l’a remarquer elle rebaisse la tête, laissant sa mèche repasser devant son visage. Elle ne voulait pas pleurer et maintenant c’est trop tard, elle passe vaguement les mains sur son pantalon et sur son pull pour retirer toute éventuelle poussière qu’elle ait put ramasser en tombant.

Oui… Désolée pour ta valise.

Elle ramasse machinalement ses affaires, elle est bien tombée, pour une fois dans sa vie s’aura été une chute plus surprenante que douloureuse et pourtant dieu sait comme elle est douée pour se blesser et tomber. Enfin bref, tout ça pour dire qu’elle a enfin ses affaires dans les bras. C’est fou comme la vie des gens se résume a rien parfois. Quand on a enlevé le son, les gens, que reste t’il vraiment ? Pour Laure cela se voit au premier coup d’œil dans ce pull trop grand pour elle : un cahier. Son crayon ? il est mâchouillé au bout, se n’est même pas le sien c’est un autre élève qui l’à oublié dans la classe une fois et elle l’a discrètement prit, comme ça, l’air de rien, comme une voleuse, elle s’en veut mais au fond, un crayon se n’est pas grand-chose….

-Je vais bien… rien de casser !

Elle affiche un grand sourire qui se trahit lui-même. Elle a passé des heures hier à se maquiller en espérant que les gens l’aiment. Aujourd’hui elle ne voulait pas réveiller sa camarade de chambre et elle est partie sans le moindre artifice. Difficile de ne pas voir la différence. Hier ses yeux auraient puit tout cacher… aujourd’hui il mentent comme ceux d’un enfant de quatre ans qui a voler une confiserie et qui cherche désespérément a dire que se n’est pas lui.

-tu vas ou exactement ?

Elle essuie machinalement du dos de sa main ses yeux qui peinent a retenir ses larmes, c’est certain pour elle, dès qu’elle pourra elle fera une blague qui ne fera rire qu’elle pour évacuer toutes ses larmes le plus discrètement possible.

Comme Laure le craignait c’est bien un adieu, ferme et définitif. Certes les deux femmes ne se connaissent que vaguement, Laure étant une personne au caractère relativement prévisible elle est toute aussi capable de s’occuper a jouer seule durant des heures dans un coin. De toute façon, enfant elle n’avait pas vraiment le choix, fille unique d’une mère trop populaire et trop demandée pour s’occuper d’elle. Laure passait des heures dans sa chambre à regarder l’écran plat qui s’y trouvait et toutes les bêtises qui pouvaient y passer. C’était dans sa solitude qu’elle avait découverte le visage de cet homme dans ces cahiers de croquis et qui se faisait parfois plus net. Pourquoi n’arrive t’elle donc pas a sécher ses yeux ? Bon sang, impossible de s’arrêter de pleurer.
- vers l’infini et l’au delà ?
Et voila sa blague typique, d’ordinaire elle en profite pour rire un peu et évacuer ses larmes pourtant cette fois ci elle a un pincement au cœur, impossible d’en rire. Sa barrette bleue qui retient la mèche de cheveux glisse, ses doigts se prennent dans ses cheveux et voila la barrette au sol. Cela ne suffit qu’a cacher un de ses yeux et en voulant ramasser la barrette c’est son cahier qui retombe aux pied de la femme et s’ouvre sur le visage froid d’un homme. Ses yeux ont été noircis a coup de crayon 9b ce qui leur donne un aspect plus froid encore que les ombres du visage ou les cheveux volontairement grisonnant. Laure attache ses cheveux machinalement avant de remarquer la page ou son cahier c’est ouvert
- Dé… Désolée je suis tellement maladroite…
Aussi vive que possible elle attrape le cahier et le referme brusquement. A-t-elle peur d’être jugée comme une gamine qui perd son temps a dessiné pendant les heures de cours ? Ou plutôt que ce curieux personnage ne quitte la page?
Elle sourit tout de même, poliment.
- j’espère que tu vas être heureuse…
Une façon des plus maladroites de changer de sujet mais elle espère tout de même ne pas trop entendre parler de son croquis, a vrai dire elle a un peu peur d’être sévèrement disputée. Elle sait que les études sont importantes mais elle a la tête ailleurs, se n’est pas entièrement sa faute, si ?

Laure la regarda tomber, terrifiée mais rien ne peut traverser ses lèvres roses d’enfant. Malgré la foule qui les entoure, Laure ne voit que cette personne qui s’écroule soudainement devant elle. Est-ce elle qui lui fait subit cette souffrance ? Est ce cette chose en elle ? Qu’elle traîne comme une malédiction qui s’en prend a cette pauvre personne ? Son sang ce glace et elle recule. La suite des événements ? Difficile a préciser. Tout n’est que brouillard pourpre, terreur, solitude…
Oui elle s’est enfuie et a disparu toute le reste de la journée. Elle n’a pas suivit les cours, elle n’était pas dans sa chambre et personne ne l’a remarquée. Seulement voila l’heure du couvre feu approche et il va bien falloir rentrer. Ses mains serrent la lanière de son sac ou son enfoncés son cahier et quelques affaires. Rongée par la honte. Non, ce n’est pas que de la honte, elle regrette d’avoir prit la fuite de cette façon, elle va encore avoir du retard en cours, comme si elle n’en avait pas assez. Et elle a laissé sa cochambreuse toute seule dans sa détresse… Regardant ses pieds elle s’efforce de rentrer. Il ne va plus tarder a faire nuit maintenant et Laure ne veut pas rester toute seule dehors. Elle doit retourner dans sa chambre… Mais d’abord elle voudrait voir comment va Nancy qu’elle a lâchement abandonné… abandonné… abandonné… a croire que toute sa vie se résume a ce simple mot depuis quelques temps. On l’abandonne… Que dire d’autre ? Elle aurait pu avoir une vie de petite femme tout ce qu’il y a de plus normal… mais il y a cette chose en elle. Cette chose qui fait du mal aux autres et la mine... l’isole.
Elle peut toujours essayer de se remonter le moral en se disant qu’on fond, si s’était bien de sa faute elle l’a aussi fait pour le bien de Nancy. Pff mais qui irait croire de telles bêtises ? Quelqu’un de naïf mais pas elle. Non, elle a eut peur. La trouille, la pétoche… Laure resserre son sac quelle porte a l’épaule. Elle est là. Celle qu’elle a lâchement abandonnée. Et si elle était fâchée contre elle ?!! Son pas s’arrête net. Ca non plus elle ne l’avait pas envisagé. Et si Nancy la disputait ? Et si elle était punie ? Il faut bien lui parler quand même… Mais s’est tellement plus facile à se dire qu’à faire.
Il faut au moins qu’elle s’excuse de ce qu’elle a fait… même si ce n’était rien d’autre qu’un accident.