J’étais assise sur l’un des rochers du lac, recroquevillé sur moi-même. Je me balançais légèrement, les mains plaquées sur mes oreilles. J’entendais des voix, des voix qui n’étaient pas de bons augures. Je n’entendais pas exactement ce que les voix me disaient, tout se basculait, mais une chose était sûre, elles tentaient de m’influencer à faire quelque chose de mal. Tout se mélangeait dans ma tête au point où j’en avais mal. Pourquoi fallait-il que ça sois à moi que ça arrive ? Était-ce normal d’entendre des voix comme ça ? Étais-je folle ? C’était peut-être que le fruit de mon imagination après tout. Mais d'un autre côté, il fallait dire que les environs étaient assez étrange. Ça ne faisait pas très longtemps que j'étais arrivée au village. Rien ne m'était familié ici. Je suppose qu'il me faudra du temps pour m'adapter. J'avais entendu dire qu'il y avait beaucoup de fantômes ici. Alors, peut-être que c'était la cause des voix dans ma tête. Tout ce que je savais c'était qu'elles étaient insuportables.

- ARRÊTEZ ! FERMEZ-LÀ ! J’EN AIE MARRE !

J’avais beau me boucher les oreilles, mais ça ne servait à rien. C’était dans ma tête que tout se passait. Alors je restai là, assise à contempler le lac empli de son eau bleuté. Je continuai de me balancer d’avant en arrière, les bras autour de mes jambes, commençant à devenir folle.

- Je vous hais, je vous hais, je vous hais ! Laissez-moi tranquille !

On dirait que plus je tentais de combattre les voix, plus elles s’intensifiaient. Je commençais à voir rouge. Je regardais devant moi, mais c’était comme si j’étais aveugle. Mon regard semblait vide. Je commençais à me balancer plus rapidement, riant d’un rire mauvais et commençant à avoir de mauvaises intentions. C'est fou comment ses voix pouvaient avoir un pouvoir sur moi, et ce, si facilement. C’était comme si j’étais posséder. Je n’étais plus la vraie moi…

Sans que je ne m’en sois aperçue, trop occupée à contempler le vide, quelqu’un s’était approché de moi. D’ailleurs, cette personne était maintenant à côté de moi et je ne le sentais même pas. J'ignorais si elle me parlait, mais je n’entendais rien. Les voix dans ma tête m’empêchaient d’entendre quoi que ce soit de la réalité, comme si j’avais des bouchons dans les oreilles. Ce qui me fit sortir de ma torpeur, fut un rugissement. D'où venait-il ? Il semblait être aussi dans ma tête. Mais qui osait me déranger ? Je m’arrêtai de bouger, et tournai lentement la tête, très lentement, jusqu’à ce que je puisse voir qui était à mes côtés. C’était un jeune homme. Je levai la tête, lui lançant un de ses regards qui donnait froid dans le dos. Je l’observai pendant un moment, avant de lui adresser la parole.

- Ne nous…Tou-chez…PAS !

Je lui avais adressé mon ton le plus glacial en me dégageant de son emprise. J’avais dit nous, et ce que j’entendais par là, c’était moi ainsi que les voix. Elles et moi, on était comme liés. Elles étaient dans ma tête, elles faisaient partie de moi. À moins qu’il les entendait lui aussi ? Quoique, cela m’étonnerait. Enfin, bref, c’est pour ça que je disais « nous ». Cette idée pouvait peut-être paraître folle, mais après tout, ne l’étais-je pas ? Et qu’il me trouve folle, n’avait peu d’importance.

- Nous n’aimons pas nous faire déranger. Elles vont revenir et être encore plus bruyantes.

Je détournai la tête, regardant à nouveau devant moi. Je ne sais pas si l’étranger comprendrait le message et partirai, mais j’espérais qu’il l’ait compris. Quant à moi, je fis comme s’il n’était plus là, retournant dans ma torpeur. Je recommençai à me balancer, toujours en riant. Je fixais encore le vide.

- Elles sont toujours présentes. Elles viennent et partent, partent et viennent. Elles ne sont jamais bien loin. Jamais elles ne me laisseront tranquille, jamais elles ne nous laisseront tranquille. Elles sont comme des aimants, mais des aimants indésirables...

Je ne m’adressai pas à l’étranger, je disais plutôt cela pour moi-même et pour les voix, celles qui me tenaient compagnie la plupart du temps. Elles n'étaient plus dans ma tête grâce au rugissement, mais je savais qu'elles étaient proche. Je le sentai. Je continuai de parler, me répétant comme une vraie folle…