« Un journal. Un carnet. Quelque chose pour écrire. Voilà ce qu’on m’a offert pour mon anniversaire. Il paraît que, je cite, ça peut m’aider à faire le tri dans mes pensées, que ça peut m’aider à rester stable. Je suis stable ! Je l’ai toujours été, c’est pourquoi je ne comprends absolument pas ce qu’ils veulent dire par là. Il y a pire que moi, c’est un fait.
Quoi qu’il en soit, il est de logique d’un peu parler de moi pour introduire ce journal intime. Ainsi, si quelqu’un tombe dessus à ma mort, on se souviendra de moi. Même si l’idée d’être le centre d’intérêt ne m’attire pas particulièrement, j’ai envie qu’on sache qui j’étais, qui je suis, qui j’aurais été.

Je m’appelle Constance. Constance Amber Rose Sullivan, pour être plus précise. Il n’y avait que ma mère qui m’appelait Rose.
Oui, j’ai bien écrit cela à l’imparfait, pour l’unique raison que ma mère est morte. Mon père aussi, à vrai dire. Cela fait maintenant sept ans. À l’époque, j’en avais donc neuf. Je me souviens parfaitement de cet homme qui m’avait prudemment annoncé leur décès et, un peu plus tard, je me retrouvais au Mystery Orphanage.
Je pense nécessaire de mettre mes souvenirs sur papier.
Le trente-et-un octobre mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf. Voici la date précise. J’étais à la fête d’Halloween de mon école, tandis que mes parents participaient à un évènement plus important, plus mondain... plus loin aussi. Ils devaient se trouver à une centaine de kilomètres de chez moi, tout au plus. Si je me rapporte à ce qu’on m’a dit après leur enterrement, leur mort – et celle de quelques autres personnes – a été causée par des Poltergeist. Les Poltergeist, ce sont des esprits, quelque chose comme ça. Actuellement, j’apprends à les combattre, mais là n’est pas le sujet. Mes parents ont donc été tués lors de cette fête, par ces fantômes. Et cette fête, dans une soi-disant zone à risque, était surveillée par des membres d’Orpheo.
Orpheo. Je les hais. Ils n’ont pas réussi à protéger les gens, à exterminer à temps les Poltergeist, et à cause d’eux, je me suis retrouvée orpheline. Et faute d’avoir famille connue – ou famille qui me veuille, nuance – on m’a placé au Mystery. Ironie du sort, Mystery nous forme – nous, les gens doués – à devenir des Exorcistes... pour Orpheo. Mais jamais je ne rejoindrai ces assassins, cette stupide organisation. Dans deux ans, c’est très simple, je me fais la malle en refusant leur offre d’emploi.
Et puis, je n’ai pas forcément choisi de me trouver ici, dans cet orphelinat spécial. J’y suis juste pour deux raisons : parce que je n’ai plus de famille – logique – et parce que je suis douée. En effet, on dit que je suis un Localisateur, et un Mime. J’ai découvert ça il y a un petit temps déjà. Parfois je me demande à quoi me sert mon don, qui consiste à retrouver mes connaissances, où qu’elles soient sur le globe. Il suffit que je pense à elle pour les situer sur le planisphère. Tout de suite, mon pouvoir est plus intéressant : je peux reproduire exactement ce que je vois. Des mouvements de danse, des notes au piano, des techniques de dessin... J’observe, et c’est tout, je peux le refaire. Même si jusqu’ici, je me sers de cette « magie » pour mon plaisir.

Je pense avoir tout dit. Je suis Constance Sullivan, j’ai seize ans depuis exactement un mois, je suis anglaise, mes parents sont morts, je suis « magique » et je suis destinée à devenir exorciste, ce qui ne m’intéresse guère.


[...]

« Un sorcier de moins. Il a bien failli m’avoir, ce gaillard... Mais c’est raté ! Il ne faut pas se fier à ma gueule d’ange. Et puis, m’avouer maintenant qu’il est un sorcier...
Je suis maudite, ce n’est pas possible autrement. C’est le deuxième qui me prend ainsi au dépourvu, me balançant ça le plus naturellement du monde. Mais mince ! Tout les deux, je les aimais... sincèrement. Mais j’ai des principes, et apparemment, sûrement même, ils sont bien plus forts et importants que les sentiments.
Il va encore falloir que je nettoie la scène. Et que je cache le corps.
Et de deux.
Je m’en vais en Espagne maintenant, pour un peu de vacances. Je n’y peux rien, j’aime voyager. Et j’aime la chaleur, le soleil, surtout qu’ici, on ne peut pas dire qu’il y en a. Je devrais arrêter de dépenser tout ce dont j’ai hérité, oui... C’est une bonne résolution que j’ai prise en début d’année. Les fameuses bonnes résolutions. Je n’en ai guère pris, en réalité.


[...]

« Little Angleton, je suis de retour.

Secrète. Lunatique. Spontanée. Voilà des mots qui correspondent bien à Constance.
En premier lieu, on trouve une jeune femme discrète, pas forcément bavarde, et qui ne se place pas vraiment au centre de l’attention. Pour tout dire, être le nombril du monde, ce n’est pas ce qu’elle préfère. Elle fait partie de ces personnes qui n’ont jamais rêvé de célébrité... du moins, pas de cette célébrité où vous vous retrouvez entouré de photographes et de fans. Si elle veut être célèbre, cela ne se passera que lorsqu’elle sera morte, là où on la laissera tranquille. Oui parce qu’elle tient à sa tranquillité. Elle ne supporte pas qu’on l’embête, d’une quelconque façon – physiquement, avec les mots, par votre présence, etc. Bien que relativement patiente, elle risque fort de répliquer, parfois en s’énervant.
Et là, vous réveillez la lionne qui sommeille en elle. Pourtant, Dieu sait que Constance est d’une apparence calme, pacifique, voire passive. Elle essaie de garder son sang-froid devant n’importe quelle situation, silencieuse. Elle garde en cage l’animal en elle, et ne le laisse sortir qu’à certains occasions : lorsqu’on l’énerve, comme dit précédemment, lorsqu’elle se sent en danger, lorsqu’on met en danger ce qu’elle chérit. Voilà trois situations où elle risque de brûler.
Brûlante. Enflammée. Positive. Optimiste. Spontanée. Impulsive malgré elle, malgré son envie de bien observer et d’analyser la situation pour la régler au mieux. Elle n’est plus si calme que ça, finalement, en second lieu. Elle a plutôt l’air d’une tigresse, d’une féline, d’une bête sauvage, fougueuse, indomptable, qui est bien décidée à imposer sa façon de penser et de vivre, son opinion et son individualité. Constance, elle refuse de laisser passer quelque chose dont elle n’est pas d’accord. Il faut qu’elle parle, il faut qu’elle se batte, il faut qu’elle soit entendue. Si on l’ignore, c’est encore pire, autant le dire. Elle peut même devenir violente, et frapper. Étant quelqu’un de très dynamique de nature, ne tenant pas en place, quelqu’un de sûr de soi et quelqu’un au courage qui se transforme souvent en audace, attendez-vous à vous prendre une gifle, un coup de poing. Tout ce qui vous fera réagir.
Mais Constance n’attaque que de cette façon. Les mots, ce n’est pas pour elle. Ce qu’elle croit, en tout cas. Elle se sent nulle, les mots la déstabilisent. Elle a l’impression de ne pas savoir s’y prendre, ne pas savoir s’exprimer, et, aussi, elle a un bon fond qui l’empêche de faire souffrir psychologiquement les autres. Ce n’est pas son genre... Au fond, en attaquant les autres, elle s’attaque aussi elle-même. Et si jamais elle vous envoie une pique verbale, vous pouvez être sûr que c’est son côté spontané et impulsif qui ressort, qu’elle a tout sauf fait exprès. Et vous pouvez être sûr qu’elle va automatiquement prendre sur elle et s’excuser, à moins qu’elle ne vous haïsse, vous déteste vraiment.
Parce que Constance sait s’excuser, sait dire « pardon », sait prendre sur elle... mais elle est aussi rancunière, et surtout tenace dans sa rancune. Quoique, elle est tenace dans à peu près tout ce qu’elle entreprend. Elle ne lâche pas l’affaire, car elle déteste abandonner quelque chose qu’elle a commencé. Si jamais elle vous dit qu’elle abandonne, elle ment. Ne croyez pas qu’elle est toute blanche et innocente. Mentir, c’est très simple quand on sait s’y prendre. De même que pour manipuler. Sa gueule d’ange, ses airs innocents et inoffensifs aident beaucoup, mais lorsqu’elle veut quelque chose, la blondinette l’obtient, n’importe comment. Autant peut elle faire son regard de chien battu, autant peut elle sortir la carte de la jeune femme séductrice, surtout qu’elle n’est pas laide. Tout ça pour dire qu’elle n’abandonne devant rien... ni personne.
Ainsi Constance passe-t-elle de la glace au feu. Sans prévenir, tout dépendant de son humeur et de la situation dans laquelle elle se trouve. Mais elle aura toujours le sourire, elle aura toujours l’air d’un petit rayon de soleil pour remonter le moral des troupes.
Mais attention, même la plus délicate des roses a ses épines...

[...]

Constance, on ne la remarque pas vraiment de loin. Avec son mètre soixante-cinq et ses cinquante-cinq kilos toute mouillée, on ne peut pas dire qu’elle est imposante. Elle ne se démarque pas du lot, c’est un fait. En plus, elle n’a même pas l’air menaçant. Au contraire, la première chose qu’on remarque chez elle, ce sont ses traits innocents et doux. Tout dans son allure donne l’impression que c’est une fille calme et vulnérable, voire fragile. On n’ose pas la toucher de peur de briser cette petite poupée de porcelaine. Et beaucoup trop de personnes se fient à son apparence douce...
Et beaucoup trop de personnes se trompent.
Si elle le veut, Constance peut avoir autant de feu que l’incendie qui ravage actuellement le Colorado et ses environs ! Elle peut rapidement quitter son allure calme et la troquer pour un corps empli de dynamisme, de passion, de feu. En une seconde, elle peut gagner de l’assurance, sans que vous n’ayez rien vu venir.
De même, elle peut troquer son visage d’ange pour un côté bien plus séducteur, plus « femme fatale » si je puis dire. Elle a très peu de hanche certes, et une poitrine plus grosse peut être voulue mais un peu de maquillage noir, la bonne tenue, et le tour est joué. Vous n’avez plus rien de la fille innocente. D’ailleurs, mademoiselle Sullivan aime la mode... et porte absolument tout. Elle apprécie particulièrement les chaussures à talons, et porte très rarement des baskets, allez savoir pourquoi.
Mais revenons-en aux détails, car parler de l’allure générale c’est bien, les détails c’est mieux.
Constance a un visage d’ange, si on ne le sait pas encore, c’est grave. Des traits tout en douceur, un petit menton, un nez légèrement retroussé, des lèvres ni trop fines ni trop pulpeuses, un beau sourire qui illumine presqu’en permanence son visage, dévoilant de temps à autre des rangées de dents blanches et bien alignées, et puis aussi, deux grands yeux de biche mis en valeur par de longs cils noirs et surlignées par des sourcils bien dessinés. Deux grands yeux marron foncé, de temps à autre maquillés. Deux grands yeux expressifs, aussi, et pétillants, malicieux, espiègles... ou, à nouveau, innocents.
Mais ce qu’elle préfère chez elle, ce sont ses cheveux. Lui arrivant aux épaules, blonds tirants sur le roux ou le châtain, ni trop fins ni trop épais, elle les adore, point. Elle les aime à un point qu’elle peut en faire tout ce qu’elle veut : des tresses, des queues de cheval, les onduler un peu plus, les lisser, les ébouriffer. Le seul problème est que, lorsque quelqu’un décide volontairement de défaire sa coiffure, elle se retrouve avec une crinière de lion. Ses cheveux ne tiennent pas en place. Quelqu’un les ébouriffe, et elle doit à nouveau passer une heure devant le miroir pour les replacer correctement. Mais bon, ce n’est pas trop grave, tant qu’on ne l’embête pas trop avec ça...
Bref.
En fait, Constance, c’est une demoiselle aux airs angéliques. Et qui en joue si nécessaire. Ou qui peut très bien faire sortir la femme qu’elle est, si elle en juge nécessaire. Il ne faut pas croire là-dedans qu’elle est la première à vendre son corps pour obtenir son corps, non mais... Elle reste très pudique malgré tout.