Moi je sais que la pierre, l'oiseau et les fleurs,
ont une vie, ont un esprit et un cœur.

Ce matin, rapide coup de toilette. Techniquement, je me suis levé bien en avance. Techniquement. Il n'y a plus vraiment d'heure pour se lever. Ayumi commence à s'accrocher à différents objets pour se tenir debout, et je dois avouer que c'est relativement épuisant alors qu'elle commence aussi déjà à marcher à quatre pattes. Et elle va vite, ça je peux vous l'avancer sans trop de soucis. Le problème majeur est qu'elle s'accroche à à peu près tout, que ce soit un support bancal ou non d'ailleurs. Et s'accroche à ses barreaux de lit et est capable de rester de longues minutes ainsi, à fixer un point quelque part sur le mur. Non, franchement, ma fille m'intrigue vraiment énormément.

Il faut dire qu'elle m'intrigue tellement que j'en oublie même parfois mon travail, et je finis par arriver presque en retard. Et les élèves n'apprécient pas trop. Bon, pour l'instant il faut bien sûr avouer que ce n'était pas arrivé souvent. Il n'empêche que j'étais arrivé tellement tard que l'orphelinat avait déjà fini par me faire passer pour absent. Bref. Quoiqu'il en soit, aujourd'hui en réalité, j'ai plus de temps que prévu. La cause-même est que je n'ai pas cours. Mais on m'a bien sûr délégué une chose à faire malgré tout. Parce que sinon, c'est pas marrant d'avoir un jour de « congé ». Oui, congé entre guillemets parce que même chez moi, je travaille, pour mon entreprise cette fois-ci. J'ai une journée bien remplie, mais ça, ça ne date pas de la dernière pluie.

Je suis chargé d'aller trouver Quãn. Oui, Quãn Linhei. J'ai pas souvent eu l'occasion de lui parler jusqu'à maintenant, alors qu'il est dans l'orphelinat depuis un bon bout de temps déjà. Et moi aussi. Mais je ne connais pas tous les élèves heureusement. D’ailleurs, j'aurai préféré m'occuper d'autre chose de préférence. On ne se connaît presque pas et c'est malgré tout moi qui doit aller le morigéner sur son attitude. Merde quoi, je veux pas faire la police encore moins à un autre môme que ma fille. Mystery a dû croire que parce que j'étais devenu un père de famille exemplaire, j'étais à présent totalement en capacité de m'occuper d'enfants. Surtout qu'apparemment la faute commise n'était pas peu dangereuse.

En vérité... je comprends pourquoi c'est à moi qu'on a laissé s'occuper de cette tâche. C'était moi, ce jour-là, qui était de garde pour le grenier. Tout à fait. De garde. Le soir. Alors que je pouvais être chez moi, en famille, à dormir dans un lit douillet. Et tout ça à cause d'un poltergeist plutôt violent qui avait été enfermé dans le grenier en attendant.... en attendant quoi au juste ? Je pense qu'il n'y a que Mystery qui puisse me répondre. Mais je doute qu'elle me donne la réponse. En tout cas, ce soir-là j'ai croisé un petit groupe de garçon qui s'y dirigeait. Franchement, les gosses c'est vraiment des problèmes. Il suffit qu'on leur interdise un endroit pour qu'ils s'y précipitent. Et plus c'est dangereux, plus ça donne envie. Sérieusement...

On m'apprit rapidement que mon raid dans l'école ne servait à rien et que Quãn était parti. Bien... franchement bien. Parce qu'en plus je dois le chercher. C'est ses petits copains du dernier soir qui l'ont dénoncé. J'ai trouvé ça gamin, avant de me rendre compte moi-même qu'il était des gamins pas plus hauts que trois pommes. Étonnamment, mon chemin me dirigea vers le lac. Ah, ce lac. J'y ai vécu tellement de choses. Je suis tombé dans l'eau tellement de fois que je ne les compte même plus. Je n'irai pas jusqu'à dire que ça me manque, mais le saule pleureur n'a vraiment pas bougé d'un pouce. Ça doit bien faire un an que je ne suis pas revenu ici. Une année pendant laquelle il s'en est passé des choses.

Et je vois le jeune enfant en train de faire on ne sait quoi avec le sol. Je le reconnaît au premier coup d’œil, comme tout de même la majorité des élèves du pensionnat. Un soupir plus tard et me voilà ses côtés, une mine relativement sérieuse affiché sur mon visage efféminé.

-Quãn ? Dis-moi, tu faisais quoi hier soir ?

Franchement j'aimerai éviter que tout ceci ne se transforme en interrogatoire surprise, mais je n'ai visiblement pas le choix si je veux en arriver directement au sujet sensible.

Dis-moi,
ce que les feuilles te murmurent.

S'il y a bien quelque chose qui est capable de me déstabiliser, c'est bien certains élèves. J'ignore si Quãn en fait partie, mais la réponse ne risque pas de tarder. Je l'observe en train de sculpter une tête sur du bois. Je dois bien avouer qu'il est doué. La sculpture ne m'a jamais intéressé je l'avoue. Pourtant, j'ai bien été forcé de m'y exercer. J'ai touché à de nombreuses choses durant mes jeunes années. Mais tout ceci n'est qu'un passé bien loin à présent. Je penche la tête de côté pour observer d'un autre angle le talent du jeune enfant. Mais il ne me faut surtout pas oublier la raison de ma présence ici. Il faut qu'il témoigne d'une chose. Et évidemment c'est moi qui en suis chargé. De tous les profs, il n'y avait vraiment que moi de disponible ? Franchement, si on occupe mes heures de tranquillité pour vaquer à droite comme à gauche afin de régler des soucis personnels, cela risque grandement et rapidement de me prendre la tête. Bref. Penché sur Quãn, je m'empresse de lui faire part de ma mission.

Si au début il semble presque totalement m'ignorer, à mon plus grand énervement, au final, il se décide à tourner la tête et à me fixer avant de retourner à sa sculpture. Si, dans un premier temps, j'ai la faible impression de m'être adressé à un mur, en revanche, je finis par comprendre qu'il est doué de parole, au moins.

-Hier soir? Je vais être franc avec vous professeur si vous ne me donner rien. Hier soir pour tout vous dire, j'étais au grenier je l'avoue. Ce sont des ''amis'' à moi qui m'ont forcer à aller au grenier. Je savais qu'il y avait de la surveillance ce soir la mais j'ai quand même accepter d'y aller. Rendus au grenier, je leur ai dis que la voie était libre et quand ils sont rentrer, je me suis téléporter loin du grenier pour ne pas avoir d'ennui. Mais bon, puisque vous êtes ici, autant en profiter pour tout déballer. Maintenant, si vous voulez bien, j'ai ce magnifique bâton de marche à terminer avant qu'il ne fasse nuit.

Je hausse un sourcil quelque peu frénétique et nerveux. Dites. Pour un aussi petit garçon, il prend drôlement le sens de la hiérarchie de travers. Si je l'ennuie, qu'il n'hésite pas à m'en faire part. J'inspire profondément tout en me massant les tempes avec calme et douceur. Si Ayumi devient comme ça en grandissant... Non, ça n'arrivera pas. Je ne veux même pas essayer d'y penser. Pas possible. Nada. Bref. Le seul avantage, c'est qu'il a tout du moins l'esprit honnête, ce que je n'ai que trop rarement l'occasion d'observer chez les plus jeunes. Je vais me contenter d'ignorer la seconde partie de son magnifique monologue. Le grenier. Oui. Effectivement. Il y était donc. En compagnie d'autres compagnons ? Eh bien, il va me falloir des noms, histoire que j'aille moi aussi faire la navette jusqu'à leurs dortoirs histoire de leur en toucher un mot. Ou bien je tiens compte de mon enquête à Pandora et je me contente de botter en touche pour la suite, lui laissant tout le loisir d'effectuer le reste seule ou en demandant à quelqu'un d'autre. Bref, quoiqu'il en soit, il me faut mettre quelques petites choses au clair. Je fourre mes mains dans les poches de mon manteau et soupire.

-C'est gentil d'être aussi honnête. Malheureusement, l'acte s'est bel et bien produit. Tu savais très bien que cet endroit était interdit. Je ne peux pas laisser cela impuni. Il va aussi falloir que tu me donnes le nom de tes camarades.

Et il va falloir qu'il me dise aussi pourquoi ses amis voulaient tant se rendre au grenier. Après tut, ils ne sont pas sans savoir que la vieille bâtisse habite nombre de poltergeist, et qu'il n'est pas rare que quelques uns d'entre eux n'aient pas uniquement de bonnes intentions. En effet, il arrive souvent qu'une section soit interdite pour des raisons de sécurités. Comme les cachots par exemple. J'en ai un assez mauvais souvenir. Et je crains que de jeunes enfants comme Quãn risqueraient de finir blessés dans une lutte contre un méchant, très méchant fantôme. Il n'ont pas nos réflexes, ni même la conscience du danger.

- Écouter professeur, je n'ai rien d'autre à vous dire je vous le jure. Et même qu'après ma petite promenade au grenier, j'ai rencontrer une dame qui ne travailler pas au Mystery. Elle disait s'appeler Meiko. C'est tout ce que j'ai fait hier je vous le jure.

Je fronce de nouveau les sourcils. Une jeune femme ? Meiko ? Connaît pas. J'espère simplement que ce n'est pas une sorcière noire. Quoiqu'il en soit, il y a très peu de chances... Cet enfant n'en serait certainement pas revenu indemne. Sans doute un agent d'Orphéo venu éliminer le poltergeist. Sans doute. Il arrive souvent que des sorciers d'Orphéo viennent passer un temps à Mystery. Comme ça, sans raison apparente. Ce n'est pas non plus le QG d'Orphéo, bien sûr, mais des fois ça peut faire penser à un moulin aux heures de changement de classe, entre les élèves les profs et ceux qui n'ont rien à faire ici.

-Pourquoi tes camarades voulaient-ils aller dans le grenier ?

Je sais que les enfants courent souvent vers le danger, il n'y a qu'à voir ma fille. Mais tout de même, il y a une limite à tout ça. C'est étonnant qu'il n'y ai pas de morts. On devrait aussi instaurer des runes de protection pour les enfants et non plus simplement pour les fantômes.