Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥)

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MessageSujet: Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥)   Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥) EmptySam 3 Nov 2012 - 17:54

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SNOW BEHATI
LISTEN TO THE SOUND OF MY LONELY VOICE

Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥) IXsR1Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥) UyGji

Comment en est-il arrivé là ?
Assis de tout son long sur un vieux banc du square, juste en face de l'école primaire, il dévide le fil de cette journée plus qu'ordinaire, tandis qu'il tourne et retourne dans ses mains un petit bonbon à la fraise.
Comment, dites-vous ? Bof, ça lui est égal. Le monde ? Oh, il va mal, évidemment : il tangue et penche, désaxé, comme une vilaine poupée que l'on aurait suspendue par les pieds. Lui ? Viré. Licencié. Fini. Voilà maintenant presque un mois qu'il fait croire à sa charmante épouse qu'il se lève tous les matins pour aller travailler, alors qu'il passe ses journées assis sur ce vieux banc du square à regarder les enfants vivre leur vie.

Aaah les enfants...

Il attend à chaque fois avec une impatience sans bornes le moment où, pressés de retrouver leurs parents, ils sortent de l’établissement par le grand portail blanc encadré par des enseignants. Il aime écouter le brouhaha des écoliers ravis de terminer leur journée de cours, les regarder échanger leurs cartables contre un goûter qu’ils s’empressent d’engloutir avidement, quand d'autres jouent avec leurs copains pendant que leurs mamans finissent de discuter à l’ombre des platanes.

Étrange créature aux désirs inavouables et aux besoins inassouvis.


Elle ne l'avait jamais vraiment remarqué : c'était un peu comme s'il avait fini par faire partie du décor. Pourtant, à rester là sur son banc, bras ballants et lèvres étirées en un sourire malsain, elle aurait dû voir venir quelque chose. Surtout qu'elle est plutôt du genre méfiante. Visage carré, anguleux et glacial. Nez de cochon, grossier et scabreux. Joues rebondies et front large, comme un ballon trop gonflé sur le point d'exploser. Sourcils taillés en accent circonflexe et lippe sèche et boudeuse.

Derrière ses grosses lunettes, ses pupilles sont enflammées par quelques folies. Chaque pore de sa peau suinte un mélange de transpiration et de perversion.
Et il est laid.

Mais non. Les bonhommes dans son genre, tristes et un peu pathétiques que la vie a frappé de plein fouet, ça ne l'intéresse pas. Et elle finit par effacer son existence de sa mémoire. À ses yeux, il est invisible. Fantôme.

Il n'existe plus.
Il n'a jamais existé.



Comme chaque jour, il la repère au premier coup d’œil. Jolie brunette au teint délicieusement hâlé, elle laisse comme toujours ses cheveux couler en cascade dans son dos. Elle est seule, il le sait, personne ne vient jamais la chercher. C'est juste que d'habitude, elle rentre à vélo.

Cette fois c'est différent. Il a fait en sorte que ce soit différent : aujourd'hui, elle rentre à pied. Plus de vélo. Il a crevé chacun de ses pneus.

La première fois qu'il l'a vue traverser la route sur sa selle, il s’est arrêté net, l’oreille dressée, le regard avide derrière ses lunettes et, tandis qu’elle le dépassait, il a fait demi-tour sur lui-même, l’œil rivé sur son dos ; une volte-face gourde, libidineuse et aussi gracieuse que le pas de danse d’une pseudo ballerine ventripotente, le bedon agitée sous sa chemise de commercial en vadrouille. Il l'a regardée partir à toute vitesse, les jambes flageolantes, la gorge sèche.

Son air goguenard et sa tronche lubrique se sont focalisés sur un cul – des fesses sur une selle de vélo, des cuisses rondes et caramélisées par le soleil – des seins encore inexistants, un gros plan sa chute de reins.

Une sorte de film pornographique en qualité streaming.
Rien qu’en se retournant comme un chien famélique en proie à une odeur de viande alléchante.

Depuis ce jour, il a décidé qu'elle serait la première. D'une longue liste, espère-t-il. Il sait qu'il l’abordera. Mais jusqu'à maintenant, il s'est contenté de laisser une distance raisonnable entre eux, histoire de ne pas éveiller les soupçons. Les siens, d'abord, et ceux de son entourage ensuite.
Faillir si prêt du but n'était pas dans ses projets. Abandonner non plus.

Il la laisse donc prendre de la distance puis commence lui aussi à marcher dans la même direction. Il fait abstraction de l’excitation et se force à rester sur le trottoir d’en face. Les mains dans les poches, le col de son cardigan remonté sous ses yeux, il a rentré la tête dans ses épaules et s'astreint à prendre le rythme rapide de la petite fille pour garder une marge confortable. Oh ! Il a répété le scénario dans sa tête, toutes les nuits depuis des semaines. Il a garé sa voiture à quelques minutes de là. Il sait aussi que sans faire appel à la force, jamais elle ne le suivra : elle n'est pas du genre sociale et ne parle jamais avec les autres. Pas même avec les enfants de son école.
Aucune chance avec un inconnu.

La seule solution, c'est de la prendre par surprise et de l'endormir avec un coton imbibé de chloroforme. Elle n'aurait au moins pas le temps d'avoir peur. Du moins pas tout de suite.



Elle ? Elle ne sent rien. Son esprit vagabonde à son côté : elle ne supporte pas la saison de l’automne et les châtaignes au coin du feu ou les couleurs rougeoyantes des chênes qui bordent l'allée n'y changeront rien. Chaque année, c'est le même refrain de la même chanson. Une mélancolie languissante lui colle à la peau et s’infiltre sous ses ongles pour se glisser dans sa tête.

Si elle avait pu chasser cette nostalgie cyclique d'un grand coup de pied dans un tas de branches mortes, peut-être s'apercevrait-elle de la main tendue vers elle, prête à faire d'elle le martyr d'une misérable existence...

Spoiler:


Dernière édition par Behati Al Hattal le Mar 13 Nov 2012 - 21:28, édité 1 fois
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Snow Elkins
Snow Elkins
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MessageSujet: Re: Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥)   Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥) EmptyMar 13 Nov 2012 - 20:39

« When you're sad you can put your head on my shoulder
And maybe together we can grow a little bit older… »


    Les écouteurs vissés dans les oreilles, Snow Elkins entend à peine la sonnerie de l’école bourdonner autour de lui. Il contemple, amusé, cette nouvelle journée de routine écolière s’achever en parfaite symbiose avec la chanson qui prend fin à l’intérieur de sa tête. Les élèves se pressent et se bousculent dans une course effrénée, se mariant à merveille aux basses assourdissantes de la musique.

    Je la remarque d’abord, elle. Parce qu’elle est discrète et que sa discrétion lui donne un air remarquable. Parce qu’elle évite la cohue, et ne se mêle pas aux autres. Parce que les autres, elle ne les regarde même pas. Parce qu’elle vient de franchir les murs de son école et pourtant elle arpente déjà les rues d’un autre monde. Un monde qui n’appartient qu’à elle.


    Snow Elkins ne la remarque pas parce qu’elle est seule, et potentiellement vulnérable, aux côtés de son vélo crevé. Il la remarque parce qu’elle est lumineuse.
    Il imagine sa propre fille, dans quatre, cinq, ou dix ans peut-être, sillonner les mêmes allées, un sac nonchalamment balancé sur son épaule droite. Un sourire lui mange le visage tandis qu’il se promet une chose : sa fille à lui ne rentrera jamais seule.
    Un ange ne devrait jamais être seul.

    Puis je le vois lui. Il est assis sur le même banc que moi pourtant je serais incapable de savoir avec certitude quand il y est arrivé. C’est comme s’il avait toujours été là. Comme s’il était né, avait vieilli, et mourrait sur ce banc délabré, dans ses habits tombants pareils à de vieilles loques dont le temps aurait eu raison. Son crâne chauve et ses yeux avides portent eux aussi l’emprise des années, et de la boisson. Tout son être infecte l’alcool, les espoirs mort-nés et les illusions déchues.

    Il n’y a que deux ou trois lattes d’un vieux banc pourri entre eux, pourtant Snow Elkins se sent à des années lumières de cet homme. Cet homme qui ne le voit même pas. Cet homme qui ne voit qu’elle.
    Ils sont assis sur le même banc, portent leur regard dans la même direction mais les flammes qui dansent au fond de leurs yeux n’ont absolument rien de commun. Lumière pour l’un, lueur pour l’autre. Sereine pour l’un, avide pour l’autre. Amicale pour Snow, dangereuse pour l’homme…

    J’ai la nausée. Cet homme me donne la nausée. Mais je me serais volontiers contenté de ce désagréable sentiment si l’autre n’avait été si fort, si pressant. Je réprime un nouveau haut-le-cœur. Mais la crainte devient certitude lorsque la fillette tourne au bout de la rue.

    L’homme se lève.
    Dans son regard éteint, désespérément vide, la petite lueur d’excitation devient flamme vive, un immense brasier irrésistible et dangereux.

    L’homme se lève. Je compte jusqu’à trois et je l’imite. Je n’ai pas besoin de le suivre. Je sais où il va.

    Snow Elkins conserve néanmoins une distance raisonnable. Il n’a pas envie de se faire remarquer. Pas encore. Il a décidé de rester dans l’ombre un petit moment.
    Elle ne se doute de rien. Elle poursuit sa route, sombre et monotone, son petit vélo avançant sagement à ses côtés.

    Je me demande à quoi elle pense. Je me demande si elle prend le temps d’admirer les couleurs de l’automne qui semblent se surpasser pour ses beaux yeux dans une joyeuse envolée de feuilles rouges, oranges et jaunes. Ou si elle s’en fiche tout simplement. L’automne c’est joli mais ce n’est pas très gai après tout.

    Snow Elkins se demande à quoi une fillette de son âge peut bien songer en traversant l’allée comme si elle était seule au monde, shootant de temps à autre dans une brindille, sautillant pour ne pas écraser une branche, virevoltant à travers le revêtement doré des arbres par ce temps mélancolique. Il est clair qu’elle ne pense pas à l’ombre qui la suit secrètement sur le trottoir d’en face.
    Après tout, le petit chaperon rouge lui-même se doutait-il que le loup l’épiait ?
    L’ange peut-il se douter qu’il est sur le point d’entrer en enfer ?

    Je retire lentement les deux petits écouteurs de mes oreilles et les fourre dans la poche de mon blouson. La musique tourmentée, enivrante, n’a plus rien à voir avec la scène qui se profile à quelques rangées d’arbres de là.

    Il est près de la fille, maintenant. Trop près. Bien trop près.
    Snow Elkins le sait parfaitement, et la répulsion qu’il lui inspire lui tord les entrailles, mais il se résigne à attendre, encore un peu.
    Il poursuit donc sa marche silencieuse, les yeux rivés sur l’homme, là-bas, qui s’est arrêté.

    Je ne suis plus qu’à deux ou trois feuilles d’automne de la triste histoire qui est sur le point de se dérouler devant mes yeux. Je les comble sans un bruit, avec la certitude grandissante que s’il arrive un drame aujourd’hui, s’il est objet d’une étrange mort dans les ruelles de Londres cette après-midi, la fillette n’en sera certainement pas la victime. C’est sur cette idée à la fois grisante et réconfortante que je le regarde œuvrer, comme un chasseur après son innocente proie.

    L’homme est tout près de la fille. Snow Elkins est tout près de l’homme.
    L’homme tend une main tremblante d’excitation, d’alcool et d’appréhension causée par la première fois, vers l’épaule de la fillette qui n’est plus qu’à un cheveux de son terrible destin. Seulement, Snow Elkins est là, et il ne croit pas au destin. Dans le même mouvement, il tend sa propre main, froide, assurée, vers la jugulaire du vicieux pervers.

    Sa main sale effleure l’épaule de la frêle petite fille. Elle se retourne et je vois les émotions défiler dans ses yeux, comme autant de mystérieuses étoiles filantes.
    Est-ce qu’elle a peur ? Ou est-ce qu’elle ne comprend juste pas ?


    L’homme fourre nerveusement la main dans la poche de sa veste, à la recherche d’on ne sait quoi. On ne saura jamais quoi.
    Snow Elkins ne lui laisse pas le temps d’atteindre son but. En deux gestes précis, il pose ses doigts sur les muscles de sa nuque, de sorte à ce que l’individu n’ait d’autre chose que de se retourner immédiatement. Ou de se rompre le cou.

    Il fait volte face et pose sur moi des yeux rougis où la surprise le dispute à la douleur tandis que je me demande ce que je vais bien lui faire.

    Snow Elkins n’est pas ému. Il contemple cet être vide, fade, sans consistance, se plier à sa merci, et en ressors plus écoeuré encore.
    La colère lui brûle les lèvres et enflamme son esprit, mais il ne le montre pas. Il ne voudrait pas effrayer la petite.

    Ce pervers mériterait de mourir. Mais elle ne mérite pas de voir ça.

    Les pouces fermement enfoncés sur sa jugulaire, le sorcier se saisit de l’homme sans que ses muscles daignent protester, et lui écrase la colonne vertébrale sur le tronc dur et froid d’un arbre proche.
    Il sourit, il sourit avec toute la froideur du monde si bien que l’automne semble soudain s’effacer pour laisser la place à un hiver sans fin.

    - Tu vas partir. Tu vas partir et tu ne reverras jamais cette petite fille, pas plus qu’une autre. Tu vas partir loin, apprendre à mériter de vivre et ne jamais revenir.

    Dans ses yeux brillent les perles énigmatiques de son don.
    L’homme demeure immobile, hébété pendant de longues secondes, comme si son esprit détraqué peinait à comprendre ce que la vie lui impose.
    Mais Snow Elkins s’est déjà désintéressé de lui.
    Il s’agenouille devant la petite qui n’a pas bougé, et pose ses mains chaudes, chaleureuses là où celle de l’homme abject se sont posées quelques secondes auparavant.
    Et avec une douceur infinie, il plante ses yeux tout au fond des siens.

    - Comment tu t’appelles ?

    Je ne sais pas si je dois lui faire oublier. Tout oublier. Je ne sais pas si je dois effacer cette peur dans ses yeux clairs. Je ne sais pas si je dois user de mon pouvoir pour trahir sa mémoire, ses émotions.
    Je ne sais pas si j’en ai le droit…

_________________

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« we stopped checking for monsters
under our bed when we realized
they were inside us. »


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AnonymousInvité
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MessageSujet: Re: Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥)   Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥) EmptyJeu 15 Nov 2012 - 23:59

And I've lost who I am,
and I can't understand
Why my heart is so broken

Love gone wrong; lifeless words carry on
But I know, all I know's that the end's beginning

Who I am from the start,
take me home to my heart...

La peur, la honte, la solitude... est ce que ce sont des raisons pour être aussi... imperméable à tout ce qui t'entoure ? Aussi lisse et terne ? Sans goût et sans saveur ? Aussi fade qu'un matin d'automne ? Aussi sombre qu'une nuit sans lune ? Personne ne peut te toucher ni t'atteindre. Tu ne laisses personne s'approcher parce que tu as peur d'être blessée...

Ma tête est une prison, un huit clos en béton.

Pourquoi est-ce que cette voix que je hais tant ne peut pas m'aider à chasser ma mélancolie ? À oublier les choses désagréables, les souvenirs amers, les hurlements et les cris ? C'est à chaque fois comme si une plaie vive et intense éclatait au fond de moi pour légèrement cicatriser au petit matin, se réouvrant finalement un peu plus à la nuit tombée.

Moi ? Je suis cette petite fille beige un peu meurtrie, un peu floue qui se retrouve parfois incapable de courir ni même de marcher ; je suis cette ombre aux traits anguleux, au visage pâle comme la mort, ni laide, ni belle. Une ombre qui disparaît de temps à autre. Vide.

C'est une déchirure qui ne guérit jamais vraiment.


Mais pourquoi toujours repousser les limites ? Pourquoi ne pas accepter d'être un être humain normal, qui sourit, qui pleure, hurle et rage contre le monde entier ? Parce tu es un monstre ? Parce que tu es comme ça ? Mais pourquoi faut-il que tu aies toujours la froideur d'un ange ?

Parce que je me suis brisé le cœur. Je l'ai écrasé, détruit et brûlé. Je l'ai jeté aux orties avant de le donner en pâture à Cerbère.

Après tout, j'ai si peur de souffrir à nouveau.

C'est pour ça que tous les soirs dans mon lit, quand je me mets à penser à tout ce que j'ai perdu, quand je suis à deux doigts de suffoquer, de saigner et de trembler, je me console en chantant dans une litanie sans fin, comme un petit enfant qui compte les moutons pour trouver le sommeil, ce petit air que maman m'avait appris pour éloigner mes cauchemars :

« Et bien je pars, Mev*, puisque vous me chassez, emportant avec moi la géhenne en mon cœur blessé. Je pars donc jusqu'au ciel de la lune, refuge des songes bannis et des rêves égarés. Là-bas, je tâcherai de chanter Séléné, de disperser des mondes et de tout oublier. Je voguerai sur les mers célestes, cueillerai des fleurs de cailloux et accrocherai des soupirs à mon manteau, le nez dans les étoiles. Et dans quelques siècles, je serai là encore, cruelle grimace d'un amour qui se meurt, accueillant les voyageurs aux limbes tissées de soie.
Adieu Mev.
Il nous reste toujours l'éternité. 
»

Cela m'aide à faire abstraction de mes souhaits, à l'envie que mon papa revienne de là où il est parti pour me prendre dans ses bras et endormir mes peurs en susurrant à mon oreille des paroles douces et rassurantes.

Mais j'ai peur qu'un jour, je ne parvienne plus vraiment à me voiler la face. Cela fait si longtemps que je ne crois plus aux contes pour enfants qui parlent de dragons, de sorcières et de belles princesses à sauver, à ces mensonges si jolis que l'on raconte depuis la nuit des temps : après tout, toutes les histoires ne finissent pas bien et la vie me paraît si absurde et dérisoire que je ne comprends pas bien ce que je fais ici.




Bel azur infini auquel ses pensées sont destinées. Elle scrute chaque pavé du trottoir comme pour chercher des réponses. Ses cheveux se balancent dans son dos tandis que ses lèvres chantonnent ce que personne ne peut entendre, ce que personne n'a à savoir.
Et puis... frissons. Froid hivernal qui la prend aux tripes. Ses doigts se crispent sur son guidon. Debout sur ses frêles jambes, elle reste gelée.

Y'a comme un problème.

Ses sourcils se froncent d'eux-même et elle cherche en vain à sentir un vent léger caresser son visage pour assommer ses étranges appréhensions et apaiser ses pensées. Ses dents labourent la tendre peau de ses lèvres, et elle frissonne de nouveau, intriguée... un peu comme si...

C'est-à-dire qu'il y a comme un malaise là.

… comme si elle se sentait... menacée ?


Petit angelot tombé du ciel, aussi lumineux que le soleil à son zénith, j’aimerais te faire regretter le fait d’avoir quitté ton beau perchoir, tu sais ? Mais je veux m’amuser. Je veux faire durer le plaisir. Avec toi, ici et maintenant. Ou bien plus tard, je ne sais pas. Je te fais peur, ma chérie ? Est-ce que je t’effraie ? Ne voudrais-tu pas trembler de tout ton fragile, de ton tout petit corps ne serait-ce qu’à cause de ma seule présence ?

Oh ! Si tu savais à quel point tu es susceptible d’être brisée !


Une main froide et rocailleuse se pose sur son épaule, brisant sa concentration et dissipant les questions silencieuses. C'est une main froide comme la mort, froide comme l'écume d'une cascade où des corps se fracassent contre les rochers. C'est une main froide qu'elle ne reconnaît pas.

Ses yeux se voilent, perdent de leur éclat lorsque son corps se détourne de son chemin de lui-même pour faire face à l'inconnu.
Et des souvenirs l'assaillent.

Une pièce sombre. Pas de fenêtre. Pas de lumière. Des murs gris. Une table, une chaise. Un lit militaire dans un coin. Matelas crasseux. Draps jaunâtres. Poussière. Poussière. Poussière. Des poupées accrochées au mur. Par des clous ? Un ordinateur repose plus loin sur une console. L'écran crève ses pupilles. Elle ne parvient pas à saisir les contours des images qui y défilent. Elle s'approche. Pas à pas. Des hématomes ci et là. Des rêves condamnés. Une vie foutue avant d'avoir commencé. Elle a la peau pâle que ses cheveux auburn font ressortir à merveille. Ses grands yeux tsavorites sont bariolés de maquillage, au même titre que ses lèvres étirées en une mine boudeuse.

10 ans peut-être ? 10 ans et nue.

Elle va...

C'est une main dure et glacée qui étouffe son cri et la sort de sa vision cauchemardesque.

La peur ankylose ses membres en un battement d'ailes de papillon. Écœurement. Elle a une furieuse envie de crier quand une explosion de sentiments tous plus douloureux les uns que les autres envahissent son petit corps tendu et tremblant. Elle n'avait jamais encore tremblé peur. De froid, oui, de tristesse, c'est évident, de rage, bien entendu, mais de peur... !

Son vélo, sa raison lui échappent des mains quand son âme glisse jusque dans les égouts. Le tout en un dixième de seconde.

Mais elle n'a pas le temps de piper mot, de crier au bourreau, qu'une main se pose à son tour sur l'épaule de l'homme. Tout dure dans une bousculade de mots, de pensées paralysées, d’instincts déployés. Elle ne comprend plus rien. À moins qu'elle devine plus ou moins qu'elle vient d'échapper à un coup du destin ? Un sacré vicelard, ce destin !

    « Tu vas partir. Tu vas partir et tu ne reverras jamais cette petite fille, pas plus qu’une autre. Tu vas partir loin, apprendre à mériter de vivre et ne jamais revenir. »

Tout se perd dans une bousculade de mots, de pensées paralysées, d’instincts déployés. Elle ne sait plus trop comment réagir. Comment faire ? C'était comme si tout d'un coup ce quartier qu'elle connaissait si bien lui été devenu étranger. Son cœur bat si fort qu'elle a la désagréable impression qu'il va finir par s'échapper de sa cage thoracique. Ses mains tremblent et se tordent nerveusement.

10 ans. Les images défilent. 10 putains d'années.

Innocence bafouée.

    « Comment tu t’appelles ? »

Des grandes mains chaleureuses. De grands yeux bleus lui font face. Elle ne sait plus si elle doit avoir peur. Ses yeux vagabondent autour, ici et ailleurs, comme pour trouver une réponse cohérente. Mais les mots lui manquent, le souffle aussi. C’est après que ses jambes flagellent pour ne plus pouvoir la supporter. Elle vacille et tangue pour finalement tomber à genoux sur le macadam. Et tandis qu'elle se trouve assise là, à ne plus être capable de se porter, elle frissonne comme dans un froid des plus meurtriers.

La plus terrible des peurs lui tord sournoisement le ventre.
Elle a conscience. De tout. Et c'est tout le problème.

Une larme s'échappe de ses paupières closes, comme un caillou dévalant une colline, oubliée. Une seule perle dévore sur sa joue les rêves brisés de cette gamine – elle parvient à contenir les autres. Oh bien sûr, elle n'a pas encore conscience qu'elle aurait pu y passer, elle aussi, mais les images, les visions commencent déjà à la hanter. Mais elle reste silencieuse.

Elle pleure à peine, mais ne sanglote pas.
Jamais.
Surtout devant les autres.
Surtout devant les inconnus.

Alors elle porte la main à sa figure et efface le stigmate de sa faiblesse d'un coup de manche. Elle ouvre les yeux encore emplis de larmes contenues, relève la tête, et lance doucement à l'attention de son sauveur :

    « Désolée, c'est le soulagement je crois... je... je m'appelle Betty... enfin j'veux dire... heu... Behati... Oh ! Et je vous remercie pour ce que vous avez fait, monsieur... vraiment ! »

Elle réprime difficilement les nouvelles larmes qui montent dangereusement au bord de ses paupières. Elle se veut forte. Aussi forte que pourrait l'être une petite fille de 12 ans.
Comment faire pour oublier ces visions ? Comment faire pour se ressaisir ?

Et dire que demain ce sera encore plus dur...

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Snow Elkins
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MessageSujet: Re: Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥)   Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥) EmptyDim 16 Déc 2012 - 21:39



« Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau ? »
    Snow Elkins prend le temps d’étudier chaque détail, chaque parcelle de cet étrange tableau où un homme seul s’en retourne plus esseulé encore qu’il n’était arrivé. Le bas de son pantalon crasseux frotte contre ses chaussures qu’il traîne péniblement à chaque pas, chaque fois qu’il s’agit de lever le pied, le lancer en avant, recommencer. Il a enfoncé ses mains sales, rougies par le froid, tout au fond de ses poches décousues, si bien qu’on croirait qu’il voudrait s’y cacher tout entier, disparaître peut-être dans les plis de son jean délavé. Il n’est plus qu’une coquille vide. Une coquille plus vide que jamais, irritée par la perspective de l’échec, meurtrie et rabaissée par les paroles d’un inconnu. Il a honte. Il a honte parce qu’il sent toujours cette excitation grisante au fond de lui, la même qui l’avait étreint lorsqu’il avait aperçu la petite fille ce jour-là. Il a honte d’avoir tourné les talons. Il a honte d’avoir capitulé devant l’inconnu, devant Snow Elkins. Ce dernier ressent une très vague compassion. Pauvre homme. Il ne se doute pas une seconde qu’il n’avait pas l’ombre d’une chance face à Snow Elkins et l’étrange pouvoir de ses mots.
    Snow Elkins qui le regarde s’en aller, le col de sa veste à moitié remontée contre sa nuque, à moitié pliée sur ses épaules.
    Snow Elkins qui le regarde avec la certitude qu’il ne le reverra plus jamais.
    Et que s’il le revoit un jour, il le tuera.
    C’est sur cette certitude réconfortante qui cligne une dernière fois des yeux sur ce triste personnage et retourne toute son attention à la petite fille.

    Mes mains posées sur ses petites épaules les englobent toutes entières. Son petit corps frêle semble trembler entre mes poings qui se veulent apaisants. J’aimerais mieux me dire qu’elle ne frissonne que de froid, que les perles qui pointent à l’orée de ses yeux ne sont que les fruits de l’hiver approchant.
    Mais nous savons tous les deux qu’il n’en est rien.
    Qu’elle a peur et qu’elle a raison d’avoir peur.


    Seulement ça il ne lui dit pas, c’est une grande fille après tout. Une grande fille qui a sûrement envie d’être courageuse. Alors il fait comme si ce n’était pas évident.
    Comme si sa voix ne vacillait pas au moindre mot.
    Comme si les perles salées et silencieuses ne coulaient pas à flot sur ses joues.
    Comme si elle n’était pas totalement morte de peur.

    « Désolée, c'est le soulagement je crois... je... je m'appelle Betty... enfin j'veux dire... heu... Behati... Oh ! Et je vous remercie pour ce que vous avez fait, monsieur... vraiment ! »


    Il rit. De bon cœur. Parce qu’elle lui donne envie de rire, avec son étrange prénom, et sa façon de l’appeler « monsieur ».
    Il rit parce qu’il a envie de la faire rire aussi, il a envie de voir un sourire qu’il devine adorable éclore sur ses lèvres et ne plus les quitter.
    Il a envie de lui faire plaisir.

    - Il n’y a pas de quoi, Behati. Tu as été très courageuse ! Tu peux m’appeler Snow, si tu veux.

    Puis je plante mes yeux tout au fond des siens, prêt à faire une exception à la règle. Prêt à tout lui faire oublier, à tout faire, à tout tenter pour un sourire. Un tout petit sourire d’enfant qui signifierait tellement.
    Mais ce n’est pas juste. Ce n’est pas juste de voler les souvenirs d’un enfant pour le besoin si égoïste finalement de le voir heureux.


    Il hésite, balance, vacille.
    A une autre idée. Finalement, il n’est peut-être pas obligé.
    Elle a le droit de choisir.
    Il suffit.
    De lui demander.
    Simplement.

    Je souris, encore.

    Snow Elkins n’a pas cessé de sourire.

    C’est un joli prénom, Behati.

    Il la regarde gentiment, vraiment très gentiment. Le voudrait-on, il n’y aurait pas d’autres mots pour décrire l’expression qui lui mange le visage à cet instant-là. Un peu comme s’il se pensait capable de saisir toute la douceur du monde en un regard, et de la lui offrir, dans un battement de cil.

    - Tu n’as plus aucune raison d’avoir peur.

    Son don clignote légèrement. Encore trop incertain pour la contraindre à quoi que ce soit, mais déjà bien réel pour qu’une onde de chaleur presque palpable s’enroule autour d’elle, la réconforte, la rassure, lui murmure de ne plus avoir peur.

    Plus jamais ? Peut-être.


    Elle essuie la larme innocente qui a réussi à se faufiler en dehors de son œil, comme si elle s’étonnait de sa présence. Comme si elle n’avait pas le droit d’être là.

    Il suffit de lui demander.

    - Est-ce que tu voudrais oublier, Behati ? Est-ce que tu voudrais oublier ce qui vient de se passer et rentrer chez toi comme si cela n’était jamais arrivé ?

    Ses mains sont serrées sur la poignée de son petit vélo, elle le tient crispé entre ses doigts, mais ne le lâche pas. C’est un beau vélo. D’un rouge que l’emprise du temps a transformé en rouille. Ses pédales sont marquées par l’usage, la boue qui les éclaboussent, et les chaussures qui dérapent. Sa selle par le poids léger de la fillette qu’elle transporte.

    Agrippée à son vélo comme à une bouée de sauvetage, elle donne l’air de ne pas comprendre.
    Pourtant c’est simple. Il suffit d’un oui ou d’un non, de trois lettres à peine, et je m’exécute. Trois lettres, ou trois autres, et elle choisit.
    Trois lettres, ou trois autre.
    Et elle se souvient ou elle oublie.


_________________

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« we stopped checking for monsters
under our bed when we realized
they were inside us. »


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AnonymousInvité
Invité
MessageSujet: Re: Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥)   Listen to the sound of my lonely voice [ft Snow ♥) EmptyMar 29 Jan 2013 - 18:32

Son rire la transporta un peu plus loin, comme pour éloigner le temps d'un instant ce mauvais rêve : mieux, il faisait étrangement écho aux éclats de son père, joyeux, doux, avec du tendre dedans mais tenus et réservés.
La prononciation de son prénom quant à lui lui arracha un bref sourire : si elle laisse un instant son imaginaire voguer entre ces lettres échappées de la barrière de ses lèvres, elle pourrait y trouver des rayons de soleil et des palmiers. Elle pourrait même presque apercevoir un bras de mer ou l'horizon d’un ailleurs.

Un bref retour à ses racines, un peu comme un pas sur les couleurs d'un monde parallèle.

Mais les bras lourds et sombres de la réalité lui claquent à la figure.
Parce qu'il est l'heure de se réveiller, maintenant.

    « Il n’y a pas de quoi, Behati. Tu as été très courageuse ! Tu peux m’appeler Snow, si tu veux. »

Courageuse ? Elle réprima de justesse un frisson d'horreur. Courageuse ? Elle ? Elle revoyait encore les orbites de ce pervers caresser doucereusement chaque parcelle de sa peau, se fixer sur elle avec démence tandis qu'autour de ses pupilles d'immenses ombres noires s'accumulaient comme des amas d'algues démoniaques. Elle avait été, pendant ces quelques instants qui lui avaient parues être des heures, prise au piège dans l'obscurité, entourée de forces malignes semblables à un écœurant remugle d'eau stagnante et de carnes putréfiées.

La chair de poule se déploya à nouveau le long de ses bras comme une désagréable cajolerie, et elle s'efforça de se vider la tête en se concentrant sur son guidon : ses doigts était si raides et ses articulations si blanches qu'elle avait bien du mal à ouvrir ses mains pour les faire bouger à nouveau.

Comme si elle était restée tétanisée alors que c'était terminé.
Ou que, tout du moins, le chapitre principal était clos.

Et dire qu'il la trouvait courageuse alors qu'elle était à deux doigts d'éclater en sanglots, là, au beau milieu de la rue...

    « Courageuse ? Je ne pense pas, monsieur Snow... vous, vous êtes courageux : j'en connais peu qui aurait eu la gentillesse de venir m'aider. Après tout, les gens préfèrent ignorer ce qui pourrait leur apporter des ennuis... ou plus généralement ce qui ne les concernent pas. »

Son visage se fendit en une moue amère quand son sourire se fit esquisse. Cela n'était pas dû au hasard si, pour le coup, elle avait immédiatement pensé à Freja en disant cela.
Parce qu'il n'y a aucune affection entre elles.
Un no-man land, voilà ce qu'il y a.
Avec un ciel noir, un parterre de fleurs mortes, des bombes, des obus, des mitraillettes et de la haine.
Surtout de la haine.

Elle ne sait parfois plus depuis combien de temps ça dure, cette mascarade, mais ce qu'elle sait, pourtant, c'est que c'est à la première qui saura faire flancher l'autre, et peu importe les dégâts collatéraux.

L'important c'est de gagner, coûte que coûte.

Un enfant, ce monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets.


    « Tu n’as plus aucune raison d’avoir peur. »

Beaux mots pour baume au cœur.

Que nos bras sont courts et nos mains trop rugueuses à tenter vainement de dissiper les cauchemars comme des graines dans le vent. Devant les coups durs et les effondrements de la vie, les mots qui se veulent réconfortants paraîtraient presque frivoles.

Il aurait été plus simple de s'improviser dieu pour se faire maître de sa propre destinée et partager ces douleurs qui, divisées, se feraient moins dévastatrices....

… mais nous n'avons là que nos yeux pour larmoyer d'impuissance.

    « Je n'arrive pas à en être aussi sûre que vous... mais je vous assure que j'essaye de m'en convaincre»

Le trou de solitude et de souffrance résonne toujours aussi creux dans son ventre.
Juré. Craché ?

    « Est-ce que tu voudrais oublier, Behati ? Est-ce que tu voudrais oublier ce qui vient de se passer et rentrer chez toi comme si cela n’était jamais arrivé ? »

Oublier ? Comment ? Est-ce seulement possible ?

Elle réprima de nouveau un tremblement, ses dents suppliciant sans fin ses lippes déjà martyrisées.

Ni repense plus.
Laisse encore à ton esprit quelques instants de répit : tu auras de quoi te torturer les méninges, ce soir, dans ta chambre.
Ni repense plus.
Tremblante dans ton lit. Terrifiée sous tes draps.
Ni repense plus. Ça n'est plus nécessaire.
Cette nuit, tu seras hantée.
Et seule.


Ses doigts engourdis, eux, s'amusaient à dessiner des machinales sur son guidon pour calmer son trouble. Les révolutions, les volutes et les boucles semblaient peu lui importer, mais il est à parier que si ces mouvements restaient gravés à même le fer, on y discernerait des raisons.

Et de bonnes.

    « Non. Oui ! Je ne sais pas vraiment, en fait... »

A mon sens, l'aspect le plus étrange de ceux qui souffrent réside dans leur croyance en l'absolu de leur tourment. Comme s'ils en détenaient la jouissance exclusive, comme s'ils avaient concentré dans les limbes de leur esprit et la prison de leur corps toute la douleur du monde et en tenaient entre leurs mains le monopole suprême.

Je serais bien orgueilleuse si je disais que cette pensée ridicule ne me touchait pas, quelques fois.

Parce que c'est le cas, je le reconnais.


    « Non, parce que ce serait la solution de facilité, et parce que mon papa m'a appris à affronter les problèmes en face. Oui, parce que je sais que malgré ça, malgré ce maigre réconfort, ce que j'ai vu, c'est... ça va me hanter pendant longtemps, j'en suis persuadée. Et je ne sais pas parce qu'en dépit du reste, il y a une chose de positive à tout cela : au final, j'ai pu vous rencontrer, monsieur Snow. Alors, merci pour ça. Et pour m'avoir aidée aussi. Vraiment, cela vient du fond de mon cœur -et croyez-moi, je pensais ne plus être capable de m'exprimer avec depuis bien longtemps... »

C'est le cas parce que j'y trouve un certain intérêt : la souffrance, elle m'aide à m'oublier, à ne plus m'entendre, ne plus m'écouter, ne plus me demander ce que je fous là à courir derrière une vie que j'ai un mal de chien à supporter toute seule.

    « [i]Désolée... je dis des choses étranges... c'est toujours comme... ça. »

Seulement, il arrive un moment où je prends conscience de souffrances plus atroces, plus horribles encore : des souffrances monstrueuses, criminelles, inadmissibles, des souffrances commises par l'homme lui même. Car au fond, je partage la même humanité et le même air de ces êtres capables de découper le vivant à l'amassette, de noyer des semblables, de massacrer la face des éléphants encore conscients et de dépecer pour de la fourrure, de brûler des hectares entiers de faune et de flore, de frapper à coups de poing et à coups de batte, d'assassiner sous couvert de justice, de soupirer devant l'image d'une fillette qui meure de faim à des années lumières de mon confortable chez-moi, de violer, égorger, torturer des innocents.
Je partage la même humanité de ceux qui, malgré tout cela, vivent leur vie.
Et s'endorment juste après.
Je partage la même humanité que cet homme et que ce pédophile.

Alors au final, je ne veux pas oublier.

Au final, je ne veux plus dormir.
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