[...Je suis pas douée pour les titres ^^"]

Le soleil perçait à peine à travers l'une des rares ouvertures qui donnait vers l'extérieur. Les cachots dans les sous-sols de Berlin n'étaient pas connus pour être très éclairé. Mais en même temps, si le quartier général du clan de Rosenrot était accueillant, ça se saurait. Et puis ça expliquerait aussi pourquoi les esclaves se bousculaient à leur porte. Parce que personne à part eux ne comprenaient vraiment leurs motivations… Qui avait envie de vivre sous terre et d’être contraints de servir une bande de magiciens prétentieux qui n’étaient même pas capable de se faire à manger tous seuls ? Le monde était fou. Ou masochiste.

Voilà le genre de pensées teintées de cynisme qui défilait dans l'esprit d'Ambre. Elle se tenait devant l'une de ses rares petites bouches d'égout libérant quelques rayons de Soleil. Sa fine silhouette se découpait sur le pavé froid et l’humidité ambiante la faisait frissonner. Les yeux à demi-clos, elle savourait quelques miettes de beau temps en priant pour que personne ne la surprenne dans cet exceptionnel moment de tranquillité et d'apaisement. Ses cheveux bruns, d'habitude bruns foncés, avait pris une teinte plus claire sous la lumière et sa peau semblait encore plus pâle qu'à l'accoutumée. Si son maître avait été encore vivant, il se serait gentiment moqué d'elle et lui aurait ordonné d'aller prendre l'air avant de se transformer définitivement en cachet d'aspirine.

Le problème c'est que Andrew Ethan O'Malley était mort, et que personne ne prendrait la peine de se soucier du visage à la pâleur maladive du visage de la jeune fille. Et même si quelqu'un s'en souciait, il ne lui ordonnerait jamais d'aller prendre l'air. A moins d'un miracle, personne dans Rosenrot n'était assez fou pour demander à Ambre Rousseau de sortir toute seule... Ses talents étaient un peu trop précieux pour les Sorciers Noirs. Heureusement pour elle d'ailleurs. C'était sans doute uniquement pour cela qu'on la supportait encore... Un léger sourire fit son apparition sur les lèvres de la jeune femme. Il n'y avait rien de joyeux dans ce sourire, juste une sorte de noire ironie. Comment aurait-elle pu deviner qu'elle en serait réduite à tout cela ? Elle se souvenait encore des années passées en compagnie de son père, où la magie, les sorciers et les meurtres n'avaient pas leur place dans son existence. Ces jours-ci lui semblaient si loin désormais... Aujourd'hui, elle n'était plus qu'une simple esclave, retenue contre son gré par le clan le plus sanguinaire et violent des Sorciers Noirs, avec de maigres chances d'avoir un jour l'occasion de s'échapper.

Le Soleil s'éloigna, happé par l’horizon, préférant laisser place à la longue nuit qui se préparait. Ambre rouvrit les yeux, une petite grimace de frustration faisant son apparition sur son visage. Elle détestait l'imbécile qui avait décrété que "toutes les bonnes choses avaient une fin". La lumière était si rare ici... Un soupir quitta le seuil de ses lèvres, puis elle se détourna de la petite ouverture. Si l’un de ses maîtres la croisait ici, il risquait de la réquisitionner pour une tâche ingrate. Tout à fait à propos, l’un de ses compagnons d’esclavage fit son apparition, l’air empressé. Sans doute encore un Sorcier Noir qui l’a envoyé faire une commission de bas étage. Ambre le suivit d’un regard méprisant : il en fallait beaucoup pour qu’un Sorcier Noir réussisse à la faire se bouger un peu, même sous la menace du fouet. Elle prenait un grand plaisir à traîner le plus longtemps possible lors de ses « missions » : ça faisait enrager tout le monde, même les autres esclaves. Mais elle s’en foutait. Elle n’était pas là pour se faire des amis, ni pour créer des liens avec les autres. Si c’était pour perdre à nouveau un être cher, elle préférait se faire haïr par tout le monde plutôt que de laisser quelqu’un s’attacher un tant soit peu à elle. De toute façon, elle n’avait jamais été très sociable. De noires pensées lui passèrent par l’esprit, qu’elle rejeta d’un petit mouvement de tête. Avec un petit sifflement qui aurait pu être joyeux hors contexte, elle s’éloigna d’un pas vif et gracieux de la fenêtre. Pourquoi se prendre la tête avec ce genre de tribulations… ? Son seul problème restait sa captivité, peu importe comment elle se comportait avec les autres ! De toute façon, elle n’était qu’une sale gamine, n’est-ce pas ~ ? A vingt-et-un ans cela pouvait semblait absurde et pourtant… elle ne put s’empêcher de tirer discrètement la langue à un autre de ses confrères qui courait dans les couloirs, apparemment affolé.

Petite effrontée. Elle entendit presque la voix d’Andrew, un peu moqueuse. Cette voix venant du passé lui remit un peu de baume au cœur. Allons bon. Un peu de courage. Elle rejeta ses cheveux en arrière et s’avança vers le coin du couloir. Un poids dans la poche intérieure de sa veste lui rappela l’existence de la pêche qu’elle avait chipée en cuisines. Son ventre grondait et elle s’étonna de ne pas y avoir songé plus tôt… Elle sortit le fruit du tissu et l’observa un long moment, sans s’arrêter de marcher. Le rouge lui-même semblait bien morne ici. Même le bleu de ses iris, d’habitude si vif, si lumineux, semblait perdre son éclat et l’on discernait de moins en moins les reflets argentés qui s’y dissimulaient. Avec sa pêche à la main, et ses vêtements sombre et amples sur le dos, elle était l’exacte représentation d’une enfant un peu triste qui n’avait pas sa place ici. Elle s’apprêtait à croquer à pleine dents dans son fruit préféré lorsqu’un brusque choc lui fit perdre son précieux goûter et la repoussa brutalement en arrière. Par réflexe, elle ferma les yeux et reprit de justesse son équilibre.

Ses pupilles s’écarquillèrent d’indignation quand elle vit la pêche par terre. Immangeable car le sang avait du couler à maintes reprises sur les pierres du quartier général... Particulièrement remontée, elle se tourna vers l’inconnu, qu’elle ne reconnut pas tout de suite. Sa voix, dont la mélodie était troublée par la colère mais dont le volume restait bas, s’éleva dans les sous-sols de Berlin :

« J’aurais dû me douter que l’obscurité de ce trou à rat transformait les imbéciles en taupes ! »

C'était un peu gonflé tout de même. Puisque c'était elle qui ne regardait pas où elle allait. ...Je n'ai rien dit.