Il a osé me réveiller en sursaut à quatre heures du matin, tambourinant aux carreaux de ma chambre à grands coups de poings.

J'ai fait mine de ne rien entendre et n'ai pas bougé d'un cil. Ça l'a rendu enragé et furieux ; il a foncé sur le lit, hurlant dans mes oreilles, se défoulant mon front, mes joues, le gras de mes bras, bref sur chaque centimètre de peau qui avait le malheur de dépasser. J'ai alors remonté mon drap jusqu'au menton et plaqué mon oreiller sur ma tête, espérant silencieusement qu'il se découragerait et me laisserait tranquillement finir ma nuit.

Mais c'était sans compter la pugnacité de ce vilain pas beau.

Pendant 20 minutes, je l'ai entendu tourner autour du lit, encore et encore, marmonnant des imprécations maléfiques et incompréhensibles, exaspéré par mon manque évident de réaction. Puis, subitement, il est passé à l'attaque : il s'est jeté sur moi avec autant de hargne que Billy le premier jour des soldes et m'a mordue jusqu'au sang à plusieurs reprises.
Et c'est alors qu'à mon tour, la colère m'a saisie. Lorsque la haine me prend aux tripes, je me contrôle plus. Je sévis. Alors je me suis levée d'un bond, et j'ai saisis la première massue improvisée qui me tombait sous la main (le dernier Closer) et l'ai poursuivi pendant plus d'un quart d'heure dans tout l'appartement, poussant des râles de haine pure. Nous nous sommes ensuite arrêtés simultanément pour reprendre notre souffle et, quand il s'est appuyé, frêle et haletant, sur le mur immaculé de l'entrée, j'ai abattu mon arme.
J'y ai mis tellement de force, sans doute mue par une colère aveugle, que les murs en ont tremblés et que ses tripes ont giclé sur près d'un mètre. Au garrot.

Et c'est sans l'ombre d'un remord pour mon crime que je suis retournée me coucher. Œil pour œil, dent pour dent ! Non mais ! 

C'est ce matin qu'il s'est rappelé à mon souvenir, le con. Mon corps de sirène (hum) est couvert de boutons sur-infectés et je suis bonne pour lessiver le mur, encore couvert de son cadavre sanguinolent.
Même mort, il trouve encore le moyen de m'emmerder.

Que je hais ces putains de moustiques.

Bah quoi ? C'est toujours quand tu commences à trouver que la vie à le goût de la confiture de roses que, dans un shaker, on mélange un soleil de plomb sur une peau de rousse, beaucoup d'alcool, une tonne de nutella, beaucoup d'alcool, une énorme pizza avec une croûte fourrée au pudding à la vanille et à la confiture de raisin le tout avec du sucre glace par dessus (avec une garniture composée de pepperoni, de salami, de saucisse, de jambon, de poivrons verts, de champignons, d'olives noires, de tomates, de maïs, de tranches de pomme, d'oignons et de patates douces), un lutteur coréen super sexy (avec un de ces p'tit cul) qui fait la grève du rasoir, beaucoup d'alcool, très peu de sommeil, deux compétitions aux JO magiques, un BFF qui vous fait bouffer le gazon du Bushy Park sous le simple prétexte de vous faire mourir de guili-guili, des moustiques avides de (votre) sang, beaucoup d'alcool et un démaquillage plus qu'aléatoire pendant 5 jours, on obtient un cocktail détonnant : ma tronche ce matin dans le miroir.

Entre les boutons et les tâches de rousseur, je pourrais presque jouer à relie-les-points et j'aimerais bien que les filles puissent se laisser pousser la barbe, tiens ! Bon, en même temps, c'est pas comme si j'avais prévu de sort...

Rectification. J'ai prévu de sortir. Cet aprem même. Rooh la débile. Rooh la conne.
Non mais vraiment, on se refait pas.

Que j'arrête de me plaindre ? Bah quoi ? Vous deviez vous douter que j'étais pas là pour vous chanter la Cantique suisse en mandarin, non ? Ma tête est pas si terrible ? C'est un compliment ? Oui ? Dans ce cas, je prends. Et puis, j'peux arranger ma tête façon pizza aux anchois avec un peu d'espoir et beaucoup de fond de teint, pas vrai ? Ouais allez... positivons !

***

OH MON DIEU ! JE SUIS EN RETARD ! EN RETARD ! EN RETARD ! (sympa l'écho, non ?)
Ne pas penser aux horaires de mon train, demain matin ... juste sentir l'air s’engouffrer dans ma bouche et brûler mes bronches à l'acide.
Ne pas penser aux soirs où je ne pourrais pas emmerder mon petit Alec, pour cause de partage équitable des vacances avec sa môman... juste me concentrer sur le balancier de mes bras.
Ne pas penser aux sombres couloirs du Mystery sans Viola... juste calquer le rythme des foulées sur celui de la ligne de basse.
Ne pas penser à la jolie pile bien rangée de factures non acquittées qui s'amoncellent sur mon bureau... juste sentir la poussière du chemin voler sous mes talons.
Ne pas penser à celui qui voudrait bien mais ne peut point, hésite et tergiverse ... juste compter deux expirations pour une inspiration.
Et courir comme si j'avais le diable en personne aux trousses, perchée sur mes talons haut.

Et quand j'aperçois le Big Ben, je m'arrête et m'étonne -en passant une main sur mon front- de le trouver aussi sec qu'à mon départ de l'hôtel. Cool, au moins, j'aurais pas à papouiller mon cousin toute collante de sueur ! Hahaha ! Je jette ensuite un coup d'oeil à ma montre : 13h58. Pile à l'heure ! Pour une fois !

Je glisse rapidement une main dans mes cheveux pour me recoiffer rapidement, baisse la tête pour m'assurer que ma tenue est en ordre et, sous le regard de quelques hommes attablés au bar, je scrute la salle de mes yeux avant de me poser près d'une fenêtre, dos à l'entrée.

« C'est bizarre, d'habitude, Angel est toujours en avance... m'aurais pas posé un lapin par hasard ? »