Je t'ai manqué, hein?

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 Je t'ai manqué, hein?

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Ren Takahata
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MessageSujet: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptySam 29 Déc 2012 - 20:46

Va chercher,
jusqu'au bout du monde.


Trois jours. Ça fait déjà trois jours que ma nouvelle vie a commencé. Et je dois dire que je n'ai pas vraiment le temps de me plaindre de ce changement. Je n'ai pas le temps. Mon père est venu nous chercher à l'aéroport dès notre arrivée. Yoren était avec moi. Tout comme Miyaki et Ayumi. Puis, tout s'est pressé. On nous as emmené dans une magnifique maison. Ah ça. Si je m'y étais attendu. Moi, je voulais simplement retrouver ma maison. Mon ancienne maison, peut-être. J'y ai gardé tellement de souvenirs. Pourtant, je n'y suis même pas encore passé. On m'a plutôt refilé une grande très grande maison un peu en périphérie de la ville. Principalement blanche, avec un toit noir. Mais l'esprit reste japonais. La structure est plutôt traditionnelle. Avec un très grand jardin. Il n'y a que la devanture qui possède un style très occidental. Une grande allée où mettre la voiture. Et quelques dizaines de garde du corps. L'espace d'un instant, j'ai cru me trouver dans la demeure du président. Mais non, c'est définitivement chez moi, à présent.

Après ça, nous nous sommes installés, et la première grande découverte que j'ai faite, c'était le nombre incalculable de pièces. Toujours plus spacieuse. Moi qui trouvait ma maison très grande à Little Angleton, je me suis terriblement trompé. On pourrait s'y perdre en moins de deux minutes. Yoren a eu le choix de sa chambre. Il a été difficile de trouver une excuse pour mon père. Il n'a pas fallu dire la raison de sa présence ici. Un apprenti. De toute façon, mon père risque de le savoir bien vite. Et puis, je le vois d'ici me dire « tu n'auras pas le temps ». À l'évidence, il n'a pas eu tort.

Trois jours que je vis ici. Trois jours pendant lesquels j'ai enchaîné sans jamais me reposer. Mes nuits complètes me semblent bien, bien loin à présent. C'est terrible. Je n'ai presque pas de temps à accorder à Miyaki, ni même à Ayumi. En fait, je me sens encore plus chargé à présent. Pour la principale raison que je n'ai plus d'heures de travail bien définis. C'est moi le patron, c'est moi qui me fixe mes horaires. Mais si je ne travaille pas, ça se fait ressentir très rapidement. Bref, je dois dire que ça me fatigue plus. Mon père m'assiste beaucoup moins. Il est davantage devenu mon conseiller. Me donner mon emploi du temps de la journée. Il faut dire que je n'ai pas le temps de m'ennuyer. Entre les conférences, les réunions diverses et variées, et le boulot qui m'attend à la maison, je me sens de plus en plus oppressé.

Pourtant, pourtant oui, mon père m'a offert une demi-journée de tranquillité. C'est à ce moment que je me rends compte du travail que mon père a dû fournir pour me donner si peu de travail en rentrant chez moi lorsque j'étais en Écosse. C'est à se demander s'il est humain. Travailler autant, c'est affreux. Je ne pensais pas que ça me demanderait autant de temps pour obtenir un tant soit peu de repos. Oui, je voyais les choses autrement. Mais passons.

À présent, je suis assis sur le sofa du salon à regarder la télé. Enfin, ça c'est la version officielle. En vérité, je suis plus couché qu'autre chose. Et la télévision tourne pour qui souhaite la regarder. Miyaki est partie je ne sais où et Ayumi est avec sa nourrice. Je tourne la tête à gauche. Mais rien. Il n'y a rien. Rin me manque. Tout comme Hiro et Mokkun. Je me demande comment ils font en ce moment. C'est la période du repas. Enfin, sans le décalage horaire. Après tout, ce sont des animaux sauvages, ils doivent bien savoir comment se débrouiller tout seuls. Seul. Je le suis. Dans cette grande maison. Il y a bien les gardes, mais j'avoue qu'ils sont plutôt bornés et qu'il est difficile de leur faire la discussion. Et je ne vais pas leur ordonner de me parler. Ça ne se fait pas trop.

Allongé comme une larve sur le canapé, je soupire et laisse ma main se balancer dans le vide. J'aimerais bien dormir. Là, maintenant tout de suite. Je pense que c'est amplement mérité, bien que ce ne soit pas dans mes habitudes de m'assoupir en pleine après-midi. Mais la tentation est trop forte. C'est terrible. Baillant un bon coup, je ferme les yeux. Qui va m'en empêcher ? La télévision qui tourne pour rien ? Les chiens qui attendent dans le jardin ? D'ailleurs, parlons-en de ces chiens. Ils sont aussi têtus que leur maître. Mais vraiment. En voyant des animaux, je me suis dit chouette. Mais rapidement ils se sont trouvés ennuyeux. Mes animaux de compagnie me manquent vraiment. Je vais finir par acheter un chat si ça continue. Oh, tiens d'ailleurs, en parlant de chat, ça me tenterai bien de me transformer. Il faut dire qu'après trois jours sans métamorphose, une simple pensée suffirai à faire la chose. Mais pas là. Je me retiens. Principalement parce que je ne tiens pas à déchirer mes affaires. Et puis, si quelqu'un entre sans prévenir, je serai bien dans la mouise. Dans le genre vraiment. Mais l'envie est là. En plus, si ça se trouve, je finirais par le faire dans mon sommeil.

Sans en attendre plus, je fonce dans la salle de bain et me déshabille totalement. Mes bandes sont trop, vraiment trop loin. Alors ça se fera sans. Pour compenser ce manque, je saisis mon peignoir (c'est pour toi Finette♥) et me change aussitôt en léopard. Ça me fait un bien fou. Tellement fou que je ne peux m'empêcher d'émettre un léger grognement. Passant le peignoir dans ma gueule, je trottine légèrement jusqu'au salon, en faisant gaffe à ne croiser personne. Puis, avec ma truffe, je referme la porte et jette le peignoir à portée de main d'humain du sofa. En posant tout mon poids d'animal sur ce dernier, je referme les yeux. J'aime décidément cette forme plus que tout. Sans doute l'aimais-je encore plus que ma forme humaine. C'est à se demander si je suis né humain ou animal. Mais ma vie d'humain est trop présente pour être uniquement animale. Bref. Je me demande où est Yoren. Certainement pas loin. Mais je n'ai pas la force de lui faire cours maintenant. Peut-être plus tard, dans l'après-midi... nous... nous verrons.

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Takeji Kido
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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptySam 23 Mar 2013 - 0:37

Okay ouvrons sur un sujet dont je n'ai pas parlé depuis longtemps. Le temps. Je savais déjà, oui, qu'en venant en Ecosse, je disais un peu beaucoup adieu au Soleil les trois quart de l'année. Ouais, sur les brochures touristiques, ils vantent pas trop le temps mais plutôt la qualité de l'air et la beauté des paysages vous voyez. Evidemment, ils ne disent pas qu'il faut être physiquement résistant au froid, à la pluie, au vent et au manque de Soleil. Parce que oui, des fois, le manque de Soleil me fait péter des câbles. Comme... la semaine dernière. J'ai donné la purée au chat et la pâtée pour chat à Jace qui a d'ailleurs tiré une drôle de tête à cause de l'odeur. Mais comme rien n'arrête mon fils - et pan, prenez ça ! - il a voulu testé. J'ai empêché le drame juste à temps. Jace, nourri à la pâté pour chat à un an. Je m'en serais voulu jusqu'à ma mort. Parfaitement. Mais la catastrophe a été évitée ! Et oui, elle était liée au manque de Soleil, je signe et je persiste. Et puis aujourd'hui, il y a eu une autre catastrophe liée au manque de Soleil. Non, honnêtement, je ne vois pas d'autre explication que celle-ci. La surcharge de travail ? Mensonges ! Le manque de Soleil je vous dis.
Ren.
Takahata.
S'est.
Tiré au Japon.
Définitivement.
Et sans me le dire. Sans m'en avertir. Moi. Non mais allo quoi - aucune bimbo française n'a été blessée lors de la réalisation de cette parodie - je suis son meilleur ami.
Ou du moins, je suis censé l'être. Pardonnez moi d'en douter soudain. J'ai appris ça à dix heures. Il est dix heures douze et j'ai un billet d'avion pour le Japon. Avion qui part dans trois heures et quarante deux minutes. Pardonnez moi, quarante et une maintenant. Shy ne le sait pas encore. Shy aura ma tête. Et probablement qu'elle m'arrachera autre chose avant mais je préfère penser que c'est ma tête qui partira en premier. C'est moins douloureux vous comprenez. Voilà donc, si vous voulez une heure du décès à mettre sur mon acte de décès, vous pourrez mettre 11h14. Parce que je m'apprête à tout avouer à Shy. Ren est parti il y a trois jours et je viens de l'apprendre. Puisque monsieur est parti en catimini pendant que j'étais en mission à l'étranger. Evidemment. Je suis rentré cette nuit. Ce matin j'arrive pour donner des cours et, oh, surprise ! Quant à comment j'ai pu obtenir un billet d'avion aussi vite, je n'ai qu'une chose à vous dire : téléportation. Et vive les primes de mission. Oh mon Dieu je suis encore plus mort, un billet d'avion ça reste pas donné. Je suis tellement remonté contre l'autre - on dirait pas ? Attendez qu'il se trouve en face de moi - que je n'ai pas réfléchi. Je me ferai pardonner à mon retour. Maintenant si vous voulez bien m'excuser, il me faut avoir une petite discussion avec ma future femme.

Re bonjour, je suis toujours en vie et entier, merci de vous en être inquiétés. J'ai promis de rentrer le plus vite possible. Soit, dès que j'en ai fini avec le Takahata. Après, le retour se fera en avion. En clandestin. Je sais, c'est mal. Mais y'a pas le choix. Dire que je voulais passer un peu de temps avec les enfants aujourd'hui, je les ai à peine vus ce matin. Ça aussi tu vas le payer Takahata. Et cher. Très cher. Tu n'imagines même pas. Bordel - pardon -, son départ me perturbe tellement que je lui parle dans ma tête.
Passons. Je mets les heures qui suivent sur avance rapide. Même l'avion, sur avance rapide. Je crois que j'ai fait peur à une grand-mère avec ma tête. D'habitude je parais inoffensif. Mais j'ai tellement envie de lui tordre le cou à l'autre, là, que ça doit se voir. Étonnant qu'ils m'aient laissé passer la sécurité, à l'aéroport. Bref. Pendant le court laps de temps entre l'achat du billet et le départ, j'ai évidemment fait des recherches pour savoir où aller en arrivant. Alors j'y vais. On n'échappe pas à un téléporteur, parce que la téléportation, c'est le Bien. Avec un grand B. Rentrez-le vous dans le crâne si vous voulez, je continuerai à le marteler. Et j'arrive donc devant une grande propriété.
Forcément.
J'essaie d'y entrer par téléportation, en fonçant dans le tas, parce que réfléchir c'est has been vous comprenez.

Ha ha. Ha ha ha. C'est protégé. Et je viens de le découvrir par l'expérience.
Je souffre.
Mais ce n'est pas ça qui m'arrêtera. Rien à faire des runes anti-téléportation. Je vais chercher une faille. Et, si j'en trouve pas, tant pis pour toi Takahata, j'en dégommerai quelques unes pour passer, de tes fichues runes. Et effectivement - vous avez vu l'avance rapide tellement rapide qu'en fait non vous l'avez pas vue, que je viens de faire ? - je finis par trouver un moyen de passer. J'atterris dans une salle parfaitement inconnue dans un endroit tout aussi inconnu. Alors je me mets à chercher. Discrètement merci bien, je ne sais pas ce qui traîne ici. Des fois que je me fasse attraper puis jeter en prison par des gorilles de deux mètres de haut et deux mètres de large, vous savez... Bref. J'avance donc. Et je finis par arriver dans ce qui ressemble fort à un salon. Et là, le spectacle qui s'offre à moi me désole au plus haut point.

- Je croyais que tu étais parti parce que tu ne pouvais pas tout faire et manquais de temps. Tu m'as l'air bien occupé.

Pas moyen de se tromper. Cet énorme chat étalé comme une larve - je ne ferai aucun cadeau sur les comparaisons, il ne le mérite pas - sur un canapé hors de prix, c'est Ren. Ça fait quoi de ne même plus pouvoir sortir dehors sous forme de léopard hein ? S'il avait été sous forme humaine, je l'aurais attrapé pour le secouer comme un prunier. Là, c'est un peu inutile sur un félin qui fait trois fois mon poids. Je le fusille du regard quand même, cela dit. Et puis je continue d'un ton froid, après l'ironie du premier, en croisant les bras :

- J'aime pas les lâches, Takahata.

Parce que lâche, c'est ce qu'il est. Lâche d'être parti sans rien dire. Lâche d'avoir abandonné tout le monde. Lâche envers les enfants du Mystery, pour lesquels nous sommes tous un peu des parents. Lâche envers l'équipe enseignante. Lâche envers ses amis. Lâche envers moi. Je ne suis pas "petit frère" ? Petit frère n'était au courant de rien. Et je ne sais pas trop si je parle en tant qu'enseignant, qu'ami ou juste en tant que petit frère. Qu'importe, je suis remonté contre lui dans les trois cas. Trahi dans les trois cas. Et bon sang, on ne s'en va pas comme ça ! Il va revenir, et il va revenir rapidement.
Après que je me sois défoulé sur lui, cela dit. Je sais qu'il va se défendre. Et je sais que ça va m'énerver. Alors même que je ne m'énerve jamais. Je sais aussi que je vais finir par hausser le ton. Contre lui. J'aurais jamais cru. J'aurais même cru que si je devais me disputer ainsi avec quelqu'un, ça aurait plus été avec Shy. Je l'aime plus que n'importe qui, mais bien sûr, à vivre ensemble il y a des désaccords. Alors, un jour, ça aurait fini par arriver. Une dispute un peu plus méchante. Mais non, c'est Ren qui va prendre.
Tant pis pour lui. Fallait rester.

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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptyLun 15 Avr 2013 - 20:06

Cette histoire est fini,
laisse-moi en poursuivre une autre.


Trop dur. Beaucoup trop dur. Le rythme effréné ne me va pas. Ce n'est pas une vie de vivre ainsi. Alors, je profite de ma demi-journée de libre. En dormant. En même temps, que puis-je faire d'autre ? Je n'ai plus aucune force. La personne jugeant que la fatigue mentale est moins puissante que la fatigue physique est un idiot. Un sombre idiot. Je pense que si ce genre d'individu me sort ça à la figure, il va véritablement en prendre plein la figure. Et avouons que, même si je n'ai pas la forme, je peux être méchant. Vraiment méchant.

Le sofa me paraît tellement, mais alors tellement confortable. Et ma forme fusionnelle me rassure. Personne ne rentrera dans cette salle si je ne l'autorise pas. À part ma famille sans doute. Mais eux savent, alors je n'ai aucune raison de m'en faire pour le léopard couché sur le canapé. Ce serait vraiment fâcheux de devoir expliquer au tribunal le pourquoi du comment je garde un léopard des neiges, espèce protégée et interdite à l'adoption. Et n'essayons même pas d'induire une quelconque forme de métamorphose là-dedans, car Orphéo rappliquerai aussitôt. Et très honnêtement, je préférerai éviter de les voir, à présent. Qu'importe, je me demande pourquoi je me prends la tête comme ça. Pour une fois que j'ai l'occasion de reposer mes neurones, les voilà qui fonctionnent à trois cent à l'heure. N'ai-je donc pas le droit à quelques minutes de calme ? Il n'y a pourtant aucun bruit dans le coin. Totalement vide. Les salles sont juste terriblement bien isolées. Les gardes du corps se baladent sans cesse dans la maison. Il est très rare de les croiser, mais je suis persuadé qu'ils cherchent juste à ne pas nous voir. Ils surveillent, tout simplement. Ah... est-ce qu'il m'est autorisé de ne penser à rien, juste là, pendant ce très court laps de temps ? Une petite pause dans mes habitudes, pour fermer les yeux.

[…]

- Je croyais que tu étais parti parce que tu ne pouvais pas tout faire et manquais de temps. Tu m'as l'air bien occupé.

Les yeux clos, un vague bruit de fond me force à me poser des questions. Qui est-ce ? Pourquoi le silence se trouve-t-il troublé, maintenant ? Quelqu'un est entré ? Comment ? Il me connaît. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? J'ai des hallucinations, à présent ? Mon cerveau doit être terriblement surchargé. C'est ça ce que ça fait de ne plus penser. C'est drôle, j'ai cru entendre Takeji me parler. Lointain. C'est bien trop lointain pour être proche. Il me poursuit même dans mes rêves. Ma culpabilité n'est donc toujours pas passée. Je suis vraiment terrible.

Il m'accuse. D'une quelconque manière, c'est ainsi que je le perçois. Il m'accuse d'être parti. Il me voit, couché sur le sofa. Ah, quelle vision, pas vrai ? Ça peut faire pitié, d'un côté. Ou révolter. Ou énerver. Peut-être même les trois. Mais je me fiche de ça. Je veux profiter de ma demi-journée, la vivre à fond, même si ce n'est que pour dormir. Chacun ses occupations. De toute façon, pourquoi je me formalise dessus ? Takeji est loin. Terriblement loin. Tout comme le Mystery, les élèves et les enseignants. Tout le monde. Ici il n'y a que ma famille et Yoren. Quoiqu'il en fait partie intégrante à présent. J'ai entraîné du monde sur mes pas. Comme un petite vague. Une toute petite vague. Mais Takeji est loin. Alors il n'y a aucune raison qu'il soit là, tout près. Je rêve.

- J'aime pas les lâches, Takahata.

Il a raison. Il a terriblement raison. J'ai l'impression que mon inconscient s'exprime à travers ses mots. Lâche. D'être parti sans rien dire, comme un voleur. Pourtant, c'était une décision importante. Rapide, mais j'aurais quand même pu lui en parler. Au lieu de ça, j'ai préféré fuir au loin, en pensant que l'avenir permettrait d'oublier. Je ne voulais pas les voir, eux. Je ne voulais pas revoir le Mystery. Je garde tous les souvenirs de ces moments, mais je ne me sentais pas d'aller les voir un à un, leur expliquer la situation, avoir leurs yeux portés sur les miens. C'est trop dur. Trop dur d'assumer d'une part ce pour quoi on est fait et le regard de tous les autres qui vont suivis. Alors, je fais de moi la victime. J'insiste à l'oral et tente de me persuader que personne n'est fautif. Et pourtant... pourtant j'accuse mon père, le temps, le destin, tout. C'est trop facile, hein ? Mais comment feriez-vous, vous ? C'est si facile de parler sans l'avoir vécu. Chaque personne a sa fragilité. Elle s'exprime souvent ou peu, mais finit forcément par apparaître. Forcément.

Takahata. Un nom de famille plus important qu'il n'y paraît. J'aimerais bien me mettre dans la vie d'une autre personne un jour, juste pour voir comment ça fait. Et pourtant, j'aime ma vie. Un peu pressée, mais ça ne me fait qu'apprécier encore plus les petits moments de détente avec ma famille et mes amis. Takeji. Tu me permettras de m'excuser un jour ?

J'ouvre subitement les yeux. Non, je ne rêve pas. Il doit être là. Sa voix. Sa voix, elle est trop proche pour résulter de ma seule imagination. Je lève la tête brusquement, si bien que ma vue s'en trouve troublée durant les premiers instants. Il est là. Ses cheveux blonds argentés. Son regard. Oh mais quel regard. À le voir, on croirait que j'ai tué quelqu'un et qu'il est venu pour me faire la morale.

Attendez.
Il est là.
Qu'est-ce...

-...que tu fais là ?...

Je rêve. Par pitié, dites-moi que je rêve. Mais ce rêve est trop réel. Il est devant moi, à me fixer avec rage. Pourquoi a-t-il fallu que ça arrive ?

-Comment ?...

Comment a-t-il fait pour rentrer ? Comment ? Il y a pourtant bien des runes à l'intérieur de la maison. Et les gardes du corps sont trop nombreux. Sans même se fier à ça, il y a aussi la distance qui sépare l’Écosse du Japon. Il a fait le chemin. Bon Dieu, il l'a vraiment fait. Pourquoi ? Je le sens mal. Je ne suis pas à l'aise. Terriblement pas. Je n'arrive pas à aligner deux mots dans une phrase. C'est handicapant. Je ne voulais pas qu'il vienne me voir. Pas maintenant. Je ne suis pas encore prêt à sortir mes multiples excuses. Alors... alors ? Je me referme. Je comprends la situation, alors je me referme encore plus. La solution ? Quelle solution y a-t-il ? Que feriez-vous ? La défense. Mais comment se défendre face à un regard pareil... Je ne l'ai jamais vu dans cet état. Mais au lieu de continuer à m'intimider, ma fatigue fait remonter une vague brûlante. Une vague brûlante de pensées diverses. Il n'avait pas besoin de venir. Pourquoi faut-il qu'il fasse des trucs aussi inutiles ? Pourquoi devrais-je m'expliquer ? C'est la vie, point. De toute façon, toutes les explications ne parviendraient certainement pas à attiser sa colère. Il est même fort à parier que je m'en prendrais une avant sa disparition. Or, je n'en ai pas envie. Je profite de ma demi-journée, et voilà qu'il vient m'empêcher de la savourer. Ça ne va pas. Qu'ai-je donc fait ? En glissant le long du sofa, je me remets sur mes quatre pattes. Il est tout à fait hors de question que je reprenne forme humaine pour l'instant. Et puis, j'ai beaucoup moins de raison de le craindre de cette façon. Nous nous sommes suffisamment embêtés par le passé pour qu'il sache qu'il est inutile de me porter ou autre quand je suis sous cette forme. En reprenant un peu plus de forces, je fais alors face aux yeux de Takeji et répond :

-Tu as bien choisi ton jour on dirait. Je suis en repos. Mais tu n'avais pas besoin de faire tout ce chemin tu sais.

Quelle langue de vipère. Ça ne me ressemble pas. Mais ça fait trop de choses d'un seul coup. Et aux paroles on ne peut plus désagréables viennent s'ajouter un ton presque neutre. Presque trop tranquille. Presque trop sans-cœur. Pourtant, je voudrais m'excuser. Mais je ne trouve pas les mots. Je ne trouve vraiment pas les mots. Alors je me défends à ma façon. En provoquant. Le coup viendra plus vite, sans doute. En tout cas, il en prend la direction. Ça me réveillera peut-être un peu plus. Je ne peux pas rester silencieux plus longtemps. J'ai des choses à lui dire. Tellement de choses. Mais toutes les excuses ne suffiront pas à l'apaiser. Pas cette fois en tout cas. Surtout après ce que je viens de dire. C'est inutile. Et ça ne contribuera qu'à l'énerver davantage. Peut-être faut-il que je me taise. Que je laisse s'exprimer librement. Que je prenne tout, comme il a dû en prendre lorsqu'il l'a appris de la bouche d'un autre. Je suis surpris qu'il ai fait ce chemin. Mais je ne veux pas. Je ne veux pas assumer mes erreurs. Je n'en ai vraiment ni l'envie ni le besoin. J'ai peut-être envie d'emmener quelques personnes dans la même peine que moi. Mais l'élastique finit forcément par revenir, et ça ne ravive que mieux la blessure. À m'entendre parler, on dirait une pièce tragique. Pourtant, en surface, il n'y a rien de particulier. Je suis parti sans rien dire pour faire un autre métier. Ça arrive à des milliers de personnes. Je récolte juste ce que j'ai semé. Mais je n'en ai pas envie.

-Je suppose que toutes les excuses du monde n'y feraient rien. Mais je m'excuse quand même. Je ne tenterai pas de me racheter, parce que cette histoire n'a pas d'écho. Mais sache que je ne rentrerai pas.

Non, je ne peux plus rentrer sur un coup de tête. J'ai accepté cette vie, ou j'essaye de l'accepter, et ça s'arrête là.

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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptyDim 9 Juin 2013 - 21:52


Les chats, ce sont de fichus égoïstes. Vraiment. Et je ne vise pas forcément Takahata même s'il en est le parfait exemple. Ils n'en font qu'à leur tête, et pendant que vous vous attachez à eux, eux se fichent de vous. Sauf Alfred. Parce qu'Alfred est un gentil chat, et que je pense qu'il a secrètement peur de Shy, comme moi. Détrompez vous, je ne suis pas en train de dire qu'elle m'effraie au point que je fasse tout ce qu’elle dit, parce que ce n'est pas vrai. Cependant, lui comme moi savons qu'elle peut faire peur. Très, très peur. Ce qui est toujours surprenant pour une femme qui n'est pas si grande que ça au final. Ce qui n'est pas non plus un défaut - je vous l'ai déjà dit mille fois, elle est parfaite - puisque tout ce qui est petit est mignon. Shy est définitivement mignonne. Et belle. Et adorable. Et, bref. Voilà, il suffit que je pense à elle deux secondes pour m'adoucir et surtout changer de sujet. De quoi je parlais déjà ? Des chats. Ah oui, des chats.
Mais en fait j'ai pas envie de parler des chats. Non, Ren m'énerve, ce qui m'énerve encore plus - rappelez vous, le fait même d'être énervé m'énerve - et du coup, j'ai pas envie de causer des chats. J'en veux à la gente féline dans son intégralité, tenez. Discrimination, parfaitement. Tous des flemmards sans coeur.
Du coup, parlons des poissons.
Parce qu'un poisson, c'est vraiment bête - ma politesse naturelle m'empêche de faire ici une rime qui serait pourtant tellement simple à faire. Très sérieusement, prenons les sardines. Vous avez déjà vu des bancs de sardines à la télé, non ? Qui n'a jamais vu de banc de sardines à la télé ? Je veux dire, même si vous n'avez jamais cherché à voir un banc de sardine à la télé, vous en avez forcément vu un en zappant. Parce que c'est inévitable, comme les films douteux passé une certaine heure, sauf que c'est beaucoup moins étrange à regarder quand il est une heure du matin et que vous n'arrivez pas à dormir. Et non, ça fait plus d'un an que cela ne m'arrive plus, les enfants ont complètement fait disparaître toutes les insomnies naturelles que je pouvais avoir de temps en temps, puisqu'ils les causent eux même. Du coup les insomnies de source naturelle sont noyées dans le flot. Et comme les enfants ont au moins la décence de m'occuper quand ils m'empêche de dormir - pas comme les insomnies qui refilent tout le boulot à la télé qui râle donc après sur les heures sup' et se venge en captant moins bien quand il pleut -, je n'allume plus la télé tard le soir en désespoir de cause.
Mais revenons en à nos sardines. Donc, maintenant qu'il est avéré que vous avez tous déjà vu un banc de sardines, expliquez moi un peu comment, en étant aussi nombreuses, elles continuent à réussir à se faire choper dans les filets ? Elles peuvent pas en envoyer une en éclaireur - cette expression me fait toujours penser à quelqu'un avec une lanterne, imaginez donc une sardine avec une lanterne dans la nageoire, tenez - et si elle revient pas au bout d'un moment, c'est qu'il y a un truc qui va pas droit devant et qu'il faut changer de direction ? Nan ? Enfin, c'est comme les poulets qui sont élevés depuis des milliers d'années, ils ont jamais pensé à se rebeller. Je serais un poulet, j'aurais déjà fui le fermier. Parfaitement, je serais un poulet révolutionnaire. Un rebelle dans la basse-cours et j'aurais des amis canards, veaux, vaches, cochons et un cheval, aussi. Pour m'enfuir plus vite.
Mais pas de chat. Faudrait être un poulet stupide pour se lier d'amitié avec un chat. Tout comme il faut être un humain stupide pour donner autant de confiance à un type dont on a toujours su qu'au fond, il reste sacrément égoïste. Après tout, il m'avait pas annoncé qu'il allait être papa - encore que c'est peut-être compréhensible -, alors pourquoi m'annoncer qu'il part et quitte l'Ecosse, hein ? A priori, ça ne valait pas le coup. Je commence à regretter d'être venu, mais c'est trop tard. Autant faire en sorte que ce billet vaille ce que je l'ai payé. Si j'étais quelqu'un de violent, je l'aurais déjà mis par terre pour qu'il se réveille. Parce que c'est très, très, très agaçant. J'ai l'impression de parler dans le vide. Jusqu'à ce qu'il émerge enfin.

- ...que tu fais là ?...

Je ne réponds rien et me contente de le fixer en résistant très fort à l'envie de me jeter sur lui.

- Comment ?...

Certainement pas parce qu'on est venu m'ouvrir la porte, clairement. Je n'ai même pas pris la peine de m'annoncer, de toute façon. On m'aurait jeté et ça m'aurait agacé. J'ai pas envie de répondre à ses questions. C'est lui qui doit répondre aux miennes. Le voilà qui se redresse sur ses quatre pattes - il n'y a aucune faute ici, je sais très bien compter. Ce qui m'oblige évidemment à baisser les yeux sur lui mais en un sens, tant mieux. Il fait une poignée de centimètres de plus que moi sous forme humaine. La remarque cependant sort de ma bouche avant même que je ne puisse tourner sept fois ma langue dedans :

- Pas trop dur d'être forcé de se terrer dans son salon pour pouvoir se transformer ?

Ça, c'est petit et méchant. Je veux dire, je comprends qu'il ne puisse pas tout faire, qu'il ait des responsabilités, qu'être ici n'est pas forcément facile. Même si c'est entièrement son choix, que je n'approuve pas forcément, je le respecte quand même. Ce n'est pas après ça que je suis en colère. Je suis en colère contre son égoïsme, sa lâcheté de n'avoir rien dit à personne, pas même à moi. D'être parti juste comme ça, comme si les années au Mystery ne comptaient absolument pas. Après tout, il a été capable de tous nous jeter sans regarder en arrière, sans nous en parler, sans dire au revoir. Mais voilà, je suis en colère et blessé - chose que je n'irai bien sûr pas admettre à voix haute - et comme tous les gens et même les animaux, quand on est blessé et en colère, on dit des trucs qu'on ne pense pas forcément, ou pas entièrement. Des trucs méchants et gratuits. J'ai trop de fierté et je suis bien trop énervé pour m'excuser, tant pis pour lui.

- Tu as bien choisi ton jour on dirait. Je suis en repos. Mais tu n'avais pas besoin de faire tout ce chemin tu sais.

A nouveau je réponds avant d'avoir pris deux secondes pour méditer ma réponse :

- Parce que tu serais revenu en Ecosse pour le faire, toi. Bien sûr.

Finalement, la forme de gros chat est un vrai plus. Son ton me donne envie de le frapper et j'imagine sans peine l'expression neutre qu'il doit avoir. Mais sur un léopard, ce n'est pas visible. Alors je peux m'apaiser un peu et penser qu'il n'a pas l'expression qui colle à son ton, qu'il ne fait que profiter de la fourrure pour se cacher et qu'il maîtrise juste très bien sa voix, ce dont il est effectivement capable. C'est auto rassurant de penser qu'il ne s'en fout pas totalement. Parce qu'au fond, si je suis venu, c'est parce que je pense dur comme fer qu'il ne s'en fout pas complètement. Et que j'ai juste besoin de preuves.
Bon, ça et parce que j'ai été sacrément tête brûlée là bas quand j'ai appris qu'il s'était tiré et que quoi de mieux pour passer sa colère que de pouvoir se défouler sur la source même, je vous le demande. Rien. Voilà. Je pensais qu'être en relation stable et avec des enfants m'avait rendu un peu plus sage, mais en fait... Voilà la preuve que non. Y'a pas d'âge pour faire des conneries. Pardonnez le langage, encore une fois.

- Je suppose que toutes les excuses du monde n'y feraient rien. Mais je m'excuse quand même. Je ne tenterai pas de me racheter, parce que cette histoire n'a pas d'écho. Mais sache que je ne rentrerai pas.

J'ai tellement envie de le frapper... C'est mal, c'est très mal. Pense aux enfants, pense à Shy, voilà, pour être plus calme. Allez Takeji, tu peux le faire. Tu peux ne pas essayer de mettre une baffe à un gros léopard mais attendre qu'il redevienne humain pour le faire, tu peux le faire. Si je le frappe, je veux qu'il le sente passer. Sinon, ça ne me calmera pas du tout.

- Va falloir y mettre le ton et les émotions Takahata. C'était si dur que ça que de dire aurevoir à tout le monde ?

Le fait qu'il ne veuille pas rentrer se discutera après. Pour l'instant, je veux aborder le point le plus important. A savoir qu'il n'a pas été un gros hypocrite toutes ces années et que je me suis pas complètement trompé dès mon arrivée en Ecosse. Parce que j'aime penser qu'être allé en Ecosse est la meilleure chose que j'ai pu faire de toute ma vie. Après avoir demandé Shy en mariage et la naissance des petits, bien sûr. Même si cela y est plus que lié. Takahata ruine un peu le tableau, là.
Du moins, c'est ce que je tâche de me répéter pour me détacher de la situation.

A ma déclaration précédente, je décide d'ajouter :

- Si tu t'en fous vraiment, dis le tout de suite.

Autant mettre les choses au clair dès maintenant.

[Hrp : Tu m'énerves, je peux pas m'empêcher de te faire un pavé à chaque fois é_é.]

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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptyDim 21 Juil 2013 - 12:48

J'aimerai te dire de ne pas perdre foi en ces années passées,
mais je ne sais vraiment pas comment t'en parler.


Le réveil est trop brutal à mon goût. Pourquoi faut-il que Takeji se pointe maintenant ? Je profite à peine de ma demi-journée de libre à dormir et voilà qu'un événement ô combien menaçant vient frapper, non disons démolir ma porte. Que dois-je faire, ou plutôt que puis-je faire ? Je connais la cause de sa venue avant même qu'il ne vienne m'en parler, et à vrai dire je pense que ça le ferait vraiment très mal de lui demander s'il est venu boire le thé. Voyez, les rimes viennent toutes seules. Quoiqu'il en soit, avant de craindre pour ma propre peau – et croyez-moi, à voir la tête tirée, je suis bien content d'être sous ma forme poilue – je crains pour mon mental. Parfaitement. Comment dire, c'est un choc assez épouvantable d'être réveillé par son meilleur ami, ou devrais-je dire son meilleur ami à qui on a caché une chose aussi importante qu'un départ définitif. Mais voyez-vous je suis quelqu'un qui a tendance à avoir peur de ceux avec qui je suis trop proche. J'ai toujours peur des représailles, et malgré ce que l'on puisse en penser, je ne retiens jamais mes leçons. Et pour cause, à force de retarder les choses, je me heurte à une colère assez conséquente. Et je crois que le mot est encore faible.

Alors, lentement mais sûrement, je décide de me remettre sur mes quatre pattes. C'est lourd. Je me sens tellement lourd. J'en ai ma claque, à vrai dire. Pourquoi faut-il qu'il ai fait tout ce chemin juste pour moi ? Juste pour m'envoyer toute sa colère au nez ? Je n'en ai vraiment pas besoin en ce moment. Mon père me tape suffisamment sur les nerfs avec ses réunions. Alors voilà, parce que je suis fatigué, lassé, énervé, frustré, effrayé et tant d'autres sentiments encore, je me renferme et dès lors les phrases qui découlent de mon oral n'en sont que plus cinglantes. Un dur débat s'engage.

- Pas trop dur d'être forcé de se terrer dans son salon pour pouvoir se transformer ?

Je le regarde mal. Oui, terriblement mal. Mais sous ma forme de léopard, lui il n'y voit certainement pas grand chose. J'aimerai tellement lui sauter à la gorge juste pour qu'il se taise. Et pourtant, paradoxalement, je sais que je suis en tort. De là à me taire, il y a encore un chemin, mais au moins, je suis suffisamment calme pour ne pas en arriver aux mains. Et, à voir mon interlocuteur, je commence à avoir des doutes sur cette réciprocité. Comment lui dire que je m'excuse ? Ah, je voudrais qu'il ne soit jamais venu. J'aurais tellement voulu qu'il fasse sa vie de son côté. Après tout, je ne suis pas indispensable à ce point, n'est-ce pas ? Il a une famille, des enfants, un cactus et une belle vie. Quel est le problème ? Pourquoi est-ce que je compte autant pour lui ? Je commence à douter de moi. De ce que je ressens. Aurais-je fait la même chose si les situations s'en étaient trouvées inversées ? Je ne sais pas. Je n'arrive pas à me mettre dans une autre peau que la mienne. Sans doute. Tout dépend du contexte.

Pour en revenir à cette petite phrase méchante, je ne peux m'empêcher de grogner pour marquer mon énervement. Je sais qu'il s'en fiche. Je sais qu'au final il veut me faire passer un message ou tout simplement m'énerver. Peut-être même qu'il veut me pousser à bout pour qu'on finisse par s'envoyer des tartes dans la figure. C'est pas dit. Peut-être qu'il veut simplement parler, mais qu'il n'a rien d'autre à dire qu'une flopée de mauvaises paroles. J'en sais rien. J'en sais foutrement rien. Et cette ignorance m'énerve au plus haut point. Alors, je me réveille un peu plus, et je me rends vraiment compte qu'il est là, que nous sommes au Japon et chez moi.

-C'est une concession à faire comme une autre. On finit par s'y habituer.

Non. Je mens. Je ne m'habitue pas à cette vie. À vrai dire, pour l'instant, ça ne m'intéresse même pas. J'en ai marre de trimer depuis deux jours pour me faire accepter dans ce nouveau monde. Certains me voient comme un déserteur, et peu importe le boulot fourni, leurs opinions ne changent pas. D'autres m'assimilent à un fils à papa, qui a tout eu sans rien demander, et qui se permet en plus de se plaindre de sa situation de luxe. Eux, ils se rapprochent de la réalité. En fait, ils la percutent même de plein fouet, pour être réaliste. Et pourtant, même à ces gens-là, il faut que je parvienne à leur montrer que j'accepte enfin ma tâche. Et ce n'est vraiment pas facile. Enfin qu'import,e le pire dans tout ça, c'est vraiment cette obligation à rester cloîtré dans cet univers, en ayant bien sûr l'interdiction formelle de se montrer sous sa forme fusionnelle. Quel désastre cela pourrait-il produire si cela venait à se faire savoir. Plus qu'un simple fait de média, cela pourrait prendre des proportions gigantesques. Ceci n'étant vraiment pas dans mon intérêt, voilà à quoi j'en suis réduit. Et voilà que Takeji me le rappelle avec une classe effroyable.

Je poursuis. Langue de vipère. Je veux le renvoyer tout de suite en Écosse. Ne pas avoir à parler avec lui. Ne pas apercevoir ces yeux qui me dévisagent froidement alors que moi j'ai cette attitude tellement neutre. Voilà. Tout ce que je souhaite, c'est qu'il s'en aille. Maintenant.

- Parce que tu serais revenu en Ecosse pour le faire, toi. Bien sûr.

Encore ces piquants. Je montre les dents et aplatit mes oreilles, parce que c'est l'unique façon de lui signifier ma réaction. Les animaux réagissent toujours assez distinctement. Il n'y a pas de demi-mesure. Ils ne peuvent pas serrer les dents, froncer les sourcils ou même aller jusqu'à blanchir les phalanges de doigts sous la pression. Non, tout cela s'exprime par colère ou rage. « Je vais vraiment finir par t'attaquer ». Il n'y a pas d'attention ni de mise ne garde. Juste un futur proche. Mais moi, je ne veux rien faire de cela. Je ne veux pas l'attaquer, et lui doit bien le savoir. Il sait pertinemment qu'il a raison, tout comme je sais que j'ai tort. Point à la ligne. Sachant cela, pourquoi, mais pourquoi diable ne rentre-t-il pas chez lui ? Faut-il que je m'excuse à plat ventre au sol ? Faut-il que je me prenne quelques coups ? Je refuse. Purement et simplement. Je ne veux pas assumer et je ne le ferais pas.

Alors, je continue à le regarder. Comme pour être sûr qu'à chaque clignement d'oeil il se trouve encore face à moi. Que ce n'est pas une simple illusion. Et pourtant non, il est là. Je dois lui répondre, ne pas me laisser faire. Lui prouver que ma détermination est encore présente, même si elle s'en trouve curieusement limitée par sa présence. J'ai probablement peur de toi, Takeji. Parce que je ne sais pas ce dont tu es capable. Parce que tu as toujours été là quand moi j'avais besoin de toi, et que je ne saurai te remercier. C'est drôle, ça sonnerai presque comme un roman à l'eau de rose. Et c'est la triste réalité. Je secoue la tête.

-Non. Je ne serai pas rentré pour te le dire. Tout comme je ne t'ai rien dit quand je suis parti.

C'est la vérité. Peu importe ma volonté de rentrer en Écosse, ces derniers temps je n'ai pas eu un seul instant à moi. Et même lorsque j'arrivais à me libérer, ma seule envie était de passer du temps avec ma famille. Quand je pense que mon père m'a presque retiré le droit de passer mon premier Noël avec Ayumi, j'en déglutis d'avance. Cet homme est aussi déterminé qu'une pelle. Oui, une pelle. Parce qu'une pelle, ça réfléchit pas, c'est un objet. Alors pour lui fourrer un truc dans la tête, vous pouvez courir. Tout comme lui retirer quelque chose d'ailleurs. Y'a pas grand chose à gratter. Mon père, c'est pareil. Mine de rien, j'ai tout de même obtenu ce que j'ai voulu et bref, c'est pas le sujet. J'en ai pas terminé avec Takeji.

-De toute façon, à quoi ça t'aurai avancé. On aurait eu la même discussion qu'ici, or ce jour-là, je n'avais vraiment pas de temps à perdre.

Je me souviens encore très bien de ce jour où Yoren m'a accompagné. Je me sentais tellement mal dans l'avion. J'ai essayé de dormir, sans succès. Mon père m'a forcé à me présenter au comité alors que j'étais fatigué. Au final, la soirée s'était terminée bien plus tard et ma journée avec décalage horaire compris m'avait fait vivre une journée de plus de 24h. Quoiqu'il en soit, pour en revenir à mes paroles, j'ai conscience que ces dernières ne sont pas des plus gratifiantes, mais ça m'est égal. J'en ai marre de me battre avec lui, même si je refuse de m'avouer vaincu. Et je pense que ce qu'il veut lui, c'est bien ce que moi je refuse de faire. Des vraies excuses.

- Va falloir y mettre le ton et les émotions Takahata. C'était si dur que ça que de dire au revoir à tout le monde ?

Je détourne le regard. Oui. Oui, c'était dur. La peur d'être jugé, ça fait toujours très mal. Et ça reste là bien longtemps après. Parce que l'orphelinat, c'était un peu comme ma deuxième maison, ma deuxième grande famille. Et j'ai toujours détesté les adieux. Alors je suis parti sans rien dire, parce que c'est pour moi ce qui avait été la meilleure solution. La plus facile à appliquer. Et pour certains ça passait mieux. À la rigueur, ça me rassurait presque de les voir me détester au final. Tout me rassurait à condition de ne pas les avoir en face. Mais voilà, Takeji il a fait le chemin tout seul. Il est venu exprès pour me dire ça. Pour bien me l'ancrer dans le crâne. Et en fait, à la réflexion, je me demande si ça fait pas encore plus mal de l'avoir eu là que le jour de mon départ. Alors, que faut-il faire maintenant ? Lui dire la vérité ? Est-ce que c'est si dur que ça de dire au revoir à tout le monde ? Ah, je suis tellement faible émotionnellement parlant. Il fait tellement pitié, le chef d'entreprise. J'ai presque envie de sourire. Si c'est pas minable, ça. Je m'apprête à parler, mais visiblement, il n'a pas encore terminé.

- Si tu t'en fous vraiment, dis le tout de suite.

Et si je lui dis oui. Là, maintenant, à cette dernière remarque. Si je lui dis que je m'en fous, qu'en fait j'ai juste voulu partir de l’Écosse parce que ça me saoulait. Ce ne serait que d'horribles mensonges, et en fait je ne m'en sens même pas capable. Et pourtant. Peut-être que là, il me détesterai vraiment. Et il claquerai la porte en sortant. Peut-être qu'il ne voudrait vraiment plus me voir. Plus jamais. J'ai l'air de penser que la pilule va bien vite passer, mais est-ce vraiment le cas ? Avant de connaître Miyaki, c'est avec Takeji que j'ai passé le plus de temps. On en a fait des conneries ensemble. Comme des gamins et comme des frères. Alors s'il venait à me détester comme ça, est-ce que ça me ferait plaisir ? Est-ce que même ça ne me ferait ni chaud ni froid ? Pas sûr. Pas sûr du tout. Et pourtant j'ai envie de lui dire que je m'en fous. Que ça m'est égal de tout plaquer. Qu'à présent, je me fiche de tout ce qui a bien pu se passer. Mais les mots ont vraiment du mal à sortir à l'oral. C'est pas si facile, hein ?

Je fais demi-tour, je reviens vers mon canapé. Je sais que ça ne sert à rien tout ça. Alors peut-être que j'ai décidé d'assumer, juste pour maintenant. Juste pour voir disparaître cette expression sur son visage. J'ai soudainement l'envie de tout me prendre dans la figure, au sens propre comme au figuré. Ça m'est égal. Je sais pas d'où me vient ce brusque élan de compassion, mais c'est vraiment effrayant en fait. Je reprends ma forme humaine et m'empare aussitôt de mon peignoir. Une fois enfilé, j'ajuste rapidement la ceinture et me frotte péniblement les yeux. Il me manque décidément de précieuses heures de sommeil, mais je sens que je vais bientôt me réveiller. Lentement mais sûrement, je me dirige alors vers mon interlocuteur, en baissant cette fois-ci un peu les yeux pour l'avoir bien en face et sourit d'un air désolé.

-J'suis juste qu'un sale gamin égoïste, Takeji, alors non j'm'en fous pas mais après tout, pense vraiment ce que tu veux.

C'est sorti de cette manière, mais en vérité c'est vraiment le plus proche de ce que je ressens. Je ne veux rien lui imposer. Si, juste la raison de mon départ et mon lieu de résidence actuel. Tout le reste, il n'a qu'à l'interpréter à sa façon, comme ça lui chante. Les humains sont compliqués, et on n'est jamais vraiment sûr de ce que ressent l'autre, alors je lui évite ce pénible traitement. Et je pousse un soupir pour clôturer le tout. Je ne sais pas quoi penser, et ça m'énerve.

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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptyJeu 1 Juin 2017 - 16:12

Je souffle. Il m’énerve, ce gros chat. Un peu plus et j’en cracherais bien comme un matou mal élevé là. Rrrrrh. Rrrcchhh ? Peu importe. Ce n’est pas parce qu’il est métamorphe grosse patate – pardon, gros chat – qu’il doit se comporter en tant que tel. Comme une feignasse et comme un lâche.
Oui, les grosses patates sont des feignasses et des lâches. Vous ne me croyez pas ? D’accord, apportez-moi une grosse patate qui soit énergique et courageuse. J’attends. J’attends toujours. Vous ne trouvez pas ?
Score. Un point pour Kido.
Revenons-en à notre fourrure. Je vois bien que je l’énerve. Parfait. Ces 15h de vol n’auront pas servi à rien.

- Non. Je ne serai pas rentré pour te le dire. Tout comme je ne t’ai rien dit quand je suis parti.

OUCH. Ça fait mal, ça. J’ai mal pris le fait qu’il parte sans rien me dire mais eh, il est aussi capricieux comme une grosse patate – une réclamation sur le caractère capricieux des grosses patates peut-être ? Donc je l’ai mal pris, mais j’ai aussi pensé à un caprice qui prendrait fin sous peu avec le retour du poilu.
Mais visiblement, que nenni. Ce n’est pas un caprice et il n’avait absolument pas l’intention de me le dire. Je serre les dents, de peur de lâcher quelque méchanceté mesquine sur sa conception de l’amitié.

- De toute façon, à quoi ça t’aurai avancé. On aurait eu la même discussion qu’ici, or ce jour-là, je n’avais carrément pas de temps à perdre.

Ma résolution vole en éclat et je réplique :

- Donc je suis une perte de temps. Notre amitié est une perte de temps. Bien. Très bien.

Ne pas se téléporter. Ne pas se téléporter. Ne pas se téléporter. Etre plus malin que la grosse patate, être plus malin que la grosse patate. On va y arriver. C’est juste un gros chat qui grogne, mord et griffe parce qu’il est acculé. Acculé devant ses propres erreurs. Avec de la patience, il va réaliser. Il ne faut pas rentrer dans son jeu, ne pas se laisser prendre par l’émotion et dire des méchancetés. Tout ce qu’il veut c’est que je parte sous ses piques. Ça n’arrivera pas.
Où est-ce qu’il va ce gros chat ? Le voilà qui fait un aller-retour dans la pièce avant de prendre forme humaine et d’enfiler un peignoir. Donc maintenant c’est une grosse patate en peignoir.

- J’suis juste qu’un sale gamin égoïste, Takeji, alors non j’m’en fous pas mais après tout, pense vraiment ce que tu veux.

Qu’ouïe-je ? Il s’est traité de grosse patate ? J’ai entendu grosse patate. Vous pouvez dire ce que vous voulez, j’ai entendu distinctement « j’suis juste qu’une grosse patate ». Le monde tourne enfin rond et on va pouvoir rétablir les choses.
Je soupire.

- Pourquoi t’es parti ? Sans rien dire, sans rien me dire. Si tu t’en fous pas, tu pouvais au moins dire au revoir. Laisser un numéro aussi. Comme ça la prochaine fois je commence par te tirer tes oreilles velues par téléphone. Oh et une adresse mail, on est en 2013* quand même.

Bah ouais. J’ai un smartphone mois messieurs dames. Je suis à la page. Je suis in, comme on dit. Dans le vent. Un mec cool quoi. J’ai entendu tousser dans le fond. Je n’accepte pas de commentaire de la part de personnes qui doutent de l’énergie malveillante des grosses patates.
J’en ai marre d’être debout, alors je vais m’assoir dans un fauteuil à côté du canapé. Puis je jauge du regard la grosse patate. Qu’est-ce qu’on va faire de lui.

- T’as fui au mauvais moment mais tu dois le savoir, sinon ça ne serait pas une fuite. Tu comptes aider depuis ici au moins ? Ou c’est fini et quand je te dis Mystery Orphanage, orphelins, professeurs, collègues, amis, tout ça c’est des mots que tu ne comprends pas.

On avait dit tout doux Kido.

[*HRP : Ça ne nous rajeunit pas.]

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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptyMar 20 Juin 2017 - 15:07

Some legends are told
Some turn to dust or to gold
But you will remember me


Mon égoïsme et ma culpabilité sont comme de l’eau et de l’huile. Peu importe la dose qu’on y met, jamais ils ne parviennent à cohabiter. Jamais. Je regarde Takeji et me dit que, maintenant tout de suite, je n’ai plus qu’à lui lancer insultes sur insultes. Puis, il partira et m’oubliera. Peut-être est-ce la meilleure chose à faire ? Elle me permettra de ne plus me formaliser sur la douleur que je procure à mon ami, mon si grand ami. Se faire détester, ce pourrait être si facile. Mais alors, que deviendrais-je ? Je m’en voudrais, longtemps. Je garderai cette trahison dans ma gorge sans parvenir à m’en défaire, dans l’espoir d’avoir totalement disparu de l’esprit de Takeji.

Ça fait mal, mal de le voir face à moi, d’avoir fait tous ces kilomètres. Ça me fait mal parce que son amitié est aussi importante que la mienne. Que moi, je lui en ai balancé les morceaux sans un au revoir. Je m’en veux, terriblement. Et parce que je suis en tort, il m’est encore plus difficile d’assumer. Je tâche, à ma façon, de lui faire comprendre que la chose s’était passée à toute vitesse. Trouver des excuses, toujours, sans jamais avouer son erreur. C’est moi tout craché.

- Donc je suis une perte de temps. Notre amitié est une perte de temps. Bien. Très bien.

Je grince des dents sous ma forme de léopard. Voilà. Tout à fait. Je n’ai qu’un mot à dire. Un « Oui » à prononcer et c’en sera terminé. Terminé pour longtemps, peut-être pour toujours. Ce n’est pourtant pas si difficile. Je devrais prendre l’habitude de mentir, je l’ai déjà fait. Ce n’est pas si grave. Tout pourrait aller si vite à partir de maintenant. Je le fixe un instant. Il doit certainement bouillir intérieurement et je me sens si mal. J’inspire profondément.
Non,
Pas Takeji. Pas lui.

Je retourne sur mes pas et reprend forme humaine. Je ne peux pas lui mentir. Je suis touché par ses paroles si véridiques et si virulentes. Je sais que mon ego risque d’en prendre un sérieux coup mais c’est notre amitié qui se joue. Une amitié si nette, sans superflu. Ça ne se rencontre pas à tous les coins de rues. J’suis qu’un gamin égoïste, Taki et je mérite certainement pas que tu ais fait le chemin jusqu’ici juste pour moi.

- Pourquoi t’es parti ? Sans rien dire, sans rien me dire. Si tu t’en fous pas, tu pouvais au moins dire au revoir. Laisser un numéro aussi. Comme ça la prochaine fois je commence par te tirer tes oreilles velues par téléphone. Oh et une adresse mail, on est en 2013 quand même.

Je passe une main dans mes cheveux, nerveux. Pourquoi ? Par peur sans doute. Parce que mon avenir se jouait dans l’instant, parce qu’il aurait suffi de quelques mots pour me persuader d’abandonner ce travail de succession qui me rongera pendant de nombreuses années. J’aurais pu rester professeur mais je n’étais pas prêt – et je ne le suis toujours – à dire adieu à mes avantages, à mon nom, à mon entreprise. De l’égoïsme, encore et toujours.

- T’as fui au mauvais moment mais tu dois le savoir, sinon ça ne serait pas une fuite. Tu comptes aider depuis ici au moins ? Ou c’est fini et quand je te dis Mystery Orphanage, orphelins, professeurs, collègues, amis, tout ça c’est des mots que tu ne comprends pas.

Le voilà qui s’assoit sur mon canapé. Je croise les bras, réflexe purement défensif. Oui. Non… Enfin, je ne sais pas. Le temps se déroule et je ne sais pas trop ce qu’il se passe. Tout va bien trop vite. Il doit être fatigué. Je me tourne sans rien dire vers la porte, l’entrouvre et parle un instant à l’homme devant cette dernière. Il acquiesce et disparaît dans le couloir. Je referme le tout et revient vers le blond, en tirant la table basse vers lui et en m’asseyant dessus. Mes iris blancs plongent dans ceux de mon ami et je soupire quelque peu :

-Je peux t’offrir quelque chose à boire, au moins ?

Pour te remercier d’être venu. C’est ce que je devrais dire, mais les mots ne franchissent pas la barrière des lèvres. Il va falloir apprendre à être un peu plus honnête avec toi, Ren. Quoiqu’il en soit, les bras toujours croisés, je détourne le regard pour le diriger vers la porte et ne tarde pas à répondre, calme. Extrêmement calme, fatigué même.

-Je… ne pouvais pas vous voir. J’avais la sensation qu’un seul regard pouvait faire capoter toute ma motivation.

Du coup, pourquoi j’ai abandonné tous mes amis, ma famille presque ? Pour l’argent, pour la renommée. Pour un nom et la célébrité. Ça me paraît normal. J’ai vécu, jeune, baigné dans cet univers où les liaisons se faisaient uniquement pour des raisons, pas par hasard. Jamais par hasard, encore moins par volonté. Takeji, il est à des milliards de planètes de ma façon de penser. Il pense comme quelqu’un de sain, qui vit une vie avec des hauts et des bas et une belle famille. Je trouve auprès de lui une fraîcheur, une identité que je n’ai pas auprès d’un grand nombre de personnes. Une amitié sincère.

Je marque une pause et pense à la suite.
L’orphelinat.

-Mais… je ne rentrerai pas. J’ai promis à mon père de disparaître du monde magique. J’ai démissionné d’Orpheo et je n’ai techniquement plus le droit d’enseigner à Yoren. – sauf qu’il me suit quand même. Je recentre mes prunelles sur lui, très sérieux. C’est… Terminé.

Le dernier mot est à moitié étranglé. Je déteste les fins. Il en a toujours été ainsi. Mais cette fin-là, elle sonne plus fort que les autres. Parce que l’exorcisme, les études, les enfants, leurs sourires et mes collègues, c’était toute ma vie depuis de nombreuses années. C’était un gros chapitre de ma vie qui se tournait pour au moins une trentaine d’années. Me forcer à garder mon léopard en moi, ignorer des manifestations magiques comme un humain innocent. Ce n’était pas une histoire de changer de vie, c’était tout simplement impossible. Lorsqu’on connaît le Secret, lorsqu’on vit avec lui, il n’est pas possible de s’en défaire.
Et pourtant.
Mes nerfs sont à deux doigts de craquer mais je tiens bon. La présence de Takeji fait remonter une montagne de remords et je me sens fléchir. C’est si dur d’avoir l’air fort quand tout ne tient que sur du vent.

-Je suis désolé.

Désolé d’avoir à lui dire ça, désolé pour ma précédente vie et tous ceux que j’ai fréquenté. Je n’arrive plus à ouvrir la bouche. Plus du tout. Mes muscles sont tendus à l’extrême et je me focalise sur le moindre détail de mon environnement pour ne pas avoir à faire face à la tempête se déchaînant dans ma tête.

HRP:

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Takeji Kido
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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptyJeu 19 Oct 2017 - 10:12

J’aime pas m’énerver. Si j’étais un chat, comme l’autre là en face, ça ferait perdre tout son brillant à mon poil à chaque fois que je m’énerve. Je serais donc un chat brillant 99% du temps et un chat terne le reste. Mais je ne suis pas un chat et mes cheveux ne brillent pas, même en temps normal. Ce qui n’empêche pas que je n’aime pas m’énerver. Encore moins quand la cause de mon énervement est mon meilleur pote.
Sérieusement. Mon meilleur pote, et il se casse à l’autre bout du MONDE sans me prévenir. Alors que le contexte fait que j’aurais pu le croire capturé, torturé, mort. Franchement Grosminet, même un mail. J’en aurais pas été moins énervé, mais j’en aurais été rassuré. Et probablement un peu moins vexé aussi. Oui parce que bon, ça vexe toujours un peu quand on se rend compte que l’autre qu’on adore, même si c’est un gros chat mal léché, ne semble finalement pas nous adorer autant. Je saurais pas vous dire si ça fait moins mal qu’une rupture amoureuse parce que j’en ai pas trop connue – de vraie je parle. Et donc pour en connaitre une il faudrait que Shy me vire mais j’y suis plus accroché qu’une moule à son rocher, donc ça va être difficile – mais ça fait fichtrement mal quand même. J’ai eu le cœur complètement serré quand j’ai appris que Bouledepoil ici présent s’est tiré sans même laisser un sms.
Un sms bon sang. Y’a même pas besoin d’internet. Même avec ses grosses pattes velues il aurait pu en envoyer un. Bref. Je radote sûrement. J’en suis sûr même. Mais je ne le dirai jamais assez.

Il daigne enfin redevenir humain. Moi, je ne bougerai pas de son canapé. Et bon courage pour chopper un téléporteur qui a décidé qu’il ne partirait pas, mon vieux.

- Je peux t’offrir quelque chose à boire, au moins ?

Ton sang. Et tes larmes.
Pardon, ça devient violent. Je suis fâché je vous ai dit. Je ne réponds plus de mes pensées.
Pas que j’en réponde déjà beaucoup en temps normal, oui je sais.

- Ca ira. De toute façon tu ne veux visiblement pas que je m’attarde.

En vrai c’est moi l’animal blessé et acculé qui attaque.

- Je… ne pouvais pas vous voir. J’avais la sensation qu’un seul regard pouvait faire capoter toute ma motivation.

Oh celui-là… J’explose :

- Et tu ne pouvais pas le dire avant non ! Envoyer un message avant d’embarquer sur ton avion peut-être ? Un mail en arrivant ici, même ? Rassurer les gens, non ? J’y crois pas.

Je le fusille du regard. Quelle excuse à la noix. Ça aussi il pouvait le dire par correspondance, au lieu de me faire traverser la moitié du globe. 2013 bon sang.
J’avoue qu’au fond son explication toute nulle là me rassure un peu. Il avait peur qu’on le retienne. Et il nous pensait capables de le faire. Donc on compte pas complètement pour du beurre.
Evidemment je reste en colère contre son abandon au moment où on a besoin de toute l’aide qu’on peut avoir. Mais d’un autre côté, qui suis-je pour juger qui que ce soit qui décide de fuir une guerre pour laquelle il ne porte aucune responsabilité ? Il y a des jours où j’ai moi-même envie de fuir. Ma motivation même est extrêmement égoïste : je veux que mes enfants puissent grandir dans un monde où ils ne seront pas sans cesse forcés de se cacher de la magie noire. Ou de s’y soumettre. Je veux qu’ils puissent être libres de grandir et de se servir – ou non – de leurs pouvoirs. Que le monde humain comme le monde magique soient les plus sûrs possibles pour eux. Hors, à l’heure actuelle, ce sont les deux mondes que la magie noire menace.
Alors oui, je vais aussi dire que je fais ça pour le Mystery, pour Orpheo, et c’est vrai. Mais je le fais d’abord et avant tout pour ma famille. Peut-être que Grosminet a d’autres motivations au-delà de la guerre pour fuir, mais il ne me les a pas vraiment exposées jusque-là.

- Mais… je ne rentrerai pas. J’ai promis à mon père de disparaître du monde magique. J’ai démissionné d’Orpheo et je n’ai techniquement plus le droit d’enseigner à Yoren. C’est… Terminé.

J’accuse le coup. Nous ne sommes donc plus collègues. Peut-être même qu’on ne le sera plus jamais. Peut-être que nous nous voyons pour la dernière fois. Peut-être qu’aujourd’hui est un adieu. Peut-être qu’aujourd’hui est un pour toujours. Je suis venu empli de colère, et je vais repartir en laissant un petit bout de moi ici, la colère remplacée par de la tristesse. Ren, tu ne peux pas dire « c’est terminé ».

- Je suis désolé.

- Menteur.

Le mot s’est échappé tout seul.

- Si tu étais vraiment désolé, tu aurais fait tes adieux proprement sur place. A tout le monde. Si tu étais vraiment désolé, tu ne dirais pas « c’est terminé » mais « on se reverra ». Et si tu étais vraiment désolé, tu aurais fait quelque chose, n’importe quoi, pour soulager ta conscience. Au lieu de quoi tu te terre ici pour te transformer en gros chat quand le manque est trop fort, comme un drogué.

Papa t’a demandé d’oublier le monde magique ? Et ? Tu obéis encore au doigt et à l’œil à ton père alors que tu es capable de t’en sortir sans lui ? Que tu es bien plus fort que lui ? C’est ridicule. Ce ne sont que des excuses.

- Tu as parfaitement le droit de fuir une guerre pour laquelle tu n’as aucune responsabilité. On l’aurait tous compris, personne n’a le droit de te forcer à y participer. Mais nous fuir nous ? Tes amis ? Sans laisser de trace et en espérant qu’on ne te retrouvera jamais, parce que ton père t’a dit de le faire ?

C’est un dialogue de sourds. Je suis horriblement blessé par son comportement, alors qu’il y a 30 secondes encore je pensais commencer à être soulagé. Je pensais qu’il avait fui la guerre. En fait il a juste saisi l’opportunité pour se tirer parce que Takahata sénior lui a dit de le faire. Je ne comprends pas. Est-ce qu’on ne compte vraiment pas ?

- Comment… Comment tu peux à la fois dire qu’on aurait pu te retenir, et partir sans un mot sur simple ordre de ton père…

Je ne comprends pas.

[HRP : Ils peuvent pas se quitter complètement fâchés wesh D:]

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MessageSujet: Re: Je t'ai manqué, hein?   Je t'ai manqué, hein? EmptyVen 22 Déc 2017 - 17:21

Je voudrais ne plus en parler,
Fuir sans jamais me retourner.


J’ai beau rester fixé sur les prunelles de mon ami, au final, ce n’est que pour focaliser mon esprit et me rendre hermétique à toutes ses paroles. Je sais qu’elles sont censées, qu’en vérité si j’avais été à sa place, j’aurais fait la même chose. Mais je savais également qu’il n’était pas aussi inconscient et égoïste que je l’étais.

C’était sans doute une erreur d’être venu au Mystery. J’avais rencontré beaucoup de personnes fabuleuses, mais ça n’avait fait que marquer encore un peu plus l’écart avec mon monde. Jamais quelqu’un n’aurait fait tout ce trajet pour moi auparavant, même ceux de mes jeunes années que j’appelais « amis ». J’avoue, peut-être que je suis un peu déboussolé de tout me prendre, comme un retour d’élastique. C’est plus douloureux que je ne l’aurais pensé. J’aimerais avoir le mot magique, le mot qui clorait cette discussion en bien, mais je sais qu’il n’existe pas. Je sais qu’une excuse, même sincère, ne suffirait pas à ramasser les bouts tombés par terre. Pourquoi s’attacher à rester ami lorsqu’il est si facile de devenir ennemi ? Sans doute parce qu’une amitié peut-être mille fois plus forte qu’une inimitié.

Une fois assis sur la table basse avec mon peignoir, je tâche de concentrer mon attention autre part. Parfois, je suis heureux de ne pouvoir m’exprimer qu’avec des animaux. Je n’ai guère besoin de pouvoir ici pour connaître les sentiments qui parcourent Takeji. Mais je les ignore, parce que c’est bien plus facile. Parce que ça, c’est dans mes cordes. Je lui propose quelque chose à boire.

- Ca ira. De toute façon tu ne veux visiblement pas que je m’attarde.

Je suis désolé. Désolé, désolé, désolé. À mesure que monte la tension chez lui, j’accuse et reprend également du poil de la bête. Pas encore assez distinctivement pour s’en ressentir dans mes propos, assez pour apparaître dans mon attitude. Je me lève alors, non pas dédaigneux mais…. Mais presque un peu quand même et m’approche de la porte. Le service est en général assez rapide. Et puis, ça me permettra de mettre un écart considérable entre nos deux personnes. C’est pas négligeable, un accès de colère est vite monté. Je tente de nouveau une explication parce que je refuserai jusqu’au dernier moment de prendre l’accusation de plein fouet et m’en reprend une par-dessus. Il fallait s’en douter.

- Et tu ne pouvais pas le dire avant non ! Envoyer un message avant d’embarquer sur ton avion peut-être ? Un mail en arrivant ici, même ? Rassurer les gens, non ? J’y crois pas.

Je pose mon dos contre le mur et garde mes bras croisés, les sourcils un peu froncés.

-Mrs Mystery a été mise au courant. Et accessoirement, ça ne fait que trois jours que j’ai quitté l’Ecosse, deux si on compte le décalage horaire. Et puis tu as dû être mis au courant de mon départ si tu te trouves ici aujourd’hui. C’est clairement pas la fin du monde.

Je soupire d’un air agacé, agacé par moi-même, agacé par ce genre de dispute à la noix. Je pourrais rester silencieux, tout prendre parce que je l’ai plus que mérité, mais c’est plus fort que moi, j’ai besoin de répliquer. Mais aussi de tempérer. Je passe ma main dans mes cheveux et reprend plus posément :

-Ok, soit, j’ai fait une connerie. J’aurais dû vous prévenir.

A cet instant, quelqu’un toque à la porte et je me tourne lentement vers cette dernière pour récupérer d’une main le plateau tendu par une domestique. Elle semble prête à entrer dans la pièce mais je l’en empêche, la remercie et ferme la porte derrière moi. Je reviens vers la table basse et le téléporteur non loin et prépare du thé au jasmin parmi les nombreuses propositions disposées sur le plateau. Je prends également une petite viennoiserie pour pallier à l’aigreur de la situation – no kidding – et enchaîne sur la réalité. Les faits selon lesquels je ne prévoie pas de rentrer à l’orphelinat. C’est un fait aussi vrai que l’herbe est verte pour des non daltoniens. Et je m’excuse. Sincèrement.

- Menteur.

Wallah, mais calmez-le. J’avale une gorgée de thé brûlant, métaphore on ne peut plus exacte de ma frustration interne. Là, sur le moment, j’ai juste envie de me lever et de le faire sortir de la maison. Puisque mes excuses n’y font rien, à quoi bon ? Qu’attends-t-il de moi, au juste ? Que je m’agenouille ? Que je revienne ? Non. Je suis parti pour mon père certes, mais aussi pour ma femme, pour ma fille, pour leur offrir la seule sécurité qui soit : l’ignorance. Pour les faire grandir dans les lieux qu’elles connaissaient, avec ceux qu’elles aimaient avant de partir à l’autre bout du monde, renouer avec les racines, le monde très sélectif des grandes richesses. Etais-je parti sur un coup de tête ? Non. Egoïstement certes, mais pas sans réflexions.

- Si tu étais vraiment désolé, tu aurais fait tes adieux proprement sur place. A tout le monde. Si tu étais vraiment désolé, tu ne dirais pas « c’est terminé » mais « on se reverra ». Et si tu étais vraiment désolé, tu aurais fait quelque chose, n’importe quoi, pour soulager ta conscience. Au lieu de quoi tu te terre ici pour te transformer en gros chat quand le manque est trop fort, comme un drogué.

Je grince des dents. Les accusations vont crescendo et j’ai de plus en plus de mal à les accuser. J’ai l’impression qu’à un fait on en ajoute d’autres. Et me traiter de drogué c’est… un coup dans ma dignité. Et d’autant plus virulent que cela est tout à fait exact. Quant au soulagement de ma conscience, si cela fonctionne pour Takeji, ce n’est pas mon cas. Je préfère vivre avec des démons dans la tête que d’accepter ma faiblesse. Mais le comprendrait-il, surtout dans le climat actuel, dans cette grande pièce ? C’était peine perdue. Je repose la tasse et finit le petit fourré, m’apprêtant à répliquer mais messire Takeji n’a visiblement pas terminé.

- Tu as parfaitement le droit de fuir une guerre pour laquelle tu n’as aucune responsabilité. On l’aurait tous compris, personne n’a le droit de te forcer à y participer. Mais nous fuir nous ? Tes amis ? Sans laisser de trace et en espérant qu’on ne te retrouvera jamais, parce que ton père t’a dit de le faire ?

Je ne sais pas comment, mais il a le chic de frapper là où ça fait mal. De frapper sur mon point le plus sensible : ma fierté. Toutes ses paroles sont masquées par les sous-entendus de gentil toutou qui suit son maître. Mais Takeji est japonais, tout comme moi. Il sait que la famille, c’est quelque chose de très important, mais que l’entreprise l’est encore mille fois plus. Alors une entreprise familiale renommée, qu’est-ce donc ? Je sais au fond de moi qu’il ne s’attaque pas à ce principe-là, qu’au final il aurait simplement voulu que je les prévienne. Qu’il aurait sans doute accepté, à contre cœur certes, le fait que je disparaisse un temps. Mais c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à penser clairement. S’il compte plus que ma vie au Japon, de mon héritage ? J’aimerais répondre par un « oui » catégorique, parce que c’est ce que je pensais en vivant en Ecosse. Mais depuis que je suis rentré, j’ai été subitement investi par quelque chose de nouveau, un devoir qui me donnerait de l’importance aux yeux de la société.
Je m’emmêle et ça m’énerve. J’étais certain d’être empreint d’une culpabilité sans nom à l’idée de l’avoir quitté, de les avoir quittés et voilà qu’à présent je me persuade qu’ils n’étaient finalement peut-être pas grand-chose. Un passage dans une vie. Un passage qui s’est ouvert sur autre chose et bascule dans le passé.

Jusqu’où puis-je devenir aussi cruel ?

- Comment… Comment tu peux à la fois dire qu’on aurait pu te retenir, et partir sans un mot sur simple ordre de ton père…

Mes prunelles se dilatent furieusement à mesure que je fixe Takeji.

-Ce n’est pas un simple ordre. – J’appuie sur le mot comme on raye une assiette avec une fourchette – C’est l’affaire de plusieurs mois, non, de plusieurs années d’insistance. Et je ne parle que de mon père mais il y a aussi Miyaki. J’ai sérieusement pensé pouvoir rester au Mystery très longtemps, peut-être pour toujours. Mais la guerre a commencé par-dessus le marché, les menaces de déshéritage avec – et je me fiche bien de ce que tu en penses – et de toute manière il s’agit d’une décision mûrement, très mûrement réfléchie. Je… refuse que tu considères ça comme une décision puérile.

Une décision prise sur un coup de tête, comme ça, parce que mon père me l’a demandé. Et puis quoi encore. Combien d’années cela faisait-il qu’il insistait, au juste ? Je crois que cela n’a jamais cessé depuis que je suis arrivé à Little Angleton. Jamais. Les menaces déguisées. Les coups de pression. Bien sûr, Takeji ignorait tout de cela et c’était normal. Mais cela était tellement ancré à mon quotidien que je prenais cette remarque avec une virulence insoupçonnée. La goutte d’eau qui fait déborder un vase trop rempli.

-Par-dessus le marché, peu importe ce que je te réponds, tu ne fais que m’attaquer ! Qu’attends-tu que je fasse ?! J’ai délibérément fui avec tout ce que tu me dis sur la conscience, en connaissance de cause. Soulager ma conscience ? – Je souffle avec amertume – Non Takeji, tu le sais autant que moi, je préfère autant tout nier que d’avouer mes torts. Et pourtant, je l’ai fait là, sous tes yeux mais… Mais tu me traites de menteur.

Je résiste de toutes mes forces pour ne pas céder à l’appel de ma forme fusionnelle. J’ai encore des choses à lui dire.

-Alors soit. Soit, imagine ce que tu veux. Si tu penses que j’ai laissé mon honnêteté sous le tapis de ma salle de cours, je t’en prie retournes-y. J’ai… J’ai pas envie qu’on claque la porte tous les deux et qu’on en parle plus jamais. Mais j’en ai marre aussi de tes interminables questionnements. Je veux te dire qu’on se reverra, que c’est certain parce qu’après tout t’as juste été le meilleur pote que j’aurais jamais su gérer parce que c’est tellement nouveau ça, d’avoir quelqu’un qui fait un si long voyage juste pour me botter le cul. Mais je peux rien t’offrir que je t’ai déjà dit là. Que je voudrais que tu me pardonnes, que j’ai pas vraiment réalisé l’impact que ça aurait et que j’essayerai de réfléchir la prochaine fois. C’est tout.

Je tends mon col de peignoir et prend une grande inspiration, tout tendu que je suis. Je ne sais plus quoi penser, quoi répliquer. J’espère qu’il pourra me pardonner ou qu’il disparaisse à jamais. Voilà, mes deux antipodes.

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