Ce qui s'est passé cette nuit là ... C'est toujours dans ma tête. Encore, toujours. J'en fais des cauchemars la nuit. Je ne sais pas comment je fais pour ne pas réveiller Kily. Peut être parce que lui aussi essaie de prendre sur lui. Ça ne m'étonnerait pas de sa part en fait. Je n'ai toujours pas craqué, depuis ... Ça fait un moins aujourd'hui. Cela fait un mois que les méchants nous ont tout pris. Et je ne sais plus quand est-ce que nous sommes arrivés ici. Il y a deux semaines peut être. Peut être ...

On s'y fait à la vie dans les grottes, même si c('est dur. J'ai juste envie d'exploser, en plus je ressens toutes leurs émotions, toute cette tristesse, toute cette peine, cette colère aussi. Ils sont tous toujours trop proches de moi. Ils sont inquiets aussi, pour les autres, pour nous, pour eux ... Il y a très peu de joie, même si par moment ils arrivent à avoir des moments de gaieté, j'ai un répit comme ça dans mon coeur mais le reste du temps... C'est dur, très dur...

Le pire reste pour mon frère. Lui non plus n'oublie pas, je le sais. Le pire, c'est qu'il avait dit qu'il se passerait quelque chose, il le sentait. Il avait raison, malheureusement. Enfin, nous avons tout de même réussir à survivre jusqu'ici, pourquoi ne pourrions nous pas continuer à faire la même chose ? Nous réussirons, au bout du compte. J'en suis sûr, nous vaincrons.

En attendant, c'est la première fois que je sors de la grotte. J'ai juste prévenu Maysar. Parce que j'ai l'impression que c'est lui le grand chef ou je ne sais quoi. J'espère que mon frère ne s'inquiétera pas. De toutes manières, je ne serais pas loin. Je garde le contact avec lui, si il est tout d'un coup inquiet, parce que je ne suis pas là, je le sentirais, et je reviendrais de suite. Cela va me fatiguer de garder un tel lien à plusieurs mètres de distance mais c'est nécessaire. Et si je sens que je me fatigue trop, j'arrêterai la connexion et je rentrerai aussi vite que je peux quand même.

C'est donc mon premier moment de répit. La seule connexion que j'ai c'est mon frère. Il sera le seul à m’informer de tout ce qui se passe dans la grotte avec ses émotions. Parce que j'arrive à tout discerner avec lui. En même temps, je passe vingt quatre heures sur vingt quatre avec lui depuis que nous sommes nés. Il est normal que je me sois habitué à lui. Si ce n'était pas le cas, je m'en inquiéterai beaucoup. C'est avec les autres personnes que j'ai du mal.

Le vent me fouette le visage, mais je sens l'air frais. Le vent fait d'ailleurs pleurer mes yeux, mais bien vite ce n'est pas que à cause de cet élément que les larmes coulent. C'est la première fois que je suis seul, et c'est la première fois que j'ai du moment juste pour moi. Donc c'est la première fois que je peux craquer, en un mois. J'essaie d'être le plus fort possible, mais je n'ai que quatorze ans, même si je parais en avoir plus, autant physiquement que mentalement. C'est à cause de toutes les épreuves que nous avons endurés, mon frère et moi. Je fais tout ce que je peux pour ne pas craquer devant lui, devant personne en fait. Je prends tout sur moi, j'essaie de tout renflouer au plus profond de moi même, hors de ma portée même. Mais les aventures de ce dernier mois ont été si éprouvantes, si dures, si cruelles, si horribles, que ce n'est pas une chose possible. Elles me hantent, tous ces corps retrouvés par terre, c'était juste une chose horrible. Alors voilà, je craque, tout en m'éloignant le plus vite possible de l'entrée de la grotte. Je cours presque en essayant de ne pas tomber à cause des cavités, de la roche inégale.

Quand je pense être assez loin, loin veut dire que la personne verra que je veux m'isoler. Loin veut dire que le personne ne verra rien de ce que je fais. Mais assez près pour garder la connexion avec mon frère. Assez près pour entendre si on m'appelle de la sortie de la grotte. Assez près pour pourvoir rentrer si il m'arrive un problème. Ou s'il arrive un problème à l'intérieur. Loin veut dire que personne ne découvrira l'entrée de la grotte. Personne. Il ne faut pas. Ça doit rester secret.

Alors je vagabonde depuis ce point. Je ne pourrais pas me perdre. Le lien avec mon frère me dira toujours où il est. Alors je saurais où je dois aller. Toujours. Et ma place est à ses côtés, c'est tout. Se sera toujours comme ça. Toujours et à jamais. C'est une promesse Kily. Tu m'entends Kily ? C'est une promesse. Que je t'ai déjà faite, certes. Des millions et des millions de fois. Mais je continuerai de te la faire. Car je t'aime mon frère, je t'aime de tout mon coeur. Tu es la chose la plus importante pour moi. Ma moitié, c'est toi.

Les larmes continuent de couler, silencieusement. Mais j'ai tout de même l'impression que mon coeur se déchire en deux. J'ai mal, je souffre. Je prends une grande inspiration.

Loin veut dire qu'ils ne m'entendront pas.

Et je cris. Un cri de souffrance. Un cri de tristesse. Un cri désespéré. Tout ce qu'on a perdu depuis le début. De ce qui s'est passé ce dernier mois. Tout ça se déverse dans ce cri. Tout ce que je peux ressentir, tout ce que j'ai besoin d'évacuer. Tout ce que les autres m'ont transmis, je le transmet à l'air. Je le transmet avec du son. J'aurais mal à la gorge, et alors ? Le cri est long, il dure. Mais il est de moins en moins puissant. Je m'affale à genou. Et je sanglote. Ça me fait mal, dans mon coeur. Ma gorge me serre, mes yeux me piquent. Saleté de maquillage. J'essuie les larmes. Mais elles continuent de couler. Et je gémis, à quatre pattes. J'aimerais me blesser, mais je sais que lorsque je rentrerais j'aurais une sorte de problème. Déjà, Kily. Qui va s’inquiéter plus qu'il ne doit. Donc je dois arriver intact. Ou presque. Pour les yeux rouges ... Ils comprendra. On craque tous au bout d'un moment. Il aura donc une vague de compassion et d'amour et me serrera dans ses bras. Oh mon frère ... J'ai déjà hâte, en quelques sortes.

Je relève la tête et je vois un homme, au loin. Il est sur le volcan. Depuis que nous sommes ici, je pensais qu'il n'y avait personne. Je me méfie donc. J'essaie d'envoyer mon don vers lui, ça va être épuisant. Je relance un autre cri en même temps, un combatif, je veux réussir. Je réussis à le toucher, je ne sens aucune haine de sa part, juste de la curiosité. Mais pour quoi ? Je ne saurais le dire. Je m'effondre par terre, haletant. Il est vraiment trop loin, je n'ai pu maintenir la connexion que le temps de savoir qu'il était rempli de curiosité. M'a-t-il vu ? Je ne sais pas. Enfin, s'il se tourne vers moi il me verra. Je suis blanc au milieu de ce paysage gris, désaturé. Une tache blanche, c'est facile à voir.

Mais s'il vient jusqu'à moi et que je m'aperçois que c'est une mauvaise personne, je ne pourrais rien faire ... A part crier, en espérant que cette fois, je serais assez prêt de la grotte, pour qu'ils comprennent que c'est un cri de demande à l'aide. Parce que je suis épuisé. Mais ... J'ai pris un gâteau ! De quoi me redonner un peu de force, je le grignote donc, observant toujours l'homme au loin. J'espère que ça va me redonner des forces. Parce que ... J'ai un pouvoir mais j'ai encore du mal à le contrôler. Beaucoup de mal, il est compliqué à utiliser. J'ai du mal à le comprendre même presque. Je n'ai pas l'habitude de l'utiliser. Alors, je fais ce que je peux disons. Il me fatigue très vite et je ne fais pas grand chose. Enfin, on verra ... Je pourrais peut être contrôler mon frère au pire ... Peut être. Etant donné que c'est la personne avec qui j'ai le plus l'habitude d'être ... Ça devrait être lui mon cobaye en fait. Non, je plaisante. Je n'utiliserais jamais mon frère. Surtout si ça s'avérait être dangereux. Et quelque chose qu'on ne sait pas utiliser est dangereux.

L'homme se rapproche, bien trop vite. Je n'aime pas ça. Je ne veux pas qu'on prenne soin de moi. Je veux juste être seul. Et c'est moi qui prend soin des autres, pas le contraire. Surtout pas le contraire. Je ne montre pas mes malheurs, je prends tout sur mes épaules, je porte un énorme poids pour :mon âge mais je m'en fiche, c'est pour le bien de mon frère. C'est surtout pour lui que je fais tout ça. Mais que mon frère, c'est ma moitié. Je l'aime, je donnerais mas vie pour lui. C'est ... Mon jumeau. Alors pour que lui soit heureux, j'affiche un sourire, je le console du mieux que je peux, je ne dois pas baisser les bras, je ne dois pas être triste quand il est là. Je dois toujours être optimiste, car il compte sur moi. Je le sais. Alors je dois faire en sorte qu'il le soit. En l'étant avec lui. Pour que nous puissions continuer d'avancer, tous les deux. Main dans la main. Car si je le vois heurux, moi aussi, je suis finalement épanoui.

Mais l'homme continue d'approcher, j'ai même l'impression qu'il accélère. Pourquoi il ne veut pas me laisser seul ? Pourquoi ? Pourquoi s'approche-t-il de moi ? Mon don le retouche. Pas de haine. De l'inquiétude. Mais je m'en fiche de ton inquiétude ! Pourquoi les personnes qui nous sont inconnues ne peuvent elles pas être égoïstes et s'occuper de nos oignons ? Je veux être seul, c'est si difficile que ça à comprendre ?

Et là, j'aimerais bien avoir quelque chose qui le fasse fuir, en terme de magie. Une énorme boule de feu, un champ de force, de la haine, des pics qui lui traversent la tête, mentalement... Quelque chose, qui lui dirait de ne pas s'approcher, parce que je ne veux pas. Je ne veux pas. Allez vous en. Laissez moi tranquille. Je ne veux personne. PERSONNE.

Je grogne. Je voudrais qu'il ressente un avertissement en fait. Quelque chose pour lui dire stop, je ne veux pas de toi, va-t-en, sinon tu subiras quelque chose de pire encore que ce que tu es actuellement en train d'endurer. Malheureusement, mon empathie me permet seulement de savoir ce qu'il ressent. Et mon pouvoir, ce n'est pas comme si j'arrivais bien à l'utiliser. Surtout que la distance est bien trop grande là. Jamais je n'y arriverais. Et puis, je lui ferais faire quoi ? A part demi tour et quelques pas ? Et puis, c'est un adulte, il réussirait parfaitement bien à ne pas faire ce que je veux qu'il fasse. Donc, c'est impossible. Je me hais d'être aussi faible. Je hais le monde d'être plus fort que moi. Je hais le monde de me faire autant de mal.

- Bonjour, est-ce que tout va bien ? Vous avez l’air souffrant, laissez-moi venir vous aider, j’ai sur moi un peu d’eau et de nourriture, cela devrait vous remettre sur pied je pense.

Mais ... Casse toi ! Je ne veux pas de toi, je vais très bien, je veux juste, de la solitude, juste ça ! Alors laisse moi tranquille, va-t-en loin ! Loin de moi. Très loin. Pars, pars et ne reviens jamais. Voilà ce que je voudrais lui dire. Je n'ai pas faim, je n'ai pas soif, mon corps va parfaitement bien. Je veux juste évacuer toute la tristesse, toute la douleur, toute la peine que j'accumule depuis ces derniers jours. LA pression est trop forte, le poids est trop fort. Je craque, voilà tout. Et je veux craquer seul.

Parce que s'il y a des gens autour, je ressens leur peine, elle s'ajoute à la mienne. Je ressens leur pitié, leur inquiétude. Et tout ça, je ne peux pas gérer. Surtout la pitié. Je ne veux pas de votre pitié. Gardez la pour vous. Laissez moi seul. Seul, vous comprenez ? Quand j'aurais tout évacué, je me sociabiliserai de nouveau. Enfin, à ma manière, c'est à dire, pas grand chose. Mais déjà, je serais moins méchant, et je ne réagirais pas de cette façon. Un peu, parce qu'on approche de notre secret, et ça il ne faut pas. C'est notre grotte. C'est notre abri. C'est notre secret. C'est notre sécurité. Il ne faut pas que les gens sachent. Il faut que personne ne sache. Personne. Sinon, nous serons encore obligé de fuir. Encore obligé de souffrir. Et j'en ai marre, je suis las de la douleur. Il y en a déjà trop dans mon coeur.

Alors je me lève. Et je ne sais pas quoi faire. Je suis coincé. Je ne peux pas aller vers cet homme. Mais en même temps, je ne peux pas faire demi tour. Sinon, je vais à la grotte. Et je peux pas rentrer maintenant. Parce que je ne suis pas en état pour. Mon frère va s'inquiéter. Il ne faut pas qu'il s'inquiète. Surtout pas. Surtout pas... Si il commence à s’inquiéter pour moi, c'est que j'aurai échoué dans ma mission. Ma mission de le protéger. Et le protéger c'est aussi le protéger de toutes mes émotions négatives.

Je grogne encore, tape du pied. Et je me mets à courir. Ni vers la grotte, ni vers l'homme. Ni vers la mer, parce que j'ai pas envie d'aller me ,noyer dans cette eau glacée qui remue beaucoup trop à mon goût. Non, je cours vers les terres. Je cours aussi vite que je peux, je veux échapper à tout ça. A l'inconnu, à toute la pression de douleur, de peine, de tristesse et d'inquiétude. Je n'aime pas m'éloigner de la grotte, je n'aime pas cette idée, mais là, je n'ai pas le choix. C'est notre secret. On doit le protéger, coûte que coûte. Mais si il n'a aucun sentiment négatif, il ne faut pas qu'il soit au courant. Notre secret, il ne s'en approchera pas, voilà tout.

Je cours, mais je m'essouffle vite. Les nuées des volcans doivent faire ça, non ? Certains sont encore en activités après tout. Même si ils n'explosent pas, certains doivent tout de même recracher ne serait-ce qu'un peu de fumée, à cause de toute la lave incandescente qu'ils contiennent. J'en sais rien. En plus, il fait pas beau ici. Les nuages sont gros, gris. Je ne vois pas le soleil. Même pas à travers la masse nuageuse. Il va bientôt pleuvoir, c'est obligé. Il fait froid en plus et il y a du vent.

Je m'arrête donc, à bout de souffle. Je ne sais pas combien de temps j'ai couru, ni combien de mètre j'ai parcouru. Je ne veux pas que l'inconnu me suive, je ne veux pas. JE veux être seul. L'a-t-il compris ? Aucune idée. En tout cas, cette colère vis à vis de lui passe plutôt bien. Ça défoule et ça permet de masquer les autres sentiments. De les relâcher en même temps. Ça fait du bien de sortir, en fait.