It's you and me. Again.



Je ne suis rien. Pas plus que toi ou moi. Je suis ce qu'est la terre, ce que représente la société. Je ne sais pas où je vais mais j'y vais avec toi c'est sûr. Je baisse les yeux. Je porte une chemise bleue aujourd'hui, aussi bleue que l'âme de la personne que je vais voir. Un short gris. Il fait beau, le soleil frappe mon visage à grand coup de rayons bien trop chaud pour ma peau trop pâle. L'émotion me submerge et j'en tomberais presque à genoux. Je suis perdu, qui es-tu ? Qui je suis ? On s'est perdu. Tant de temps a passé mais pourtant aujourd'hui tu es là. Enfin, pas encore mais je sais que tu viendras, je ne peux que t'attendre. J'ai envie de courir pour vérifier que tu vas bien venir mais je crois en toi. Es-tu la seule personne en laquelle je peux avoir confiance encore dans ce monde ? Je m'en fous. En vérité, non. Mais je veux rester dans ma dépression post-amandinienne. Je crois que tu l'as compris que depuis ce jour là, je n'ai plus jamais été le même et que je ne serais plus jamais le même. Tu sais pourquoi, tu savais pourquoi et tu saurais pourquoi. Tu me connais. Tu ne me laisseras pas comme ça. Tu es si belle mais pourtant tu ne bouges pas le petit doigt. C'est ta faiblesse. Je te connais trop bien.

Ma soeur.

Tu ne sais pas pourquoi mais pourtant tu viens. Je me demande pourquoi tu continues à croire en un déchet comme moi ? Aujourd'hui mes cheveux blonds brillent gentiment, mais demain est-ce que ça ne seras pas la poudre à mon nez qui brillera ? Tu t'en fous peut-être. Je suis resté propre, pour toi. Parce que je crois que je t'aime. Bleuann. On ne s'est jamais vraiment avoué ce que l'on ressentais l'un pour l'autre. Peut-être était-tu plus étroitement lié avec Green avant son départ mais ça a tout foutu en l'air. Moi je t'ai jamais laissé de côté, je t'ai jamais dis, reste là à m'attendre et je reviendrais, un jour peut-être. Oui, je le projetais pendant un moment, mais je l'ai jamais fait. Je ne l'ai pas fait pour toi mais aujourd'hui, tu es peut-être une raison de pourquoi je suis là. Dans ce champs que rien ne semble perturbé. Personne n'y est. On a tout dévasté pas vrai ? On a réduit Little Angleton et ses environs à de la merde. C'est notre oeuvre. Je n'en suis pas fier. Je m'en fous. Je ne sais plus. Tu es une des seules de la famille à avoir rencontré Amandine et t'as un rang supérieur dans ma tête grace à ça. Je ne pense pas tant à toi Amandine, quand je suis sobre.

Je veux dire...

Tu es devenue un membre de mon corps à part entière, tu es là, tout le temps avec moi.

Quand je me drogue, j'ai juste l'impression que tu t'en vas et que je peux à nouveau te voir.

Non. Tu fais juste parti de moi.

Bleuann, ramène moi à elle. Je t'en supplie. Je suis triste. J'ai beau me réfugier dans tes bras parfois quand personne ne nous vois, tu sais ce que vaux vraiment mon âme. Tu m'as vu quand j'étais à côté d'Amandine, je valais mieux que ça. Colore mon coeur avec de l'argent et du bleu mais je t'en supplie, ne le colore pas en d'autres couleurs. Toi et moi nous valons mieux que le reste. Je te vois arrivé là bas au loin. Je t'avais donné rendez-vous ici pour qu'on se parle et qu'on se retrouve un peu. A l'écart de tout, là où personne ne peut nous surveiller, là où personne nous flingueras parce qu'on s'est pris dans les bras l'un de l'autre. Ici, c'est un havre de paix. Il n'y a plus personne. Hormis, toi et moi. Je me relève.
Je suis un homme, fais moi vivre.

Le soleil illumine ta robe blanche comme les nuages qui n’ont pas daigné à se lever aujourd’hui. Les rayons se répercutent aussi violemment que des balles sur les paillettes argentés qui tâche la virginité de ta robe. On dirait que tu as pris un pot de peinture argent et que tu t’en es éclaboussée, laissant même quelque filament brillant tomber dans tes yeux. Tu as l’air heureuse à sautiller à travers Little Angleton. La ville à côté de toi fait bien pâle figure… Est-ce à cause des regards appeurés des villageois derrière leurs fenêtres ? Des traces de sang qui n’ont pas encore été nettoyées par la pluie et qui crépitent presque sous le soleil, dégageant une affreuse puanteur à laquelle tu ne prêtes pas vraiment attention ? Ou alors c’est peut-être à cause des vitrines brisées, des murs tagués, des rues salies que les sorciers noirs ont imposé au village.
Tu ne sais pas et tu t’en fiches un peu. Tu t’en fiches de ce village réduit en cendre par la simple volonté des deux chefs des plus puissantes organisation de sorciers noirs au monde. Tu t’en fiches des gens qui ne comprennent pas et qui se terrent sous leurs couettes. Tu t’en fiche de l’odeur, des cadavres dans tes pas et du sang sur tes mains. Pour la première fois depuis longtemps tu t’en fiches. Seul un sourire illumine ton village et les étincelles dans tes yeux brillent plus fort alors que tu te rapproches de ton point de rendez-vous.

Et c’est là que tu le vois. Debout, droit, avec un air presque heureux sur le visage. Tu peux t’empêcher de découvrir avec une quasi surprise la beauté de ton grand frère avec sa chemise bleue et son short gris. Ses cheveux blonds brillent sous le soleil et sa barbe est taillée, propre. Immédiatement ton pouvoir d’empathie se tend vers Silver et, malgré le collier en bois sur lequel une rune gravé est censée brider ton pouvoir, tu constates avec bonheur que ton frère est clean. Sain d’esprit. Loin de la drogue qu’il chérit tant.
Que ça fait du bien de faire face à un humain et non pas à un déchet. C’était pourtant bien ça que tu redoutais, te retrouver face à un loque se traînant lamentablement dans le champs dans lequel il t’avait donné rendez-vous. Combien de fois as-tu retrouvé ton frère ailleurs dans sa tête, une seringue encore à demi plantée dans son bras ? Combien de fois as-tu fais semblant de ne pas voir les grains blanc collés sous le nez de ton aîné ? Combien de fois n’as-tu pas tremblé dans ton lit, sachant que ton frère avait une fois de plus découché et ignorant si tu le reverrais vivant ?
Tu ne sais pas et tu n’as pas envie de le savoir. Pour une fois Silver va bien. Presque bien. Tu sens bien dans son corps le vide immense qu’à créer la mort d’Amandine. Une mort que rien ni personne ne pourra jamais combler. Même pas toi. Tu sais bien que la seule chose qui rassure un peu ton frère, qui lui donne l’impression furtive de serrer son amante à nouveau dans ses bras, c’est la drogue. Planer, voler, rêver. Effleurer la mort du bout des doigts pour être un instant encore avec elle.
Jusqu’au jour où l’effleurer ne suffira plus. Où ton frère exigera plus, ne pourra plus vivre qu’avec ce que l’ectasie, la cocaïne, l’héroïne et toutes ces conneries lui donnent. Tu sais pertinemment qu’un jour ce n’est plus dans un champs, mais dans un cercueil que Silver te donnera rendez-vous. Et tu n’auras d’autres choix que de balancer des fleurs sur une tombe froide sur laquelle tu seras sans doute la seule à passer de temps en temps…

Tu inspires à fond pour chasser ses idées noires de ta tête. Parce que ton frère est vivant, bien présent en face de toi. Tu parcours en courant les quelques derniers mètres qui te séparent de lui et te jettes dans ses bras. Pour une fois il ne vacille pas, pour une fois il a la force de te retenir, de ne pas tomber sous l’effet des stupéfiants mêlés à ton poids. Tu sens ses bras de géant se refermer autour de toi, exactement comme quand tu étais petite et que tu le croisais au détour d’un des immense couloir vide de votre demeure bien trop grande…
Sur le chemin, tu n’as même pas remarqué que ta ballerine c’était envolé. Un peu comme une Cendrillon du monde moderne. Mais tu t’en fiches parce que ta chaussure n’est pas en verre et que tu sens l’odeur propre de ton frère t’entourer. Tu le serres un peu plus fort contre toi, voulant profiter à fond de cette étreinte. C’est le problème avec les gens comme Silver, tu ne sais jamais quand tu auras l’occasion de les serrer à nouveau contre toi, si tu auras l’occasion de les serrer à nouveau contre toi…
En fait, cet effet là se passe avec chaque personne que tu aimes. Chaque personne que tu câlines. Et ce, depuis le départ de Green, depuis ce jour maudit où tu es entré en rigolant dans sa chambre pour trouver un lit froid et une armoire vide. Ce jour là t’as indéniablement fait grandir, il vous a fait grandir… Fait comprendre que les gens qu’on aime ne sont pas toujours là, qu’ils peuvent partir, déserter…

Mais il ne faut pas penser à Green, il ne faut plus. Il t’a trop blessée trop écorchée vive. Trop abandonnée. Bien sûr, il te restait d’autres frères, d’autres couleurs, mais… Green et toi avez toujours eu ce lien si spécial qui vous unissait. Et de toute façon son départ à trop briser votre famille pour que tu puisses vraiment chercher du réconfort auprès de tes autres frères. Silver a été présent un temps pourtant. Amandine et lui venait parfois te chercher après les cours, quand ils ne planaient pas trop. Un temps tu as vraiment cru que ce lien pourrait vous sauver tous les deux. Tu as même espérer faire balancer ton frère et celle qui avait fait chavirer son corps du « bon » côté, loin de la drogue et autres substances illicites. Jusqu’au jour où le visage de la junkie s’est retrouvée figé à tout jamais, blanc comme les cachets qu’elle prenait, un peu comme si on avait décidé de le fixer à tout jamais à la craie.
Et ça avait été le début de la fin. Le mince château de carte que vous aviez consrtuit à trois s’est écroulé dans un soupir et une nouvelle fois tu as eu l’impression de te retrouver seule. Les câlins de Silver se faisait rare, branlant, défonés. Des câlins défoncés… Détruit, annihilé, jeté en patûre aux molosses. Amandine et sa drogue avait tiré l’argent vers un sommet brillant et prometteur avant de le traîner dans la boue jusqu’à ce qu’il perdre tout de son éclat. Vraiment l’amour…

- J’ai vu Green ce matin…

Vraiment l’amour. Tu ne pouvais pas t’empêcher de continuer à tous les aimer. Même Red le psychopathe. Même les jumeaux et leur tendance systématique à s’isoler. Même Bianco qui se montrait parfois si odieux. Même Silver et sa drogue. Même Green… oh oui, même lui. Vous étiez une famille et tu ne pourrais jamais oublier vos parties de cache-cache et de loup dans le jardin. Les nuits à la belle étoile que vous aviez passer. Les cadeaux tous plus extraordinaires les uns des autres qu’ils t’offraient. Tes frères s’étaient démené pour faire de ton enfance une vie de princesse et, malgré l’absence si importante à tes yeux de l’amour de tes parents, ils avaient réussi.
Jusqu’au moment où Green était parti en t’arrachant ton trône et tes rêves d’enfant. Grandis Bleu, grandis…

- C’est devenu un vert bien terne. Rien à voir avec l’étoile en face de moi.

Tu souris gentiment à ton aîné. Tu aimerais le voir toujours ainsi, aussi fort et brillant. Tu as l’impression que comme ça vous pourriez décrocher la Lune et défier le ciel. Aucun obstacle, rien ne pourra jamais vous arrêter. Pas même cette satané drogue.
Mais il faut pourtant te rendre à l’évidence. L’étoile du ciel est devenu depuis bien trop longtemps une étoile de mer, s’enfonçant dans les abysses silencieux d’une mer déchaînée. Et si parfois l’âme argenté crève la surface des vagues, elle a perdu depuis une éternité ses ailes et oublié comment voler…

Pourquoi tu as décidé de pas te droguer aujourd'hui ? Je ne sais pas. Je voulais rester clean pour une fois. Peut-être que je pourrais relever la tête pour toi, Bleu. Je ne sais pas si le bleu de ton âme peut m'aider à m'en sortir. Peut-être, peut-être pas. Si tu me tends la main, je vais t'agripper le bras et tu devras produire bien des efforts pour me sortir des tréfonds d'où je suis tombé, des tréfonds de mon âme. Tu en es capable, je le sais mais le problème c'est que tu n'assumeras pas. Je te connais trop bien Bleu.
Mais je t'aime tout de même.
Je te vois, tu arrives au détour du champ. D'aussi loin que je suis, d'aussi loin que je serais pour toujours, je verrais toujours ton regard qui m'éclairera. Et tu as beau te tenir à une bonne cinquantaine de mètres de moi, je vois ton regard qui m'illumine, qui brille de mes feux à ma vue. Je n'ai rien fais pour représenter ceci à tes yeux mais dans tes yeux d'enfants, dans ton âme de princesse, j'ai toujours l'impression d'être ton roi. Celui qui va te sauver de ce monde sans saveur, sans aucune couleurs hormis le bleu et l'argent. Celui qui te délivrera. Je ne suis pas celui là. Je ne suis plus celui là.
Je peux aussi entendre ton rire d'ici. Tu ne ris plus beaucoup depuis un bon bout de temps, la faute au vert. Mais je l'entends tout de même. Et je crois que même si le destin décide de nous séparer, j'entendrais toujours ton rire si communicatif, si beau et si enfantin parvenir à mes oreilles. C'est quelque chose que tu as gravé au fer bleu dans ma mémoire. Tu sais que tu es une bonne partie de moi. Comme si je n'étais qu'un vulgaire pont de bois, soutenu par 2 pillier. Le 1er pillier, c'était Amandine, le second c'était toi. Le premier pillier s'en est allé, alors il aurait fallu que le second pillier soit encore plus fort pour que je ne m'écroule pas. Tu étais forte Bleu, mais pas assez pour m'empêcher de plonger dans mes sombres délires. Peux-tu redevenir celle que tu n'as jamais été ?

Espoir.
Je sens quelque chose qui se tend vers moi. Je sais que c'est ton pouvoir d'empathie. Le bonheur m'envahit, comme si tu m'en faisais avaler. Tu me tends une bouteille de bonheur et moi je suis obligé d'avaler la bouteille de 10 litres. Merci Bleu. Tu me fais vraiment du bien en ce moment. Je sens le bonheur, que j'associe à la couleur bleue, comme par instinct, se diffuser dans mon sang, dans mon être, dans mon âme. Je suis bleu, tu es argenté. Nous ne sommes qu'un. Tu te rapproches et moi je suis ébahi. Je ne sais pas pourquoi, ce n'est pas comme si c'était la première fois que je te voyais. Mais pourtant, ma bouche s'entre-ouvre et les muscles de ma mâchoire, malgré eux, se décontractent, presque naturellement. Tu cours maintenant. Que fais-tu ? Je ne sais pas.
Je revis, tu t'insinues en moi.
J'ouvre les bras, presque instinctivement et je te serre contre moi. Toi ma petite soeur, mon bonheur. Je sens ton odeur suave qui emplit mon corps et qui fait le même effet que le bleu qui symbolise mon bonheur. Tu te diffuses en moi, tu m'emplis, tu me remplis. Je caresse tes cheveux, presque maladroitement. Je ne sais plus comment m'y prendre avec un petit bout de femme comme toi. J'ai peur, un peu. Cela faisait si longtemps que j'attendais ça. Mes bras se passent autour de ton cou et tu te blottis contre moi. Je sens ton petit corps chaud. Ta chaleur m'avait manqué et je n'ai pas envie que tu partes, tout de suite. Ne desserre pas ton étreinte. Ne regarde pas le reste du monde, je veux que tu sois mienne encore un petit instant car à ce moment là, plus rien ne compte pour moi. Seulement toi.

- J’ai vu Green ce matin…

Tu as rompus l'instant presque féerique qui s'était créé entre nous. Je ne t'en veux pas. Tu es toujours contre moi. Je remarque que ma mâchoire s'est contractée un peu. J'en veux à Green. Je crois. Quand je suis défoncé, je m'en fous. Mais je crois que tout le monde en veut un peu à Green dans la famille. Bleu je crois lui en veut aussi, c'est sûr. Je le sens, en elle et à l'intonation de sa voix quand elle a dit ça. Nous étions trop jeune quand c'est arrivé. Je crois que ça a un peu dénaturé notre âme à vie.
On a décapé notre âme. Comme si le vert était juste un truc qui cherchait à détruire nos émotions.
C'est réussi, je ne ressens plus rien. Bleu ressent-elle quelque chose ? Je ne sais pas. Je me souviens quand on était petit, les moments que l'on passait ensemble. Bleu et moi, on avait forgé un truc fort. J'ai toujours beaucoup aimé les enfants et quand Bleu est arrivé dans la famille... Ca a été un bouleversement pour moi, parce que j'aimais ma famille, j'aime les bébés et j'aime les filles en général. Et toi tu es arrivée dans ce ciel bleu sans nuages. Comme un ange tu es descendue. J'ai beaucoup veillé sur toi quand j'étais plus petit, même si j'étais très jeune aussi. Je n'avais que 3 ans quand je me penchais sur ton berceau pour regarder si tu dormais. Je m'en souviens encore.

- C’est devenu un vert bien terne. Rien à voir avec l’étoile en face de moi.

Je te souris. Tu es belle Bleuann, j'aimerais voir tout le temps ce sourire angélique à ton visage. Mais dans le monde dans lequel on vit, dans la famille dans laquelle on vit, avec l'éducation que l'on a reçu, ce n'est pas possible. Je le sais. Rien ne peut m'arrêter pour toi Bleu. Il suffit que tu me donnes la force. Donne moi ta force. S'il te plaît.
Green.
Je ne sais plus quoi penser de lui. Je ressens de la haine pour nous avoir laisser mais d'un autre côté je le comprends. Souviens toi comme on était au début, Green, toi et moi. On a volé en éclat. On a tenté de reconstruire avec Amandine, toi et moi. Mais ca s'est envolé à nouveau. On peut pas former un trio parce qu'on se fait toujours avoir. Comme une pyramide, sur laquelle tu es toujours la princesse, toujours perchée. Mais, à chaque fois, une des deux bases se barre et toi tu tombes. Tu as mal. C'est pour ça que tu es comme ça.
Je serre un peu plus mon étreinte.

- Je ne brillerais sans doute pas sans la force de l'océan que je tiens dans mes bras.

Dis moi que je suis ton hymne nationale. Dis moi que tu vas me donner la force de me battre. J'aimerais que ton océan de bonheur et de solidité se répande en moi. Que tu déverses par milliers tout ce que tu as en toi et que je fasse de même. Ce n'est pas dur pour moi de ne faire qu'un avec toi. Il suffit que tu le veuilles.
Je ne t'arrêterais pas, tends moi la main et je la saisirais. Toi seule a le pouvoir de me rendre heureux.
Des mots se bousculent par milliers dans ma tête mais je ne sais pas comment les formuler. Je te sens toujours contre moi et les effluves de tes cheveux, si lourd, si brillant, si beau montent dans mes narines. Je me sens apaisé, plus qu'avec les merde que j'avale. Et si c'était toi ma drogue ? Je te retrouve pour la première fois depuis longtemps. Peut-être on va réussir. Peut-être.

- Tu es resplendissante Bleu, tu pourrais peut-être m'aider à briller comme ça plus souvent..

Ce n'est pas une question. Plus une phrase balancé comme ça. J'espère que tu vas la saisir au vol, que tu vas l'attraper. Je te décris peut-être comme l'océan mais j'ai juste besoin que tu sois ma bouée de sauvetage dans cet océan de gens que je ne comprends plus.
Aide moi. Je t'en supplie.

Fais de moi celui que tu as connu.

Tu te blottis dans les bras de ton frère en te demandant pourquoi chaque jour ne ressemble pas à celui-ci. Des fois tu aimerais bien faire parti d’Orphéo, tu te dis qu’eux ils ont l’air plus heureux, plus fort. Que personne ne les juge en les voyant foncer dans les bras de quelqu’un, que personne ne leur demande de tuer, toujours tuer. Que personne ne les abandonne en laissant derrière soit une odeur de brûlé, comme si toutes les photos et tous les souvenirs que vous aviez étaient partis en fumée.
À la place de ça tu es noire. Noire avec un peu de bleu, d’argent, de rouge, de vert, d’olive, de cyan et de blanc. Quoi qu’ils puissent dire chacun de tes frères a laissé une griffure en toi, une trace de son passage dans ta vie, de votre enfance partagée. Certaines sont plus profondes que d’autres, d’autres plus délicates. Mais tu les as toutes gardées dans ta mémoire et dans ton cœur, tu n’as jamais tenté de les oublier. Car tes frères c’est toute ton enfance et, à 21 ans, ton enfance reste la majeur partie de ta vie.

Tu sens la douleur de Silver. Tu sens ses doutes et son amour pour toi. Tu sais ce qu’il aimerait, bien sûr que tu le sais. Tu as passé tellement de temps avec tes frères, tellement de temps à jeter sur eux ton filet d’empathie que tu as finis par les connaître par cœur. Et ils ont beau changer, grandir, au fond ils restent toujours les mêmes. Tu sais comment ils réagissent, comment ils pensent. Tu les connais mieux que personne. Comme eux te connaissent.
Et tu sais ce dont ton aîné a envie. Tu sais qu’il a envie que tu sois son équilibre, sa raison de vivre, l’ancre qui l’empêche de couler encore une fois en pleine mer. Tu aimerais bien être capable de faire tout ça, tu aimerais tellement être là pour lui. Comme quand Amandine était encore vivante.

- Je ne brillerais sans doute pas sans la force de l'océan que je tiens dans mes bras.

Tu aimerais lui sourire, lui promettre monts et merveilles. Tu aimerais être capable d’être celle qui sauvera ton frère. Mais comment aider quelqu’un de la noyade quand on ne sait pas nager ? Tu souffres. Tu souffres terriblement de voir tes frères aller si mal. Il a suffit d’un départ pour que tout parte dans tous les sens. Tu pensais pourtant que ta famille était forte, que vos liens étaient vrais, que vous étiez proches.
Tu avais tellement tort. Votre famille n’avait rien de fort et à la première contrariété tout a explosé. Toi aussi tu as explosé, parce que toi aussi tu étais faible. Ensemble… Ensemble vous étiez tout, ensemble vous étiez fort. Et que reste-t-il de tous ces liens maintenant ? Olive et Cyan se sont reclus tous les deux. Bianco ne te parles plus. Green est beaucoup trop absent. Silver est perdu dans sa drogue et Red dans son sang. Tu as beau être dans les bras d’un de tes frère, tu te sens toujours seule.
Alors comment pourrais-tu sauver Silver ?

- Tu es resplendissante Bleu, tu pourrais peut-être m'aider à briller comme ça plus souvent…

Cela serait si facile de dire oui, de mentir à ton grand frère. Oui, que te coûterait ce mot ? À peine trois lettres, une seule syllabe. Tu as déjà tué, blessé, cassé. Mentir devrait être un jeu d’enfant pour toi ? Sauf que tu es toujours une enfant et qu’il n’est pas si aisé pour toi de jouer à ce jeu là. Mentir, tu ne t’en sens pas capable.

- Je t’aime Silv’.

Ça ce n’est pas un mensonge, ça c’est la vérité. C’est ce que tu peux lui dire, ce que tu peux lui promettre.
Que tu l’aimes et que tu l’aimeras toujours.

Tes pupilles brillent de milles feux et je peux me perdre à l'intérieur. Combien de fois aies-je regardé Amandine ainsi dans le fond de ses yeux pour y trouver la chaude lumière des étoiles ? Beaucoup trop de fois. Maintenant c'est dans tes yeux que je me perds, dans ton regard qui ne montre ni chaleur, ni froideur. Je te connais Bleuann mais je ne peux deviner ce qui te traverses l'esprit en ce moment. Nous avons tous vécu des épreuves différentes, qui nous ont tous changé. Si je devais schématiser je représenterais ça comme une molécule d'ADN.
Au départ, nous étions un acide désoxyribonucléique identique.
Puis nous avons tous changé, celui de Redwan est devenu un acide meurtrier, celui de Bianco est devenu un acide ambitieux, ceux d'Olive et Cyan sont devenus complémentaires, l'acide de Green est devenu un acide sans forme ni contenu et moi, mon acide est devenu toxique. Toi, ton acide est devenu le mélange de nous tous. Je crois.
Ta vie, la mienne, ne tiens qu'a une chaîne. On peut liés nos chaînes mais je crois que seul toi peut le vouloir. Tu sais trop bien ce que c'est de prendre une décision. Ignorer pour sa propre vie, ou choisir de se battre. Je crois que tu as fais ton choix depuis longtemps mais je ne t'en veux pas. Est-ce le mélange de nous tous d'être devenue ainsi ? Je ne sais pas. Je crois qu'aucun d'entre nous n'a jamais refusé de prendre des décisions. Mais tu es une fille et ça change beaucoup de choses. Si nous lions nos chaînes, on peut se compenser l'un, l'autre pour ne pas tomber. Mais je crois que tu as peur. La peur t'as envahis depuis Green et depuis que tu m'as vu sombrer. Tu ne fais plus confiance, tu n'es pas prête à confier ta vie à quelqu'un qui peut sombrer.
C'est de ma faute. Pas de la tienne.

Je m'en veux Bleu, le comprends-tu ça ? Je m'en veux d'agir comme ça mais je réagis comme instinctivement, pour me protéger. J'ai envie de te dire, courons. Allons-y, échappons-nous de cette vie de merde. Mais me suivras-tu ? Mon esprit et mon corps reste aussi immobile qu'une barre clignotante lorsque j'écris mes textes sur mon ordinateur. J'aime écrire, je te l'ai déjà montré. J'écris moins maintenant. Je fais beaucoup de choses en moins depuis qu'elle est partie. Je crois que je peux me ressaisir, je sens une force qui se rebelle parfois en moi mais j'ai besoin de toi. Sens-le, ressens-le. Je sais que tu peux le faire parce que tu as ton pouvoir qui te le permets. Mais encore une fois, tu peux te permettre de fermer les yeux.
Ignorance.
Si nous ne pouvons plus former de pyramides, de trios parce que personne n'est assez digne de confiance pour ça, laisse moi former un duo avec toi. Laisse moi te prouver qu'il reste encore une couleur valable dans ta famille. Green t'as fait trop mal et les autres s'en foutent de toi maintenant. Moi je suis là, c'est bien moi qui t'as donné rendez-vous ici. Nos autres frères ne font que te voir par intermittence, jamais parce qu'ils le veulent. Moi j'ai envie de te voir parce que je crois en toi. Tu as peur que je puisse croire en toi peut-être ? Cela t'effraye.

- Je t’aime Silv’.

Je ferme les yeux un instant et je me contente de te serrer contre moi, très fort. Je ne t'étouffes pas non plus, je sais que tu es plus robuste que tu en as l'air mais a mes yeux tu restes une petite bête fragile. Je te considère comme quelqu'un à part entière mais tu resteras toujours pour moi ma petite soeur. Alors je te serrerais toujours contre moi, comme ça. Je te le promets, je ferais en sorte qu'aucune embrouille ne nous sépares. Qu'est ce que vaut une promesse de ma part ? Plus rien. J'ai tout gâché pour Amandine. Elle valait le coup mais j'aurais dû me ressaisir. Sauf que personne ne m'a aidé à relevé la tête. Green aurait pu, tu aurais pu. Mais non, chacun a préféré me laisser plonger. Je ne vous en veux pas. Père aurait fait un malheur s'il avait appris ça.
Je suis tout de même triste.
Nous ne tomberons plus, crois-moi. Je t'en supplie. Dans mon coeur, dans mon âme, je puise toute la force de conviction qu'il me reste pour la mettre dans les paroles qui vont suivre. Je sais que ça peut-être décisif parce que si aujourd'hui tu ne me tends pas la main, peut-être n'auras-tu pas l'occasion de me la tendre à nouveau. Peut-être qu'il sera bien trop tard et qu'un jour tu te retourneras en te disant "Si j'avais su..". Je te laisse cette chance, parce que tu es l'âme bleue.

- Je t'aime aussi Bleu. Je sais que c'est particulièrement dur et que tu ne crois pas forcément en moi mais...

Un instant de silence léger, le vent vient rafraichir l'atmosphère chaude et pesante. Les vagues d'émotions sont fortes dans mon être et je sais que tu les ressens. Je me demande même si ça ne doit pas te troubler. Je suis coupable, oui. Je t'ais abandonné, oui. Mais aujourd'hui, je suis le seul qui te tend la main. Tu ne peux pas dire le contraire Bleuann. Avant, quand on était petit, on te tendais tous la main car on voyait bien que nos parents ne se préoccupaient pas bien de toi, alors on voulait faire de toi une membre à part entière de notre famille. Et ça a marché, tu es bel et bien notre soeur.
Sauf que maintenant, qui de nous fais encore de toi une princesse ?
Regarde la réalité en face, je t'en supplie. Demain, je ne dirais plus ça, je replongerais dans mes délires de toxicomane et tu aurais perdu l'occasion. Je ne peux pas te convaincre de monts et merveilles mais je pense qu'on peut se battre ensemble pour une meilleure vie. Je ne te parle pas de te rebeller contre Rosenrot ou contre nos parents. Je te parle simplement d'être heureux, ensemble, comme avant. Je te parle du bonheur à l'état brut, pur qui rentrerait en toi comme tu accueillerais sur ta peau un rayon de soleil.

- J'ai envie de redevenir quelqu'un d'estimable à tes yeux. J'ai surtout envie que tu redeviennes la princesse que tu as toujours été au fond de toi. Je dirais même, ma princesse. C'est dur pour toi, car je sais que tu as dû mal à prendre cette décision. Tu as peur de me voir replonger. Mais, reste avec moi et je ne plongerais pas.

C'est une parole comme une supplication. Mais je ne te supplie pas, ma fée bleue. Je te demande. Le choix est entre tes mains. Tu as toujours eu le choix de venir me soutenir mais là ce n'est plus vraiment un choix, même si je veux te le faire croire, c'est une requête. Soit tu me lâche définitivement dans mes seringues et mes poudres, soit tu me prends la main et je m'en sors.
A toi de me trouver.

Tu culpabilises. Tu culpabilises vraiment de ne pas pouvoir lui dire oui, sans détour, sans hésitation. Tu te doutes pourtant que ce minuscule mot pourrait avoir un effet magique sur ton frère. Et si vraiment il arrêtait de se droguer ? Si petit à petit il se servait ? S’il laissait derrière lui sa merde, ses hallucinations et Amandine ? S’il enterrait une bonne fois pour toute ses seringues ? Tu as tellement envie de le croire. Tellement envie de lui dire « vas-y, viens avec moi et restons ensemble pour toujours ». Alors pourquoi n’y arrives-tu pas ? Pourquoi n’as-tu pas assez confiance en lui pour réellement croire qu’il peut tout arrêter ?
À cause d’Amandine. À cause de l’amour, encore et toujours. Elle lui a jeté un sort, elle l’a enfoncé dans un trou sans fond, un trou duquel il est impossible de remonter. Tu sais très bien ce que provoque les joints qu’il prend. Des hallucinations et, l’espace d’une seconde, la possibilité de revoir le visage de sa belle. Silver serait-il vraiment capable d’arrêter de voir Amandine ? Il l’aime trop, tu peux le lire dans son regard, alors imaginerait-il seulement un instant ne plus jamais la revoir.
Il est fou ton frère.
Tu ne doutes pas de sa capacité à se battre contre l’envie physique, à se sevrer petit à petit. Le problème c’est le mental, ça l’est toujours. Sa force mentale est tombée en même temps qu’Amandine. Il l’a enterrée avec elle, six pieds sous terre et Dieu seul pourrait aller les déterrer. Ot toi tu n’es pas Dieu. Tu es juste… sa sœur. 
C’est pas votre faute. C’est celle de la drogue.

À un moment il te serre contre lui très fort et tu réalises à quel point tu es la seule chose au monde qu’il lui reste. Sa vie reposait en équilibre sur Amandine et toi. Amandine s’est écroulée et tu n’as pas su soutenir un toit trop lourd, avec trop de responsabilités. Tu as laissé ton frère se noyer sans même tenter de le repêcher.
]Tu l’as déjà laisser s’échapper une fois, comment être sûre que cette fois-ci tu puisses le sauver ?

- Je t'aime aussi Bleu. Je sais que c'est particulièrement dur et que tu ne crois pas forcément en moi mais...

Ce n’est pas en lui que tu n’as pas confiance, c’est en toi ! Tu aimerais bien lui dire ça, que tu ne doutes pas de lui, mais de ta capacité à toi de pouvoir le soutenir. Et tu ne sais pas si tu seras capable de dompter ta peur. Tu as trop souvent l’impression d’avoir été trahie dans ton passé pour fermer les yeux sur le futur. Et tu sais, tu sais que si tu tends une main à ton frère et qu’au final ça tourne mal, tu auras du mal à t’en remettre. Voir carrément pas du tout. Tu flippes de voir ta vie réduite en charpie une fois de plus.
C’est pas lui, c’est définitivement toi.

- J'ai envie de redevenir quelqu'un d'estimable à tes yeux. J'ai surtout envie que tu redeviennes la princesse que tu as toujours été au fond de toi. Je dirais même, ma princesse. C'est dur pour toi, car je sais que tu as dû mal à prendre cette décision. Tu as peur de me voir replonger. Mais, reste avec moi et je ne plongerais pas.

Tu inspires un grand coup et respire son odeur. C’est une odeur de propre, pas une odeur de pourri, de drogue, de joint. Tu aimes bien être ici, dans les bras de ton frère clean. Tu aimes bien quand son odeur t’enveloppe, sans te donner envie de vomir et de pleurer. Ça faisait longtemps, oui ça faisait longtemps que tu n’avais plus eu la chance de sentir cette odeur.
Une odeur de bonheur.
Puis soudain tu te détaches de lui et tu lui prends la main en la serrant bien fort dans la tienne. Ta main semble toute petite et fine dans la sienne, comme une main d’enfant dans celle de ses parents.

- Ne me lâche pas !

Et tu commences à courir, l’entraînant derrière toi. Un de tes pieds est toujours pied nu, ce qui ralentit légèrement ta course, mais tu t’en fiches. Tu te doutes bien que tu risques de ne plus jamais revoir ta ballerine, mais ça n’a aucune importance.
Tu as des ailes pour voler.
Du moins tu aimerais bien. À défaut tu as un grand frère clean et capable de te porter sur son dos si tu as vraiment trop mal aux pieds. Comme quand vous étiez petits et que tu en avais marre de marcher. Tu t’asseyais par terre en tailleur et tu restais là jusqu’à ce qu’un de tes frères craque, fasse demi-tour et te prenne sur son dos. Ça marchait à chaque fois.

Sauf que cette fois-ci c’est à toi de prendre ton frère sur ton dos, de le soutenir. Tu sens le vent s’amuser avec tes cheveux alors que tu continues de courir en traînant ton frère derrière toi. Il y a des fleurs, il y a des herbes, il y a vous deux s’amusant à courir. Ça te rappelle ton enfance dans les grands jardins que possédaient les différentes maisons où vous avez vécu. Vous avez fait tant de chose dans ces jardins… Jouer au loup, à cache-cache, à 1… 2…. 3… SOLEIL !
Vous avez tellement couru.
À bout de souffle, tu finis par t’arrêter, puis tu regardes ton frère dans les yeux.  Cette fois-ci c’est bon, tu as pris ta décision.

- Je t’aiderai. Je ne veux pas te voir replonger. Je serai là pour toi et je ferai tout ce que je peux pour t’aider.

Promis.

Je pourrais te faire tomber, je pourrais t'entraîner dans une chute incontrolable, je pourrais t'entraîner dans un néant sans fond et te faire tomber plus bas que je suis tombé moi-même. Je pourrais faire tout ça et je crois que c'est pour ça que tu vas refuser poliment ce que je te demande. Tu ne crois plus en moi, je ne crois plus en moi. Pourquoi m'aiderais tu à me relever franchement ? Il n'y a aucune raison valable. Tu inspires comme si tu t'imprégnais de moi une dernière fois. Une ultime fois avant que je plonge définitivement. Parce qu'aujourd'hui c'est une main faible et tremblotante qui te demande de l'aide, mais demain, si tu ne la saisis pas, elle ne sera plus rien. Qui sait comment tout ça va finir ?
Je me souviens quand je l'ai vu mourir. J'ai hurlé et j'ai pleuré. J'ai senti que tout mon monde se retournais, je ne voyais plus rien, je n'entendais plus rien. Je ne me rendais plus compte de ce que je faisais. Elle était peut-être morte physiquement sous mes yeux mais j'ai cru mourir mentalement. Mon esprit était vide de toute émotion, je ne ressentais même pas de tristesse. Il n'y a pas de mot pour décrire ce que j'ai vécu. J'étais prostré, sur son corps étendu et seul un liquide lacrymal tombait sans cesse sur elle et mes cris qui la suppliait de revenir, qu'elle n'avait pas le droit de partir. Je l'ai secoué un long moment, un très long moment. J'ai tenté de lui faire un massage cardiaque, j'ai tout tenté. Mais il était évident qu'une balle ne fait pas de cadeau. Ce qui ne tue pas nous rends plus fort n'est-ce pas ? C'est ce jour là que j'ai sombré. Je l'ai serré et je l'ai embrassé une dernière fois.
La plaie était ouverte, elle ne s'est jamais vraiment refermée jusqu'à aujourd'hui. Je crois qu'aujourd'hui, je suis prêt. C'est peut-être risible pour beaucoup de monde que du jour au lendemain je change. Mais j'ai fait le deuil, après tant de poudre, de papiers roulés, de seringues plantés dans mon bras. Tout ça, ce n'était qu'un prétexte et je me fous d'avoir ruiné ma santé. Je ne regrette pas ce que j'ai fais. J'aurais simplement voulu un peu de soutien dans cette épreuve un peu difficile. J'ai traversé un long désert sans aucune aide. Aujourd'hui, j'ai vu un oasis au loin et j'ai du me battre pour aller le chercher. Car ce n'est pas l'oasis qui va venir à moi. L'oasis, c'est toi.

Tu met ta main dans la mienne et tu te détaches de moi. Je me souviens quand j'étais petit, j'avais vraiment peur de te casser, tu as toujours eût cet air si fragile. Je me disais que si je te cassais, je n'aurais plus de petite soeur et que ça serait tout de même triste. Maintenant, j'ai toujours peur de te casser, mais plus exactement de la même manière qu'avant. Aujourd'hui, je n'ai plus peur de te briser physiquement mais j'ai peur de te briser mentalement si tu saisis ma main. Je ne sais pas si je suis assez fort, je ne sais pas si tu es assez forte mais peut-être qu'à deux on est assez fort. J'ose l'espérer de tout mon coeur. Je crois qu'au fond de moi, je meurs d'envie que tu me dises oui mais c'est comme un rêve : on l'attends pendant un bon moment mais il ne vient jamais. On nous refuse poliment l'accés. Ou alors ce n'est pas comme ce qu'on avait espéré.

- Ne me lâche pas.

Même si tu as un ton convaincant, je n'ai pas besoin de ça. Je n'ai pas besoin de me dire que je ne te lâcherais pas. Je le sais, au plus profond de moi même. Mon coeur s'accélère brusquement car tu te mets à courir et je suis entraîné dans ta folle course qui ramène au fond de moi des souvenirs. Toute cette enfance qu'on a partagé, tout ces jeux auquel on a joué avec nos frères ou bien tout les deux, ces rires qui venaient brusquement sans parfois trop de raisons, ces cris d'enfants qui vivent et qui grandissent, ces larmes qui me montent au bord des yeux. Ouai, je crois que je pleure. Il y a d'une part tout ses souvenirs qu'on a partagé mais aussi l'impression de voler. J'ai l'impression de toucher le but. Plus d'une fois, avec les drogues, j'ai vu le tunnel blanc, mais aujourd'hui c'est toi le tunnel blanc, c'est toi sur lesquels mes yeux sont rivés. Je sens mes cheveux blonds qui s'envolent comme s'envole ta chevelure châtain au vent.
Je n'avais plus connu la sensation de bonheur depuis un certain moment. Pas le faux bonheur qu'on peut avoir en fumant, en buvant ou en se droguant. Non, je parle du vrai bonheur brut, la putain de sensation qui vous prends aux tripes et qui ne vous lâche plus, ces papillons qui s'envolent dans votre ventre et qui vous donne une envie irrépressible de sourire. Un large sourire qui illumine mon visage et qui va jusqu'à mes oreilles. Je revis, tel un phénix renaît de ses cendres, je m'envole et j'ai l'impression que nous sommes en osmose ou plus précisément en anamorphose. Deux êtres qui se reflètent l'un dans l'autre. Au départ ce n'est jamais la même personne et nos chemins se sont égarés, nous avons vécus des choses bien différentes. J'ai connu le désespoir, toi aussi. Maintenant, nos routes se croisent de nouveau. C'est à toi de décider si nous ne serons plus qu'un même chemin ou si nous redeviendrons deux ruelles qui s'égarent.
Tu n'as plus vraiment l'habitude de faire du sport, moi non plus. On est tout les deux à bout de souffle. Surtout moi. Tout ce que j'ai ingéré m'a bien esquinté les poumons. Tout ce que j'ai ingéré m'a bien détruit tout court. Ton regard est rêveur et le mien aussi. Tu m'as transporté par une simple course, c'est ce que j'aime chez toi. Ta légèreté mais ton regard change. Le mien aussi. T'as pas mal d'influence sur moi mais je ne suis pas effrayé. J'ai confiance en toi maintenant, je sais que tu m'aideras à prendre les bonnes décisions.

- Je t’aiderai. Je ne veux pas te voir replonger. Je serai là pour toi et je ferai tout ce que je peux pour t’aider.

Mon souffle se fait plus ample maintenant. C'est plus qu'un soulagement et je fonds sur toi pour ressentir à nouveau ton odeur rassurante prendre à nouveau le contrôle de moi. Je n'aurais jamais pensé que tu pouvais le faire. Mais finalement, après tant de temps, tu as fini par prendre les choses en mains. Tu vas me soutenir, alors que tu pourrais me jeter. Je crois que je ne peux plus avoir de doutes sur l'amour que tu me portes. Je veux toujours plus je crois mais là je suis comblé.
J'espère juste au fond de moi, que tu me portes plus d'amour qu'aux autres. Mais je crois que c'est faux parce que tu nous aimes tous pareil. Tu vas tous nous aider quand on sera à la peine. Au final, on était tous là pour toi quand on était jeune, on t'as rendu la vie plus facile, maintenant tu vas tous nous sauver. On était tes héros et maintenant tu vas devenir ton héroïne. Je murmure timidement :

- Merci.

Je n'ai plus peur de demain. Je crois. Grâce à toi Bleuann.

- Tu comptes pour moi, plus que n'importe quelle personne.

Tu te souviens de tes parents te regardant avec mépris. Tu te souviens de leur soupir en entendant ta voix, de leur moue haineuse à ton égard, des mots qu'ils laissaient traîner derrière ton dos. "Tu n'es même pas notre fille", "bâtarde", "pétasse"... Tu ne comprenais pas tout à part que ces mots là te déchiraient le coeur. Et que faisais-tu à ce moment là ? Tu courais te réfugier dans les bras de tes frères, te blottir dans leur odeur rassurante, te laisser bercer par leur amour.
Amour... Ce mot là a toujours sonné différent des autres dans ta tête. Si vos parents avaient pu vous interdire d'aimer, ils n'auraient pas hésiter. Eux ce qu'ils voulaient c'était une armée de petits soldats de plomb, bien alignés les uns à côté des autres. Pas de sentiment, pas de déchirure, juste de la haine contre Orpheo. Ils ont tout fait pour tenter de vous lobotomiser. S'ils avaient pu enfoncer un pieu entre vos deux yeux, ils l'auraient fait.
Amour... Au fond, tu ne sais pas vraiment ce que ça signifie. Est-ce ce que tu ressens pour tes frères ? C'est si bizarre... Tu aimerais pouvoir contrôler tes sentiments comme on a essayé de te l'apprendre toute ton enfance, mais tu n'y arrives pas.

Tu te rappelles de l'odeur de Mike le matin, de ce que ça fait de se réveiller dans les bras de quelqu'un. Mais tu n'as jamais aimé Mike, c'est juste un plan cul, un type qui comble tes besoins physique. Qu'est-ce que ça fait vraiment de se réveiller et de voir le visage de la personne qui compte le plus au monde pour nous ? Qu'est-ce que ça fait de non plus baiser, mais de faire l'amour ? Comment un coeur crie-t-il quand il ne bat plus que pour son âme soeur ?
Qu'est-ce que ça fait d'être un Green avec sa Chloé ou un Silver avec son Amandine ?
Tu as souvent été jalouse de tes deux grands frères. Surtout de Green en fait, parce que c'était plus facile de haïr le frère qui avait trahi, qui était parti. Tu étais jalouse parce que tu avais l'impression qu'on te volait tes frères. Tu étais jalouse de ne pas trouver toi aussi quelqu'un. De ne pas savoir, ni comprendre ce qu'aimer voulait dire.

Tu aimerais bien que Silver te raconter. Qu'il te parle des baiser d'Amandine, de leur nuit passionnées, de la sensation d'une chaire brûlante contre la sienne. Mais tu ne peux pas. Tu ne peux pas parce qu'Amandine est morte et que ça ferait remonter des souvenirs trop douloureux. Il l'aimait tellement, tellement...
L'amour c'est dangereux. Ça c'est la seule chose dont tu sois certaine.

- Merci.

Ton frère te prend à nouveau dans ses bras et tu le serres de toutes tes forces. L'amour c'est dangereux, mais ça ne veut pas dire non plus que c'est interdit. Et tu sais que de toute façon, au fond de ton coeur, il y aura toujours six places colorées réservées pour chacun de tes frères. L'amour des fois ça peut aussi sauver. Du moins tu espères que ton amour sauvera Silver.
Argent et bleu. Un peu comme des étoiles réveillant un ciel d'hiver.

- Tu comptes pour moi, plus que n'importe quelle personne.

Tu n'as jamais eu d'Amandine ou de Chloé, mais au fond, ce n'est pas si grave que ça. Tu ne sais même pas ce que tu veux. Mais tu sais ce que tu as.
Tu as des frères. Des frères avec qui tu as grandit. Des frères que tu as aimé et que tu aimes encore maintenant. Tu repenses à tes parents, tes parents bornés qui n'ont jamais été foutu d'aimer qui que ce soit et ça te fait rire. Au fond, ça doit être terriblement triste une vie sans amour.

- Je ne laisserai plus aucun d'entre vous sombrer.

Mes frères. Mes frères, si différents, semblables à six soleil dans mon ciel, si soleil de couleurs différentes dans un ciel bleu. Je ne sais pas bien comment je ferai sans eux, je ne ferai sans doute rien. Je crois bien que sans eux, je serai morte.
En Russie on mettait les enfants dans des orphelinats, allongés sur des lits chaque jour durant. On leur donnait à manger, des médicaments, on les lavait. Mais personne ne venait leur donner de l'amour, jouer avec eux, leur offrir ne serait-ce qu'un sourire. Comme s'ils étaient déjà des cadavres, des momies qu'il fallait nourrir avant leur dernier grand voyage.
Alors les gosses crevaient. Ils crevaient d'un manque d'amour.
Exactement comme moi je serai morte si mes frères ne m'avaient pas aimer comme ils l'avaient fait. Si je suis en vie maintenant, c'est uniquement grâce à eux. Aux peintures de Red. Aux blagues de Cyan et Olive. Aux câlins de Silver. Aux mots rassurants de Bianco. À ma complicité avec Green. Si je tiens debout, c'est grâce à eux, ils sont mes héros, ma drogue à moi. Je leur dois ma vie.
Et maintenant c'est à moi d'essayer de les sauver.

- Tu as fais tellement pour moi, c'est à mon tour de t'aider.

Tu fourres ton nez dans la nuque de ton aîné, respirant l'odeur de ses cheveux, ta joue effleurant sa barbe blonde.

- Tu grattes !

Et ces deux derniers mots te font éclater de rire, sans vraiment que tu saches pourquoi.

Butez moi. Je suis un menteur, hypocrite, aimant. Je suis pas là où je devrais être même si je suis trop euphorique d'être là. Je suis dans un monde qui n'est plus si parallèle que ça. J'ai atterri sur terre sans une ombre d'espoir. Aujourd'hui l'espoir elle est personnifiée. Je sais même pas si on peut dire ça. Parfois j'me dis que je devrais me tirer des balles pour crever de ne plus voir ce monde de merde.
Puis je vois ton regard, ton regard qui a depuis longtemps perdu foi en l'humanité mais qui n'a jamais perdu foi en nous même si on a sombré, même si on a fait n'importe quoi même si on s'est comporté comme des putains.
J'ai vendu mon corps à la drogue pour assumer sa mort, j'ai vendu mon corps aux médicaments pour assumer ma solitude. Je n'étais plus qu'un ombre et je m'élève maintenant. Non, en vrai je suis toujours aussi faible, rien ne peut me ramener. J'essaye de m'accrocher à ce que j'ai, en l'occurrence c'est toi Bleu. Mais combien de temps tu vas me tenir la main ? Combien de temps tu vas réussir à supporter mon regard vide de sens et d'esprit ? Pas très longtemps. Le jour où on te tendras la main tu la saisiras en lâchant la mienne, sans une once de pitié, sans une once de merci pour moi. Je le sais. Le monde est comme ça, je préfère même pas l'imaginer parfois.

- Je ne laisserai plus aucun d'entre vous sombrer.

Je te regarde d'un air lourd de sens. Nous, on est quoi maintenant ? Une fratrie qui se déchire ? Une fratrie qui se connait plus ? Tu serais pas le lien entre nous tous par hasard ? C'est pas ce que tu remarques ? Tu crois pouvoir sauver Redwan ? Tu crois pouvoir sauver Green qui fait semblant depuis Chloé ? Tu crois pouvoir sauver tout ça ? Je te souhaite bien du courage.
Le soleil s'élève et nous voila encore, a l'aurore de nos rêves. Pour oublier la mort. Et la jeunesse brûle de ce feu suicidaire. Y a plus rien a foutre ici, dans cet enfer.
Alors on reste là, pauvre génération, sans but et sans pourquoi mais dis moi où est l'horizon, nous vivons sous la croix. Moi je sais qu'un jour, un jour on s'envolera sous les soleil 2000. Non rien ne va changer.

Qu’est ce que tu fous ?
J’essaye d’être heureux.

Je me souviens de toi petite et ce n’est pas maintenant que je réalise que nos parents n’ont pas vraiment été tendres avec toi. C’est même plutôt un faible mot mais je crois que le fait qu’Amandine meurt a occulté mon sens de la gravité des choses. Je ne sais pas si ce qu’ils t’ont fait est plus grave ou si c’était plus grave pour moi. La mort d’amour ou l’ignorance impitoyable ? Y a rien de préférable là dedans, je crois que le mieux c’est d’éviter tout ça.
Pourtant ce qui me marque plus que la cruauté de nos parents c’est ton sourire. J’ai l’impression que tu n’as jamais changée pendant tout ce temps. Je te revois encore, toute petite. Tu n’étais pas plus haute que 3 pommes empilés les une sur les autres. Bon, maintenant on va dire que t’as la taille de 4 pommes et encore les bras levés !  Physiquement et mentalement t’as bien sûr évolué, ça aurait été plutôt inquiétant si t’avais pas évolué.  Y a un truc qui a pas bougé et que je trouve toujours aussi beau. C’est ton petit sourire plein d’innocence et d’enfance. Je sais, je le sais que t’en as vu des trucs, je ne comparerais pas par rapport à moi parce qu’on a pas la même vision du monde, pas la même mentalité, mais je sais que t’as « de la bouteille ».

Y a un truc que je voulais écrire. Je supporte pas l’idée d’imaginer qu’à un moment t’as pu écarter les cuisses pour je ne sais pas qui. Je sais, c’est un peu trop cliché et c’est un peu trop possessif. Mais je ne supporte pas l’idée. Ca m’énerve, ça me met hors de moi. Alors j’évite d’y penser. Je n’arrive pas à me faire à l’idée que t’es grande, majeure et vaccinée maintenant et que tu fais ce que tu veux maintenant… y compris de ton corps. En fait ce qui m’énerve, c’est que je ne le connais même pas, je ne sais même pas si c’est une bonne personne pour toi. Je sais en tout cas qu’il n’était pas important pour toi parce que sinon tu m’en aurais parlé, Tu ne m’as jamais parlé d’un homme que tu aimais. Est-ce par pudeur ou simplement parce que tu n’arrives pas à aimer ? T’as vu tellement d’atrocités dans notre cercle familial. Le meurtre d’Amandine par exemple. Je sais que tu n’as jamais exprimé ce que tu ressentais par rapport à ça mais je sais que ça t’a touché et que ça t’empêche peut-être d’aimer.
Au fond de toi, peut-être que tu penses « et si moi j’aime quelqu’un et que mon père l’abat comme ça ? ». Tu ne veux causer du tort à personne et au final, tu n’as jamais réussi à aimer. Je ne sais pas si c’était conscient ou inconscient.

Probablement qu’au fond, t’as besoin que quelqu’un te parle de ce que c’est d’aimer, du vrai sentiment, pas de l’impression qu’on a en connaissant quelqu’un qui nous attire physiquement. Probablement, que t’as besoin que je te décrives les sensations : la boule au ventre quand on est loin de l’autre pendant trop longtemps, les papillons qui s’envolent dans tout les sens quand on le revoit, de la sensation de détente quand on est dans les bras de l’autre et surtout des rêves que l’on a lorsqu’on parle avec quelqu’un qui est notre âme sœur. On ne se projette jamais autant que lorsqu’on qu’on aime quelqu’un.
Parce que l’amour c’est l’espoir, l’amour c’est le temps des souhaits, le temps de bâtir un empire pour voir un sourire. Tu ne comprendras peut-être jamais ce que c’est la sensation d’avoir une pierre angulaire dans sa vie : quelqu’un autour duquel on organise peu à peu notre vie, avec ou contre notre consentement moral. Et le pire dans tout ça tu veux le savoir ? C’est que tu te rends jamais compte à quel point t’es heureux. Tu le sais que t’es heureux mais est-ce que tu peux mesurer à quel point tu l’es ? Y a pas d’échelle du bonheur quand on la monte. Quand on la descend c’est une autre histoire.

Quand j’ai perdu Amandine, juste avant, j’étais heureux. Un instant après, je crois que j’ai regretté tout pleins de choses. J’ai regretté qu’on n’ait pas eu le temps par exemple d’aller en Alaska comme je lui avais promis un jour, j’ai regretté de ne pas l’avoir demandé en mariage.
Sache une chose, ma petite sœur, si un jour tu lis ça, ne regrette jamais ta vie. C’est sur que tu auras des échecs, que tu auras des déceptions amoureuses, que des gens vont mourir autour de toi, que la terre va s’arrêter de tourner, que tout va péter, le système économique comme le système social . Simplement, ne t’arrête jamais de rêver. Dis toi que tu auras beau te retourner pour regarder en arrière, tu ne changeras rien, il sera toujours trop tard pour réparer tes erreurs. Alors vis à l’instinct, fais ce que ton cœur te dicte et émancipe toi de toutes ces conneries qu’on peut te servir. Apprends à vivre, apprends à savourer chaque chose comme si c’était la dernière. Demain, je ne serais plus là pour te dire que je serais toujours là pour toi. Fais ce qu’il te plaît ? Tu l’apprécies M ?  Fonce. Le passé est le passé, écoute ton cœur. Peu importe le reste. De toute façon, les personnes qui te contrarient maintenant elles seront où dans 5 ans ? Dans 10 ans ? Soit clair et ferme.
« Tout est éphémère, la vie, l’amour, la politique, vous, moi. »

- Tu as fait tellement pour moi, maintenant c’est à mon tour de t’aider.

Tu disais ça dans ce vert pâturage.
Je n’ai rien fais pour t’aider, je t’ai juste aimé. Je t’ai juste aimé comme ma sœur alors qu’au départ ils voulaient que tu sois moins pour moi. Maintenant, on s’est éloigné, mais pour moi notre relation n’a jamais été aussi forte. Il y a les autres et puis il y a toi. Le jour, je pense régulièrement à toi, même si je ne te le dis pas. Même si je ne t’écris pas le soir, même si je ne t’envoie pas un sms, même si toi tu ne penses pas à moi. Moi je le fais et il ne se passe plus une journée depuis que tu as perdue ta pantoufle de cristal, sans que je pense à toi.  Ce jour là, j’ai estimé qu’en fait tu étais aussi extraordinaire que tu le paraissais. Extraordinaire dans ta gentillesse. Ca me semble loin. J’ai envie que tu perdes une autre de tes pantoufles. T’es ma sœur de sang et de cœur. Surtout de cœur.

- Tu grattes !

J’éclate de rire. Bien sûr que je gratte, et toi tu parles tout le temps ! Espèce de petit moulin à parole. Tu ne peux pas t’en empêcher.

- Ca te dit qu’on dégage d’ici ? Je veux dire… J’en ai marre de vivre comme ça à leur choix tout le temps. Je veux arrêter d’être mort. Je veux vivre et avec toi. Je ne veux pas me lancer seul dans ça. On ne reniera pas nos principes, on s’éloignera simplement d’eux. Quand tout ça sera fini, tu veux bien ?  Toi et moi. Le bleu et l’argent.

On a tous une manière différente de suivre. Certains cachent leurs émotions sous des masques pour ne pas laisser paraître la vie. D'autres se réfugient dans des histoires fantastiques pour oublier à quel point la leur est pathétique. Alors que d'autres encore préfère ne pas se battre et se laisser lentement dériver...

Tes frères aussi avaient leur manière de fuir. Chacun à leur façon.
Bianco s'acharnait au travail. Il ne pensait qu'à ça. Pas en l'amour - en était-il seulement capable ? -, pas à ses amis - de toute façon il n'en avait pas, pas à sa famille. Grimper les échelons était devenu son seul échappatoire, son chemin vers le ciel. Mais à monter si haut, n'allait-il pas finir tel Icare à se brûler les ailes ? À moins que des êtres plus cruels que le soleil se charge de les briser avant.
Cyan ne pensait qu'à Olive et Olive qu'à Cyan. Il ne formait plus qu'une seule entité, un monstre doté de trop de membres mais d'aucun coeur.
Red s'était réfugié dans le sang. Il avait toujours aimé le rouge, mais là c'était pire que tout. Il se laissait aller dans un tourbillon bouillonnant, poisseux, puant. Ses mains étaient meurtrière, son sourire carnassier et son coeur un trou béat. Il ne peignait plus les murs en rouge. Mais la terre en sang.
Green était juste parti. Il avait pris son sac et il s'était cassé. Et il n'était jamais revenu vraiment. Physiquement, il était là. Mais dans sa tête... C'est comme si une part de lui avait été enterré avec Chloé, reposant à mille lieux sous terre.
Silver lui s'était laissé bercé dans la drogue. Quand Amandine avait fermé les yeux pour la toute dernière fois, c'est comme si lui aussi c'était un peu endormi. Pour ne plus voir la mort de celle qu'il aimait, pour ne plus penser à cet être si cher qu'on lui avait arraché, pour ne plus avoir à regarder ceux qui avaient commandité ce meurtre. Leurs parents... du même sang. Mais pas de la même âme.

Et toi alors Bleu ? Comment fuyais-tu toi ?
Ce n'est pas toi qui fuyais, c'est les autres qui refusaient de te voir. Tes parents. Leurs amis de Rosenrot. Les sorciers d'Orpheo. Même les gens dans la rue, c'est à peine s'ils te remarquaient avec ta petite taille.
Alors tu fuyais cacher ton petit minois entre tes frères.
Mais quand même eux ont commencé à te fuir, que te restait-il ?

Tu as toujours été le bleu unificateur. Le petit matelas au milieu des grands dans votre cabane. La petite main potelée dans celle de ceux qui venaient de se battre. Le sourire réconfortant quand les mots volaient trop fort.
La mer dans laquelle venait se noyer les couleurs.
Mais la marée basse a laissé s'échapper les coquillage, s'écrasant douloureusement sur les berges chaotiques de la vie. Et ne te reste plus qu'un sale goût de sel dans la bouche et des vagues qui ne bercent plus rien.

- Ca te dit qu’on dégage d’ici ? Je veux dire… J’en ai marre de vivre comme ça à leur choix tout le temps. Je veux arrêter d’être mort. Je veux vivre et avec toi. Je ne veux pas me lancer seul dans ça. On ne reniera pas nos principes, on s’éloignera simplement d’eux. Quand tout ça sera fini, tu veux bien ?  Toi et moi. Le bleu et l’argent.

Pourquoi pas fuir ? Fuir dans la vie au lieu de fuir la vie. Ça pourrait être quelque chose, quelque chose de vraiment bien. Un mélange de bleu et d'argent, une mer d'azur vrillée de paillettes.
Un truc juste à vous.
Votre monde à vous.

- J'ai toujours rêvé d'aller à Paris. En Égypte aussi. Et au Népal. On pourrait faire le tour du monde. Je sais pas avec quel argent. Papa et maman seront jamais d'accord de toute façon. Mais on s'en fout, non ? C'est toi et moi... contre le monde.

Toi et lui contre le monde.
Bleu et argent contre le reste des couleurs.
Bleu et Silv' contre les autres âmes du monde.
Qui sait ce qui peut se passer sur votre route ? Vous pouvez vous perdre ou, au contraire, retrouver votre chemin. Rencontrer des méchants, comme vous. Et des gentils, comme ce que tu rêverais parfois d'être. Loin de tout, loin de tous. De Mike qui de toute façon se fout de ta gueule. Des autres Soul qui t'ont peu à peu oubliée.
Que reste-t-il de la famille Soul ?
Des âmes en cendres.
Toi et lui contre le monde.

- Et tu me porteras ? J'ai un peu mal aux pieds.

Je ne suis rien, tu n'es rien mais ensemble nous sommes tout.

L'éloignement est quelque chose de difficile. Je me suis lié très fortement avec des gens dans le passé, des personnes avec qui j'ai partagé des choses fortes et des choses aussi moins fortes. On a ri, on a pleuré. On s'est pris dans les bras, on s'est dit au revoir. Cette époque me rend nostalgique mais aussi heureux. Je n'ai même pas envie de me sentir nostalgique mais c'est quelque chose qui vient naturellement à moi. Je pensais que tout ça pouvait durer éternellement, que je n'aurais pas besoin de m'en soucier. Çà paraissait juste naturel d'imaginer qu'ils serais à mes côtés pour tous les temps. Et pourtant, le silence.
Le silence, le blanc, le vide. A quoi ils pensent ? Qu'est ce que t'en dis de ces années de mutisme total ? Les questions fusent forcément, qu'est ce qu'ils pensent de moi ? Est-ce qu'ils ont été choqués par mes actes ou mes paroles ? Je ne sais même pas s'ils ont pensés à moi ou si je suis juste sorti de leur pensées.

La famille, c'est la famille. Green. Quelqu'un de bien, quelqu'un de droit. Ou pas. Je ne sais plus quoi penser de toi Green. Je ne sais pas si tu m'aimes, je ne sais pas si tu veux de moi, je ne sais pas ce que tu veux faire de ta vie, je ne te connais plus. On est lié par le sang et les liens du sang sont censés être indéfectibles. Je devrais avoir un lien spécial avec toi mais je ne me retrouve plus en toi. Est-ce que tu es encore un Soul ?
Bleuann j'ai de l'espoir pour toi. Je crois en toi.

Après mes paroles, je te vois pensive. Je me demande ce qu'il y a dans ta petite tête. J'ai peur de te perdre un jour. Je sais qu'un jour un homme viendra kidnapper ton cœur et que tu ne me traiteras plus de la même manière parce que ton coeur sera partagé entre ton ancienne famille de sang et ta nouvelle famille "d'alliance", est-ce que tu me choisiras ? Est-ce que tu nous choisiras? J'ai envie de dire oui mais malheureusement la vie n'est pas aussi facile que j'aimerais l'écrire. Si j'avais la plume du destin, je ferais en sorte qu'il n'y ait plus de quiproquo et qu'on recommence à être heureux. J'effacerais ma mémoire et je ferais de moi un homme neuf. Mais la seule plume que je tiens, c'est celle que je viens d'attraper et que je glisse dans tes cheveux en rigolant.

- J'ai toujours rêvé d'aller à Paris. En Égypte aussi. Et au Népal. On pourrait faire le tour du monde. Je sais pas avec quel argent. Papa et maman seront jamais d'accord de toute façon. Mais on s'en fout, non ? C'est toi et moi... contre le monde.

Moi aussi j'ai envie de voir tout ça avec toi. Paris, ville lumière. L'Egypte, pays d'histoire. Et le Nepal, terre des mystères. J'aimerais faire le tour du monde mais en vérité il y a tellement d'obstacles qui font que je ne pourrais. Est-ce que c'est moi qui me met des obstacles ou est-ce que les obstacles existent vraiment ? Est-ce qu'en vérité ça serait pas juste des idées qu'on veut nous mettre dans la tête ou est-ce que c'est la vérité? Je sais pas. La vie est tellement troublée et parfois impossible à cerner. La vie n'est pas un mystère c'est une putain d'épreuve et malheureusement ce qui nous attend à la fin c'est pas les podiums, c'est la tombe.
Chienne de vie.

- Et tu me porteras ? J'ai un peu mal aux pieds.

Je souris un peu tristement. Je suis tellement fragile que je ne sais même pas si je pourrais tenir ton poids mais je veux essayer de le faire.

- J'essaierais. Pour toi. Uniquement.

Et je me mets à courir. Courir. Courir. Courir. Est-ce que tu vas me suivre ? J'ai eu une envie subite d'avoir l'air qui afflue très rapidement contre ma peau. J'ai envie de me sentir essoufflé, envie de sentir mon coeur qui s'emballe. Envie de me sentir VIVANT. Je cours une centaine de mètre avant de m'arrêter progressivement puis de m'immobiliser.

Je crie. Brièvement. Fortement.

- JE SUIS EN VIE !

Je tremble de tout mon corps. Mes poils s'hérissent tandis que mon corps subit un afflux sanguin très élevé suite à mon effort pour lequel il n'était pas prêt. Je pose mes mains sur mes genoux. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Fait travailler tes poumons, sinon tu vas mourir Silver. Tu dois te purifier. Tu dois devenir un homme meilleur et arrêter de subir la loi de ceux qui n'ont pas voulu te tendre une main. Bleuann te la tends et elle va être le pilier de ton renouveau.


Bleu. C'est pour toi.