Hello darkness my old friend

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 Hello darkness my old friend

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Shybaï Kido Artissa
Shybaï Kido Artissa
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MessageSujet: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyMar 31 Mai 2016 - 21:20

22 août 2013
- T'es sûre que c'est une bonne idée Shy ?

Ces mots martelaient mon cerveau alors que je traversais Edimbourg. La nuit teintait l'ombre des immeubles d'un côté malsain et les rues désertes n'auguraient rien de bon.

- C'est sans doute le stress de tous ces événements. Takeji va bien j'en suis sûr. Et puis aucun de vous deux n'est doué de télépathie...

Je revoyais l'air embêté de Jonathan. Le convaincre de me téléporter en Ecosse depuis la grotte, le refuge, le seul havre de paix déniché pour le Mystery Orphanage n'avait pas été chose aisée.

- Tu as pensé à Jace et Hana ?

Nérys aussi en avait rajouté. Mais, quelque part au fond de moi, j'étais persuadée que quelque chose n'allait pas. Ce n'était pas juste un simple ressenti. C'était l'emprise sur mon coeur d'un mal être qui provenait tout droit de l'homme que j'aimais. Taki.

Une heure plus tôt...

J'avais promis à Taki de me réfugier dans cette grotte pour protéger le bébé... Mais quelque chose en moi m'avait fait garder le secret sur ma grossesse. Même Nérys, ma si grande amie, presque ma soeur, n'en savait rien. Nous avions déjà assez de problème comme cela et, qui sait, peut-être que Orpheo aurait besoin de mon aide à un moment donné. Je ne pouvais pas simplement laissé les autres se battre et être enfermée dans une grotte sous prétexte que j'étais enceinte.
Pas malade. Simplement enceinte.

Mais mon ventre grossissait gentiment et je savais que le secret ne tiendrait guère longtemps. J'étais à présent enceinte de quatre mois et j'avais beau m'engoncer dans des pull en prétextant une sensibilité particulière au froid islandais, je savais qu'on ne tarderait pas à remarquer mon état. Parallèlement les gens étaient trop préoccupé par l'assaut des sorciers noirs pour analyser le moindre de mes gestes.

Ça faisait plus de trois mois que Taki faisait les aller retour entre la grotte et les combats. Il était toujours très souriant, il serrait les petits contre son coeur, m'embrassait amoureusement, me faisait l'amour passionnément. Mais je voyais bien au fond de ses yeux que tout n'était pas aussi rose qu'il le laissait paraître. Je le connais par coeur mon amoureux. Ses mimiques, ses regards perdus lorsqu'il pense à autre chose, la tristesse qui traverse, si rapidement que l'on croirait rêver, son visage quand il regarde parfois nos enfants. Cette tristesse je la connais et je la comprends. Il a peur de ne pas les voir grandir. Il a peur de nous abandonner. Mais surtout, il a peur du monde dans lequel nos enfants vont grandir.

Nous ne l'avions plus vu depuis deux semaine et, bien que j'essaie de me rassurer en me disant que tout cela était normal, une certaine appréhension me tordait les entrailles. L'amour de ma vie...

Hana rigole soudain me tirant de mes pensées noires. J'essuyais la trace de purée de carotte sur sa joue avant de l'embrasser sur son front. Elle et Jace avaient tellement grandit... Jace qui me tendait justement son nouveau jouet préféré ; une vache en plastique qu'un des enfants du Mystery lui avait offert la semaine passée. J'en connais un qui va pas être content en voyant son fils jouer avec une vache...

- Vache joue avec maman.
- Ce sera notre petit secret, d'accord Jace ?

J'accompagne ma tirade d'un clin d'oeil joyeux alors que Hana rigole dans son coin. Doucement je prends la vache et je la fait sautiller joyeusement sur le sol de la grotte quand soudain...

Déchirure.
Tout mon corps est pris de convulsion.
Je sens mon coeur qui se déchire en deux.
Le vomi jaillit de mes entrailles.
J'ai mal.
Takeji...

- Maman ?


Je suis mon coeur sans vraiment savoir où mes pas me guideront. Le lien est faible, si faible... J'avais pensé que tout serait plus fort une fois arrivée en Ecosse, mais c'est comme si quelque chose nous brouillait. Comme si il devenait plus faible.

- Tiens bon mon amour.

Les mots grincent entre mes dents. J'ai toujours si mal.

- Maman malade ?

La main de Hana se glisse dans la mienne, elle sent que quelque chose ne va pas sans vraiment comprendre. Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine, je ne contrôle plus rien. Takeji va mal, je le sais, je le sens. Tout au fond de moi. J'ai si mal au coeur.
Il faut que j'aille voir Nérys. Que je lui confie les enfants. Et Jonathan. Il ne pourra pas refuser de m'amener à Edimbourg.
Pourquoi là-bas ?
Je n'en sais rien. Tout ce que je sais c'est que c'est ancré en moi. Il faut que j'aille là-bas, il faut que je sauve l'amour de ma vie.


J'aperçois du coin de l'oeil les runes maladroites griffonnées sur une porte rouge sang dans les bas fond des quartiers glauques de la capitale écossaise. Ils ne peuvent être que là... Rapidement je sors un couteau et griffonne une rune afin de neutraliser l'alarme sensée se déclencher en cas d'intrusion. Je remercie mentalement le temps passé dans la grotte à étudier les runes. Même si je trouvais ça ennuyeux, au moins cela a nettement augmenté mon niveau... Et je me fais également la remarque que, vue la tête hésitante des petits dessins sur la porte, les sorciers noirs à qui je vais devoir faire face ne doivent pas être très bon en magie. Ou alors juste nul en rune. J'espère vraiment que c'est la première possibilité.
Il ne me reste plus qu'à entrer et à retrouver l'homme que j'aime.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyDim 5 Juin 2016 - 19:37

Bon.
C’est bien comme entrée en matière, « bon », non ? Ça pose les choses, même si dans le cas présent je ne saurais vous dire lesquelles. Parce qu’en fait, c’est ce que vient de me dire un type en entrant dans la salle. Ensuite il a pris un couteau. Et puis, probablement par l’action de quelque divinité – que je remercie beaucoup bien que n’étant pas croyant – il l’a reposé et est sorti de la salle. Me laissant donc seul avec mes pensées et ce « bon ». Que je pourrais analyser de 10 façons différentes mais aucune ne finit bien pour moi.
Ce qui, vous en conviendrez, est particulièrement en embêtant.
On dirait pas comme ça mais je panique un peu. Peut-être qu’il faudrait que je fasse une petite mise en contexte avant que vous ne me pensiez fou – ou plus que ce que vous pensez déjà probablement, hein, je sais. Je sais tout.
Alors. Depuis que Shy est partie dans la grotte, peu après notre mariage improvisé, avec notre 3ème enfant en devenir – protégez-vous qu’ils disent – j’ai continué mes missions en allant la voir aussi souvent que possible. Honnêtement, si on omet qu’il y a une guerre et tout ça en cours, ça se passait plutôt bien. Sauf qu’évidemment ça ne peut pas aller plutôt bien pour toujours. J’ai voulu m’attaquer à plus gros que moi ou peut-être que j’ai été mal informé sur la situation réelle ici, toujours est-il que j’ai été très bien reçu. Trop, si vous voulez mon avis. Ces gens ont un sens de l’hospitalité étrange. Comme tous nos ennemis jusqu’ici, cela dit. Je vous passe les détails parce que honnêtement, j’ai pris tellement de coups que je ne suis pas sûr de me rappeler de chacun et puis si j’en inventais au passage on me traiterait de vantard. Donc j’ai pris des coups. Je pense même avoir été assommé à un moment. Et maintenant je suis attaché à une chaise, à contempler fixement le couteau que l’homme avait en main en me demandant si ça va faire un peu, un peu beaucoup, ou vraiment beaucoup mal. Sur une échelle de un à dix, je dirais cinquante.
Juste une intuition. Il est pointu et long ce couteau. Oh et puis il n’est pas tout seul. Il y a d’autres couteaux. Des outils divers et variés. J’espère vraiment qu’ils ont juste l’intention de monter un meuble Ikea. On ne dirait pas comme ça, mais des fois il faut paÇs mal d’outils. On est jamais sûrs. Je le sais, j’ai monté la bibliothèque de feu notre appartement avec Shy. Et figurez-vous que j’ai dû employer une scie parce que l’une des parois latérales était plus longue que l’autre.
Après j’ai réalisé que ce n’était pas une paroi latérale. Notre bibliothèque est donc un peu tordue. Shy pense toujours que c’est un défaut de conception, aux dernières nouvelles. Ah ces fichus suédois avec leurs meubles bizarres.

Je n’assumerai jamais.

Revenons-en à la situation présente. Vous noterez que je n’ai pas encore fait mention de la téléportation. C’est parce qu’elle et moi on est un peu fâchés. Vous comprenez, si elle n’était pas si facilement arrêtée par des runes, je ne serais pas ici sur cette chaise à attendre d’être torturé pour des informations dont je ne sais même pas si je les possède étant donné que je n’ai aucune idée de ce que ces gens veulent.
Enfin si, sûrement en fait. S’ils veulent savoir où se cachent les autres, ils peuvent toujours courir.
C’est facile de faire le brave tant qu’on a pas encore goûté au couteau. Je sais. Je vais faire du mieux que je peux.
Comme la téléportation ne fonctionne pas, je suis donc coincé sur cette chaise. Avec beaucoup de bleus. Je pense une voire plusieurs côtes fêlées. Des plaies qui saignent ou pas, j’ai tellement mal partout que je n’en sais rien, et des liens qui me scient les poignets.
Plutôt que de me lamenter sur mon sort – même si je pourrais y passer la journée – je vais tenter de me tirer d’ici. C’est déjà en cours depuis tout à l’heure pour être honnête. Vous vous rappelez de mon micro contrôle sur certains éléments ? Dont le feu. Alors oui c’est une idée qu’elle est brillante de tenter de foutre le feu à une corde qui m’attache mais eh. On fait ce qu’on peut. Donc en l’occurrence j’essaie de griller celle autour de mes poignets aussi vite que possible.
Evidemment c’est comme quand on essaie de faire du feu avec du silex façon Cro-Magnon, ça ne prend pas. Je me demande si la corde ne serait pas un peu humide.

Bon entre dans la pièce à nouveau. Ouais, ça va être son nom. Ça m’ennuierait d’être torturé par quelqu’un qui n’a pas de nom.
Soyons honnêtes, ça m’ennuierait d’être torturé tout court.

Vous remarquerez que je n’ai pas non plus encore fait mon testament mental. Telles que sont les choses il y a peu de chances que j’en réchappe. Sauf que l’être humain est ainsi fait qu’il n’arrive pas à croire à sa propre mort même quand il l’a en face de lui. Jusqu’au moment où le point de non retour est pour ainsi dire atteint. Et là, il n’est pas encore atteint pour moi puisque je suis toujours vivant. J’essaie de calmer la panique qui m’a saisi à mon réveil il n’y a pas si longtemps. Ça ne marche pas vraiment, c’est pour ça que je babille plus que d’habitude. Ouais babiller, j’ai pris ça de mes enfants comme verbe. C’est mignon, comme eux.
Que je ne reverrais probablement jamais. Comme Shy.
La réalisation que je tente de repousser depuis tout à l’heure – heureux sont les ignorants – me frappe. Je ne reverrai pas mes enfants. Je ne verrai jamais mon futur enfant. Et je ne reverrai jamais la femme de ma vie. Je les abandonne. Je les abandonne parce que je ne suis pas assez fort pour surpasser une stupide rune écrite autour d’une stupide chaise sur laquelle je suis stupidement attaché après avoir été stupidement amoché.
Stupide.
Shy je t’aime et je m’excuse pendant que j’en suis encore capable. Dans quel état tu vas être quand tu apprendras la nouvelle. D’abord il y aura le stress de ne pas me voir revenir. Stress auquel tu vas probablement d’abord répondre en te disant que ce n’est pas grave, qu’une mission aura peut-être été plus longue que les autres – oh et comment, celle-là c’est pour l’éternité. Et puis petit à petit tu vas réaliser. J’espère que tu ne quitteras pas la grotte tout de suite pour partir à ma recherche mais je sais que tu le feras. Tu en serais capable alors même que tu serais sur le point d’accoucher. S’il te plait ne quitte pas la grotte et nos enfants, prends soin d’eux. Ne fais rien d’inconsidéré – ma vision d’inconsidéré, pas la tienne. Avec un peu de chance je deviendrai un fantôme et je viendrai vous chercher. Avec beaucoup de chance je ne serai pas un méchant fantôme torturé dont l’unique but serait de vous amener dans la tombe avec moi pour ne pas être tout seul. Mais c’est difficile de savoir, un fantôme est gouverné par d’autres lois. Si je viens te hanter, s’il te plait remet moi dans la tombe. Promis, je ne t’en voudrai pas. En plus ça doit être assez confortable les nuages.
Dis aux enfants que je les aime. Dis à notre enfant à naitre que je l’aime même sans l’avoir vraiment connu. Apprends à Hana à se servir de la téléportation correctement parce que je t’avoue – mais tu le sais – que je suis très fier qu’elle ait ce don malgré toutes les bêtises qu’elle peut faire avec. Dis à Jace que j’approuve le fait qu’il discute tout le temps et qu’il peut continuer, parce que moi ça va me manquer. Dis-leur à tous les trois tout ce que je n’ai pas le temps de dire ici parce que la Mort s’avance avec son couteau vers moi. Je sais que tu trouveras quoi leur dire. Et toi Shy, avec le peu de temps que j’ai, je veux juste te dire je t’aime. C’est le plus important.

- Je vais te tuer. Mais ça peut être très rapide et presque sans douleur. Ou très lent. Comme je suis un mec cool, je t’offre le choix. Rapide ou pas rapide ?

Je me contente de le regarder. Il se contente de lentement approcher le couteau de mon oreille droite et d’appuyer à sa base. J’ai mal et je serre les dents.

- Avec une oreille en moins tu seras peut-être plus loquace. Question numéro une. On sait que votre groupe de sales « résistants » comme vous aimeriez vous appeler a plusieurs planques. L’une d’elle cache notamment des orphelins de ce sale orphelinat écossais. Où ?

De toutes nos planques il a fallu qu’il demande celle-là en premier. Celle pour laquelle il faut à tout prix que je meure avant de lâcher le morceau.

Un vacarme se fait entendre quelque part dans le bâtiment et un autre pote de Bon – à qui j’ai mis hors d’usage un bras et probablement d’autres chose, bien fait – déboule dans la pièce.

- Hanz ! Ramène-toi on a besoin de toi en bas, une petite garce a mis Jeff à terre. Ce pauvre con s’est fait malmener par une nana.

Une petite garce ? C’est gentil pour elle. Moi je suis bien content qu’une « nana » soit venue repousser mon heure. J’espère qu’elle n’est pas seule, car il n’y a pas que trois hommes ici. Peut-être cela dit que certains sont partis pendant que j’étais inconscient. Toujours est-il que Bon, après m’avoir jeté un regard plein d’amour, retire son couteau et part avec lui et son collègue.

Je reprends de plus belle mon cramage de corde, une énergie nouvelle retrouvée via l’espoir que cette interruption m’a donné. Quelque chose me titille l’arrière du crâne depuis que j’ai entendu le vacarme. Mais je ne saurais pas dire quoi. C’est très étrange comme situation.

Ah victoire ! Les liens sur mes mains partent en cendres. Enfin. Je serre les dents très fort et me jette ensuite à terre avant de ramper avec les mains hors du cercle de runes.
La téléportation me revient. Soudain, je ne suis plus prisonnier et un instant l’idée de m’échapper au plus loin me caresse l’esprit encore bien sous l’emprise de la peur. Mais je me rappelle immédiatement après de ma sauveuse involontaire. Et je me téléporte près de la table avec les outils. Quand je pense que….
Bref. Je prends un petit couteau pour défaire les liens autour de mes jambes, de mes chevilles et de mon torse – quand je vous dis que j’étais bien ligoté. Une fois libre, je récupère un couteau sur la table. Mon sabre… Je ne sais pas où ils l’ont mis, je fouillerai après. Je ramasse aussi plusieurs petits couteaux qui guise de munitions et je me téléporte en fonction du bruit. Je croise au passage deux hommes à deux endroits différents. Le premier par surprise – pour lui – et que je n’ai aucun mal à éliminer. Le second me prend plus de temps mais je m’en débarrasse aussi. Ces deux-là n’étaient honnêtement pas très costauds. J’espère que les caïds du groupe ne sont plus dans le bâtiment. Nouvelle téléportation. Derrière un homme que je poignarde par derrière – aucun scrupule.

Et le spectacle qui s’offre alors à mes yeux me glace le sang.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyLun 6 Juin 2016 - 17:25

Mon plan est simple.
Enfin si l'on peut vraiment parler de "plan". Parfois je me dis qu'au Mystery Orphanage on aurait dû avoir des cours de préparation de plans. Ça empêcherait les gens de se lancer tête la première dans l'inconnu. Et de plus, si ces plans étaient accessibles aux profs, ça ferait qu'aujourd'hui j'aurais peut-être réfléchi plus de trois secondes avant d'entrer.
Mon plan est simple. Devenir invisible. Ouvrir la porte et me glisser à l'intérieur. Trouver Taki. Le libérer et lui demander de nous téléporter au loin. En ignorant la possibilité qu'il soit inconscient ; car s'il l'est là je serai bloquée.
Mais ne pensons pas à ça. Même si quelque chose me dit que, s'il ne s'est pas encore téléporté hors de cet endroit de malheur, c'est peut-être parce qu'il est inconscient.
Ou alors que ces ravisseurs sont meilleurs pour les runes qui empêchent la téléportation que pour celles qui empêchent les gens d'entrer chez eux. Pourvu que ce soit ça.

Toujours est-il que maintenant je n'ai pas tellement le choix. Je deviens transparente, ouvre la porte, me glisse à l'intérieur tel un fantôme et...

- OH PUTAIN IL Y A QUELQU'UN !!

Ok. Je n'ai peut-être pas été aussi discrète que je le pensais. Déjà parce que cette fichu porte a fait un bruit de tout les diable en tournant sur ses gonds. Et aussi parce que, apparemment, nos ennemis ont jugé bon de surveiller ladite porte.
Ok, sur ce coup, ils ont eu une bonne idée.
Mais après tout ils ne sont - pour l'instant - que trois. Pas bien gros (vous me direz du haut de mes trois pommes et demie, j'ai pas l'air non plus de faire le poids, mais chut). Moi j'ai l'avantage d'avoir une bonne, une très bonne motivation qui s'appelle Takeji Kido et qui est - plus ou moins - mon mari.
Je réapparais donc avec un grand sourire et deux poignards dans les mains :

- Il faudrait penser à graisser cette porte.

J'ai à peine le temps de terminer ma phrase que le premier de ces trois caïds se jette sur moi sans vraiment réfléchir. Lui aussi aurait sans doute bien besoin d'un cours sur les plans à mettre en marche contre l'ennemi.
Parce que se jeter à main nu sur une furie amoureuse armée n'est définitivement pas une bonne idée. Et, sans me vanter, j'ai à peine besoin d'utiliser mes lames pour le mettre à terre. Dommage que Riri ne soit pas là. Elle aurait été impressionnée de voir que même si je suis vieille et maman, j'ai toujours des bons réflexes.

- Va chercher Hanz, grommelle l'un des deux autres types à l'égard de son pote.

J'ai aucune idée de qui est Hanz et pas franchement l'envie de le découvrir. Mais au moins je me retrouve une fois de plus à un contre un et ça, honnêtement ça m'arrange. D'autant plus que le type en face de moi n'a pas l'air aussi bête et nul que celui qui est au tapis.
Et la position de combat qu'il prend ne fait que me confirmer cela.
Pareil pour la petite flamme qui grandit dans sa main.

Monsieur veut utiliser ses pouvoirs ? Parfait, mais dans ce cas ce sera combat à armes égales. Aussitôt je disparais et crée une illusion de moi à deux mètres sur la gauche en espérant qu'il pense que je suis téléporte.
Honnêtement cette fois je ne suis pas peu fière de mon plan. Ça marche parfaitement et la boule de feu qui l'envoie percute le mur en béton derrière mon illusion. Je continue ce petit jeu de "fausse téléportation" en me rapprochant de plus en plus de ma cible, prête à l'assomer pour de bon.
Sauf que voilà. À force de jouer avec mes illusions, ma transparence se fatigue et très vite je deviens presque visible, sans vraiment m'en rendre compte. Ce qui fait que, lorsque je ne suis qu'à quelques centimètres de mon ennemis, celui ci m'aperçoit et me saisit le poignet gauche avec une main brûlante ce qui fait que je lâche aussitôt un de mes poignards.
Il faut que tu réagisses Shy, ne pense pas, agis. AGIS !
Aussitôt mon autre poignard dans ma main droite va déchirer sa gorge en sectionnant sa carotide - ou quel que soit le nom de la veine dans sa gorge. Le type lâche un dernier râle avant de s'écrouler, m'arrosant de sang au passage. Ce n'est qu'à ce moment là que je remarque la brûlure autour de mon poignet qui me tire une grimace. Le con, ça fait mal ! Mais j'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort, il faut que je trouve Taki.

- Alors ma jolie. On cherche à se faire tuer ? J'avoue que je préfèrerai me battre contre toi dans un lit qu'ici, mais tu n'as pas l'air de me laisser le choix.

Le fameux Hanz a fait son apparition avec une phrase sexiste à choix qui me donne le réflexe de lui cracher au visage. Visage qui surplombe le corps d'un colosse de deux mètres. Oups, quelque chose me souffle que ce n'était pas le type auquel chercher des noises.
Je tente de redevenir transparente, mais il envoie son poing dans mon estomac avant que j'aie le temps d'utiliser mon pouvoir. Je serre alors les dents et mes doigts autour de mon poignard. J'ai l'avantage d'être armée et lui non. Je peux me précipiter sur lui et...

Non. J'avais l'avantage d'être armée. Il a attrapé mon poignet et l'a cassé comme s'il était en porcelaine, mon arme tombant avec un bruit ridicule sur le sol en béton.
Et les coups commencent alors à s'enchaîner, promesses de bleus et de sang. En très peu de temps je suis à terre à tenter de me recroqueviller pour éviter ses poings. Mais il me force à me relever pour mieux que remettre à terre.
La réalité me glace le sang.
Il ne fait que jouer avec moi. Il ne considère même pas ça comme un combat. Je suis juste une bête de foire avec laquelle il s'amuse avant d'aller retourner tuer l'amour de ma vie.
Oh Taki, je suis si désolée...

- Pardonne moi mon amour...

Ce sont les derniers mots qui parviennent à échapper de mes lèvres avant que je ne perde connaissance. Autour de moi le monde semble devenir noir. Seul le visage de Taki m'apparaît encore ; mais ce n'est pas possible, il doit sans doute être mort lui aussi.
Merde Taki. J'ai pas envie qu'on meurt. Et nos enfant.

Hana... Jace...
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyDim 12 Juin 2016 - 21:19

Mon sang ne fait qu’un tour et je me jette sur la brute. Hanz. Je plante mon couteau récupéré plus tôt dans le haut de ton dos, Hanz. Je sens la résistance de la colonne vertébrale, j’entends les os, je t’entends hurler de douleur Hanz. Un peu comme j’aurais hurlé si personne n’était venu me sauver. Si la personne étendue à tes pieds, Hanz, et que tu étais en train de brutaliser, n’était pas arrivée à temps.
Si Shy n’avait pas été là.
Tu hurles Hanz mais je n’en ai rien à faire. Ça doit faire un mal de chien mais je retire mon couteau et j’en remets une couche en le plantant à nouveau dans ton dos, maculant mes mains et ton t-shirt de ton propre sang. Tu essaies de m’attraper, la bouche déformée par un rictus douloureux et les yeux fous. J’attrape un de tes bras et le tort dans ton dos avant de planter mon couteau dedans. Je veux te détruire, Hanz, comme je n’ai jamais voulu détruire personne d’autre avant.
Mais le temps me manque. Shybaï est allongée au sol et ne bouge plus, je n’ai pas de temps à perdre. Alors j’achève Hanz en lui tranchant la gorge, le téléporte à l’autre bout de la salle, et reviens vers ma femme.

- Shybaï ! Je la tourne pour qu’elle me fasse face et pose une main sur son cou. Shybaï, s’il te plait dis-moi quelque chose. Le poul est faible. Son corps est couvert de coups et de plaies, de sang qui doit autant être le sien que celui de ceux qu’elle a abattu pour arriver jusqu’ici. Shybaï, réponds moi…

Mon cœur se serre. Non non non. Elle ne peut pas mourir. Pas elle, pas Shybaï. Et encore moins pour moi, pour m’avoir sauvé. Ma tête me martèle, la douleur qui s’était cachée le temps de régler son compte à Hanz revient. J’ai envie de vomir, de pleurer, de hurler, je suis paniqué, perdu et ma femme est en train de mourir devant moi.
Puis la raison me revient un peu. Je peux nous téléporter jusque dans un hôpital. Peu importe combien de forces il me reste, je le peux. Avec précautions, je soulève la femme que j’aime. Tous mes muscles hurlent, je suis maintenant convaincu d’avoir au moins une côte cassée, ma tête va exploser, mais je n’en ai rien à faire. Evidemment, je n’ai pas une carte des hôpitaux dans la tête, aussi dois-je aller à l’un de ceux que je connais. Heureusement nous sommes en Ecosse et pour y avoir quand même passé quelques temps, je sais à peu près où me rendre. Alors j’y vais. A l’arrivée devant l’hôpital, moins d’une seconde plus tard, je me sens flancher et manque de m’évanouir.
Pas maintenant.
En serrant les dents, je porte Shybaï à l’intérieur de l’hôpital. Les gens sur place ouvrent de grands yeux, une femme porte ses mains à sa bouche et un infirmier se précipite vers moi. Je comprends à peine ce qu’il me dit, réellement conscient seulement de la personne dans mes bras. Je hoche vaguement la tête à une question que j’ai déjà oubliée et l’infirmier fait signe à une infirmière arrivée en courant d’aller chercher un medecin, tandis qu’une autre femme arrive avec un lit monté sur roulettes. Un court instant j’hésite à y poser le corps inerte de Shy, étrangement persuadé qu’elle n’est en sécurité que dans mes bras malgré mon évidente incapacité totale à la soigner. Je finis par la déposer sur le lit et alors que la femme commence à l’emmener et que je commence à suivre, l’infirmier me retiens.

- Non, s’il vous plait. Je veux rester avec elle. S’il vous plait…

- Monsieur nous devons aussi nous occuper de vous, vous la verrez après.

A cela pour quelque obscure raison je récupère des forces et retire la main de l’homme de mon épaule en la secouant, puis commence à suivre la direction empruntée par le lit avec ma femme plus tôt.

- Monsieur ! Monsieur vous êtes en train de perdre du sang sur le sol de l’hôpital et je ne peux pas vous laisser comme ça. Vous êtes tellement pâle que vous risquez probablement de vous évanouir si vous refuser encore de vous laisser faire.

Moi pâle ? Allez savoir pourquoi, je regarde mes mains pour vérifier. Je ne suis pas si pâle, c’est faux. Irrité, je me tourne vers l’infirmier.

- J’ai tué le type qui lui a fait ça. Si vous m’empêchez d’aller la voir…

En voyant les yeux de l’infirmier qui s’écarquillent je réalise que je viens de dire une bêtise au moins dix fois plus grosse que moi. Et que ça peut me valoir d’être enfermé dans une chambre ici le temps qu’ils me soignent puis que la police vienne me chercher. Enfin non pas que des humains sans pouvoirs quelconques puissent m’enfermer dans une salle lambda mais Shy est ici et. Oh quel imbécile je suis.

- Légitime défense. Pardon. Vous disiez quoi à propos de me soigner ? Je me trouve très pâle aussi. Je vous suis.

Avec un regard qui en dit long sur le bazar dans lequel je viens de me mettre, l’infirmier m’invite à le suivre. En gardant néanmoins ses distances, cette fois. Je regarde une dernière fois le couloir par où Shy vient d’être emmenée et me décide à suivre l’infirmier sans plus faire d’histoires.

__________________________________________________________________________________

- Bien. Vous restez ici monsieur maintenant, je reviens d’ici une heure.
- Très bien.

Comme si.
Je lui fais un sourire poli qui disparaît sitôt la porte fermée. Comme si j’allais rester sagement ici avec mes bandages, dans cette sympathique tenue en papier d’hôpital, à attendre sans savoir ce qu’il advient de Shybaï. Bien sûr je n’ai aucune idée d’où elle peut être. Et je n’ai pas assez de forces pour me téléporter dans chaque salle de cet hôpital dont je ne connais même pas la configuration. J’ai aussi une perfusion que l’infirmier a mis plus tôt. Des antidouleurs si j’ai bien compris. La situation semble donc plutôt inextricable, en effet. Est-ce que j’en ai quelque chose à faire ?
Non.
Je me lève donc, attrape mon nouveau Poteau le poteau – notez ce jeu de mot – et part à pied en le faisant rouler à côté de moi. J’ouvre ensuite la porte, regarde de chaque côté du couloir voir si l’infirmier s’y trouve et puis sors. J’avance affreusement lentement parce que j’ai mal partout et que je dois me traîner ce truc à roulettes. Mais je tâche de faire comme si de rien n’était et comme si j’avais tout à fait le droit de déambuler dans les couloirs. Cela me récolte quelques regards suspicieux d’infirmières et d’un médecin qui sont de toute façon trop occupés pour avoir le temps de me poser des questions. Arrivé au bout du couloir, je tourne.
Et tombe nez à nez avec l’infirmier.
Oups.
Je lui envoie mon plus beau sourire.

- Je cherche les toilettes.

Il soupire.

- Elles sont dans votre chambre et vous le savez.

Moi ? Mais non pas du tout enfin.

- Ecoutez, la jeune femme que vous avez amenée ici est en train d’être auscultée. Elle est entre de bonnes mains et si vous vous tenez tranquille je vous emmènerai la voir dans une heure.
- C’est trop.
Il soupire.
- Parce que vous pensez pouvoir la trouver en moins de temps ?

Non je ne pense pas.

- Oui.

Ça suffit Kido. Au regard que me jette l’infirmier, il a dû se dire la même chose. Eh, c’est bien, s’il se permet de me jeter ce genre de regard, il a dû oublier ce que j’ai dit plus tôt.

- Vous allez retourner dans votre chambre monsieur. Par ailleurs il faudra que l’on discute de cette déclaration que vous avez faite devant tout l’accueil en arrivant. Je ne peux pas me permettre de l’ignorer. Surtout avec tous ces témoins.

Il faut que j’apprenne à me taire.


__________________________________________________________________________________


Je n’ai pas l’heure mais je suis sûr que ça fait plus d’une heure. Ça fait plus d’une heure. Ça suffit, je sors. Je reprends donc Poteau dont la poche est maintenant vide et, au moment où je m’apprête à aller vers la porte, celle-ci s’ouvre.

- Monsieur, si vous voulez bien me suivre.

Je n’ai jamais été aussi content de voir cet infirmier. Enfin, sauf quand on est arrivés ici en premier lieu et qu’il a été le premier à nous recevoir. Certes. On a une relation conflictuelle avec cet infirmier. Nous quittons la chambre et il me guide à travers une série de couloirs et d’étages. C’est vrai, je n’aurais pas pu trouver tout seul. Pas dans mon état. Mon impatience grandit à chaque pas et quand, enfin, nous nous arrêtons devant une porte et qu’il l’ouvre, je me précipite à l’intérieur – pour autant que cela soit possible en se déplaçant avec une perfusion.
Elle est là, allongée, paisible et avec beaucoup moins de sang sur elle que lorsque je l’ai amenée. Maintenant on peut bien distinguer sur sa peau les bleus qui commencent à se former, ceux qui sont déjà formés et bien noirs pour certains, les coupures, les éraflures, et je m’empêche d’imaginer toutes les marques qu’il peut y avoir sur son corps sous cette couverture. Allongée ainsi, son ventre bien rond est très visible.

- Elle va s’en remettre. Le médecin a demandé quelques analyses et viendra vous parler lorsqu’elle sera réveillée. Appuyez sur le bouton au-dessus du lit pour appeler quand elle se sera éveillée. Quant à vous monsieur, je viendrai au moment du dîner changez vos bandages. Je suppose que vous serez encore dans cette chambre. Le lit à côté est vide, vous pouvez l’utiliser.

- Merci. Merci beaucoup. Et désolé pour mon comportement de tout à l’heure.

Maintenant que je suis rassuré sur l’état de Shybaï, je me sens honteux de mon comportement. Mais l’infirmier me fait signe que ce n’est pas grave et s’en va. Je m’assois alors dans la chaise à côté du lit et prend la main de Shybaï. Elle est tellement froide.

- Je t’aime Shy. Et je suis tellement désolé que tu sois arrivée là-dedans. Ça n’arrivera plus jamais je te le promets.

Je porte sa main à mes lèvres pour l’embrasser.
Et maintenant, l’attente commence.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyJeu 30 Juin 2016 - 18:26

Je me souviens du visage souriant de ma mère. Elle était belle maman, sublime même. Avec ses traits asiatiques, son sourire permanent et sa voix claire.
Je me souviens d'un cercueil descendant dans la terre et de ma main qui sa balade seule dans le vide, cherchant celle de mon père à côté de moi, présent et pourtant à des milliers de kilomètres de moi.
Il y a des souvenirs que j'aimerais oublier, mais je ne suis pas maître du film qui se déroule sous mes yeux.
Je me souviens des coups, de l'odeur de l'alcool, de la peur de découvrir chaque jour mon père ivre. Et de l'espoir également qu'il ait tellement bu qu'il soit évanoui dans le salon, incapable de lever la main sur moi. Ou mort. S'il tombe dans un coma éthylique, ce n'est pas moi qui irait prévenir les secours. Je suis horrible. Quel enfant peut penser ça de son propre père ?
Je me souviens des bagarres auxquelles j'étais mêlée plus jeune. Des bagarres pour extérioriser, pour que les autres aussi souffrent, pas que moi. J'ai des bleus partout, mais au moins maintenant il y a une raison juste à ça. Les gens ont peur de moi.
Je me souviens de la fugue. Des cigarettes, de la drogue, de la violence qui règne dans les rues. J'ai vite compris que pour survivre ici il fallait des alliés, des alliés que je pouvais attirer avec mon corps de femme. Je pensais les aimer, mais je ne faisais que les utiliser. J'ai honte à présent.
Je me souviens de cet étrange lettre que j'ai reçu avec un billet d'avion pour l'Ecosse. À peine quelques mots jetés sur du papier, intrigants, m'invitant à les suivre. Je les ai suivi ; je n'avais plus rien à perdre.
Je me souviens de la première fois que j'ai vu Taki. Il jouait la Sonate au Clair de Lune de Beethoven.
J'aimerais tant l'entendre à nouveau aujourd'hui...
Je me souviens de la course effrénée de Blow, de Taki et moi sur Blanche Neige tentant de le rattraper et de l'addition de nos pouvoir afin de l'arrêter. Et Blow qui nous balance par terre, moi sur Taki, comme si le cheval avait déjà perçu l'attirance entre nous.
Je me souviens de notre premier baiser, timide, par peur du rejet, dans cette forêt entourés par Blow et Blanche Neige. Je me souviens aussi de Notre clairière dans laquelle je l'avais dessiné pour la première fois.
Quand les sorciers noirs seront vaincus, j'aimerais faire une fête dans la clairière pour célébrer notre mariage, en présence de Blow et Blanche Neige. Mais est-ce que je peux encore faire des projets d'avenir ?
Je me souviens de notre première fois. De cette explosion de bonheur et de jouissance à l'intérieur de mon ventre. Comme si l'attente avait amplifier les sentiments. Comme si le monde cherchait à nous prouver que nous étions faits l'un pour l'autre.
Je me souviens de moi, enceinte. De moi qui voulait fuir cette responsabilité et qui avait peur de la réaction de Taki. Notre couple n'est pas passé loin de l'implosion cette fois là. Mais il a survécu.
Je me souviens de Taki et moi, main dans la main comme des enfants, annonçant ma grossesse à Pandora.
Je me souviens de la naissance des jumeaux. De la douleur suivit de l'extase de tenir ces deux êtres merveilleux dans mes bras. Les bébés du bonheur. La concrétisation de notre amour.
Hana... Jace... Il faut que ce film de ma vie cesse, il faut que je me réveille. Je ne peux pas les abandonner.
Je me souviens de Riri, de son sourire, de son air d'adolescente fatiguée le matin, de nos bagarres parfois et de ce lien qui nous lie. Bien plus qu'un lien maître-élève, presque un lien fraternel.
Je me souviens de Nérys m'annonçant sa grossesse. Le bonheur de la savoir enceinte, d'imaginer nos enfants grandir ensemble.
Je me souviens de mes élèves dessinant sur les murs. Des vrais artistes.
Je me souviens de Taki qui me demande en mariage. Une bague de fiançailles au cou d'un escargot rose. Qui ne m'a plus jamais quitté. Ni la bague, ni l'escargot.
Je me souviens de la prise du Mystery. De Taki qui faisait les aller retour entre l'orphelinat et Edimbourg et de moi qui essayais de calmer les enfants, en larmes, certains ayant vus leurs amis se faire descendre sous leurs yeux.
Je me souviens de cette chambre d'hôtel où nous nous sommes mariés en secret. Juste tous les deux. Devant aucun maire, mais devant le pouvoir de notre coeur. De notre amour.
Je me souviens aussi du test de grossesse, positif.
Les enfants, il faut que je me réveille...
Mais tout devient noir.


* * *

- Merci. Merci beaucoup. Et désolé pour mon comportement de tout à l’heure.


Une voix. Une voix au loin que je connais bien. Puis une chaleur dans ma main.

- Je t’aime Shy. Et je suis tellement désolé que tu sois arrivée là-dedans. Ça n’arrivera plus jamais je te le promets

Une chaleur sur mes lèvres à présent. J'essaie de saisir la voix, j'essaie de saisir la douce chaleur sur mes lèvres, mais tout semble se dérober devant moi.
Je suis tellement fatiguée.
Tant pis.

* * *

J'ai mal.
Mon corps semble hurler alors que mes cordes vocales sont mortes.
Je souffre comme je n'ai jamais souffert. Une chape de douleur est tombée sur mon corps et ne semble pas vouloir se soulever. Le noir devant mes yeux. Le rouge. Les couleurs se mélangent alors que je goutte le sang dans ma bouche.
J'ai mal.
Et dans un ultime effort, j'ouvre les yeux.

- Taki !

Cri de détresse, cri de douleur. Deux syllabes dans ma gorge en feu. Il est là avec moi, mais j'ai si mal.

- J'ai mal, Taki j'ai mal... Mon ventre...

Je vois son visage blessé, son visage stressé, son si beau visage. Mais j'ai mal, Taki j'ai mal pour lui.
Et le noir. À nouveau.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyLun 1 Aoû 2016 - 17:49

La voir ainsi inerte sur un lit d’hôpital me glace et la seule chose qui m’empêche de me briser est le rassurant soulèvement et abaissement de sa poitrine à intervalles réguliers. Je sais qu’il faut patienter et encore patienter et qu’elle va finir par se réveiller. Mais dans quel état ? Je ne peux que deviner dans quel état elle est sous ce drap.
Et ça ne doit pas être joli à voir.
Je vois aussi que son ventre a déjà commencé à s’arrondir. Dans quel monde va naître cet enfant, malheureusement. Mais il ne tient qu’à nous de le rendre meilleur et c’est à cela que je m’atèle. Pour lui, pour Hana et Jace et pour tous les enfants déjà sur Terre ou à naître. Je ne suis pas très vieux mais l’avenir n’est déjà plus vraiment entre mes mains.

- Taki !

Le cri de Shybaï me fait sursauter en me tirant de mes pensées. Voilà une façon remarquable de sortir de sa léthargie. Particulièrement inquiétante aussi. Je serre sa main un peu plus fort.

- Je suis là Shy, je t’aime. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Et tu m’as sauvé la vie mais on en rediscutera quand ton expression ne sera pas celle d’une personne qui a l’air de souffrir.

- J'ai mal, Taki j'ai mal... Mon ventre...

Shybaï ?

Je commence à paniquer.

J’appelle un médecin en martelant le bouton d’appel au-dessus du lit puis sors dans le couloir pour parler à tout ce qui ressemble de près ou de loin à du personnel soignant. Une infirmière se précipite dans la pièce et commence à dire à Shybaï que tout va bien se passer et de respirer fort. Je lutte contre l’envie de la secouer en lui demandant ce qu’il se passe, de peur de l’éloigner une seule seconde de ma femme.
Un médecin arrive ensuite rapidement dans la pièce tandis que Shy souffre toujours visiblement.

- Il faut l’emmener en salle de travail tout de suite !

Salle de travail ? Le médecin me jette un coup d’œil et semble hésiter un instant avant d’ajouter :

- Et faites venir une sage-femme.
- Pardon ?! Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi une sage-femme ?

La parole est allée plus vite que ma pensée. Comment ça une sage-femme, Shybaï n’est pas en train d’accoucher enfin, le bébé n’est pas dû avant encore un moment.
Le médecin fait une pause dans ses directives pour me considérer avec un peu plus d’attention.

- Vous-êtes, monsieur ? Mis à part visiblement convalescent et hors de votre chambre.

Sa remarque me passe au-dessus de la tête et je murmure presque ma réponse, alors que je réalise quelque chose que je refuse de réaliser :

- Son mari.

Est-ce que… Est-ce que Shybaï serait en train d’accoucher plus tôt que prévu ?

- Votre femme est en train d’accoucher.

Mais il est trop tôt ! Est-ce qu’un bébé aussi jeune peut survivre ? Il y a des bébés dits prématurés non ? Mais à partir de combien de temps de grossesse est-ce qu’un prématuré a une chance de survivre ?
Tandis que le personnel médical emmène Shybaï sur son lit hors de la chambre et que je m’apprête à les suivre, le médecin me retient un instant par le bras.

- Monsieur, d’après les analyses que j’ai faites passer à votre femme plus tôt, elle est enceinte d’environ 4 mois. Un bébé de cet âge a des chances de survies nulles. Du moins, je n’ai pas connaissance de cas de prématurés en-dessous de 5 mois. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que le bébé sorte vivant, votre femme a pris de nombreux coups dans le ventre. Nous allons tout tenter, mais vous devez être conscient de ça.

Il m’aurait tapé dessus avec une masse que cela ne m’aurait pas fait plus mal. Notre enfant, pas encore né et déjà mort ? Tous ces films qu’on s’est faits sur cet enfant n’auront jamais lieu ? Je suis tellement sonné que je manque d’oublier que, si l’avenir de cet enfant est plus qu’incertain, Shybaï, elle, est bien vivante et en train de souffrir. Alors, très courageusement – non – je mets de côté la révélation du médecin et cours après le lit qui emporte ma femme.
Si j’oublie la déclaration du docteur, c’est comme si elle n’avait jamais eu lieu, non ? Et alors, pour tout ce que j’en sais, notre enfant est toujours bien vivant.
Il a juste décidé de venir nous voir plus tôt.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyVen 2 Sep 2016 - 17:07

Tout est flou autour de moi. Entre deux éclairs de folie, je distingue vaguement la lumière froide d'un néon encastré dans le plafond gris au dessus de mon lit. J'ai l'impression que la douleur me fait halluciner. J'entends vaguement quelques mots... "sage-femme", "accouchement". Qu'est-ce qu'il se passe, QU'EST CE QU'IL SE PASSE TAKI ?! Je ne comprends pas ce qui se passe. Pourquoi des mains me touchent-elles ? Qui sont ces gens masqués au dessus de moi que je distingue pendant mes courts instants de lucidité ?
Qu'est-ce qu'il se passe Taki ?
J'ai peur.

Je sens qu'on me bouge alors que j'ai toujours autant mal. Les lumières - c'est ce que j'arrive le mieux à voir, ce à quoi je me raccroche - change. D'intensité, d'endroits. Je sais qu'on me bouge, mais pour aller où ? Je ne comprends pas et j'ai trop mal pour essayer de comprendre quelque chose.
Et puis soudain on me pose quelque chose sur le visage.
Aussitôt c'est le noir à nouveau.

* * *

Quand je me réveille je ne comprends d'abord pas.
Pourquoi ne suis-je pas dans mon lit à Little Angleton avec Taki à côté de moi, Jack sur la table de nuit - ou dans le frigo, c'est vrai qu'il finit souvent dans le frigo Jack, sans doute une coalition des escargots -, Alfred couché entre Taki et moi et les jumeaux dans la chambre à côté.
Et puis doucement ça me revient. L'attaque de Little Angleton par les sorciers noirs. La fuite en pleine nuit pour essayer de mettre le maximum d'enfants de côté. Moi qui attends Taki afin qu'il puisse en téléporter le maximum. Loin, si loin du champs de bataille, je me sentais tellement inutile.
Les choses se sont ensuite enchaînées. Pendant quelques temps j'ai pu me battre, puis il y a eu la grossesse qui m'a obligée à me retirer des combats. Tout ce temps dans la grotte avec les enfants du Mystery, à me demander comment va Taki et les autres, tous les autres... Je me sentais tellement impuissante.
Et puis il y a eu ce sentiment. Ce sentiment si fort qui m'annonçait que Taki n'allait pas bien. La recherche dans Londres, la bagarre contre ces gardes, les coups de ce géant, la douleur...
La douleur dans mon ventre !

Le bébé, comment va le bébé ? Aussitôt je regarde mon ventre et je ressens un vide en moi. Il y a toujours une grosseur, mais je sais que le bébé n'est plus là, je sais qu'il m'a été arraché. Tout ce qu'il reste c'est ce ventre de grossesse qui demande quelques jours avant de disparaitre.

- Taki ?

Taki est là, bien sûr qu'il est là. Cet homme pour qui j'ai risqué ma vie est là et il le sera pour toujours, on se l'ai promis dans cette chambre d'hôtel.
Mais Taki ne me regarde pas. Il est de trois quart tourné et je n'arrive pas à voir son visage comme ça.

- Mon bébé, qu'est-ce qu'ils ont fait de mon bébé ?

Doucement, je pousse sur mes mains pour essayer de me redresser malgré les blessures que je peux apercevoir sur mes bras et que je me doute arborer également sur mon ventre. Mais pour être honnête, je dois être trop shootée à la morphine pour ressentir la douleur. Ou à l'émotion.
Mais depuis mon lit, je peux voir qu'il tient quelque chose dans ses bras. Une toute petite chose avec une minuscule tête quasiment sans cheveux.
Notre bébé.
Oh mon dieu, Taki tient notre bébé dans les bras ! Il a l'air si petit, si fragile. Est-ce que c'est une fille ou un garçon ? Nous n'avions pas voulu demander à la gynécologue afin de garder la surprise. Mais comment allons-nous l'appeler ?
C'est trop tôt pour que ce bébé naisse !
Rien n'est prêt. Il n'a pas de chambre, pas de prénom et personne n'est au courant qu'il doit arriver. Mais est-ce vraiment grave ? Non, maintenant il est là, dans les bras de son père et je sais que je l'aime déjà infiniment. Ça fait quatre mois que je l'aime à vrai dire.
Mon bébé.

- Taki, le bébé, montre moi mon bébé.

Une douce chaleur envahit mon bas ventre, mais cette fois ci ce n'est pas la douleur ; c'est l'émotion. L'émotion de savoir que, dans quelques secondes, je vais pouvoir serrer ce petit être entre mes bras. Ce tout petit être issu de notre amour si grand. Ce bébé qui n'était pas voulu, mais aussitôt aimé.
On a jamais été bon dans le timing, hein ? Mais l'amour suffit à tout surmonter.

Taki... Pourquoi ne te retournes-tu pas maintenant ?


Dernière édition par Shybaï Kido Artissa le Lun 5 Fév 2018 - 23:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyVen 12 Mai 2017 - 11:30

Vous êtes encore là ?
Parce que moi j’aimerais bien être ailleurs. Loin, très loin d’ici. Peut-être sur une île, avec peu de monde, la mer qui vient s’échouer sur le sable et repartir. Un peu de vent, aussi. Quelques palmiers. Pourquoi pas des dauphins ? Des mouettes, des noix de coco, et Shybaï et Hana, et Jace. Si je me concentre, j’entends. J’entends les vagues, le vent, je sens le sable, l’eau et le Soleil. Je pourrais m’y téléporter. Si je pense assez fort.
Juste assez fort.
Mais le bruit de l’hôpital est trop fort. L’air est trop lourd, il me retient sur place et l’odeur des médicaments couvre celles, fictives, du sable chaud et de la mer. La réalité a mis des chaînes à mes pieds, je crois que je serais bien incapable de me téléporter. Les cris des mouettes sont remplacés par des bips réguliers de la machine attachée à ma femme. Le parfum léger des noix de coco est écrasé sous celui de la mort.
La mort qui repose dans mes bras.
Ce n’est pas l’eau de la mer qui coule sur mon visage mais bien des larmes, que je n’ai pu retenir lorsque les médecins ont fait sortir ce petit corps à peine formé du ventre de Shybaï et qui ne se sont pas arrêtées depuis. J’ai su, au moment même où j’ai aperçu le premier bout de peau, qu’il était trop tard. Que c’était terminé avant d’avoir commencé. Notre enfant – je ne sais même pas s’il s’agit d’une fille ou d’un garçon, j’ai vu sans enregistrer – est mort-né. Mort parce que ma femme est venue sauver ma vie et que ces êtres abjects l’ont passée à tabac. Elle était pourtant très visiblement enceinte. Ils n’ont pas eu ma vie, mais ils ont eu celle de cet enfant à naître.

Les médecins ont sorti le petit de Shy, ils ont tenté de le réanimer et ont échoué. Je crois que je leur en veux, mais j’en veux au monde entier. Ils ont officiellement déclaré l’enfant mort 1 minute et 10 secondes après sa naissance. Qui devrait être autorisé à avoir une vie aussi courte ? Personne. J’aurais dû mourir, Shy n’aurait jamais dû venir m’aider et le petit serait toujours vivant. Il aurait eu sa maman, son frère Jace, sa sœur Hana, et tous les gens du Mystery et d’Orpheo comme une grande famille. Bien mieux que d’être mort et de n’avoir personne. J’aurais fait confiance à Orpheo depuis l’au-delà pour réussir à rétablir le bien. Quitte à revenir et devoir être exorcisé ensuite.
Mais non.
Je suis ici, bien vivant, à l’hôpital. Et mon enfant est dans mes bras, mort. Shybaï ne le sait pas encore. Je caresse un instant l’idée de fuir avec le petit. Mais la réalité me rattrape plus vite que je ne peux me téléporter. Elle saura en un instant que l’enfant n’est plus dans son ventre. Qui suis-je pour en douter ? Je ne peux pas porter d’enfant, mais je suis sûr de ça. Aussi sûr que j’ai su que c’était la fin avant d’avoir commencé.

- Taki ?

Je ne me retourne pas. Je suis désolé Shy, je ne peux pas. C’est au-dessus de mes forces, je ne peux pas voir la douleur sur ton visage au moment où tu vas réaliser. De toute façon, je pleure tellement que je ne vois pas grand-chose. La forme dans mes bras est floue. J’entends Shy bouger dans son lit d’hôpital.

- Mon bébé, qu’est-ce qu’ils ont fait de mon bébé ?

Mes yeux se ferment, j’aimerais en faire autant de mes oreilles. Rendors-toi Shybaï, oublie que tout ça est arrivé. Si elle oublie, cela ne peut pas lui faire de mal. Ce qu’elle ne sait pas ne peut pas la blesser, non ?
Je serre la petite forme dans mes bras un peu plus. A travers le linge dans lequel il est enveloppé, je ne peux pas sentir s’il est encore chaud, ou si, déjà, son petit corps est froid. Est-ce qu’il a souffert, dans le ventre de Shybaï, lorsque ces monstres l’ont frappée ? J’espère tellement fort que non. Qu’au moins, pendant sa courte non-vie, il n’ait pas connu la douleur. Je ne demanderai pas aux médecins. Je ne veux pas savoir. C’est plus facile de se bercer d’illusions.

- Taki, le bébé, montre-moi mon bébé.

Non non non. Il n’y a plus de bébé, tu ne veux pas le voir, il n’a jamais existé, oublie. Comme si c’était si simple. Son ton de voix semble presque… Heureux ? Donc elle ne sait pas, elle ne se doute pas. Elle va l’apprendre par moi, comme si je n’étais pas déjà responsable de la mort de cet enfant. De notre enfant.

- Je… Je suis désolé.

J’articule difficilement, sans me retourner parce que c’est trop dur. Mais… Il le faut, je le lui dois. Tout est de ma faute. Alors je me tourne vers elle, l’enfant mort-né dans les bras et je m’approche. Ils lui ont fermé les yeux, mais il ne bouge pas, ne respire pas, ce n’est pas un bébé qui vient de naître mais un bébé qui vient de mourir. Et ça crève les yeux comme ça crève le cœur.

- Ça aurait dû être moi. Je suis désolé.

Je répète cette phrase comme une litanie, à demi-mot alors que les larmes redoublent de plus belle. Je crois que les médecins et infirmières sont partis pour nous laisser seuls, à un moment. La seule chose qui m’empêche de m’écrouler au sol est l’enfant encore dans mes bras. Même si cela ne lui ferait aucun mal, maintenant.
Shybaï, pardonne-moi s’il te plait.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyMar 23 Mai 2017 - 16:06

Je ne pleure plus.
Tant que la rage hante mon coeur, défonce mon âme, je ne pleure plus. C'est la seule manière que j'ai trouvé pour ne pas me laisser envahir par le désespoir. Pour ne pas tomber dans les larmes faciles et l'alcool inutile.
La haine.
La haine est mon exutoire. Les coups sont mes larmes.

Alors j'ai dû fuir. M'éloigner de tous ceux que j'aime pour ne pas que ma haine se retourne contre eux. Pour combien de temps ? Peut-être toujours. Peut-être à peine quelques jours. Je dois vider toute la haine noire qui encrasse mon coeur. Je dois me venger de ces êtres qui m'ont pris mon bébés. Et tout le reste. Ils ont brouillé ma vie entière. Tout ce que j'avais construit à Little Angleton.
Après l'attaque des sorciers noirs mes espoirs ne tenaient plus qu'à un fil.
Fil maintenant anéanti.

Ça fait maintenant trois mois que je fuis. Et que je tue.

3 mois plus tôt...

Taki continue de ne pas se retourner.
En moi, je sens que quelque chose ne va pas. Quelque chose cloche. Ça ne devrait pas se dérouler ainsi. Je connais mon mari - presque mari - et il ne devrait pas réagir ainsi. Il devrait être à mon chevet, notre bébé dans ses bras, babillant de bonheur. Il devrait être prêt, tout prêt, prêt à me sauter dessus au moindre mouvement de cil. Je me rappelle quand lui était dans le coma ; jamais je ne m'éloignais de son lit, même quand Hana et Jace étaient là. Encore plus quand Hana et Jace étaient là.
Quelque chose ne va pas.

- Je… Je suis désolé.

Une nouvelle douleur assaillit mon estomac. Cette fois ce n'est pas dû à mes blessures physiques ou à une impatience. Non, cette fois c'est de la peur. Mon estomac a déjà saisi ce que mon cerveau et mon coeur refusent de comprendre.
Taki fini par se retourner. Dans ses bras, enveloppé dans un linge propre, le petit être issu de notre amour dort paisiblement. Il lui ressemble, il me ressemble, il nous ressemble. Son visage d'ange semble figé dans un sourire calme, comme si toute la bonté du monde s'était penché sur son berceau. C'est le plus beau bébé au monde.
Pourtant quelque chose ne va pas. Il est trop calme. Trop petit aussi. Et je m'en rends compte à présent, malgré mon amour inconditionnel de mère, il semble difforme. Parce qu'il est né prématurément. Il est venu à la vie trop tôt.
Mais puis-je vraiment dire qu'il est venu à la vie ?
Dans les bras de Taki ne réside qu'un cadavre. Froid, aux organes atrophiées, pas complètement développées. Le calme que j'ai vu au premier abord n'est en fait rien d'autre que l'image macabre de la mort. Au second examen, tout me dégoûte dans cette chose que Takeji tient enveloppée dans ses bras. Ça ne peut pas être notre enfant. Notre enfant n'est pas aussi laid. Pas aussi mort.

- Ça aurait dû être moi. Je suis désolé.

J'accuse le coup en silence. Les larmes dévalent les joues de Takeji, pourtant mes yeux demeurent sec. Je sais que je devrais pleurer, mais je n'y arrive pas. Ce bébé ne peut pas être notre enfant. Je refuse.
Quelque chose s'est brisé en moi.
Mon mari s'est excusé, mais les mots sont passés à mille lieux de moi. Ce n'est pas sa faute. Tout est de ma faute. Je n'aurais jamais dû partir ainsi, toute seule. J'aurais dû partagé mes peurs avec mes amis, les convaincre de venir avec moi chercher Takeji. Nérys et Jonathan m'auraient suivi les yeux fermés. Ren également. Mais j'ai été assez conne pour y aller seule alors que je savais ce qui résidait en moi et sa fragilité.
Tout est de ma faute.
Et celle de ces sorciers noirs.
La haine a balayé une tristesse qui n'a jamais existé dans mon coeur. Je suis coupable et je dois expier ma faute en me vengeant. Tant pis pour ma vie. Je sais que mon existence n'est plus ici, plus avec eux. Je dois retourner vers les sorciers noirs pour les tuer. Mourir s'il le faut.
Orpheo est inutile, je dois m'éloigner et rejoindre un mouvement de résistance. Un vrai. Qui ne fait pas que taper sur les doigts des méchants, mais les massacre. Je dois venger ce bébé qui n'a jamais pu respirer. Dont le coeur n'a jamais eu le droit de battre.
Hana, Jace, Takeji... Ma haine brouille tout. Je suis trop dangereuse pour rester auprès d'eux.

Je regarde le vide en face de moi, refusant de voir le cadavre ou les larmes sur les joues de l'homme que j'aime.

- Vas t'en. Et emporte ce bébé. J'ai besoin d'être seule.

J'ai dis "ce" bébé plutôt que "mon". Je suis incapable de reconnaître ce cadavre.
Lorsque Takeji sort, je me rends compte que je ne sais même pas si c'était une fille ou un garçon.


Après que Takeji soit sorti de ma chambre, j'ai arraché les diverses choses qui me retenaient encore au lit. J'ai eu de la peine à me lever, mais la haine me donnait une force nouvelle. Aussitôt debout je suis devenue transparente et je me suis éclipsée de l'hôpital.
Dans le couloir, j'ai vu Takeji qui pleurait. Un instant j'ai failli tomber dans ses bras, pleurer à mon tour, me réchauffer contre sa chaleur autour de ce cadavre si froid qu'il tenait encore dans ses bras.
J'ai serré le poing et j'ai tourné les talons. Je ne pouvais pas rester auprès d'eux, pas après ma faute. Je devais l'expier dans la vengeance et dans la haine.
Une nouvelle vie commençait.
J'ai errer dans les rues d'Edimbourg, surtout les quartiers bas. Je savais que je finirais pas trouver ce que je cherchais et la chance a fini par me sourire.
Après une semaine de vie douloureuse à cause de mes blessures que je soignais tant bien que mal en volant de quoi m'en occuper dans des pharmacies, à dormir dans les rues froides de la capitale, je les ai rencontré.
La Résistance.
Groupuscule qui se dressait contre les organisations noires, déçu des mesures trop lâche d'Orpheo. Ils m'ont accepté facilement, sans trop de questions. Tant mieux, je ne désirais pas parler.
Et le combat a continué.
Ou plutôt, il a vraiment commencé.
Nous traquons les sorciers noirs afin de les tuer sans états d'âme. Nos journées étaient rythmées par le sang, la haine et les pièges. Je me donnais entièrement à la cause, devenant rapidement un élément précieux pour eux. Cela me permettait d'oublier, de ne pas penser. À Takeji. À mes jumeaux. À cet enfant mort-né.
La haine est mon exutoire, les coups sont mes larmes.

Cela fait trois mois maintenant.
Depuis deux semaines, nous sommes sur une grosse affaire. Des membres hauts placés de Rosenrot résidaient dans une maison des hauts quartiers.
Nous avions prévu d'attendre la nuit pour attaquer. Comme une vengeance pour le Mystery Orphanage. Et surtout une vengeance pour cet enfant que je n'ai jamais eu.
Cachée dans un bosquet, j'attends que les derniers rayons du soleil finissent de tomber dans l'horizon.
Prête à faire couler le sang.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyJeu 1 Juin 2017 - 11:17

La réaction de Shy est violente, mais qui peut l’en blâmer ? Il sort de la pièce avec le petit, comme demandé. A peine la porte fermée qu’il s’écroule au sol et une infirmière se précipite pour récupérer le petit corps. Elle lui dit quelque chose qu’il n’entend pas et sa douleur visible semble l’atteindre car elle s’essuie les yeux. Au fond d’elle, elle pense à sa fille et espère ne jamais avoir à vivre ce que traverse ce couple. Elle ne peut rien pour eux, personne ne peut rien pour eux.
Le père parvient à s’arracher du sol pour aller se trainer sur une chaise un peu plus loin. Quelque chose quelque part dans sa tête lui a dit qu’il n’était pas forcément très malin d’être dans le passage d’une porte de chambre d’hôpital. De surcroît quand cette chambre abrite un être cher. L’infirmière lui propose de reprendre l’enfant en le lui tendant et il le prend et ses pleurs redoublent de plus belle alors qu’il se recroqueville autour du cadavre qui refroidit. Aussi ne voit-il pas, dans ses positions, sa (future) femme qui quitte l’hôpital. Sans lui. Dans un état physique déplorable, celui-là même qui a causé cette fausse couche. Tout cela, il ne s’en est rendu compte que bien plus tard.
Trop tard.


- Trois mois plus tard -

J’embrasse Hana et Jace sur le haut de la tête et me téléporte immédiatement après. Je ne veux pas parler à Nérys ni à quiconque dans cette grotte. Ils vont me demander où est Shybaï et je n’en ai aucune idée.
Je ne sais pas où est la mère de mes enfants. Depuis trois mois, je ne sais pas. Aucune nouvelle. Elle n’est pas passée voir Hana et Jace, qui me demandent maintenant à chaque visite où est leur maman. Je ne sais pas, je ne sais rien. Quand j’ai réalisé qu’elle s’était enfuie de l’hôpital, j’avais encore le cadavre de notre dernier né dans les bras et je me suis complètement effondré. A priori, j’ai hurlé. A priori, j’ai assommé une infirmière qui tentait de me calmer. A priori, j’ai vociféré plein de choses sur Croix, Rosenrot, les sorciers noirs et les pourritures du monde magique. Devant des gens qui n’ont aucune idée que ça existe, qui m’ont donc pris pour un fou – je ne peux pas les en blâmer – et qui m’ont administré un sédatif pour cheval. J’ai du coup des souvenirs flous de cette affaire et je me suis réveillé attaché à un lit. Il a ensuite fallu plaider ma cause à coup de la douleur m’a fait faire n’importe quoi – ce qui était vrai – et que j’étais vraiment vraiment désolé. L’avantage de ce sommeil forcé, c’est que j’y voyais déjà plus clair au réveil. La douleur était un peu, juste un peu, moins forte. J’avais le fol espoir que Shybaï soit revenue, qu’elle n’ait fait que partir sur le coup de la douleur pendant quelques heures, quelques jours, pour ensuite revenir. Mais non. Je suis seul depuis trois mois. J’étais seul dans cet hôpital quand on m’a demandé ce que je souhaitais faire du corps de notre enfant mort-né. J’étais seul quand j’ai décidé que son petit corps serait incinéré. J’étais seul pour choisir l’urne funéraire dans laquelle reposent ses cendres. J’étais seul au crématorium. Puis je me suis retrouvé seul avec l’urne. Je l’ai ramenée à la grotte, posée dans le coin réservé à mes enfants, sous le lit de Jace. Ils ont demandé ce que c’était, je leur ai répondu que c’était de la poussière d’ange et qu’elle était là pour les protéger. Ils ont eu l’air ravi et moi j’ai commencé à pleurer. Heureusement à ce moment-là nous avions un peu d’intimité avec les enfants et personne n’a rien vu ou entendu. Ce jour-là, je suis resté dormir avec eux. J’ai passé quelques jours dans la grotte avec l’espoir que Shybaï passe, mais elle n’est pas passée, personne ne l’avait vue depuis l’épisode à l’hôpital et alors j’ai commencé à m’inquiéter sérieusement. Pour la première fois depuis plus d’une semaine, un autre sentiment a dépassé la peine. L’inquiétude. Il fallait que je retrouve Shybaï. Qu’elle s’éloigne quelques temps pour encaisser le coup, très bien. Mais ça commençait à faire beaucoup et, surtout, elle n’était pas passée voir les enfants. C’est la première chose que j’aurais pensé qu’elle fasse.
Alors je suis parti à sa recherche.

Trois mois après, je la cherche toujours. J’ai comme l’impression que quelque chose me brouille, m’empêche de tomber exactement sur elle. Vous allez me dire, le monde est grand. Oui, mais moins quand on peut se déplacer de manière instantanée. Je consulte tous les jours la liste des agents d’Orpheo retrouvés morts, avec la peur au ventre de l’y voir. Et je suis les traces de sorciers noirs, les planques, les sales coups. Je ne cherche pas à les attaquer ni à me faire repérer, sauf quand j’ai l’occasion de les empêcher de nuire simplement. Je cherche Shybaï. Je la soupçonne d’être partie se venger. Soit ça, soit d’avoir sombré à nouveau dans son passé obscur. Mais dans ce dernier cas, je voyage avec un foulard sur les yeux car je n’en sais que très très peu. J’ai donc opté pour suivre la piste de sorciers noirs, tout en passant régulièrement voir les enfants à la grotte.

En trois mois, ma peine s’est transformée en fond quelque part dans ma tête. Toujours présente, mais dominée par mon inquiétude et, je l’avoue, de la colère. De l’incompréhension. Je comprenais au début, je ne comprends plus maintenant. Cela fait trois mois que les enfants n’ont pas vu leur mère. Que je n’ai aucune nouvelle, que je ne sais même pas si elle est en vie. Peut-être que si elle m’avait exposé ses plans, je me serais mis en colère, on se serait disputés. Mais au moins j’aurais su ce qu’elle a derrière la tête, et peut-être qu’une grosse engueulade aurait crevé l’abcès et permis d’y déverser toute notre peine.

Il y a quelques jours j’ai entendu parler d’un groupe qui se fait appeler La Résistance. Des gens qui combattent la magie noire mais qui n’appartiennent à aucune organisation. Donc à priori des alliés. Du moins, nous avons un ennemi commun. J’ai aussi entendu qu’une illusionniste est dans leurs rangs, mais en trois mois j’ai eu le temps d’en suivre des pistes d’illusionnistes. Mes espoirs à chaque fois déçus font que je n’espère plus dès que j’entends ce mot. J’aimerais leur parler, pour voir s’ils savent quelque chose à propos de Shybaï. Eventuellement leur proposer brièvement mon aide, s’ils en ont besoin. Peut-être que m’en faire des alliés les rendra plus enclins à ouvrir l’œil pour apercevoir Shybaï. J’espère. J’ai donc réussi à entrer en contact avec l’un de leurs membres, qui ne m’a pas vraiment éclairé, un nouveau à priori. Il était néanmoins suffisamment alerte pour me donner rendez-vous ce soir pour leur prêter main forte. C’est là que je me rends.

Arrivé sur place, je suis brièvement présenté à un groupe. Je ne leur parle pas de Shybaï tout de suite, concentré pour écouter les instructions de mission. Nous serons donc trois groupes. Les deux autres sont déjà partis se placer. Quelque chose me tiraille l’arrière du crâne mais je ne saurais dire quoi. Peu importe, j’aimerais bien rester en vie et connaître un nouveau demain, donc il va falloir se concentrer.

L’assaut est donné dans la nuit est c’est un véritable massacre. Le rôle de mon groupe est de s’occuper du premier étage en entrant par une fenêtre et en étant le plus discret possible. L’instruction était de fuir aussitôt le premier étage déminé en sorciers et en runes, sachant qu’un second groupe gère le rez-de-chaussée et que le dernier groupe a pour tâche de terminer les chefs, probablement alerté à ce moment-là. L’idée derrière les trois groupes est de faire croire que nous sommes nombreux et qu’ils sont encerclés, quand en réalité les groupes sont très petits. Ma tête me tiraille toujours quand je rejoins le point de rassemblement et j’ai même l’impression que ça augmente. Ce soir, Doliprane et au lit. Sur cette pensée, je m’apprête à demander à mon chef de groupe des informations sur Shybaï maintenant que je les ai aidés.
Et c’est là que je la vois.

J’en tombe tellement des nues que j’ai un instant l’impression que je rêve complètement et que c’est juste une femme qui lui ressemble – ça m’est arrivé plusieurs fois ces derniers mois, je la voyais partout au début. Mais non, c’est bien elle, j’en suis sûr, et le tiraillement dans ma tête a maintenant une explication. Trois mois que j’attends ça et je ne sais pas comment réagir. Le soulagement, la peur, l’incompréhension, la colère ? Pour la première fois je ne sais pas quoi dire à ma femme parce que je crains sa réaction et la mienne. Comme si elle était un peu devenue une étrangère, et c’est ce qu’est sa réaction pour moi. Ne pas être allée au moins voir les enfants pendant trois mois n’est pas une réaction que je pensais qu’elle aurait un jour. Peu importe les circonstances. Je ne la connais donc pas aussi bien que ce que je pensais.
Mon chef de groupe suit mon regard et hausse un sourcil. Je l’ignore et le contourne pour m’approcher un peu, pas trop près, de Shybaï. Là, je lâche :

- Salut.

C’est nul comme approche ? C’est nul comme approche. Mais je sens que si je dis plus d’un mot, si on ouvre les vannes, je vais tout déverser. Et alors, on y sera encore demain car c’est une histoire qui dure depuis trois mois maintenant.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyJeu 1 Juin 2017 - 18:07

L'attaque s'est bien passée. Nous comptons quelques blessées dans nos rangs, mais aucun mort pour cette fois-ci. Les sorciers noirs en revanche ont tous été exécuté.
Le plaisir que je prends à tuer un sorcier noir m'effraie.
Délectation. Odeur du sang. Vengeance.
Le pire c'est que j'en ai jamais assez. Que je me dis que jamais assez de sang ne coulera pour rembourser leur dette. Leur meurtre. Je sais bien que ce ne sont pas eux qui ont tué mon bébé. Mais des gens de leur groupe. De leur idéologie. Et ils n'ont pas tué que mon bébé. C'est eux, les sorciers noirs, qui ont débarqué au Mystery Orphanage, massacrant mes élèves. Nous n'avons même pas pu récupérer les corps de ceux qui ont été assassiné. Aucune sépulture. Juste les yeux de leurs amis pour pleurer.
Certains amis qui les ont vu mourir sous ces mêmes yeux qui pleurent encore aujourd'hui.
Alors les sorciers noirs ne méritent pas la clémence, mais uniquement la mort. Une mort dont je me délecte.
Après l'attaque nous nous réunissons pour débriefer. Je reste droite, stoïque, les bras croisés lorsqu'une voix que je n'ai plus entendu ailleurs que dans mes cauchemars pendant trois mois me surprend :

- Salut.

Takeji... Je sursaute et aussitôt des regards curieux se retournent vers eux. Je balbutie une excuse au chef du groupe, essuie mes mains encore pleines de sang sur mes habits et attrape mon mari - l'est-il seulement encore ? - pour l'attirer à l'écart du groupe.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?


Ma voix est froide, sans appel. Qu'est-ce qu'il fout ici putain ? Il veut se faire kidnapper à nouveau ? Risquer la mort pour la deuxième fois ? Se retrouver à l'hôpital, encore une fois. Ou pire, à la morgue ?
Je sais ce que vous pensez. Que je suis bien égoïste de dire ce genre de choses alors que moi-même je mets ma vie en danger depuis trois mois. Que moi-même j'ai fini à l'hôpital, Takeji à mon chevet. Mais moi c'est différent. Moi j'ai tué notre enfant, je suis coupable de meurtre.
Alors ma vie importe peu.

Je toise Takeji, en restant sur la défensive. Quelque part pourtant, je sens dans ma poitrine mon coeur se déchirer. Un flot de question tombe également dans mon cerveau.
Comment vont Hana et et Jace ? Comment vont les gens de l'orphelinat ? Où en est Orpheo ?
Tu te bats toujours pour eux ? Comment vont Nérys et John ? On a des nouvelles des nombreux orphelins enlevés ?
C'était une fille ou un garçon ?

Mais rien n'échappe de mes lèvres serrées. Je me contente d'être là, froide. Une Shybaï qu'il n'a pas connu. Une régression. Je ne suis plus la prof de dessin qu'il a connu lors d'une balade à cheval. Je ne suis plus cette jeune femme rigolote dont il est tombé amoureux.
Je suis retourné à mes démons d'antan. À ma rage. À mon addiction.
À défaut que cette fois-ci le sang des sorciers noirs à remplacé la drogue.

Si j'ai mal ? Ouais, bien sûr que j'ai mal. Toutes les nuits je me bats contre moi-même. Je me bats contre l'idée de retourner en arrière, de revenir. D'aller au moins embrasser mes jumeaux.
Mais je sais que si je fais machine arrière, que si je croise le regard de Hana ou de Jace, jamais je ne retournerai au combat. Et ça, je ne peux pas me le permettre. J'ai une dette envers mon bébé, une dette que je ne peux payer que par la mort.
Oeil pour oeil. Dent pour dent. Sang pour sang.
Alors voilà. Voilà pourquoi je suis aussi froide, aussi méchante avec l'homme de ma vie. Homme de ma vie qui ne me considère d'ailleurs sûrement plus comme la femme de sa vie à lui. Mais je ne peux pas me permettre de l'écouter, je ne peux pas me permettre de revenir en arrière. Je ne peux pas m'autoriser à tout arrêter et à pleurer dans ses bras.
Ça fait trois mois que je n'ai pas pleuré.
Trois mois que la rage et la haine ont remplacé la tristesse.
Je ne peux pas m'autoriser à perdre tout cela. Je suis allée trop loi. Je ne peux plus revenir en arrière.

Désolée Taki. Désolée parce que ta Shy est toujours là, quelque part, sous la haine, le sang et la carapace. Enfermée dans ma vengeance. C'est pas facile de la voir et tu as le droit de me haïr pour ce que je suis devenue. Mais sache que moi je ne perdrai jamais l'amour que j'ai pour toi ou pour les jumeaux. Je veux juste que tu comprennes. Que tu comprennes que vous n'êtes pas les seuls que j'aime.
Il y a quelqu'un d'autre.
Mais il est mort avant même de naître.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyVen 2 Juin 2017 - 11:32

Elle sursaute et m’entraîne à l’écart. Je suis un peu déçu mais en même temps, ce n’est pas comme si elle allait me sauter dans les bras alors qu’elle me fuit depuis trois mois, n’est-ce pas ? Que voulez-vous, on ne tue pas l’espoir comme ça.

- Qu’est-ce que tu fais ici ?

Et toi ? Et depuis trois mois ? Ça va ? Tu veux des nouvelles des enfants ? Des miennes, peut-être ? Tu sais ce qui est arrivé au corps de notre bébé mort-né ? Tu veux des nouvelles de Nérys et John peut-être ? Ou de Rhyan, Alfred, Jack le cactus. Eventuellement, expliquer pourquoi tu es partie comme ça pendant aussi longtemps. Tu comptes revenir ? On est toujours mariés ? Remarque, on a jamais été officiellement mariés. Et donc, tu es dans ce groupe maintenant ? Orpheo c’est fini ? Est-ce que tu m’en veux pour notre enfant ? Je sais que c’est de ma faute. Tu ne serais pas venue, je serais mort, et l’enfant vivant. J’ai honte quand je vois Hana et Jace, mais je reste pour eux, pour ne pas commettre une faute de plus. Et puis parce que ça m’arrange bien, moi. Je les aime comme un fou et je suis bien content d’avoir une excuse pour continuer à les voir sans trop me sentir coupable. Tu comptes revenir un jour quand même ? Dans combien de temps ? En vie ?
J’ai envie de dire tout ça et bien plus. Mais sa froideur me blesse. Trois mois à lui courir après, à espérer, tous les jours, toutes les heures, qu’elle ne soit pas morte. Trois mois à voir les petits en culpabilisant d’avoir tué leur petit frère – car c’était un garçon, mais Shybaï ne sait pas ça non plus – et en culpabilisant de plus belle d’avoir aussi perdu leur mère. Je ne sais pas quoi dire. J’ai l’impression qu’elle peut fuir à tout moment, son attitude est clairement sur la défensive et le rejet. Je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est feint. Est-ce qu’elle m’aime encore ? Quand quelqu’un vous fuit pendant trois mois, est-ce qu’on peut considérer qu’il vous aime encore ? Mais elle a aussi fui Hana et Jace et je suis incapable de croire qu’elle ne les aime plus eux. C’est impossible. Juste impossible.

- Hana et Jace demandent de tes nouvelles depuis trois mois. J’essaie de satisfaire leur demande.

Si elle m’en veut, si elle ne m’aime plus, la seule carte qu’il me reste à jouer est celle des enfants. Au moins pour eux, pour qu’ils aient leur maman. Et tant pis pour moi, tant pis si c’est en train de me broyer le cœur et si j’ai envie d’aller me rouler en boule dans un coin. Je le leur dois.

- Tu sais, même si as décidé de rester avec tes nouveaux amis, je pense que la grotte te reste ouverte. Vas les voir, ils seront heureux.

Il me coûte tellement cher de ne pas poser de question sur nous deux. Tellement cher.

- Je n’y suis pas tout le temps, tu peux y aller sans craindre de me croiser, si c’est ce qui te retient.

Je meurs d’envie de la prendre dans mes bras, même si je ne la reconnais pas vraiment. Cette expression et ce ton durs ne sont pas ceux que je connais et que j’ai appris à aimer. Mais c’est trop tard, je suis trop attaché à elle pour que son attitude suffise à me repousser. Bien sûr qu’elle me blesse et que je suis en colère contre elle, mais ça ne change rien. C’est idiot mais ces trois mois où il ne s’est rien passé, je ne les prends pas comme un rejet complet. Alors j’ai toujours de l’espoir, pour nous deux. Pour nous quatre. Je m’accroche de toutes mes forces comme un bébé koala à sa mère. C’est justement parce qu’il ne s’est rien passé pendant trois mois que, même si je suis blessé et en colère, je reste en haut de la falaise. Au bord, incertain de si je vais tomber ou non, mais en haut. L’espoir est un sentiment difficile à tuer. Même s’il me faudra probablement un peu de temps pour refaire pleinement confiance.
A supposer qu’elle revienne un jour.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyVen 2 Juin 2017 - 16:19

Je vois bien à quel point Takeji a mal. Je n'ai pas besoin d'un don spécifique pour deviner les sentiments qui traversent le visage du père de mes enfants. À vrai dire, je n'ai même pas besoin de le regarder, juste d'imaginer ce que je ressentirais à sa place.
Mais peut-il seulement comprendre ? Je ne pense pas. Ce n'est pas lui qui a eu ce bébé dans son ventre pendant plusieurs mois. Ce n'est pas lui qui l'a senti bouger en lui, son coeur rythmé sur le mien. Ce n'est pas non plus lui qui a reçu tant de coups de poings dans le ventre, sentant la vie s'échapper petit à petit.
Takeji ne peut pas comprendre. Ne peut rien comprendre. Ni mon besoin de vengeance, ni ma fuite.

- Hana et Jace demandent de tes nouvelles depuis trois mois. J’essaie de satisfaire leur demande.

Je serre le poing. J'ai envie de rétorquer qu'il est injuste d'utiliser nos enfants pour me faire ses propres reproches. Pense-t-il que je n'imagine pas ce que doivent se dire les jumeaux ? Les questions qu'ils posent ? Croit-il qu'ils ne me manquent pas ? Que j'ai perdu mon coeur avec ce bébé ? Il est injuste d'utiliser ainsi nos enfants au lieu de me dire directement ce qu'il ressent. Je suis sûre que je n'ai pas dû être si facile que ça à trouver et que Takeji a sans doute dû commencer ses recherches trois mois auparavant et pas hier. Alors s'il s'est autant acharné, n'est-ce pas la preuve que c'est lui qui veut de mes nouvelles ? C'est trop facile de passer par nos enfants et de me faire culpabiliser ainsi.

- Tu sais, même si as décidé de rester avec tes nouveaux amis, je pense que la grotte te reste ouverte. Vas les voir, ils seront heureux.

Je ne dis rien, continuant simplement à regarder Takeji dans les yeux.

- Je n’y suis pas tout le temps, tu peux y aller sans craindre de me croiser, si c’est ce qui te retient.

Alors c'est ça qu'il se dit ? C'est qu'il n'a rien compris ! Ça ne change rien que Takeji soit dans cette grotte ou n'y soit pas. Ça ne change rien que j'y voie Nérys, Rhyan ou quiconque d'autres. C'est Hana et Jace. Je ne peux plus les voir. Je ne peux pas le regarder décemment dans les yeux en me disant que j'ai tué leur petit frère ou leur petite soeur.
Je sais que je devrais lui expliquer tout ça. Lui dire qu'il me manque également. Que j'ai envie de lui. De mes enfants. De Rhyan, Alfred et Jake. Nous tous dans notre petit appartement. Et surtout un berceau, un minuscule berceau qui agrandirait notre famille.
Pourquoi je n'y arrive pas ?

- Si tu penses que je n'ai pas envie de te voir, alors pourquoi tu m'as suivie ?

Bien joué Shy. Super. Tu es une experte pour dire des conneries ou comment ça se passe ? C'est à se demander si mon but dans la vie c'est que Takeji me demande le divorce. Alors que nous se sommes même pas mariés. Enfin pas officiellement.
Super. En repensant à notre mariage officieux j'ai envie de pleurer. Parce que c'est ce jour là... Ce jour là que je lui avais annoncé. Le fait que j'étais enceinte, que nous allions être parents pour la troisième fois.
Ce n'est jamais arrivé.

- Tu peux pas comprendre de toute façon. C'est pas toi qui...

Les mots se coupent dans ma gorge, comme des bouts de verre. Ils font trop mal pour que je puisse les dires à voix haute. Pour assumer ainsi, devant mon - ex ? - mari que je suis la responsable du meurtre de nos enfants. Moi et ces cruels sorciers noirs. Nous sommes les seuls qui méritions de mourir. Pas ce bébé.
Pourquoi c'est lui qui est mort ?
Pourquoi lui et pas moi ?
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyVen 16 Juin 2017 - 11:33

Voir Shybaï aussi énervée de me voir ne me rassure pas. Evidemment qu’elle ne voulait pas me voir, sinon elle ne m’aurait pas laissé sans nouvelles pendant trois mois. Mais j’avais un petit espoir. Peut-être qu’elle avait été gardée prisonnière tout ce temps, ce qui aurait expliqué et justifié son absence, et que j’aurais pu l’aider ou contribuer à l’aider. Peut-être qu’elle aurait pu tomber sur des gens dans le besoin dans un coin perdu, et qu’elle m’aurait en fait écrit des lettres pour me dire de ne pas m’inquiéter, lettres que je n’aurais jamais reçu. Il y a tellement de raisons qui auraient pu justifier son absence et ne pas me blesser. Toutes ces raisons ont en point commun d’être vides de toute volonté de m’éviter.
Visiblement, la vraie raison ne rentre pas dans cette catégorie.

- Si tu penses que je n’ai pas envie de te voir, alors pourquoi tu m’as suivie ?

- Oh je sais pas, parce que je suis mort d’inquiétude et que les enfants réclament leur maman ? Jusqu’à ce que tu m’accueilles aussi froidement, je pensais encore que ton absence pouvait très bien être due à des circonstances indépendantes de ta volonté.

Qu’est-ce que tu veux que je te dise Shybaï. Je suis bien incapable de te laisser comme ça en restant sans nouvelles. Un vrai pot de glue. Une moule accrochée à son rocher. Un bébé koala à sa maman. Un Taki à sa Shy.

- Tu ne peux pas comprendre de toute façon. C’est pas toi qui…

Qui quoi ? Cet enfant était autant le tien que le mien. Je ne l’ai pas porté, mais je sais ce que ça fait d’être père et je sais maintenant malheureusement ce que ça fait de perdre un enfant. Ce n’est pas parce que je ne l’ai pas porté que je ne l’ai pas aimé, que je ne suis pas dévasté et que je mérite qu’on me dise à la figure, que ma propre femme me dise, que je ne peux pas comprendre la douleur d’avoir perdu mon fils.
Je crois que je vais exploser.
Ce n’est vraiment pas le moment. Shybaï ne serait jamais cruelle gratuitement avec moi, jamais. Pas la femme que j’aime. Elle est blessée, dévastée elle aussi, et il faut que j’arrive à passer outre ma propre colère pour tenter de comprendre. Elle doit se sentir coupable et penser que c’est de sa faute. Sauf qu’elle ne s’est pas mis ces coups elle-même, et qu’en plus elle a fait ça pour me sauver moi. Ça n’aurait jamais, jamais dû arriver. Je ravale ma colère, et tâche de prendre un ton plus doux.

- Je n’ai pas porté notre enfant non… Mais je l’ai perdu au même titre que toi. Shybaï, nous partageons la même douleur, le même deuil. Laisse-moi t’aider à soulager ta charge. Pour la mémoire de notre fils mais aussi pour Hana et Jace, qui un jour apprendront qu’ils auraient dû avoir un petit frère.

J’ai failli ajouter que j’aurais dû mourir ce jour-là, moi et pas l’enfant. Mais à quoi bon. Continuer à se blâmer chacun n’amènera jamais le repos. Et ne ramènera pas les morts non plus.

- Tu sais, si tu étais morte ce jour, l’enfant n’aurait pas survécu. Pas sans toi pour le maintenir en vie.

Je crois que je réalise quelque chose. Alors je poursuis.

- Et je serais probablement mort aussi, nos corps jamais retrouvés et personne n’aurait jamais pu porter la mémoire de notre fils. En fait, il nous a sauvés tous les deux.

Je crois que je suis en train de pleurer. Mais c’est peut-être juste la pluie.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyMer 21 Juin 2017 - 12:05

Parfois je me dis que mon père n’avait pas tort de me frapper. Je mérite des bonnes baffes. Surtout en ce moment. Pourquoi je me referme comme ça, pourquoi je fuis les seules personnes au monde que j’aime et qui m’aiment ? Pourquoi je ne supporte plus de penser à l’homme de ma vie et à nos enfants ?
Parce qu’ils me rappellent trop profondément celui que j’ai perdu.

- Oh je sais pas, parce que je suis mort d’inquiétude et que les enfants réclament leur maman ? Jusqu’à ce que tu m’accueilles aussi froidement, je pensais encore que ton absence pouvait très bien être due à des circonstances indépendantes de ta volonté.

Les mots de Takeji blessent encore plus profondément que des coups. Ce sont des lames acérées qui s’engouffrent dans les plaies déjà béantes de mon esprit. Si mes sentiments pouvaient étaient matériels, nul doute qu’ils saigneraient.
Et l’air furieux et remplis de colère de l’homme que j’aime encore et toujours malgré tout n’aide pas la souffrance à refluer.

- Je n’ai pas porté notre enfant non… Mais je l’ai perdu au même titre que toi. Shybaï, nous partageons la même douleur, le même deuil. Laisse-moi t’aider à soulager ta charge. Pour la mémoire de notre fils mais aussi pour Hana et Jace, qui un jour apprendront qu’ils auraient dû avoir un petit frère.

Je secoue la tête. Non, il ne sait pas, non il ne comprend pas. Je ne lui ai pas tout dit, j’ai gardé pour moi le plus douloureux, enfoui au fond de mon être, de mon cœur. Recouvert par une chape de vengeance.
Quelque chose que j’aurais dû lui dire à l’hôpital mais que je n’ai pas pu. Quelque chose qui empêche mon deuil, qui m’empêche d’accepter la mort de ce petit ange disparu avant même d’être véritablement là.
Quelque chose que je n’ai pas voulu dire à Takeji. Pour pas qu’il parte comme moi. Pour qu’il soit fort pour Hana et Jace.
Pour pas qu’il abandonne aussi.

- Tu sais, si tu étais morte ce jour, l’enfant n’aurait pas survécu. Pas sans toi pour le maintenir en vie.

J’ai envie de crier que oui, je sais tout ça. Que j’ai ressassé ça un millier de fois en moi, mais que ça ne m’empêche pas de regretter.
Ce n’est pas notre enfant qui aurait dû mourir.
C’est moi, juste moi.
J’enfonce mes ongles profondément dans les paumes de mes mains. Jusqu’au sang. Pour sentir la douleur recouvrir la tristesse l’envie de hurler.
Ça n’y parvient pas.

- Et je serais probablement mort aussi, nos corps jamais retrouvés et personne n’aurait jamais pu porter la mémoire de notre fils. En fait, il nous a sauvés tous les deux.

Les larmes défigurent le visage de mon amour. Alors j’enfonce mes ongles un peu plus profondément. Pour ne pas faibilir. Ne pas abandonner ma vengeance.
Et je prépare mes mots. Des mots horrible à lui hurler à la gueule afin d’être sûre qu’il me haïsse et m’abandonne ici. Qu’il retourne auprès des enfants.
Qu’il me laisse mourir pour la vengeance.

Je dois cependant retenir mes mots en voyant Mahel, un jeune de la Résistance s’approcher l’air mal à l’aise. Il sent la tension qui sature l’air et ne semble pas à l’aise de venir nous interrompre. Mais il a sans doute dû recevoir un ordre et s’adresse ainsi à moi :

- Lorsque j’ai scanné la maison pour être sûr qu’il ne reste plus personne on s’est rendu compte qu’il y avait encore une source de chaleur à température humaine au grenier. Apparemment personne n’a pensé à le fouiller... Le chef aimerait que tu y ailles discrètement en reconnaissance avec ton pouvoir.

Je hoche la tête bênissant cette distraction qui retarde mes mots acides. La mission avant tout. Et peut-être qu’après ça Takeji aura arrêté de pleurer et que lui hurler dessus sera plus simple.
Même si quelque chose en moi sait que ce n’est pas le cas.
Me détournant du père de mes enfants, j’active mon pouvoir et devient transparente avant de filer dans la maison. J’entends des pas derrière moi...
Il n’aurait pas osé ?
Je me faufile jusqu’au grenier en y accédant grâce à une vieille échelle grinçante et ce que j’y trouve me fait l’effet d’une baffe. Violente.
C’est un bébé. À peine quelques mois, babillant dans un berceau, la peau aussi noire que la magie de ses parents. Un enfant innocent.
Œil pour œil, dent pour dent.
Je redeviens visible et sort une lame de ma manche, m’approchant au dessus du berceau.
L’enfant me sourit.
Et une digue s’ouvre en moi.

Je m’écroule, la lame se fracassant contre le parquet. Que suis-je devenu pour vouloir ainsi prendre la vie d’un enfant, d’une âme aussi innocente ?
Je suis pire que ceux qui ont pris mon bébé.
Je sens une présence derrière moi. Je sais que c’est Takeji. Alors cette fois-ci je ne retiens pas, trop horrifiée par l’acte que j’ai failli commettre.

- Le bébé avait des pouvoirs. Il était télépathe. Je ne l’ai pas compris tout de suite mais c’est devenu de plus en plus évident à mesure que je courais pour venir te chercher. C’est lui qui m’indiquait que tu était mal. Lui qui m’a dit où tu étais.

Les larmes glissent sur mon visage comme les mots de ma gorge.

- Il ne communiquait pas avec des mots, mais des sensations. Et la dernière que j’ai ressenti avant de perdre connaissance était une dose d’amour inconditionnelle. De l’amour pour le ventre qui l’avait porté. De l’amour pour ta voix qu’il aimait entendre et qu’il trouvait si belle. De l’amour pour les mains de Hana et de Jace qui le caressaient à travers ma peau.

Mes joues sont devenues de cascades. Tout ce que j’ai retenu pendant des mois s’épanchent de mes yeux, tourbillonants pour s’écraser sur cette lame maudite qui a failli aller trop loin dans la vengeance.
Des larmes pour cet être que j’ai trop aimé et qui n’ai jamais né.

- Il se réjouissait tellement de nous rencontrer...

Et devant moi, le bébé des nos ennemis qui ne comprend pas mes sanglots commence également à pleurer.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyMer 5 Juil 2017 - 14:54

On est interrompu et pendant un instant j’ai envie de téléporter au loin ce type qui se permet de rentrer dans une conversation visiblement tendue comme ça.
Mais seulement pendant un instant. Il ne nous a rien fait, il n’a pas à subir les conséquences d’actes pour lesquels il ne porte aucune responsabilité. Par contre, je constate que Shybaï en profite immédiatement pour filer. Si tu crois que je vais te laisser partir comme ça après trois mois de poursuites… Je ne partirai pas avant d’avoir obtenu des réponses. Aussi, je me mets en marche vers la maison. L’homme a parlé du grenier, c’est donc là que Shybaï ira.

Et effectivement, elle y est, deux minutes plus tard. Brandissant un couteau au-dessus du berceau d’un nouveau-né. Ma réaction est horrible, mais je n’interviendrai pas. Si elle est toujours la femme que j’aime et s’il y a toujours espoir pour nous et nos enfants, elle ne tuera pas ce bébé. Jamais la Shybaï que je connais ne tuerait un nouveau-né. Jamais. Pas plus qu’elle ne tuerait un enfant. Je ferme les yeux et serre les poings pour ne pas voir la suite, déjà prêt à tenter d’effacer de ma mémoire que j’ai pu laisser un bébé se faire tuer par ma propre femme. Oui, je doute. Il y a trois mois j’aurais été certain que jamais elle n’aurait pu tuer un bébé. Mais aujourd’hui, trois mois plus tard, je doute. Est-ce vraiment bien elle, en face de moi dans ce grenier ?
Heureusement le doute ne dure pas longtemps. Je rouvre les yeux en entendant la lame tomber au sol et sans l’avoir entendue se planter où que ce soit. Le bébé vit toujours. Et Shybaï est à terre.

- Le bébé avait des pouvoirs. Il était télépathe. Je ne l’ai pas compris tout de suite, mais c’est devenu de plus en plus évident à mesure que je courais pour venir te chercher. C’est lui qui m’indiquait que tu étais mal. Lui qui m’a dit où tu étais.

Un coup de poignard n’aurait pas été plus violent.

- Il ne communiquait pas avec des mots, mais des sensations. Et la dernière que j’ai ressentie avant de perdre connaissance était une dose d’amour inconditionnelle. De l’amour pour le ventre qui l’avait porté. De l’amour pour ta voix qu’il aimait entendre et qu’il trouvait si belle. De l’amour pour les mains de Hana et de Jace qui le caressaient à travers ma peau.

Elle est en larmes et moi aussi. Enfin, nous faisons notre deuil à deux. Comme cela aurait dû se produire il y a déjà plusieurs mois. J’approche doucement, tandis qu’elle finit :

- Il se réjouissait tellement de nous rencontrer…

L’enfant dans le berceau se met aussi pleurer. Comme s’il ressentait notre peine.
Je m’agenouille auprès de Shy et la prend dans mes bras, sans un mot. Que dire ? Rien. Il n’y a rien à dire ni à faire. En revanche… Je la relâche quelques secondes, le temps de pouvoir prendre le petit qui pleure dans mes bras. Dans nos bras, puisque je le maintiens contre Shy et moi. Tel qu’on aurait dû tenir notre enfant.
Je réalise seulement que nous avons probablement tué ses parents et que, si on le laisse ici, il mourra. Mais il n’est pas non plus question de le tuer. Et encore moins de le ramener au milieu du groupe en bas. Qui sait si certains ne seraient pas prêts à le tuer au seul motif que ses parents sont des sorciers noirs. Il en est hors de question.
Je renifle et cesse de pleurer, il faut trouver une solution pour cet enfant. Il est vivant et il faut agir maintenant. J’aurai tout le temps de pleurer plus tard. Une idée un peu folle commence à germer dans mon esprit. Mais je ne sais pas si Shybaï l’acceptera. Je ne sais même pas si elle compte revenir un jour ou non.

- On ne peut pas le laisser ici, ni le ramener au milieu des autres. Est-ce que…

Au point où on en est.

- Est-ce qu’on pourrait l’adopter ?

Et puis je me rends compte de comment cela sonne, une fois que je l’entends. Ça sonne comme un remplacement. Un remplacement d’enfant mort.

- Pardon, je ne veux pas que tu penses que j’essaie de remplacer notre enfant. Ce n’est pas le cas, jamais, rien ne le remplacera. Par contre, on a tué les parents de celui-là et seul, il ne survivra jamais. On a une dette envers lui.

L’enfant a cessé de pleurer et il me regarde avec ses grands yeux en babillant. Tu sais que je veux bien être ton papa ? Tu es tellement innocent. Tu n’as aucune idée de ce qu’on t’a pris, ce soir. Aucune. J’espère que jamais tu ne penseras que ton adoption, si elle se fait, n’est que le fruit de la culpabilité. Ce n’est pas le cas. Je ne me sens pas coupable d’avoir tué des sorciers noirs, qui ont tué tellement des miens. Je me sens coupable que tu te retrouves seul à cause de moi, mais pas d’avoir tué des sorciers noirs.
Même s’il se trouve que parmi ces sorciers se trouvaient tes parents. Pardon pour ça, pardon de te priver d’eux. Peut-être, sûrement, qu’ils t’aimaient. Je ne pourrai rien t’apprendre sur eux. Sur tes origines. Mais si tu le souhaites, plus tard, on pourra chercher. Je ne t’en empêcherai pas, même si je sais que ça fera mal. Ça fera mal si un jour tu décides que je ne suis pas ton papa. Je sais que nous n’avons aucune légitimité. Et que la décision logique aurait plutôt été de te déposer dans un orphelinat. Mais je crois que nous ne sommes pas prêts à perdre un deuxième enfant, et nous ne le serons jamais. Il n’y a que nous et toi ici, nous sommes donc responsables de toi.
Est-ce que tu nous accepte comme parents ?
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyDim 17 Sep 2017 - 17:46

Les larmes coulent à flot sur mon visage alors que je sens la chaleur de Takeji m'entourer. Je m'épanche dans les bras de mon mari. Je pleure pour ce bébé qui est mort avant de naître, pour mes enfants qui me manquent, pour l'homme de ma vie que j'aurais pu perdre et pour ce bébé devant moi qui a perdu ses parents. Je pleure pour tout ça, les larmes incapables de se tarir sur mon visage. La douleur incapable de s'éteindre dans mon coeur.
Dans notre société on est habitué à chercher le bonheur, à fuir les larmes. Ceux qui pleurent sont les faibles. On veut se complaire dans le bien, ne plus rien ressentir de négatif. Dès que les émotions vont trop loin, on abandonne. Si on a assez de courage, on se pend au bout d'une corde, sinon on s'enfonce dans les vices.
Mon père a survécu à la mort de ma mère grâce à l'alcool.
J'ai voulu survivre à celle de mon enfant en m'enfonçant dans la vengeance.
Mais tous les deux avons repoussé les larmes. Parce que pleurer c'est un peu accepter que l'être qu'on aime ne reviendra pas, ne reviendra plus. Parce que pleurer c'est accepter d'avoir mal. Parce que pleurer c'est pas l'idée qu'on a du bonheur.
Mais est-ce vraiment grave ? D'être malheureux un peu. Bien sûr, ceux qui partent ne voudraient pas nous voir dans cet état. Mais cet état reflète notre amour pour eux et il faut s'y ouvrir. Il faut laisser la tristesse nous envahir pour accepter la mort. Pour accepter que la vie continue.
Et ça, je commence seulement à le comprendre.

Soudain, Takeji me lâche pour aller cueillir l'enfant dans son berceau. Il le pose entre nous, tout contre nos coeurs, tout contre nos larmes. Je regarde l'enfant et l'enfant me regarde.

- On ne peut pas le laisser ici, ni le ramener au milieu des autres. Est-ce que…

Doucement, le bébé arrête de pleurer et tend sa main vers moi. Je lui offre alors un doigt et il entoure les siens, minuscules, autour du mien.

- Est-ce qu’on pourrait l’adopter ?

Je relève la tête vers Takeji afin de le regarder. Les larmes se sont un peu tarie sur mes joues, même si la douleur est toujours là.
Je sais déjà qu'elle y restera pour la vie. On n'oublie jamais ce genre de douleurs. On ne fait qu'apprendre à vivre avec.

- Pardon, je ne veux pas que tu penses que j’essaie de remplacer notre enfant. Ce n’est pas le cas, jamais, rien ne le remplacera. Par contre, on a tué les parents de celui-là et seul, il ne survivra jamais. On a une dette envers lui.

Je regarde l'enfant dans nos bras. Il est tellement innocent, à mille lieux d'imaginer la guerre qui se joue autour de lui.
Je sais que, quelque part au dessus-de nous, notre bébé nous regarde depuis un monde plus heureux. Je sais aussi qu'il aurait dit oui à ce nouvel enfant, qu'il aurait accepté ce bébé qui a tout perdu comme nous l'avons perdu. Je connais ce bébé parce que j'ai vécu plusieurs mois avec lui et je sais sa façon de se sentir, sa façon d'aimer.
Mais c'est trop dur.

- Je... je suis désolée mais je ne peux pas. Pas maintenant, c'est trop tôt, trop soudain. Je... Il vaut mieux l'amener dans la grotte, mais pour l'instant... pour l'instant je ne peux rien pour lui.

Je caresse la joue du bébé dans mes bras. Je suis tellement désolée. Désolée de ne pas être capable d'ouvrir mon coeur. Mais j'ai trop mal.
Je viens à peine de laisser la douleur m'envahir. Et puis il y a autre chose, autre chose qui me brise, mais que je dois savoir.

- Est-ce que... Est-ce que c'était un garçon ?


Ma voix se brise alors que dans mes bras je serre l'enfant un peu plus fort.
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyLun 16 Oct 2017 - 10:39

J’embrasse Shy sur le front. Le soulagement ne m’atteint que maintenant. Le soulagement de l’avoir enfin retrouvée, qu’elle soit en vie, qu’elle aille bien. Qu’elle soit toujours la femme que j’aime, malgré le traumatisme. Je ne réalise que maintenant que j’ai passé les trois derniers mois particulièrement sous tension et que mon corps ne se relâche que maintenant.
Je sens que le contrecoup sera rude. Mais peu importe.
J’ai envie de la serrer dans mes bras, mais j’ai peur de faire mal au petit être entre nous. J’ai attendu trois mois, je peux bien patienter quelques minutes de plus, non ? Même si ces minutes semblent soudain s’étirer de toutes leurs secondes.

- Je… je suis désolée mais je ne peux pas. Pas maintenant, c’est trop tôt, trop soudain. Je… Il vaut mieux l’amener dans la grotte, mais pour l’instant… pour l’instant je ne peux rien pour lui.

Je dépose un baiser sur la tempe de Shy avant de baisser les yeux sur l’innocent entre nous. Très bien, prends le temps qu’il te faudra Shy. L’amener dans la grotte permet dans l’immédiat de le mette en sécurité et au milieu de personnes qui s’occuperont correctement de lui. C’est le minimum de ce qu’on lui doit.

- Est-ce que… Est-ce que c’était un garçon ?

J’hésite un instant à répondre. Est-ce qu’on devrait en parler maintenant, ici au milieu d’un carnage qu’on vient tous deux d’aider à commettre ? Avec le seul rescapé, âgé d’à peine quelques mois, entre nos bras ? D’un autre côté, cela n’a que trop attendu. Trois longs mois que ce deuil attend.

- Oui.

Il n’y a rien à ajouter ici.

- Shy, rentrons. Ce petit là a besoin de repos au calme, au chaud, loin du sang et de la mort. Et Hana et Jace ne rêvent que de te voir.

J’hésite un instant puis ajoute :

- Ca m’avait fait un bien fou de les voir juste après… Tu sais.

Pardon, j’ai encore du mal à en parler à l’oral. Mais c’est vrai, les voir m’avait fait du bien. Eux sont encore en vie et ont besoin de nous. Et leur petit frère nous en voudrait probablement beaucoup si on les délaissait.
Chose qui n’arriverait jamais, évidemment. De toute façon ils sont trop mignons pour ça. Beaucoup trop mignons.

J’ajoute avec un léger sourire dans la voix :

- On rentre en téléportation ?

J’ai le droit de me téléporter avec le petit ? Dis Shy, je peux ?

[HRP : Je pense qu’on peut conclure sur ton post, sauf si tu as une idée Smile]
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MessageSujet: Re: Hello darkness my old friend   Hello darkness my old friend EmptyLun 5 Fév 2018 - 23:44

L’enfant s’agite dans mes bras. Il est si petit, tellement innocent et prêt à donner et recevoir de l’amour...
Il est ce que toi tu aurais pu être.
Si petit, si fragile.
Si fort.

- Oui.

C’était un garçon. Le bébé, notre bébé, ce petit être délicat qui a donné sa vie pour son papa, c’était un garçon. Les larmes me submergent un peu plus alors que je me rends compte de l’ampleur du sacrifice de ce petit qui nous aimait plus que tout, peut-être bien plus que quiconque n’a jamais aimé.
Tu aurais été un être extraordinaire.
Non. Tu as été un être extraordinaire.
Et je ne t’oublierai jamais.


- Shy, rentrons. Ce petit là a besoin de repos au calme, au chaud, loin du sang et de la mort. Et Hana et Jace ne rêvent que de te voir.

Hana et Jace, mes enfants. Je dois vivre pour eux, je dois redevenir leur mère, ils n’ont pas à souffrir pour mes erreurs. Et c’est ce que ce bébé aurait voulu, ce que cet ange parti trop tôt aurait désiré. J’en suis intimement convaincue ; il ne voulait que l’amour, de l’amour pour son frère et sa sœur, son frère et sa sœur qui un jour apprendront cette histoire, son frère et sa sœur qui penseront à lui quand nous ne serons plus là avec Takeji pour le faire.
L’ange est immortel, tant que quelqu’un pensera encore à lui.

- Ca m’avait fait un bien fou de les voir juste après… Tu sais.

La voix de Taki se brise un peu. Il n’est pas encore totalement capable d’en parler, c’est normal et moi non plus. Je viens tout juste d’accepter la mort de mon enfant. Mais je dois retrouver les deux autres, ils sont ce que j’ai de plus précieux sur Terre, j’ai besoin d’eux.
Ces trois mois furent si longs. Ils ne méritent pas ça, personne ne mérite ça.

- On rentre en téléportation ?

Je renifle un coup et regarde mon amoureux dans les yeux. Il est si beau, si parfait. Quel homme serait capable de courir après sa femme pendant trois mois ? Qui pourrait encaisser tout ce que je lui ai dit et continuer à m’aimer ? Qui serait prêt à adopter un enfant, ainsi ? Il y a tellement d’amour en Takeji, tellement d’amour dans cet homme. Ce n’est pas étonnant que notre petit ange ait été capable de se sacrifier ainsi pour nous ; il a tout hérité de l’homme extraordinaire que j’ai en face de moi.
J’ai beaucoup subit dans ma vie. Des drames. Je les ai cherchés un peu, parfois, provoqué. Mais souvent ça m’est tombé sur la tête, pour le meilleur comme pour le pire.
Le meilleur. Takeji. Hana. Jace.
Le pire. Cet enfant.
Ça ne sera pas facile de s’en remettre, mais je suis entourée d’amour et je le sais. L’amour est tellement plus puissant que la vengeance, tellement plus fort que la vie.
Et je ne suis pas la seule à souffrir. Je regarde l’enfant dans mes bras ; il a perdu ses parents, de la main de ceux qui l’ont épargné. Un jour il faudra qu’on lui raconte, que c’est nous qui avons tués ses parents et qui étaient ses parents. En attendant j’espère qu’il saura trouver autant d’amour que moi j’en ai dans ma vie.
Et, quelque part, je sais qu’il a déjà un peu mon amour.
Et celui de notre enfant mort-né.

- Téléporte le petit en premier. Et reviens me chercher.

Taki ne perd pas son temps et prend délicatement l’enfant entre ses bras. Je n’ai pas besoin d’attendre plus de cinq minutes avant qu’il ne revienne me chercher. Mais, alors qu’il me tend la main pour établir un contact physique entre nous, j’ai une autre idée.

- Non. On peut se toucher autrement.

Je m’approche alors de ses lèvres et l’embrasse passionnément alors que le monde disparaît autour de nous pour être remplacé par les murs gris et sombres de la grotte.

- Ça m’avait manqué...

Je me détache alors de mon amoureux et regarde autour de moi. Ils sont la première chose que je vois. Hana et Jace, pensé au-dessus d’un petit bébé posé sur un épais tapis et qu’ils semblent surveiller attentivement. C’est sans doute leur papa qui leur a demandé de s’en occuper et les jumeaux prennent leur rôle très au sérieux. Ou alors, est-ce juste leur instinct de grand frère et grande sœur ?
Je n’attends pas plus longtemps avant de me précipiter sur eux et de prendre mes enfants dans mes bras. Je les serre fort, plus fort que tout. Eux aussi m’avait manqué... Plus que tout au monde. Comment ai-je pu les abandonner pendant aussi longtemps ?
Je n’ai rien de plus précieux au monde.

Le bébé babille en dessous de nous et Jace, après quelques câlins, se tourne alors vers l’enfant et nous demande :

- C’est qui bébé ?

Je regarde mes enfants attentivement avant de regarder ce petit être si frêle qui n’a rien demandé à personne et qui se retrouve sans ses parents, dans une grotte remplie d’inconnu. J’inspire alors un grand coup et saisis la main de Takeji.

- C’est votre petit frère.

Je ne sais pas ce que l’avenir nous reserve, mais je sais que ce bébé a besoin de parents et que je ne suis pas en droit de l’en priver. Il a besoin d’amour, d’un papa, d’une maman, d’un grand frère et d’une grande sœur. D’une tata Riri, d’un chat et d’un cactus.
Je prends ensuite mes enfants sur mes genoux alors que Takeji prend l’enfant dans ses bras. Je ne peux plus me détacher de ces quatre-là.
Oui, ces [i[quatre[/i].
Il est temps de raconter.

- Papa et maman doivent vous raconter une histoire...

Je cherche le regard de Taki et dans le sourire sur ses lèvres, je sens tout son soutien. Sans doute que Hana et Jace ne vont pas tout comprendre, mais ce n’est pas grave, ils comprendront quand ils seront plus grands. Et ils ont le droit de savoir.
Et pour nous. J’ai besoin de raconter cette histoire.


Ton histoire.
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Hello darkness my old friend

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