Tant que demain se lève encore

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 Tant que demain se lève encore

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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptySam 16 Sep 2017 - 23:03


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Et la mer… si on allait voir la mer ? »

Cette pensée ne me quitte pas depuis ce matin. Simje est parti très tôt pour aller travailler et moi, comme une femme au foyer, j’ai… décidé de… rester chez lui. Je ne dirais pas que l’extérieur m’effraie, mais après Auschwitz, je me sens un peu… comment dit-on, un peu tendu. Ouais, ça me correspond parfaitement ça, tendu. Du coup, j’ai fait la grasse matinée. La vraie grasse matinée, celle qui te fait halluciner devant ton réveil à tel point que tu secoues ton téléphone et que tu songes à te frapper. Avant de te dire que se faire mal, c’est mal.

En effet, je me suis levé à 10h30. Croyez-le, pour un directeur habitué à se lever entre 5 et 6h du matin et dors en moyenne justement 5 à 6h, se lever à 10h, ça multiplie le temps de sommeil par deux. Par deux, mes chéris. Du coup, il est vrai que je réfléchis à me frapper ou lancer le téléphone contre le mur parce que la demi-mesure ne me connaît pas. Mais heureusement pour le cellulaire, ma tête sortie d’un long, très long sommeil ne parvient pas à émerger ni à me faire articuler le moindre mot.

10h47, je suis toujours au lit, éclaté comme un escargot sous une chaussure, comme une étoile de mer que l’on aurait plongée dans du whisky, comme une pieuvre balancée du troisième étage d’un HLM. C’est déjà le troisième râle de la journée et mes pieds n’ont toujours pas effleuré le sol. J’ai ce qu’on appelle communément la « tête dans le cul ». Ça tombe bien, le trou de balle des escargots est juste à côté de l’orifice respiratoire. Je suis bien dans mon rôle. J’inspire profondément et me prépare à subir la charge gravitationnelle lorsque mon corps se lèvera.

Je repense à cette histoire de voiture. L’autre, le métamorphe, il s’était carapaté à toute vitesse la dernière fois. On n’avait pas eu besoin d’insister. Simje, il avait simplement balancé de la rune sur la voiture pour la masquer et le métamorphe s’était barré l’instant d’après sans demander son reste. Si ça se trouve, il avait véritablement un message important à transmettre qui pourrait changer la face du monde magique mais hey, c’est les vacances, mes vieux d’Orpheo.

Ou comme on dit chez nous, skru deg – ça veut dire allez bien vous faire foutre. No rage.

Je ricane dans le lit et c’est un peu flippant parce que je dois vraiment avoir la haine contre eux à longueur de journée pour y songer à chaque fois que mes pensées se vident. Ouais. Orpheo. Ah. Je me prenais déjà naturellement la tête contre les conservateurs mais alors là, c’est le pompon. La cerise sur le gâteau. La cerise du panier du dessus du gâteau même.
Enfoirés.

Bref, il est bientôt 11h et victoire je passe de la position latérale à la position debout. Et dire qu’il aura fallu des milliers d’années à l’être humain pour faire ça. Je secoue la tête et tout s’enchaîne, les affaires posées en vrac sur le lit et la pseudo réflexion qui la précède, le passage sous la douche, l’habillage, le lavage de dents, le coiffage, le… bref, tout quoi. Hier, c’était un peu une journée off. Je crois que nous étions un peu tous les deux morts, désespérés alors on a juste un peu passé une partie de journée dans l’appartement à radoter comme des vieux et puis on s’est vite fait baladé dans les rues. C’était sans prétention et ça a eu l’effet désiré, rien ne nous est arrivé. Dis comme ça, ça peut paraître banal, mais ça ne l’es pas. Pas avec lui. Interrogez les saints et les anges si vous voulez avoir des réponses aux questions métaphysiques de la chance et dans ce cas, de la malchance.

J’inspire et trouve le monde un peu flou. J’ai l’habitude de travailler avec des lunettes lorsque la nuit commence à se lever sur le bureau mais je ne les utilise pas trop dans d’autres circonstances. Mais là purée c’est flou. Pas flou au point de ne rien me faire distinguer, mais suffisant pour me gêner. Je décide de ne pas trop me poser de questions et cherche un instant mon étui dans mon sac. Puis dans ma valise. Je ne pensais vraiment pas l’avoir amené, mais encore une fois, Allen bourré a tout prévu. Elles ne sont pas particulièrement belles, mais je les aime bien.
Et là, le monde s’agrandit.

Je devrais songer à aller chez l’ophtalmologue et cette pensée me déserte à l’instant où mon téléphone sonne. C’est Phil. Sauf que mon co-directeur directeur ne devrait pas m’appeler à cette heure. Principalement parce qu’à Ottawa, c’est le beau milieu de la nuit et que s’il y a bien un truc que cet homme sait faire, c’est dormir. Déformation professionnelle du métamorphe loup au calme et en sécurité. S’il pouvait dormir 18h par jour, il le ferait.
Sac à puces.

Je décroche, un peu sceptique et l’entend vaguement rire au combiné. Je renifle. Rapidement pourtant, le garçon homme loup propulsé directeur je sais pas m’annonce calmement qu’il est en gala en Suisse parce qu’un nouveau traité de je-ne-sais-quoi va être annoncé et proposé à la signature des principaux QG. Qu’il a prévu de passer me voir s’il a le temps.
Première chose : je lui réponds que c’est pas la peine de passer, que mon hôte est un hôte parfait et que je suis très très content d’être avec lui et que je ne veux pas entendre parler de boulot.
Seconde chose : Qu’un traité européen n’a strictement rien à voir avec le Canada.
Il tente de m’entourlouper à sa façon tout en sachant que ça ne fonctionnera pas et la discussion dérive rapidement sur ce qu’il a mangé dans l’avion. Ça me fait un peu plaisir d’entendre sa voix, aussi je ne raccroche pas immédiatement – même si je m’en tartine le visage de ce qu’il pense de la moquette des avions en première classe. Il est tout content, je pourrais même l’entendre aboyer de bonheur. Mais bon.

La journée démarre donc assez bien. L’appartement est calme, je passe la tête sur la terrasse et écoute le wzwzwz constant des gens qui se baladent dans la rue. Il n’y a pas à dire, c’est dans ces moment-là que je me sens en vacances. Vraiment en vacances.

Je prends le temps de sortir un peu, aller chercher quelques ingrédients parce qu’entre avant-hier et hier, les pancakes il ne les as toujours eus. Alors, après deux-trois emplettes, je remonte les six étages et me pose dans sa cuisine, tranquillement, doucement, comme un soleil qui se lève et qui illumine doucement de ces rayons. Sauf que le temps est nuageux aujourd’hui.
Haha, ma métaphore est somme toute, pourrie. Comme ce temps. Pourri.
Enfin, il paraît qu’ils prévoient du soleil pour l’après-midi. Et l’idée me revient en tête. Si on allait à la mer ? Je voudrais bien dessiner des runes sur le sable aussi, pour voir si ça marche, si ça a d’autres effets. Et puis voir les vagues aussi. Je connais bien les mers du nord, j’en suis natif. Pas de la mer hein, des côtes suédoises plutôt. Je me sentirais nostalgique et puis on pourra manger des fruits de mer si c’est la saison.
Dis, dis Simje, ça te dis pas toi ?

Je plisse les lèvres, à moitié amusé de mes réactions d’enfants et dépose coup après coup les crêpes épaisses les unes sur les autres sur une large assiette. Et derrière, bien en évidence, reflétant le peu de soleil se trouve la bouteille de sirop. Voilà. Un bon repas t’attend mon ami.

Sauf que ce n’est pas le tout mais faut l’attendre, l’ami.
Et l’ami n’a pas dit quand il rentrerait.
Et l’ami n’a pas de portable.
Et l’ami n’a pas de télé pour passer le temps.

Sans l’ami, on s’ennuie.

Alors, je larve. Je sors, je courre un peu et puis je rentre, je me douche à nouveau. J’opte cette fois-ci pour une tenue assez décontracté, un pantalon bleu nuit, un t-shirt beige et une veste associée au pantalon. Oui c’est décontracté, un problème ? Il est près de 13h et… et finalement. Finalement, la porte s’ouvre. Un chien-loup déboule avec motivation face à mon stade larvaire et se fraye un chemin très agité vers le salon. Bah, il ne me remarque même plus. Ce n’est même pas une question de tolérance, non. Je fais juste partie du décor. A partir de là, je suppose que c’est un bon début. Avachi sur le canapé, les yeux rivés sur une série visionnée sur le téléphone, les écouteurs bien ancrés dans les oreilles et une tasse de thé dans la main, je relève lentement les yeux et décroche lentement, mais alors leeeentement un écouteur et émerge de ma pseudo bulle de concentration pour voir débarquer Simje.

-Hello. Ça va, pas trop fatigué ?

Ce n’est pas comme si je me suis levé à 10h30, mon ami. Moi, je pète la forme. Je pourrais courir le marathon. En fait je l’ai même déjà fait. C’est tellement rafraîchissant. Tout est rafraîchissant dans ce pays, même la température. Je reprends une posture un peu plus digne détache finalement la dernière oreillette en ajoutant :

-Je te les avais promis, t’as des pancakes dans la cuisine. Faits maison avec tout mon amour.

Je plisse malicieusement les yeux. Ah ça y est, c’est déjà le bordel dans ma tête. Il ne perd rien pour attendre. Dans la continuité de mon mouvement j’éteins la série en cours sur mon téléphone, ôte et range les fils en les roulant en boule. Voilà, voilà. Je n’ai pas lâché mes lunettes – de toute façon, je suis parti pour les porter toute la journée – et j’observe l’entrée.

-Si tu le sens, j’aimerais bien aller à la mer. Ça fait longtemps et tu pourras m’apprendre à tracer des runes dans le sable.

Je ne sais pas du tout combien de temps de trajet il y a pour aller là-bas et s’il peut emprunter une voiture de service pendant que la sienne est en réparation ou remplacement ou que sais-je. On pourrait aussi y aller en train. Je ne sais pas. Ça peut nous changer, au moins pas de risque de rencontrer un fou-furieux du volant et pas de charge mentale élevée à l’idée de rencontrer un sorcier noir à chaque virage.
Façon de parler hein.


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Simje Voniestosiwjski
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyDim 17 Sep 2017 - 22:54

[Big up pour ton codage, ça claque de ouf ♥]

Quand le réveil sonne, le matin trouve Simje méfiant, les yeux déjà grands ouverts sur l'aube. Son canapé a laissé une marque sur sa joue jusqu'à la tempe, tempe par ailleurs soignée rapidement. Il pose les deux pieds au sol, la louve le regarde de loin.
Toujours pas de prénom.
Il passe les deux mains devant ses yeux, sur ses joues, palpe ses cernes et puis son arcade. Il a un goût âpre sur la langue, celui des levers tôt pas toujours très agréable. Meh bon. Ca te permet de profiter de ton aprèm avec Allen au moins, d'aller travailler tôt.
Il avale un café, fouille et retourne sa cuisine en se rappelant qu'il n'a pas fait les courses avant de trouver un paquets de tucs. Il en mange un, trouve ça dégueu, en mange un deuxième, bordel c'est vraiment pas très bon, un troisième, eh sérieux ça me dégoûte, un quatrième, ouais on gros, t'es con, arrête, pose le paquet, avale un café et part en dévalant les escaliers. La bestiole le suit au train et il la laisse venir avec plaisir. Il passe acheter trois cafés, en dépose un à l'accueil, un sur le bureau d'Hannah qui ne devrait pas tarder. Il ferme ses mains sur le gobelet fumer et ferme les yeux en appréciant sa peau qui se réchauffe contre le carton.

Mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmh. Délicieux.

Bref, il essaie de travailler en étant efficace, ce qui lui est plus difficile que d'habitude. Toutes les choses lui reviennent sans cesse dans la tête, mais alors tout, comme si la présence d'Allen brouillait son cerveau. En même temps le gars est là depuis vraiment pas longtemps et il s'est passé des milliers de trucs déjà. C'est pire qu'une tempête, un ouragan le caribou.
Sauf que Simje lui, il n'est pas en vacances, et ça serait utile pour lui qu'il règle tous les dossiers qui s'entassent sur son bureau. Oui, tous les dossiers.
Même ceux posés par des privés qui font des recherches sur les runes de leur domaines familiaux. Même quand les runes veulent juste dire joli petit bassin aux poissons colorés.
Des barres, heureusement que c'est bien payé.

Bref, l'heure tourne, son ventre grogne, la bête dort à ses pieds, le museau enfoncé dans sa fourrure mais se lève presque toutes les heures pour grogner et s'étirer. Il finit pas se décider à se décoller du bureau et rentre sans trop se presser avant d'arriver en bas de chez lui et se motiver, pas trop le choix non plus, pour monter les milliards de marches.

Wouw, home.

La bestiole se précipite à l'intérieur, grosse qu'elle est, alors que Simje avance avec une certaine lenteur. Allen est posé sur le canapé, avachit même, et tourne la tête en enlevant ses écouteurs. C'est chaud quand même, à nous voir comme ça on pourrait totalement penser qu'on est juste colocataires. Ca passer| oh wait, c'est quoi cette odeur ?

-Hello. Ça va, pas trop fatigué ?


Le Canadien se récolte juste un regard noir et mauvais alors que Simje vient s'asseoir comme une baleine sur le canap. Oui, il se laisse totalement tomber, vieux poulpe qu'il est. La louve vient immédiatement quémander des gratouilles que le polonais lui accorde, glissant ses doigts dans la fourrure par habitude.
J'vais pas répondre, il me nargue trop l'autre, là.

-Je te les avais promis, t’as des pancakes dans la cuisine. Faits maison avec tout mon amour.

Ohhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh [size=10]YES !
Il se lève d'un coup, totalement absorbé par l'idée d'aller grailler quelqu'un chose de chaud et de bon et de sucré, bordel de merde, et il fond dessus directement. Bam, une bonne couche de sirop d'arbre, il la prend à deux mains, oh bordel et mord dedans en s'essayant dans un petit saut sur son plan de travail.

- Mmmmmmh ché délichieux. Merchi beaucoup Allen, t'es un amour.

Il en fait glisser un morceau vers la louve qui le happe discrètement avant de se tirer dans la chambre. Le brun en graille une autre, totalement conquis par la spécialité faite avec, a-mour, c'est quoi qu'il a dit le monsieur.
Il prend le temps de refaire rapidement du café.

-Si tu le sens, j’aimerais bien aller à la mer. Ça fait longtemps et tu pourras m’apprendre à tracer des runes dans le sable.
- La mer ?

Ca met quelques secondes à monter au cerveau de Simje, complètement grillé par le sucre et la chaleur des pancakes entre ses mains. Au moins c'est pas un parc d'attraction ptn. Il hausse les épaules avant de hocher la tête avec conviction.

- Oui bien sûr. En train on peut mettre trois heures trente jusqu'à Gdańsk c'est pas pire. La ville est jolie et après on pourra prendre un taxi, pendant que je reste dans le déni par rapport à la voiture et l'accident, bla-bla-bla.

Il se lève finalement, en se rendant compte qu'il est toujours en jean avec une chemise stricte alors qu'il peut aller se mettre en [i]pyjamaaaaaaaaa
. Il finit son café d'une traite et pose une tasse encore chaude devant Allen (l'addiction au café c'est mal, troisième de la matinée). puis se tire dans sa chambre - chambre qui lui manque atrocement, reviens moi, lit et vire sa chemise (sans oser se mettre en jogging) et passe un t-shirt gris.
Voilà, la flemme.
Il revient dans le salon.

- T'as une passion pour la mer ? Une passion nouvelle pour les runes ? On peut partir maintenant si t'es prêt. T'as eu le temps de glander quoi ce matin ?

Il commence à attraper un sac pour rassembler quelques affaires. Question existentielle, est-ce que on est supposés se baigner là bas ? Ou juste glander sur la plage ?

- On peut emmener la louve d'ailleurs ? Ou tu préfères glander sans bestiole ?

Trop de questions qui sortent juste après le taf, c'est la pression et l'emmerdement qui retombent, faut bien que ça sorte, d'habitude je vais courir mais là c'est Allen que j'ai sous la main, donc c'est Allen que j'emmerde avec un regain d'énergie grâce aux pancakes. Voilà gros, je t'embauche pour tous les autres matins de ma vie.

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Spoiler:
- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyLun 18 Sep 2017 - 17:51


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Faire plaisir à quelqu’un, ça tient finalement à fort peu de choses. »

Tout comme énerver quelqu’un d’ailleurs. Il suffit d’une divergence de point de vue et paf, l’orage gronde au loin. Mais pas avec Simje. Je n’ai que peu tendance à vouloir m’énerver avec lui. Après tout, il m’héberge pendant toute une semaine et on a une malchance du tonnerre, ce serait vilain de ma part de vouloir lui chercher des noises là où il n’y en a pas. En plus… En plus, je n’en ai juste pas envie. Il y a des personnes avec qui je trouve toujours matière à brasser des insultes, d’autres où ça ne passe pas. Phil, par exemple, fait plutôt partie de la première catégorie. Une tête à claque ce gosse. En vérité, il semble capable de diriger un QG mais avec moi, c’est toujours pareil, il glande. Ça me donne deux fois plus de raison de lui foutre une baffe. Il a bien caché son jeu, le serpent.

Simje arrive dans la pièce et je l’assomme immédiatement d’informations pendant que le chien vadrouille dans le salon et renifle partout. Non, je n’ai pas pour habitude de laisser une pièce sale et puisque c’est également le cas du propriétaire, tu ne trouveras en conséquence rien à manger. Oui, même en te pliant en quatre sous la table basse.
Je suis vraiment impressionné par cette capacité qu’ont les chiens à constamment chercher les miettes comme s’il s’agissait de leur seule source de nourriture. Matez-moi ces estomacs sur pattes. Je suis content de ne pas être télépathe avec les animaux, tiens. Enfin bon, j’ai commencé par le plus facile : je ne garde pas d’animaux. Je ne serais pas capable de m’en occuper de toute manière, l’animal pourrait décéder trois fois avant que je ne m’intéresse à lui.

Je suis des yeux le mouvement de l’humain jusqu’à la cuisine et déduit du ventre sur pattes courant vers son maître qu’il s’apprête à goûter dès maintenant à ma petite préparation. Je suis un peu curieux de savoir s’il va apprécier. Bon, les pancakes, c’est une valeur sûre quand même. J’ai rarement entendu parler de personnes détestant les pancakes. Ce serait comme détester les crêpes. Et même, même si c’était le cas, il suffirait de bien peu de choses pour modifier les quantités, ajouter du rhum ou de la vanille, ajuster selon ses goûts quoi. Un peu comme le pain. Sauf que les pancakes c’est encore meilleur que le pain.

- Mmmmmmh ché délichieux. Merchi beaucoup Allen, t’es un amour.
-Tout le plaisir est pour moi.

Je me surprends tout de même à lâcher un tout petit soupir soulagé. Allons bon, maintenant je doute de moi, surtout pour des travaux aussi faciles que cuisiner des pancakes. Décidément, j’ai l’impression d’avoir bien changé depuis cette satanée mise à pied. Ah. Je passe les mots précédents en sourdine et préfère me concentrer sur le visage assez ravi du polonais. Deux minutes après son regard noir. La nourriture fait tout.
Peut-être pour ça que les chiens en raffolent tant, vous me direz.
Le sixième sens du chien : la bouffe.

Mon téléphone tourne entre mes doigts et je ne bouge par ailleurs pas d’un micromètre, conquis par l’expression de l’autre homme de l’appartement. Je n’ai pas l’intention de lui manger le reste, je me suis déjà servi en premier, histoire vérifier le goût au cas où. Bon, par gourmandise aussi, faut pas pousser.

-Si tu veux, je te passerai la recette, comme ça tu penseras à moi à chaque fois que tu la feras.

La phrase est lancée de manière très sérieuse, mais mes yeux pétillent de malice. Manquerait plus qu’il me dise que je lui en doit et que je n’ai qu’à les lui envoyer par courrier. Ce serait drôle mais… Je ne suis pas tout à fait sûr que les consommables comme ça tiendraient aussi bien. Bah, je n’aurais qu’à l’inviter chez moi. Quand j’y pense, je n’ai jamais vraiment reçu de personnes à la maison. Ce serait peut-être l’occasion maintenant que je me suis habitué à la présence de Kelyann. J’espère qu’il ne m’en veut pas trop pour ne pas l’avoir emmené avec moi, mais ça risquait d’être assez coloré dirons-nous s’il était venu en plus. Pauvre Simje nous aurait foutu à la porte en une demi-journée.
Bon, en même temps, il n’aurait du coup sans doute pas perdu sa voiture dans l’affaire.

A un moment faut choisir.

- La mer ?

Oui. Il a l’air surpris. Et puis pas tant que ça au final. C’est Simje quoi. On ne sait jamais trop et en plus j’ai fait des progrès fulgurants pour ne plus épier ses pensées. Non, vraiment, je commence à tenir ma promesse. Croyez-moi. Il hausse les épaules et finit par accéder à ma proposition. Est-ce que c’est sorti de nulle part ? Ouais, un peu c’est vrai. Mais nous nous trouvons déjà en début d’après-midi et la mer n’est tout de même pas juste à côté. Ce n’est même pas sûr que nous puissions nous y rendre sans rentrer à 2h du matin ou passer le week-end prolongé là-bas. D’ailleurs, au final Sim il travaille le dimanche ? C’est vrai que j’ai perdu mes points de repères mais j’ai encore mon téléphone pour me rappeler que les jours passent. Bon, après Orpheo il fonctionne 24h/24 et 7j/7 et ça m’arrive aussi de faire des week-end de semaines mais… Mais du coup on pourrait partir jusqu’à demain non ?

- Oui bien sûr. En train on peut mettre trois heures trente jusqu’à Gdansk c’est pas pire. La ville est jolie et après on pourra prendre un taxi.

Ouais donc 3h30. Ça fait une arrivée pas avant 17h environ. Et même si on repartait immédiatement, on ne serait pas rentré à la maison avant 20h30. Moralité… moralité, il vaut mieux partir maintenant. Ou dès que possible. Maintenant quoi. Simje part en grande enjambée vers la chambre en déposant une tasse de café devant moi au passage et ferme la porte derrière lui. Bon, je suppose que ça veut dire qu’on pourra partir incessamment sous peu. Je regarde la tasse et la refroidit légèrement de manière à pouvoir la boire d’une traite sans me brûler la langue. Vraiment, c’est le meilleur pouvoir au monde ça. Pendant ce temps, je regarde un peu ce qu’a à m’offrir la ville sur mon téléphone par rapport à la prononciation du brun mais abandonne rapidement après différentes orthographes ne menant à rien. Va vraiment falloir que je m’améliore en polonais.
Et pour dire autre chose que « je m’appelle Allen et je suis un caribou. ».

Surtout que même ça, je ne m’en souviens plus.

Simje le wzwzwz revient quelques instants plus tard après s’être changé et m’assomme de questions sans demander son reste, tout en préparant son sac. Je devrais carrément aller faire de même mais comme je l’ai dit, les questions sont balancées à toute vitesse.

- T’as une passion pour la mer ? Une passion nouvelle pour les runes ? On peut partir maintenant si t’es prêt. T’as eu le temps de glander quoi ce matin ?

Deux secondes de latence.

- On peut emmener la louve d’ailleurs ? Ou tu préfères glander sans bestiole ?

Okey mon chou, on se calme. Je passe une main dans mes cheveux pour rabattre les mèches bouclées autre part que devant mes yeux et me lève pour aller moi aussi préparer deux-trois petites choses. Le temps pour moi d’avoir à mon tour des questions à lui poser. C’est toujours bien de renvoyer une partie d’ascenseur. On fait comme les politiques, on se pose des questions et on répond à côté de la plaque. Ça tombe bien, à peu de choses près, je suis effectivement amené à me la jouer politique.
Je passe la tête à travers la porte et lance alors :

-Tu dois travailler demain ? Non parce que 3h30 de trajet, je ne sais pas toi, mais je me sens mal à l’idée de passer juste une soirée là-bas et rentrer en plein milieu de nuit. Après je m’adapte à tes horaires mais je dis ça aussi pour toi.

Au moins, ça me donnera peut-être l’occasion de… de lui chanter une berceuse dans le train ? Haha. Les gens risquent de nous prendre pour des fous. Des tarés. Des attardés. Voyez ce que les vacances entraînent sur mon cerveau. Il fonctionne à l’inverse de ses habitudes. Le sérieux est en instance de divorce et je ne parle même pas du respect.
Ouais, je suis un polygame des sentiments.

Je prévois de quoi tenir une journée supplémentaire et entre dans une humeur guillerette. Ah, avec tout ça je ne lui ai toujours pas répondu. Méchant Allen. Alors, j’ajuste les lunettes sur mon nez et repasse la tête par la porte de la chambre tout en tâchant de me souvenir de toutes ses interrogations.

-On emporte ton chien si tu veux, elle ne me dérange pas. Euh sinon, j’ai pas de passion pour la mer mais j’aime bien la voir. Je te passe ma psychologie de comptoir. Et je ne sais pas, comme on n’a pas trop eu le temps – ou on avait juste la flemme en fait – de tester des runes, je me suis dit que ça pouvait être marrant de faire ça dans le sable. Je ne sais même pas si ça fonctionne en fait.

On aurait l’air de gros gamins à faire des dessins sur le sable avec un bout de bois, mais l’image est plaisante, le soir avec un début de brise nocturne. Il faut que je pense à emmener des vêtements chauds. Je devrais peut-être me prendre quelques verres pour jouer le Allen-bourré-qui-n’oublie-rien-dans-son-sac. Qui sait, si ça se trouve je me suis découvert un nouveau don bien inutile. Haha.
Bon, ce n’est pas tout mais plus j’y pense et plus on devrait vraiment rester là-bas un peu plus longtemps. Et puis on fera des châteaux de sable. Bon, je dis ça, ça va se finir en balade sur le bord de la route parce que je n’assumerais pas de jouer l’enfant trop longtemps – sauf pour faire des runes, surtout si on fait ça la nuit pour ne pas trop se faire repérer. Ce serait bête de révéler le Secret et de véritablement se faire virer d’Orpheo cette fois. Haha. Ha.

-Et sinon puisque je me suis levé excessivement tard ce matin, je n’ai pas fait grand-chose. Tes pancakes, un peu de jogging et à peine quarante minutes de téléphone. Ah et j’ai rembarré mon co-directeur parce qu’il voulait se pointer ici comme il est en Suisse en ce moment. Voilà voilà. Ça a été toi ?

Mes mains se ferment sur la fermeture éclair et je fais passer mon sac sur mon épaule. J’ai les produits de première nécessité et puisqu’on risque de finir en hôtel si le monsieur est d’accord, nous aurons tout ce qu’il faut pour nous doucher ou autre. Et j’ai pris un maillot, même si je doute de ma capacité à entrer dans ces eaux-là.
En tout cas, si elles sont aussi fraîches que la Suède, ça risque d’être tendu du slip.

J’inspire et sort de la chambre avec mon matériel apprêté dans le dos.

-Bref, je suis prêt, on bouge quand t’es bon. Et emporte les pancakes, sinon ils vont être moins bons à notre retour.

Ne négligeons pas la solitude d’un plat cuisiné, livré à lui-même dans l’attente d’une bouche prête à l’apprécier.
Voilà voilà.


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Simje Voniestosiwjski
Simje Voniestosiwjski
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyMar 19 Sep 2017 - 22:45

Mmmmmmmmmmmh pancakes.
Pourquoi est-ce que j'ai pas un Allen de poche ? Un homme à la maison qui nettoie l'appart et fait à manger ? Non, en vrai c'est glauque puis j'aime bien nettoyer mon chez-moi. Je sais que ça peut paraître un peu bizarre voir déplacé mais c'est vraiment pas le cas. J'aime juste que ça sente frais et je hais profondément les poils de chiens. Et puis avouez que rentrer dans une salle de bain propre ça claque et ça fait trop plaisir.
Vous savez ce qui me manque le plus dans l'histoire ? Les bains. Chez mes parents, j'avais une baignoire perso s'il vous plaît. Ici juste une douche où il faut rester debout et tout. Genre fatiguant. Horrible. Il y a des thermes absolument partout ici mais quand même c'est pas pareil, il y a toujours ces très très vieux polonais, tous poilus et tout gros qui restent dans les bains chauds pleins de souffre toute la journée sans bouger, en grognant dans leur langue natale sur tous les étrangers qu'ils croisent. Une bonne ambiance quoi.
Aucun rapport avec rien cette discussion.


-Tout le plaisir est pour moi.

Mmph. Voilà, nouveau couinement de satisfaction. C'est pas souvent que je prends le temps de me faire à manger des trucs vraiment bons, et ça arrive carrément jamais que y'ait quelque chose de bon et de tout prêt à être graillé quand je rentre du taf.
Rien que pour ça ça vaut le coup d'avoir invité Allen.
Ouais, les pancakes valent plus le coup que la voiture ouais.
Reste dans le déni Simje stp.


-Si tu veux, je te passerai la recette, comme ça tu penseras à moi à chaque fois que tu la feras.

- Non, sinon j'ai un plan un peu mieux, tu deviens le faiseur officiel de pancakes. Comme ça on sera obligés de se voir à chaque fois que j'en voudrais.

Simje le regard avec ce grand sourire si particulier. Simje la princesse j'ai nommé. Ca me va très bien de cette façon, j'espère que lui aussi, comme ça à chaque fois que j'aurais eu une journée un peu pourrie au taf il fera mille heures d'avion pour venir me voir aussi. Parce que je suis vraiment quelqu'un d'exceptionnel. Et que tout le monde m'aime.
Tout, le, monde.


-Tu dois travailler demain ? Non parce que 3h30 de trajet, je ne sais pas toi, mais je me sens mal à l’idée de passer juste une soirée là-bas et rentrer en plein milieu de nuit. Après je m’adapte à tes horaires mais je dis ça aussi pour toi.

Euh ouais aucun rapport avec mes questions par contre, le mec, oh là là, aucune éducation, c'est hyper mal poli de répondre à des questions par des questions et surtout qui n'ont vraiment aucun rapport. "Oh tu viens chez moi demain Allen ?" "Simje, qu'est-ce que tu penses des baleines bleues qui se font grailler par des orques ?"
Putain.


Il reste donc comme un enfant avec un air renfrogné du gars qui en plus n'a pas vraiment écouté les questions. Il répond donc très simplement en grognant.

- C'est moi qui fait mes horaires, si j'veux pas travailler demain, j'travaille pas demain.

Quel niveau de maturité ? Proche de 0. On se demande si il n'y a pas des chiffres après la virgule mais quoi qu'il en soit ça ne dépasse pas 1. Et puis vraiment, mais alors vraiment pas.

-On emporte ton chien si tu veux, elle ne me dérange pas. Euh sinon, j’ai pas de passion pour la mer mais j’aime bien la voir. Je te passe ma psychologie de comptoir. Et je ne sais pas, comme on n’a pas trop eu le temps de tester des runes, je me suis dit que ça pouvait être marrant de faire ça dans le sable. Je ne sais même pas si ça fonctionne en fait. Allen à l'air plutôt content, vraiment satisfait d'aller à la mer le garçon alors que genre, le gars vie au canada et qu'il pourrait aller la voir tous les jours, la mer.


Enfin non, pas la mer du tout mais plutôt l'océan. Est-ce que y'a vraiment une différence ? Non. Des poissons, des crabes, voilà.

- Allen passion crustacés.


Et il rigole en plus, le débile. Il rigole.

- On fait faire les runes dans le sable aux enfants à l'école élémentaire. Ca sera parfait pour apprendre.

Est-ce que c'est du foutage de gueule ? Mon capitaine, quelqu'un nous annonce que oui, ici il y a de la moquerie, on le sent à plein nez !
Bref, il continue de faire ses affaires et attrape une veste en jean qui est tellement, mais alors tellement usée et la met dans un sac avant de retourner dans la chambre pour prendre un gros hoodie. De toute façon Allen il s'habille genre trop chics alors que soit, c'est soit t-shirt, soit chemise et gros hoodie du réconfort quand il fait froid. Mmmh réconfort. De toute façon c'est toujours pareil, il prend toujours sa veste en jean mais quand il doit faire le choix entre un gros pull moelleux et la veste au tissu froid et dur, et ben..

-Et sinon puisque je me suis levé excessivement tard ce matin, je n’ai pas fait grand-chose. Tes pancakes, un peu de jogging et à peine quarante minutes de téléphone. Ah et j’ai rembarré mon co-directeur parce qu’il voulait se pointer ici comme il est en Suisse en ce moment. Voilà voilà. Ça a été toi ?

C'est hyper méchant d'appuyer sur le excessivement, comme ça, alors que moi c'était excessivement tôt. Mais bon. Simje hoche la tête, d'accord d'accord, très bien mon ami avant de répondre poliment.

- Il aurait pu venir, ça aurait pas été dérangeant.

Il ne répond pas à la question du taf, ce n'est pas vraiment fait exprès mais d'un autre côté on va pas parler boulot, tout le monde s'en bat les couilles non ? C'est gentil qu'Allen soit - pour une fois - poli ceci dit.
Gentil Allen.
Allen qui sort à son tour de la chambre, tout habillé et tout prêt.

-Bref, je suis prêt, on bouge quand t’es bon. Et emporte les pancakes, sinon ils vont être moins bons à notre retour.

Simje hoche la tête, balance les pancakes dans un tupper en verre. Il boucle son sac aussi après y avoir ajouté une bouteille d'eau et une gamelle flexible en caoutchouc. Il ouvre la porte, siffle la bête qui dévale les escaliers huit à huit.
Ils descend tous les deux dans la rue bruyante à cette heure ci mais plus chaudes qu'aux premières lueurs du matin. La gare n'est pas très loin mais quand même plus de vingt minutes à pieds et comme ils n'ont pas vraiment de temps à perdre Simje hèle un taxi.
Taxi pouf, jusqu'au train.

- Tu seras pas surpris, c'est spécial ici aussi.

[i]Du genre les pannes des fois, ou les contrôleurs aléatoires ou genre les conducteurs de train qui s'arrêtent sur la voie et descendent fumer une clope au milieu de nulle part sans aucune pression.


- Tu connais quoi comme runes de base d'ailleurs ?

Simje est posément en tailleur sur son siège, sans respect. La louve se lève d'ailleurs en entendant à nouveau sa voix mais décide d'aller voir Allen et de poser sa tête sur les genoux du canadien et si tu la répudies, walah tu descends de ce train.
Bref, ils se font donc secouer comme des patates trimballées sur le marchée alors que ouais, c'est parti pour trois putain d'heures de train.

_________________

Tant que demain se lève encore 548ecdfe6e3d39f62c8a862cd99aed47ae1f7f22

Spoiler:
- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


You'll be loved but not by me.
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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 21 Sep 2017 - 16:24


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Ça fait brûler un petit feu dans le cœur. »

Un petit feu accueillant aussi doux que du duvet. J’aime bien la chaleur, vous l’aurez compris. Quoi de mieux en même temps. Un lit chaud dans lequel se rouler en boule le soir. Ça me donne des palpitations rien qu’à y penser. Bon, c’est vrai que dans un autre temps, ça doit bien faire seulement… quatre heures que j’ai quitté ce même lit. Mais ce n’est pas le mien. Il n’a pas la même odeur et ça me perturbe un peu c’est vrai. Bon, ça reste un bon lit, je ne vais pas le dénigrer mais… mais ça n’est pas mon lit.

Voilà, ma psychologie du début d’après-midi commence très mal si je suis déjà en train de parler de sommeil et de comment que c’est agréable de dormir. Comment que c’est agréable. Oui bien sûr, même la syntaxe est au top de sa forme à ce que je vois. Et le polonais qui dévore des yeux et de la bouche les pancakes sur le plan de travail de la cuisine. Il a vraiment l’air d’adorer et je finis par me sentir un peu gêné par tant de reconnaissance. Il est tout sympa, tout doux comme un nuage. Voilà, Simje c’est un peu un nuage là. Il plane tout seul et savoure son petit moment. Sauf que j’y participe pour un peu et ça me touche. Voilà, je suis sensible aussi et je cache ça sous des beaux habits et une stature. Enfin, Simsim il le sait ça. J’ai même acheté son silence avec du sirop d’érable pour ne pas qu’il le raconte.

Du coup, lorsque je lui propose de lui fournir la recette afin qu’il puisse réitérer cet instant de pur bonheur, tout ce qu’il trouve à me répondre, c’est un :

- Non, sinon j'ai un plan un peu mieux, tu deviens le faiseur officiel de pancakes. Comme ça on sera obligés de se voir à chaque fois que j'en voudrais.

Et il me sourit en grand. Je tousse un peu en passant mon poing devant ma bouche et détournant subitement les yeux. Il veut bien arrêter de dire des trucs gênants ? Nan, mais je vous jure, bientôt, il va me demander d’habiter avec lui si ça continue. Enfin, pour me sortir ça, il faudra trouver une meilleure excuse que les pancakes parce que sitôt la mi-novembre arrivée, Allen revêtira de nouveau son habit de directeur et là les voyages en Pologne ils seront moins faciles à programmer. Enfin, ça ne l’empêche pas de venir.
Attendez, c’est même une très très bonne idée ça. Je recentre mon regard sur lui et annonce :

-Tant qu’à faire, la prochaine que tu en voudras, tu pourras simplement venir me voir. Je t’hébergerai chez moi.

Je manque de lui faire un clin d’œil tout en me souvenant que non, je ne sais pas cligner des yeux. Je me contente de relever le bord de mes lèvres, espiègle sur les bords. Mais bon, là n’est pas la question, il nous faut encore commencer par terminer – oui bien sûr – cette petite semaine en Pologne. Ça fait seulement 4 jours et j’ai l’impression d’en connaître tellement plus sur Simje. Pas le genre de choses sur lequel on peut mettre des mots malheureusement. C’est davantage des expressions. Bref, on ne va pas se lancer dans la psychologie de Simje, parce que je sais que c’est que c’est très mal de penser connaître quelqu’un. Surtout après 4 jours, une mission suicide et un crâmage de QG.
Voilà voilà.

On en arrive donc à parler – nan en fait, c’est moi qui lui demande – de jours de congés pour passer un peu plus de temps à la mer. Parce que ça ne m’a pas l’air tout à fait tout près. Bon, certainement moins loin que Ottawa vers les plus proches côtes – quoique, dans ce cas, je prends directement l’avion – mais tout de même. Et puis j’ai rarement le temps d’aller à la mer, faut quand même l’avouer. Profitons des vacances, comme on dit. Mais, parce que je n’ai pas simplement l’intention de ne penser qu’à moi, je m’arrange tout de même pour savoir si cela ne le dérange pas. Je peux bien évidemment m’adapter à ses horaires.

- C'est moi qui fait mes horaires, si j'veux pas travailler demain, j'travaille pas demain.

« Et toc », j’ai envie d’ajouter. Je crois que c’est une condition d’Orpheo ça, de ne pas avoir d’horaires tant qu’on fait notre boulot. Les heures supplémentaires tout ça, ils s’en foutent. Bon, il y a ceux qui vivent de missions et là, c’est autre chose, tu dois être disponible n’importe quand pour partir. Les métiers de bureau, c’est mieux. Pas de risques inutiles de se faire tuer, de partir à l’autre bout du monde. Enfin, je dis ça, je suis quand même parti au Sri Lanka. Est-ce que c’était une bonne idée ? Au final, on est vivants et je n’aurais certainement jamais cherché à revoir Simje si nous n’avions pas vécu ça.
Un grand mal pour un bien ? Est-ce que le jeu en valait la chandelle ?

Impossible à dire, c’est fait, c’est tout.

Donc, Monsieur-qui-fait-ses-horaires m’assure qu’on ne risque rien à prendre deux jours. Bien Monsieur. A vos ordres Monsieur. Partons donc. Je prépare de quoi survivre à l’aise – ceci est paradoxal – et répond à son avalanche de questions sans fin dans un long, long monologue.

- Allen passion crustacés. On fait faire les runes dans le sable aux enfants à l'école élémentaire. Ca sera parfait pour apprendre.

Et il se marre. Je lève un sourcil en souriant également. C’est ça, fous-toi de moi. Je ne me souviens même plus avoir jamais tracé dans le sable en primaire. Je faisais ça avec… du papier et des pastels gras. On faisait des runes totalement inoffensives qui, même mal tracées, n’entraînait strictement rien de problématique. Et je me souviens de quelques-unes. C’était souvent des changements d’états à d’autre, du froid au chaud, du rigide au mou. C’était drôle. Mais hey, des fois ça peut toujours servir. Même si c’est d’une facilité déconcertante. Et que j’en ai certainement oublié des dizaines.

-Faites gaffe, M. le Professeur, je n’ai pas souvent été le gamin très obéissant.

Bon, c’est totalement faux hein. Tant qu’on ne me cherchait pas trop, je restais très très mignon, choupinet, ce que vous voulez. J’ai toujours eu un grand respect pour la hiérarchie parce que ça fait partie des valeurs familiales – matraquage de gosse – et donc je me suis rarement rebellé même en cas d’injustice.
Jusqu’au Sri Lanka.
Haha.

Ils ne perdent rien pour attendre, ceux-là.

Bref, va pour les runes dans le sable comme des gamins de primaire. Et puis on mangera des moules et ce sera génial. Je suis tout content et ça fait des bulles dans mon ventre pour une raison que j’ignore. Le café qui est descendu un peu trop vite probablement.

- Il aurait pu venir, ça aurait pas été dérangeant.

Mon co-directeur ? Bouahahahaha.
Non, juste non. C’est un amour et un branleur de première mais je ne veux pas de lui pendant que je suis en vacances. S’il avait su que nous partions à la mer, il aurait été capable de muter toute la journée pour faire genre c’est notre chien. Avec la louve de Simje, ça aurait fait une famille de taré. Donc, très peu pour moi. Ah, ça me fout des frissons partout. Vous comprenez pourquoi je ne suis pas bien avec les animaux ? Vous imaginez, vous, gratouiller le dessus de la tête de votre co-directeur ? Moi, c’est ce que je vois dans chaque, et je dis bien chaque animal qui me regarde. Que ce soit un chat, un chien, un macaque, un perroquet, un rhinocéros, un mammouth ou un dinosaure. Qui vous dit qu’un métamorphe ne se cache pas derrière chaque visage de vos animaux de compagnie ? Hahaaa, tout de suite, ça change hein. Le nombre de fois que vous vous êtes déshabillés devant eux pour aller à la douche, que vous avez chanté faux ou dansé pire qu’un pantin.

Ils vous jugeaient.
So, i’ll never have one.

Je secoue la tête, affligé, et répond :

-Crois-moi, on est mieux sans lui. Laaaaargement mieux.

Il nous aurait épié, il nous aurait jugé. Les métamorphes sont partout. Le pigeon à ta fenêtre ? Métamorphe. Ton poisson-rouge ? Un métamorphe. Te fais pas avoir par les poissons-rouges. Ils font style ils sont cons, ils dépriment et tournent en rond dans leur bocal. Que nenni. La nuit venue, ils sautent et c’est la rave party avec le chat de la maison. Toi aussi tu te demandais comment ton poisson a pu faire des bébés poissons. Un conseil : ne te pose pas trop la question.
Non, je n’ai confiance en aucun animal et je pense que si j’étais télépathe avec eux, ce serait encore pire.

Bien, j’en arrive donc à suivre Simje dans les escaliers, descendre les six étages – plus facile à descendre qu’à monter – prendre un taxi et monter dans le train. Pendant ce temps, parce que cette ellipse est résumée à un tel point qu’on croit que tout ceci n’a pris que quelques minutes alors que non ; Bref pendant ce temps, je parcoure les listes d’hôtels de la ville dans laquelle nous allons, ayant finalement trouvé la bonne orthographe à l’aide de mon polonais gentil tout mignon, et réserve l’un d’eux à mon nom. Enfin, avant ça, il est quand même nécessaire de prévenir Simje de la position de l’hôtel. Je lui tape donc sur l’épaule, dans le taxi et lui montre l’emplacement GPS de l’hôtel, à deux pas du port. Assez loin de la mer finalement mais au sein de la ville au moins. J’ai vu un Hilton mais ça pullule trop au Canada alors je l’ai retiré de mes choix. Bon, faut pas abuser non plus, je suis une princesse qui aime la culture, le traditionnel et tout mais j’ai un seuil de vie assez haut quand même. Assez confortable quoi. Ça commence par éviter de m’emmener chez les petites mamies qui louent leurs appartements et où ça sent le vieux de partout. Hey, le Canada, ça reste un pays jeune. Les bicoques du XIIe siècle, y’en a pas trop trop. Pour ne pas dire aucun.
On disait quoi ? Ah oui, je suis une princesse.

-Je réserve dans cet hôtel. Ils ont un SPA en plus si jamais on veut vraiment décompresser. – Genre pour ta voiture – On peut soit prendre deux chambres ou une double. A toi de voir si tu me supportes si je ronfle.

Et je lui fais un clin d’œil. Et c’est évidemment raté mais c’est parti tout seul. Me juge pas toi aussi. Enfin, c’est Simje, il va me juger. Je m’en fiche, je commence à réussir à ne plus l’épier. C’est une avancée majeure. Retenez bien ça.

On arrive, le train arrive, nous montons dedans sans aucun stress pour le chien loup trop grand. Ça, va, il n’y a pas trop de contrôles dans ce pays ? Je ne savais même pas que ce genre de gabarit pouvait passer en train. Enfin, ça n’a l’air de gêner personne. Heureusement que personne n’a l’air allergique aux poils. Ce serait bête. Très bête. Je souffle et m’installe face à Simje, les bras croisés et le regard porté sur le paysage qui défile de plus en plus vite. Mes affaires sont à côté de moi et je constate que nous ne sommes pas très nombreux dans le wagon. Bien bien bien.

- Tu seras pas surpris, c'est spécial ici aussi.

Je lève les yeux vers lui et aaah, c’est plus fort que moi, je ne pige ce qu’il me dit et attend la description plus conséquente dans son esprit. J’ai dit que je ne le ferais plus. Je sais. C’est mal. Mais c’est un réflexe. Et comme je suis vraiment vraiment doué et que je m’encrasse jusqu’au bout quand je commence et que je suis en vacances et que… Bah, je tends le bâton pour me frapper, un peu choqué.

-Le train qui s’arrête pour que l’autre aille fumer, sérieux ? Ça compte comme retard, au travail, ce genre d’excuse ?

Non, mais, il faut quand même avouer que c’est assez dingue. « Pardon, j’ai deux heures de retard parce que mon conducteur était un gros toxicomane et qu’il s’est enfilé plusieurs paquets en une heure ». Mate un peu le schéma. Les lois en Pologne, ça doit être quelque chose. Enfin, ils ont aussi certainement plus de liberté. C’est bien… mais pas dans les métiers tertiaires quoi. La catastrophe si on faisait ça au Canada. « Votre avion a été supprimé parce que votre pilote ne s’est pas levé ce matin et que comme tout est réglé à la seconde près, il n’y a plus un créneau de libre sur la journée. Bon courage. » #Connards.
Allen… Allen.

Je me rends subitement compte de ma phrase et malaxe ma lèvre, un peu gêné, avant de lever un peu les mains, abattu, tout en soupirant.

-Ok, désolé. J’te jure, c’est la première fois que je lis tes pensées depuis que je suis là. Tu m’as pris au dépourvu avec ta phrase.

C’est vrai quoi. Balance pas des mots aléatoires, je ne suis pas dans ta tête. Enfin, si je peux l’être mais c’est toi qui m’en a empêché. Assume jusqu’au bout. Je relève les yeux et recroise les bras parce que ça reste la meilleure solution de défense de l’être humain – et non je ne boude pas, merci bien.

- Tu connais quoi comme runes de base d'ailleurs ?

Et dans le même instant, je manque de sursauter au moment où le chien pose sa tête sur mon genou. Aj. Les animaux ne sont-ils pas censés avoir ce sixième sens qui les poussent à ne fréquenter que des gens qui les aiment ? Est-ce qu’elle pense que je l’apprécie ? Ou bien, c’est une mission pour abattre ma méfiance ? Difficile à dire. Je lui patpat vite fait le sommet de la tête, un peu mal à l’aise sur les bords et prie intérieurement pour qu’elle n’empiète pas trop sur mon espace personnel. Bon, je les déteste pas non plus, c’est marrant à aller voir au zoo. Et les bébés aussi. Ça, c’est difficile de résister aux peluches vivantes. Avec leurs petites pattes là. Mooh.
Bref.

Des runes de base donc.

-Mes connaissances remontent à l’école et j’ai beau en voir très souvent, ça reste visuel, je ne m’entraîne pas à les tracer. Au niveau de la complexité, je ne sais pas non plus, j’utilise celles qui me servent au quotidien : verrouillage, insonorisation, lumière. Il y a aussi celles qu’on utilise comme catalyseur et dont j’ai oublié le nom. Qui augmentent la concentration, ce genre de choses. J’ai de meilleures connaissances en runes sur des supports inanimés.

Qu’on ne s’amuse pas à tracer sur soi quoi.
Ou sur les autres.
N’est-ce pas, Simje.

Bref, il est vrai que je ne connais pas beaucoup de choses sur les runes. En même temps, c’est comme tout, tant que ça ne nous sert pas, on ne trouve pas l’utilité de les apprendre. Mais bon, à mon niveau, ce serait bien de me mettre à la page. J’ai l’habitude d’avoir du travail mâché qui m’arrive directement des instituts de recherche, alors les runes, elles font le plus souvent simplement office d’illustrations et je les regarde rarement.
Mais ça ne m’empêche pas de m’y intéresser. Et puis, avec Simje ça promet.
Juste pour ça, je serais capable de beaucoup de choses.

Je pose mon coude sur la petite table nous séparant et pose ma main en appui-tête en plissant les yeux d’amusement :

-Alors, M. Le Professeur, c’est quoi votre programme pour me faire travailler ?

Je ris après coup et le temps passe un peu plus vite. J’ai probablement dû un peu piquer du nez, parce qu’il n’y a rien de pire que le train pour me faire dormir. Enfin bon. Toujours est-il que finalement, après un temps aléatoire parfois court parfois long, nous arrivons dans cette ville polonaise de bord de mer. Bon, alors, il fait un peu plus froid quand même, mais c’est encore vivable. Et puis, il y a du soleil, c’est pas négligeable du tout. Je passe mon sac sur mon dos et déclenche le GPS pour nous emmener jusqu’à l’hôtel histoire de poser un peu nos affaires avant de repartir.
Voir. La. Mer.

Vingt minutes de marche plus tard et l’hôtel cinq étoiles apparaît de l’autre côté du port. Des bateaux. DES BATEAUX. C’est super mignon. Et il y a un peu de monde. Et il y a plein de maisons en briques et pleines de couleur. Et de wzwzwz dans l’air. Et aussi de l’anglais. Et de l’étranger. Et un jeune qui se décrotte le nez non loin. Et des restaurants partout où les écritures sur les ardoises sont incompréhensibles.

-C’est super sympa comme ville en fait. Oh là là, tu penses qu’on peut faire du bateau ?

Allen, directeur de QG, cinq ans d’âge mental.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyDim 24 Sep 2017 - 11:45

Ca passe vite quand même. C'est incroyable, Allen il va repartir et je vais juste retourner dans le moi de avant. J'veux dire le train-train quotidien, et la louve, et l'appartement et le travail. Et c'est tout.
C'est beau d'avoir des projets d'avenir joyeux Simje, c'est bien même. Il faudrait peut être s'ouvrir à des missions extérieures pour voyager un peu quand même. Ca me rappelle Rosie qui disait que y'a rien de plus précieux que de pouvoir serrer quelqu'un à la nuit tombée. Quelqu'un pour chauffer les draps avec soi, quelqu'un qui offre du temps et ouvre les bras.
On est différents, n'est-ce pas ?


-Tant qu’à faire, la prochaine que tu en voudras, tu pourras simplement venir me voir. Je t’hébergerai chez moi.

Simje lui offre un sourire en coin avec un regard appuyé en haussant les épaules. Il trouve ça vraiment gentil de proposer mais il sait aussi à quoi ressemble la vraie vie. Peu de temps pour les gens loin, qui ne partagent pas le quotidien. Encore moins pour les gens qui sont juste sortis de nulle part qui ne sont pas fait pour trainer sur le même chemin que vous. Alors il hausse les épaules l'air de dire ouais, on verra ça. On verra ça.

-Faites gaffe, M. le Professeur, je n’ai pas souvent été le gamin très obéissant.

Aaaaaah mais c'est qu'en plus il cherche le petit Allen ? Il va se retrouver dans le flotte, il va pas trop trop rigoler le caribou, mh. Oh wait, super idée, si j'essaie de convaincre la louve de traîner Allen dans la mer j'suis sûr que ça peut marcher.
Après je parle pas le chien quoi, donc ça risque d'être compliqué. Vous pensez que lire dans les pensées des gens et des animaux ça change quelque chose ? Parce qu'en soit on est des animaux. Donc que les lecteurs des pensées humaines soient incapable de lire ceux des bêtes, passe, ils sont cantonnés dans leur propre espèce. Mais ceux qui lisent ceux de tous les animaux je trouve ça chelou quand même.

Bref.

- Je suis un professeur très doué, t'en fais pas. J'en suis à quoi, un QG cramé ? C'est rien ça, rien du tout.

Il pense à Nawel et Ian, ces gros boucans totalement insupportable, ça feule, ça crie, c'est relou et il pense aussi au fait qu'il s'est dénoncé pour ces teubés. J'aurais du dire que c'était pas moi, que c'était eux qui sont des trous d'culs. Trop gentil le Zbigniew.
Bref, la louve revient vers lui, silencieuse comme toujours. Il lui gratte distraitement l'arrière des oreilles alors qu'elle en ferme les yeux de contentement avant de secouer la tête, l'air de dire voilà, assez gratté, maintenant ça suffit humain. Par contre je vais rester assise à quelques centimètres de toi parce que je suis vraiment, vraiment relou.

-Crois-moi, on est mieux sans lui. Laaaaargement mieux.

Simje hoche la tête genre ok bro, c'est ton co-directeur de ton problème, moi je m'en fiche je propose, j'suis juste quelqu'un de sympa et de poli, il paraît que plus on est de fous plus on rit, moi après j'accueille hein les portes sont plus ou moins ouvertes mais voilà, pourquoi pas, en plus la mer c'est quand même quelque chose de sympa mais si tu veux pas qui vienne ça me va aussi, peut importe quoi.
Voilà, tout ça dans un hochement de tête.
Ca vous pose un problème ?

Très bien.
Simje se fait donc patpater l'épaule sans vergogne et il se penche sur le téléphone que lui présente Allen. Il a peut être cru que j'étais genre guide touristique mais la côte je connais trop mal. Google maps est notre ami.

-Je réserve dans cet hôtel. Ils ont un SPA en plus si jamais on veut vraiment décompresser. On peut soit prendre deux chambres ou une double. A toi de voir si tu me supportes si je ronfle.

C'est exactement le genre de moment où Simje est tout tiraillé. Ptn un spa, c'est cool, mais ça veut dire des gens qui massent, et les massages en soi c'est cool mais weuw, des inconnus quand même c'est chaud et des fois y'a des thermes, enfin souvent quand même on est en Pologne, c'est chelou de se baigner avec d'autres gens et puis une chambre ou deux moi j'm'en fou bordel, si il ronfle je l'étouffe tranquillement avec un oreiller.
Voilà voilà.

- Une seule chambre ça ira, j'suis pas une princesse.

Et bam, c'est le petit tour dans le train. C'est stylé comme invention quand même, c'est hyper plus productif que la voiture genre on peut travailler dedans et c'est moins fragile que la voiture. Genre personne peut vous rentrer dedans.
Lol.


-Le train qui s’arrête pour que l’autre aille fumer, sérieux ? Ça compte comme retard, au travail, ce genre d’excuse ?

Gros, mais alors gros scarface en préparation.
Ca regarde mal, ça regarde noir, ça a envie d'étrangler la personne en face.

-Ok, désolé. J’te jure, c’est la première fois que je lis tes pensées depuis que je suis là. Tu m’as pris au dépourvu avec ta phrase.

Sourcils froncés et doigt accusateur qui vient taper contre Allen. Tap. Tap. Tap. Accusateur sa race même.

- C'est mal.

Bouh, pas bien, caca, bouh, laisse ma tête tranquille stp.
Tap tap tap.

- C'est hyper mal ce que tu fais. J'vais finir par m'écrire une rune sur le front.

ET TU POURRAS JAMAIS PLUS LIRE DANS MA TETE PTN Bon en vrai il râle (parce qu'il aime bien râler déjà) mais plus pour la forme que pour autre chose. Il se doute bien que bon, ça doit pas être facile pour Allen de contrer son pouvoir. Est-ce que t'arrêtes d'être un chat, toi ? Non.
Est-ce qu'il pourrait s'il le voulait ?
Pas vraiment.

La louve pose subitement sa tête sur Allen qui sursaute et touche vite fait la fourrure douce et soyeuse et merveilleusement bien entretenue de la bestiole. C'est ça , bouffe le. Ca lui fera les pieds là, l'autre qui prend ma tête pour un open bar. Un open bar en happy hour même. Bordel.

-Mes connaissances remontent à l’école et j’ai beau en voir très souvent, ça reste visuel, je ne m’entraîne pas à les tracer. Au niveau de la complexité, je ne sais pas non plus, j’utilise celles qui me servent au quotidien : verrouillage, insonorisation, lumière. Il y a aussi celles qu’on utilise comme catalyseur et dont j’ai oublié le nom. Qui augmentent la concentration, ce genre de choses. J’ai de meilleures connaissances en runes sur des supports inanimés.


Comme les enfants quoi. Ahahah.
Je rigole, grincez-pas.


-Alors, M. Le Professeur, c’est quoi votre programme pour me faire travailler ?

Principalement le victimiser. Eh, trace une rune pour sécher le sable. Voilà tu fais comme ça. Nickel. Oh beh, comment ça le sable t'as juste explosé dessus ? Oh beh dis donc ! Je m'y attendais pas, c'est fou ça, mince alors.
Il sourit. Déjà va falloir noyer le chien qui penser que marcher sur les runes c'est trop marrant alors que c'est juste trop casse-couilles.

- Vous donner un bâton et vous laisser faire de jolis mandalas.


Oui ça se moque, oui, mais j'avoue que j'ai rien de planifié et aucune idée de ce qu'on peut faire sur du sable genre, le faire chauffer ? Le mouiller ? Le colorer ? Rien de super utile quoi. Après OH j'ai une idée genre t'apprends à tracer une rune de guérison et bam quand tu sais faire, j'me coupe le bras, tu traces sur wam et tu vois.
On va bien rigoler ça s'entailler la peau, ahah.
Je blague hein.


Bref, le train arrivent donc et ils marchent tranquillou dans la ville. Ca lui fait tout bizarre à Simje de juste prendre le temps comme un touriste pour visiter mais il apprécie la chose. Le soleil est présente et chauffe les rues de la petite ville hyper mignonne.
Et ils arrivent vers l'hôtel. Alors ouais, peut être que j'ai pas fait la connection entre le fait que y'avait un SPA, le fait qu'il soit totalement en bord de mer et le fait qu'il soit cinq étoiles.
NORMAL.


- Ca va Allen, t'as pas trouvé mieux comme hôtel sinon ?

Oui, je suis outré. Le mec il est mis à pied et il jette ses petits billets canadiens à foison comme ça, sans aucun problème. A ce niveau là on pourra sûrement même faire tondre le chien et se faire couper les cheveux pour le même prix.
N'empêche que la ville est très belle et que Simje se sent tout détendu, surtout que l'air marin leur arrive en plein visage. L'iode et le sel et les poissons et les bateaux.

-C’est super sympa comme ville en fait. Oh là là, tu penses qu’on peut faire du bateau ?


Moh, il est chou.
Il hoche la tête avec enthousiasme.

- Bien sûr. Tant que c'est toi qui rames.


Oui, on peut prendre autre chose qu'une barque. Comme un truc avec un moteur ou même un vollier ou que sais-je. OU DU PADDLE. OWI DU PADDLE.
Calme-toi gros. Calme toi.

_________________

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Spoiler:
- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 28 Sep 2017 - 23:46


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Chapeau de paille et château de sable. »

Ce n’est pas le meilleur résumé qu’on puisse faire pour des vacances ? Ça me ramène à mon enfance, aux plages froides de Suède et de Norvège avec des jolis rayons de soleil de temps à autre. L’insouciance. La négligence aussi. Sans peur du lendemain et avec cette insolente appréciation du présent. Je pense que je retombe en enfance avec un autre grand enfant. Il y a comme une drôle de coïncidence qui fait que nos divergences ne s’opposent pas tant que ça. Que nos qualités compensent suffisamment nos défauts pour qu’après quatre jours passés ensemble, j’en vienne toujours à vouloir rester un peu plus longtemps. Juste. Un peu plus. Je ne sais pas de quoi le futur sera fait, et ces pensées d’adulte anxiogènes obscurcissent volontiers la joie qui transparait dans mes traits. Quand ? Comment ? Dans combien de temps nous reverrons-nous après ça ? Nous reverrons-nous même ou la routine reprendrait son cours, balayant de sa main flegmatique toute tentative de retrouvailles, ramenant de temps à autre un sourire lointain. Une petite nostalgie.

C’est en tout cas ce qui me traverse un instant, très rapidement, alors que Simje hausse les épaules, un peu désabusé, un peu lassé. Je ne laisse rien paraître de ce que ce simple geste a posé sur moi en quelques secondes. Une petite tourmente passagère. Un carrousel qui tourne comme le temps qui passe.

Alors, la nécessité de changer de sujet s’opère. Les heures de travail, le besoin de passer deux jours là-bas pour ne pas souffrir de sept heures de transports en une après-midi. Passer un peu de temps au bord de la mer, voir les vagues balayer les grains de sable et les emporter peu à peu vers le large avant de les renvoyer sur le rivage. Comme un éternel jeu du chat et de la souris. Un peu comme Simje et moi.
Je vous ai déjà dit que j’adorais la mer ?

La mer c’est fantastique comme endroit. Je crois que c’est à peu près le seul paysage que je pourrais regarder assis sur une chaise longue. Pas pour me dorer la pilule, simplement pour apprécier, écouter, sentir, me sentir un peu plus vivant et un peu plus noyé à la fois dans l’immensité de l’univers. J’ai un problème avec le bleu. C’est une couleur qui me détend instantanément, pas pour rien si ma chambre en est recouverte du sol au plafond.

- Je suis un professeur très doué, t'en fais pas. J'en suis à quoi, un QG cramé ? C'est rien ça, rien du tout.

Je hausse un sourcil interloqué. C’est rien ça ? Monsieur le Professeur, il va falloir songer à revoir vos priorités dans la vie. A commencer par gérer un cours dans des conditions convenables et respecter le matériel qui vous est, je vous le rappelle, prêté. N’est-ce pas. N’est-ce pas ?
Grmph.

Ouais j’ai encore des ressentiments sur cette histoire de QG. Ça a coûté de l’argent, argent qui aurait pu être mis autre part, dans de la recherche par exemple, ou même de l’entretien de matériel. Mais non. Bande de plathelminthes. De bivalves déraisonnés. Pas foutu de faire un cours sans problème. Bon allez, c’est bon, c’est passé je sais. N’empêche que… Chut, on a dit.

Bref, je ne réponds rien, on finit de préparer nos affaires, je suis silencieusement Simje dans les escaliers, on cause de mon co-directeur absolument invasif. Il hoche la tête, simplement. Il ne se rend pas compte à quel point ce garçon désormais homme peut être une catastrophe. L’une des douze – ou neuf ? Je ne sais plus, la religion ça n’a jamais été mon fort – plaies d’Egypte. La troisième guerre diale-mon. Oui, je m’essaye au verlan, un problème ?

Magnifique transition, je lui présente rapidement l’hôtel pendant la pause taxi, n’attendant qu’une réponse de sa part pour réserver. J’aime bien réserver. Parler au téléphone en général en fait. Ça reste tout de même une formidable invention le téléphone. Et dire que derrière chaque appel, au tout début, il y avait une personne pour faire le lien entre les deux personnes. Puis qu’après le téléphone s’est progressivement automatisé. Et maintenant, on vit avec internet, quelque chose de tellement puissant, telle omniprésent dans nos vies qu’une simple coupure de quelques secondes pourrait faire tomber une économie entière. J’aimerais bien débattre des heures sur ce traumatisme de l’argent numérique qui me pousse à placer l’argent d’Orpheo dans le plus de choses concrètes mais je vous en ôte la terrible écoute.
Avouez, vous êtes soulagés d’un coup.
Bande de cnidaires.

- Une seule chambre ça ira, j'suis pas une princesse.

Grand bien te fasse, j’assume pourtant que ce soit mon cas. Mais bon, je ne vais pas discutailler pour savoir si oui ou non, la nécessité nous pousse à prendre des chambres séparées. Voilà, fin du débat. Je passe mon doigt sur le numéro de téléphone affiché à l’écran et m’en tiens aux recommandations de mon collègue ami polonais quoi qu’il soit. Une chambre double donc. Un grand mot pour dire deux lits dans une chambre. L’hôtesse d’accueil, de sa voix très très mielleuse, m’annonce avec professionnalisme que les chambres sont munis d’un important paravent très joli, très grand qui peut éventuellement séparés la pièce en deux si les deux personnes désirent un peu d’intimité. Okey. Enfin, mon intimité, ça se limite à dormir dans un bon lit. Je n’ai pas non plus l’intention de sortir de la douche la zigounette à l’air. Je fais pas ça chez moi, je ne vois pas pour quelle raison je devrais le faire devant Simje.
Le pauvre, il serait vraiment, mais vraiment traumatisé après ça je pense. Moi aussi surtout.

Bref, elle demande également si nous désirons prendre un rendez-vous au spa mais je lui réponds avec tout autant de manière qu’en gros, on s’en fout et qu’on verra sur place. Sur ces mots, je raccroche et nous ne tardons pas à arriver à la gare. Puis de la gare au train. Puis du train qui démarre au train qui arrive. Ah non, un petit interlude passager m’oblige évidemment à lire dans ses pensées parce que Monsieur a cru que je comprenais délibérément toutes ses phrases. Sauf qu’en tant que lecteur de pensées, c’est effectivement le cas si je le souhaite.

- C'est mal.

Il me juge, qu’est-ce que j’avais dit. Et il pose son doigt sur moi en me tapant du bout de son index. Ça, c’est de la punition. Comme dirait mon père « Va falloir y mettre les sentiments ». Non, niveau crédibilité, on frôle le zéro absolu. Bon, mis à part son regard courroucé de début de phrase, tout ça ressemble plus à une vieille comédie qu’à un véritable drame. Je croise les bras, ramenant mon jeu d’acteur particulièrement fantastique sur le devant de la scène. Je boude ? Naaaan, ça s’appelle du repli stratégique.

- C'est hyper mal ce que tu fais. J'vais finir par m'écrire une rune sur le front.
-Je veux bien voir ça tiens. Tu aurais l’air fin, trèèès très fin. Je te propose même de te le faire. Au marqueur, comme ça si je me trompe, je barre et je refais autre part sur ton visage.

Et après, je prendrais une photo, ça deviendra un chef d’œuvre dont il faudra donner un nom. « Apprentissage de la Pologne » ou « Face noircie par l’inculte ». Je ne sais pas, je ne suis pas très doué pour nommer des tableaux. Je pourrais demander au polonais de m’en fournir un, de nom. Mais ça se vendra, je suis persuadé que ça se vendra. Je le mettrais sur mon bureau, comme ça à chaque fois que j’aurais le cafard, ça me ramènera à ce bon souvenir. Haha. Désolé Simje.

Les runes. Franchement, j’avoue que cette histoire de travail, c’était principalement une excuse pour aller à la plage. Même si d’accord, ça peut être fun de tracer des ronds sur le sol. Comme quand j’étais plus petit. Allez, qui n’a jamais tracé des choses dans le sable ? Surtout le sable un peu humide. Ou bien fait des châteaux de sables, ou des barrages. Les barrages, ça c’était le mieux. Le but, c’était d’aller le plus près de l’eau et de réussir à empêcher les vagues de tout démonter. Des fois ça marchait et la mer reculait même tellement j’étais fort, d’autres fois elle ne faisait que monter. Puis j’ai découvert que c’était principalement à cause des marées et là le mythe s’est stoppé.
Quand je vous disais que l’insouciance, c’est quand même vraiment mieux.

- Vous donner un bâton et vous laisser faire de jolis mandalas.

Je secoue la tête, outré – dramatiquement outré – mais il n’a pas tort. Enfin, j’avoue que cette histoire me fait tout de même un peu envie. Ça peut être drôlement bien. A bientôt trente ans, on peut se permettre ce genre de gamineries encore non ? Au pire, les vieilles peaux n’auront qu’à radoter entres elles, c’est pas à elles que reviendront le droit de faire notre futur. Et toc.
Le train finit par arriver à quai et je sens déjà un peu l’air de la mer, un parfum salé, une respiration chargée d’embruns. La mer est proche, si proche. Je ne l’ai pas vue depuis si longtemps, celle-ci probablement depuis plus de huit années. Bref, je suis tout content car enfin, après quelques minutes de marches entre les ruelles et les maisons en briques rouges ou grises, le port de… de cette ville apparaît. Ce gros bras de mer qui s’enfonce dans la terre. Il n’y a pas trop de vent et les mats sont somme toutes l’unique lien, bien droit, entre la mer et le ciel. Silencieux, tantôt blancs et métalliques, tantôt bruns et boisés. C’est une vision qui me ravit et je fais sombrer mes mains dans mes poches, bien profondément, les yeux grands ouverts et le sourire aux lèvres.

- Ca va Allen, t'as pas trouvé mieux comme hôtel sinon ?

Je me tourne vers lui, surpris, sans réussir à capter immédiatement le sous-entendu de ses paroles, embrumé par tant de bonheur qui m’arrive d’un seul coup en plein visage. Alors, d’un ton neutre, un peu soucieux sur les bords peut-être, je lui réponds :

-Ça ne te va pas ? Il y avait un Hilton pas loin mais il y en a trop au Canada. Celui-là avait l’air pas mal et pas trop cher.

Choc des civilisations. En plus les Hilton, c’est bien mais c’est assez… assez sensiblement la même chose peu importe où nous nous trouvons. Ç’aurait été issu d’un autre pays que les Etats-Unis, ça m’aurait sans doute plu, mais là, j’aimerais profiter du fait d’être sur un autre continent que l’autre, là. Le mien. Le pseudo-mien. Mon continent d’adoption quoi. J’avance un peu plus, m’apprête à traverser le pont pour passer enfin de l’autre côté de la rive, celui de l’hôtel et me retourne finalement vers Simje, percutant avec retard – très important retard – sa possible ironie.

-Ah. En fait, ta phrase elle était ironique ? Désolé, je t’ai pris au mot. Non mais autant tu n’es pas une princesse, c’est bien. Autant c’est mon cas et j’aime pas dormir n’importe où. Sauf chez toi. Chez toi ça passe bien.

Un minimum de confort quoi. C’est peut-être un excès de zèle, sans doute. Une habitude d’être bien logé bien nourri lorsque que je suis en déplacement. Je suis peut-être un peu trop abruti par le rêve américain et le besoin de montrer qu’on est riche. Le besoin de dilapider un peu mon argent si durement gagné. Ou simplement une manière de me faire plaisir et oublier Orpheo et ces vampires du Conseil. Aucune idée. Peut-être un peu de tout ça. Quoiqu’il en soit, je ne suis psychologiquement pas prêt à dormir autre part que dans cet hôtel et c’est réservé quoiqu’on fasse. En plus, avec tout ce qu’on a vécu, j’ai le sentiment que ce genre de choses est tout à fait mérité.

Ma phrase débile sur les bateaux est sortie et la réponse est à la hauteur de son interrogation.

- Bien sûr. Tant que c'est toi qui rames.

Je me tourne vers lui et lui offre un demi-sourire, mes yeux rayonnants de joie. Je suis bien. Tellement, tellement bien. L’hôtel est juste là et après s’être présentés, je passe directement à la caisse pour empêcher Simje d’effectuer un quelconque mouvement de paiement. Une chambre, deux petits déjeuners. Mais la dame a l’air encore une fois très déterminée – je reconnais sa voix – à nous proposer les services du spa. Elle nous propose alors :

-Le spa est ouvert ce soir jusqu’à 21h et demain à partir de 10h. Les massages sont dispensés par des professionnels et nous offrons également un large choix de soins par chromothérapie, aromathérapie, acupuncture… Si vous désirez prendre rendez-vous, il est préférable de le faire dès maintenant.
-Intéressé ?

Je me tourne vers Simje, le bras posé sur le bois du meuble de l’accueil. Ça me tente bien, mais après ça dépendra aussi de ce que nous souhaitons faire des deux jours. Enfin du jour et demi. Sans voiture, on ne risque pas de se déplacer bien loin, autant en profiter pour visiter à pattes le maximum de choses et profiter d’un repos très mérité.

Après ça, la dame me donne les clés et nous montons – en ascenseur, n’est-ce pas Simje – jusqu’au troisième étage, et troisième porte à droite. Pas trop compliqué. L’endroit est assez grand. Les lits sont bien faits, c’est blanc et un peu bleu. C’est maritime sans trop l’être. Bref, j’adhère immédiatement et déclare le lit de gauche comme étant ma nouvelle possession en m’écrasant littéralement dessus, les bras en étoile de mer. Bonheur. Ça respire le frais, le neuf, le propre. Bouahaha. Je dépose le sac au pied du lit.

Ma tête se tourne pour visionner le reste de la chambre – et puis le polonais et son chien – et je remonte ma main à hauteur de mon visage. Je m’intéresse principalement aux aiguilles de ma montre. La flemme à l’état pur. Presque dix-huit heures. Trop tôt pour aller manger, trop tard pour se lancer dans une activité. On va voir les bateaux ? Aller à la plage ? Allons à la plage.

-Tu veux manger à quelle heure ? Il est bientôt 18h, je pense qu’on pourrait faire un tour sur la plage ? En fonction du monde qu’il y a, tu pourras me montrer deux-trois runes.

Oui, parce qu’il faut avouer que déclencher une combustion spontanée du sable mouillé, c’est quand même difficile à expliquer à des esprits cartésiens non-doués. Eh ouais. Je passe mes mains de chaque côté du lit et accroche le matelas comme si je lui faisais un câlin. Je ne suis pas fatigué, mais résister au lit c’est quand même pas facile. Mais, il le faut, alors dans un ultime effort, je parviens à repasser en position assise et ajoute :

-Tu me fous à la flotte, je te préviens tu y termines aussi.

Non, mais parce que je commence à le connaître le coco.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyVen 5 Jan 2018 - 23:10

Simje essaie de penser à d’autres trucs que les trucs normaux. Ne pas penser au fait qu’il est en vacances et qu’il va bientôt rentrer chez lui et que ça sera fini, finito ! et puis c’est tout. Que ça ne reviendra pas et que c’est juste comme ça. Simje fait pourtant partie des gens qui savent tourner la page, qui savent quand c’est fini et que, tant pis. Ce n’est pas le genre de choses qu’il garde sur la peau - ou peut être n’en a-t-il pas conscience. Cette fois-ci pourtant, il a un peu du mal à le digérer, il ne sait pas pourquoi exactement. Sûrement un vieil os qui a du mal à passer.

-Je veux bien voir ça tiens. Tu aurais l’air fin, trèèès très fin. Je te propose même de te le faire. Au marqueur, comme ça si je me trompe, je barre et je refais autre part sur ton visage.

Il relève la tête et écarquille ses grands yeux bleus. Il sait que ça lui donne un air cousin avec les hiboux, comme s’il avait fait lui-même partie des Strigidae avec des petites aigrettes sur la tête. Mais non. Pas du tout. Il a juste un physique chelou, mais alors chelou.
Il hésite à répondre, c’est quand même fou ce que cet ingrat personnage peut ce moquer, ça se moque ici, ça se moque par là, on dirait qu’il fait que ça, une entreprise de moquerie sur Simje, un moqueman professionnel qui aurait fait une spécialité de se moquer, juste, de moi. Le con. Il décide de ne pas répondre donc mais hausse un sourcil en détournant le regard d’un air fier, genre j’suis tellement plus adulte que toi[/î] ou peut être même [i] t’es trop un gamin, les bites dessinées au marqueur sur la tête ça date du lycée.

Bref, le train, ça a déjà été raconté, pas besoin de le reraconté, sinon ça serait redondant comme on dit, du redondant lourd, lourd redondant comme on dit.

-Ça ne te va pas ? Il y avait un Hilton pas loin mais il y en a trop au Canada. Celui-là avait l’air pas mal et pas trop cher.

Simje se mord la joue, il entend presque le cerveau de Allen en action qui doit être en train de blablater sévère pour déblatérer des trucs sans queue ni tête. Il essaie de ne pas rire, vraiment, attendant tranquillement et avec impatience que l’autre se rendre compte qu’il n’a pas saisi ce qu’il fallait saisir au vol. Comme un crapaud choppe une mouche les gaaaars . Aucun rapport. bon.

-Ah. En fait, ta phrase elle était ironique ? Désolé, je t’ai pris au mot. Non mais autant tu n’es pas une princesse, c’est bien. Autant c’est mon cas et j’aime pas dormir n’importe où. Sauf chez toi. Chez toi ça passe bien.

A nouveau une petite session de yeux écarquillés et puis Simje éclate d’un rire d’un coup, d’un rire frais qui l’éparpille en morceaux immédiatement. En même teeeemps il devrait savoir à force que je sais pas parler pour de vrai, qu’à part le cynisme et l’ironie je parle pas bien anglais. [/ï] Non mais sérieusement, [i] Allen est la pire princesse que j’ai jamais rencontré, je dis pas que j’ai à me plaindre et que j’ai vécu dans la galère hein, je dis que que wo, pour lui c’est un Hilton ou « n’importe où » enfin, on en est là. Ca veut dire aussi que si il dort à l’hôtel il mange forcément au restau, alors que c’est l’avantage des air bnb. Tu te fais ta bouffe, tranquillement, petite tambouille dans ton coin, t’as pas à manger seul au restau. Parce que ça, c’est le pire trucs de tout les pires trucs. Tu dois choisir tout seul ta bouffe, et après attendre seul, et c’est pas le fait d’être seul qui me dérange hein, vraiment pas. Mais seul en publique, avec d’autres gens pas seuls c’est pas.. c’est pas.. bref c’est affreux.

Bref, les deux rentrent donc dans l’hôtel qui sent, un peu fort. Désolé les gars, ça sent un peu le sel, et jusque là ça va, mais beaucoup les petits machins qui sentent bons et qui en vrai, ne sentent pas bons, juste forts. Simje ne dit rien, aucun commentaire pourtant, principalement parce qu’il est habitué et qu’il aime juste un peu râler. Rien de vraiment chiant par ici.
Une dame encaisse Allen avant même que j’ai pu dire ouf ce qui est une expression tout de même sacrément naze. Puis la dame se met à blablater en masse, du bla-bla qui parle de spa, d’inconnus, d’odeurs et de trucs chelous en masse, et t’as l’air vraiment motivé mon pote, t’as tes petits yeux qui ont des petites étoiles en masse, mais je me dit que tu peux faire ça chez toi, au Canada, là où il fait chaud dedans alors qu’il fait froid dehors mais ici, on peut rester au bord de la mer parce que c’est joli la mer.

-Intéressé ?

Petit sourire poli, mouvement un peu en arrière pour tirer le caribou du comptoir pour aller se posticher dans la chambre et réponse qui se révèle plate mais autoritaire tel le chef des armées avec des gros muscles qu’est Simje.

- Euh.. on verra plus tard.

Bam, phrase décisive de la partie.
Bref, les deux montent donc dans la chambre, où les lits sont mous comme jamais, tout à fait mous à souhait. Il soupire de délice et oublie pendant quelques secondes ce qu’il est, où il est, pourquoi il est, tout disparaît dans cette sensation de confort. Les pensées s’arrêtent, suspendu - ce qui est rare chez Simje, vous l’avez sûrement déjà constaté - pour plonger dans ce qu’on pourrait sûrement appeler, le bonheur absolu.

-Tu veux manger à quelle heure ? Il est bientôt 18h, je pense qu’on pourrait faire un tour sur la plage ? En fonction du monde qu’il y a, tu pourras me montrer deux-trois runes.

Ahah, le mec il est vraiment déterminer à nager, c’est ouf. Au pire je veux bien, comme ça il serait obligé de remonter les manches de sa chemise et j’pourrais voir les jolis biceps, ahah.
C’est une blague, promis, si tu lis dans mes pensées maintenant c’est de l’ironie, enfin pas de l’ironie genre, ahah, il est mal gaulé le mec, parce que on sait tous les deux que c’est faux, plutôt comme ahah, il peut ramer autant qu’il veut je m’en fou, oh là là, mais pas dans le sens il peut ramer pour me chopper hein, on parlait de bateau, de rames, mais une question de chopper qui que se soit,
Putain aidez moi.


- Moui.

Voilà ce que grogne le polonais parce qu’en vrai, avec ces histoires de dormir sur le canapé il pourrait dormir ici maintenant tout de suite, s’endormir comme un gros tas. Il se redresse sur un coude alors que le chien monte subitement sur le lit. Il la repousse d’un coup de pied ultra discret avant de reprendre.

- Allons à la plage.

Au pire, je serais gentil, je lui apprends à réchauffer l’eau dans une zone bien précise et après, après je le lance dedans, ni vu ni connu, il râle pas trop et du coup, pas de vengeance.

-Tu me fous à la flotte, je te préviens tu y termines aussi.

Simje lance un petit regard suspicieux - a-t-il écouté dans les pensées? - avant de siffler.

- Oh là là, comment t’es une mauvaise langue, je suis vraiment pas du genre.

Puis

- Allez viens, avant qu’il ne fasse trop froid.

Et que je te balance à la flooooooooootte.
Il se remet sur ses pieds, se demande vaguement si il devrait se changer ou pas, se dit qu’ils vont sûrement marcher genre un peu vite et tout et il part tranquillement en t-shirt en se disant que au pire, si il finit à la flotte c’est pas trop grave parce qu’il pourra plus facilement sécher. Par contre monsieur propre Allen avec les cheveux biens mis et la petite veste de peau d’animal mort, il risque de faire la gueule.

Ils sortent de l’hôtel et se dirigent donc vers la plage. L’air de la ville est saturé de cette odeur de mer rapportée par le vent qui rase les murs. Il se demande surtout si il est déjà allé à la mer, peut être avec Rosie, encore qu’il ne s’en souvient pas, mais clairement pas avec ses parents. Ahah, mes parents. Ca doit faire presque vingt ans que je les ai pas appelés papa et maman. Ahah.

Dès qu’ils arrivent à la plage - outre madame le chien qui fonce dans l’eau - Simje retire ses pompes et fait un petit ourlet à son pantalon, genre je suis trop classieux et enfonce ses orteils dans le sable gelé en lâchant un petit « owai » de contentement. Comme si ses coussinets imaginaire reprenaient le contact du sol.
Il trottine tout content vers le bord de l’eau pour aller chercher un grand bâton - le chien est déjà porté disparu - et dit

- Hé, Allen, regarde, viens !

Sous entendu : j’ai trouvé un grand bâton, viens tracer des runes que la mer va effacer immédiatement comme ça tu pourras les refaire mille fois et je vais me moquer.
Il attend donc que l’autre s’approche, fait innocemment le tour de sa proie, bande ses muscles et se jette de tout son poids sur Allen.
Le petit détail étant qu’il a peut être oublié qu’il pesait 65 kilos alors qu’Allen, 77.

Joyeuse noyade, Sim.
Qui a dit qu’un chat échaudé craignait l’eau froide?

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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyDim 7 Jan 2018 - 18:00


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« J’sais pas ce qui me prend, à chaque fois que j’essaye d’être sérieux, j’fais le con. »

A cause de quoi au juste ? Je devrais être au fond du trou, ressasser la merde dans laquelle je suis, chose que je sais très bien faire. Mais non, au lieu de ça, je passe un très agréable séjour ici, en compagnie de Simje. En fait, il est fort probable que c’est sa présence qui m’empêche de malaxer mes idées noires et les répéter en boucle. Que voulez-vous, l’amitié des fois, ça ne se contrôle pas. En fait, c’est même probable que ça ne se contrôle pas du tout, comme dans le mot jamais. Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse moi, s’il raille à longueur de journée et vive dans cet état constant de… réserve mélangé à cette cynique attitude. C’est plus fort que moi, je me fais un devoir de le faire réagir. Et oh là là, ça marche tellement bien que je m’en moquerais toute la journée. Mais hey, je le fais déjà non ?

Enfin, on ne peut pas dire que je sois pour autant un tyran. Il se débrouille bien aussi pour se payer ma tête dès qu’il le peut. Heureusement pour moi, il se trouve que j’ai une estime de moi qui m’amène fortement à ne pas craindre l’autodérision. Aussi, lorsqu’il explose de rire en raison de ma réaction très, très tardive, je hausse un sourcil faussement frustré avant de sourire à mon tour très discrètement. Bah, bonne contre-attaque face à ma dernière proposition de lui inscrire des runes au marqueur sur le front. Ça aurait pu être vraiment drôle. Mais ça n’a pas l’air de lui avoir plu. Il m’a jeté ce regard un peu offusqué. Dommage, j’avoue que l’idée me plaisait bien. Un autre jour, le coup du marqueur. Quand il dormira, par exemple. Je dis ça, je dis rien.
Haha.

Nous arrivons enfin à l’hôtel et je suis satisfait. Ouep, belle entrée, propreté, couleurs agréablement pastels, rien qui me déchire la rétine, charmante hôtesse. Ça me va. Hôtesse qui connaît très bien son travail et sait qu’elle peut faire des heureux. J’avoue, le spa c’est cool. La S.P.A. un peu moins. Pourquoi je fais cette différenciation maintenant ? Parce qu’à la tête que tire Simje, c’est comme si on lui annonçait un truc qui provoque tout sauf une bonne partie de plaisir. Bon, ok, en fait, son visage est parfaitement normal, mais comme il s’éternise un peu et que la dame semble patiente mais pas trop, j’ai un-peu-mais-pas-beaucoup lu dans son esprit. J’ai pas fait exprès. Eh tu m’entends Sim, j’ai pas fait exprès, je te le jure. Il faut juste être un peu moins hésitant. Voilà, c’est de ta faute, cherche pas. Je suis clean moi. Bref, il râle et donc c’est parce que ça sent trop fort, du coup comme c’est certainement à cause de ses sens hyper développés de félin, j’ai fait le rapprochement avec la S.P.A. et… et voilà, j’ai pas besoin de me justifier, ça m’a fait rire c’est tout.

Le voilà qui me prend par le bras tandis que je le regarde de mon air d’innocent qui n’a rien fait. Je n’ai effectivement rien fait. Oui oui.

- Euh.. on verra plus tard.

Ça veut dire non. For bien monsieur coussinet. Je hausse les épaules et acquiesce tout en me tournant vers la dame pour lui faire part du refus. Une autre fois, ce n’est pas comme si j’avais deux mois de « vacances » n’est-ce pas.
N’est-ce pas.

Elle me donne la clef de la porte et nous montons en ascenseur. J’aime préciser qu’il y a un ascenseur. Non négligeable. Même pour trois étages. Je soupire de bonheur au moment de me poser – tomber – sur le lit. Et le pouf à côté de moi me fait prendre conscience du réel besoin physiologique d’effectuer ce genre d’action en entrant dans une chambre. C’est dingue ça. A croire qu’on est nés pour dormir. Peut-être qu’on est aussi un peu fatigués. Peut-être.

On ne va tout de même pas dormir maintenant. Il est beaucoup trop tôt et en plus je ne dors pas le ventre vide. Mais il est trop tôt pour manger alors n’y a-t-il pas quelque chose à faire ? Au hasard, sortir prendre l’air ? « Faire des mandalas sur le sable », hein. Comme des enfants. Des gros gamins de trente ans qui connaisse la magie et savent s’en servir. Dis comme ça, on a juste l’air de gars franchement dangereux. Et fous. Bah, c’est les vacances. Pour moi en tout cas. J’inspire profondément et regarde la dispute passive du chien et du chat pour un bout de lit. Ok, c’est décidé, je n’aurais jamais d’animal.

- Moui.

Cette détermination. J’en pleure de désespoir. Enfin bon, il n’en faut pas plus pour me motiver. Assis, je contemple du troisième étage les toitures et le bras de mer. Les petits bateaux aussi. Ça ne souffle pas beaucoup aujourd’hui, c’est plutôt une bonne chose. Enfin, nous sommes tout de même suffisamment loin de la mer pour ne pas en ressentir ses effets. M’est avis qu’une fois là-bas, ça soufflera un tantinet davantage. Juste un peu. J’aurais les cheveux qui me fouetteront le visage et je les menacerais de les raser. Sauf que mes cheveux participent grandement à mon charme et qu’ils – mes cheveux – le savent pertinemment. Ils ne risquent rien de là où ils sont. On n’imagine pas un Allen rasé. Ça non. Je vous défends de le faire.

- Allons à la plage.

Bah voilà, on est sur la même longueur d’onde, c’est parfait. Je le sens d’ici venir avec son regard en coin du genre « mais je vais te jeter dans l’eau ». Donc non. Non, Monsieur le wzwzwz, vous ne m’y jetterez point. Et au pire des cas je vous y traînerai à ma suite. Et c’est non négociable. Pour bien appuyer cette pensée autrement qu’au travers d’un sale coup d’œil, j’exprime mes ressentis. Ah. AH. Vous voyez. Vous voyez, l’idée lui a déjà effleuré l’esprit. Je le savais, je le savais. Etre vil. Ne jamais faire confiance à un polonais, c’est bon c’est noté. Je t’ai à l’œil Sim. Genre comme j’ai jamais eu quelqu’un à l’œil. Gare à toi. Un peu plus et je grommelle dans ma barbe. J’vais lui apprendre le respect à cette brindille, parole de directeur. Et toc.

- Oh là là, comment t’es une mauvaise langue, je suis vraiment pas du genre. Allez viens, avant qu’il ne fasse trop froid.

Ça pue. Ça pue genre puissant. Non mais Simje… Déjà on est en été. Il fait encore chaud – par rapport au Canada s’entend, c’est pas comme si j’avais gagné dix degrés en venant ici – et il le fera encore dans deux heures. Quant à la température de l’eau, est-ce qu’on doit vraiment finir à la flotte ? En plus, il se change. Si je quitte ma veste ? Non, parce que de toute évidence
Je. Ne. Finirais. Pas. À. L’eau.
Point.

Nous sortons donc du bâtiment, j’enfonce les clés dans mon petit sac – très petit, juste assez grand pour prendre des clés, mon téléphone, un stylo et deux-trois bricoles indispensables. Parce que des bricoles peuvent être indispensables, oui. Si je prends une serviette de douche au cas où ? Non. Parce que je ne finirais pas à la flotte.

Et puis enfin, pouf – pas plouf – mes idées s’évaporent lorsque je regarde enfin la mer. Les idées joyeuses et les pensées morbides, tout disparaît. C’est tellement beau. Le soleil n’est pas encore couché, le sable à perte de vue, les quelques personnes sur la plage à profiter des derniers rayons. Des grands-mères qui radotent, un couple avec enfants. Un groupe d’amies qui se baladent sur la plage en discutant bruyamment. Rien de plus. La plage est assez grande pour nous donner assez d’intimité à chacun. Et puis la mer, avec rien sur des kilomètres devant nous. Juste un calme plat et des couleurs d’été, des vagues assez paresseuses et deux trois lignes d’embruns sur la mer douce. C’est vrai, de ma place à Ottawa, je peux voir le bras d’océan. Mais ça reste un bras, on en voit l’autre rive. Ici, l’autre rive est à des kilomètres de là. C’est beau et je prends un plaisir immense à l’apprécier. Tout comme Simje, je retire mes chaussures pour apprécier la rugosité enveloppante du sable. C’est froid, étonnamment froid. J’enfonce mes mains dans mes poches et reste silencieux, assez lent. Ah, cette odeur salée. C’est agréable. Le vent est levé, c’est sûr, et ça secoue un peu mes cheveux bouclés mais rien de bien, de foncièrement chiant à vivre. J’inspire, tout content d’être là.

- Hé, Allen, regarde, viens !

Le brun est déjà près de l’eau et m’invite à me rapprocher pour me montrer quelque chose. Je suis bien alors je suis bête et je m’approche en toute innocence. Innocence que j’incarne à la perfection dans l’instant. C’est cool, il va me montrer des runes. Qu’il y ait un peu de monde autour de nous ? De nada, la réflexion est passée en arrière-plan. On s’en fout certainement un peu. On va faire chauffer le sol et faire des trucs chouettes. Alors je m’approche, une main dans la poche et l’autre qui porte mes chaussures. Et je baisse la tête parce qu’il m’indique un truc. Et il n’y a, comme qui dirait, rien à part du sable et deux trois vagues qui viennent titiller mes chevilles. Mes pieds s’enfoncent déjà un peu. Et je m’apprête à relever la tête pour la tourner vers Simje. Du coup je fais un peu volte-face et là pouf, je reçois un gros coup dans le dos et je titube comme ça, éclaboussant absolument tout mon entourage, en freinant des quatre fers pour ne pas tomber à la baille. J’y crois tellement fort qu’en fait bah quand ma main rencontre l’eau, ça génère une colonne de glace suffisamment profonde pour me permettre de m’appuyer complètement dessus et reprendre mon équilibre.

La brindille.

Je me relève donc, supprime immédiatement la glace parce que ce n’est pas très naturel et qu’on attire méchamment l’attention, je les entends les vieilles peaux dans ma tête, au loin. Je ne comprends pas ce qu’elles racontent parce que c’est du polonais, mais clairement ça jase. Bref, je me relève et je fixe Simje genre violent. Genre « tu me la referas pas deux fois ». Genre « Tu vas crever. » Je reviens vers la rive dont je ne m’étais pas tant éloigné que ça et pose délicatement mes chaussures et mon sac sur le sable humide mais non mouillé. Faudrait que je remonte considérablement pour trouver le sable sec et là tout de suite, j’veux juste attraper le polonais.

-P’tain tu me déçois. M. Voniestosiwjski, je suis très, très, très sérieux, ça ne se passera pas comme ça.

Et, avant de lui laisser le temps de courir, de s’accroupir, de me lancer une rune à la figure ou tout simplement du sable, je fonce sur lui et comme un rugbyman qui attrape le ballon, je me plie en deux et l’attrape par la taille pour le passer sur mon épaule comme un tas de foin. Un tas de brindille de foin. Bon, c’est pas un gosse, il pèse son poids mais on s’en fiche j’ai pas l’intention de le garder bien longtemps. Ha. HAHAHA. Je galère et il bouge tellement qu’au final j’ai juste la force de pousser assez sur mes pieds, prendre une petite impulsion et le balancer littéralement. Sauf que bon, comme j’ai dit, même avec dix kilos d’écart, il pèse son poids et je perds l’équilibre et tombe aussi.
BAH VOILA, T’ES HEUREUX MAINTENANT ?!

Je sors immédiatement la tête de l’eau et comme je suis complètement mouillé et que j’en ai plus rien à faire, je continue de foncer sur Simje pour lui lancer une nouvelle prise de catch. Mais comme j’ai moyen envie de le couler parce que ça ne serait plus très drôle quand même, je m’arrête assez rapidement et me relève pour me rendre compte qu’on a quand même largement pied, à mi-cuisse en fait.

-T’es lourd, mais lourd genre ça frôle la connerie. J’vais te wzwzwz à la gueule tu vas rien comprendre. Et je te défends de m’insulter en polonais, c’est toi qui a commencé.

Et je farfouille dans ses cheveux tous mouillés. Voilà, tu l’as cherché. J’ai une tête de déterré avec les grands yeux ouverts comme si j’avais vu le Christ mais en fait j’ai juste envie de rire un bon coup.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyLun 8 Jan 2018 - 22:59

Bon. Comment vous expliquer ça clairement ? De manière à ce que vous pussiez comprendre au mieux cet instant de désarroi et d’intense solitude que j’ai du alors vivre, totalement contre mon gré, oui, totalement indépendamment de ma volonté qui alors fut mise à rude épreuve. L’envie de se rouler en PLS et pleurer fut lourde.

Comment dire ça simplement ?

Je rate.

Je me lance, moi et mes muscles on y va, on y croit, on est concentrés, on est chauds et on y va, et, on rate.
Et pourtant, j’avais vraiment envie que ça marche. Allen il est vraiment au bord de la méchanceté un mec. Pour claquer des tunes dans un hôtel là il est présent mais pour faire un peu plaisir au petit Simje et se rouler dans l’eau, y’a plus personne hein.

Bizarrement.

Connard.


Allen s’appuie sur la glace, bien magiquement apparue, et se retourne subitement vers Simje qui manque de lâcher un glapissement apeuré. Ou feuler. Ou fondre en larmes. Ah ben super quoi, maintenant il va me couler pour toute la vie et à jamais, j’aurais mieux fait d’être moitié poulpe putain. Rentrer les pieds dans l’eau n’a pas été compliqué mais le brun s’imagine déjà l’effet délicieux de l’eau quand même froide sur la zone du bassin, plutôt sensible. Et de tous ces habits trempés, c’est pas comme s’il avait eu le temps de passer un maillot avant d’engager les hostilités.

Voyons.

Le canadien se relève et le polonais s’affaisse un peu, en pleine réflexion sur pourquoi il serait nécessaire d’isoler le gêne de la téléportation pour le transmettre à tout le monde quand Allen lui lance un scarface fort prometteur mais s’en va, comme ça, poum poum poum à petits pas. Bien, les bases sont posées donc, ça sert à rien de fuir, tu vas prendre cher ta mère. Au moins y’a pas à tortiller, l’autre si il part poser ses chaussures comme une princesse c’est parce qu’il veut m’agresser. Dire que c’est moi qui l’est invité ici.
Putain.


-P’tain tu me déçois. M. Voniestosiwjski, je suis très, très, très sérieux, ça ne se passera pas comme ça.

Oh là là, ça sait dire mon nom de famille et ça se la pète, c’est moche de se la raconter comme ça !
C’est plus ou moins la seule pensée qui a le temps de traverser son esprit, parce que vlà-y-pas que l’autre gros, tas, il lui fonce dessus sans aucun ménagement et le pose sur l’épaule, de type position sac - à - patates (rien de sexuel ici, tout de traumatisant) et Simje couine car tout écrasé là-haut (enfin, là-haut, façon de parler, c’est au ras du sol mais vous savez, entre nains ils s’en rendent pas bien compte) et il se met à gigoter, même s’il est bien conscient que l’arrivée sera sûrement mouillée.

Rien de sexuel là dedans, putain, les obsédés.

Et bref, comme prévu, bizarrement je prends l’eau hein, oh là là, qu’es-ce que c’est bizarre, je suis surpris mais alors que Simje se demande si ouvrir les yeux ou pas c’est une bonne idée sous l’eau - qui n’est pas si froide finalement - il se rend compte qu’Allen prend cher aussi, et,
AAAAAAAHAHAHAHAHAHAHAHAH, ses cheveux ! AHAHAHHA !

Il n’a même pas le temps de rire à haute voix qu’il à nouveau coulé et patauge comme une merde dans l’eau, essayant de se relever dire que toutes ces années à m’entretenir sportivement sont réduites à néant par une prise de conscience de ma fragilité musculaire face à plus fort.. j’en pleurerai

-T’es lourd, mais lourd genre ça frôle la connerie. J’vais te wzwzwz à la gueule tu vas rien comprendre. Et je te défends de m’insulter en polonais, c’est toi qui a commencé.

Et vlà-t-y pas qu’il farfouille dans mes cheveux dans le plus grand des calmes. Putain, dommage que j’ai pas de super pouvoir trop bien. J’veux dire là, le temps de tracer une rune, j’suis cramé quoi. Il s’arrête donc posément, comme s’il allait dire quelque chose qui pourrait s’arrêter pertinent - je vous arrête tout de suite, ce n’est absolument pas le cas - et relève un peu le menton, tout fier de lui comme un enfant s’apprêterait à braver les interdits.

- Brudny brudny trochę brudny.

Soit plus ou moins « sale petit sale sale », seule insulte que j’ai sous la patte. Désolé.
Faut quand même dire qu’il l’a cherché.

Il lui lâche ainsi ces quelques mots en souriant - mais où est donc passé le Simje réservé des débuts ? Gêné, stressé, mal à l’aise ? A-t-il été kidnappé et remplacé par un autre personnage qui se sentirait assez bien pour sourire spontanément ?

- Je suis lourd ? JE suis lourd ? Le mec, c’est une brique et il ose parler.

Mais c’est quand même ce moment que choisi le petit Simje pour chopper une jambe d’Allen tout en fonçant dessus. Qu’il finisse à la flotte lui aussi n’est plus un problème étant donné qu’il est trempé, essoufflé même de tant de noyade.

Il se relève quelques secondes après, les cheveux bruns dégoulinants devant ses yeux, le t-shirt collé à la peau vous savez, cette délicieuse sensation du t-shirt trempé et lourd, bien collant presque flasque et visqueux que vous allez finir par retirer pour essorer mais que malgré ça, vous prendrez sûrement froid ?

- T’es vraiment un gamin Allen, lâche finalement Simje, un grand sourire collé au visage.

Il sort à pas lourds de l’eau, galéjant un peu à cause des petits cailloux clandestins qui lui massacrent la plante des pieds. Dire qu’en réalité on pourrait se passer de chaussures à force de marcher pieds nus.. Il se résout donc à enlever son t shirt qui fait flop flop sur son dos, le roule telle une serviette et l’essore aussi fort qu’il peut, le secoue vite fait et le remet tel quel, se rendant qu’on qu’à part déformer le tissu, ça n’a pas servi à grand chose.
Il pense par ailleurs à siffler monsieur le chien qui revient la langue qui pend, l’oeil éclatant mais visiblement épuisée. Bien. Parfait.

- Bon, maintenant que t’as bien fait n’importe quoi, tu veux tracer des runes ou on rentre manger ?

Parce que c’est pas tout mais se battre comme dans enfants de huit ans, ça creuse, et l’autre pour pouvoir être aussi lourd, il doit manger mais deux veaux par jour c’est pas possible. Tu m’étonnes qu’avec un sandwich il râle. Il voulait le poulet entier lui. Ptn. C’est pas possible d’être autant gaulé dans la vraie vie.

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Spoiler:
- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyMar 9 Jan 2018 - 14:55


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Un jour j’vais t’noyer, tu vas rien comprendre. »

Comment ça je suis un rageux ? Non ce n’est pas vrai. Mais quand on me fout à l’eau comme ça, sans recommandé, je n’y peux rien, ça part tout seul, j’ai des envies de meurtres. En plus, c’est de la faute de Simje. Vous ne vous en rendez certainement pas compte, mais en vrai Simje il faut son réservé, son mec qui s’en fiche d’être dans son coin. En vrai je suis sûr qu’il cache bien son jeu. Vous l’avez vu ? Non, mais très sérieusement, est-ce que vous l’avez vu ? Ça y est le wzwzwz il se croit tout permis avec moi. Est-ce qu’on jette un directeur à l’eau ? Non. Voilà. Point, y’a rien d’autre à dire.
Faute professionnelle, M. le polonais. Sanction immédiate requise.

Au final, la sanction je me l’inflige à moitié, parce que le grand gaillard sur mon épaule il remue comme un poisson frétillant qui fait parallèlement tout pour ne pas y aller, à l’eau. Il pourrait avoir une chance de rencontrer ses cousins les autres poissons, mais non, il refuse mon aide gracieusement offerte. Il gesticule et je tombe. Nous tombons.
Et plouf.

Avec ça, les vieilles au fond, elles auront de quoi causer pendant des semaines. « Oh, vous les avez vu ces jeunes hommes ? Oh là là, mais ils ont quel âge pour faire ça ? » « Oh, mais c’est qu’ils n’sont pas tout à fait moches là. » « Mais il n’va pas le noyer quand même ? » « Oh oh oh, si on était plus jeunes, t’aurais pris celui de gauche ou de droite ? » Faites pas les innocentes, on sait que les mamies, elles sont loin d’être crédules. Mais revenons-en à nos affaires. Je coule Simje une deuxième fois parce que tant qu’à faire, maintenant qu’on est trempés, autant y aller jusqu’au bout. Si j’aime l’eau ? Dans un bain oui. Dans la mer avec des habits adéquats oui aussi. Pour faire les cons et avoir les bas de pantalons plein de sel et de sable, un peu moins. Et ça va gratter. Je déteste cette sensation. Mais je ne suis pas seul. Oh grand Dieu non, heureusement je ne suis pas seul.

Nous, notre duo, nous regardons comme ça, dans l’eau pas si chaude que ça à mon humble avis. J’ai vécu dans le Nord mais ma perception du froid elle est comparable à mon pouvoir, mais à l’envers. Comprenez que je n’ai pas une super résistance. Enfin que ça dépend des moments. Et là, l’eau je ne la trouve pas si chaude que ça, même si on est en été. Bon. Et je le menace, parce que ce n’est pas parce que j’ai une belle bouille de bisounours que je n’ai pas le droit de râler. D’ailleurs, je râle beaucoup. Je suis un ralounours, voilà.

L’autre, il relève la tête d’un air fier. Voilà, dans deux minutes si ça continue, on va avoir affaire à un combat de coqs. Vous en avez déjà vu ? C’est violent les combats de coqs. La lutte et le catch à côté ça fait pitié. Bref, il relève la tête donc.

- Brudny brudny trochę brudny.

Il me cherche, j’y crois pas.

-wzwz meg igjen og jeg druknet deg

Ce qui veut, à peu de choses près dire qu’il me sort encore une fois une phrase en polonais et je le noie. Et il sourit. Et je souris un peu aussi. Dans une expression de désespoir mêlée à beaucoup de complicité. Pas possible d’être aussi… aussi… D’être à ce point Simje. Je ne trouve rien pour le qualifier, c’est lui tout entier que je vise. Y’a pas à dire, il sait y faire pour me changer les idées. Je me sens tellement bien maintenant, parmi ces journées de repos forcé, qu’au final j’aimerais bien qu’elles ne terminent jamais. Bon, là dans l’immédiat, je veux bien juste une bonne douche mais en général c’est plutôt agréable d’être ici avec lui.
Mon Dieu, que c’est niais.

- Je suis lourd ? JE suis lourd ? Le mec, c’est une brique et il ose parler.
-Et toi t’es une brindille, Sim, une toute petite br…

ET PLOUF. AGAIN.
C’est quand même dingue ça. Je suis sûr qu’il a des cousins poissons, à voir comment ils font sur ma jambe comme ça, peut-être que ce sont des requins dans sa famille. Et bref, je perds encore une fois l’équilibre. Sauf que là, j’ai quand même un truc lourd à la patte alors je tombe encore une fois.
SIIIIMJEEEEE.

Et il se relève. Et moi aussi. Et on se regarde encore une fois. Il est tout dégoulinant d’eau et il a les cheveux MOUILLES. Et moi AUSSI. Je passe une main dans ces derniers et les rabat violemment en arrière. Ils accusent le choc comme ils peuvent les pauvres, plaqués par une main vigoureuse. Au moins ils ne bougent pas trop. Jusqu’au moment fatidique où ils sècheront et là ce sera une catastrophe nucléaire. J’aurais dû prendre une serviette, je le savais. ça m’apprendra à faire confiance à un polonais.

- T’es vraiment un gamin Allen.
-Regarde-toi devant un miroir avant de dire ça.

Quoi, je râle. C’est une déformation professionnelle, d’accord ? La réplique ça me connaît. Je n’y peux rien. SI vous voyiez son regard et son petit sourire actuel, vous comprendriez ce que je veux dire en lui demandant de jeter un œil à son propre reflet. Bon, certes, je n’ai certainement pas l’air très fin moi non plus et je finis aussi par sourire. Puis soupirer. Puis rire un peu et soupirer encore une fois. Des gamins, ah ça oui.

Il sort de l’eau et je le suis tranquillement. Et il retire son haut. J’ai beau dire qu’il est une brindille, ben ça reste un exorciste et y’a quand même des exercices obligatoires pour garder du muscle. Et que, du coup, c’est pas désagréable à regarder. Je hausse un sourcil curieux parce qu’il est à mi-chemin entre le gamin super mignon et le bel homme sûr de lui. Ouais, sûr de lui. Je sais, je ne pensais pas sortir ça un jour, mais là je constate simplement. Peut-être parce qu’on devient de bons potes et qu’il n’est décemment pas ce qu’il paraît être aux yeux de tout le monde. Il est marrant, je l’aime bien. Mais ça on le savait déjà. Le vrombissement interminable des vieilles au loin revient perturber mon esprit et je me détourne enfin de Simje pour l’imiter. Quand je remets ma chemise, c’est tellement froid qu’au final je la laisse ouverte. Et ma veste ? Haha, on en parle ou je me fâche juste ? Passons simplement sur le fait qu’elle traîne dans mes bras comme une âme en peine. Je me saisis de mes chaussures et de mon sac que je garde à bonne distance de mes affaires mouillées et soupire une énième fois, un peu désespéré.

- Bon, maintenant que t’as bien fait n’importe quoi, tu veux tracer des runes ou on rentre manger ?

Mais il va arrêter de m’accuser, oui ? On assume ses actes quand on est grand, monsieur. Tout à fait. T’as commencé, c’est tout. Pour seule réponse, je lui pouffe à la figure avec un manque de respect total.

-Ouais donc le projet de me couler, ça faisait partie de ton calendrier depuis le début c’est ça.

Gros jugement dans mon regard.

-Hors de question qu’on rentre dans cet état, le taxi il nous refuserait illico et l’hôtel… J’en sais rien. Moi, je te propose de faire ce pourquoi on était venus à l’origine, sauf qu’on va faire dans le pratique et tracer de la rune d’eau douce pour éliminer le sel puis une rune de vent, de tempête, ce que tu veux, pour se sécher au calme. Après on mangera.

Séchons ces cheveux avant que le diable et la maladie ne les emporte. Je me tourne alors et visualise approximativement la position des mamies. Elles ne sont pas si loin que ça et franchement, elles ont littéralement les yeux posés sur nous H24. J’attrape le bras de Simje et lui lance :

-Mais pas ici, y’a des grands-mères qui ne nous lâchent pas du regard depuis tout à l’heure. Ça cause dans mon crâne, j’en peux plus. On devrait juste s’éloigner un peu plus, ok ?

Ce « ok » est en vérité totalement non négociable. Tellement non négociable qu’en vrai, je suis déjà en train de disparaître au loin juste pour échapper à leurs jasements.

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Simje Voniestosiwjski
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyMer 10 Jan 2018 - 16:55

Ne pas penser à la fin.
Ne pas penser à la fin.
Ne pas penser à la fin.


-wzwz meg igjen og jeg druknet deg

Oh là là la triche, comment j’en reviens pas ! Le gars il pense qu’avec des wzwz on parle polonais non mais le manque de respect ultime. Tu fais ça en conversation diplomatique tu déclenches la guerre mon pote, ça vaut au moins un petit séjour sous l’eau ça. Sincèrement. J’veux dire, pas comme punition mais plutôt comme apprentissage de la vie.
En plus j’ai pas pu comprendre ce que t’as dit et par conséquent, j’m’en fou. J’espère que tu m’as pas trop insulté violent mais ça va. Je survivrai au pire. Espèce de Caribou tout pourri.

Simje le regarde, tout content, et peut être bien que dans trente ans il s’en rappellerai de Allen, campé sur ses pieds au milieu de la mer de fin d’été, les cheveux trempés mais l’air ravi, les prunelles éclatantes au soleil de fin de journées et le rire au bord des lèvres, pas encore prêt pour sortir mais déjà moulé de complicité.

Peut être même que ça lui tiendrait chaud au coeur les soirs d’hiver.

Bref.

-Et toi t’es une brindille, Sim, une toute petite br…

Honnêtement, heureusement que je le coule non ? C’est mérité. Le mec il vient de dire que je suis une brindille alors que je m’entretiens, merde. Sérieusement, la vie aurait été beaucoup plus simple avec dix centièmes de plus, j’aurais pu l’exploser par terre, et le couler jusqu’à ce qu’il fasse bloubloublou, sous entendu « s’il te plaît remonte moi je suis en train de mourir et ce n’est définitivement pas très gentil d’essayer d’assassiner son ami en voyage en Pologne, s’il te plaît, ah, oh mon dieu vais-y rester ? »
Et tout le monde serait content.

Putain, ce que je donnerais pas pour être dans sa tête à ce moment là !

Même que il plaque ses cheveux en arrière avec une certaine rage et sérieusement, j’ai envie d’éclater de rire mais je risque de rester avec les poissons jusqu’à la fin de mes jours si je fais ça. Vous savez, l’expression anglaise, « you go sleep with the fishes » et ben voilà.
Tout ça pour une histoire de cheveux. N’empêche que les siens sont quand même excessivement longs, et que ça doit être excessivement chiant de s’en occuper au quotidien. Je dis pas qu’il faudrait lui raser le crâne hein - sûrement pas - mais ça doit pas être le genre de gars à qui tu fais la blague des oeufs et de la farine dans les cheveux.

Quoi que.


-Regarde-toi devant un miroir avant de dire ça.

Simje sourit mais ne répond pas, à deux doigts de répliquer qu’il va tout dire à sa maman, mais tout de même j’ai mes limites, qui l’eut cru, mh? et sort donc de l’eau avec la classe d’un phoque sur le rivage. Faut dire que monsieur est un chat, et que l’eau ça a jamais été vraiment son truc.

Il a vraiment l’air con, maintenant, avec son t-shirt tout déformé.

Bref, Allen l’imite donc dans l’essorage, mais en mieux parce que Allen est une princesse et qu’il fait les choses bien et propres. Même qu’il a laissé sa chemise ouveeeeeeeerte.
On en restera là pour les remarques de Simje. C’est bien aussi comme ça.

-Ouais donc le projet de me couler, ça faisait partie de ton calendrier depuis le début c’est ça.

Petit sourire satisfait.
Oui. Une autre question peut être ?

-Hors de question qu’on rentre dans cet état, le taxi il nous refuserait illico et l’hôtel… J’en sais rien. Moi, je te propose de faire ce pourquoi on était venus à l’origine, sauf qu’on va faire dans le pratique et tracer de la rune d’eau douce pour éliminer le sel puis une rune de vent, de tempête, ce que tu veux, pour se sécher au calme. Après on mangera.

Oh là làààà, le rabattement de la joie est présent dit moi. J’aimerais pas le retrouver en face de moi en temps que directeur, il doit grogner comme jamais le garçon. Vous savez, celui qui de toute façon sait et qui vous écrase juste avec son charisme ? On est pas loin. Fais pas ci fait pas ça quoi. Allen dictateur.

Bref, le polonais est donc allègrement en train de râler - ce qui fait intégralement partie du personnage, aucun doute là dessus, il pense rarement ce qu'il râle de toute façon - préparant une réponse digne d’un enfant de six ans quand subitement Allen l’attrape pas le bras.
Et autant vous dire que dans le cerveau de Simje, ça donne plus ou moins ça :

A L E R T E C O N T A C T P H Y S I Q U E

Voilà.
Il se tend un peu mais se laisser entrainement, bam, dissiper la gêne

-Mais pas ici, y’a des grands-mères qui ne nous lâchent pas du regard depuis tout à l’heure. Ça cause dans mon crâne, j’en peux plus. On devrait juste s’éloigner un peu plus, ok ?

Simje hoche la tête en suivant Allen avant de s’arrêter quelques secondes pour pencher la tête en avant, secouant ses cheveux sans ménagement. Après tout quand on a moins de dix centimètres de cheveux sur le crâne, aucun risque de faire des noeuds. On a tellement du remuer l’eau que j’ai du sable dans les cheveux quoi. Vivement la douche, brûlante, chaude, tiède, rechaude derrière et rebrûlante.

Ils marchent donc en s’éloignant sur la plage alors que le jour commence à baisser, donnant des éclats de gris et de bleu tempête à la mer qui continue de rouler doucement.

- Si on continue un peu, y’a des douches de plage tu sais. Histoire que tu mettes pas le feu avec une rune à tes jolis cheveux.

Bon promis, après, je me calme. Du genre, j’arrête de me moquer parce que ça devient récurrent et après il va s’habituer et ça fera plus son petit effet, ce qui serait d’une tristesse sans nom. J’aime bien quand il tique.

J’aime bien lui faire de l’effet.

Haha.


Il trottine donc jusqu’à la douche posée là de manière incongrue, se demande si il est censé se déshabiller ou pas, peut être au moins le t-shirt ? Le pantalon ? Bordel j’aurais du laisser Allen prendre une douche en premier, comme ça j’aurais pu adapter ma technique à la sienne, bon tant pis, il retire juste son t shirt pour le rincer, au fond il est un peu pudique alors c’est pas plus mal, il se frotte les cheveux et le corps rapidement, avant de redescendre un peu plus proche de l’eau.

- Alors, pour le vent.

Il réfléchit, c’est une histoire de dépression, un zone plus chaude et une zone plus froide, une autre histoire de mouvement, dynamisme ou quelque chose attenant mais aussi un fluide ou de l’air, un symbole devrait faire l’affaire, mh.

- D’abord, tu traces ça ᚳ c’est une histoire de flamme, de chaleur, pour que l’air se déplace mais aussi qu’il ne soit pas glacial, puis ça, Þ, histoire de tempête, de climat, et tu les coupes d’un trait net avec une barre, ᛁ, pour le froid, histoire que l’air donc, bouge, et tu traces ensuite un trait qui se traverse toi, donc qui part de ta rune et qui passe entre tes jambes et continue un mètre derrière toi environ, ᚱ derrière pour montrer un déplacement, mm.. donc.. non, attend, - il efface le dernier symbole - plutôt ça ᛉ pour l’élan et tu te concentres pour y déposer ton énergie. Avec un peu de sang ça marche toujours mieux, mais le but c’est pas d’avoir une tempête.

Il ferme les yeux, ouvre les paumes qui s’illuminent d’une lumière un peu blanche. C’est clairement pas ce qu’il souhaite mais son pouvoir son manifeste toujours un peu lorsque qu’il trace. Quand il ouvre les yeux, ses cheveux sont légèrement soulevés par de l’air. Pas franchement assez pour les sécher d’un seul coup, - tracer avec un bâton, sur un sol irrégulier, en changeant au beau milieu et en expliquant en même temps, ça ne lui réussit pas mais l’important c’est tout de même que ça fonctionne.

Petit sourire satisfait.

- A toi !

Et pitié, ne nous crame pas le sable et le sel en faisant remonter une odeur de brûlé. M’enfin bon, au pire on risque quoi mh ?

_________________

Tant que demain se lève encore 548ecdfe6e3d39f62c8a862cd99aed47ae1f7f22

Spoiler:
- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 11 Jan 2018 - 14:10


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« J’suis pas rabat-joie, j’ai juste le sens des priorités. »

On me l’a déjà dit. Oh, mais qu’est-ce qu’il râle celui-là. Il s’amuse un jour dans sa vie ? Bien, vivez la mienne et trouvez ça drôle, vous m’en direz des nouvelles. Bon, actuellement je pose un joker parce que je m’amuse vraiment. Parce que c’est tellement bien de faire un peu l’idiot, comme un gamin. Je suis un personnage complètement cheaté. A mon âge, on ne devrait pas être directeur, mais à un poste bien en-dessous, parmi tant d’autres, à faire son travail comme on le peut, avec beaucoup d’amis pour aider quand ça va et quand ça ne va pas. Mais pouf, chez moi, ça n’existe pas. Les amis, des fois, ce sont des faux et rares sont ceux comme Octavius à venir se taper spontanément la discussion avec moi. Pourtant, je n’ai pas l’air méchant si ? Bref, tout ça, pour dire que quand on fait quelque chose qu’on ne devrait pas faire à notre âge, on grandit un peu plus vite. Et on oublie à quel point ça peut être agréable de détendre l’élastique.
Au cas où, je ne me plains pas, j’annonce les faits.

J’aime bien être avec Simje.

Je me doute que tout cela n’aurait pas été possible sans le fâcheux épisode du Sri Lanka – mais n’y revenons pas, par pitié – et quelque part la phrase que me disait ma mère me semble tout à coup un peu plus pertinente : « À chaque peine son bon côté. ». J’ai gagné un ami, quelqu’un avec qui faire l’idiot. Quand la mort te passe au fil du rasoir avec quelqu’un, il y a un quelque chose d’indescriptible qui se crée. Une complicité qui n’existe nulle part ailleurs. C’est en tout cas ce que je ressens.

Bon, la complicité actuelle est un peu éclaboussée en ce moment et mes cheveux font une tête pas terrible – voir juste une gueule pas possible, parce que je n’ai plus la volonté d’être poli – donc j’ai juste envie de noyer Simje un peu plus. Qu’il songe à me mettre la raclée un jour : qu’il sache que ce jour n’arrivera pas. Même s’il gagnait en muscles, les lois de la nature reviendraient en mettre une couche vis-à-vis de ses pouvoirs. Il faudrait donc qu’il développe un don secondaire offensif. Ça commence à faire beaucoup de phrases au conditionnel. Qu’il accepte simplement la défaite.

Se sécher les cheveux donc. Pour éviter de les avoir devant les yeux, que ça colle au visage, que ça te rentre dans la bouche avec ce goût salé, donc. Je trouve ce programme intéressant, c’est pourquoi j’en fais immédiatement part à ma compagnie polonaise. Non, parce que l’idée de rentrer tout mouillé et d’aller manger tout mouillé, très peu pour moi. On est peut-être en été, mais en fin d’été et surtout en début de soirée. Et pas dans une tenue adéquate.
La chemise c’est quand même bien pratique. Les mémés un peu moins. Non pas que je compare les vieilles dames aux chemises, c’était une transition. Quoiqu’elles sont toutes les deux froissées. Qu’importe, autant j’apprécie moyennement d’être lorgné par des jeunes demoiselles, autant ça devient vraiment gênant quand elles dépassent la limite d’âge autorisé pour mater. Parce qu’il y a une limite d’âge, oui. Don’t doubt that.

Eloignons-nous.

Simje, il me suit un peu comme un robot sur quelques pas, un peu bizarrement quoi, puis il se secoue la tête comme s’il n’y avait personne autour de lui pour prendre ses gouttes dans la tête. Je vais lui faire la même chose, il va comprendre. Quoique non, ça reviendrait à m’auto-flageller. Est-ce que vous vous êtes déjà secoués les cheveux lorsque ces derniers sont longs ? Si vous voulez finir par avoir des marques sur le visage comme si on vous avait frappé avec un martinet, essayez.

Je détourne donc les yeux pour les concentrer sur l’horizon – en fait de tout ce qui me place hors du champ d’éclaboussures – et m’apprête à répliquer mais il me dépasse en un instant et nous nous éloignons des harpies. Lorsqu’enfin elles ne constituent qu’un point de couleur fade et que leur vrombissement ne retentit plus dans ma tête, je souffle de plaisir. A Simje de dire alors :

- Si on continue un peu, y’a des douches de plage tu sais. Histoire que tu mettes pas le feu avec une rune à tes jolis cheveux.

Et il s’active pour arriver jusqu’à la cabine en plein air comme ça à la vue de tous. J’ai toujours été un peu sceptique sur le fait d’installer un robinet entouré de métal sur une plage. Bon, ça reste des douches de plage, ce ne sont pas celles de l’hôtel – qu’est-ce que je donnerai pour un bon bain – mais ça ira pour au moins nous décrasser. Tout à fait, nous décrasser. L’eau de mer, c’est sale. Vous aviez remarqué d’ailleurs que salé, c’est sale mais avec un accent ? Voilà. Un jour un homme s’est baigné, il a voulu goûter l’eau puis il s’est exprimé pour dire « c’est sale » sauf qu’à ce moment au choix un poisson lui a mordu les fesses – à l’époque, l’océan c’était un peu l’endroit le plus dangereux de la Terre – ou bien ce n’était tellement pas agréable qu’il a appuyé sa dernière syllabe. Paf, salé est né.

Ouais. Bah des fois on se demande si c’est du sel et pas de la cocaïne qu’il y a dans l’eau.

En fait, j’ai juste cherché à ne pas notifier la phrase de Simje. J’ignore pourquoi les gens ont une telle fixation sur mes cheveux – et moi aussi en passant – mais un jour je vais me les raser et ça va être la fin du monde je pense. En passant, je dois quand même dire qu’il y a une certaine tendance de pyromane chez l’individu en face de moi. Outre la véritable explosion à mon QG, le principal exemple est sans cesse lié au feu. Monsieur nous cache quelque chose. Faut creuser.

Le brun enlève donc son haut après une seconde d’hésitation. Une seconde de trop. Et moi qui lui fait assez subitement dos et passe ma main devant ma bouche pour pouffer en silence. Tellement discrètement qu’on pourrait simplement croire que je me gratte le nez. En vrai c’est sa pensée qui m’a fait rire. Quoi. Non mais c’était trop long, j’ai senti son hésitation et pouf c’est allé plus vite que la musique, mon don il a claqué au-dessus de sa tête et j’ai récupéré les bouts de phrases en une demi-seconde. Voilà. Mais comme je sais que ce que je fais est mal, je masque le tout. Bon, c’est un monsieur félin, des fois il entend des trucs que je ne perçois même pas et c’est normal. Mais j’ai été discret quand même là, non ?

- Alors, pour le vent.

En une demi-seconde encore, il trouve le temps de se frotter les cheveux, de se nettoyer, de passer devant moi pour descendre sur le sable et de se concentrer déjà sur la rune.
Non.

J’inspire profondément et passe à mon tour sous cette douche. C’est froid mais tant pis hein. Je suis content de sentir le poids du sel retomber sur le sol et alléger un peu mes cheveux. Peut-être même y avait-il du sable. Vu notre vigueur dans la bataille, c’est fort probable en fait. J’en profite pour nettoyer un peu ma chemise et hop de nouveau sur les épaules. Oui donc le séchage.

- D’abord, tu traces ça ᚳ c’est une histoire de flamme, de chaleur, pour que l’air se déplace mais aussi qu’il ne soit pas glacial, puis ça, Þ, histoire de tempête, de climat, et tu les coupes d’un trait net avec une barre, ᛁ, pour le froid, histoire que l’air donc, bouge, et tu traces ensuite un trait qui se traverse toi, donc qui part de ta rune et qui passe entre tes jambes et continue un mètre derrière toi environ, ᚱ derrière pour montrer un déplacement, mm.. donc.. non, attend, plutôt ça ᛉ pour l’élan et tu te concentres pour y déposer ton énergie. Avec un peu de sang ça marche toujours mieux, mais le but c’est pas d’avoir une tempête.

Les runes de vent, j’en ai déjà fait lorsque j’étais étudiant. Après, ça s’est comme qui dirait un peu perdu dans les tréfonds de mon esprit car il n’est décemment pas possible de rester concentré sur absolument tout. Et ça ne me sert pas dans la vie de tous les jours, il faut dire. Si j’ai besoin de vent, j’ouvre la fenêtre ou je lance le sèche-cheveux. Et quand il n’y a pas d’électricité et que je suis en extérieur… Ça n’arrive pas assez souvent.
Bref, je me rends compte qu’en fait, Simje il le mérite vraiment bien son statut de gars qui s’y connaît en runes. Cette rune n’est certes pas si compliqué que ça, mais sa manière d’expliquer les choses et d’être précis sur son tracé en dit long sur son parcours. Pour un peu je sifflerai bien. Mais non, principalement parce qu’il a l’air très concentré. Et one ne dérange pas quelqu’un qui fait une rune. Je l’observe donc tracer la rune et tâche de puiser dans mes souvenirs pour retenir toutes les étapes. Ça me fait rire à quel point quelque chose auquel on est habitué peut devenir tellement logique. Il est détendu et sa voix me fait penser à un homme qui prépare une recette. Sauf que toi, la personne derrière son écran en général le temps d’attraper un papier et un crayon, l’autre a déjà fini sa recette et t’as plus qu’à aller sur internet pour tout écrire calmement. C’est comme expliquer le principe de la fission nucléaire à un enfant de douze ans.
Et non, je ne râle pas, c’est de la constatation.

Je me réapproprie mes sensations au moment où un bref courant d’air vient effleurer mon visage.
Eh ben, va falloir y aller plus violemment si on veut faire sécher tout ça. Pragmatisme.

- A toi !

Bon. Bon bon bon bon.
J’ai bien écouté et ma mémoire est relativement bonne. Ça devrait le faire, non ? Je me recule un peu. Bon, alors c’est vrai que sorti de son contexte, écouter Simje ne suffit pas à comprendre réellement la forme finale de la rune, mais dans le principe il faut surtout l’observer. Nous disions donc.
Je me remémore les lettres en silence. C’est quand même hyper bizarre que la langue runique soit la seule à pouvoir faire émerger de la magie. Je me souviens d’un document très intéressant qui émettait tout un tas d’hypothèses sur la création de cette langue. Certains pensent qu’il s’agit en réalité de lettres imitant la forme des troncs d’arbres, lien physique de la terre et du ciel et donc des transferts d’énergie à travers la vie. D’autres qu’elles sont à l’origine des noms de dieux et déesses qui, en signe de remerciements pour avoir retranscrit ces noms en langage, y auraient insufflé un peu de leur magie. Il y a un nombre infini d’hypothèses et certaines semblent tout droit sortis de mythes et de légendes.
Je finis de tracer la dernière lettre et juge un instant le schéma final. Tout m’a l’air en ordre. J’inspire alors et pose ma main sur la dernière lettre. J’y mets une certaine volonté et donc énergie parce que l’objectif est quand même toujours présent dans mon esprit. Une forte bourrasque surgit du sol et me surprend. Quand on est juste élémentariste de glace, faire émerger autre chose de ses doigts c’est perturbant au plus haut point. On se rend presque compte d’un truc idiot, à savoir « oh tiens, je fais de la magie ».

-J’ai rien fait cramer, tu vois. Oh et une idée m’est venue. Flippe pas.

Oui, parce que mon cerveau ne s’arrête jamais. Genre jamais – c’est plutôt une bonne chose en soi. Je ne peux rien faire pour l’eau salée, mais en revanche l’eau douce ça rentre un peu plus dans mon domaine de compétence. Non, parce qu’au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, c’est pas cette bourrasque qui nous a séché. Et je suis absolument chiant mais l’eau ça mouille. Et marcher mouiller ça donne froid. Et je ne tiens pas plus que ça à tomber malade.
Donc j’ai une idée. Folle mais amusante. A laquelle je n’avais jusque-là jamais pensé. Je ferme les yeux à mon tour et pose ma main sur le bras de Simje. Je me concentre sur les pellicules d’eau, les sentir jusqu’à ce qu’elles pèsent sur mon corps. Ça prend un certain temps et je reste silencieux. C’est un travail de précision mais c’est drôle. Un peu long aussi. Et ma tête tourne un peu mais ça devrait le faire. Lorsque ma perception des gouttes d’eau est suffisante, j’envoie une vague de froid – c’est le cas de le dire – sur ces dernières en prenant soin de rester en surface. Bon, ça ne doit pas être très agréable à ressentir pour Simje – je ne sens rien pour ma part puisqu’il s’agit de ma magie – mais ça devrait faire l’affaire. Les gouttes d’eau gèlent instantanément et je fais alors disparaître l’entièreté de ce gel sur les deux corps. Ça grésille un peu et j’ouvre les yeux, assez fier de ma trouvaille.

Sauf que mon sourire n’arrive pas vraiment. J’ai dû érafler un peu la joue de Simje en voulant me la jouer apprenti sorcier. C’est très superficiel mais au final c’est pas parfait et je lui ai certainement fait un peu mal. Autant sur moi c’est simple, je ne ressens rien et mon pouvoir sait faire la différence entre les corps étrangers et le mien. Autant sur deux corps qui ne m’appartiennent pas, c’est plus difficile.

-Oh. J’suis désolé. J’t’ai pas blessé autre part j’espère ? Promis je recommence plus.

N’empêche qu’on est sec. Un peu salés mais secs.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 11 Jan 2018 - 15:13

Plus il trace sa rune, plus j’ai envie d’assassiner Ian dans de douloureuses conditions. Je voudrais qu’il souffre et qu’après il demande pardon. Les runes de vent ne sont pas en elles même compliquées, il faut juste les retenir. Elles n’ont pas beaucoup d’effets secondaires, surtout quand elles sont tracées en extérieurs et, même si elles sont rarement utilisées car très peu utiles, elles sont pratiques. Et Ian, cette tête de Piaf n’a pas réussi à une heure à m’en tracer une correctement. Dyslexique des runes le garçon, jamais concentré, mauvais gars pas du tout fait pour l’école. Enfin non, c’est pas un mauvais gars mais bordel, quand je vois comment Allen s’en sort en genre, cinq secondes d’apprentissage et que sa rune et bien faite, tracée un peu plus profond que la mienne même, il réussira clairement à créer du vent.
Et l’autre, il a mis une heure à faire faire un bruit de pet au milieu de la salle. Rien que d’y penser j’ai des envies de meurtre ultra violentes.


Il ne sait pas pourquoi mais depuis toujours, les runes ça le concentre et ça le pose. Il se sent à l’aise - ce qui est extrêmement rare - et il regarde donc Allen tracer avec attention. Il dégouline encore de la douche prise et ses cheveux tombent de chaque côté de son visage.

Image hors du temps.

Vous savez ce que ça fait, cet instant, comme si votre cerveau photographiait un instant précis pour toujours s’en rappeler ?
Simje a un problème avec la mémoire, les souvenirs, ne pas oublier, s’il vous plaît permettez moi de me rappeler.

Allen pose finalement sa main sur la dernière lettre, ce qui sourire Simje parce que déjà il se la pète de ouf Allen en faisant comme ça, bien sûr que ça confère plus de pouvoir mais pour du vent quoi. Bientôt on va le voir effectuer une danse de la pluie autour des runes. Vous saviez que la transpiration ça marche bien ? Parce que c’est ce qui reste après une déflagration d’énergie et ce n’est pas un matériau vide. Bref, je m’emballe, pour changer.

Le vent soulève brisement la chemise d’Allen et les cheveux du polonais qui sourit, hyper satisfait - sans vraiment savoir pourquoi. Comme si pour lui, sa magie était trop naturelle alors que les runes étaient des super pouvoirs.

-J’ai rien fait cramer, tu vois. Oh et une idée m’est venue. Flippe pas.

C’est fou comme quand quelqu’un vous dit de pas flipper, c’est tout à coup beaucoup plus dur de pas flipper. Comme « ne pense pas à un éléphant ». Enfin, forcément, c’est sur quoi on se concentre subitement. Je n’ai même pas eu le temps de dire quoi que se soit sur sa rune qu’il est déjà passé à autre chose. Il court de galet en galet le type, impossible à suivre. [/iØ Simje déglutit, même si en vrai, il lui fait confiance au caribou. On ne confie pas un QG à quelqu’un de totalement inconscient. [i]Sa jeunesse a du être cheloue pour qu’il soit à un poste avec autant de responsabilités aussi jeune. Soit, il a travaillé de ouf, soit il s’est fait pistonner. Dans tous les cas il a pas du avoir une adolescence hyper fêtarde ou du genre. Enfin je dis ça mais c’est idiot d’interpréter, j’en sais rien. Peut être que c’est un génie et qu’il a mérité sa place et puis voilà, et. .
Et putain, jamais tu te tais. C’est incroyable.

Allen est toujours silencieux à côté de lui, comme replié en lui-même. Comme s’il allait chercher la magie à l’intérieur de lui. Sa main est posée sur Simje qui sent la morsure du pouvoir affleurer doucement, comme quand on touche de la glace à mains nues, comme la brûlure de la boule de neige sur les paumes. Il ne dit rien, se laissant à son tour couler dans la magie. C’est étrange de la sentir passer mais les picotements couvrent bientôt toute sa peau et il serre un peu les dents pour ne pas fermer les yeux parce qu’il a peur que ça tourne si il se laisse aller.
Chelou le Canadien avec ses idées quand même eh. Il peut pas se sécher à la serviette comme tout le monde.

Les gouttes gèlent et tombent donc sur le sol avec des bruits étranges qui font sourire un peu Simje malgré lui. C’est le côté minet qui ressort, désolé. Les bruits et tout, ça m’fait marrer j’y peux rien.

- Oh. J’suis désolé. J’t’ai pas blessé autre part j’espère ? Promis je recommence plus.

Simje hausse un sourcil tout en fronçant l’autre de quoi il parle?.. avant de porter sa main à sa joue et d’en retirer un peu de sang. Ben ouais, vlà-t-y pas qu’à force de me scarifier j’sens plus rien. Il aurait pu m’égorger, j’aurais été surpris de mourir limite. Sans aucune exagération. Il sourit en grand, bien sûr que non il n'est pas blessé, il est même plutôt content de sa journée.

- Allez viens, on va manger cette fois-ci.

Il siffle le chien, remet ses chaussures maintenant qu’il est tout sec et se tire vers la route.

***

C e c i e s t u n e e l l i p s e t e m p o r e l l e


***


La torpeur au milieu des draps, confortable, chaud, le repas date d’il y a longtemps maintenant mais la fin n’est pas présente, juste le sommeil et le corps lourd, étalé sur le matelas avec deux bruits de respirations, calmes et puis la sienne qu’il n’entend pas, il est enfin relâché en entier, son estomac est pressé contre le matelas avec cette sensation de sécurité apaisante qu’il n’atteint que comme ça. Comme s’il était trop dangereux de dormir le ventre exposé.

D’abord ce sont les vibrations qui modifient son rêve, le rendent étrange, presque poreux, il essaie de s’en sortir mais il est tout perdu et son corps ne se réveille pas, il pèse encore des tonnes. Puis la sonnerie qui le fait se réveiller d’un coup. Il croise le regard de l’animal à ses pieds puis comprend que c’est son téléphone. La chambre est entièrement noire il doit être extrêmement tôt ?.. Ou tard ?

Il attrape le téléphone.

- Mmmallô ?

Il déglutit; il a la nausée. Il a toujours eu du mal à se réveiller du bon pied le matin. Il se regroupe en tailleur en passant une main brûlante sur son visage, se frotte un oeil.

- Quoi ? J’ai r

Ca parle polonais de l’autre côté. Il reconnaît finalement la voix d’Hannah, tendue comme un rasoir. Il essaie de rassembler les éléments, les pièces du puzzle. Elle était de garde cette nuit, c’est vrai, il se souvient qu’elle râlait qu’il parte à la mer. Il sourit.
Ca râle de l’autre côté, ça engueule même Simje de ne pas être attentif.

- Qui ?

Et subitement, enfin il percute que c’est important, qu’on lui parle de quelque chose dans laquelle il est impliqué et qu’il serait intelligent d’être un peu plus alerte que ça.

- Il y a des familles des exorcistes qui sont morts au Sri Lanka qui seront là en début de matinée. Ils viennent te parler à toi spécifiquement. Ils ont fait beaucoup de route pour venir, il faut que tu sois là. Je suis désolée.
- Me parler pour quoi ?
- Je pense qu’ils veulent comprendre, qu|
- J’ai déjà tout écrit sur les rapports.

Il est franchement réveillé maintenant mais parle à mi-voix, dos à Allen, les pieds ballants dans le vide et le dos courbé. D’un bras il fait courir ses doigts sur les muscles de son dos, encore un peu raide puis sur sa colonne qui ressort comme une arrête dans son corps.

- Ils cherchent à faire le deuil Simje. Ne soit pas comme ça.

Il souffle doucement. Il sait qu’il va y aller mais il aimerait retarder au maximum le moment où le bonheur simple qu’il ressentait jusqu’alors s’en irait. Mais c’est trop tard, il a déjà été vidé. Il n’y a plus une goutte de passé en plus, seulement une bulle d’appréhension qui nait sous ses côtes et puis le futur qui ne tardera pas à arriver.

- J’arrive.
- Merci.

Il raccroche et soupire à nouveau. Il n’a donc pas le droit à un seul moment hors du temps qui ne serait pas gâché ? Bordel, de sa mère, de ses morts, de sa race, putain, de, mes, couilles.
Putain.

Il se retient d’épiloguer en pourquoi et comment dans sa tête. Peut être Allen dort toujours, peut être qu’il est dans sa tête pour essayer de comprendre ce qu’il se passe - Simje est toujours dos à lui. Il finit par laisser glisser, un peu fort.

- Allen ? Il faut que je rentre, c’est..

Il prend son temps pour former ses mots avec calme. Il se lève enfin, toujours dans le noir de la chambre à peine percé par des rayons clairs qui passent sous la fenêtre.

- .. c’est le boulot. Ils ont appelé, il faut que je rentre.

Il ne sait même pas quelle heure il est, il ne sait pas s’il devrait proposer à Allen de rester ici et profiter encore de la mer, il ne sait pas s’il doit s’habiller ou juste rester mourir un moment sur le matelas, faire la valise ? Et la réception ? Il est tout vaseux et tout pâteux mais étrangement, c’est toujours le moment où son cerveau se tait. Il ne râle que quand il est heureux, le reste du temps il essaie juste d’être courageux.

_________________

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- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 11 Jan 2018 - 16:46


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« On se rend parfois compte que le monde des rêves, c’est comme une réalité déformée. »

Une réalité très déformée en vérité. Pour la plupart construit dans une logique questionnable, avec des personnages proches de la folie et un scénario construit par l’homme ou la femme la plus bourrée du siècle. Imaginez seulement un de nos rêves adaptés au grand écran. Au choix ça ferait rire, au pire, les critiques seraient sans pitié – si elle l’on bien sûr un jour été. Les rêves, c’est du n’importe quoi de A à Z et pourtant, il y a des gens spécialisés dans le décryptage de ces derniers. Vous échappez à quelqu’un ? Vous avez un problème. Vous accouchez ? Paf, un projet en cours. Vous saignez en plein milieu d’un champ de bataille ? Vous êtes fatigués. Et ça change selon la personne, selon la culture, selon l’éducation etc. Et il y a des rêves qui viennent sans raison, qui apparaissent comme des publicités pour dire au corps « hey, tu n’es pas mort ». Il paraît qu’on rêve toute la nuit mais qu’au final, on ne se souvient que de ceux qui ont provoqué un sentiment particulier ou celui qui a précédé la phase de réveil.

C’est la pire Alzheimer du monde quand même d’oublier environ 4 à 8h de sa vie tous les jours.

Hier, on a bien mangé. Ça grattait un peu les cheveux à cause du sel et du sable mais au final comme on était tous secs on a pu directement enchaîner par le repas. Et c’était bon. Et on a causé de tout et de rien. Surtout de rien il faut dire. Ça rigolait. C’était un moment agréable et mon ventre a beaucoup apprécié de manger à sa faim.
Je suis encore un peu marqué par l’attitude totalement désinvolte voire blanche de Simje. Sa résistance aux blessures est tout à fait incroyable. Bon, ce n’était certes pas grand-chose, mais ça aurait pu le piquer un peu. Au lieu de ça, il a souri et j’ai alors manqué de le frapper sur la tête pour lui dire de ne pas prendre ça à la légère. Oui je m’inquiète. Beaucoup plus que vous ne le pensez d’ailleurs.

Quoiqu’il en soit, le ventre bien plein, nous sommes rentrés d’un pas un peu lourd et nous nous sommes un peu écrasés sur nos lits après un passage douche bien évidemment nécessaire. Moi qui rêvait d’un bon bain, c’est la fatigue qui a pourtant triomphé.
Voilà, la nuit a commencé et j’ai été si achevé que je n’ai pas u contempler la richesse imaginative de mon cerveau. Dommage, le plus souvent ce sont vraiment des perles.

Puis, un peu plus tard, un peu tôt ou sans doute en pleine nuit, impossible à dire, une sonnerie de téléphone retentit. J’ouvre un œil distrait puis le referme à l’instant où la mélodie ne me paraît pas familière. Oui, concrètement, quand je suis fatigué, si j’estime que ça n’en vaut pas la peine, ça n’en vaut pas la peine. La sirène pourrait retentir que je ne me lèverai pas. Il faut dire que le feu ne m’effraie pas tant que ça. Merci capitaine glaçon.
Je me rendors somme toute assez vite mais c’est alors la voix brumeuse – et encore le mot est faible – de Simje qui brise le silence. Les rideaux sont fermés, on n’y voit quasiment rien mais la faible lumière des lampadaires en bas et le craquement très léger des coques sur l’eau me permet au moins de me situer géographiquement. Lentement, le cerveau se réveille.

- Quoi ? J’ai r

La phrase, le… mot plutôt, se précise. Mon œil est ouvert mais la vision est encore un peu trouble, comme si j’avais pleuré. J’ai toujours un excès de larmes le matin, c’est dingue. C’est peut-être normal, mais ça a tendance à m’obliger à m’essuyer les yeux un certain nombre de fois avant de voir correctement. Peut-être devrais-je porter des lunettes ? C’est ce qu’a dit mon ophtalmologue. J’en porte déjà quand je suis fatigué, c’est bien suffisant.

Une nouvelle parole, mais je n’en comprends pas le sens. Ma main à couper qu’il ne parle plus anglais, mes oreilles entendent très bien merci. J’inspire et me place sur le dos, débutant la longue cérémonie de nettoyage des yeux. Ce n’est pas possible ça. Les mots s’accélèrent un peu et je parviens enfin à reconnaître le wzwz polonais. Le ton change un peu, je devine que l’histoire doit être somme toute importante et ça a tendance à me réveiller un peu plus encore. Puis il s’assied. Et je m’étire. Evidemment, ma curiosité prend le dessus et vient attaquer les pensées du monsieur mais puisqu’il parle en polonais, il pense aussi en polonais. Et je ne comprends pas – encore – les pensées étrangères.

Le silence retombe. Puis il parle à nouveau. Un seul mot. Un soupir. Ça n’augure rien de bon. Il s’est passé quelque chose ? Remarque idiote, oui il s’est forcément passé quelque chose. On ne soupire pas sans raison. Pas lui en tout cas. M’est avis que l’annonce n’a pas dû être bonne. Qu’est-ce que je dois faire ? Parler le premier ? Il ne sait pas que je suis levé, mieux vaut lui laisser le temps. Ça se trouve, je ne suis même pas censé savoir ce qui se trame. Je devrais juste rester silencieux. Oui, voilà. Attendre ou simplement me rendormir. Quelle heure est-il ? Si je prends mon téléphone, il va vraiment savoir que je suis debout. Passons donc sur l’information pour le moment. C’est long d’attendre pour une chose dont on ignore si elle doit se produire.

- Allen ? Il faut que je rentre, c’est..

Ah. C’est pire que je pensais. Est-ce que tu sais l’heure qu’il est ? Qui est réveillé à cette heure-ci ?

- .. c’est le boulot. Ils ont appelé, il faut que je rentre.

Ah, le boulot. Forcément. Il est déjà debout. Le boulot, toujours le travail. Je n’y crois pas. Orpheo c’est du 24h/24 et 7j/7. Jamais ils ne nous laissent tranquilles. A croire qu’il faut être tout le temps à leur disposition. Oui, j’ai la rage, c’est le matin, il ne faut pas s’attendre à de la profusion d’amour. Qui est de bonne humeur le matin ? Ceux qui le sont, je leur mettrais bien une grosse patate, ça les mettrait en phase avec ma sensation au levé.
Parfaitement.

Orpheo donc. Je suis en colère contre eux, mais c’est genre normal. Je n’en veux pas du tout à Simje par contre. Il a tout sauf l’air de partir par plaisir. C’est compréhensible. Sans rien dire, je pivote et pose alors mes yeux sur le sol, m’autorise un regard vers mon téléphone qui me pète les yeux en passant parce que je n’ai pas réglé la luminosité avant de me coucher et qu’il était à fond. Voilà. Très tôt donc. Pas foutu d’arriver au taf avant 7h, hein ? C’est pas possible ça. Il n’est même pas 4h. Tu m’étonnes qu’il fasse nuit dehors. Franchement…

Je bâille un bon coup puis répond d’une voix bien réveillée.

-Il s’est passé quelque chose ?

J’omets de préciser « de grave » simplement pour lui laisser une plus grande marge d’expression. A lui de me dire si ça vaut vraiment le coup de se déplacer aussi tôt pour rentrer d’un week-end qui s’annonçait quand même plutôt bien. Il n’est pas censé être en congé d’ailleurs ? J’ai totalement oublié les jours de la semaine, je suis paumé, c’est dingue. Ma mère dirait « c’est parce que tu t’es reposé ». Oui Maman. Mais c’est quand même perturbant.

-Tu veux que je rentre avec toi ou que je prenne le train suivant ? Histoire que tu ne t’encombres pas l’esprit des sacs et de la réservation. Enfin… Je peux m’occuper de tout ça quoi si c’est vraiment important.

Je suis un peu soucieux au moment d’attraper une nouvelle chemise bien propre. Mes sourcils se froncent malgré moi et je ne peux m’empêcher d’ajouter :

-Tu es sûr que ça va ?

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un drôle de malaise sur la poitrine. Et pourtant, je ne suis pas empathe. Quelque chose me dit qu’il devrait juste essayer de voir comment s’organiser et que je m’adapterai en fonction de ce dont il a besoin.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 11 Jan 2018 - 17:32

Il est tellement perdu qu’il a presque envie de se poser et de faire une liste. Mais qu’écrirait-il dessus ?
Partir.
Il n’y a rien autre à ajouter, rien n’a changé finalement. Une boule de frustration se gonfle dans sa gorge et il est incapable de la juguler. Il aurait envie d’éclater son mur contre un poing, il déborde de violence subitement et redresse la tête pour ne pas s’étouffer dans sa rage. C’est un sentiment bien nouveau pour lui, ça fait longtemps qu’il ne l’a pas vu. D’habitude il est agacé, tout a pire un peu gavé mais jamais outrageusement en colère. Je devrais être habitué à subir ma vie quand même. Un peu de relâchement et me voilà outré de subir, c’est comme ça quand même Simje. Trente ans de galère et une journée sans problème et ça y est, t’oublie tout ? Il n’est pas vraiment dépité, il est cynique, grinçant, malheureux.

Mais c’est pas grave, ça va passer.

Allen se retourne, grogne un peu et Simje aperçoit le flash du téléphone. Ah, c’est vrai, l’heure. Il est quel heure ?.. 3h49. Un frisson lui parcourt l’échine alors qu’il ferme doucement les yeux. Bon, en vrai rien de grave, c’est rien de grave, c’est juste un peu désagréable. Et les trucs désagréables ils finissent toujours pas passer. Tout fini toujours par passer.

-Il s’est passé quelque chose ?

Simje fait face à Allen, absolument pas conscient qu’il est en caleçon - de toute façon il fait hyper noir - en se passant vaguement la main dans les cheveux. Il est parfaitement réveillé maintenant mais son cerveau a du mal à suivre. Ils ne se sont pas couchés particulièrement tôt et il a mis longtemps à tomber dans un sommeil calme et reposant. Il se sent sérieusement lessivé.

- Juste des gens qui viennent de loin. Ils veulent parler.

Le polonais se rend compte que ses pensées ont naturellement repris dans sa langue maternelle et qu’il a failli causer en polonais. Ce n’est pas pour mettre Allen à l’écart ou du moins, pas intentionnellement. C’est peut être juste pour se protéger. Ou pour protéger l’autre.
Or de question de réfléchir au pourquoi du comment. Il se sent mieux ainsi, tout en polonais, safe, à l’écart des intrusions. C’est pas vraiment qu’il ne veuille pas lui expliquer mais il est bloqué. Si l’affaire n’avait pas été connue d’Allen, il n’aurait pas pu lui en parler parce que l’autre n’aurait pas pu comprendre, dans le sens où les émotions n’auraient pas été soulevées comme elles le sont pour Simje, et ç’aurait été inutile que de parler boulot, qu’une affaire de curiosité. Et comme c’est pire, qu’Allen est concerné, c’est pas bien la peine de lui en parler, de le replonger là dedans. Sérieusement je pense qu’il a assez douillé comme ça, la mise à pieds tout ça, c’est le genre d’histoire à enterrer dans son jardin pour laisser les vers la manger jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien, juste des os.

Pourquoi protéger Allen ? Par amitié ? Par confort pour ne pas voir quelqu’un en peine ? Par gentillesse ?

Simje le sait, il n’est pas du genre à faire grand cas des gens. Il n’est pas gentil, il n’est pas avenant. Mais Allen reste Allen.

- C’est rien, ça devrait pas prendre longtemps, mais ça m’oblige à rentrer, .. c'est rien.

Alors que j’étais en congés; elle aurait du dire ça Hannah. « Il n’est pas disponible, il essaie de se réparer » Ahah, comme si c’était possible.
Mais ça aurait fait une excuse hyper pathétique, plausible après les dégâts. Mais je sais bien, je sais bien que je dois y aller. Je sais bien.

-Tu veux que je rentre avec toi ou que je prenne le train suivant ? Histoire que tu ne t’encombres pas l’esprit des sacs et de la réservation. Enfin… Je peux m’occuper de tout ça quoi si c’est vraiment important.

Nouveau frisson.
Lui qui choisit toujours les mots avec soin se demande toujours si les autres font de même - et part toujours du principe que non, ils ne font pas attention. « si c’est vraiment important » ? [i]Il a bien vu que j’étais pas parti pour me rendormir et qu’il fallait que je me tire ? Est-ce que c’est sérieux ? Ou est-ce qu’il se demande juste si j’ai le temps de régler ma vie avant de partir ? Il se rend compte qu’à 3h49 du matin on ne règle rien du tout ?
Mais Simje a bien conscience que le problème vient entièrement de lui, qu’il est frustré et qu’Allen ne pense pas à mal. Qu’il est juste paumé et qu'il cherche même à l'aider, à trouver une solution. Après c’est un peu moi le connard qui le réveil aussi tôt quand même. Comment j’aurais pas apprécié à sa place. Il est bien gentil de pas hurler et m’envoyer une brique à la tête.

-Tu es sûr que ça va ?

Il s’assied sur son lit. Oh oh, on se réveille gros, on aligne deux pensées cohérente, alors, les affaires, les valises, le chien, on, se, bouge. Mais un rire nerveux lui monte dans la gorge alors qu’il allume la table de chevet. Il se tourne vers Allen alors que le rire éclate et putain, - je dois paraître fou, j'avais rigolé pareil dans les grottes c'est vraiment affreux - avant de siffler :

- Quel train ?

Comme si au beau milieu de la nuit ça circulait encore dans cette partie du pays. Déjà qu’à mon avis ça doit pas être le cas à la maison, alors sur la côte touristique.. les transports sont morts avant minuits, alors les trains.. Autant dire que je serais plus vite arrivé à pieds, limite, tellement c’est la mort par ici. La mort, le désert, la fin du monde.. bref. Il se calme tout de même avant de lâcher :

- Mais ouais, ouais, ça va.

Il allait ajouter « t’en fais pas » mais sérieusement aucun rapport, il s’en fait pas il demande. C’est comme s’il avait finalement atterrit et qu’il était immédiatement retourné là où est son confort : dans une carapace, sous une armure. Au chaud, au sec, serein.
Il enfile son jean, se lève en s’empêchant de soupirer pour la millième fois avant quatre heure du matin c’est pas une vie ça.

- Je.. prends les affaires et ehm.. le chien.. et.. enfin de toute façon, je vais rentrer ehm.. je sais pas, d’ailleurs, tiens, puisque j’ai plus de voiture en fait.

Un immense sourire lui fend alors le visage. Il a nouveau envie de rire de nerfs, vraiment, d’exploser en petits morceaux pour laisser tomber toute la pression. J’avais oublié cette histoire de voiture. Ca y est, j’suis officiellement au fond du trou. C’est incroyable. Des fois j’pense avoir touché le fond mais je me rends compte que j’ai des bras et que je peux encore creuser.

- En taxi. Voilà, j’vais rentrer en taxi mais tu peux rester dormir et glander un peu, la mer, les bateaux, tout ça.

Il avait l’air tellement comptant de venir que ça serait idiot. C’est pas comme si il allait m’accompagner au boulot de toute façon, il va pas attendre devant la porte où à la maison alors autant qu’il reste.
Il se lève et attrape sa petite valise et y cale toutes ses affaires - dont le jean salé. C’est impressionnant comment l’humeur a changé, subitement moins intime, plus rangée, plus adulte, plus professionnelle.
Il a envie de vomir.

- On peut se retrouver chez moi après, quand tu rentres. Ca devrait pas être si long, le boulot.

Pitié, pitié pas de gens qui pleurent, juste des faits, des gens qui veulent savoir précisément ce qu’il s’est passé et surtout pas des enfants, non des adultes qui veulent comprendre, qui serrent la main et qui surtout sont magiques. Enfin, bien sûr qu’ils le sont, si ils sont au bureau mais qui font des missions, Orpheo, n’importe quoi, qui ont vécu ça. Sinon quand ils me verront sans aucune égratignure ils ne comprendront pas. Comment pourraient-ils après tout ?

Il finit de mettre ses affaires dans sa valise en se demandant si à cette heure là il pourra avoir un thé, un café - de la cocaïne - mais la réponse est non, il le sait bien, rien d’ouvert, rien à manger, et hors de question d’aller emmerder les gens de l’accueil ou leur gratter quelque chose à boire. Ca va, je survivrai, mh. Il ferme d’un coup de zip et met un t shirt qui glisse sur sa chair de poule. Il s'assied sur le lit pour faire un petit point mental alors que la chienne vient sur le lit et colle sa tête dans son cou. Il lui lâche un petit sourire genre "ouais, ouais" puis un patpat sur la tête. Incroyable comme il est incapable de partager le négatif avec qui que se soit. Comme si c'était toujours à lui de réparer, comme si c'était uniquement sien, sien en entier.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 11 Jan 2018 - 19:23


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« J’aurai aimé croire que ça y est, on avait passé un cap. »

Ouais quelque chose comme « ça y est on est potes, je peux te parler des trucs qui me dérangent. » ou « après tout, qu’est-ce que je risque à tout te raconter ? je sais que toi tu ne me jugeras pas. ». Mais voilà, parfois j’ai besoin d’un peu de temps pour comprendre que la vie ne fonctionne pas pareil pour tout le monde. Que les caractères ne sont pas superposés et que nous ne sommes pas des copier collés qui réagissent tout le temps de la même manière. Je n’ai pas peur de m’exprimer et donner mon mécontentement. Pas tout le monde. Pas Simje. Et maintenant, maintenant je peux dire rien qu’en le voyant debout comme ça, au milieu de la pièce, que ça ne va pas si bien.

Ça ne va même pas du tout.
Je lui demande comment il se sent tout en sachant que peu importe la réponse, elle transcrirait un mal-être dont je ne saisis pas la profondeur.

- Juste des gens qui viennent de loin. Ils veulent parler.

Mouais. M’est avis qu’ils ne viennent pas pour se taper la discussion au coin du feu, si tu veux mon avis. Il reste vraiment évasif. Je n’aime pas trop ça. Je n’aime déjà pas être mis à l’écart tout court, mais là ça picote un peu plus. Parce que c’est Simje, sans doute. On s’est littéralement sauvés les miches et la mort nous a certainement frôlé. J’estime qu’il y a très peu de choses dont je ne pourrais pas lui parler et naturellement, j’en attends de même. Mais ça ne fonctionne pas comme ça et si Simje veut rester silencieux, je ne peux rien lui reprocher. Pire, ce serait une démarche terriblement intrusive.

Des gens qui veulent parler hein. Et si moi je veux te parler, là maintenant, est-ce que tu leur dirais d’aller bien se faire voir, hein ? Est-ce qu’un jour, on ne pourrait pas simplement se dire que mince, ce sont des congés mérités ? J’ai envie de lui demander, là maintenant tout de suite, ce qui le met dans cet état. J’ai envie de savoir mais curieusement, alors qu’il serait si facile de découvrir la vérité à son insu, je me surprends à vouloir l’entendre de sa bouche. Mon don est donc solidement ancré dans ma mémoire, enfermé et hermétique à n’importe quel son venant de l’extérieur. Ça me permet de me concentrer encore un peu plus sur l’échange de sourd.

- C’est rien, ça devrait pas prendre longtemps, mais ça m’oblige à rentrer, .. c'est rien.

Je fais de mon mieux pour garder mon calme, à mi-chemin entre l’exaspération et l’inquiétude. Il s’est complètement renfermé sur lui-même, c’est dingue ça. Je devrais dire quoi ? « Vas-y, pars, de toute façon, tu dois y aller hein ? » ou au contraire de les ignorer ?
Ma question est alors plus que logique et je me plie naturellement à la volonté d’Orpheo, trop habitué à agir selon son désir. Et si c’était grave ? Et si ma drôle de frustration intérieure pouvait nuire à son travail s’il ne s’y rendait pas ? C’est idiot, je devrais simplement me contente d’acquiescer à ces mots. Il doit partir ? Qu’il parte, je règlerai la paperasse pour lui retirer au moins cette épine du pied, à en juger par la grosseur de celle qui l’attend là-bas.

C’est grave. Je ne sais pas s’il se rend compte, mais contrairement à la majorité des gens, j’ai appris à le connaître. Et cette attitude distante, je ne la considère pas normale. Plus normale. Ça me saoule un peu, j’ai la sensation d’avoir sauté d’une falaise pour trois jours de satisfaction et de joie. C’est tout. J’enfonce un peu plus le clou et lui demande, très soucieux, son état.

Et il rit. Fort.
Eh ben.
Ça sent mauvais.

- Quel train ?

Allô, Simje, ici la Terre. Le train ? Ah, parce qu’il n’y a pas de train ici ? C’est un coin paumé à ce niveau ? Voilà, une preuve encore du décalage Canada Pologne. On est quand même dans un petit endroit touristique non ? Et en été ? Chez moi, il devrait y avoir suffisamment de transports pour gérer un retour à cette heure. Mais nous ne sommes pas à Ottawa, j’ai bien compris. Pardon si j’ai fait un impaire, je ne peux pas deviner que les trains passent tous les 36 du mois par ici. Et puis quelle amertume.

- Mais ouais, ouais, ça va.

Mh mh…
N’empêche qu’il ne m’a toujours pas dit ce que je devais faire, dans tout ça. Me rendormir ? Non, je suis tellement frustré que le sommeil reviendra pas de sitôt. En plus je me lève en temps normal à peine deux heures plus tard donc bon, c’est pas pour quelques heures de sommeil en plus. La dernière fois j’ai dormi plus de dix heures, j’ai beaucoup trop d’heures en rab. Je m’étire et reste silencieux, pas convaincu pour un sou de sa dernière phrase.

- Je.. prends les affaires et ehm.. le chien.. et.. enfin de toute façon, je vais rentrer ehm.. je sais pas, d’ailleurs, tiens, puisque j’ai plus de voiture en fait.

Simje…

- En taxi. Voilà, j’vais rentrer en taxi mais tu peux rester dormir et glander un peu, la mer, les bateaux, tout ça.

De mieux en mieux. Je sais qu’il dit certainement ça pour me dire de ne pas me presser et de profiter un peu plus mais concrètement est-ce qu’on peut penser à s’amuser quand ton pote te déterre une mine pareille ? Non, l’amusement il passe en arrière-plan d’un coup. Ou comme un brouillard qui disparaît pour montrer ce qui devrait s’apparenter à la vérité. Glander ? haha, est-ce qu’on parle bien de moi ?

- On peut se retrouver chez moi après, quand tu rentres. Ca devrait pas être si long, le boulot.

Il termine d’enfermer toutes ses affaires dans son sac et j’allume la lumière à ce moment parce que tant qu’à être tous les deux éveillés, autant ne pas faire semblant. Je papillonne un peu des paupières et enfile aussi un pantalon après avoir mis ma chemise.

-Je suis bien réveillé, je peux au moins t’accompagner jusqu’en bas. – Je marque un temps de pause pour réfléchir – Enfin c’est bizarre de dire ça. Je te rejoins le plus rapidement possible en tout cas, j’ai pas la tête à glander quand la tienne a l’air pleine à craquer.

Tu n’as pas envie d’en parler, ça se voit. Et je n’irai pas te le demander. Donc tant pis, au pire une fois qu’il sera sorti de cet entretien étrange dont il souhaite me garder loin, nous nous rendrons dans un bar et puis voilà. On peut tout résoudre et ça me paraît être une bonne chose.
J’inspire un grand coup.

-Et…

Ma bouche se ferme immédiatement, comme si j’allais sortir une bêtise. Pourtant non. Je retente.

-Non c’est pas grave.

Pourquoi je galère autant à parler pour dire un truc aussi insignifiant ? Merde, Allen, t’es pas réveillé ou quoi ? Je ferme les boutons de ma chemise, me rassoit sur le lit et pose mes mains sur mes jambes. Et voilà, on est en face l’un de l’autre et c’est tout. Il va partir dans quelques minutes, si ce n’est secondes et moi j’ai juste envie de lui dire de rester un peu plus. Quel idiot, c’est qu’un changement d’endroit, ce n’est pas comme si je devais reprendre l’avion dans quelques heures. C’est vrai, on s’est bien amusés, mais c’est pas non plus la fin du monde. Et puis même lorsque je serai parti, ce ne sera toujours pas la fin du monde. J’y crois pas. Je suis tellement déçu que ma bouche n’arrive même pas à sortir un mot.
Qu’est-ce que je devrais dire, hein ?

Je me saisis de mon portable et l’agite de ma place avant de le reposer sur la table de nuit.

-Si ça ne va pas, au pire tu sais qui appeler.

Est-ce que j’ai son numéro ? Aucune idée. Devrais-je ajouter que ça me ferait plaisir ? Non, mauvaise idée, vu son état il pourrait presque croire que je le force. Très mauvaise idée. J’attrape les clés de l’appartement et me lève alors jusqu’à la porte d’entrée. S’il te plaît, n’y vas pas ? ça se répète en boucle dans ma tête et j’ai juste l’air d’un con qui lutte tout seul contre lui et autant Simje c’est juste le sujet de son retour qui le gêne et pas le fait qu’il quitte cet endroit. J’en sais rien. J’ai l’impression de m’auto-flageller et comme c’est pas particulièrement agréable, je préfère tout nier en bloc.

Est-ce que tu dois vraiment partir là ? On peut pas juste aller se balader comme des idiots ?
Rah la ferme.

J’ouvre assez précipitamment la porte et profite de ce brusque accès d’énergie pour terminer par un :

-Enfin, je ne vais pas te retenir hein. Après tout, on ne fait pas attendre Orpheo.

Le ton est tellement mordant sur la fin qu’on pourrait y ajouter le crissement d’une fourchette sur une assiette. Malheureusement, la dernière phrase est accusée tant bien que mal par la première et ça donne un ton général plutôt particulier. C’est le déni le plus absolu rarement observé chez M. le Directeur. On ne sait pas trop si c'est du lard ou du cochon, ni ce pourquoi je suis énervé d'une drôle de manière.
Autant après ça Simje il va juste se vénère complètement et quand il rentrera il voudra juste te demander de rentrer dans ta contrée lointaine.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 11 Jan 2018 - 21:07

Il faudrait sûrement penser à autre chose, comme quand je rentrerai à la maison, quand je serai sous ma douche, les yeux clos, quand j’irai enfin courir pour relâcher les tensions avec le chien loin devant, quand je serai trop essoufflé pour même formuler une autre pensée que : arrête. Mais non. Je pense juste au moment où j’aurais la bouche sèche et que je n’aurais pas les mots. Y’a pas à dire de toute façon.

J’ai jamais les mots.


Allen se lève. Il à l’air énergique, emporté déjà et bel et bien réveillé. Beaucoup plus que moi et je ne sais pas pourquoi. Est-il en colère après moi ? Il sourit tristement pour lui même. Ca ne changerait rien. Même s’il se mettait à me détester, ça n’a rien à voir avec ma volonté ici.
Il passe une main sur son ventre, comme pour y remettre en place un peu d’énergie. Pour se réparer. Réparer les vivants.

Il est en effet temps d’aller réparer les vivants après l’enterrement de leurs morts.

Il se surprend lui même à devenir aussi glauque alors qu’en vrai c’est pas pire, ça va quand même, c’est déjà allé bien pire. S’il devait placer cet évènement il ne serait pas sur l’échelle de la peine ou la douleur mais sur l’échelle de la frustration, celle de la déception et bien sûr, celle de la chiantise. Mais pas sur le reste, il sait que ses souvenirs d’enfance sont là pour lui rappeler que y’a eu pire que y’aura sûrement jamais pire. Il ne se considère pas malchanceux, il n’a pas été battu, violé. Il n’a juste pas vraiment été voulu, constituant à lui même une déception familiale. Alors que là.. là c’est juste son devoir. C’est juste quelque chose qu’il doit faire, et peut être que dans une semaine, il aura oublié.

Peut être pas.

Qui sait la prochaine fois que je le reverrais ?

Jamais ?



Il voit bien au fond qu’Allen, ça ne va pas. Il voit bien tout ça mais c’est comme s’il haussait les épaules face au destin. Désolé, gros, mais j’y peux rien. Ca lui faisait penser à une BD, qu’il avait lu quelques années auparavant, d’un garçon qui était frustré de ne pas pouvoir aider sa pote, et quelqu’un lui disait « laisse tomber, tu n’y peux rien pour l’instant » et la légende insistait « mais l’instant d’après il n’y pouvait toujours rien. »

C’était pareil.

-Je suis bien réveillé, je peux au moins t’accompagner jusqu’en bas.

J’ai envie d’exploser de cynisme. M’accompagner en bas Allen ? Tu penses que ça va changer quelque chose ?
Mais j’ai tord d’être en colère, je ne devrais pas l’être. Je devrais être reconnaissant d’être en vie et de ne pas à avoir à pleurer mes morts et les enterrer.

Je n’ai pas, à enterrer Allen.

Et je sais que j’aurais pu.


– Enfin c’est bizarre de dire ça. Je te rejoins le plus rapidement possible en tout cas, j’ai pas la tête à glander quand la tienne a l’air pleine à craquer.

Simje lui lance un petit regarde énigmatique mais appuyé. Pleine à craquer ? Ouais.. Désolé. Il est totalement incapable de réagir face aux émotions d’Allen. Elles le concernent, vraiment il se sent concerné mais pas impliqué. Il n’y arrive pas c’est.. réellement c’est impossible. Il sent le regret se glisser en lui mais ça ne change rien.

Il entend le coeur d’Allen battre.

-Et…

Il se retourne, interpellé et s’avance un peu, l’air d’attendre la suite.

-Non c’est pas grave.

Le polonais secoue la tête doucement. Pourquoi est ce que c’est tabou maintenant, pourquoi est-ce qu’on ne peut plus parler ? Pourquoi est-ce que c’est cassé ? J’ai l’impression d’avoir laissé tomber au sol un objet de verre. Impossible à réparer, à tenir intact dans ses mains. Il va falloir du temps pour le refondre ?
Encore ?
Cela n’aurait-il donc pas de fin ?
Il jette un regard désolé à Allen mais il ne répond pas, il n’en a absolument pas le coeur. Tu veux que je me batte pour toi là ? Pour que tu parles ? Que tu me parles ?
Il n’a jamais réussi à comprendre ou à discerner les gens et aujourd’hui c’est le pire alors, bien plus mauvais que la gêne voici l’angoisse qui l’arrive, vieille et familière de ne pas pouvoir, communiquer. Ne pas pourquoi comprendre.
C’est pas grave, dans un mois c’est oublié.
Putain, mais t’es pas censé souhaiter que ce temps s’écourte bordel !
Il imagine déjà la sensation du couteau dans sa peau quand il tracera de quoi s’apaiser, aussi artificiel que ça soit.

-Si ça ne va pas, au pire tu sais qui appeler.

Les deux bougent vers l’entrée alors que Simje peine à dénouer ses mots, ses lèvres, sa colère. Il a envie d’exploser et de dire putain mais tu rends pas ça facile Allen, ait l’air inquiet, concerné, fou moi dehors que ça puisse être fini et ne reste pas dans l’entrée à attendre autre chose. Attendre quoi ?
Ca bouillonne dans ses veines, tellement qu’il sent ses joues se colorer légèrement. De toute façon j’appelle pour dire quoi hm ? Le Sri Lanka, ça ne doit plus sortir de ma tête.
Il arrive pourtant à esquisser quelques mots calmes et posés avec un air concerné, sombre et fatigué mais pas loin d’être normal. Pourtant c’est son propre coeur qu’il entend à présent battre à ses oreilles.

- Je sais. (Il a envie de rajouter des autres mots, des milliards de mots qui laisseraient enfin exploser ce qu’il y a dans sa poitrine mais il ajoute juste avec un sourire un peu penaud) Mais tout va bien, ça tombe juste mal.

C’est vrai qu’après tout en temps normal, il y serait allé sans se poser de questions, la peur solidement amarrée à son ventre mais sans se tourmenter. Le karma, cette sale chienne.

Allen ouvre alors la porte et Simje s’approche, - voilà c’est fini, il est temps d’y aller - jusqu’à ce que le canadien lui explose littéralement au visage.

-Enfin, je ne vais pas te retenir hein. Après tout, on ne fait pas attendre Orpheo.

Le ton est tellement âpre, acide que Simje recule d’un coup, comme sous un coup avant de s’entendre siffler entre ses dents closes (oui oui, s’entendre, il explose à son tour sans avoir réussi à y faire quelque chose. )

- C’est à propos du Sri Lanka, Allen. Des vrais gens qui pleurent des vrais morts. Pas Orpheo.

Mais c’est trop tard non ? Putain.
Voilà c’est ça le pire. Il sait bien que la solution ce n’est pas ça. Soit, on se retient de parler jusqu’au bout, soit on parle avant d’en faire une bulle. Sauf que là Allen l’a crevée d’un coup. Ca lui faisait pareil avant avec ses soeurs, il se taisait, il emmagasinait tout ce qu’il pouvait avant d’un coup de se montrer cruel.

Il lâche la valise et se passe la main dans les cheveux en soupirant.

- Oh, Allen.

Le prénom n’a plus la même serveur acide, il est différent. Et seulement maintenant, vraiment seulement maintenant en fixant Allen, en le regardant en face de lui il se rend compte de la situation.
La vraie, situation.
L’ambiguité, la plage, hier, c’était innocent mais ça n’a subitement pas trop le même goût et son coeur s’emballe douloureusement, il ne sait absolument plus quoi dire ni faire c’est la grande panique. Et son bas ventre qui manifeste des implosions électriques. Et putain, on fait quoi là?

Mais c’est trop tard, il a raté le train, il a raté le temps.

Il le sait.

- C’est pas.. c’est pas que j’aimerais pas rester. (Il ne sait plus pourquoi il parle) C’est pas par rapport à toi, c’est..

Il n'ose pas dire qu'il a envie de rester.

C’est juste que je suis pas directeur, on ne me dérange pas à des heures comme ça de la nuit. C’est sur toi que ça pèse ça, pas moi et là, là pour une fois j’vais essayer de faire des choses pour les gens. Et j’aimerai, j’aimerai vraiment que j’essaie de faire les choses bien pour toi.
Mais cette fois, c’est pas le cas.


- .. pas cette fois. Je sais pas quoi te dire.

Il ne sait pas où se mettre.

- J'aurais vraiment voulu rester. Désolé.

Voilà ce qu’il répète, parce que c’est trop tard et qu’il ne peut rien rattraper. Ce sera juste quelque chose de plus à mettre dans ce qu’il aurait voulu, aimé, mais c’est trop tard. Il ne sait même pas de quoi il parle, il est bientôt quatre heures du matin et il ne sait plus comment il s’appelle, plus où il habite à vrai dire. Plus rien.
Juste que du coup, pour une fois (peut être la première fois de sa vie) il aurait aimé rester.

Deal with it Simje.

Parce que le temps passe et on ne le rattrape pas.
Surtout quand les secondes chances n’existent pas.

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Spoiler:
- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyJeu 11 Jan 2018 - 23:04


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Ne me fait pas faire un truc idiot. S’il te plaît. »

A quel point cette sensation désagréable me taquine ? Depuis mon réveil, cette amertume sur la langue et cette drôle d’ambiance. Celle du matin, mais d’un matin précipité. Pourquoi, mais pourquoi diable suis-je autant affecté ? Je pensais ne jamais plus le voir, ce Simje renfermé sur lui-même. Alors oui, ça me fait mal. Terriblement mal. Et ce départ anticipé, même s’il n’en est pas à l’origine, ça coince un truc dans ma gorge et j’ai beau retourner mes émotions dans tous les sens, je n’arrive pas à l’en déloger.

Je n’ai jamais été empathe et pourtant, tout m’arrive en pleine face sans que je ne puisse répliquer. Même mon don s’est recroquevillé sur lui-même à l’annonce de la tempête qui règne dans la grande chambre. Le chien, ça fait longtemps que je ne le vois même plus. Il y a juste lui, et moi. Juste deux gars qui cherchent à se prouver…. Se prouver quoi au juste ? À quel moment on ne peut même plus mettre des mots sur des sensations ? Pourquoi est-ce que ça m’affecte autant.

S’il te plaît, pars. Pars avant que je ne réfléchisse trop.
Que j’agisse de manière irréfléchie.

Ces enfoirés d’Orpheo sont toujours là pour tout gâcher, de toute manière. Ils ont été là pour gâcher ma vie, m’ont mis à pied et puisqu’ils ont l’air doués pour ça, maintenant ils me retirent sa présence, la seule ayant réussi à me faire sourire et sorti d’une dépression qui aurait pu durer de nombreux jours. Pourquoi passer sa vie à travailler pour des personnes pareilles.
Mais réfléchis, merde. Comment je réfléchis ? J’ai tellement mal à la tête que je sais plus ce que je dois faire.

Eh oh, calme-toi.
J’inspire et j’expire.

L’énergie monte et descend et je reprends un peu le fil de mes émotions. Il est un trop plein Simje. C’est plus fort que moi, à chaque fois qu’il parle, c’est comme s’il déversait un seau d’eau plein de sentiments et qu’à la fin de la phrase il faisait comme si rien ne s’était passé. C’est difficilement supportable et ça se produit tout le temps. Enfin, tout le temps depuis ce matin.
C’est complètement déstabilisant.

- Je sais. Mais tout va bien, ça tombe juste mal.

Voilà, c’est lui qui le dit. Tout va bien. Il le dit, alors même si c’est faux, je devrais me dire qu’il n’a simplement pas envie que je pense le contraire. Ou est-ce qu’il pourrait tout simplement pas me dire franchement ce qu’il pense au lieu d’esquiver toutes mes questions en hochant patiemment la tête ? Est-ce qu’il peut juste s’énerver pour de bon ? Est-ce que c’est ça qui me manque pour qu’il accepte enfin de me parler librement, pas seulement pour rigoler mais aussi pour parler des sujets moins joyeux ?

Et puis la question s’impose à moi comme une évidence. Et c’est une douche froide.
Est-ce qu’il me fait confiance, même ?

Mon cerveau s’emballe un peu. Les questions se succèdent comme les bandes d’un film en noir et blanc. Je m’énerve de nouveau, pas contre lui, mais un peu quand même. Contre Orpheo. Contre tout le monde. Contre moi-même aussi. Il n’a qu’à partir après tout, on se retrouvera là-bas et puis c’est tout. On n’ira pas sur la plage, mais après tout, nous y sommes déjà allés. On a déjà mangé dans un petit restaurant. On a déjà fait le tour du port. On n’a pas fait de bateau, mais ce n’est que partie remise. On se revoit dans quelques heures. Au final, ce n’est vraiment pas grand-chose. Et puis, si ça ne va pas, s’il se sent vraiment mal mais qu’il ne m’appelle ça, je…
Qu’est-ce que je dois faire, si ça ne va pas ?

C’est une question bête. Comme je fais avec tout le monde. On l’emmène dans un bar ou dans un endroit qui lui plaît et puis on discute jusqu’à ce que la pilule passe. Mais la dernière fois que ça s’est produit, j’étais dans un état aussi mal que lui et on s’est juste contenté de regarder l’horizon et de rester silencieux. Il n’y avait pas de bar, pas de coin sympathique, juste un silence terriblement oppressant. Au final, Simje, je le connais aussi bien qu’un ami inconnu. Je perçois un peu ses émotions et ça zigzag entre mes pores de peau mais je ne connais pas sa vie. Ses fréquentations. Son boulot même, ses bêtes noires. Tout comme il ne connaît pas les miennes. On se côtoie comme des inconnus mais on ne se perçoit pas comme tel.
Je ne sais pas trop comment on se perçoit.

La porte s’ouvre et je découvre à retardement que j’en suis l’instigateur. Et mes phrases sortent, coupés fin avec une lame de rasoir, aiguisée. Et Simje recule. J’ai envie de m’excuser, parce que c’est parti tout seul et qu’au final, je ne suis sans doute pas si réveillé. D’ailleurs, mon pouce et index viennent emprisonner l’arête de mon nez tout en fronçant les yeux et sourcils. Mais pourquoi je la ferme pas, moi.

- C’est à propos du Sri Lanka, Allen. Des vrais gens qui pleurent des vrais morts. Pas Orpheo.

Boum. Ma main est suspendue dans le temps, dans l’air et mon corps se fige sur place. Est-ce qu’on pourra… Est-ce que je pourrais un jour faire mon deuil de cet accident ? Est-ce qu’on cessera un jour de me poursuivre. Est-ce qu’on pourra aussi le laisser tranquille Simje ? C’est une écorchure qui ne se referme pas. Le Sri Lanka, ça ne se refermera jamais. Je sais qu’Orpheo ne me retirera pas le dossier. Je le verrais encore traîenr sur mon bureau pendant des mois, peut-être des années si l’affaire prend du temps à se résoudre. Ça a été le point d’honneur à cette guerre et à tous ces sacrifices humains, même si ça n’était en rien lié à la bataille contre les sorciers noirs. On a vu trop de gens mourir.
Et même à la fréquenter de près, la mort, au final quand on est toujours là, assis sur son bureau, on ne peut qu’être rongé de remords. La voilà ma bête noire. Ma véritable bête noire.

Ce serait à Simje, là, d’expliquer aux parents, aux amis des victimes ce qui s’était produit. Selon les personnalités, certains pourraient pleurer. Ce serait peut-être même des menaces. Pour les plus démunis, cela pourrait tourner au vinaigre, littéralement. Et toi, derrière ton bureau, tu seras là, à accuser le choc, feindre l’émotion sans pourtant t’autoriser une seule seconde à la faire sortir. Peut-être même pourrait-on te traiter d’insensible, parce que toi, tu t’en es sorti. T’as osé t’en sortir.

J’ai tellement mal à la tête. C’est à propos du Sri Lanka et là, tout de suite, je sais ce qu’il va se produire. Ça m’a complètement détruit. La guerre m’a détruit et les pleurs des autres aussi. Je n’ai pas envie que tu subisses ça. Tout le monde mais pas toi. Je pourrais bien rattraper les pots cassés d’un million de gens mais le tien il serait bien trop lourd à porter.

Le bruit de la valise qui tombe sur le sol me fait relever les yeux vers lui.

- Oh, Allen.

Ferme-là.
Juste, tais-toi.

- C’est pas.. c’est pas que j’aimerais pas rester. C’est pas par rapport à toi, c’est..

Je m’en fiche bien tiens. Que ce soit par rapport à moi. Mais là tout de suite, je voudrais bien te retenir. Histoire que tu n’aies pas à vivre ça. Peut-être, après tout, suis-je trop protecteur. C’est un exorciste, peut-être qu’il a déjà fait ça ? Certainement. Il doit bien connaître son boulot. Pourtant, tout se superpose tellement parfaitement avec mes propres peurs que je n’y peux rien, je ne veux pas lui faire subir ça. Je ne veux pas l’entendre me dire qu’ils ont pleuré. J’ai envie d’être égoïste, mais égoïste à deux. Est-ce que c’est putain de possible de faire ça ?
Aucune idée.

- .. pas cette fois. Je sais pas quoi te dire.

Bah dis juste rien. Prends ta valise et rentre dans la chambre. On en parlera plus. Je serai prêt à partir là, mentir et te faire rester dans la chambre le temps de prendre de l’avance, arriver à ton QG et répondre aux proches des victimes à ta place. Mais j’ai trop peur, pour de nombreuses raisons. Je deviens peut-être phobique de ce genre de réunion et je ne raisonne plus correctement. C’est vrai, je ne suis plus logique. Ce ne sont que des faits à exposer. Tout pourrait bien se passer. Les personnalités pourraient simplement rechercher la vérité et la vérité leur serait donnée. Ils rentreraient alors chez eux.
Mais qui feraient des kilomètres, des dizaines de milliers de kilomètres pour rencontrer l’un des seuls survivants, le tout dans une « « bonne ambiance » » ? Personne. Quad on se déplace, on cherche le pourquoi, on cherche le comment, on cherche la personne à accuser. Ces rencontres, elles ne viennent pas là à la recherche de réponses, elles viennent pour trouver des coupables.
Rien d’autre.

- J'aurais vraiment voulu rester. Désolé.

Eh bien, reste. Fais pas le con. J’ai tellement mal à la tête que j’ai l’impression d’avoir pris trois ans en une seule seconde. Une enclume, trois camions, cinq éléphants et dix-huit immeubles exactement sur la tête. J’ai un doliprane dans mon sac mais si je m’éloigne maintenant, il va vraiment partir.

-Ouais.

Nan. Mais vas-y, va te faire manger. Parce que c’est ce qu’il va arriver. Et je devrais être là. Et je serai là pour ce qu’il se passera après. Mais comme je l’ai dit, on peut aussi juste ignorer tout ça. Je peux me saisir de ce téléphone et l’écraser par terre. On pourra bien t’appeler autant qu’on veut après ça.
Je préfère éviter de faire tomber plutôt que de rattraper. Parce que dans la seconde hypothèse, il y a toujours l’option où le sauvetage échoue. Et j’ai pas la stature Simje. Je fais le beau, je rigole, j’ai une tête de bisounours et j’ai du muscle, mais il y a des choses pour lesquelles je n’aurai plus jamais la force de faire face. Et rencontrer ces personnes, ça en fait partie. Te ramasser après ça aussi. T’as pas eu le choix d’être en vie à la fin et on s’est démenés pour l’être, pour pouvoir avoir de quoi répondre et annoncer les faits. Mais voilà, c’est toujours les vivants qui payent pour les morts. Eux, d’où ils sont, on ne peut plus rien leur faire. Qu’ils soient coupables ou innocents, ça n’y change rien. Qui était coupable dans cette histoire ? Tout le monde, sauf peut-être mes chercheurs, les exorcistes, les morts et nous les vivants.

Alors on pourra bien s’énerver sur ceux qui restent, ça ne les ramènera pas. Je pose ma main dans l’encoignure de la porte.

-Est-ce que tu as déjà fait ça ? Ces rencontres. Est-ce que tu as déjà parlé à des proches de victimes ?

J’ai un flot de parole qui pourrait ne jamais s’arrêter. Ce pourrait être une cascade de mots. Ma prise se referme un peu plus fort sur l’encadrement.

-Ils vont chercher des coupables et ils n’en ont besoin que d’un. Tu es là, tu es offert sur un plateau doré.

Mais je sais que tu n’as pas le choix…

-Mais je sais que tu n’as pas le choix. Te laisse pas attaquer. Ils n’ont pas le droit de t’accuser de quoi que ce soit.

J’ai pas envie qu’ils te fassent du mal.

-J’ai pas envie…

Je me mords la lèvre. C’est une double pénalité. Je maudis cet endroit. Je maudis ma présence ici. à quel moment j’ai troué judicieux de faire tout ce chemin pour venir jusqu’en Pologne ? Voir la seule personne qui pouvait me rappeler à ce souvenir douloureux ? J’aurai pu éponger ça tranquillement chez moi, me faire ce tour du monde avec Kelyann. Ce serait passé au bout d’un moment. J’ai voulu me relâcher parce que tout allait bien mais il faut toujours que tout revienne.
C’est ça, la joie c’est comme du brouillard. Ça masque les bobos du quotidien mais ça disparaît dès qu’ils refont surface.

-T’es con.

J’avale ma salive et je me dis que ça dure trop. Je ne sais pas quoi, mais c’est décidément trop. Un trop plein. De plein de choses. De choses connes, comme lui et moi. Alors, ma main lâche la porte et vient agripper violemment le col de Simje. J’ai dit que j’étais con, j’ai dit qu’après tout, s’il ne se barrait pas dans l’instant, j’allais faire des conneries, comme un véritable idiot. Je ne sais même pas ce qui me pousse à agir comme ça. Je sais même pas si j’ai vraiment envie de le frapper.

Je sais même pas quoi faire mais c’est plus fort que moi, je fonds d’un seul coup sur lui et l’embrasse sans ménagement. Sans aucun ménagement. Et le brouillard c’est comme s’il devenait encore plus opaque, encore plus menaçant. Je ne sais pas si je suis triste, si je suis heureux, si c’est bien ou si c’est mal, si c’est con ou intelligent. Je réfléchis pas à ce qu’il se passera.

Sauf que le présent revient. D’un coup. Brusquement. Brutalement.
Et je me rends compte de mon geste. Je lâche tout, comme si là ma vie, elle ne tenait qu’à un fil. Je le dévisage en une micro-seconde et baisse les yeux. Recule. Un pas. Deux pas. Plus jamais. Qu’est-ce que…

-Je… suis désolé.

La phrase fuse et sonne comme la fin. Ma main se pose instinctivement sur la poignée et je referme brutalement la porte au nez de l’exorciste.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyVen 12 Jan 2018 - 11:58

Simje a vrai dire a l’impression d’être plutôt calme. Il ne sait pas exactement pourquoi mais c’est comme s’il observait Allen devenir fou alors que lui même dégringole à l’intérieur de lui même. Il voit bien qu’en face ce n’est pas la même et il déteste à présent connaître le canadien, il déteste lire son visage comme un livre ouvert. Outre l’angoisse, il ne sait pas quoi faire de l’autre qui prend toute la place, tout son esprit, reste silencieux mais siffle comme une cocotte prête à exploser.
Il déglutit, il attend la suite. Il y aura une suite n’est-ce pas ? Ca ne se finit pas comme ça, ni l’un ni l’autre ne sont prêts à laisser la chose s’évanouir comme ça, comme s’il n’y avait rien.

Il y a quelque chose.

Mais quoi ? Il refuse d’y mettre des mots, il a déjà du mal à rester debout à quatre heure du matin qu’en plus il doit se battre contre Allen ? Contre ? Ne sont-ils donc plus dans le même camp ? Il pourra rejouer des milliers de fois cette scène plus tard, il ne trouvera jamais quand est-ce que ça a commencé. Dans le bureau du directeur ?
Au Sri Lanka ?
Dans la mer ce matin ?
A quel moment sont-ils devenus des bombes à retardement ?

Laisse moi partir, c’est le moment. Après, après on ne pourra pas oublier ce moment qui ne se dissipe pas. Après il y aura des choses auxquels s’accrocher la nuit et tomber, tomber c’est plus confortable.

Le polonais passe dans le couloir, il entend vaguement l’animal se précipiter à l’extérieur comme étouffé par l’ambiance ici. Simje lui, a l’impression d’avoir toujours appartenu à cette entrée. Comme s’il avait toujours vécu là, devant cette chambre d’hôtel. Juste devant. Incapable d’y entrer à nouveau car ce serait se trahir, incapable de partir car ce serait se trahir.

Les choix pour quelque chose est toujours contre quelque chose d’autre.

Pour lui, contre Allen,
Pour Allen, contre lui.

Et puis le Sri Lanka sort et SImje a envie de s’étouffer sur place, de mourir d’un coup, de manière brève, histoire de ne pas avoir à vivre ce moment. Il regarde Allen paniquer, il voit bien les micro expressions de son visages, les rides qui se creusent et les cernes qui deviennent de plus en plus visibles au beau milieu de la nuit ; rien ne va. C’est toujours la même question. Quand on ne peut gérer un événement, que fait-on ? On le cache ? On l’enterre en espérant ne plus le revoir ? Ou on l’affronte, encore et encore, en espérant trouver une sortie au bout d’un moment. ?

Mais comment vais-je sortir de ce labyrinthe de la souffrance ?


Ce qu’il voit lui brise le coeur, Allen à l’air d’avoir bien, bien plus peur que lui. Comme si subitement il était terrorisé et Simje, Simje il est obligé de tout voir ça, de tout entendre. Il voudrait exploser ses tympans et arrêter de tout écouter. Comme s’il était aux aguets de.. de quoi au juste ? Une faille ? Une brèche ?
Il est immobile, les bras ballants, inutile à lui même.

Et puis la valise percute le sol, et tout s’accélère.

- Ouais.

Une enclume s’enfonce dans son estomac, il ne sait plus ce qu’il veut et ce qu’il ne veut quoi ; il va exploser. Ouais ? Ouais ?! Ouais quoi, Allen ?! Ouais j’aurais bien voulu rester ? Pourquoi même, tu me demandes de rester ?
Il ne comprend pas à quel moment une aussi petite décision a autant dégénéré. Ils se revoient dans genre, dix heures, sûrement même moins, six, huit, peut importe, qui fait une scène pour si peu de temps ?

Et puis ça arrive doucement à son cerveau, l’idée qu’il y a quelque chose derrière, que peut être Allen projette ses peurs et sa propre souffrance, que peut être il y a cette inexplicable chose qui retient Simje à l’extérieur sans pour autant le laisser partir.

Laisse moi partir.

Et pourtant il reste là comme pour une suite. Il y a une suite n’est-ce pas ? Je ne pars pas sur un ouais ? Tu peux pas me laisser aller les voir, eux, là-bas, seulement avec un ouais ?

- Est-ce que t’as déjà fait ça ? Ces rencontres. Est-ce que tu as déjà parlé à des proches de victimes ?

Alors c’est ça ? Une peur panique, irraisonnable et irraisonnée ? C’est moi qui part à l’abattoir là Allen, pas toi. Qu’est-ce que ça fait que j’y ai déjà eu accès ou pas, à ce genre de moments ? Qu’est-ce que ça change ? Est-ce qu’on peut se préparer à ça, est-ce qu’on peut s’habituer à ce gens d’entrevues qui n’ont pas de sens, qui sont censés soulager les familles mais qui les ravagent dans leur propre haine ?
Il secoue la tête, le visage entièrement fermé.
Ca ne se passe pas comment ça. Tu ne t’immisces pas dans ma vie à ce point Allen, pas dans mes émotions. Si j’ai peur, tu n’as pas peur, si je me brise le poing contre le béton c’est pas toi qui saigne.

Il serre les dents.
Il va éclater.

- Ils vont chercher des coupables et ils n’en ont besoin que d’un. Tu es là, tu es offert sur un plateau doré.

MAIS QUI A TRACÉ CETTE RUNE ALLEN ? QUI EST LE RESPONSABLE DE CETTE HISTOIRE ?
Il a envie de vomir.
Ils n’ont besoin que d’un coupable parce que c’est la vérité, j’ai, provoqué tout ça.

Mais il s’est fait à l’idée, ça ne risque plus de le faire voler en éclats de penser ça.

- Mais je sais que tu n’as pas le choix. Te laisse pas attaquer. Ils n’ont pas le droit de t’accuser de quoi que ce soit.

Il retient sa respiration.

- J’ai pas envie..

Il reste silencieux, obtus, fermé, incapable de dire qu'il n'a pas envie non plus. La tornade l’emporte et il reste les deux pieds plantés dans le sol mais le coeur au bord des lèvres, déstabilisés. Peut être qu’Allen fait ça souvent, peut être qu’il panique comme ça auprès de Phil, peut être qu’il est réellement déboussolé par la mise à pieds, dépressif, chamboulé.
Mais Simje ?
Simje qui vit seul, travaille presque seul, qui n’a que très peu de contacts avec sa famille ou avec les autres, qui part en mission seul..
Qui mourra seul ?

Il ne comprend pas.

- T’es con.

Et cela sonne comme du désespoir. Simje s’apprête à se tirer, c’est beaucoup plus que ce qu’il peut endurer, comprendre, supporter. Il amorce un mouvement en arrière mais il tremble comme une feuille mais Allen l’attrape subitement par le col. Il y a un temps de latence incroyable ah beh c’est fini, si il m’en colle une je survivrai probablement pas.
Mais le cynisme ne le sauve pas.

Allen plaque subitement ses lèvres contre les siennes dans un acte presque violent, clairement brutal et inattendu, tellement éclair que Simje est incapable de formuler la moindre pensée, la moindre action, rien.

F r e e z e

Mais c’est ici Allen qui mène la danse et le relâche. Leurs yeux se croisent pendant un moment infiniment court, terriblement long, suffisamment présent pour que Simje entr’ouvre les lèvres, mais c’est trop tard.
Allen baisse les yeux - le temps est écoulé - et souffle

- Je.. suis désolé.

La porte se referme brusquement Simje qui se retrouve lourdement poussé en arrière, et c’est fini. Tout se fini comme ça. Il reste immobile devant la porte, totalement perdu.
Il murmure.

- Mais..

Il n’entend pas les griffes de l’animal dans les escaliers, il n’entend que son coeur, lourd, lourd, lourd dans ses oreilles, ses joues ont pris une teinte rosée et il cligne plusieurs fois des yeux. Les secondes s’éprennent, interminables.

C’est trop tard pour rerentrer dans la chambre. Il lève ses mains pour les regarder cinq doigts, et, cinq doigts, je rêve pas mais elles tremblent de plus en plus. Ses doigts tordus sont hors de son contrôle et il n’a qu’une envie c’est de se rouler en boule contre la porte et attendre autre chose, quelque événement qui puisse le sortir de cet événement, de cette impasse. Il est à deux doigts de hurler, et puis ça monte dans sa gorge, ça empli son coeur d’une rage qu’il est incapable de contrôler.
Pourquoi est-ce que c’est aussi compliqué, toujours aussi compliqué ?
Il essaie de rassembler les morceaux de sa personne mais rien ne vient il est submergé par des milliards d’émotions qui explosent, de pensées et il se retourne pour frapper le plus fort possible contre le mur.

Manque de pot, ce n’est pas simplement une plaque de bois.

Il a mis toute sa volonté, tout, tout ce qu’il avait dans l’action mais le bruit des os qui se brisent le ramènent à la réalité. Et subitement, il se sent absolument idiot, tout seul dans le couloir. Qu’Allen l’ait embrassé ou pas ça ne change rien, il doit toujours partir. Sa vie ne va pas s’enfuir pour une seule action.

Il regarde sa main, ahurit d’avoir lui-même pu faire un truc aussi stupide. Un os a percé la peau sous l’impact et il cligne des yeux face au mur légèrement ensanglanté. La chienne le regarde et il attrape la valise de l’autre main avant de descendre pour appeler un taxi.

Le trajet est le plus long de ce qu’il a pu connaître.
T’y penses pas c’est pas grave, tu t’en occuperas plus tard, c’est pas grave, dort un peu là ou trace une rune pour ta main - oh quoi que ça ferait bien face aux familles, ahah, ça fait tellement mal - et puis t’y penses pas - mais bordel, comment est-ce que ça a pu arriver ?
Il sait très bien, à vrai dire, comment ça à pu arriver.
Il presse d’une main son ventre pour y faire taire l’angoisse et cette autre chose indéfinissable. Il tremble encore un peu mais ça s’est calmé et la chienne contre lui le pousse sans cesse du museau. Si les animaux peuvent avoir des pouvoirs, elle peut clairement envoyer des vagues d’émotions. Il souffle et essaie de mettre de l’ordre dans ses idées. Il sait bien que c’est devenu ambigu de petit à petit et qu’Allen n’a fait que céder à l’électricité ambiante exacerbée par les évènement. Ce n’est pas Allen qui l’a embrassé, alors, et puis il s’est excusé, ce n’est rien, rien, rien, rien ne va changer, rien, tu n’es pas obligé d’affronter quoi que ce soit. Mais qu’est-ce qu’il pense lui, là-bas? Est ce qu’il dort ? Mais il sait bien que ce n’est pas rien. Là est tout le problème. Tout, l’immense problème. Mais qu’est-ce que j’étais censé faire ? Y retourner ? L’affronter ? Il avait l’air de regretter, il a baissé les yeux, il a dit désolé, il a dit qu’il était désolé. Il a peut être même failli dire qu’il regrettait.
Il ne l’a pas dit, pourtant.

Il n’est pas comme deux jeunes gens qui ne savent pas si c’est le début d’une relation, non, pas de couple, rien, il n’est pas stupide. Il sait qu’ils sont amis, et que ça a dérapé, que c’est n’importe quoi, qu’ils ne se reverront plus jamais. Il devrait envoyer un message - il suffirait de demander le numéro à Rosie, elle est levée dans ce genre d’horaires - mais rien ne lui vient, pas de mots, rien.

Totalement perdu.

La voiture se gare et il n’a rien fait à part ressasser, Allen qui l’attrape au col, son poing serré sur le tissu et les muscles tendu, les yeux noirs qui le fixent comme pour y chercher une réponse et l’impulsion subite comme venue de l’intérieur, d’ailleurs, les lèvres sur les siennes, et puis voilà.
C’est tout.
Je suis désolé.
Et c’est fini.

Il descend et Hannah lui saute littéralement dessus avant de poser une main sur sa bouche face à l’état de la main de Simje. Elle hurle des instructions mais il se sent hagard mais il n’y a pas de réponses, elle siffle

- Le guérisseur de garde en fait c’est toi, Sim, je peux rien faire pour toi là, cache ça, cache ça comme tu peux, trace une rune, attend je vais le faire moi - elle sort une lame et trace deux motifs imbriqués à même la peau qui se met à saigner, abondamment puis plus rien. Le guérison est en cours, et il est déjà épuisé - ils sont déjà à l’intérieur. Il y a deux cafés sur la table. Le premier est normal, le deuxième est dans le gobelet de runes d’apaisement. Tu penseras moins. Mais comme tu veux.

Il ne répond pas, entre dans le bâtiment et va directement à son bureau. Ils six. Trois femmes, un homme, deux enfants. Il déglutit, cache sa main sous le bureau, prend le café normal, en boit une gorgée.

***

Classique. « Hé bien, expliquez-vous ! » ou encore « je ne comprends pas comment des gens de votre rang on pu laisser ça arriver. Les gens ne sont pas de la chair à pâté » « les enfants ont du dire adieu à leur mère. Vous vous rendez compte ? Si j’y avais mis les pieds ils auraient été orphelins » mais pourquoi me culpabiliser ? Je suis coupable, c’est acté. Il a raconté, encore et encore les souterrains, l’eau pour en sortir et le décollement à la surface, les tentatives de soigner mais le temps était échu, tout était mort là pas, trop tard, bien trop tard, toujours trop tard. Il a répété « je suis désolé » ou encore « nous pouvons vous faire rencontrer des cellules psychologiques » il a donné un mouchoir contre les larmes, il s’est levé quand la femme a appuyé ses deux mains sur le bureau pour l’agresser, il n’a rien dit quand on lui a hurlé que « vous auriez du donner votre vie pour vos hommes » ou d’autres phrases telles que « et vous n’avez rien ? Vous les avez laisser mourir pour votre simple et unique personne ? » ou « vous êtes un enculé de première » et puis  « ce n’est pas votre incompétence le problème. Vous n’avez pas de coeur. Et les gens qui n’ont pas de coeur ne peuvent pas diriger les autres. Ils sont tous morts maintenant, et il ne reste que vous, vous qui attendez que d’autres soient à votre service » et il a hoché la tête quand Hannah les a sorti du bureau.

Il a tout rangé dans sa tête, mis dans un carton, mis dans une boite, enroulé dans une couverture, caché sous un lit.

Tu n’y penses plus. Jamais; cette fois-ci c’est clos.

Il ferme les yeux en rentrant du bureau mais il a toujours autant envie de vomir - et en même temps de s’affiler le plus de bière possible, jusqu’au coma pour oublier, hop, éponger tout ça, la vie, les gens morts et les mots qui restent sur sa peau. Il a envie de prendre une douche pour effacer tout ça, tout ça qui colle à son épiderme et à ses os.
Sans coeur ?
Morts pour lui ?
Se sauver ?
Ne pas y penser.

Il prend le chemin de chez lui et putain, ce qu’il souhaite qu’Allen y soit. Ce qu’il souhaite pourvoir aller boire, ce qu’il souhaite
..
Il ouvre grand les yeux dans la rue, seul. Ahah, j’allais dire un câlin ! Un câlin. Ahahah. Ce que je souhaite un câlin. Tu manques terriblement de sommeil, gros. Et il n’a pas tord, seul le manque de sommeil arrive à attaque sa carapace. Seul le manque de sommeil rend son corps seul et abandonné.

Il s'allume une clope, tire dessus jusqu'à ce qu'il ne se sente plus très bien, il n'a pas mangé, bu un demi café. Il pu le tabac froid, il est misérable, il est épuisé.

Il souffle, angoissé de ce qu’il va trouver. S’il n’est pas rentré tu fais quoi ? Tu le laisses disparaître à jamais ? Tu appelles ? Il commence à faire des plans et il aimerait que le trajet jusqu’à chez lui dure des années mais sa porte est sous ses yeux. Il a laissé les clés à Allen de toute façon.

Peut être qu’il les a laissées au concierge en partant.

Il toque et abaisse la poignée.

Please be there

_________________

Tant que demain se lève encore 548ecdfe6e3d39f62c8a862cd99aed47ae1f7f22

Spoiler:
- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyVen 12 Jan 2018 - 15:57


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Je voudrais partir loin. Loin si loin, que personne ne me retrouve plus jamais. »

C’est comme un puits. Un puits noir et profond d’où s’échappe de minuscules particules de poussières. Des particules qui brillent et se reflètent à la lumière du soleil au-dessus, tout en haut du puits. Mais mon regard, lui, est penché sur la profondeur et peu importe l’angle dans lequel je m’oriente, j’ai l’impression que le haut du puits n’existe pas. Il n’y a que l’obscurité et un mal de tête omniprésent.

Mais qu’est-ce que j’ai fait. Merde.

Ma main est longtemps restée accrochée à la poignée, mon regard sur la porte fermée. J’aurais dû ouvrir. M’expliquer. Peut-être même rire. La tension serait redescendue et peut-être aurai-je été soulagé tout au fond de moi. J’aurais pu enfin tourner la tête vers le soleil au lieu de me concentrer sur l’obscurité.
Tout est allé beaucoup, beaucoup trop vite. Ma deuxième main passe sur mon front et je lâche enfin la poignée, me retourne pour faire dos à la porte et me laisse glisser le long de cette dernière, les bras soutenus par mes genoux pliés. Mes émotions sont éparpillées sur le sol et je ne tente même pas de les ramasser. À quoi bon, après tout. Tant qu’ils sont là, ils ne m’embêtent pas, j’aurais tout le temps de recoller les morceaux plus tard. Mes yeux se ferment, comme pour me cacher du monde et je me masse les tempes.

Est-ce qu’il est encore là ?

Je n’ose même pas ouvrir. Je sais qu’il ne le fera pas. Je ne l’aurais pas fait. Mais pourquoi j’ai fait ça ? Non. En vérité, je sais ce qu’il s’est passé, j’ignore juste pour quelle raison cette action a été la première à sortir. Je frissonne, sans vraiment savoir pourquoi. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et mes premières pensées vont à Simje. Et s’il ne voulait plus jamais me voir ? Peut-être devrais-je prendre l’avion, maintenant tout de suite ? Il ne me le pardonnera jamais. Comment est-on seulement censé réagir à ça ?

Et l’énervement retombe d’un seul coup lorsque ma mémoire s’amuse à répéter le scénario devant mes yeux effarés. J’en tombe des nues. Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? Simje ? Sérieusement ?! S’il y a bien une personne que je n’ai pas envie de perdre là tout de suite, c’est bien lui. Mais de là à l’embrasser ? Non. Non non non non non.
La réflexion, le recul prend du temps à se mettre en place. Il me faut bien dix bonnes minutes pour émerger et me décider à bouger. Les soupirs s’enchaînent et je me maudis bien une vingtaine, voir une trentaine de fois par minute.

Le calme revient un peu plus, dehors et dans ma tête. J’ouvre la fenêtre et comme personne n’est à l’horizon, ni taxi ni Simje, je laisse mon esprit vagabonder sur les hauts mats des bateaux. Puis ma tête tombe dans mes bras alors que ces derniers marquent l’encadrement de la fenêtre et je me surprends à rire. Nerveusement.

Et au final, je l’ai quand même laissé partir. J’ai fait tout ça. Tout ça pour rien.
Quel idiot je suis.

Je tente de négocier avec mes pensées pour qu’elles se concentrent sur une tâche à la fois mais elles en décident autrement. Mes émotions ont beau être à terre, j’ai la sensation qu’elles tournoient autour de moi, comme ces particules de poussière dans le puits. Et peut-être que le puits c’est moi, destiné à rester là pour toujours mais libre de regarder la lumière ou l’ombre. A demeurer pessimiste ou optimiste.
Je pousse un énième soupir et accepte enfin de m’intéresser à toute cette bouillasse dans laquelle je me suis volontairement engagé. A ma plus grande surprise, le Sri Lanka est le premier sujet à s’annoncer. Je l’enfouis aussi profond que possible mais la poche dans laquelle est emmagasiné toutes ces pensées négatives se trouent et se répètent. Et la guerre. Et les morts. Et les gens. Et les larmes. Et cette poche qui se déverse toujours un peu plus, que je comble en recouvrant de terre et de tissu imperméable, de sacs poubelles, d’ordures, de tout ce qui me tombe sous la main. Je ne peux pas faire face à ça. Pas encore. Peut-être jamais. La douleur retombe comme un coup de massue sur mon cœur. Je n’arriverai ni à faire mon deuil, ni à accepter le choc de toutes ces accusations. J’ai été beaucoup trop jeune pour prendre la direction de ce QG, et la guerre m’a ravagé sur le plan psychologique. Je n’ai pas eu le recul pour me mettre à leur place, de tempérer leurs propos, j’ai préféré endosser toutes les responsabilités et trouver des justifications à leurs douleurs. Dire que je le méritais. Et voilà où ça m’a mené.

Voilà où ça nous mène de rester en vie.

Cette histoire de baiser s’annonce alors, un peu plus discrète que les autres, presque mise à l’écart, timide. Innocente. Elle me décoche un sourire peiné, d’adolescent un peu gêné, d’adulte un peu dubitatif. Pourquoi ? Juste, pourquoi ? Tout s’est embrouillé dans ma tête. La peine, la douleur, cette impression de finalité, le déni, la compassion, l’amitié, les beaux jours en amenant des mauvais, l’histoire qui se répète mais qu’on refuse de laisser aller. Tout cela, j’arrive à le comprendre, je l’ai vécu. L’ambiguïté des derniers jours, y’en avait-il une ? N’est-ce pas comme cela que doivent simplement s’amuser deux amis ? Que recherche-t-on dans l’autre ? Est-ce simplement à cause de ce que l’on a vécu, tous les deux ? Est-ce que frôler la mort à deux, finalement, ce n’est pas pire que de se mettre à nu ? Parce que l’on sait, à ce moment, à quoi ressemble vraiment la personne, au fond d’elle-même. Ça pourrait en tout cas expliquer mon geste. Une manière de mettre un point à cette discussion et de transmettre ce que l’on en pense sans utiliser de mots.

Mais ça reste putain de gênant quand même.

Tel est en tout cas ma conclusion. Et lui, qu’en a-t-il pensé ? Est-ce qu’il a cru que… que… Enfin voilà. Eh merde, c’est la relation la plus bordélique que je n’ai jamais eue. J’aimerais entrer dans sa tête, là maintenant tout de suite, mais il est sans doute déjà loin. Peut-être que ce n’est pas plus mal.

-Aaaaah…

Cette seule lettre parvient à s’échapper de mes lèvres et se poursuit dans un soupir long comme l’intestin. Que devrais-je faire, maintenant ? L’appeler ? Je n’ai pas son numéro. Lui envoyer un mail ? Pour dire quoi ? Non, je devrais simplement l’écouter et gérer le retour, annuler la réservation et concrètement m’occuper l’esprit. Ça c’est bien, m’occuper l’esprit. Appeler Phil ? Pourquoi pas, il est plutôt doué pour ça, faire oublier. Mais il est encore bien trop tôt. Enfin non. Avec les heures de décalage, il doit être aux alentours de 22h. C’est donc une heure tout à fait acceptable.

Avant ça, je m’autorise un long, très long passage sous la douche. Je me lave, m’habille, m’arrange un peu pour faire disparaître cette tête de déterré de mon visage justement puis revient dans la chambre et commence à préparer mes affaires. Sortant le kit mains libres, je le connecte à mon téléphone, file dans les contacts récents et appuie sur le nom de mon co-directeur.
La tonalité se répète dans mes oreilles, deux, trois fois, puis remplacé par la voix du monsieur.

-Alleeeen. Mais wow, profite de tes congés, t’as vu l’heure qu’il est ? Enfin l’heure… Je veux dire chez toi, il doit être quoi, cinq heures ? Quatre ? Tu dors pas ? Tu fais des insomnies ? Tu veux que je te chante une chanson ? J’en connais une bonne, attends. Alors, ça commence par…

Le voilà qui se met à chanter. Il me tire un sourire amusé. Puis se tait en plein milieu, comme si la liaison venait d’être coupé. J’appelle son nom une fois, un peu hésitant et le voilà qui termine sa chanson avant de poursuivre.

-Excuse. Comme tu me demandais pas d’arrêter, en fait j’ai cru que c’était pas toi à l’appareil. Et faut dire qu’un directeur adjoint qui chante à l’appareil à un inconnu, c’est quand même du lourd. Tu te rends compte, ça pourrait même passer aux informations. Ce qui me fait me poser la question quand même. Enfin te la poser : Ça va ?

En fait, il aurait dû commencer par là. Un « Allen. Ça va ? ». Mais Phil est Phil et Phil ne sait pas quand s’arrêter. En ça, il en devient le maître de l’entourloupe. En négociation, ce mec il te met à terre tellement il rayonne de partout, te met à l’aise et te catapulte d’informations à la seconde. Autant je suis très attentif, autant là ça va beaucoup, mais alors beaucoup trop vite et les transitions sont des virages à 780°. On dit souvent qu’en négociation, il faut en dire juste assez parce qu’après ça devient contre-productif. Lui c’est la technique opposée. Il balance et après tu tries dedans le vrai du faux. Souvent il exagère et ça motive les partenaires à faire mieux. Donc c’est super productif. Mais pour que ça marche, il faut savoir où aller et maîtriser la langue comme jamais. Et c’est pas aussi facile que ça en a l’air.

-Ça va. Et toi ? Kelyann ne t’embête pas trop ?
-Il est pas gérable donc je le laisse bouger dans le QG, les autres sont au courant de toute façon. Mais hey, faudrait songer à le reprendre hein. Genre pour partir au bout du monde. Tu sais, il bouge tellement, moi ça en arrive à fatiguer mon loup. Tu sais, c’est comme s’il était encore sur le tapis et qu’il soupirait plus qu’il n’expirait. Ça me fait mal, mon ami, ça me fait mal. Alors prends-le. Avec 24h d’avion dans les pattes, il va se calmer. Puis je sais pas toi, mais on est censé être à la fin des vacances et j’suis venu ce matin, y’avait tellement de dossiers qu’ils ont dû en mettre près de la poubelle. Ah et aussi, repasse au QG avant de disparaître, j’ai signé des contrats mais on m’en a renvoyé certains parce que « c’est quoi cette signature ? C’est qui cette personne ? Je veux le directeur ou vous allez vous faire foutre », des trucs du genre. Bref, t’es pas censé être au QG mais la vie continue et j’ai besoin de toi là. Sinon je te scan tout ça et tu me l’envoie au format numérique ? Quoique, vu leur chiantise, y’a moyen qu’ils se ramènent et disent « mais c’est pas une signature originale, oh la la ». On devrait…

Et ça continue. Encore, encore et encore. Le monologue devient une nouvelle, et la nouvelle un roman. Le débit de paroles est telle qu’il en devient un vrombissement incessant. Il faut croire que je l’ai manqué. Ça me fait du bien et ça me calme un peu. On parle un peu plus, je prends le temps de placer quelques mots, puis un peu plus, reste très évasif. Phil n’est pas idiot et comprend ce pourquoi je l’ai appelé, se démène à la tâche de me changer les idées et rit à chaque fois qu’il m’entend pouffer doucement. C’est agréable, et après trente bonnes minutes à m’avoir tenu aux faits de tous ces derniers jours, il juge utile de raccrocher, non sans m’avoir assuré qu’un nouvel appel ne lui ferait pas de mal.

Il est encore trop tôt pour manger lorsque la conversation cesse, mais je suis plus détendu. Mes idées sont en place et toutes ma négativité est cachée dans le brouillard et cent pieds sous terre. Voilà. Ma valise est prête, je fais le tour de la chambre pour vérifier que tout a été récupéré et descend les mains dans les poches pour me rafraîchir un peu. La marche nocturne s’éternise et lorsque je rentre, l’hôtesse a déjà pris ses fonctions. Je m’entretiens avec elle quelques secondes pour annoncer les nouvelles et part petit-déjeuner.
Puis je remonte, prend mes affaires, vérifie une dernière fois que tout est en ordre, m’excuse à l’accueil, rend les clés, me rend jusqu’à la gare, monte dans le train, somnole enfin. Manque de peu de rater l’arrêt et me présente enfin devant l’appartement. Les étages me paraissent tout à coup si courts, si rapides à monter qu’une fois en haut, penaud, je reste sur le pas de la porte, face à cette dernière sans savoir si oui ou non j’ai encore le droit de rentrer.

Ça m’était totalement sorti de la tête.
Je l’ai embrassé, puis je lui ai fermé la porte au nez.

Les clés tournent dans la serrure et je rassemble un peu mes affaires, prêt à tout, prêt à devoir partir dans la seconde. Je lui ai promis, quoique je ne sais plus, que je serai là. C’était sans doute une remarque intérieure, je ne suis pas sûr de l’avoir formulé à haute voix. Quoiqu’il en soit, je me le suis promis et je ne faillis pas, peu importe les conséquences. Je dois rester droit dans mes bottes. J’ai vécu pire.

J’erre longtemps dans l’appartement, sans savoir quoi faire, et l’odeur de Simje ne m’aide pas vraiment à me changer les idées. Il n’y a pas de télévision et limite grandement mes objectifs de passage de temps. Je devrais peut-être juste sortir. Et s’il revient pendant mon absence ? Ce ne serait pas plus mal non ? Pourquoi voudrait-il me voir de toute façon ? Pourquoi voudrais-je le voir, après tout. M’excuser, encore ? Je l’ai fait, et ça a rarement été aussi honnête. Difficile de faire mieux. J’inspire et décide donc de quitter cette ambiance trop lourde que je me suis moi-même infligé.

En silence donc, je marche dans les rues sans vraiment savoir où aller. Les gens sont déjà bien réveillés. Je passe dans une boulangerie et m’achète quelque chose d’assez sucré pour éponger le goût aigre sur ma langue. J’ai déjà tout mangé en revenant vers l’appartement et monte les quatre étages sans soucis. J’arrive à la dernière marche, relève les yeux et voit alors Simje en train d’entrer chez lui. Mon cœur rate un battement et d’un coup, un millier de questions me passe au-dessus de la tête. Ça va ? Je suis désolée pour ce matin ? Est-ce que tu veux que je parte ? Que je reste ? Tu veux en parler ? Dis-moi qu’ils t’on pas agressé ? C’était comment ? Est-ce que je t’ai pas choqué ? On peut parler ? Je suis derrière lui mais il n’a même pas l’air de m’avoir entendu monter les escaliers. Il ne se retourne même pas en fait. Je ne devrais pas le surprendre. Le voir de dos comme ça, je ne sais pas, ça ne m’aide pas. Je ne peux pas voir son visage, je peux encore faire demi-tour. Je peux encore faire demi-tour ? Mais que dois-je lui dire, à la fin ?

Je monte la dernière marche et garde une certaine distance. Pour ne pas le brusquer. Pour ne pas me brusquer. Ma bouche s’ouvre et se referme. Comment ne pas le surprendre quand il a l’air perdu dans ses pensées. Dans des pensées que psychologiquement je n’arrive même pas à atteindre. Félicitations, d’une manière ou d’une autre, tu es parvenu à réfréner toute envie de lire dans tes pensées.
Est-ce que j’ai le droit de lui dire que peu importe ce qu’il me dit, ce sera dur à entendre.
Est-ce que j’aurai la force de l’écouter ?
Je ne pense pas. Peu importe le sujet sur lequel sa première phrase portera, ça me traversera sans doute de part en part. et il faudra rester debout. Je suis comme un gamin qui peut se faire punir. Mais qui ignore sur quoi la sentence portera.

Et si j’avais vraiment fait quelque chose de mal ?
Et toi Simje, comment est-ce que tu vas ?

-Simje…

Son prénom est presque murmuré, mais je sais que son don lui permettra de m’entendre distinctivement. Il le faut non ? Je ne vais pas lui crier dessus quand même. Quel tête dois-je faire. Et si j’arrêtais de penser à moi une seule seconde ?

-Comment… – ça s’est passé – Est-ce que… – ça va ? – Je… – suis tellement désolé.

Merde.
Merde merde merde.

Je soupire, décontenancé.

-Tu tiens le coup ?

C’est neutre. Ça devrait marcher.
Faites que ça marche.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyVen 12 Jan 2018 - 22:10

Simje baisse donc la poignée de la porte. Et c’est fermé. Son coeur dégringole jusque dans ses pieds et il a envie de l’écraser avec ses pieds, sautiller dessus pour se dire mais putain bien sûr qu’est-ce que tu pensais, il s’est barré et toi, t’es bien trop naïf Simje. Mais il se remet doucement à écouter ses sens et il n’est pas seul. Il entend d’abord la respiration qu’il a appris à connaître. C’est surtout qu’il a une bonne mémoire et que, bon, en ayant dormi avec maintenant il en connait les modulation.

Peut être qu’en se concentrant il pourrait entendre son coeur qui bat ?
Il n’entend rien.
Rien du tout.

Il se retourne et il y a Allen, qui à l’air somme toute plutôt frais - ça ne peut pas être pire que lui de toute façon. Il à l’air d’un raton laveur croisé avec un mollusque. Encore plus blanc que d’habitude ?
Non. Non ça, ça c’est pas possible.

-Simje…

Le polonais le fixe juste droitement, sans bouger. Ses bras pendent le long de son corps et il garde les yeux grand ouvert, ses grands yeux bleus un peu globuleux qui scrutent Allen qui a juste soufflé, juste murmuré son prénom. Mais il est encore en colère, un peu, Simje, voilà tout le problème. Il est redescendu un peu, mais pas assez pour être serein, ou calme. Ou les deux.
Il n’est rien, sauf encore à cran.
Lui qui quelques secondes auparavant aurait pu payer pour avoir un câlin, juste des bras qui se ferment autour de vous, à juste envie de se briser l’autre main contre l’autre mur. Littéralement.

-Comment… Est-ce que… Je…

Le polonais se masse distraitement sa main blessée. Allen qui avait des milliards de choses à dire pour ne pas le laisser partir en perd désormais ses mots. C’est qui le con, maintenant.

Il n’y a aucune raison d’en vouloir à Allen. Aucune.
Il ne peut pas s’en empêcher.

Et l’autre qui sourit.

-Tu tiens le coup ?

Simje prend à nouveau l’air tout étonné - le gars, il ne capte plus rien de sa vie comme s’il avait reçu un coup dans la tête et qu’il serait teubé ah ben super, je vais rester complètement con pour toujours, ça a fait griller les fusibles de mon cerveau et je m’en remettrais jamais, super rentable cette amitié et c’est ainsi qu’il s’entend répéter :

- Je tiens le coup ?

Je vous jure, ça montera plus au cerveau. Ca montera plus jamais, c’est fini. Il hoche vaguement la tête. Il a juste conscience de la distance qui les sépare, et cette dernière est immense.
Immense et insurmontable.
Le problème est là.
LE GARS, IL ME PREND, M’EMBRASSE, ME JETTE, oh là là, des histoires sordides, des histoires sordides de gars obsédé par Orphéo et de ses peurs qu’il me jette au visage, ET IL ME DEMANDE SI JE TIENS LE COUP, bordel, de merde, de sa mère, T’AS QUE ÇA A DIRE ?

Bordel, ça existe pas des mots plus vulgaires que ça ? Avec plus de sens ? J’aimerais être encore plus énervé que ça dans ma tête - mais je me trompe de cible je le sais bien, - mais c’est même pas possible.


- Oui, ça va super.

Petit sourire superficiel comme il sait bien le faire. Il me faudrait au choix, une semaine de sommeil, une semaine de médiation, ou dix litres d’alcool pour laver tout cette aigreur. On dirait un petit vieux qui déteste tout et tout le monde, c’est affligeant. De toute façon il a l’impression d’avoir tout perdu, que c’est trop tard, que la vague d’ouverture de soi qu’il a subi ne se reproduira, autant le dire clairement, jamais.

- Mais je serais pas contre une bière. Ou deux. Ou cinquante.

Ou mille. Coma éthylique. Décès. Soulagement.
Ahah, y'a un trop plein de bonne ici dit donc, c'est fou. Faudrait veiller à ce qu'on soit pas trop heureux quand même.

La chienne vient d’elle même se glisser à ses côtés, habituelle, et les deux hommes rentrent dans l’appartement. Rien n’a bougé, tout est pareil.
Comme avant le passage d’Allen.
Dont les affaires sont bouclées dans l’entrée.
Immédiatement, Simje qui avait alors plutôt volontiers fait face à Allen qui n’avait pas installé de gêne trop prononcé - si ce n’est un reste de souvenir qui flotte dans l’air, il l’agrippe, il l’embrase, en boucle, il faudrait oublier surtout - et bien Simje il se retourne pour exposer son dos. C’est exactement la même histoire que quand il dort, une question de sécurité.

- Oh. Mais je.. - il va pour lui dire qu’il peut le raccompagner à la gare, mais comment ? Et les aurevoirs pas trop gênant mh - je.. enfin tu peux y aller j’veux dire, t’étais sur le départ, vu l’heure qu’il est il devrait y avoir des trains, mh.

Tentative d’humour un peu pitoyable, vous lui concèderez. C’est toujours pareil, il ne lui en veut pas mais c’est trop là, vous reconnaîtrez volontiers que y’en a marre, que le cerveau humain n’est pas fait pour ça. Pitié qu’il ne parle de rien. Pitié qu’il ne parle pas de la fin, qu’il a tenté de me retenir avant de me jeter dehors, Pitié aussi qu’il ne parle pas de comment ça s’est passé, ça non plus on n’en parle pas, hop c’est caché, par non plus du Sri Lanka. Voilà, avec Allen il ne nous reste que des sujets tristes à évoquer, génial. Impossible de lui demande s’il a eu le temps de flâner, il est hors de question que j’évoque le petit voyage.
Hors du temps.
Très bien, qu’il y reste. Très très bien.


- Enfin..

Ah ouais non mais c’est n’importe quoi, là ça va être moi qui va essayer de le faire rester c’est ça ? Lui dire « stp, reste ? » C’est moi qui fait l’agripper avec mes bras de brindille ? A quel moment les rôles se sont-ils inversés ?
Trop d’éléments sont en jeu, ça devient du grand n’importe quoi.


Il souffle et se passe une main dans la nuque en s’obligeant à s’occuper les mains.

- Bref, .. c'est.. t'sais Simje, dans la vie de tous les jours, si tu parles pas, y'a une bonne raison. Maintenant, ferme ta gueule et arrête de ramer. .. comme t’as envie.

P o u r q u o i
TOUT
E s t
TOUJOURS
Aussi
Intense
Avec
ALLEN ?


Il sort à nouveau une clope de sa poche et s’apprête à lâcher autre chose, une autre parole désinvolte mais ç’aurait été amer, inutile. Tu prends quand même un café où t’es trop pressé de partir ? Chez Simje le problème n’est pas le fond de toute façon mais bien la forme.
Il pense à Rosie qui pourrait appeler ses potes et qui aurait raconté son histoire en disant des choses, du genre MAIS OUI, LÀ LE GARS IL M’A SAUTÉ DESSUS, ahahah ! et à lui qui va devoir se forcer à évacuer tout ce qu’il a ressenti d’une autre façon.

Il ouvre une fenêtre, s’allume la clope et tire dessus.

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- Est-ce que tu as déjà tué quelqu’un ?
- Oui mais c’était des méchants !


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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptySam 13 Jan 2018 - 14:43


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Je voudrais pouvoir remonter le temps. »

Remonter au moment où tout allait bien. Remonter jusqu’à ce qu’enfin je comprenne à quel moment ce voyage s’est transformé en cauchemar. A quel moment les mots sont devenus aussi difficiles à sortir. Revenir et effacer ce baiser qui venait de tout compliquer. Je devrais lui dire que je ne suis pas homosexuel ? Je ne sais pas. Et lui ?
Pourquoi suis-je aussi certain qu’incertain d’avoir fait cette action parce que je le voulais ? Pour quelle raison surtout ? Ah, ne ressassons pas. Je ne suis pas un voyageur du temps et cette histoire ne s’effacera pas. Accusons le choc et préparons-nous simplement à ce que tout puisse arriver. Parce que, de toute évidence tout peut arriver.

Je ne sais pas comment l’aborder. Alors qu’il me fait dos, juste devant moi, je pense à toutes ces choses qui ont subitement bâti un mur entre nous deux. A mes bêtises et à ce manque de communication. J’aimerais l’associer à un inconnu actuellement. J’aimerais pouvoir m’extraire de cet environnement et recommencer tout à zéro. Ou à un et demi. Mais ce n’est pas si simple. Simje n’est pas un inconnu. Je ne le suis pas non plus pour lui. Nous sommes simplement là, à quelques pas l’un de l’autre mais incapable de se rapprocher, comme si un fleuve menaçant coulait entre nous deux.
Qui irait à l’eau en premier ?

Peut-être lui, peut-être moi. C’est de ma faute, j’en ai conscience. Je me suis emballé sans aucune raison, j’ai eu peur, très peur et mon cerveau a disjoncté. S’il le faut, je m’excuserai encore une fois, j’exposerai les faits, la situation qui m’a poussé à agir de manière totalement déraisonnée. J’admets mes erreurs facilement. Ça pique un peu mon ego personnel mais ce n’est pas non plus une fin en soi.

Voilà, je devrais lui dire pardon encore une fois.
Mais avec lui, rien ne se produit comme je le veux et alors que les mots voudraient se bousculer à la sortie de ma bouche, seuls quelques bribes parviennent réellement à s’en échapper. Des amorces de phrases envolées dans des soupirs. De quoi j’ai l’air ? De quelqu’un qui n’arrive même pas à aligner deux mots. D’un sénile, d’un timide, du mec le plus gêné de l’univers. Ce n’est pas moi. Je ne ressemble pas à ça. Je ne suis pas une boule de nerfs. Je suis gentil, j’ai le rire facile, je râle mais jamais sans raison. Je peux devenir chiant, mais rarement à ce point. Au point d’être totalement vide et de lâcher ce genre de phrase inutile.

- Je tiens le coup ?

Il hoche la tête mais c’est un « non » qui résonne dans la mienne. C’est comme mettre quelqu’un devant un fait accompli. Me mettre devant un plat d’épinards sans rien autour et me demander après coup si j’aime ça. Quel est le choix dans tout ça ? Ce genre de phrase, ça fonctionne avec les têtes brûlées, celle qui t’annonce sans détour que si t’as l’air d’un con c’est que t’es con. Un type comme Philip quoi. Mais Simje n’est pas Phil et il ne le sera jamais. Il va certainement rouler ses sensations en boule, son cerveau va peut-être exploser mais j’ai des doutes sur sa capacité à me les énoncer à haute voix sans ciller.

On dit souvent que dans n’importe quelle relation, s’il n’y a pas d’échange, c’est voué à l’échec. Mais toutes les relations ne commencent pas par des catastrophes. Celle-ci, si. Je pourrais même dire que notre première rencontre n’était franchement pas la meilleure pour s’apprécier. Et malgré tout ça, nous sommes encore là, à deux pas, sans savoir quoi faire, pardonner ou lâcher l’élastique trop tendu. Mes affaires sont prêtes. Il ne suffirait que d’un mot pour me faire descendre, d’un autre pour ne plus jamais me faire réapparaître. A l’évidence il serait bien plus facile de s’ignorer que de chercher à garder contact. Les innombrables heures d’avion sont là pour marquer une fois encore cet interminable fossé.

- Oui, ça va super.

Il sourit un peu.

- Mais je serais pas contre une bière. Ou deux. Ou cinquante.

Et il rentre dans l’appartement. J’ai une petite seconde de latence puis décide de lui emboîter le pas. Me stoppe juste après la porte, encore hésitant quant à si je dois la fermer ou non. Si la tempête passera, s’il faudra la déclencher, s’il faudra s’en aller. Ou pas. Le voilà qui souhaite se noyer dans l’alcool maintenant. Comme moi quelques jours plus tôt. Je grince des dents. Je n’ai pas envie d’en parler. Mais à un point où une simple pensée fait remonter en moi une vague nauséeuse. L’alcool n’est pas une solution, hein ? C’est facile de faire la morale à autrui, ça l’est moins de se l’appliquer. Je n’ai même pas envie de débattre sur le sujet.

Ça m’irrite comme du papier de verre sur la peau.

Son regard se tourne vers mes valises puis il me fait dos sans aucun respect. Quoi, qu’est-ce que j’aurais dû faire, à ton avis ? Être là à t’attendre ? Je ne sais pas ce que tu veux, ou bien si, j’aurais pu le savoir si je m’étais autorisé à plonger dans tes pensées. Mais je ne l’ai pas fait, parce que c’est toi qui l’a voulu. Parce que je ne l’ai pas non plus souhaité. Parce que mon don est laissé dans un coin le temps que les choses se calment. Parce qu’il y a trop d’émotions et que je ne cherche pas le conflit. J’essaye de faire au mieux et c’est bancal oui. Ça peut porter à confusion aussi. Tu peux croire qu’au final, j’ai qu’une envie c’est partir. Tu ne penses certainement pas que la seule chose qui me retient et m’éloigne c’est juste toi. Parce que c’est toi qui choisit, parce que tu es chez toi, dans ton appartement, dans ta ville, dans ton pays.
Et si je compte me défendre ?

-Ça ne règlera rien du tout.

Je suis bien placé pour parler. L’alcool ne résout rien. Il aide à oublier pendant un temps mais t’assomme par la suite. Il pète des neurones. Il te fait apprécier le monde mais le monde ne t’apprécie plus. C’est une bonne méthode pour se relâcher, mais ça ne dure jamais et surtout, c’est dangereux. Mais ça, il a l’air de bien le savoir le polonais. Ça ne fait que m’inquiéter davantage.

- Oh. Mais je… je.. enfin tu peux y aller j’veux dire, t’étais sur le départ, vu l’heure qu’il est il devrait y avoir des trains, mh.

A ce moment, je ne sais pas trop ce qui m’a poussé à le faire, mais j’ai déclenché de manière totalement instinctive mon don. Pour savoir à quoi il pensait, s’il voulait vraiment que je parte, parce que la curiosité était plus forte que tout, parce que j’aime me contredire quand ça m’arrange, pour d’innombrables raisons que je ne pourrais peut-être jamais expliquer. Toujours est-il qu’en l’espace de quelques secondes, les paroles de Simje se déversèrent dans ma tête. Tous les sujets sur lesquels on ne voulait, on ne pouvait pas ou plus parler. Des sujets de merde qu’il restait. De cette terrible sensation d’être arrivé au fond du trou, sans pouvoir y changer quoi que ce soit.
De quoi peut-on parler lorsqu’on a vécu tout ça ? De toutes ces choses que l’on ignore sur l’autre.

- Enfin..

Je souffle. Un expulsion brutale, exaspérée. Ça tourne en rond. C’est le chat qui se mord la queue.
Tu restes ou tu pars ?
Mais si tu restes, on fait quoi ?
Et si tu pars alors, on se reverra ?
Et on parlera de quoi après ça ?

- Bref, .. c'est.. comme t’as envie.
-Comme j’ai envie, hein.

Je ne peux pas m’empêcher de répéter ces paroles. Voilà que le jeu s’est orienté sur une bombe. Vous savez, on se la passe mutuellement en priant pour qu’elle ne nous explose pas à la figure. C’est exactement pareil. Je la lui ai jetée, il me l’a renvoyée. Ça pourrait durer longtemps comme ça. Des dizaines de milliers de secondes. Peut-être même des centaines de milliers. Peut-être toujours, jusqu’à ce que l’on de nous deux soupire et ne vire l’autre ou ne le regarde fixement, à bout de force, à bout de nerfs.
La bombe m’est donnée et j’ai bien l’intention de la faire exploser.

J’entre définitivement dans l’appartement, referme la porte tranquillement puis observe Simje fumer sa cigarette. Par où commencer ? Oh, ça ne va pas être une partie de plaisir, mais on m’a souvent dit qu’à force d’aller chercher la petite bête, y’en a forcément un des deux qui craque. Que ce soit lui ou moi ne change rien, c’est la finalité qui m’importe. Et croyez-le bien, si pour ça je dois épier dans sa tête, secondes après secondes, pour en faire ressortir toutes les merdes, eh bien soit. On passera un sale quart d’heure.
J’inspire profondément et indique :

-Libre à toi d’aller piocher deux trois alcools pendant que c’est possible plutôt que t’enfumer l’esprit.

Hahaha. Ça y est, ça sent déjà l’aigreur à plein nez. Et pourtant, pourtant je suis parfaitement calme. J’essaye de penser d’un point de vue extérieur même si tous les sujets me touchent profondément. Ça m’aide à accuser le tout avec plus de recul. Méthode de directeur. Je retire ma veste et la pose à mes côtés, une fois assis sur le canapé. Bien.

-Comme j’en ai envie donc. Je vais te dire tout ce qu’il y a dans ma tête, là, même si tu n’as peut-être pas envie de l’entendre. J’ai envie de m’excuser mille fois pour ce qu’il s’est passé ce matin parce que j’ai craqué. J’ai envie d’être là pour parler et pas m’enfuir comme un idiot qui n’est même pas capable de faire face à un ami. J’ai pas envie de te laisser te bourrer la gueule comme je l’ai fait parce que, crois-moi, à part te faire reculer, ça ne changera rien. J’ai pas envie de parler de ce qu’il s’est passé avec les familles mais il le faudra quand même. Parce que merde, on pourra nier tout ce qu’on veut, se voiler la face pendant des années et faire comme si de rien n’était, le Sri Lanka, ça aura certes été le point de départ à de nombreuses merdes mais si ça ne s’était pas produit, je ne serai pas ici. Après tout, peut-être que c’est ce que tu veux, et dans ce cas très bien, je m’en vais. Mais c’est fait Simje. C’est fait et que ce soit maintenant ou dans trois ans, la seule, je dis bien la seule personne qui pourra te comprendre, c’est moi. Je t’ai embrassé parce que j’ai eu peur, parce que j’étais prêt à faire n’importe quoi pour te dire de ne pas y aller. J’ai fait une bêtise et au final j’ai juste creusé un peu plus le fossé. Maintenant, à moins de t’entendre clairement me dire de virer de cet appartement, je ne bougerai pas.

Alleeeeey, merci Allen pour cette superbe introduction, on se revoit l’année prochaine hein ! Et le tout sans hausser le ton. Deal with it.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptySam 13 Jan 2018 - 19:14



On echaîne donc drame sur drame par ici. Autant ça va rester pour toujours comme ça, on va rester comme deux connards dans cet appartement, et ça durerera toute notre vie, nous qui nous regardont en chien de faïence. L'enfer ressemble à ça, sûrement. Une situation dont on ne veut plus qui se répète encore et encore et encore. Dans mes rêves je suis enfermée pour toujours avec une de mes soeurs - pas Rosie, Rosie ça va - pour toujours et à jamais. Mais non, faut croire qu'il s'est trompé le petit Simje, que c'est Allen que ça va durer pour toujours. Chacun est mal à l'aise, ils n'ont pas vraiment l'air de beaucoup s'amuser.

-Ça ne règlera rien du tout.

Et Simje de ne pas en entendre ses oreilles. Il fixe Allen d'un air atteré, à deux doigts de lui dire mais tu te fous de ma gueule ? Pour toi, on à le droit d'aller se pinter la gueule pour se détendre, mais alors quand il s'agit de boire pour moi, y'a plus personne. Ah ben super, grosse mentalité par ici. Génial. Tu gagnes la palme d'or du pire ami du monde. Moralisateur dans les pires moments. Même pas je vais répondre tellement je suis, cho, qué. Mais il devrait arrêter de parler quand même.
Laisse moi fumer ma clope pendant que tu te tais.


-Comme j’ai envie, hein.

Euh ça va là ? On va s'arrêter là tu penses pas ? D'un autre côté, les meilleurs amis ne sont-ils pas ceux qui exacerbent vos sens, vous font tout ressentir tout en plus fort ? Peut être.
Ou peut être sont-ils ceux qui nous apaisent ?
Dans cas là, qu'est-ce que représente Allen ?
Celui qui fou le bordel.

-Libre à toi d’aller piocher deux trois alcools pendant que c’est possible plutôt que t’enfumer l’esprit.

Blanc.

- Sérieusement ?

Sache, Allen, que j'ai un peu envie de te taper.
Comme le mur plus tôt.
Sauf que t'as quand même l'air un peu plus mou.


Silence.

J'ai peut être besoin de lui rafraîchir la mémoire, que y'a pas si longtemps c'est lui qui était complètement mort, la pateuse, les yeux rouges et le foi en misère. C'est peut être parce qu'il s'en rappelle trop bien qu'il est encore dégoûté mais croyez-moi, la prochaine fois qu'il se passera un truc chiant y'a moyen qu'il y retourne. Quand il se fera largué, remis à pieds, qu'est ce que j'en sais. Pas que je lui souhaite hein, mais il pourrait me payer une vodka plutôt que être là "nia nia nia tu fais de la merde, blabla, t'es trop un gamin Simje l'alcool ne résout rien.
Je sais. Je sais bien que les chagrins savent nager.
Mais c'est comme les glaçons dans un verre, j'peux pas m'empêcher de les couler avec une paille jusqu'à ce qu'ils fondent. Pourquoi ça ne serait pareil avec les problèmes ? Ils finiront bien par fondre un jour, comme tout le reste.


-Comme j’en ai envie donc. Je vais te dire tout ce qu’il y a dans ma tête, là, même si tu n’as peut-être pas envie de l’entendre. J’ai envie de m’excuser mille fois pour ce qu’il s’est passé ce matin parce que j’ai craqué. J’ai envie d’être là pour parler et pas m’enfuir comme un idiot qui n’est même pas capable de faire face à un ami. J’ai pas envie de te laisser te bourrer la gueule comme je l’ai fait parce que, crois-moi, à part te faire reculer, ça ne changera rien. J’ai pas envie de parler de ce qu’il s’est passé avec les familles mais il le faudra quand même. Parce que merde, on pourra nier tout ce qu’on veut, se voiler la face pendant des années et faire comme si de rien n’était, le Sri Lanka, ça aura certes été le point de départ à de nombreuses merdes mais si ça ne s’était pas produit, je ne serai pas ici. Après tout, peut-être que c’est ce que tu veux, et dans ce cas très bien, je m’en vais. Mais c’est fait Simje. C’est fait et que ce soit maintenant ou dans trois ans, la seule, je dis bien la seule personne qui pourra te comprendre, c’est moi. Je t’ai embrassé parce que j’ai eu peur, parce que j’étais prêt à faire n’importe quoi pour te dire de ne pas y aller. J’ai fait une bêtise et au final j’ai juste creusé un peu plus le fossé. Maintenant, à moins de t’entendre clairement me dire de virer de cet appartement, je ne bougerai pas.

Simje se retourne, la cigarette au bord des lèvres mais l'air totalement affairé par cette tirade, digne d'un monologue racinien. Il manque que les rimes. Et un personnage qui puisse mourir à la fin.
Mais Simje n'est pas Allen et si ce dernier c'est ouvert, a parlé, c'est trop tard pour le polonais qui a déjà tout caché. Il n'est pas du genre à en démordre, il se posera des questions plus tard (sauf celle là, qui semble être claire : JE SUIS PAS PÉDÉ le reste est encore prêt à être questionné, tranquillement unsoir d'hiver quand t'es pas très heureux et que t'as bien envie d'être encore plus malheureux. Mais ce n'est plus le cas.
Pas de corps, pas de mort.
Ben là pareil.
Pas de signe ostensible que ça va pas, alors tout va. Et arrête de mettre le doigt dessus.
Outre le fait qu'il n'a pas envie de s'expliquer, il sait qu'Allen a raison. Oui, t'es le seul qui pourrait comprendre - bien que en fait tu sois juste une victime, tout pareil, la rune c'est pour mon cul, ça ça change pas - oui ça ne sert à rien de boire, mais soit on boit à deux, soit je bois seul quand tu t'en vas. Il se rend quand même compte qu'en parlant anglais, ses pensées ont repassé en anglais, et ça c'est la poisse mais il a promis de toute façon de pas venir dans mon crâne.

Il s'assoid donc d'un bon souple sur le rebord de sa fenêtre, large - et confortaaaable - et tirant sur la clope. C'est fini, insiste pas, les émotions sont parties, elles ne ressortiront pas Du moins il en est certain.
Il était aussi jusque là certain qu'ils ne s'embrasseraient jamais. Autant vous dire que si on lui avait dit ça une semaine plus tôt il aurait, rit aux larmes.

- Alors comme ça même pas tu m'embrasses parce que j'te plais ?

Affreux, ce gosse. Il est assis, il a perdu le cran de désespoir et de tension derrière les yeux pour afficher un grand sourire provocateur - toujours eu des problèmes avec l'autorité de toute façon, toujours contre ce qu'on lui dit. Allen souhaite qu'il parle, Simje plaisante et se défile, Allen souhaiterait qu'il s'ouvre, Simje s'enfuit à toutes jambes.
Sa main ne porte presque plus de traces du mur et il la touche un peu pensivement - ça lui semble loin maintenant, cet excès de rage ! Dire que j'ai pu un jour ressentir autant, oh là là, ça me semble ultra pas possible. En plus, comme dirait l'âne, "t'es pas mourut" et en effet, les gens ils m'ont pas mangé tout cru. En vrai, je m'attendais presque à une droite, genre une gifle face à mon masque austère et désolé mais non. Ils ont choisit les mots.
Savent-ils qu'ils résonneront sûrement à l'infini ?

J'ai très envie de boire quand même.


Le pire c'est qu'il voit bien qu'Allen n'est pas follement dans son élément, il pince les lèvres pour ne pas être cruel ou méchant - depuis quand t'es comme ça ? Re rentre dans ton trou et fait pas chier les gens, Allen il est gentil, c'est pas parce que vous êtes potes que.. mais oui, c'est pas parce qu'il est là que c'est à lui de faire ton punching ball quoi. Il a un sens du sacrifice un peu trop prononcé quand même.

- Je pensais que c'était pour la vie nous deux. J'ai le coeur brisé.

T'es sûr que tu veux pas une bière ?
Et puis
S'il te plaît te vexe pas
Et enfin
Ne pars pas, j'ai vraiment besoin de toi.

Mais il n'a pas encore appris Simje que c'est les mots qu'il faut dire à voix haute, que c'est les mots qui doivent remplacer l'insolence qui brûle et fait chier, réellement, cette insolence qui emmerde le monde et mériterait de ne plus jamais réapparaître.
T'as peur d'Allen, maintenant, Simje ?
T'as peur de quoi ?

Mais il s'en fou, il n'y pense pas. Il reste sur le bord de la fenêtre, le dos au soleil et ce sourire si particulier qui le rend plus jeune qu'il ne l'est malgré la barbe rase de ses joues, réellement plus jeune, donnant des échos de la vie d'avant, de l'arrogance pour ne pas douiller.

Rien,
n'a,
changé.

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MessageSujet: Re: Tant que demain se lève encore   Tant que demain se lève encore EmptyDim 14 Jan 2018 - 16:10


"Tant que demain se lève encore"


Je me lève ce matin et je trouve que le monde est flou. J'ignore s'il s'agit d'une métaphore appliqué au réel, si cela traduit mon manque de confiance depuis que je suis mis à pied, mais je me lève et la première pensée qui me traverse l'esprit, c'est de poser mes lunettes de repos sur mes yeux et de voir le matin se lever avec douceur.


« Vous avez déjà parlé à un mur ? »

Pas devant un miroir pour améliorer son charisme s’entend – non, il n’y a pas que les Sims pour faire ça, c’est une vraie méthode – mais parler à un mur juste pour le plaisir de ne pas te faire couper, d’être certain d’avoir raison, de déverser une rage enfouie parfois. Ça peut être sympathique de faire ça parfois, juste pour lâcher les nerfs. Mais voyez-vous, pour que cela marche, il faut que le mur reste un mur. Quelque chose de froid, d’inorganique, de plat, d’uniforme – le papier peint défraîchi de mamie Jeanine ne compte pas – et surtout d’immobile.
J’en viens au problème. Simje, tu n’es pas un mur, ni même une jouvencelle protégée dans son château fort. Je ne suis pas non plus le preux chevalier que tu n’as, de toute manière, pas l’air d’attendre. J’aimerais bien le sortir de cette espèce de bulle, mais avant même de m’atteler à la tâche, j’en comprends la difficulté. C’est un peu vexant, je dois l’avouer, d’être ainsi mis sur le côté comme si, finalement, on ne valait pas grand-chose. Je suis prêt à faire des efforts de mon côté, mais qu’en est-il du sien.
Est-ce qu’on pourra continuer comme ça ?

- Sérieusement ?

Ça amène à une réponse de ma part ou bien est-ce une question rhétorique ? Non, parce que s’il s’agit de me faire parler, je n’ai pas besoin de questions, je vais te donner toutes les réponses. Je devine à son regard un profond désaccord. Peut-être qu’il va me mettre à la porte après tout. Peut-être qu’il va me frapper. Bah, qu’il essaye, ça ne m’effraie pas et ça aura au moins eu l’effet escompté. C’est tout ce que je lui demande après tout.

Alors oui, sérieusement. Sérieusement, tu vas finir cette clope et on va parler. Tu vas le faire parce que je ne te laisserai pas le choix de toute manière. Et si t’en as vraiment marre, tu n’auras qu’à me le dire, mais me le dire franchement. Je ne sais même plus quel sujet aborder tant ces derniers se bousculent à la sortie de ma tête. Lui demander comment il se sent et attendre une vraie réponse ? Bah, c’est pas du tout son style de se confier, ça j’ai bien compris. Parler du Sri Lanka ? Haha, le synonyme de qui finira bourré le premier, c’est ça ? Parler d’autre chose ? Dans un climat comme celui-ci, ce serait comme déposer volontairement un cheveu sur la soupe. Un bon gros cheveu bien épais.

Non, je devrais simplement l’informer de toutes mes pensées, les lui balancer à la figure sans respect. Est-ce que c’est bien ? Est-ce que j’agis dans le bon sens ? Ne devrais-je pas plutôt le ménager ? Il risque de se rouler encore plus en boule si je le brusque, mais quel choix ai-je donc ? Rester silencieux ? Jouer au plus fin ? Quel intérêt.
Non, je préfère bien tout envoyer, me confier comme l’on se confie à un mur, à la différence que ce dernier possède des oreilles et une bouche pour réagir. On pourrait engager un dialogue non ? Tu sais ce qu’est un dialogue quand même ?

Mon monologue s’étale sur la durée. J’en dis bien plus que je ne pense et je pèse chacun de mes mots. Le rythme est un peu rapide mais régulier. Et lorsque la dernière phrase, cette proposition claire et précise, vient terminer mon discours, je me sens tout à coup un peu plus léger. Ce n’était pas vraiment l’objectif mais c’est déjà ça de pris et puis je suis un peu plus prêt pour entendre la réponse de Simje.

Ce dernier s’assoit sur le rebord de la fenêtre et avant même qu’il n’ouvre la bouche, je sais que ce sera de. La. MERDE.

- Alors comme ça même pas tu m'embrasses parce que j'te plais ?

Bon, au moins, on commence quelque part et il n’y a plus cette tension de « j’te parle pas ». Si c’est mieux, si c’est pire, aucune idée. Dans l’instant, je suis juste terriblement, mais alors au plus profond de moi, complètement vexé. A un point que mon corps tombe comme une masse contre le dossier du canapé. C’est pas possible d’avoir un ami pareil. Wouah, mais je veux dire WOUAH, on l’a pêché dans un cirque, ça se passe comment ? Je ne sais même pas si je dois rire, partir, lui crier dessus, rentrer dans son jeu, le frapper un bon coup – mais la violence ne résout rien et je n’aime pas frapper les gens – ou simplement l’ignorer.

Pour l’instant, les bras, les jambes, le corps, les mots m’en tombent. Je me suis bien préparé à toute alternative mais celle-ci me sidère complètement. C’est du lard ou du cochon ? Je voudrais rentrer dans son jeu et à vrai dire cela pourrait grandement me permettre de le faire reculer dans ses retranchements mais après tout, il cherche juste à tomber du bateau. A se défendre ? Est-ce que ça voudrait dire que j’ai été un peu trop agressif ? À peine. Juste. A. Peine.

- Je pensais que c'était pour la vie nous deux. J'ai le coeur brisé.

Est-ce qu’on a déjà eu du respect l’un pour l’autre ou bien est-ce que ça s’est toujours passé comme ça, à se titiller éternellement pour on ne sait trop quoi d’ailleurs. J’ai l’impression d’être face à un gamin qui a des problèmes de hiérarchie. Qui veut rendre des comptes. Je secoue lentement la tête pour marquer malgré moi cette lourde déception. Après tout, à quoi est-ce que je m’attendais ? À ce qu’il me réponde honnêtement ? J’apprécie énormément Simje. A ce jour, il est l’un des seuls pour qui je serai capable de me plier en quatre, voire plus. Je pourrais sauter dans un avion pour le rejoindre s’il me le demandait. Sombrer une nouvelle fois sous ce caillou s’il le fallait.
Et lui alors ? Et lui, qu’est-ce qu’il en pense ?

Je ne devrais même pas me questionner.
Maintenant, je me sens juste tellement misérable. Presque trahi dans ma confiance, celle que je n’accorde pas en général. Et toi, Simje. Tu fanfaronnes parce que tu as… Tu as quoi au juste, peur ? Peur de me parler ? Peur de parler ? Qu’importe, tu t’exprimes à la légère sur une relation lourde. Une relation que je n’ai jamais vraiment demandée mais qui t’as visiblement touché, peu importe la manière dont tu le perçois. J’ai juste besoin de ton amitié et tu blagues sur l’amour.

Et qu’est-ce que ça te ferait hein, si je prenais crédulement tes paroles pour des faits réels ?

-Moi aussi.

Voilà ma seule réponse. Un « moi aussi » au cœur brisé, à celui qui pensait que ça pouvait effectivement durer longtemps mais que les phrases moqueuses ont su refroidir. Un « moi aussi » qui sonne comme un « je comprends ». Un « moi aussi » calme, posé, inscrit sur un papier et laissé sur une table abandonnée au milieu de nulle part.

Un « moi aussi » qui n’attend plus rien mais qui espère toujours.

Je me lève alors plutôt rapidement et file vers la porte d’entrée pour y déposer ma veste sur mes bagages, puis crèche dans la cuisine dans l’espoir d’y trouver un quelconque alcool fort. Et à mon grand soulagement, il y en a un peu. Je prends deux verres et revient alors dans le salon, dépose ces derniers ainsi que la bouteille sur la table basse, serre un fond dans chacun des verres et m’en saisis d’un pour en vider le contenu d’un coup. Je repose le verre sur la table et me décide enfin à parler :

-Ça a toujours été bizarre entre nous de toute façon. On devrait juste discuter mais avec toi, va savoir pourquoi, les actes en disent plus que des mots. Je devrais sans doute te faire un câlin là maintenant mais je ne sais même plus si j’ai le droit, vu le ton que tu donnes à tes paroles. T’en penses quoi ? Je devrais faire quoi ? Me sentir blessé et partir ?

Parce que je le suis pour le moment, blessé et avec l’envie de partir. Et celle de rester aussi. Je ne sais même pas à quoi me fier, à qui me confier. Je ne sais pas de quoi parler parce qu’au final peut-être que c’est moi qui en ai le plus à dire. Peut-être qu’il accuse juste mieux que moi les situations. C’est moi le mec qui refuse de lâcher prise dans cette histoire et peut-être que c’est moi qui la rend complexe et anormale. Je n’en sais rien, même la culpabilité elle hésite à se présenter.
Peut-être qu’il a juste raison de tout vouloir enfouir et qu’au final je devrais faire pareil.

-On peut aussi juste boire un verre comme tu l’as dit. J’ai dit ce que j’avais sur le cœur maintenant tu en fais ce que tu veux, tu bois ici, dehors, avec ou sans moi. Fais comme tu veux mais je suis là.

Et je reste là. Même si j’ai un peu envie de partir et que j’ai un peu peur que tu me blesses aussi. Mais hey, les amis c’est là pour ça aussi. On accuse et on espère que ça améliorera les choses.

_________________

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