EMPLOIS/LOISIRS : Vivre à en crever LOCALISATION : Là où le vent me porte... CITATION DU PERSONNAGE : Marche, cours, va là où il te plait, à l'autre bout de la Terre, par delà la mer, prêt des étoiles, mais surtout ne t'arrêtes pas de rêver
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Sujet: This is life going on | Luka & Declan Ven 30 Nov 2018 - 20:05
RP en Novembre 2019
This is life going on
Luka & Declan
« La vie est un mystère qu'il faut vivre et non un problème à résoudre. »
Le vent souffle sur Londres, froidement. Un peu de neige s'écrase de temps à autre sur la vitre, sans aucun tourbillon magique et blanc. Ce n'est qu'une bouillasse, des gouttes d'eau à peine gelées que crache le ciel comme dégoûté du monde. Il nous enserre dans une chape humide et glacée, nous accable d'une mauvaise humeur constante avec une voûte céleste plombée, grise. Je regarde par la fenêtre la rue en contrebas qui ne cesse d'être en mouvement. Les hommes et les femmes qui s'activent sont emmitouflés dans des manteaux lourds, enroulés dans des écharpes épaisses. Les londoniens ont la tête baissée, comme accablés du temps et de cette morosité de novembre. Pourtant, demain, le compte à rebours avant Noël commencera. Un avent joyeux et des enfants rieurs. Surtout si la neige, la vraie, laisse un manteau blanc sur la capitale britannique. Pas cette glace fondue et triste. Bras nus, comme à mon habitude depuis qu'il est arrivé, je semble étrangère à l'hiver qui commence à s'installer. Doucement.
Declan est bloqué, encore. A ses côtés, Maël joue avec son toast au nutella (il m'a supplié, j'ai craqué), le faisant voler comme un avion, vrombissant, rigolant. Le toast fait des envolées incroyables pour ne jamais atterrir dans sa bouche, puisqu'il y a plus drôle, apparemment. Owhen est derrière son téléphone. Il sait que j'ai dit : "pas à table", comme une personne dépassée. D'ailleurs, quand il parle à ses amis du collège, il dit : "ma vieille", pour me désigner. Charmant. Mais il ne peut me cacher cet amour profond qu'il n'assume pas, cet amour d'adolescent. Et puis, pour le téléphone, il répliquerait que je ne suis pas à table là, mais assise sur le rebord de la fenêtre, ce qui change absolument tout, les règles également. Je me détache de ce spectacle immuable, là dehors, pour les rejoindre.
- Putain ! Hey Luka ? Y'a encore quelqu'un qui pense que Papa n'est pas mort !
Le toast de Maël s'écrase dans son bol de thé Earl Grey parfumé d'un peu de citron. Le crash éparpille le liquide brûlant tout autour et il se répand jusqu'à tomber sur mes genoux dénudés. J'aurai dû mettre un pantalon. Grimaçant, je me lève d'un coup sous la douleur de la brûlure. Maël se met à trembler légèrement et baisse les yeux, se recroquevillant. Owhen rigole, sans percevoir le changement d'ambiance qu'il a provoqué. Encore. C'est un petit jeu auquel il s'adonne régulièrement. Nathaniel étant un acteur plutôt apprécié et connu, mannequin à ses heures perdues, nombre de ses fans inventent des théories du complot sur sa mort énigmatique ou sa disparition mystérieuse, selon. Car il semblerait que mon "oncle" ne soit pas décédé pour certains, mais aurait été enlevé. Par qui ? Quoi ? Owhen trouve amusant de regrouper tous les articles sur internet qui en parlent.
J'attrape le téléphone portable de ses mains et le brise contre le mur. Choqué, le jeune garçon me regarde comme si j'étais la dernière des connes. Il s'apprête à me hurler dessus, je le vois, sans doute me dire que j'ai perdu la tête. D'un geste, je lui montre son petit frère, qui pleure à présent. Toute la colère qu'il ressent s'évanoui d'un seul coup. Owhen ne s'excuse pas car il sait qu'il a mieux à faire. Pendant que je vais chercher une éponge pour éponger (tiens !) le thé qui commence à goutter sur le sol, je le vois s'approcher du garçon accablé. Il prend un english muffin, également tartiné chocolat noisette, le sien à vrai dire, et se penche sur son frère. Il lui prend le menton, et je commence à essuyer. Maël ne sait même pas pourquoi il pleure vraiment, me dit-il parfois. Il ne l'a pas connu. Comment pleure-t-on quelqu'un que l'on ne connait pas ? Je n'ai pas de réponse à cette question, comme à beaucoup d'autres malheureusement.
- Ho, Maël, c'est bon, c'est fini. Papa t'aime ok, c'est pas de ta faute.
Je me mords la lèvre. Je voudrai comprendre comment cela se fait que dés que l'on dit à Maël que ce n'est pas de sa faute, qu'il n'a pas à se sentir coupable, cela le calme. C'est un petit garçon dont l'erreur n'aura été que de naître et il n'y est absolument pour rien. Pourtant, c'est ce qu'il semble penser. Comment à cet âge déjà peut-on raisonner comme cela ? Le garçonnet regarde son aîné, penaud. C'est un regard déchirant et dans quelques minutes, il n'y paraîtra plus. Le tsunami sera passé et les rires résonneront de nouveau. Mais cela reviendra, encore, ainsi que les cauchemars et les crises.
- J'ai plus faim.
La voix de Declan a jailli. Il semble avoir complètement occulté le remue ménage. Je jette un regard entendu à Owhen, qui prend son frère dans les bras, fait quelques pas, revient en arrière, attrape deux muffins et s'en va. Je regarde l'homme qui n'a pas esquissé le moindre geste. Quand on n'a plus faim, on quitte la table. Mais Declan ne bouge toujours pas et devant lui, ce n'est pas les restes d'un repas qu'il y a, c'est un repas. J'ai envie de m'énerver, de le brusquer, le choquer, lui rappeler qu'il y a deux enfants ici, qui souffrent aussi et qu'il n'est peut être pas nécessaire de les accabler plus encore. La colère sort presque. Je voudrai le secouer, ou le gifler, encore, comme ce jour à Édimbourg. Mais le guérisseur de l'IBMM a dit qu'il fallait être patient. Patient... Est-ce que cet exorciste savait qui j'étais ? Je ne crois pas non. Je ravale tous ces mauvais sentiments. Quand je prends sa main avec douceur, le contact m'ouvre un peu plus ce qu'il ressent. Et je balaye la peur, la colère, l'impuissance, la misère. Je me concentre sur le reste. Et je sais.
- Tu n'as rien mangé. - Si, un toast ! - Il n'y avait rien dessus. - Et mon café ! - Declan, il n'y a rien dans le café. - Mais... -Declan ! On a un marché.
L'homme s'avoue vaincu. Je sens sa résignation et son contentement également. Je devais juste le forcer un peu, comme si je lui donnais la permission de manger. J'ai l'impression d'avoir un gamin de plus à la maison. Mais il n'est pas question que je le laisse faire ses caprices de merde. Il a prit sa décision, il s'y tient. Ils ont dit qu'au début, ce serait ça. Parce que quand on oublie comment vivre, il faut réapprendre. Et si cela prend du temps, c'est surtout exaspérant pour tout le monde. Les incompréhensions sont nombreuses. C'est comme une rééducation pénible. De plus, je crois que Declan ne se rendait pas réellement compte de tous ses TOC et de toutes ses peurs. Avant de s'y confronter. C'est vrai, il ne mangeait pas, ou peu, et toujours la même chose. Il ne pouvait pas voir ce qui lui posait problème et quel en était l'étendu puisqu'il ne s'y confrontait pas. En l'espace d'un seul repas, il s'est heurté à une bonne dizaine de murs. Et ça a continué. La découverte des règles et des interdits est consternante, affligeante; Lentement, et après une gorgée de café, comme pour se rassurer, je le vois prendre un deuxième toast. Il le porte doucement à sa bouche. J'attrape le beurre salé (je suis aussi bretonne, rappelons-le) et la marmelade d'orange amère qu'il aime, que j'ai spécialement acheté une foutu blinde chez Fortnum and Mason, sur Oxford Street, l'épicier de la Reine Elizabeth. Brusquement, parce qu'il faudrait pas me prendre pour une conne non plus, je les pose devant lui, dans un bruit de verres qui se choquent, prêt à se briser, comme ma patience. Je sens sa colère monter. Comment puis-je l'obliger à cela, hein ? Mais je reste intraitable et qu'il me déteste après tout ! Il doit vivre, pas m'aimer.
Pourtant cela me fait mal. Et je ne peux pas me cacher. Depuis que j'ai brisé le lien avec Ange, il y a des années, depuis que je l'ai rétabli, j'ai du mal à me couper de mon don. Et le panel d'émotions qui me saisit continuellement me ferait presque me sentir seule, tant je deviens impersonnelle. L'homme tartine avec mauvaise humeur la tranche de pain. Il serait prêt à me la jeter à la figure. Et comme je reste à ses côtés, comme un garant, il ne lésine pas sur la quantité de beurre ou de marmelade, comme à son habitude quand il croit que je ne le regarde pas. Le plaisir immense qu'il ressent quand la nourriture touche sa langue me dégoûte. Il est arrivé à un tel point qu'un rien le met dans un état incroyable. Et moi qui contemple cela, je me trouve bien triste.
Je me rassois en silence à côté de lui, le laissant continuer tranquillement. C'est un sacré mélange entre indifférence et attention que je dois constamment mesurer. Je suis bien mauvaise à cela, mais je m'y efforce tant bien que mal. On fait aller, en somme. J'attrape une banane que je commence à éplucher. Declan s'est stoppé, m'observe. Il fait cela, de temps à autre, comme si regarder manger les autres le rassurait également. Le désir qu'il éprouve commence à poindre, ainsi que l'éternel combat avec la peur. Je voudrais soupirer, mais je ne peux pas lui montrer à quel point parfois, je suis à bout de nerfs, je me sens dépassée. J'ai toujours l'impression de n'être pas la personne qu'il lui faut. Mais il ne veut pas retourner chez ses parents, comme une impossibilité de plus. Il ne veut pas les faire souffrir. Pas un enfant de plus à moitié dans le cercueil, n'est-ce pas ? Je lui tends le fruit.
- Si tu en veux une, tu en prends une. - Non, c'est bon. - Action contraire, Declan. Et puis, c'est plein de potassium.
Il attrape la banane, bon gré, mal gré. J'ai vu ça dans Doctor Who, pour le potassium, je ne sais même pas si c'est vrai, mais je crois que si. Le principe d'action contraire est une astuce que je lui ai trouvé : "fais le contraire de ce que tu penses". Car il sait que ce qu'il pense est maladif, voué à finir six pieds sous terre. Je ne suis pas sans savoir que les bananes figurent dans sa liste d'interdits. Il est des aliments qui sont "blancs", d'autres "noirs". Rarement "gris". Même ceux qui sont blancs sont compliqués. Mais les autres, c'est un combat violent pour qu'ils deviennent autorisés. Comme le pain. Et encore, on n'est pas au pain blanc que l'on peut trouver habituellement n'importe où. C'est un pain complet. Je ne comprends pas toujours les règles, mais en résumé, plus cela est sensé être "mauvais" (ce qui entre dans le mauvais est parfois assez étonnant), plus cela lui fait peur. Et les combinaisons aussi parfois. J'ai découvert qu'il lui était impossible d'avaler et de la viande et des féculents ensemble sur le même repas, pour le moment. Et manger après dix-sept heure était inimaginable jusqu'à deux jours avant. Il est des plats qui sont décrétés pour le midi, d'autre pour le soir et ce n'est que depuis une semaine, alors que c'était prévu dés le départ, qu'un goûter est en place et non évité.
J'attrape une autre banane et la mange tranquillement, essayant d'évacuer la tension qui m'habite, la mienne et la sienne. Quand je plonge mon nez dans mon thé darjeeling légèrement tiède – il a eu le temps de s'infuser au moins trois fois d'ailleurs – je remarque avec joie que lorsque l'homme fini sa banane, il reprend le toast en main. L'imprévu le bloque souvent, surtout après. Mais puisque la banane n'était pas prévue ce matin, que c'est un "plus", sans doutem'aurait-il dit qu'il n'avait plus besoin du toast. Owhen et Maël reviennent, complètement habillés. Ils me feraient presque transpirer avec leur manteau. Puisque Declan est ici, il a fallu monter la température drastiquement. Chez lui, il ne le permettait pas non plus, accueillant le froid comme une punition de plus. Les garçons me disent qu'ils vont à l'école et je hoche la tête, rassurée de voir le sourire sur le visage sec du plus jeune.
Mes deux p'tits hommes partis, je regarde l'homme qui reste. Declan Mystery a bien pauvre allure. Je lui interdis ici, d'utiliser son pouvoir pour se cacher. Parfois je le surprends encore fringuant comme avant et il suffit d'un regard pour que l'illusion cède place à la honte. Il n'a vraiment pas repris beaucoup de poids. Pourtant il mange, je m'en assure, même si habituellement, je le laisse décider. Quand il ne fait pas un énorme caprice. Mais la fatigue accumulée, les années de privations, car on peut le dire à présent, cela se compte en années avec celles où il était aux mains de Dorian, font que le retour à la normal est difficile. Pourtant, il y a beaucoup de progrès. Il n'a jamais été réellement dans le dénis, c'était le propre de la punition qu'il s'infligeait. On ne peut pas se punir à ce point si on ne prend pas conscience de la punition. A présent, il reconnait que, peut être, il n'a pas besoin d'être puni. Physiquement, il est bien plus vif dans ses mouvements, une nouvelle étincelle brille dans ses yeux. Et il parvient à dormir. Les trois premières nuits ont été trop agitées. Au départ, lui demander de ne rien faire ou de faire une sieste confinait l'impossible. A présent, il dort énormément, pour rattraper les nuits blanches à courir partout. On ne sauve pas le monde avec un ventre vide. Et je crois qu'il le sait maintenant.
- Le complément, il est où ?
Je lève les yeux de mon thé, bouche bée.
- Dans le frigo, les vanilles sont à droite et les caramels à gauche.
Si je suis stupéfaite, c'est qu'habituellement, c'est à moi de le lui donner. La première fois, il l'a même vidé dans l'évier pendant que j'avais le dos tourné. L'après-midi, quand je lui ai présenté le deuxième, il a failli vomir en en buvant jute une gorgée. Vomir de quoi, je ne sais réellement. Mais il faut faire attention aussi, au syndrome de renutrition. Cela fait tellement de temps et il est descendu tellement bas, qu'on n'a pas pu dés le départ le faire manger normalement et plus encore. Declan est un homme grand, 1m85. Et la première fois qu'il est monté sur la balance de l'IBMM, il m'a dit qu'il pesait à peine plus de 37 kilos, à 100 grammes prêt. Il n'était pas obligé de me le dire, mais il le fait encore. Comme dans un soucis d'honnêteté après tant de mensonges. Il y a deux jours, il y est allé pour un contrôle (je ne l'emmène pas, car après tout, c'est son rendez-vous, c'est un adulte), il avait pris 300 grammes par rapport à la dernière fois, ce qui l'amenait à présent à 39,8 kilos. Il m'a dit, paniqué, qu'il n'avait jamais regardé le nombre avant , et que dés lors, le savoir le perturbait, que passer les 40 kilos était un obstacle qu'il était en train d'ériger tout seul.
Emmitouflé dans un pull bien plus grand que lui et un jogging qu'il a fallu faire recoudre pour que la taille tienne (pour des raisons d’escarres, les jeans et autres pantalons ou vêtements possiblement irritants sont interdits), il ouvre la porte du réfrigérateur et se sert d'un Clinutren HP/HC 400kcals. J'en ai goûté un, une fois, ce n'est pas mauvais. On dirait une petite crème liquide. Declan ne veut que les liquides. Et pourtant boire quelques choses autre que de l'eau, du thé ou du café, non sucré cela va sans dire, est encore difficile. Il l'ouvre, plante la paille dedans et retourne sur la table. Il met de côté son café, fait de la place sur la table, et attrape son ordinateur sur le côté. Je voudrai lui dire de lâcher un peu prise, qu'il peut se permettre de laisser un peu le travail de côté. Tom gère. Je ne connaissais pas très bien, ou pas du tout, soyons honnête, le secrétaire de Declan. Mais il a prit en main le siège Édimbourg-Belfast-Cardiff quand son directeur était en train de pourrir dans une cellule de Croix, pourquoi ne pourrait-il pas le faire correctement à présent ?
Je ne dis rien, cependant. Il reste maître de ses choix, je ne peux que le conseiller, par le forcer car au bout d'un moment, c'est à lui de décider. Mais je sais aussi qu'après une heure ou deux, il ira faire une sieste. C'est incroyable, maintenant qu'il a lâché, qu'il a accepté qu'il avait besoin de repos, le nombre d'heures qu'il peut passer à dormir. Cela me rassure presque et je me dis que c'est son corps qui reprend le dessus. De toutes façon, jusqu'à 2020, il bouge pas d'ici. Après Édimbourg, je l'ai tout de suite pris avec moi. Cela m'a prit deux jours entiers pour lui parler à nouveau, directement. Avant, je n'arrivais pas à m'adresser personnellement à lui. Il a posé ses vacances qu'il n'avait pas pris depuis la nuit des temps, et je l'ai installé dans une chambre...
(c) DΛNDELION
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If I had a world of my own Everything will be nonsense Nothing will be what it is Because everything will be what it isn'tI invite you to a world Where there is no such thing as time And every creature lens themselves To change your state of mind.
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Sujet: Re: This is life going on | Luka & Declan Mar 4 Déc 2018 - 23:11
This is life going on
Luka & Declan
« La vie, ce n'est pas attendre que les orages passent, mais d'apprendre comment danser sous la pluie »
L'écran met du temps à s'allumer. C'est comme si lui aussi me refusait l'accès. Je patiente tranquillement. Le coussin sous mes fesses, sur la petite chaise, glisse légèrement et je m'empresse de le remettre. Je ne peux pas m'asseoir sur quelque chose de trop dur. On n'y pense pas à ces conneries, mais qu'est-ce que cela fait mal au cul. Pendant que la mise à jour qui a décidé de s'installer s'installe, je regarde mon téléphone. Maman a encore appelé trois fois et j'ai un message de Papa. Je contemple l'écran d'un air absent. J''aimerai leur dire où je suis et ce que je fais. Je n'y arrive pas. Pas encore. Je les appelles cependant, leur dit que je suis en vacances parce que j'en ai besoin. Et quand je ne réponds pas quant à une demande de précision, Papa éclate d'un faux rire en disant que je ressemble bien à ma mère, à partir comme ça. Mais il sait que ce n'est pas le cas, ce n'est pas moi. Alors forcément, tous les deux, ils s'inquiètent.
Je suis passé voir Clyde mercredi. Rien de nouveau. Le conseil me prend beaucoup de temps, mais je pense à vous deux, mes fils. Il faudra organiser noël, votre mère y tient.
Le message me met le coeur en miette. Noël ? Déjà qu'avec Clyde dans un lit, les yeux ouverts mais vides, on peut difficilement passer Noël. Alors là... Je regarde la date. 25 jours avant le réveillon. Est-ce que je serai à même de leur rendre visite à ce moment là ? Comme mu par un remord de le laisser patienter sur le côté, j'attrape le complément et avale une gorgée, le repose. Le goût sucré de la vanille me rappelle vaguement, pauvrement, les flans que ma mère cuisine. Elle s'obstine a y mettre de la vanille de Madagascar, de celle qu'elle est allée chercher elle même. Si elle en manque, qu'importe, elle se rend sur l'île, c'est un voyage de plus qui trouve une justification. Moi je n'ai pas de justification quant à ce qu'il s'est passé.
Parfois, je pense au directeur de Pologne qui, malgré les temps troublés et le besoin de lui, avait prit un avion pour venir m'aider. Aujourd'hui, je ne lui en tiens plus rigueur, car aujourd'hui mon esprit s'éclaircit. Ce n'est pas le cas de Luka. Mais Luka est plus entière que moi, plus butée également. Ce qu'elle a vu ce jour là l'a meurtrie plus qu'elle ne l'était déjà. Et elle ne pardonne pas facilement les refus, les défaites, l'abdication. Surtout quand c'est de sa faute. De ce point de vue là, la jeune femme semble me ressembler un peu, à vouloir que tout aille bien alors que ce n'est pas le cas. Mais elle s'y prend différemment, maladroitement parfois, toujours rudement, et dans un seul sens. La pluralité des possibilités lui échappe complètement. Et si Simje était venu pour les runes, il devait faire les runes. Cela s'arrête là. Je ne suis pas aussi péremptoire. L'homme qui ne me connait pas n'a sans doute pas pu. Il n'y a pas de raison à trouver là-dedans. Il a essayé. Pour cela, je peux passer presque tout. Et puis, il faut l'avouer, nous n'avons rien fait dans les règles fixées. Je crois qu'en fait, je ne suis pas sûr, mais Luka s'en veut. Il avait ordonné de rester dehors. Elle n'est pas restée. Elle ne reviendra pas sur cela, car c'est fait, et encore une fois, c'est tout. Mais quelque part, je pense qu'elle regrette, qu'elle a l'impression d'avoir gâcher quelque chose. C'est peut être pour cela qu'elle se sent obligé de réparer ce qui s'est brisé.
L'ordinateur m'annonce avec joie que la mise à jour a été installée avec succès. J'aimerai en dire autant de la mienne. Il faut reprogrammer mon être entier. Je suis en quête et cherche mon code source, j'essaye d'effacer les bugs qui se sont produits. J'avale une gorgée de plus et me met au travail. Ma boite mail est presque vide, car je m'en occupe tous les jours, rien ne s'accumule. Je refuse de lâcher cela. Je sais qu'on aimerait que tout soit parfait, que je me concentre sur moi-même et rien d'autre et, au risque de paraître un peu gamin, et bla et bla et bla ! Mais ce qu'il me faut, c'est être qui je suis. Et cette partie là de moi, je n'ai jamais cessé de l'être, je ne veux pas l'abandonner. La questionner, oui. Pas l'abandonner. Je suis à même, désormais, de me reposer, de laisser du temps couler. Je suis même capable de dormir profondément. Je travaillerai donc. Il n'y a que Tom qui sache pourquoi je suis absent. On pense que je suis parti en Chine ou je ne sais où, pour décompresser, prendre du bon temps. J'ai rarement été capable de prendre des vacances plus d'une semaine...
Je fronce les sourcils en voyant que l'affaire du Mystery Orphanage prend un autre tournant. Mon père m'envoie qu'ils auraient des informations positives à ce sujet, sans s'étendre cependant. Je me questionne fortement. Si on doit tenter quelque chose pour reprendre l'orphelinat aux mains des sorciers noirs, il faudra que je sois remis. L'évidence est telle que je finis ma bouteille de complément sans aucun remords, pour une fois. C'est donnant donnant, la douleur vaut quelque chose. Après tout, Little Angleton, le Mystery Orphanage, c'est mon territoire, mais c'est aussi ma famille. Ma responsabilité. J'envoie quelques mails, notamment à propos de la gestion des cadeaux de Noël pour mes employés. Tom gérera cela avec les fonds prévus pour, mais je lui demande de remonter le moral des troupes. Ce n'est pas parce que je suis absent que je dois les laisser derrière. Il saura quoi faire. Je réponds également à Kurt Höwigräsche. Il m'a convoqué deux fois déjà, pour passer à la casserole, si j'ose dire. Je n'ai pas voulu y aller, me confronter à ce que j'ai vécu, le déposer entre les mains de quelqu'un d'autre. Je ne pouvais le permettre. Pas avant. Car on ne partage pas son malheur. On ne convoque pas les autres pour cela. C'est un regret de plus que j'ai, d'avoir imposé une telle chose à une personne si jeune et à deux étrangers. Je ne le voulais pas au départ. Je le refusais. Et je ne sais pour quelle raison je me suis lancé. On s'en fiche.
Maintenant, j'ai même pris rendez-vous avec le chef des Archives et Souvenirs de la police magique. C'est une obligation pour les directeurs, de s'y rendre, et d'y confier leurs souvenirs. Ce n'est pas un être humain qui se charge de les recueillir à proprement parler puisque l'on passe dans une sorte de machine. Il suffit de s'y asseoir, sur ce siège, au milieu de la pièce. De bien mettre les deux mains sur les accoudoirs, puis de fermer les yeux. Je ne sais pas comment cela fonctionne. Comment les techniciens magiques ont réussi à mettre cela au point. C'est une sorte de transmission de don, de lecture de souvenirs, de rêves, de passé, de présents, de pensées... Par le biais de deux pierres de runes, reliée à une sorte d'imprimante (c'est comme cela que je l'imagine). Et les résultats qui en sortent sont assez étonnants. Il y a des paragraphes écrits comme une histoire ou de simples mots, des images, des runes, des pensées plus ou moins courtes, des dessins étranges, des incompréhensions. On dirait presque un compte Facebook, pour ceux qui en ont un. Et l'expérience que l'on vit est différente pour chacun, apparemment. Pour ma part, je revis de manière très prégnante ce que je livre. Et je ne voulais pas cela.
On sonne à la porte. Luka n'est pas dans la cuisine et pas dans la grande pièce à vivre ouverte (on ne trouve pas de portes pour séparer ces deux endroits, juste trois marches qui placent la cuisine en hauteur, et un petit meuble de rangement, qui se veut faire office de bar ou de mur, puisque des chaises immenses sont de l'autre côté et qu'il fait un obstacle, en partie, entre les pièces). Je ne sais pas où elle est passée car il me semble que ses yeux étaient fixés sur le moindre de mes gestes il y a encore quelques secondes. Je déteste cela, mais je ne dis rien. Car je ne montre pas encore qu'elle peut entièrement me faire confiance. Je ne sais pas moi-même si j'en suis capable. Je rectifie aussitôt : je sais que je n'en suis pas moi-même capable. Il est des jours où je pourrai vaincre le monde entier et d'autres où je n'ai qu'une envie : me terrer sous la couette et ne plus bouger, presque paralysé par la peur.
Je n'avais pas si peur, avant. Cela me prenait de temps à autres et je le gérais par l'absence de nourriture. Comme il n'est plus possible et d'ailleurs cela n'aurait jamais dû l'être, de s'affamer, le temps de trouver un autre moyen, la peur est omniprésente et violente. Je n'ai pour le moment que de piètres réponses, mais j'arrive néanmoins à vaincre cela, pas à pas. Petit à petit, l'oiseau fait son nid. Je suis néanmoins consterné de voir que cette fois-ci, la difficulté n'a pas fait que monter d'un cran. Quand j'étais gosse, je ne savais pas, je ne comprenais pas réellement pourquoi je ne voulais pas manger. Maintenant, j'en ai une telle conscience qu'il m'est compliqué, malgré que j'ai le raisonnement pour trouver cela absurde, de le dénier. Je voudrais avancer plus vite, franchir les obstacles et ne pas les contourner, mais il des choses qui se construisent dans le temps car elles ont été détruites dans le temps. Je me lève pour aller voir.
Les muscles qui se tendent dans le mouvement sont une souffrance de plus. Maintenant qu'ils ont le droit de se plaindre des mauvais traitements que je leur ai infligé, ils ne s'en privent pas, bien au contraire. J'ai presque l'impression de sentir l'évolution de leur reconstruction, comme s'ils tenaient à me la faire partager. Un vrai bonheur ! Alors que je me lève d'un coup, la terre vacille. Le monde veut me mettre à terre je crois. La lumière baisse devant mes yeux pendant encore deux ou trois secondes et tout revient à la normale, se stabilise. Je me suis encore levé trop vite. Je resserre machinalement mes bras les uns contre les autres, pour me protéger du froid toujours envahissant. Si je regarde le thermostat, il est déjà trop élevé. Mais mon corps n'est plus d'accord avec cela. Je flotte dans le pull The North Face qui n'est qu'une couche parmi les autres. En dessous, j'ai un deuxième pull, avec une capuche également, et deux t-shirts. Cette accumulation de vêtement ne me rend pas plus épais et l'on a l'impression d'un enfant que l'on aurait vêtu des affaires de sport de son Papa. Je résiste à l'envie de prendre la forme de quelqu'un d'autre. Mon pouvoir palpite dangereusement. Je ne veux plus prendre ma forme non plus, celle qui n'était qu'illusion alors que je la prétendais vrai. Mais être quelqu'un d'autre serait un soulagement, juste un instant. Cependant, qui ? Je n'ai pas grand choix, je n'ai pas développé beaucoup de formes dans lesquelles mon pouvoir accepte de se sentir bien plus de quelques pauvres minutes. Alors qui ? Dastan, les yeux pleins de reproches ? Dylane, l'amour qui est mort ? Ou Cillan, celui qui ne sera plus mon frère ?
Je me résigne à ne porter que mes os, n'ayant personne sous la main pour inspirer la magie et regrettant de devoir avoir la force de résister à cette tentation d'être autre. Luka n'est toujours pas là, et l'on sonne encore, de plus en plus. Je murmure que j'arrive, presque agacé. Mais en réalité, je recommence à peine à me familiariser avec mes émotions, les vraies. Pas celles que j'avais l'impression de devoir ressentir. Non. Celles qui sont naturelles, spontanées, comme le rire qui ne revient pas encore. Quand je mets la main sur la poignée, j'hésite encore à ouvrir, comme à dévoiler la honte. J'ai beau progresser sur la question d'amour propre, je me considère toujours à peine plus haut qu'un débris humain. La poignée sous ma paume est froide, résistante et me hurle le défis. J'ouvre devant un coursier qui a un mouvement de recule en voyant mon visage si creusé par la faim.
Felix Armand Delacroix, Paris, téléporteur, message. Les informations que je perçois sont nettes, et il n'a pas besoin de me dire quoique ce soit, mais il le dit quand même, sans peur d'être redondant puisqu'il ignore que je sais. Petit, je me demandais pourquoi tout le monde ne cessait de se présenter, à quoi cela servait. Même quand les gens avaient un but précis et tentaient de me l'expliquer, pour moi, cela n'avait aucun sens. Je le savais. Et pourquoi eux ne le savaient-ils pas ? J'ai bien vite compris que tous n'avait pas le don de la Détection, comme je ne pourrai pas me téléporter aussi bien (et à des kilomètres de là d'ailleurs) que ce cher Felix, avec un recommandé de Paris. Je sais également ce qu'il y dans la lettre, sans interroger mon don, sans l'ouvrir, sans même la toucher. C'est la réponse. L'homme cesse de me regarder comme si j'étais un cadavre et ose enfin me voir en homme. Il se pose des questions, beaucoup de questions, trop sans doute. Cela se voit dans son regard.
- Je dois le remettre à Luka Grey et à personne d'autres. - Je sais. Je suis Declan Mystery, je vis chez elle en ce moment. Si je signe et j'atteste sur l'honneur lui remettre, ça ira ? Je ne sais pas où elle est, là, sans doute sous la douche...
L'exorciste coursier me contemple un instant. Je ne suis pas un des directeurs les plus connus ou des sièges d'Orpheo les plus influant, mais il n'en reste pas moins que peu ignorent qui je suis, à peu de choses prêt. Les Mystery sont des racines d'Orpheo, mon père siège au conseil restreint et ma grande-tante était directrice du Mystery Orphanage, réputé dans le monde entier. Il n'est nul besoin de se questionner longtemps. J'ai tout de même une voix qui porte à Orpheo, une voix que l'on entend. Et je connais très bien Selena Deslilas, la directrice de Paris-Londres, notre plus grand siège, d'où arrive Félix. Elle était élève de mon père qui dirigeait ce même siège. Il finit par hausser les épaules, car après tout, ce n'est pas un document top-secret. On peut les voir sur notre réseau interne, si on le désire. Il sort son calepin de signature et j'y écris un mot avant de parapher et de signer avec la date. Il est des formalités à ne pas ignorer tout de même. L'homme s'en va en me remerciant et je ferme la porte. Où est Luka ? Je retourne derrière mon ordinateur et travaille un petit peu.
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Life is a duty, fullfill it
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Sujet: Re: This is life going on | Luka & Declan Dim 10 Mai 2020 - 20:00
This is life going on
Luka & Declan
« La vie est un mystère qu'il faut vivre et non un problème à résoudre. »
L'eau coule sur ma peau comme pour laver mes sentiments confus. Je ne sais pas ce que je dois ressentir, ce que je crois être. Je n'ai jamais eu une conviction telle. J'échappe à toute qualification restreinte, fixée ; je m'évaporerais presque. C'est ce que je me suis dit, quand j'ai vu Ian, la dernière fois. Il a changé, certes, mais il est lui et ça, ça ne bouge pas. Il a la force d'être, que je n'ai pas. J'essaye toujours, cependant, toujours. Pour Owhen et Maël. Pour Ange et Logan. Pour Declan. Pour Jonathan, Nérys et Pandora. Pour Matthew aussi, et Quãn. Pour Dorian, aussi. Mais là, c'est une autre histoire. Car je ne peux seulement le haïr tranquillement. Il n'y a pas de haine qui soit tranquille, de toutes façons. Mais là n'est pas mon point. Je veux parler de cette attirance, ce refus de tuer, cette famille et cet homme qu'il est, que je ne peux détester réellement. Je croyais fermement savoir au moins une chose et c'était bien cela. Par ce qu'il a infligé à Declan et Clyde, par ce qu'il a forcé Pandora à faire et le Mystery tout entier, par la vie qu'il a ôtée à Maman, et par ce qu'il m'a fait, ce qu'il me fait... Je ne peux être sûre de rien à présent, même pas de la haine.
J'éteins l'eau froide qui laisse de petites bosses sur ma peau. J'ai rarement aimé prendre des douches chaudes, préférant frissonner comme lorsque l'on se jetait de là-haut, de cette falaise, dans cette mer déchaînée. Est-ce qu'ils s'en souviennent tous, de cela, au point où moi je m'en souviens ? Je les revois tomber encore, un cri de joie dans l'air et percuter la surface en la crevant en même temps. Le choc thermique et l'adrénaline ont fait que la première fois n'a jamais été suffisante. Alors Ange ? Carla ? Hayley ? Louis ? Ian ? Où sont passés ces souvenirs heureux dans le tumulte de la mer d'Ecosse ? L'eau froide me ramène un peu là-bas, au bord du précipice, ce défis de la vie. Et à ce bonheur intense qui n'existe plus vraiment. J'en ai parlé à Declan, de ce problème d'existence, de cette différence intense entre passé et présent, de la douleur de vivre avec et de le faire tous les jours, quand bien même on n’y trouve aucun sens. Je lui ai dit que j'avais grandit à présent, que le monde n'était plus tout rose, mais que j'arrivais tout de même à l'aimer, à me réveiller pleine de joie et d'un optimisme étrange le matin, de rire à gorge déployée et de rêver, malgré tout. Que finalement, j'avais bien dû grandir. Il m'a répondu, avec compassion :
– Ce n'est pas que tu as grandi, Luka. C'est que tu as souffert. Et que tu as appris à vivre avec. – Et toi, Declan, tu as grandi ? – Non, moi aussi j'ai souffert. Et j'ai vieilli. Je suis un millier de fragments de bonheur qui ne seront peut être jamais un tout, mais j'aime et je respire. Je n'en demande pas plus. – Pourquoi ? – ... Je ne sais pas. Je crois que je ne pourrais jamais comprendre que tout ça n'avait pas de sens. – Mais, ce n'était pas ta fa... – Peut être, mais il est des souffrances que je n’inflige pas. Et d’autre que je ne voudrai pas infliger. En somme, souffrir ou regarder souffrir, j'ai toujours fait le même choix. A mon encontre, sans doute, mais sans remords. J’ai toujours préféré souffrir plutôt que devoir souffrir. Je crois que je préférerais toujours cela, et à jamais. – T'es con. – Ne me demande pas de philosopher alors. Parce que je serais alors toujours con.
En m'habillant, je repense à cette conversation. Declan aime bien les mots, les envolées lyriques. Et il sait également à quel point elles peuvent être fausses ou trompeuses. Il a besoin de poésie, voilà tout. Moi je ne comprend pas pourquoi. La poésie, c'est beau, mais il y a du sang qui coule sur le sol et des hommes mis à terre dans la boue. Il y a des enfants que l'on écrase et des tortures qui apportent du plaisir. C'est comme ça. Il n'avait qu'à prendre exemple sur ma mésaventure au siège d’Édimbourg, son siège. Le cœur d'un homme est difficile à cerner et je suis terriblement bien placée pour le savoir. Je lui ai dit à quels points, ces exorcistes, et particulièrement cette femme, une humaine douée qui avait perdu son enfant parce qu'il avait le malheur d'être mêlé, m'avaient haït sincèrement pour ce symbole que je représentais. La progéniture de Natasha Cross. Faire souffrir autant que l'on a souffert, faire payer les autres des injustices que l'on a subit, en vouloir à l'innocent pour vivre au côté de la noirceur. Je sais qui était ma mère et j'ai vu ce qu'elle a fait. Brûler Londres n'a été qu'un geste comme un autre pour elle. Je sais les tortures qu'elle a apprécié faire, les meurtres qui ne lui faisaient ni chaud ni froid, et ces dangereux rites de magie auxquels elle s’adonnait de temps à autres. Elle a emprisonné une âme dans son propre corps. Une âme qui n'était pas la sienne. Il n'appartient à personne de retenir les âmes de la lumière. Mais mon père ne lui en a jamais voulu. Et maintenant qu'ils sont libres, tous les deux, plus loin que la lumière, ou tous les trois, avec Nathaniel, parce que je sais qu'ils auront continué, je les laisse s'expliquer entre eux.
Alors oui, j'ai souffert, peut être, mais même cela n'a pas réussi à me définir. Declan en a fait une force et une faiblesse et même si son esprit lui joue des tours, il sait à quoi s'en tenir. Pour autant, et contrairement à lui, moi je pense être heureuse de vivre tout ça. Même si c'est différent. Même si ça fait mal. J'ai ma famille et mes amis, j'ai l'amour et la colère. Je me sens entière et disparate. Je ne sais juste pas qui je suis et je m'étonne tous les jours. Est-il nécessaire de se fixer ? Je l'ai longtemps cru. Maintenant, je ne sais plus. J'enfile un jean propre et un t-shirt sans manches, écru, ample. Je garde mes pieds nus. J'espère ne pas crever de chaud avec ça. L'Ecosse et son air vivifiant sont très loin face à cet appartement surchauffé et moite de cette neige fondue qui goutte du ciel. Je retourne dans le salon, me demandant vaguement ce que je peux faire aujourd'hui. Je n'ai aucune mission de terrain de la part d'Orpheo et je suis en attente. Plus rien à réviser, plus rien à faire jusqu'à... Je me fige. Declan est derrière son ordinateur, une enveloppe en papier kraft à côté. Elle porte le tampon d'Orpheo Paris.
– C'est ...? – Tes résultats. – Oh...
Je regarde le pli avec intérêt et crainte. J'ai travaillé d'arrache pied pour arriver à ce moment. L'écossais me regarde tranquillement. Il n'a pas de doutes dans son cœur, lui. Quand je suis allée à Berlin, pour le concours, j'étais à mille années lumières de penser que je serai fébrile à ce point là. J'étais sûre de moi, ou sûre de ce que j'avais fait, cela revenait au même, et je n'avais que le soulagement de la fin, pas les remords d'avoir peut être pu en faire plus. Toujours plus.
– Tu veux que je regarde ? – C'est Mme Deslilas qui les a envoyé ? – Pour ce genre de concours, il y a toujours besoin de son approbation. Surtout qu'avec mon père, ils suivent la chose de prêt. – Si c'est bon, tu crois qu'il acceptera de me prendre pour apprentie ?
Declan m'offre un sourire tranquille. Je ne serai pas vraiment l'apprentie, plutôt la stagiaire, mais ça sonne mieux, apprentie. Et puis je hoche la tête, lui donnant ce droit de savoir avant moi. Je m'assois en face et colle mes coudes sur la table, mes poings sur mes joues. Le bruit de l'enveloppe qui cède sous le couteau fait battre mon cœur. L'homme sort les documents. Les ? Je fronce les sourcils. Étrangement, ou à raison, je ne sais, mon don décide de s'enfuir purement et simplement et je n'ai aucune possibilité de comprendre la réaction de Declan.
– Mince !
Je me relève d'un coup. J'ai envie de lui hurler dessus, ce n'est pas drôle. Il semble vraiment embêté et j'aimerai lui dire qu'il peut tuer le suspense maintenant, que ce n'est pas grave, si j'ai râté, qu'il n'a pas besoin de pincettes, au contraire. Mais il continue de regarder les papiers d'un air consterné. Merde, Declan, tu fais chier ! Je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui répliquer quelque chose de bien senti, mais il me coupe l'herbe sous le pied.
– J'avais oublié qu'on demandait autant de paperasse ! C'est incroyable, tu réussis un concours et tu dois encore galérer après ? Non, et puis, là, tu dois remplir... Oh, désolé ! Oui, tu es prise !
La chaleur qui se répand dans mon ventre me fait l'effet de la caresse tendre d'un amant. L'homme en face de moi éclate de rire et c'est comme un milliard de clochettes oubliées qui tintent à nouveau. Je lui souris également. Il me tend les papiers et je peux enfin contempler ce diplôme qui me permet d'entrer dans la Justice Magique. Parmi les feuilles, les documents administratifs, il y a une lettre, glissée dans une petite enveloppe bleue foncée. J'y reconnais dessus, une fine écriture argentée qui appartient à ma tante. Enfin... La famille, chez nous, c'est compliqué. Mais en soi, c'est tout comme si c'était ma tante. Je parcours lentement les félicitations, savourant cet instant de victoire. Travaillant au siège de Paris, Jane a tout de suite su pour mes résultats. Elle veut même m'inviter en France, pour que nous fêtions cela. Je voudrai répondre tout de suite à la lettre. Mais je remets le pli dans l'enveloppe et la pose sur la table. Je vais pour prendre Declan dans mes bras, comme la manifestation idéale de ce bonheur soudain. Mais l'homme se lève et chute. Je me précipite à ses côtés.
– Declan ? Declan ? Putain répond ! Declan ?
Putain de merde ! C'est quoi cette connerie encore ? Il est inconscient. Sa cicatrice miroite sombrement et palpite d'une magie dangereuse. Merde ! Je suis pas formée pour ça, moi ! Je touche la blessure qui semble me repousser aussitôt. Comme brûlée, je retire ma main de cette fournaise qui fourmille dans les runes. Est-ce que... Est-ce que cela a un rapport avec ce rêve ? Je sers les dents, avec une envie subite de pleurer. Aucune larmes ne coulent cependant. Je vais chercher un poignard avec lequel je parviens à déchirer les vêtements qui recouvre l'ancienne blessure. Il n'y a pas à dire, ça me fout autant les boules que la dernière fois. Voir cet entrelacs de dessins machiavélique me donne presque envie de vomir. La puissance insufflée est terrible. Quel sentiment ou quel envie a secoué Dorian pour que les runes s'activent ? La certitude d'une grande confusion est la seule chose à laquelle je parviens à m'accrocher. Je hisse le sorcier sur le canapé. Il n'y a pas grand chose à faire et je n'aurai pas le courage d'affronter le directeur de Pologne pour ne serait-ce qu'oser quémander de l'aide. Foutu fierté si je l'attrape !
J'attrape mon téléphone et prends une photo de la cicatrice martelée de runes. De par sa superficie, je suis obligée de faire plusieurs clichés. Je sais que Declan m'en voudra, qu'il ne veut mettre personne d'autre au courant, mais il ne me laisse pas le choix. Mon doigt hésite tout de même quand il s'agit enfin d'appuyer sur 'envoyer'. Jonathan pourra sûrement dire quelque chose. J'écris en dessous 'urgent' et j'envoie le tout. Il se passe cinq minutes pendant lesquelles, avec un linge trempé, je tente de faire baisser la température de l'homme dont la sueur dégouline sur le parquet. Mon téléphone sonne et je décroche. La voix est consternée, paniquée.
– Allo, Luka ? Ne me dit pas que... – Jon, je sais pas trop si j'ai le temps là. Tu peux faire quelque chose ? – Je... Mais… Non, enfin, il n'y a pas grand chose à faire à part attendre. C'est... ? – Declan oui. Il vient de tomber dans les pommes, ça s'est activé d'un coup. Il est brûlant. – C'est normal. C'est pas beau à voir. Mais là, faut laisser, le temps que la magie se décharge un peu. Je suppose que c'est Dorian ? Il doit être en colère, c’est réactif ces trucs-là. On fera ce qu'on peut pour retirer l'activité des runes, mais c'est un sale travail. Fais juste attention à sa température. Pourquoi il ne me l'a pas dit ? Luka ? – Je sais pas. Enfin, si, c'est pas compliqué à comprendre. Désolée, mais... Merci Jon. Je te rappelle plus tard.
Je raccroche un peu trop brusquement pour ce père de cœur. Mais la situation n'est pas très propice à la parlotte. Je ne serais pas très concentrée sur la conversation. Je place correctement un coussin sous la tête de Declan et ouvre entièrement ses vêtements pour qu'il respire mieux. Je ne lui laisse que son caleçon et ses chaussettes. Et pendant toute l'opération, je contemple, effarée, sa maigreur. Mes doigts glissent sur ses os, prêts à trancher la peau qui est de la finesse d'une feuille de papier de mauvaise qualité. Là, tremblant, le front humide et les traits tirés, il ne m'a jamais paru aussi chétif et aussi faible. Il est pourtant d'une certaine stature et son regard éclipse tout le reste. J'ai un pincement au cœur. Je le couvre d'une fine couverture, autant pour protéger sa pudeur que la panique qui me prend. J'ai l'impression qu'il pourrait crever là, comme ça, sur mon canapé. Et c'est loin d'être une pensée réjouissante. Je m'accroupi, puis m'assoie sur le sol, ma tête prêt de la sienne. D'un mouvement circulaire de la nuque, je tente de faire disparaître les tensions, sans rien provoquer d'autre que des grimaces de douleurs.
... Et si c'était vraiment la frustration, ou bien la colère ? Après tout, c'est peut être une coïncidence ? Étrangement, j'y crois sans y croire, avec la volonté du désespoir d'y voir une cause autre. Mais Declan pouvait parfois ressentir les états d'âme de Dorian. Et depuis un temps, cela allait presque mieux. C'est la seule chose qui ait changé. La seule chose qui ait brusqué Dorian. Moi aussi, cela me trouble. Et quand je regarde l'homme derrière moi, que la couverture recouvre presque comme un linceul, je me dégoûte de n'avoir pu faire ce que j'aurais pu faire. Le chef de Croix était à ma merci, il y a quelques années de cela. Son combat contre Maman l'avait laissé presque exsangue, pâle comme la mort que je n'ai pas pu la lui donner. Ce n'était pas tant que cela une question de temps ou de lâcheté, de principe ou de haine. C'était et c'est le genre de question que l'on ne veut pas se poser, pour ne surtout pas avoir la réponse. Et cette nuit, et ce rêve... Tout est remis en question.
Declan n'aurait jamais été là, sur ce canapé, à avoir l'air de dormir tranquillement. Des spasmes parcourent de temps à autres sont corps, me rappelant qu'il est encore en vie. Je sers les dents. Mais vraiment, quelle conne ! C'est ce que l'on appelle un sacrifice, non ? Une chose déplaisante sur le moment. Un mal nécessaire pour un bien ultérieur. Une mauvaise action pour une bonne cause. Pour le plus grand bien... Cette phrase ironique me rappelle le conflit entre Dumbledore et Grindelwald. Est-ce que Dorian est mon Grindelwald ? Merde... Putain de merde. Je pourrai jurer là encore des heures, à n'en plus savoir les mots doux de la langue française, anglaise et de toute autre langue qu'il m'est possible de baragouiner un tant soit peu. Je contemple l'homme d'un air distrait par ce questionnement qui n'a pas de fin. Il disparaît, vraiment, sur ce canapé. Il disparaît... Je pourrais presque croire qu'il n'y a rien, là, sous la couverture tant il s'amenuise encore sous mes yeux. Le poids qu'il a pu prendre, vital, ne le rend pas moins mourant à mes yeux. C'est à peine s'il respire. Et je me rends compte aujourd'hui, à quel point cet homme brisé a prit une place importante dans mon cœur.
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If I had a world of my own Everything will be nonsense Nothing will be what it is Because everything will be what it isn'tI invite you to a world Where there is no such thing as time And every creature lens themselves To change your state of mind.
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Sujet: Re: This is life going on | Luka & Declan Dim 10 Mai 2020 - 22:19
This is life going on
Luka & Declan
« La vie, ce n'est pas attendre que les orages passent, mais d'apprendre comment danser sous la pluie »
Je papillonne des yeux un instant. Mes pensées virevoltent, incomplètes, volages. J'ai la tête lourde, embrumée. Une douleur froide pulse sur mon épaule, régulièrement, presque sourde. J'émerge lentement. Il fait nuit, là dehors. Je mets un temps incroyable à comprendre où je suis et un temps encore plus long à comprendre pourquoi je suis là. Par la fenêtre, j’aperçois les lumières de Londres et celle de Noël. Les décorations viennent d'être posées. Après tout, c'est demain le début de l'avent, non ? Je ne sais pas. Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, allongé sur ce canapé, sous cette couverture douce. Je tente de me relever, lentement, et la douleur fait vibrer mon crâne, comme après une cuite. Grimaçant, je parviens néanmoins à m'asseoir sur mon séant. La pièce est plongée dans l'obscurité. J'entends des voix, au loin, rirent. Owhen et Maël. Luka est là, la tête prêt de l'oreiller où se trouvait la mienne. Elle s'est endormie. Son visage est calme. Elle est redevenue cette femme-enfant que je connais, loin de ces responsabilités qui l'accablent et qu'elle réclame.
Je me lève doucement, pour ne pas la réveiller et allume quelques lumières. Maël et Owhen doivent être dans leur chambre. Je replace la couverture sur la jeune femme et cherche des yeux mes vêtements pour me couvrir. Il y a une pile éclatée sur le tapis, un rapiècement de loques et je reconnais ce que je portais ce matin. Une fatigue incommensurable tire mes muscles au supplice, mais je n'en tiens pas compte ; je me dirige vers ma chambre pour enfiler quelque chose.. Le fantôme de la douleur est là, toujours. Je sais ce qu'il s'est passé. Ou du moins je le pressens. Pour une raison X ou Y ou bien Z, ne soyons pas raciste, la rune s'est activée plus qu'à l'ordinaire. Mon esprit n'a pas pu suivre. Le système s'est shutdown. Je retourne dans la cuisine, avec toujours un œil sur la jeune femme qui dort, là, dans le salon. La pièce ouverte me permet cela. Je ne sais si c'est ce mal soudain qui est passé, mais je ressens un immense apaisement. Comme un calme d'après tempête. Le soulagement est telle qu'une faim dévorante grince dans mon estomac et que je n'envisage pas une seule seconde ne pas y répondre. Je songe même à cuisiner. Luka me l'avait interdit, dans un second temps, puisqu'au départ je voulais contrôler tout ce que je mettais dans mon assiette, comme un dictateur du repas. J'enlevais et parfois même inconsciemment ce qu'il devait y avoir pour ne garder que ce que j'acceptais. Je trichais. Je ne veux plus tricher. J'abandonne. C'est trop dur que ce soit dur, comme ça, tous les jours, à chaque heure et chaque seconde. C'est une bataille permanente que de vouloir céder et de lutter contre, de laisser les démons respirer alors qu'on a déjà plus d'air. Il suffit juste de lâcher. Et je sais qu'en disant cela, qu'en pensant cela, d'avance, j'ai déjà laissé tomber.
J'attrape une poêle et met de l'huile et une noisette de beurre quand elle est sur le feu, vif. Je coupe rapidement des oignons que je fais revenir. J'aime bien cuisiner, de temps à autre, réellement. Cela me rappelle que la vie c'est aussi ça, passer du temps à se faire plaisir. Ça me rappelle Maman. L'odeur me donne la nausée, mais je lutte contre l'idée de tout jeter maintenant. Et je lâche. A quoi ça sert de lutter, Declan ? Accepte. Accepte. Accepte. Je rajoute le riz abrorio que j'ai trouvé dans le placard. C'est comme ça que Maman fait. La panique bloque mes voies respiratoires à l'idée de ce qui se profile à l'horizon. Je voudrais mourir, là, juste là. Ça serait tellement plus simple, non ? Les grains de riz deviennent transparents. Je rajoute le vin blanc et met la bouilloire à chauffer. Pourquoi je fais ça ? J'ai l'impression de me jeter dans la gueule du loup. Ça ne sert à rien, vraiment. Quand le vin blanc s'est évaporé, je rajoute un cube de bouillon de poulet sur le riz et l'équivalent de deux verres d'eau. Le cube se dissous et l'eau imbibe tranquillement le riz. En plus, je crois que... Non, vu l'heure, j'ai loupé le repas de midi, le complément, le goûter. Justement. Continue. Non. Arrête. Je rajoute de l'eau, encore, progressivement, mélange. Pourquoi je me bats ? J'aime ça, en plus non ? Toujours pas, Declan. Tu ne peux pas. Si ? A côté, je fais cuire des champignons de Paris dans du beurre et de l'ail et je rajoute des pois gourmands du congélateur, puis coupe des aiguillettes de poulet trouvées tout en bas du réfrigérateur en petites bouchées. La tension de mon corps est extrême.
– Tu fais quoi ?
Je sursaute, je ne l'avais pas entendue. Luka pointe un nez curieux au dessus du plan de travail et regarde les deux poêles.
– Un risotto aux champignons, pois gourmands et poulet. – Oh...
Je sais ce qu'elle veut dire, par "Oh". C'est surprenant. Si j'écoutais la tête, je sortirai sans doute une pomme de son panier et voilà. Pas plus. Et le sourire qu'elle m'offre me réconforte dans cette action. Soudainement, elle éclate d'un rire qui résonne comme une douce mélodie à mes oreilles. Elle s'éloigne avec respect, me laissant seul avec mes peurs. Et je commence à sentir poindre quelque chose que je refuse en bloc. Je secoue la tête, comme pour me raisonner, mais rien à faire. Le riz a absorbé toute l'eau, alors j'en remets. Il commence à avoir belle allure. L'odeur est enivrante. Cela me pose problème. Je déteste cette sensation. J'aimerais être ailleurs, pour ne pas être tenté. Tenté de quoi ? D'en manger ? Mais c'est le but, non ? Et ce monologue, presque dialogue tant je suis deux, peut continuer longtemps, je le sais. Alors au lieu de me battre pour qu'il disparaisse, comme lorsque l'on tente de ne penser à rien et que l'on pense, j'essaye juste de lâcher. De le laisser vivre, là, sur le côté, de l'accepter. Ça parle, je n’écoute plus. Encore de lâcher.
– C'est presque prêt.
Luka lève la tête du livre qu'elle était en train de lire. Encore un bouquin sur le droit magique et ses spécificités, j'en suis sûr. Elle se lève, ouvre la porte qui mène au couloir de trois anciennes chambres d'amis, d'une immense salle de bain pour les enfants et moi-même, de la bibliothèque, de la salle de jeux. Nathaniel avait un appartement immense.
– Owhen, Maël, à table !
Sa voix me rappelle celle de ma mère. Il n'y a pourtant pas de comparaison possible, c'est seulement le ton qu'elle prend, quand elle appelle sa petite troupe. On dirait à ce moment là qu'ils sont réellement ses enfants, quand parfois ils sont ses frères. Le temps que les garçons viennent, et on sait tous que cela peut prendre du temps, Luka met la table et moi le parmesan sur le riz, qu'il fonde. J'y ajoute les champignons et le poulet, mélange, sel, poivre, parmesan à nouveau. La texture est parfaite et fait fondre mes entrailles d'un désir inavoué. J’ai honte. J’ai mal. Je m’en fou. Je ne veux plus lutter, je n’ai pas le temps, j’ai plus la force d’attendre encore. Je ne peux plus.
– Il faudra qu'on parle des runes, Declan.
Je me tends. Elle me sourit. Je détourne le regarde brutalement, essayant de contrôler le dégoût qui me saisit. J'ai honte. J'ai mal... Je ne veux plus lutter. Je recroise son regard, hoche la tête. Je n'ai pas le temps, j'ai plus la force d'attendre. Je ne peux plus. Owhen débarque avec Maël sur les épaules.