Pour changer, Keith est vissé à son bureau, avec une vague notion du jour et de l'heure qu'il est. A vrai dire il s'en fiche, il a un secrétaire dont c'est le boulot. Non, ce qui l'embête plus, c'est qu'il est assis là depuis tellement longtemps qu'il est convaincu que l'empreinte de son arrière train se trouve maintenant sur sa chaise et que c'est peut-être devenu irréversible pour la chaise. C'est hautement inconfortable, en ajoutant à cela le fait qu'il ait refusé de faire une entorse à son code vestimentaire auto-imposé – à savoir toujours des manches longues, quoi qu'il arrive – et le voilà à souhaiter être partout sauf ici. Bien évidemment, il ne l'admettrait pas même sur son lit de mort et le statut ko reste donc toujours en vigueur, ce qui donne au monde extérieur l'impression qu'il ne sait que travailler et n'exprime pas beaucoup d'émotions au quotidien.

Ce qui n'est pas complètement faux non plus.

La sonnerie de son téléphone interrompt le calme de la pièce et la concentration qui y règne. Avec un soupire, Keith décroche, apprend que Luka Grey souhaite le voir et accepte qu'elle soit envoyée dans son bureau, sans chercher à savoir pourquoi. Autant le lui demander directement à son arrivée, car il est certainement un peu curieux de savoir pourquoi le cas Grey voudrait s'adresser à lui personnellement étant donné sa réputation à lui et son historique à elle. En attendant, il se lève pour aller récupérer ce verre d'eau en sortant brièvement du bureau avant d'y revenir pour vider son verre devant sa fenêtre. Ses jambes sont engourdies d'être resté trop longtemps assis, aussi est-il toujours posté devant sa fenêtre quand la porte de son bureau s'ouvre pour laisser entrer Luka, guidée par son secrétaire. Ce dernier sort de la pièce avec quelque politesse à laquelle le sorcier se contente de répondre d'un geste vague de la main avant de se tourner vers la nouvelle venue. Son visage est parfaitement neutre lorsqu'il lui demande :

- Bonjour Luka. Quel est l'objet de cette visite ?

Directement dans le vif du sujet.

Luke ne sait absolument pas comment il arrive dans ce bureau à cet instant précis, mais il y arrive, et c'est un miracle que le polty ne foute pas le feu à tout. Il dévisage longtemps la jeune femme face à lui, et puis l'autre qui est là aussi. Il ne sait absolument pas pourquoi il est là, comment il est arrivé là - il sait depuis peu qu'il est Luke. Il a un mouvement en tête, ça pince et tire à soit, mais ça ressemble juste à une ligne, ah, c'est si peu clair !

Où ?

En langage mi-humain, ça veut plus ou moins dire for fuck's sake où est-ce que je suis ?! pourquoi ce bureau, qu'est-ce que c'est que cette merde putain, et il sent la chaleur lui monter aux joues et il a compris, à force de voir tout le monde hurler.

Ca va brûler.

Il n'est pas élémentariste feu et il faudrait juste comprendre pourquoi le feu pour qu'il détricote cette pelotte de merde qui crame tout. Et parce que c'était un gentil garçon dans sa vie d'avant, le fantôme il ajoute :

Désolé.

Y'a son ami derrière qui apparaît, celui qui n'a pas de nom, n'a pas fait partie de la famille de sang. Son pote à lui, le vrai, presque plus de visage, plus jamais aucune volonté. Pour toujours ?
Il se retourne, prêt à agir, mais c'est sa magie qui claque aux deux autres et paf, leurs pires horreurs dans la tronche.

Again.

Redondant le polty.

Luka prend l'initiative de s’asseoir sans y avoir été invitée et sans avoir dit bonjour, ce qui fait hausser un sourcil au sorcier d'Orpheo tandis que Luka enchaîne sur l'objet de sa visite.

- Et sûrement, Jane a enseigné que la réponse appropriée à « bonjour » est le même mot.

Il s'approche de son bureau et pose son verre.

L'instant d'après, ils sont trois dans la pièce.

Un spectre. Un des trois de l'autre fois. Apparition qui demande où, qui dit que ça va brûler puis qui s'excuse, comme si foutre le feu au bureau de Keith pouvait s'excuser. D'une main le sorcier tapote sous son bureau et active deux runes. Une pour ignifuger la pièce et l'autre pour prévenir la sécurité du QG qu'ils feraient bien de se ramener ici. Il dit alors :

- Ce rapport, il concerne notre nouvel ami je suppose. Qu'en dis-tu Stevens, ça t'intéresse de savoir où en est notre enquête pour savoir qui tu es ?

Et voilà qu'un second fantôme apparaît, plus transparent celui là, en même temps qu'une piqûre de douleur dans la tête du sorcier. Il sent plusieurs de ses runes de protection, gravées sur un bracelet qu'il porte en permanence, chauffer. Ça et le mal de crâne lui indiquent qu'il échappe probablement à bien pire et que ce fantôme manie des pouvoirs qu'il ne devrait pas avoir.

Un peu comme certains sorciers.

Il aurait voulu sortir de là mais il n’y avait plus de porte où il était, et putain, c’est ce qu’il avait au bout des lèvres, putain, mais ça ne servait plus à rien de parler. Il se sentait comme un torturé sur qui on abat le fouet encore et encore et encore et qui est toujours assez con pour avoir une volonté répétée à chaque coup : not again, please.

Savoir qui je suis. Un bon début, dit-il. Ca brûle parce que ça brûle toujours. Mêlée.

Il réfléchit un long moment et reprend :

Je crois que si nous étions enterrés, on pourrait…

Il aimerait arrêter d’être horrificateur mais c’est trop compliqué, ça lui est bien plus simple de laisser sa magie sortir de lui, aussi inconfortable que ça soit pour les autres.

Remonter la piste.

Mh. C’est plus compliqué que ça sûrement mais il serait sûrement judicieux d’aider les morts à être morts.

Mais il n’y a plus de cadavre je pense. Je crois. Vous les trouveriez pas alors qu'il faudrait.

Ils n’ont pas l’air effrayés, les deux, alors ça lui semble opportun de dire ça maintenant à eux qui auront peut être des idées des solutions, un truc pour qu’un énième coup de fouet ne s’abatte pas sur lui. Il aurait préféré qu’il y ait un cadavre et son ami derrière tout pâle aussi, mais lui était déjà trop oublié, right ? Sûrement trop oublié, peut-être dommage collatéral. Était-ce important qu’il ait été mêlé lui aussi ?

Etant donné que la seule chose actuellement en train de brûler est son poignet à cause de ses runes de protection, Keith considère que la situation n'est pas aussi mauvaise qu'elle pourrait l'être. Est-ce qu'ignifuger la pièce a eu un effet, aucune idée mais, ce qui est sûr, c'est qu'elle n'est pas en train de brûler à cause du fantôme. Fantôme qui a décidé d'être locace et, Exorcisme 101, quand un fantôme parle on le laisse causer. Après tout, il peut parfois réussir à se reconduire tout seul sur le droit chemin du monde des esprits, peu importe où c'est.

Le fantôme, le plus tangible des deux, essaie d'expliquer qu'il ne sait plus qui il est, n'a plus - ou n'a jamais trouvé - son cadavre. Et qu'il est soit pyromane, soit hanté par quelque souvenir particulièrement brûlant. Aussi est-il possible d'avancer quelques pistes sur une partie de ce qu'il est ou a été.

- Enterrés comme dans morts et enterrés ? Dans un cimetière ? Si c'est une sorte de cérémonie de mise au repos que vous cherchez tous les trois, le sorcier s'interrompt un instant pour jeter un oeil à la forme translucide qui n'a pas vraiment bougé et reprend : ou quatre peut être... Dans tous les cas vous êtes au bon endroit, c'est rempli d'exorcistes ici.

Quant aux flammes...

- Une mort par incendie, par les flammes, ça rappelle quelques souvenirs ?