Sylvester froissa une feuille en bougonnant avant de viser la poubelle et de l’envoyer… juste à côté. Encore raté.

–  Fais une pause, lui proposa Hank.

Hank c’était le collègue avec lequel il revenait de mission. Un gros tas de muscle - tout comme lui - qui aimait courir à l’aube – tout comme lui – et boire des smoothie vitaminé – tout comme lui. Un concurrent certain dans le concours de sosie lancé par son ancien apprenti.
Louis. Il faudrait qu’il aille le voir lorsqu’il sortirait de cet enfer administratif. Il espérait que le jeune homme allait un peu mieux depuis la dernière fois, que peut-être Carla était revenue… Dès qu’il aurait un moment, il faudrait vraiment qu’il fasse un détour par Edimbourg.

Mais ça, ce n’était pas pour tout de suite. D’abord il lui fallait remplir des kilomètres de documents inutiles pour que les grandes pontes d’Orpheo puissent justifier leur salaire – oui, il pensait très précisément à Coco de Berlin. Fatigant. Si on lui avait dit un jour qu’être exorciste comprenait autant de rapports, Sylvester n’était pas certain qu’il aurait continué dans cette voie-là.
À tous les coups, c’était moins long chez les sorciers noirs.

– T’as raison. Je vais devenir fou si je reste à cette table une minute de plus, je reviens.

Si son esprit commençait à envier les sorciers noirs, c’est que vraiment, vraiment, les choses n’allaient pas bien. Il serait bien descendu en salle d’entraînement donné quelques coups dans des punching ball, mais Kurt le lui avait sympathiquement interdit depuis la dernière fois qu’il avait démonté un ou deux engins.
Ce n’était pas toujours évident de posséder une force surnaturelle.
Alors ça serait la cafétéria et, surtout, la terrasse qui la jouxtait et qui offrait une vue certaine sur la moitié de Londres. Les longs buildings élancés qui partaient se cacher dans les nuages n’étaient pas aussi apaisant que les plaines verdoyantes de Little Angleton – où il avait toujours laissé une partie de son cœur et de son passé -, mais feraient l’affaire pour le moment. Tout plutôt que ces lignes vides et qu’il fallait remplir.
Sylvester n’avait jamais été très bon en dissertation.

Arrivé à la cafétéria, il attrapa une pomme et un verre d’eau avant de sortir par la porte en verre et de se poser à une table proche de la barrière métallisée qui coupait le vide. Ainsi assis à laisser vagabonder son esprit, il se rendit rapidement compte que c’était lui, en fait, le vide. D’envies, de relations et de projets – mis à part ce fichu rapport. La guerre était presque terminée, Louis volait de ses propres ailes et expérimentait ses premières peines de cœur comme un adolescent à retardement, cela faisait plusieurs semaines qu’il n’avait ramené personne dans son lit par manque d’envie… Peut-être qu’il devrait accepté la promotion qu’on lui proposait depuis des années, mais qu’il avait toujours refusé par dégoût du pouvoir… Sylvester sourit à cette idée stupide.
Un sourire qui se changea en une grimace quand il pensa à son autre raison de vivre, de faire des projets. Celle qu’il n’avait pas revue depuis des années. Celle qui avait disparu de tous ses radars, laissant dans son sillages des souvenirs fanés.
Lily…

Le jeu du chat et de la souris. Je ne devrais pas avoir peur de Kurt — j’en suis terrifiée. Pourtant il n’est rien passé de dramatique depuis, il ne m’a pas interrogée, je n’ai pas la peste — mais un peu quand même. Il s’est passé un truc horrible.
Non, deux trucs horribles. Simje est passé du côté des méchants. Petit un. Et petit deux : je ne suis pas allée le chercher. Trop de danger pour nous, trop de suspicions sur ma gueule. Une terreur viscérale à l’idée de perdre tout ce que j’ai. Elle est bien là l’épée de Damoclès, elle porte les yeux de mon père et ceux de Torin qui me disent « tu as tout perdu une fois, ça peut recommencer tu sais ».

Alors arrivée à la cafétéria, j’évite mon ancienne équipe au sol, j’évite Kurt — Edwin par extension. C’est mon quotidien, la boule au ventre qu’on me hurle dessus traitor ! traitor ! let her die in her own blood.
Mais Cyan plutôt que le reste du monde ; c’est tout.

C’est tout.

Je passe le tourniquet en espérant qu’il y a Nawel aujourd’hui, Sloane, Jeanne, Caroline, Olive, Clemens peut-être - n’importe qui en fait, mais un rapide balayage m’indique qu’il n’y a pas de visage familier en tête. J’me tâte à sauter le repas, mais j’ai l’impression que tous mes faits et gestes sont surveillés et suspects alors je prend le plat, je souris en regardant une canette de coca et je prends de l’eau. Il y a du bruit ici. Comme ça j’aurais le temps de lire la missive qui m’a été posée sur le bureau ce matin, « mission en binôme - A O N G H U S. »
J’le sens pas.

Je vais pour poser mon plateau sur une tableau vide mais quand je lève les yeux il y a les gars de l’équipe qui me clouent sur place en un mouvement de lèvres « u sure ? »

I’m not.

Je trouve, glacée, le pose face à ohhhhhh Sylvester !

— Pardon.

Je m’assied net avant qu’il me dise « mais qu’est-ce que tu glandes ? » et prend plein d’air dans mes poumons avant de lâcher tout d’un trait :

— T’esdéjàaucourantout’aspaslu ?

Parce que moi j’ai pas lu.
J’suis censée être baby sittée ou surveillée ? Ca va être une des premières fois que je reprends le terrain après tout ça. Si on compte pas celles faites avec Cyan.
Mais pas pour Cyan avec !

Avec.

Toujours avec.

Mon amour, mon amour, mon amour. Est-ce qu’il sait ce que ça fait, Sylv ? De respirer que quand on a l’autre dans notre champ de vision parce qu’on est sûrs alors d’avoir encore gagné d’être encore gagnant encore en vie.

Est-ce que tu sais, dis ?

- Bonjour, je reprends doucement parce que je suis un être civilisé qui aime faire bonne impression. Mes yeux sans couleur balayent ce qu'il est devenu, lui, et j'ai l'impression que j'ai toujours connu comme ça.

Sylvester cherchait dans le vide la motivation de retourner terminer son rapport avec Hank lorsque la chaise en face de la sienne crissa.

– Pardon.

Il releva les yeux pour découvrir Rhyan James, une jeune exorciste qu’il avait déjà croisé quelques fois, assez en tout cas pour se rappeler de son nom, ce qui était déjà un effort certain. Encore une qui venait de Little Angleton – il devait y avoir une telle puissance magique là-bas –, à peu près du même âge que Louis et Carla. Il lui semblait bien qu’ils la connaissaient, d’ailleurs.
Mais ça n’expliquait pas pourquoi elle venait s’asseoir en face de lui alors qu’il y avait certainement une liste conséquente de gens qu’elle connaissait mieux sur cette terrasse, vu le monde.

– T’esdéjàaucourantt’aspaslu ?

De quoi pouvait-elle parler – et, surtout, parlait-elle toujours aussi rapidement ? Sylvester sortit son téléphone pro et aperçu la notification d’un mail qui lui offrit un début de réponse. Rapidement, il déverrouilla l’engin pour consulter le dossier, un résumé de ce qui l’attendait vraiment – les ordres de mission n’était plus jamais envoyé entièrement par mail depuis qu’ils avaient découvert que des sorciers noirs étaient capable d’infiltrer le réseau informatique. Les données sensibles devaient certainement l’attendre dans son casier sous leur format papier, mais le peu d’informations qu’il avait répondait au moins à la question de la présence de Rhyan à sa table.
Une mission duo, soit.
À croire que Kurt avait décidé de ne plus le lâcher. Depuis son échec avec Bleuann Soul – plus précisément, depuis sa sortie de l’IBMM –, il enchaînait les missions, sans respect aucun des temps de repos entre deux. Soit en cherchait à le punir de son échec, soit Orpheo était en sous-effectif. Dans tous les cas, ça ne fleurait pas bon.

– Bonjour.

Et dire qu’il n’avait même pas fini le rapport de sa dernière mission…

– Salut Rhyan. Tu sais quand on part ?

Ou peut-être que c’était simplement pour le tenir éloigné le plus possible de la salle d’entraînement. Il fallait dire qu’elle avait été refaite il y a peu. Mais bon, si ses supérieurs pensaient vraiment que ça pouvait résister à une bande d’exorcistes aux pouvoirs surpuissants, ils étaient bien naïfs.
Ok, ok, en ce moment il peinait à contrôler sa force. Et alors ? Le quinquagénaire se dit qu’il ferait mieux de retourner à Berlin. Là-bas, au moins, Coco n’était pas déçu des accès de colère de ses employés. C’était l’avantage des conservateurs, ils étaient aussi sanguins que l’australien. Dommage que leurs idées soient autant puantes.

– J’ai un rapport à terminer.

Mais il ne se leva pas. Toute excuse était bonne à prendre pour repousser à peu plus la partie administrative de son boulot. Peut-être même qu’il pourrait dire à Kurt qu’il n’avait pas pu finir sa partie du rapport car il devait repartir en mission ? C’était la faute des gens qui géraient le planning après tout, ils n’avaient qu’à pas lui faire enchaîner tout ça.
Pas sûr que ses supérieurs soient dupes de ses excuses, par contre.

Il n’a pas l’air étonné, mais il semble maintenir cette distance entre nous, comme si on ne se connaissait pas. On ne se connait pas — de fait, mais j’ai ce super pouvoir. Non, pas de passer au travers des murs, non, pas la météo non plus.

Ce super pouvoir d’être partout chez moi, avec tous chez moi. Ce n’est que de la façade, je suis fière de quelque chose de faux, mais tout de même.

– Salut Rhyan. Tu sais quand on part ?

Je hausse un sourcil : il est si peu au courant que ça en est un peu flippant. Je croyais que c’était un des bourrins des super-teams ? Non pas du tout ? Qui sait, j’ai peut être tord.

Je regarde les gars de mon équipe me regarder, je bois un peu d’eau, continue de les regarder en coin, et plus je les mate, moins j’ai faim. Comme si leurs suspicions — ou ma paranoïa me remplissaient.

— Dans la nuit.

Je me force à faire entrer des aliments dans ma bouche, mâcha, nianianiania, mâcher avaler, face à l’exorciste qui m’accompagnera. Tous les documents sont encore sous scellés et nous saurons exactement sur la piste de quoi, de qui, sur quoi on part au juste in the dead of the night.

Dans la nuit de la mort ?

Aucun sens.

— J’ai un rapport à terminer.

Je hausse un sourcil face à lui qui pour autant, ne se lève pas, ne range pas son plateau, ne dit rien de plus à vrai dire. Je laisse une poignée de minutes s’écouler avant de lâcher un :

— Merci. On se voit toute à l’heure, on a une voiture qui vient nous chercher.

Je prends mon plateau et jette tout, désolée la planète, pour me faufiler à l'extérieur de la queue. J'ai une chanson d'ado dans la tête, celle qui dit qu'on est tous morts dans devil town mais que c'est alright, comme ça, plus personne peut nous attraper. Comme Finneas qui chante kinda can't wait to be dead. Les morts semblent ne plus avoir de problèmes et parfois, j'me sens tellement écrasée sous ces charges que je me demande quand est-ce que je pourrais être totalement décédée. Puis je me souviens de Cyan et de comment il est tout ce que je veux chaque seconde de ma vie.

J'espère qu'on ira en enfer ensemble. Qu'on mourra ensemble aussi, hors de question d'une vie sans lui.

J'suis culcul à en pleurer. Terrible.

—

Le range rover qui nous trimballe est tellement large, qu’à la vérité, il est sûrement assez large pour être aussi large que ce qu’une voiture est habituellement longue. Du cuir de qualité, une odeur "arbre magique blanc arctic", nos sacs dans le coffre, nos armes respectives dans nos habitudes respectives. Je me sens mal, mais je ne saurais absolument pas dire pourquoi encore. Je décachète la missive, parcourt rapidement les pourquoi du comment, et dessus, il y a écrit

Bleuann

Soul.

Rhyan eut l'air surprise qu'il en sache si peu et il retrouva dans les yeux de l'exorciste sa propre jeunesse, lorsqu'il était persuadé que les vieux de la vieille d'Orpheo étaient des surhumains, au courant de la moindre chose, du moindre complot, chuchotant dans le dos des nouveaux arrivés, détenteur du secret absolu.
C'était du bullshit tout cela, et ça c'était vite écrasé avec l'âge – est-ce que ça voulait dire qu'il était devenu vieux ? Sauf pour Jilano, bien sûr. Jilano avait été au-dessus de tout ça, même dans ses failles les plus profondes.
Mais le reste, c'était juste une bande d'ado avec des rides qui jouaient au jeu du plus gros égo. Coco de Berlin était très fort pour ça, d'ailleurs.

– Dans la nuit.

Et, apparemment, Kurt était très fort pour abuser de sa puissance hiérarchique. Dans la nuit, vraiment ? Aurait-il le temps de repasser à son appartement, un jour ? D'aller voir dans quel état était Louis ? De prendre une bière avec son pote Alec ? C'était à se demander comment faisait les agents d'Orpheo avec des enfants pour trouver le temps d'aller voir leur gosse. Et celui de les faire. À moins que ceux-ci soient conçus en mission – il eut une pensée pour ses nuits de folie avec Elizabeth Porter – ce qui, étant donné que les couples partaient très peu souvent en mission ensemble, portait le tout à un nombre assez élevé d'infidélité.
Ça le fit marrer tout seul et lui tira un petit sourire qui s'effaça bien vite lorsqu'il se rappela le rapport qui l'attendait. Il savait qu'il aurait dû y retourner, mais là tout de suite, il avait surtout envie de balancer son poing dans le visage de Kurt. Alors il savoura le silence et le soleil sur son visage pendant que Rhyan mangeait, insensible à la tension étrange qui s'était installée.

– Merci. On se voit tout à l'heure, on a une voiture qui vient nous chercher.

La jeune femme récupéra son plateau et balança le tout à la poubelle sous l'air un peu surpris de Sylvester. Étrange la gamine. Et pas très sympa pour la nature, mais bon n'était-ce pas toujours ainsi ? Les plus jeunes qui venaient faire la morale aux plus vieux pour un bon steak alors que derrière il se gavait de McDo ?
L'exorciste grimaça en réalisant que ses pensées tournaient à celle d'un vieux con. Il était temps de finir ce fichu rapport.

[...]

La flamme dansa entre ses doigts alors que, de sa main libre, Sylvester rangeait son briquet. Il fit miroiter le feu un instant de plus avant de toute écraser dans sa paume. Il espérait vraiment ne pas avoir besoin de ce côté de sa magie – il n'avait jamais été très à l'aise avec sa maîtrise du feu et c'était pire encore depuis la raclée que lui avait mise Bleuann –, mais c'était un rituel de vérifier que ses briquets fonctionnaient, plus encore que les armes qu'il trimballait.

L'homme lança un regard à Rhyan, assise en face de lui dans la très grande voiture qui les transportait – Orpheo avait dû gagner au loto ou alors voulait blanchir de l'argent dans un garage vu la bande clinquante de véhicule neuf dans leur garage. La jeune femme venait de décacheter la missive et n'avait fait aucun commentaire, comme un instant de flottement. Était-ce la peur d'un nom un peu trop célèbre ?
Sylvester tendit la main pour attraper les papier et déchiffra rapidement les instructions jusqu'à ce que son regard heurte un nom qu'il ne pensait pas revoir de si tôt.
Qu'il espérait ne jamais revoir.

Bleuann Soul.

– C'est une blague ?

Il allait tuer Kurt. Lui écraser la gorge entre ses doigts. Lui briser chaque os, cinq fois. Bleuann Soul. Comme s'il n'était pas au courant de l'échec de sa dernière mission face à elle ? Sylvester l'entendait encore se marrer dans la chambre de l'IBMM dans laquelle il se rétablissait alors qu'il lui racontait comment la sorcière noire avait réussi à l'avoir. Son supérieur semblait trouver très drôle le fait qu'un exorciste avec autant de missions à son actif puisse se faire avoir par une gamine à peine sortie des couches.
Pas sûr qu'il aurait trouvé ça aussi drôle dans un cimetière.

L’exorciste en face de moi… pourquoi est-ce qu’on dit exorcistes déjà ? Pour faire les beaux ? On aide la population contre les fantômes ! Pas du tout. J’ai vu personne parlementer avec le moindre polty depuis des mois, des années peut-être. Avant, fallait aider les gentils blablabla, maintenant on les zigouilles le plus vite possible pour garder du personnel à peut-être dispo pour tuer d’autres bipèdes.

Le jeu de dames s’est mué en jeu d’échecs.

Littéralement.
Il n’y a rien à gagner ici, que des failures. Mon doigt moite fait baver l’encre de mauvaise qualité, le Bleuann reste intact mais Soul s’étire à l’infini. Et si ç’avait été Cyan, qu’aurais-je fait ? Kurt est-il réellement au courant ?

— C’est une blague ?

Je lui jette un petit coup d’oeil timide, je ne suis pas empathe mais il pue la colère. La colère et pas que. Je renifle vite fait, dans mon coin, en essayant de jauger la situation. Pourquoi est-ce que ça serait une blague ? Je ne connais pas les petits papiers de tout le monde (ok, j’connais les petits papiers de personne) alors j’ai aucune idée de pourquoi il a pas l’air ravi d’y mettre les pieds. Mmmh.

Il serait de mon côté, non ?

Et si Bleuann appelle en renfort ses frères ? Et si on capture cette meuf, et si on la tue ? J’en dis quoi moi, désolé my love, c’était les ordres ?
Aaaaaaaah, à l’aide.
Comme toujours j’espère que la porte de sortie ne sera pas verrouillée, trouver une manière convenable de se sauver.

Littéralement, à nouveau.

Je tire une moue d’indécision, me triture les doigts et lâche de but en blanc :

— On est obligés de tout accepter, toujours ?

Parce que j’aimerais dire non — et si toutes mes excuses sont inacceptables c’est pas bien grave, y’en a une toute faite : je veux pas mourir face à une Soul. Ça se tient, non ? J’aime vite faf la vie quand même. Oh et puis en vrai, j’veux pas crever avec Sylvester, il est glauque quoi ! Il est jamais content, il est genre gn gourdin, préhistoire, taper taper taper ! S’il vous plaît quoi !
Mais bon, c’est pas le moment de penser à ses capacités cognitive eeeeet à essayer d’être du même côté que lui : le côté qui dit : j’m’en fou, si on m’force à y aller, j’retiens ma respiration jusqu’à ce qu’on arrête de me forcer à y aller.

J'ai le ventre liquéfié et je fais un origami avec la missive, petit oiseau qui pourra battre des ailes si je lui tire la queue. Complètement con. J'aimerais avoir un pouvoir chanmé, genre paf ! un pneu éclate ! oh non ! Mais ce n'est pas le cas c'est bien connu, et la seule chose qui se passe c'est une vieille bruine qui vient s'éclater sur le pare-brise. J'ai la flemme de retenir ça et puis on est à Londres les enfants, c'est pas comme si c'était le temps habituel de tous les jours de l'année anyway.

Sylvester se dit qu'il aurait du plaisir à commencer son prochain rapport - pour une fois - ainsi : l'humour de mes supérieurs est particulièrement douteux. Mais pour pouvoir écrire un rapport, encore fallait il être en vie, et pas certain que cette fois ce soit le cas. Si Myaw Nienta n'était pas passée par là, si Bleuann n'avait pas eu un peu pitié, il serait désormais trois pieds sous terre et incapable de tenir un stylo. Soit, au moins une bonne nouvelle. Pas besoin de se taper des heures de débriefing après chaque mission.
Il grogna encore un peu, pour la forme.

- On est obligés de tout accepter, toujours ?

Il releva la tête, étonné. Rhyan n'avait pas l'air plus enchanté que lui de partir à la chasse à la sorcière. Il était un peu surpris, car habituellement les jeunes exorcistes qui avait toujours cette même soif de faire tomber les ennemis en face - ça passait bien souvent avec l'âge, il fallait l'avouer - ne rechignait pas à la besogne. Surtout que la tête d'une Soul, même de la benjamine, était un bien joli cadavre à accrocher à son tableau de proie. Beaucoup se serait damné pour cette mission.
Mais Sylvester avait bien l'intention de vivre encore quelques années supplémentaires.
Peut-être que la jeune exorciste avait entendu parler de sa défaite ? Cette mission était bien évidemment classer comme confidentielle, mais la confidentialité à Orpheo ne semblait pas s'appliquer au ridicule. Et les ragots couraient avec une aisance qui le fascinait parfois. Peut-être alors que c'était juste ça, de la peur. Mais ce n'était pas vraiment une bonne raison pour refuser une mission. Kurt risquait fortement de leur taper sur les doigts.
Enfin s'il était encore capable de bouger une fois que Sylvester se serait occupé de lui briser chacun de ses os.

- Il faut une bonne raison, éthique ou physique...

Donc exclue, la peur. Les seules fois où des gens avaient renoncé à des missions autour de lui, c'était principalement pour des raisons familières. Le monde magique n'était finalement pas si grand et il n'était pas rare de tomber sur un cousin, une mère, ou un frère dans le camp adverse. Difficile donc, dans ces moments-là, d'envoyer quelqu'un assassiner son propre sang - même si parfois ça motivait les agents d'Orpheo, c'était selon.
Mais pas de lien familial entre Sylvester et Bleuann et probablement pas non plus avec Rhyan - la jeune femme était humaine et les sorciers noirs, surtout quand ils portaient le nom de Soul, ne se mélangeaient pas avec les humains.

- Donc à moins que tu ne te blesses en sortant de la voiture... je vois mal.

Et ça ferait beaucoup de paperasse tout ça. Soupir. Peut-être qu'à deux ça irait mieux, même si Rhyan ne semblait pas très sûre d'elle-même. Ca s'annonçait compliqué, et Sylvester avait assez d'expérience pour ne pas sous-estimer une situation.
Il se nota mentalement, qu'il faudrait vraiment qu'il prenne des vacances s'il revenait en vie de ce coupe-gorge.