Contexte : Harry a été arrêté par Orpheo Berlin, qui essaie d’extraire de sa tête des renseignements par le biais de Sloane Carver. Il est question de savoir si modifier les souvenirs d’un méchant peut le rendre, ou non, gentil. La jeune adulte galère cependant ses grands morts et a beaucoup de mal à trouver un angle d’attaque, une bribe de souvenir pour entrer et Orpheo fait une demande à ses employés. Ian Coley réagit en disant le connaître un peu — sans savoir qu’il a été attrapé.

Parce qu’il en veut au garçon, et à la fille, il dénonce Carla Lowett comme l’ayant cotoyé également. Cette dernière a pourtant fait appel à un monsieur-qui-fait-oubleir-les-souvenirs et ne connait plus que la moitié de sa propre histoire avec Harry Adelman. Sylvester chapote le tout, malgré son dégoût pour le mi-loup.

Sloane, Ian et Carla sont derrière une vitre sans teint ; Adelman se tient dans une salle blanche avec une table, un lit, un stylo, une feuille. Sylvester se tient légèrement en retrait.

—


Le garçon regarda le papier, le stylo, griffonna dessus.

To wake up with the feeling of something broken

can’t take it back can’t
make up for it that’s it
it lays there - something you thought would be unbreakable
can’t laugh it off can’t cry it off can’t sleep it off.
Whatever.

Il ne lui restait pas grand chose de lui ; il s’était rendu compte que délesté de son mentor, de son organisation, du but qu’elle lui donnait, de ses amis restés libres, eux, il n’était pas grand chose. Un garçon en jogging gris et t-shirt blanc usé (combien de prisonniers avaient dormi dedans ?) qui le rendaient informe. Il savait que Sloane ne réussissait pas à rentrer dans son crâne mais il lisait les siennes. Elle avait besoin d’une salle vierge de runes pour rentrer dans son crâne à lui, ils ne pouvaient pas le runer sans l’épuiser trop et le rendre inconscient, elle s’était mal runée pour se protéger, il le savait, elle savait qu’il savait, elle était trop fière pour aller demander de l’aide.

Dommage.

Mais elle était sortie de la pièce, et il avait écrit un nouveau morceau, l'encre foncée sur le papier de mauvaise qualité qui buvait le noir en lettres grossières. Il se sentait seul et vide mais pas vraiment triste, pas vraiment désespéré, juste blanc, une page vierge sur laquelle il aurait fallu écrire des chsoes.

One foot in the door to let the devil come in
little spirales in the head like smoke
I thought you had fun with me in this
Now i’ve seen the loathe you can’t cope

Des chansons lui trainaient dans la tête mais elles étaient incomplètes maintenant parce qu’il avait oublié ; des souvenirs aussi, incomplets désormais, il ne restait plus rien qui suffisait à l’occuper, il aurait voulu jouer aux échecs, aux dames, courir.

Il soupira, leva ses yeux délavés sur la vitre qui faisait face. Était-elle seule de ce côté encore ?

Jamais été aussi raide de ma vie. Aussi tendu, aussi sûr de moi, aussi plein de doutes. Rester là, Sloane devant moi qui fixe Adelman avec ses yeux saturés d’un bleu qui me fait penser à celui d’Autumn. Carla est à côté et tout mon corps le sait, le sent, n’en peut plus de ne pas l’oublier. Je savais pas que je jetais Adelman dans la gueule du loup en répondant présent à l’appel. Orpheo m’a eu. Je savais pertinemment que je jetais Carla aux lions en lançant son prénom dans l’arène. Je l’ai eue.

Je coule un regard de biais à Sylvester qui me fait toujours aussi peur, à Adelman dans la pièce, au dos de Sloane qui se retourne sur moi.

« Il faudrait que j’arrive à avoir une image assez précise d’un souvenir pour que je puisse en tirer les coutures, quelque chose, n’importe quoi. »

Elle va voir que je l’ai sauvé, le couteau, le reste, mais elle verra aussi son homme à elle, Meyer, qui le sauve aussi. Problem is : je ne sais pas où réside sa loyauté. Je ne peux pas prendre ce risque là, et je réponds :

« C’est bien pour ça que Carla est ici.
— Mais vous l’avez côtoyé également.
— Lors de la chasse à l’homme pour sauver Luka Grey. Lors d’un événement sportif également, mais je n’étais pas dans le cadre de mes fonctions et je n’ai pas voulu risquer la vie d’innocents. »

Elle s’approche pour m’effleurer, je vois qu’elle essaie d’être discrète mais je lève les yeux au ciel en soupirant. Elle reporte son attention sur Carla. Il me semble improbable que cette dernière soit au sein même d’un QG, dans mon travail, chez les magiques. Je me demande où son gars est, son gars qui n’est plus mon ami, plus mon ami, plus mon ami. Je déglutis.

« On va rentrer toutes les deux, d’accord ? Je garde une main sur lui, et parlez, parlez, parlez. Je pense qu’il n’est pas en état de contrer une discussion, des souvenirs, mon pouvoir, tout le reste. Vous aviez dit que vous le connaissez comment ? Il vous a kidnappée c’est bien ça ? »

Et après elle a couché avec, comme ça, parce qu’elle le pouvait, et le voulait, et après elle a appelé Ange et pas moi et après elle s’en est remise à Meyer et après elle m’a pas choisi au foot et après j’ai disparu, moi. J’pensais que je resterais complet sans elle mais le tatouage sur ma peau me brûle tous les jours de ma vie et je suis fatigué. Je suis fatigué d’être en colère aussi mais c’est encore trop profond.

Tant pis pour nous. Tant pis pour moi.

J’ai de la peine pour Harry ceci-dit, et j’aurais pas cru ça possible d’être fatigué par la guerre aussi, j’voudrais qu’on me reformate. Qu’on me recolle cette haine là sous les semelles pour me faire voler comme avant. Je pense à Simje.
J’ai envie de vomir.

De l'autre côté de la vitre, le monstre. Il avait pourtant l'air innocent, à griffonner sur un bout de papier. Mais Carla, les deux mains sur son ventre pour recouvrir le trou béant qu'il lui avait laissé, haïssait celui qui l'avait enlevée et lui avait tiré dessus avec tout le vide du monde. Pas une conversation, pas la moindre empathie. Ça n'avait été qu'une succession de fuites et de coups de feu.
Le guapo avait bien fait son travail et l'humaine ne se rappelait de rien. Pas de dessin aux dents pointues, pas de discussions et, surtout pas de capot. Ni tout ce qui avait suivi. Certaines choses étaient un peu floues dans sa mémoire, mais son cerveau avait rempli les blancs comme il avait pu, en inventant une nouvelle réalité.
Elle revivait encore, dans un tremblement, le sang chaud entre ses doigts et la perte de connaissance. L'appartement gris où il la laissait sous la surveillance d'un garde qui parlait aussi peu que lui. Le kidnappeur, le monstre, le sans-prénom. On le lui avait donné, pourtant, quand elle était arrivée ici. Harry Adelman. Ça ne trouvait aucun écho en elle. Puis une odeur de fumée, quelqu'un était sur leur piste, il lui avait jeté un ordre, elle avait dû le suivre. Longue cavale en voiture, pourquoi n'avait-elle pas essayé de fuir déjà ? Il lui semblait vaguement qu'il avait menacé de tuer des innocents si elle tentait de partir. Et elle n'avait pas la force pour ça, vraiment. Pause dans une clairière, ils avaient à peine mangé, à plusieurs pas l'un de l'autre. Puis il l'avait droguée contre son gré et l'avait abandonnée dans la forêt. Seule avec des ombres qui flottaient.

De l'autre côté de la mince vitre, l'homme leva les yeux vers eux et elle n'y trouva rien.

L'étudiante était entourée de gens qui, dans n'importe quel autre contexte, aurait pu être réconfortant. Sylvester en arrière plan, le veilleur de nuit qui gardait sur elle le regard de celui qui était prêt à éclater un crâne ou deux pour la rassurer. Ian, qui avait soigneusement évité de la regarder depuis son arrivée. Il lui en voulait encore d'avoir choisi Louis plutôt qu'elle et, en le regardant, elle coinça entre ses dents un soupir. Il avait choisi Autumn, il choisirait toujours Autumn comme elle choisirait toujours Louis. Alors pourquoi cet éloignement entre eux ? Et puis il y avait une dernière personne, elle avait l'air d'une gamine un peu perdue et pourtant c'était elle qui était en charge de tout.

– Il faudrait que j'arrive à avoir une image assez précise d'un souvenir pour que je puisse en tirer les coutures, quelque chose, n'importe quoi.

L'innocente fronça les sourcils. Elle ne savait pas bien pourquoi elle était ici, ce qu'elle pourrait bien faire pour les aider. Elle pouvait toujours témoigner contre l'autre, mais quelque chose lui disait que les procès ne se déroulaient pas de la même manière dans leur monde que dans le sien. Tout lui criait qu'elle n'était pas à sa place ici… si au moins elle avait pu prévenir Louis ou Luka. Si l'un des deux avait pu l'accompagnée. Mais on ne lui avait pas vraiment laissé le choix ou le temps. Carla n'était accusée de rien, lui avait-on dit, mais l'impression d'être traitée comme une suspecte alors qu'elle avait été une victime dans cette histoire, lui filait des sueurs froides dans le dos.
Et Ian qui ne la regardait toujours pas.

[darkslategrey]– C'est bien pour ça que Carla est ici.[/color]

Il lui sembla qu'il avait dit son nom comme si c'était celui d'une créature informe et immonde.

– Mais vous l'avez côtoyé également.

Vraiment ? Elle se tourna imperceptiblement vers Ian. Il connaissait celui qui lui avait troué le ventre et la cuisse ?

– Lors de la chasse à l'homme pour sauver Luka Grey. Lors d'un événement sportif également, mais je n'étais pas dans le cadre de mes fonctions et je n'ai pas voulu risquer la vie d'innocents.

Carla échoua une fois de plus à capter son regard et finit par se retourner pour croiser celui de Sylvester. Il lui sourit. Au moins avait-elle un allié dans toute cette histoire. Soudain elle sentit qu'elle était observée et se tourna de nouveau, une peur subite au ventre que la vitre puisse avoir disparue et que le kidnappeur, Harry Adelman, se dresse à ses côtés, mais c'était simplement l'interlocutrice de Ian qui la regardait.

– On va rentrer tous les deux, d'accord ? Je garde une main sur lui et parlez, parlez, parlez. Je pense qu'il n'est pas en état de contrer une discussion, des souvenirs, mon pouvoir, tout le reste. Vous aviez dit que vous le connaissiez comment ? Il vous a kidnappée c'est bien ça ?

Non, définitivement les méthodes du monde magique n'étaient pas celles de son monde. Elle n'y connaissait pas grand-chose, au fond, mais ça l'aurait beaucoup étonnée qu'on interroge un suspect en lui balançant l'une de ses victimes au visage. Elle avait l'impression d'être un appât, un petit ver qui se tortillait au bout d'une canne à pêche.
Mais les vers mouraient lorsque les poissons les gobaient.

– Oui enfin… c'était l'été dernier. Il m'a tirée dessus, puis…

Les mots se suspendirent alors qu'elle serrait son ventre un peu plus fort. Elle eut peur, soudain, que le sang se mette à gicler. Mais ses mains n'avaient pas rougi.

– Enfin avant aujourd'hui je ne connaissais même pas son prénom. Je ne vois pas bien comment je peux vous être utile à part témoigner contre lui. Et je ne sais pas vraiment quelle discussion nous pourrions avoir…

Une fois de plus elle eut envie de capter les yeux de Ian, mais se retint de justesse, fixant la femme devant elle. L'esprit vide, et du brouillard partout où c'était possible.

Il se souviendrait toujours, toujours, toujours, du regard de l’autre, tranquille, absent presque, lui devant, « rape, ugh ? » il l’avait pas dit en Espagnol et Harry avait soutenu son regard un long moment, sans répondre. L’autre avait détricoté tout, tout, tout. Il lui avait dit. Tout.

To be the one to remember
like a dream you dreamt alone
a story you’ve told yourself
a toddler in love upon iron soldiers.



—


Je pose mes yeux sur Coley, l’homme-inconnu, Carla. Une frustration immense me fait ployer la tête, les épaules, mais fourni du bois au feu de ma détermination. La jeune femme essaie d’être patiente mais elle a dû mal. elle voudrait leur prendre le bras, les entrainer au milieu de la pièce sans qu’ils aient le choix, pourquoi sont-ils si mous ? À essayer de faire le moins de bruit possible lors d’un cent mètres. Tous absurdes.

– Oui enfin… c'était l'été dernier. Il m'a tirée dessus, puis…

Sam pince un soupir pour rester polie. Ça lui coûte d’avoir de l’empathie et de ne pas rusher Carla qui semble si fragile. Et Coley qui reste là, un plot. Un géranium gradé. Mon dieu.

– Enfin avant aujourd'hui je ne connaissais même pas son prénom. Je ne vois pas bien comment je peux vous être utile à part témoigner contre lui. Et je ne sais pas vraiment quelle discussion nous pourrions avoir…

J’hésite une poignée de secondes et puis… Ian Coley qui lève les yeux au ciel et se renferme, Sylvester

— what the— grommelle Coley.

Cette fois-ci, il la scanne des yeux en entier, l’englobe et je le regarde faire. Leur passé leur appartient, mais j’aurais aimé avoir un briefing avant. Pris dans sa tête si possible. Arg.

— Vous avez été admise en IBMM, avec administration d’une pilule du lendemain avec le docteur Meyer, sans plainte pour viol.

Peut-être, totalement peut-être que j’ai archi fouillé et fouiné et que j’ai de la chance qu’Alec soit forcé de renseigner tout ce qu’il fait sortir de la pharmacie, qu’il ne soit pas contre les règles, et que l’affaire Grey soit monumentale. Sinon, ça aurait peut-être slidé sur la vie en ne laissant aucune trace.

Coley regromelle un truc, et s’affale le dos contre le mur.

— On est là pour dépiauter Adelman, pas tes choix, murmure-t-il à l’intention de Carla. C’est dommage que la pièce soit si petit, parce que j’aurais aimé ne pas entendre ça, genre, ça ne me concerne pas et j’aimerais juste qu’elle rentre dans cette pièce.

Mais la jeune femme se ment un peu à elle-même, elle a entendu la tendresse glissée en dessous de la langue de Ian et se demande si elle parle à Alec de la même façon. La question lui brûle le ventre. Il l’aime. Geeeezzz, stop it.

— Vous me suivez ? je reprends.

Chop chop. Adelman est déjà presque aussi vide qu'un Bernard-lermitte sans crustacé dans la coquille.

Il n'avait aucune idée de pourquoi on lui avait refilé cette affaire. Berlin n'était pas son QG, Sloane Carter était la pupille d'un mec qui lui filait la migraine, la seule chose potentiellement intéressante dans cette affaire, c'était que ça lui donnait éventuellement l'occasion de croiser Elizabeth. La belle Eli, toujours si classe, toujours son port de tête altier, toujours si parfaite. Il s'était dit en atterrissant à Berlin qu'il avait intérêt à la croiser, sinon, la prochaine fois, il refuserait la mission, enverrait valser son majeur dans la gueule de ses supérieurs et se casserait se défouler sur deux ou trois sorciers noirs.
Mais longtemps auparavant, Sylvester avait fait face aux parents de Harry Adelman, et quelqu'un avait trouvé que c'était logique de le mettre là-dessus. Et puis Kurt lui avait dit qu'il était si doué avec les jeunes, que c'était une bonne chose qu'il soit là pour encadrer Sloane Carter.
Et Ian Coley, apparemment.
Cependant, lorsque l'homme avait découvert le dossier, il s'était arrêté sur un nom qui lui avait donné envie de sauter de l'avion en plein vol. Lowett, Carla Lowett. Qu'est-ce que la jeune humaine innocente venait faire dans toute cette affaire ? Apparemment, quelqu'un avait balancé tout son kidnapping, disait le dossier. Et vu la présence de Ian Coley à cet entretien, il était plutôt aisé de faire le rapprochement. L'un dans l'autre, Sylvester s'était dit que le destin lui avait filé un sacré coup de main. Il n'aurait pas aimé abandonner Carla dans toute cette merde avec une gamine qui contrôlait à moitié son pouvoir – qu'elle essaie seulement de venir chercher ce qu'il pensait d'elle dans son cerveau, il serait ravi de lui montrer comme il ne pouvait pas supporter la mini suppot de Coco de Berlin – et un type qui se disait son ami, mais avait fini par lui planter un couteau dans le dos en la dénonçant à Orpheo.
Bien joué, Ian Coley.

Chien fou de garder, l'australien s'était foutu dans un coin de la salle, bras croisé et regard terne, attendant que la scène se déroule devant lui, prêt à démolir la vitre teintée s'il fallait démonter une gueule ou une autre. En attendant de jouer de ses poings, il se contentait d'écouter la conversation, Ian qui geignait comme il avait l'habitude toujours de geindre – déjà que Sylvester ne l'appréciait pas beaucoup, en vue des derniers événements, il l'avait placé dans le même camp que Coco de Berlin et compagnie –, Sloane qui était maladroite dans ses demandes et, comme si ça ne suffisait pas, avait d'être saoulée d'être là, et Carla qui paraissait traumatisée, deux mains fichées autour de son bide.
Un instant elle eut une expression de surprise étrange et il crut voir dans ses traits ceux de sa mère qui revenait. Mais ce n'était pas le moment de penser à Lily.

–… je ne sais pas vraiment quelle discussion nous pourrions avoir.

Carla n'avait pas parlé du fait qu'elle avait couché avec Harry – Sylvester le savait par Ian –, mais ça ne l'étonna même pas vraiment. Ça devait rester un sujet sensible pour la jeune femme et il comprenait qu'elle n'ait pas envie de tout étaler devant une parfaite inconnue.
Parfaite inconnue qui n'avait visiblement pas compris le principe du tact.

– Vous avez été admise en IBMM, avec administration d'une pilule du lendemain avec le docteur Meyer, sans plainte pour viol.
– Qu.. je…

Carla papillona des paupières, fixant Sloane d'un air hébété. Par réflexe paternel, Sylvester se détacha du mur alors que Ian s'y adossait.

– On est là pour dépiauter Adelman, pas tes choix.

Elle tourna un visage pâle en direction de Ian, ses mains se crispant un peu plus sur son estomac, comme pour y chercher une entrée, l'ouvrir en entier et s'y cacher. L'exorciste fronça les sourcils. Il y avait quelque chose d'étrange, quelque chose qui ne jouait pas. Carla pouvait être en colère contre elle même ou le monde, pouvait regretter, pouvait s'en foutre d'avoir couché avec un sorcier noir. Mais cet air sur son visage ne reflétait rien de tout ça. Plus un mélange entre surprise et état de choc.

– Vous me suivez ?

Et la palme du plus grand tacte revenait une fois de plus à… Sloane Carter. Sylvester lui aurait sans doute jeter un air abasourdi et lourd de sens, se notant mentalement de débriefer avec elle la manière de discuter avec une victime, s'il n'était pas aussi concentrée sur Carla qui retourna son regard vers son interlocutrice, l'air de plus en plus pâle.

– Mais je… enfin je… je n'ai jamais… avec cet homme…

Paroles hachurées, expression déformée, il vit ses jambes trembler et le corps surentraîné de l'exorciste compris avant sa tête qu'elle versait. Il la rattrapa juste avant qu'elle ne fouette le sol, ses jambes qui ne la portaient plus et deux mains tremblantes qu'elles tenaient sous ses yeux.

– Je n'ai jamais couché avec cet homme.

– Je n'ai jamais couché avec cet homme.

Alors que Sylvester la soutenait sous les aisselles, Carla inspecta ses mains, comme pour se raccrocher à quelque chose. Pourquoi n'étaient-elles pas rouge ? Dans la tête de leur propriétaire, elle était sûre que ses mains devaient être rouges. Tachée par le sang qui coulaient le long des poignets. Alors pourquoi étaient-elles si blanches ? La couleur pourtant était tellement collante qu'elle pouvait la toucher. La sentir également ! Tout ses autres sens en étaient persuadés.
Alors était-ce eux qui avait tort ou sa vue qui lui mentait ?
Les mots de celle qui semblaient gérer l'histoire – Carter, il lui semblait que c'était ainsi que la femme s'était présentée –, les regards de Ian, les silences de Sylvester… Rien ne fonctionnait dans ce tableau. Il y avait quelque chose d'écorcher, mais qu'elle ne parvenait pas à saisir. Et pourquoi son corps l'avait-il lâchée, pourquoi avait-il faibli devant les autres alors qu'elle le savait, elle, que c'était des mensonges, qu'elle n'avait pas couché avec Harry Adelman.

Vampire, vampire, vampire.

Et pourquoi ses mains n'étaient-elles pas rouges alors que, Carla en était persuadée, elles auraient dû l'être ?

Forçant son corps à se redresser, elle se débarrassa de l'aide de Sylvester et réunit toute sa contenance, son menton qui ne tremblait pas bien droit et bien levé. Elle était un peu plus grande que Carter, mais ce n'était pas elle qu'elle regardait. Elle fixait Ian droit dans les yeux et obligea sa voix à lui revenir et à ne surtout pas hésiter.

– C'est pour ça que tu ne me parles plus ? Tu crois que j'ai couché avec ce mec ?

Ce n'était probablement ni l'endroit, ni le moment de régler leurs affaires. Mais Ian la fuyait et elle ne pouvait pas laisser une parfaite inconnue lui balancer de telles absurdités. C'était tout simplement ignoble et elle ne comprenait pas quelle était cette histoire de pilule du lendemain. Elle fouilla sa mémoire à la recherche d'une réponse, mais n'y trouva rien. Elle ne vit que la bouche pâteuse à cause de la cocaïne, le Dr. Meyer qui l'aidait à redescendre, Ian qui les rejoignait devant l'entrée alors qu'elle fumait, la bile acide qui voulait s'extraire d'elle, mais ça c'était dû à la drogue.

Vampire qui marche sur les tréfonds de l'âme.

Carla aurait aimé comprendre. Le regard de Ian et le poids de plomb dans son ventre. Est-ce que quelqu'un avait menti à son ami ? Cherché à détruire tout ce qui les unissait ? Ça n'avait aucun sens, qui aurait pu faire une telle chose. Elle jeta un oeil de l'autre côté de la vitre. Le mec toujours assis, toujours le même monstre qui avait tenu l'arme et appuyé sur la détente sans plus de question. Elle ne se rappelait même pas du timbre de sa voix alors comment aurait-elle pu… ? Avec son ravisseur… ? Non, c'était absurde. Cet être la dégoûtait au plus haut point, elle avait envie de trouver un flingue et de lui tirer une balle dans la tête comme il avait fait claquer une dans son bide. L'humaine n'aurait pas pu coucher avec l'ennemi. Pas après ce qui s'était passé à l'orphelinat, pas après les yeux froids. Rien ne justifiait une telle chose dans sa tête, c'était tout simplement impossibe, ça la dégoûtait tellement d'imaginer son corps contre celui du méchant, de l'ennemi, du camp adverse…
Une main se posa sur son épaule et elle tourna la tête pour voir l'air étrange qui flottait sur le visage de Sylvester. Comme un parfum de malaise.

– Carla, tu n'as pas à nous mentir. Personne ici ne t'accuse de rien et…

La main de l'étudiante bouscula celle de l'homme sur son épaule, la giflant presque.

– MAIS JE NE MENS PAS ! JE N'AI JAMAIS TOUCHÉ CET HOMME !

Pourquoi les autres essayaient-ils de lui faire croire le contraire ? Qu'est-ce qu'il le fallait comme preuve ? Qu'elle ôte sa culotte et la leur balance au visage ? Qu'il demande au sorcier ! Ou peut-être que c'était lui qui avait menti, lui qui l'avait foutue dans toute cette merde. Elle envoya un regard plein de mépris à la vitre, même si elle savait que celui-ci ne pourrait jamais l'atteindre. Il n'y avait qu'un miroir l'autre côté, un miroir qui reflétait l'air assassin de celui qui tirait des balles dans le ventre, et les mains rouges…

Vampire sans reflet.

Ses mains dénuées de toutes traces de sang attrapèrent celles de Carter.

– Tu peux voir dans la tête des gens toi, non ? Alors dis leur toi que je ne mens pas, dis leur que je n'ai jamais couché avec cet homme !

Le vampire aussi a les mains rouges.

Je la vois se noyer et parce que j’ai accès à toutes ses émotions, je sais qu’elle ne fait pas semblant. Je me retrouve dans la même boue que je connais et qui me connait depuis l’adolescence.

Carla.

J’m’étais fait la réflexion, plus jeune, que dans écarlate, il y avait carla. Pour quelqu’un qui maniait si mal les mots comme Ian Coley, ça avait été une révélation, et je m’étais demandé s’il y avait un sens à ça.

Sûrement.

– C'est pour ça que tu ne me parles plus ? Tu crois que j'ai couché avec ce mec ?

Aujourd’hui encore. Des vagues scarlatines roulent dans ses émotions. Elle n’a jamais couché avec Harry ; je sais que oui. Elle dit qu’elle n’a jamais connu son prénom ; je sais que oui.

– Carla.

Je me mords la langue alors qu’elle explose sur Sylverster. Je sais qu’il me déteste — pas que ça m’affecte beaucoup — mais son air suffisant face à mon amie me sort des yeux. Ne sent-il pas la vérité ? N’a-t-il pas senti le vent tourner ? Le mec est taillé comme un gros rectangle inutile et fade qui ressemble à tous les autres gros muscles rectangulaires et fades de la planète. Carla ressemble à une brindille. Pas assez connectée pour être un arbre, trop duper.

Putain.

J’ai un grondement dans le fond de ma gorge mais Carla attrape subitement Sloane qui glapit :

— Hey ! she hiss. Elle retire ses mains. Non ! Non. Je vous demande juste d’apparaître dans cette salle pour créer une brèche. Ce n’est ni un procès pour vous, ni une accusation, ni quoi que ce soit. C’est nécessaire pour moi, pour le bien des humains innocents. L’homme derrière la vitre est un meurtrier, un kidnappeur ou que sais-je encore. Je vous demande juste de rentrer avec moi.

Harry, dans sa boite, ne ressemble à rien de tout ça. Il passe une main sous son t-shirt au niveau du col, dévoile peau blanche et tatouages, suit la ligne de l’os, toujours le sommet de la clavicule qui lui sort de la peau.
Il a l’air tout petit, tout jeune, et ses yeux comme des billes de verre.

‘k je regrette pour lui.

— Carla, je murmure en levant le regard vers elle pour m’y ancrer. J’sais plus ce que je veux.

Je sens les émotions de Sloane bouillir, un presque jet d’ironie qui voudrait sortir de sa bouche mais elle se contient, revient à elle même et reprend posément :

— S’il vous plaît.

Cette situation est atroce, mais c’est la seule qu’on aura, j’aimerais que Harry paye. J’ai envie de hurler HEY! C’EST LE MONDE MAGIQUE LES ENFANTS! WAKE THE FUCK UP! Peut être qu’il lui a fait oublier tout ça, peut être qu’il a runé, j’sais pas moi, l’intérieur de sa chatte pour ce que j’en sais — je suis vulgaire, mes excuses. Peut-être.

Peut-être aussi que Carla a pris des décisions de merde, hein, on sait tous qu’elle en est largement capable. Elle le (re)prouve sans cesse. Juste suis Carver for fuck’s sake Carla.

Ou gifle Sylvester.

Ça aussi ça peut être cool.

La colère bleue l'avait envahie. Pourquoi bleue, elle l'ignorait, mais ce qu'elle ressentait au plus profond de ses veines. Une encre lourde dans ses veines et les mains rouges. La vie prenait des couleurs innattendues et des mensonges inattendus.

- Hey !

Carter n'avait pas semblé apprécier le contact avec Carla qui lui balança un regard noir ; fallait pas la chercher. Pas maintenant qu'elle reprenait contenance, que quelqu'un avait menti et que ça pouvait retomber sur n'importe qui dans cette pièce. Et si l'humaine n'avait pas tout compris des enjeux de cet interrogatoire, ce qu'elle avait bien saisi, c'était les pouvoirs de la cheffe de l'opération. Et le fait qu'elle ait essayé d'attraper Ian ne lui avait pas échappé, donc qu'elle assume sa magie jusqu'au bout et qu'elle l'utilise pour quelque chose d'utile.

- Non ! Non. Je vous demande juste d’apparaître dans cette salle pour créer une brèche. Ce n’est ni un procès pour vous, ni une accusation, ni quoi que ce soit. C’est nécessaire pour moi, pour le bien des humains innocents. L’homme derrière la vitre est un meurtrier, un kidnappeur ou que sais-je encore. Je vous demande juste de rentrer avec moi.

Regard incendiaire, qu'est-ce qu'elle en avait à foutre de l'importance des choses pour l'autre qui refusait de l'aider ? Et puis c'était elle, au fond, qui avait amené toute cette merde avec cette histoire de pilule du lendemain. Du coin de l'oeil, Carla vit Sylvester serrer la mâchoire, comme pour se retenir d'intervenir. Personne ne savait gérer cette situation, personne ne savait comment réagir et elle avait juste envie de se barrer.

- Carla.

Elle enferma un soupir dans sa bouche, son regard vrillant dans celui de Ian, avec un air de défi. Tu la crois elle ? Tu crois ce type-là, le Dr. Meyer ? C'est quoi toute cette merde, tu penses vraiment que j'aurais pu baiser avec une ordure pareille ? Que je me serais réduite à ça ? Ca voulait dire tout ça, ce regard, et bien plus encore.

- S'il vous plaît.

Carla fit craquer sa mâchoire et relâcha son attention de Ian pour la recadrer vers Carter, se redressant un peu plus sur ses appuis et dans sa colonne vertébrale pour la toiser d'un peu plus haut.

- Vous voulez que j'aille parler au mec qui m'a tiré deux fois dessus. Très bien.

Sa voix était sèche et froide, n'avait plus rien des tremblements qui avaient pu la cueuillir. La colère courait partout dans sa tête comme des milliers de fourmi qui martelaient l'intérieur de ses tempes. Perdue la peur de celui derrière la vitre. Perdu le souvenir de la balle qui la traversait. Vraiment perdu ? Sans le vouloir elle descendit ses yeux sur ses mains et réalisa qu'elle serrait une fois de plus sont ventre, là où la cicatrice lui avait laisser une longue marque qui gonflait les jours de chaleur.
Mais toujours pas de rouge pour éclabousser ses poignets.

Il avait cru être finalement un peu à l’abri ici — un peu seulement. On ne le torturait pas. Enfin, pas vraiment. Il avait faim tout le temps et il sentait bien que son corps avait délesté les muscles qu’il ne pouvait plus nourrir, mais en dehors de ça, il s’en sortait bien. Était-ce parce qu’il était l’expérimentation de Sloane Carver ? Le jouet ?

Une vieille chanson naviguait entre ses oreilles, and i’d give up forever to touch you… l’autre l’avait envoyé dans une mission impossible pour sauver cette dette qu’il avait accordé à Carla. ‘cause I know you feel me somehow. Il avait essayé de se dire que c’était à cause de Carla qu’il était ici — il n’aurait pas dû demander si cher à l’espagnol. Mais quand il remontait le fil correctement, il remontait sur lui même. Pas dû demander si cher à l’espagnol, ouais mais si il ne l’avait pas violé, ouais mais si elle ne l’avait pas sucé, ouais mais si il ne l’avait pas embrassée, s’il n’était pas venu chez elle, s’il ne l’avait pas kidnappé.

S’il n’avait pas appartenu à Croix ?

You’re the closest to heaven that I’ll ever be.

And I don’t wanna miss you right now.

Quand Carla Lowett entra, il perdu toute contenance. Il suivit la jeune femme avec des yeux écarquillés, presque ahurit. Il serra contre son torse ses propres bras alors qu’un tsunami de solitude lui tordait les tripes. Des souvenirs qu’elle ne partageait plus avec lui. j’en étais sûre sûre sûre sûre, ça disait sous le crâne de Carver, et ALEC et faudrait que je demande un coca et imagine c’est moi le problème et pas le don de ce gars imaginez je sais pas faire sous les yeux de tout le monde ça ne change, rien, ÇA NE CHANGE rien si cette fille elle est là ou pas rien rien rien. Rien. Je vais devenir quoi ? J’aurais voulu Élizabeth fière de moi.

Il aimerait dire rien, rien du tout, mais il dit quand même ça ne sert à rien, je lui ai laissé l’opportunité de m’oublier et elle l’a saisie.

Sous le crâne de Carver tout s'emballa mais lui resta rivé à Carla. Il n'avait plus l'air misérable du garçon de l'appartement, plus l'air militaire du garçon de la piscine.


—


Quelque part de l’autre côté de la vitre en teint : je souffle doucement, aussi doucement que je peux. J’ai envie de casser un truc, taper fort fort fort sur la vitre en hurlant, et qu’est-ce t’as oublié d’autre ?! qu’est-ce que t’as oublié d’autre ?! est-ce que t’as oublié des morceaux de moi ? C’est égoïste ça Ian putain. Et Dorian ?
Elle s’est tellement défaussée genre ouh là là j’oublie tout Harry comme ça ça va être la faute de Ian si on parle plus. Je sais que les tords sont partagés mais j’ai tellement le seum que j’ai envie de me noyer. Je coule un regard à Sylvester en me demandant : pourquoi n’ai-je pas douté une seule seconde du fait que Harry ment ?

Lorsqu'elle entra dans la pièce après que Carver lui ait ouvert la porte, Carla ne décela pas le trouble en face. Elle ne retrouva pas dans les yeux verts ce qui l'avait marquée auparavant, toutes les conversations, les soupirs, les lèvres qui se cherchent. Tout avait disparu de sa mémoire, tout avait été effacé et il ne restait plus qu'un inconnu dont elle venait d'apprendre le prénom, dont on l'accusait d'avoir couché avec et le souvenir, lui parfaitement clair, de deux balles dans son corps.
Ça, et les mains rouges. Les mains rouges ne cessaient de revenir dans le tableau.

Il était assis, elles étaient debout, pourtant l'humaine se sentait enfant face à cet homme. Désarmé mais pourtant beaucoup plus fort qu'elle. Elle était tout de même heureuse de savoir que Ian était de l'autre côté de la vitre dans son dos, qu'il pourrait peut-être intervenir si le prisonnier décidait de lui sauter dessus – car Carla n'avait aucune confiance en Carver pour la défendre – ou que, s'il continuait à la regarder avec le trop de dégoût qu'elle avait aperçu dans ses pupilles, Sylvester lui pourrait venir la sortir de toute cette merde. De préférence avant que Harry lui arrache son cœur à mains nues.
Pour s'offrir la contenance dont elle manquait, Carla croisa les bras sur sa poitrine, mal à l'aise face à son ravisseur. Il avait des yeux bien trop grands et qui ne reflétait rien des tortures dont elle se rappelait. Ce mec, elle l'aurait croisé en boîte, elle lui aurait probablement offert un verre, mais jamais elle n'aurait pu imaginer qu'il se baladait avec un flingue à la place du cœur.

Il avait arrêté de danser et ses yeux avaient la même teinte que les lumières qui tournoyaient depuis le plafond. Iris verte décorée de reflet violet, plantée par des fissures, des marbrures dans la couleur.

Pourtant sous l'apparence se cachait un monstre qui n'avait pas hésité une seule seconde avant de la trouer. Alors comment aurait-elle pu coucher avec elle, comment aurait-elle pu le laisser la toucher après tout le sang qui avait giclé, tout le sang qui n'en finissait plus de ne pas vouloir décorer sur ses paumes ?

– Ça ne sert à rien, je lui ai laissé l'opportunité de m'oublier et elle l'a saisie.

En même temps que pouvait-il arriver à celle qui, la nuit, traînait dans des ruelles sombres avec des vampires…?

Un battement se coinça dans la poitrine de Carla alors que les mots ne parvenaient pas à être analysés par son cerveau. Se tournant vers la vitre derrière elle, l'humaine chercha à y accrocher à son regard, celui de Ian, celui de Sylvester au moins, n'importe qui pour la rattraper dans cette réalité. Elle avait saisi l'opportunité de l'oublier ? De l'oublier ? Comment cela était-il seulement possible ? Louis lui avait déjà parlé du pouvoir d'effacer des souvenirs dans la tête des gens, mais comment aurait-elle pu accepter une telle proposition ? Pourquoi ?
Avait-elle vraiment couché avec ce mec ?
La vitre ne lui renvoya que le reflet d'une gamine à l'air perdu et qui voyait tout s'écrouler devant elle. Éclat de miroir dans son cœur. Et dans le reflet, juste derrière elle, le regard vert qui ne la quittait pas.

– Vous mentez…

Si peu de force dans la voix. Se retournant, elle lui fit face, ignorant son double derrière elle qui tremblait dans le reflet.

– Tu mens ! Pourquoi aurais-je voulu qu'on efface ma mémoire ? Pourquoi j'aurais accepté ça, mais pas d'oublier les trous dans mon corps ?

Se raccrocher à quelque chose, n'importe quoi pour ne pas sombrer. Un tant soit peu de logique, pour ne pas se noyer dans les yeux de l'inconnu.

Peur de se brûler les ailes, de voler un peu trop haut et de finir épingler en plein vol.

De l'autre côté de la vitre, un homme souffla. Il était bâti comme une montagne et ses muscles s'étaient gonflés un peu plus en entendant les mots de Harry.

– Quelle petite merde, gronda Sylvester.

Il avait eu envie d'exploser le verre qui le séparait du microbe avant de l'égorger sur place. Aucun envie de réfléchir, de se dire qu'il pourrait passer par la porte plutôt que de faire des dégâts dans un QG qui n'était pas le sien. Il avait juste eu cette envie qu'il avait laissé monter haut, vraiment très haut avant de parvenir à la dominer. Le sorcier était conscient de son côté un peu trop sanguin parfois, de sa tendance à laisser la colère et la force prendre le pouvoir en lui. C'était des points sur lesquels il travaillait depuis longtemps.
Mais dans ce genre de moment, ça ébranlait tout et il avait juste envie de faire sauter ses principes et d'aller casser la gueule au connard assis de l'autre côté de la pièce.

Harry Adelman avait fait effacer la mémoire de Carla. Comme si ça n'avait pas suffi de la kidnapper, de lui tirer dessus, de la foutre dans un lit d'hôpital en pleine redescende de coke. Il avait fallu qu'il arrache tout ça de sa tête, mais dans quel but ? Et pourquoi après toute cette histoire ? Qu'est-ce qui avait pu se passer pour que le sorcier noir décide de tout lui voler ? Avait-il lâché une information compromettante sur lui ? Mais l'homme sur la chaise semblait dire qu'elle était consentante à cet oubli et rien n'indiquait qu'il mentait là-dessus. Alors pourquoi Carla aurait-elle voulu l'oublier ? La culpabilité d'avoir couché avec lui ? Mais pourquoi après tant de temps ?
Ça puait. Ça puait autant que pouvait puer cette petite merde de l'autre côté de la vitre.

Lorsque Ian coula un regard vers lui, Sylvester sentit sa mâchoire craquer. Il se demanda ce que devait ressentir le gamin à côté de lui, s'il se sentait dévasté par la même colère. Il se demandait si, si le mêlé tentait d'intervenir, de rentrer dans la salle pour tuer Harry, s'il essayerait de l'en empêcher ou s'il fermerait simplement les yeux devant le spectacle. Il était là pour encadrer l'interrogatoire, mais tout s'envolait désormais et c'était la vitre qu'il avait envie de décadrer. D'exploser pour faire avaler à Harry des éclats de verre.
De l'autre côté du verre, Carla se tourna vers eux, cherchant quelque chose dans son reflet sans le trouver. L'air perdu de celle qui ne comprenait pas tout, qui essayait d'analyser mais glissait sur les données. C'était une enfant, une toute petite enfant qu'on avait roulé dans la boue depuis toujours. Quelque chose se cassa un peu dans la poitrine de l'australien et il eut envie de péter la vitre une nouvelle fois, mais pour la prendre dans ses bras cette fois-là. Lui offrir la chaleur d'un père qui n'avait jamais été présent dans sa vie à elle. Combler les trous dans sa tête et dans sa chair.

J’ai aimé mon amie.
Elle a choisi d’autres par-dessus moi,
J’ai cessé de chercher des raisons,
Il n’y a rien d’autre à dire,
Ce poème se finit là, doux, comme il a commencé.
J’ai aimé Carla.
Elle a choisi d’autres par-dessus moi.

growing with the flow
i’ll never fall apart now,
I’m my own shelter my own support system my own fast car,
when i’ll hit the wall
the name on my lips will my mother’s.


Le garçon se sentait absolument tiraillé entre trois sentiments qui coexistaient avec une douloureuse tension. Lui rappeler pourquoi elle l’avait oublié ? Ç’aurait été cruel. Elle l’avait oublié pour une raison, et elle n’avait pas choisit que les mauvaises parties : les bonnes, aussi.
Enfin, les bonnes. Un frisson lui parcourut les jambes : les bonnes pour qui ? Pour lui, ç’avait été quelque chose. Mais pour elle, désormais, plus rien.
Une nouvelle rafale de solitude immense, si grande que Ian de l’autre côté de la vitre ferait un pas en arrière en se grandissant, comme pour aller chercher de l’air au dessus, un peu plus haut, là, surnageant dans la marée salée.
Et finalement, trifouillant dans ses intestins, l’envie d’être cruel, d’être exactement comme le monstre qu’on attendait de lui. Vriller ses prunelles dans celles de Carla et lui dire « tu es tombé amoureuse de moi et je t’ai violée ».

Il avait froid.

Il avait vraiment froid.

Vous mentez… il inclina la tête comme un chiot qui essaie de débrouiller les mots. Il le savait qu’elle ne s’en souvenait pas et maintenant il serait seul pour toujours et à jamais avec des souvenirs qui le rendraient probablement fou. Il noua ses doigts dans la fabrique de son haut. Tu mens ! Pourquoi aurais-je voulu qu'on efface ma mémoire ? Pourquoi j'aurais accepté ça, mais pas d'oublier les trous dans mon corps ? Il scruta les yeux de la jeune femme pendant un long moment sans prendre prise sur sa colère. Il était décontenancé autant qu’il se sentait de plus en plus assuré, cette confiance dans le ventre qui lui fit relever le menton. Ian en tremblerait dans un coin de l’autre côté de la vitre en jetant des coups d’oeil soucieux au gros rectangle carré avec lui. Il ferait de son mieux pour ne pas muter, déchirer la morte ; Sloane Carver resterait là à les laisser se dépiauter encore un peu. Ne pas briser le moment, laisser le lien se créer. Elle le sentait véritable et Carla pouvait dire ce qu’elle voulait : il était réel. Devrais-je vraiment te raconter ces souvenirs que tu as choisi d’oublier, Carla ? Il aurait voulu se noyer dedans. Aller la chercher au fond des enfers pour la ramener ; lui ne regarderait pas en arrière, il ne la perdrait pas.

Dans ce poème il n'y a pas,
La douceur de tes doigts l'effeuillage
de la peur
il y a comment tu pars
et ce qu'il reste de moi.

Il souffla. N’est-ce pas ? Contreproductif. Tu voulais garder une explication pour les balles je suppose. Pas pour le reste. Il se lécha les dents. Il avait gardé le dessin de vampire qu’elle avait créé, il aurait voulu en faire une boule et lui enfoncer sur le torse. Regarde ce que tu m’as laissé ! Mais il n’ajouta rien.

Elle ignorait tout de ce qui pouvait bien se passer de l'autre côté de la vitre, des pensées qui pouvaient virevolter dans l'esprit de Ian ou dans celui de Sylvester. Carla, la sans-pouvoir, celle qui ne saisissait pas les nuances, les détails, la magie. Son monde s'arrêtait au coin de cette pièce, à cet homme qu'elle ne reconnaissait pas, attablé dans cet interrogatoire, à cette femme qui disparaissait dans un pan de l'esprit de l'humaine. Cantonnée aux murs en béton et au grand miroir qui échouait à lui révéler le reste du monde, les regards pincés et les lèvres sévères de l'autre côté.
Cantonnée au narcissisme qui la caractérisait et qui, cette fois, la bouffait.

Le silence dura longtemps, un silence qui parut le fortifier lui alors qui l'anéantissait elle. Sans savoir pourquoi, sans comprendre d'où ça venait, l'image figée mais glorieuse d'un vampire aux dents aiguisées se traça dans ses pensées. Harry aspirait son énergie vitale pour la rediriger vers lui, arrachant tout ce qui pouvait bien la constituer. Le silence était meurtrier, dangereux, le reste du monde se restreignit une fois de plus pour se réduire uniquement à ces yeux cruels qui l'observaient et la vidaient. Elle aurait aimé briser ce silence, pouvoir l'arracher de ce moment, se sortir de l'horreur qu'elle ressentait et sur laquelle, pourtant, elle n'arrivait pas à mettre de mots. C'était lui de l'autre côté de barreaux, et pourtant c'était elle qui sentait une cage se refermer sur son crâne. Qui était-il ? Qui était-il pour ainsi l'écraser ?

– Devrais-je vraiment te raconter ces souvenirs que tu as choisi d'oublier, Carla ?

Ses lèvres frissonnèrent, mélange de peur et de dégoût alors qu'elle entrevoyait la possibilité qu'il dise la vérité. Alors c'était ça. Ils avaient vraiment couché ensemble, elle avait baisé avec l'ennemi, trahi Ian, Louis, le monde entier pour un sourire cruel. Avec violence elle se haït, elle haït la femme qu'elle avait été à ce moment, celle qui avait dit oui, qui l'avait laissé venir et avait accepté que le mal s'insère en elle. Peut-être encore plus fort qu'après le passage de Dorian, alors que son corps la dégoûtait et lui donnait envie d'en sortir pour toujours, cette fois-ci elle se détestait dans son entier, dans la moindre pensée, la moindre respiration.

– N'est-ce pas ? Contreproductif ? Tu voulais garder une explication pour les balles je suppose. Pas pour le reste.

Ressort, le monde se désengorgea pour retrouver sa taille normale et elle prit conscience de la présence de Ian, peut-être, de l'autre côté de la vitre. Se retournant, elle observa son reflet, son air défait, les yeux délavés, l'horreur qui avait couché avec le monstre de son plein gré. Pas de Ian dans le miroir, juste le vide absolu, encore et toujours, celui qui lui donnait froid la nuit dans le noir.
Et le plus terrible dans tout cela, savoir que quelque chose avait existé, quelque chose d'assez douloureux pour qu'elle souhaite l'effacer, d'asser terrible pour qu'elle ne veuille plus en garder la moindre trace. La moindre limite. Baissant les yeux sur ses mains, elle vit les mains qui étaient blanches et se rappela le rouge. Ce n'était pas celui de son ventre, ce n'était pas son sang qui sortait de ses entrailles. C'était une autre odeur.

– C'était ce jour dans le parc. J'avais les mains rouges, mais ce n'était pas du sang. C'était une odeur d'hôpital, quelque chose pour soigner, pas pour tuer. Et chez Luka… Les bandages sales et la trousse de pharmacie sur le canapé. C'était toi ? Tu étais venu pour que je t'aide ?

Ça n'avait aucun sens, pourquoi aurait-elle cherché à aider celui qui l'avait enlevée, qui l'avait blessée, qui avait cherché à faire du mal à son amie. L'avait-il une fois de plus menacée de son arme ? Mais alors pourquoi aurait-elle souhaité effacer tout cela ? Et pourquoi se serait-il tourné vers celle qui n'avait été qu'une cible, une cible qu'il avait apparemment mise dans son lit, mais rien de plus.

– C'était pas la première fois qu'on se revoyait…

Elle fouilla un peu plus profondément la vitre, cherchant le visage de Ian qui refusait toujours de lui apparaître, mais qui en revanche s'épanouissait dans sa mémoire.

– Le match de foot… Ian qui part après que j'aie pris de la drogue, mais… mais ça aurait pas dû le faire partir, juste ça c'était pas suffisant. C'était toi, encore une fois.

C'était comme si un fantôme l'avait suivi dans sa vie, des touches si claires, si disparates qu'elles se fendaient dans tout le reste.

– Et où encore, jusqu'où es-tu venu dans ma vie ? Chez Louis ? Dans mes cours ? Au cabinet de Newt ? Combien de fois, combien de temps, qu'est-ce que…

Les questions mourraient sur ses lèvres. C'était horrible de savoir qu'il avait été là sans savoir comment il avait été là. Et surtout, restait la question finale, celle à laquelle il n'avait pas voulu répondre.
Toujours dos à Harry, Carla ne voulait pas défier le regard cruel. Mais face à un miroir il n'y avait aucune échappatoire et le vert finit une fois de plus par la capturer, lui arrachant les mots qui la hantait.

– Jusqu'à où ça a pu aller pour que je préfère t'oublier ?

J’ai bien conscience de ne pas être en contrôle de la situation. De me sentir nulle, subitement à vrai dire, parce que j’ai créé un instant que je ne maitrise pas. J’ai de l’huile dans les mains et j’essaie de ne pas tâcher le sol. Je le tâche quand même, bien évidemment. Un vieux sentiment d’imposteur me roule dessus alors que je m’efface de la pièce comme si, comme si j’avais été Casper. J’aimerais m’imposer dire hey ho ! HÉ ! C’est MA SALLE MON PRISONNIER.

Mais je ravale mes mots. Paraît qu’il faut pas dire prisonnier. Je ne vois pourtant pas la différence.

Carla Lowett patauge complètement en eaux troubles, Harry Adelman semble enfant et vieillard à la fois, trop de non-dits.

– Jusqu'à où ça a pu aller pour que je préfère t'oublier ?

Je m’avance. Je sais que je prends facilement trop de place, trop d’arrogance, trop pimbêche pour eux ; rien à foutre. Elle avance sa main pour la placer sur Carla mais se ravise : on ne viole pas les souvenirs des gens, qu’ils l’aient voulu l’instant auparavant ou non et touche Harry au niveau de la nuque. Il rentre la tête dans les épaules sous le contact froid alors qu’elle gobe avidement ses parents, l’herbe très verte autour de maisons dans ce qui semble être un presque chez lui
un presque chez-lui
pas vraiment un chez-lui mais un presque chez lui,
Elle attrape les yeux ronds et clairs de son mentor, Al Hattal ; Carla sur un capo, le coeur du garçon à deux mille à l’heures, des jouets en bois qui fond un bruit mat et calmant, des constructions en kappla, le dinosaure de Toy Story à qui on pouvait faire sortir les yeux ;

L’autre.

— You’re the hiddenest person I know.
— That’s not even a word.
— That was a judgement.

Le sang qui s’en va de lui, blood blood blood blood blood, deux trois musiques en arrière plan, If there comes a day
Luka Grey, elle dit tout haut sans faire exprès, suivit de Sebastian le traitre.
People posted up at the end of your driveway et Carla sur le capot, son odeur, la piscine aussi.
They're callin' for your head and they're callin' for your name
I'll bomb down on 'em, I'm comin' through les dents du vampire, le dessin, son coeur qui bat à deux battements par minute au moins, au moins, au moins, l’art de se sentir coupé en deux, l’envie d’être apprécié mais le blond qui le sauve mais qui ne l’aime pas et l’autre qui presse ses lèvres contre les siennes,
Did they know I was grown with you?
If they're here to smoke, know I'll go with you le bas ventre en feu.
Just keep it outside, keep it outside, yeah la brèche ouverte par Carla, les plaies dans son corps.

amoureux, souffle Sam.



Je recule, haletante, Harry a fermé sa gueule durant l’intégralité de la chose ; je ne sais pas si il a senti quoi que ce soit. S’il m’a suivi, là-bas. Je sais qu’il protège un truc ou deux ou trois, des grands dômes très sombres entre lesquels j’ai pu slalomer mais bien, bien, bien joué à Carla d’avoir dégagé le reste des choses. Une prise pour le changer, trouver Croix, Al Hattal, modifier son passé.

— Merci, je dis à Carla. Vraiment, merci beaucoup. Je ne sais pas si c’est réversible, le don d’oblivion mais, je peux me renseigner si vous souhaitez retrouver ce que vous avez jeté.

Broken heart under the spell of broken fingers.
Just a vampire and a sad girl.
Dying the same way.

Spectateur de l'autre côté de la vitre, il ne se sentait plus à sa place. Il aurait fallu des millions d'autres vitres pour le séparer de tout ce qu'il ne comprenait pas, mais d'un autre côté, un instinct paternel qui le prenait de cours lui faisait souhaiter qu'il n'existe plus aucune vitre afin de pouvoir veiller sur Carla. Il se rappelait encore du regard qu'elle avait eu lorsqu'il avait débarqué chez Louis, quelques jours après l'attaque de l'orphelinat, alors qu'il l'avait trouvée à deux doigts d'avaler n'importe quoi, pour… pour… pour… pour espérer oublier ? Pour avoir moins mal ? Pour disparaître ?
Les yeux qui ne trouvaient que leur propre reflet de l'autre côté semblaient vouloir disparaître à nouveau.

– Jusqu'à où ça a pu aller pour que je préfère t'oublier ?

Sylvester crispa la mâchoire, n'osant pas regarder Ian à côté de lui, n'osant plus le regarder. Il avait beau ne pas porter l'exorciste dans son cœur, il n'avait pas envie de voir la peine qu'il pouvait imaginer ravager l'ami de Carla. La sienne était déjà assez lourde à porter. Il pensait à Louis, il pensait à Lily, il pensait à tous ces gens qui gravitaient ou avaient gravité autour de l'humaine, de toutes ces relations si intense qu'elle seule était capable de créer et qui prenaient des coups à chaque fois qu'elle souffrait. Douloureuse Carla, qui avait au bout du cœur le bonheur de tous les autres.

Ailleurs, si loin et pourtant si près, Sam s'approcha de Harry pour le toucher et Sylvester sut immédiatement qu'elle était en train de puiser en lui, de chercher toutes les informations qu'il pourrait bien lui donner. Sans vraiment qu'il comprenne pourquoi, ça le mit intensément en colère, non pas contre le mec assis sur sa chaise, mais entre celle qui de ses doigts étrangleurs retenait sa nuque. Il n'aimait pas qu'elle le vide ainsi. Pourquoi ?
Parce qu'elle avait utilisé Carla, et que ça ne lui plaisait pas. Pas du tout.
Il réalisa cela et souffla entre ses dents. Il avait envie de tout casser, encore et encore.

– Luka Grey… Sebastian le traître.

Rien ne vint briser le masque des traits de Carla qui, figée devant le miroir qui la séparait de la salle d'observation, cherchait toujours Ian des yeux. Les noms soufflés dans son dos ne la perturba nullement ; tout le monde savait déjà que Luka était liée à tout ça ; sans doute ne connaissait-elle pas Sebastian et n'en avait rien à faire de sa potentielle traîtrise.
Tout ce qui comptait désormais pour elle, c'était Ian.

– amoureux…

L'instant se cristallisa et Sylvester retint son souffle, s'attendant à voir quelque chose, n'importe quoi passer sur le visage qui se tenait en face de lui. Mais une fois de plus, rien ne vint. Carla était ailleurs, Carla était défaite. Harry n'était plus qu'un reflet et elle cherchait la vérité, celle que le miroir ne pouvait pas lui offrir.

Le contact derrière elle se rompit entre l'enquêtrice et le suspect – le coupable, Harry était forcément coupable – et Sam s'approcha de Carla pour la remercier.

– Merci. Vraiment, merci beaucoup. Je ne sais pas si c'est réversible, le don d'oblivion mais, je peux me renseigner si vous souhaitez retrouver ce que vous avez jeté.

Le regard de Carla s'effaca dans la vitre alors qu'elle se retournait pour regarder Sam. Ce que dirent ces yeux à cet instant, Sylvester ne le saurait jamais. Cet sensation là n'appartint qu'à Carver et au témoin de l'air de l'humain, celui qui lui avait tout volé, celui qui avait tout déchiré.
Puis les deux femmes sortirent de la pièce. Sylvester s'approcha immédiatement de Carla et, naturellement, posa une main immense sur une épaule qui lui avait toujours paru si frêle, mais qui bizarrement semblait capable de pouvoir en porter des milliers, des telles mains.

– Ça va ?
– Pourquoi ça n'irait pas ? J'ai tout oublié de toute façon.

Il y avait quelque chose de tendu dans sa voix qui le mit mal à l'aise et, alors qu'elle soutenait son regard, l'homme immense baissa les yeux, comme blessé en plein vol. Elle n'a pas besoin de toi, elle n'a pas besoin d'un père, elle n'a besoin de personne, sifflait une voix dans sa tête.
Pour se ressaisir, il se tourna vers l'agente Carver et lui fit signe de la suivre à l'extérieur de la pièce. Il ne vérifia même pas qu'elle le suivait, n'ayant aucun doute sur son autorité. Lorsque la porte se fut refermée sur la pièce et qu'ils se retrouvèrent seuls dans le couloir, il croisa ses bras sur son torse, toute contenance retrouvée et toisa Sam du regard.

– Alors c'est ainsi que Coc… Cormag te forme ? À utiliser des victimes pour extraire les pensées des suspects.

Coupable, Harry était un coupable, le mot suspect sonnait toujours aussi faux et pourtant Sylvester ne pouvait s'en défaire. S'il aimait le sang et la violence, il appréciait également les vrais procès et pas une torture psychologique entre quatre murs de béton.

– Si tu obtiens les informations voulues, alors tu es prête à sacrifier n'importe quoi en échange ? Jusqu'à où ça peut aller ? Au meurtre ? C'est leur méthode ça, j'ignorais que Berlin était descendu aussi bas.

Il secoua la tête et pinça ses lèvres. Berlin était pire que ce qu'il pensait.

De l'autre côté de la porte qu'il venait de refermer, trois personnes encore. Une image de l'autre côté d'une vitre vers laquelle Carla ne roulait aucun regard et puis eux deux, eux qui ne savaient plus ce qu'ils étaient l'un pour l'autre, eux qui n'avaient jamais su. Le miroir s'était brisé et les yeux de Ian avait été retrouvé, pourtant ce n'était pas les yeux de Ian, c'était des yeux qui désormais la détestait.

– J'ai tout foiré.

La pièce se troubla un instant avant que les paupières ne rétablissent des lignes claires.

– I'm sorry. We were friends and now I'm just a stranger to everyone, including myself.

I don’t think I’ll ever get over you
never passed you whatsoever
I’ll taste this pretty water, remembering when it used to be warm,
getting chills now in it,
purple lips.

I can bear the shakes of the ice but not stand them of losing you.

La jeune femme recule instinctivement alors que Sylvester fait un signe vers elle. Reluctante, elle avance prudemment à sa suite. Il exsude une force violente et primaire dont elle se méfie ; elle n’est pas stupide, ils ne sont pas du même camp. Mais elle déteste le conflit et, sans en mener large, elle se répète je ne suis pas impressionnable, je ne suis pas impressionnable, je ne suis pas impressionnable.
Mais elle l’est.

– Alors c'est ainsi que Coc… Cormag te forme ? À utiliser des victimes pour extraire les pensées des suspects.

Elle ouvre grand ses yeux très bleu, sans barrière face à Sylvester, sans armure, sans bouclier pour froncer les sourcils, jeter les mots par dessus l’épaule et oublier ça. Elle n’encaisse pas, elle déglutit pour avaler ses émotions. Je serais jamais pris au sérieux. Jamais, en fait. Il me tutoie, déjà, il se prend pour qui ? Mais ce n’est pas la colère qu’elle réussit à invoquer, juste un gloubi boulga d’émotions penaudes.

– Si tu obtiens les informations voulues, alors tu es prête à sacrifier n'importe quoi en échange ? Jusqu'à où ça peut aller ? Au meurtre ? C'est leur méthode ça, j'ignorais que Berlin était descendu aussi bas.

Elle pince ses lèvres dans une expression embêtée, elle n’a subitement que très peu de répartie. Face à Alec, elle se souvient avoir fait dix fois son âge, assurée et ivre, essayant d’attirer cet homme dont elle ne connaissait rien. Comme si ça avait été le but ; tordre les grandes valeurs morales d’Alec. La pensée lui réchauffe le coeur — l’homme est son humain préféré, et celui devant elle ne fait que renforcer ce sentiment. Il n’est pas un cromagnon prêt à tout écraser avec ses poings.
S’exhortant à un peu de courage, elle répond, relevant le menton :

— Le meurtre. Vous exagérez. Madame Lowett n’était en danger à aucun moment lors de cet échange. Vous parlez de sacrifice sans qu’aucune goutte de sang n’ait été versé, sans qu’on ne lui tienne rigueur d’aucun de ses actes.

D’avoir soigné un sorcier noir, assassin, criminel, meurtrier, par exemple. J’essaie de formuler ça du mieux que je peux, mon coeur bat de trac jusque dans mes oreilles qu’il fait bourdonner.[i] Elle se triture la peau des ongles, prend conscience de son corps et de ses gestes, essaie de laisser ses bras le long du corps, subit finalement cet étirement de jambes et de bras qu’elle semble être.

— Elle a décidé de le soigner, il est tombé amoureux d’elle. C’est assez progressiste je trouve de ne pas blâmer la victime. On fait au mieux.

Mais pourquoi est-ce que je me justifie ? Pourquoi est-ce que je me sens obligée, là, de paraître assurée alors qu’évidemment, évidemment que je ne le suis pas ! Est-ce que seulement il l’était à mon âge ?
Mais Ian Coley à ce moment là sort à notre suite, clairement en train de pleurer. Sans un mot il rabat une capuche sur sa tête et lâche :

— Later.

Pas besoin d’être empathe pour regarder le boulet de tristesse qu’il traine derrière lui.

Carla rerentre dans la pièce et je me sens juste écrasé par une tristesse qui me fait trembler le menton. J’essaie de couper l’empathie mais je ne sais pas qui je suis, noyé dans la colère de Sylvester, le désespoir d’Adelman et Carla, Carla, Carla, aux émotions froissées, grises, Carla, Carla, Carla. Je suis les échanges avec cette mélasse collée dans l’estomac, les lèvres entr’ouvertes comme pour laisser s’échapper des gaz du poison qui cocotte dans mes tripes. J’aimerais ne pas vivre ça ; un parfum d’irréparable flotte dans la pièce.

Il la regarde comme une reine.

Je rive mes prunelles à mes pieds en souhaitant une myriade de choses impossibles. Revenir en arrière, arrêter le temps pour rétropédaler tout ça, réparer ce que j’ai avec Carla, l’oublier, quelle égoïste, quelle égoïste, quelle égoïste, mais je n’ai jamais su être en colère contre elle.

– J'ai tout foiré.

Je la regarde face à moi, tout a changé, rien n’a changé, je ne sais plus. Je sais que je pleure, j’essuie d’un geste mou l’eau sur mon visage. J’ai trop de peine, tellement de peine que les mots n’y peuvent pas grand chose pour raconter tout ça. Elle a choisi d’oublier. De ne pas encaisser — comment l’en blâmer ? Un requin de colère navigue pourtant dans mes eaux troubles ; c’est pas parce que toi tu as oublié que le reste aussi, oublie. C’est pas parce que toi tu as oublié que ça efface quoi que ce soit.

J’aimerais lui dire non ; mais oui. Enfin. J’sais pas. Peut-être. Peut-être que c’est pas foiré, peut-être que c’est d’autres choix qui t’amèneront ailleurs, là où je ne suis pas. Parce que tu m’as pas choisi, meuf. Et t’entraines tout le monde dedans, si Sylvester est là c’est pas pour rien, Harry aussi, les yeux délavés de tout espoir, Louis, ou est Louis ?

– I'm sorry. We were friends and now I'm just a stranger to everyone, including myself.

Je fronce les sourcils, mes paupières s’abattent sur l’eau, de nouvelles gouttes suivent mes joues, se jettent. J’aimerais la prendre dans mes bras, je crève d’envie de la toucher comme un adicte voudrait sa dose, j’ai les doigts qui tremblent et le coeur à deux mille à l’heures. Je reste immobile, résolu mais dévasté.

— I love you.

Il y a bataille sur ma peau entre mes émotions et les siennes, j’ai peur qu’elle rerentre dans mes os alors je me depêche de dire.

— I don’t know who’s gonna walk you to the dark side of the morning but

J’me demande un instant si elle m’a juste un jour aimé pour moi, ou si elle voulait juste ne pas être seule, si elle m’a aimé moi ou si elle voulait juste être sauvée, si elle m’aimait moi où si elle voulait juste autre chose que du vide dans sa maison pleine de fissures.

— But it ain’t me.

Je quitte la pièce, j’ai l’estomac dans la gorge et mes résolutions aussi fines qu’une pastille sur la langue avant qu’on ne l’oublie.

— Later, je dis aux gens dehors.

Sylvester était conscient d'écraser Sam par sa hauteur, sa force, son âge. Il était également conscient que ce n'était pas juste, que si Louis avait été là il lui aurait probablement signalé que le XXIe siècle ne fonctionnait plus ainsi et qu'il n'avait pas à s'imposer avec ses gros muscles. Mais Louis n'était pas là – ce qui était d'ailleurs un autre problème, parce que désormais Carla était toute seule avec Ian – et l'australien n'en aurait de toute façon rien eu à faire. Il pouvait bien infantiliser cette gamine, puisqu'elle se posait elle-même dans cette position. À faire des bêtises, elle ne méritait pas plus de considération de sa part.

– Le meurtre. Vous exagérez – le vouvoiement alors que lui l'avait naturellement tutoyer de collègue à collègue ne lui échappa pas, mais il ne releva pas, gardant sa position de supériorité. Madame Lowett n'était en danger à aucun moment lors de cet échange. Vous parlez de sacrifice sans qu'aucune goutte de sang n'ait été versée, sans qu'on ne lui tienne rigueur d'aucun de ses actes.

Encore heureux, faillit-il grommeler. Aucun de ses actes ne tombait sous la juridiction d'Orpheo. De ce qu'ils en savaient, c'était une humaine qui avait couché avec un sorcier noir. Ce n'était déjà pas un crime pour un exorciste de l'organisation – et ils étaient bien plus nombreux qu'on ne pouvait l'imaginer, à se tapir dans l'ombre comme des idiots, allant parfois jusqu'à tomber amoureux –, alors pour une humaine innocente, ça tombait bien au-delà de leur radar. C'était pas à eux de se mêler de la vie sexuelle de Carla, du moment qu'elle ne balançait pas de secrets sur l'oreiller – ce dont elle serait bien incapable, Sylvester ne doutait pas que Louis gardait confidentiel ce qu'on lui demandait de garder confidentiel, il n'y avait qu'à voir le nombre d'année et d'administratif que le simple fait de lui parler de la magie avait pris.

– Elle a décidé de le soigner, il est tombé amoureux d'elle. C'est assez progressiste je trouve de ne pas blâmer la victime. On fait au mieux.

Il dut retenir de lui enfoncer dans le crâne un poing tout autant progressiste que ces mots. Cette gamine n'avait pas la moindre idée de tout ce à quoi elle avait assisté ou de la complexité des sentiments humains. Pas la moindre.

– Je croyais avoir lu dans ton dossier que tu étudiais la psychologie et que tu pouvais comprendre les gens. Si tu avais pris le temps de te pencher cinq secondes sur la personne que tu avais en face de toi et non des lignes dans un dossier, tu aurais peut-être appris que Carla – il insista sur le prénom, ce n'était pas juste un nom dénué de personnalité – a déjà vécu des choses compliquées qui l'ont poussées à la limite du suicide. Tu penses qu'elle le vit comment, à présent, le fait d'avoir oublié avoir couché avec cet homme ? Elle t'a prévenu qu'elle ne se rappelait de rien, mais tu ne l'as pas écoutée, tu lui a demandé d'entrer, tu l'as utilisée comme un animal de cirque pour qu'elle fasse son numéro. Et dans quel but, hein ? C'est quoi les info que tu as pu tirer de tout ça ?

Il mâcha sa colère et retint d'autres mots assassins alors que la porte s'ouvrait pour laisser apparaître un Ian en larmes, une capuche sur la tête et un couteau à la place du coeur.

– Later.

Sa silhouette fila dans les couloirs sous le regard impuissant de Sylvester. Lorsqu'il eut disparu, assez loin pour ne pas entendre la suite de la conversation, l'exorciste tourna de nouveau les yeux vers l'apprentie de Cormag. Ça n'aurait pas dû l'étonner, au fond, un tel comportement de celle qui avait tout appris sous le joug du directeur allemand. Il ne fallait pas espérer grand chose venant de lui, c'était juste dommage que la gamine n'ait pas fait de meilleures rencontres sur son chemin.

– Quand l'un des deux aura fait une connerie irréparable, je te laisserai l'annoncer à leurs amis.

Il avait dit ça froidement, un semblant de tristesse teintant cependant sa voix. Il n'avait pas envie de retrouver Louis ou, même, Luka et Ange avec qui ces deux-là étaient amis, morcelés par des nouvelles morbides. On ne savait jamais à quoi s'atteindre avec ces jeunes et Sylvester était bien incapable de dire à quel point ils pouvaient parfois être fragile, tout comme ils étaient capable de supporter des choses qui l'auraient lui fait plier à leur âge.
Trop compliqué pour son cerveau de quinquagénaire.

La porte s'ouvrit une fois de plus et ce fut Carla qui s'en échappa cette fois, le visage éteint, mais les yeux sec.

– Je rentre en Ecosse, j'ai cours demain.

Elle hésita, ajouta à l'intention de Sylvester :

– Ne me suis pas.

Puis disparu à la suite de Ian, sans vraiment pouvoir le rattraper un jour.

– Dis à Cormag qu'il aura mon rapport demain sur son bureau. Et occupe toi de remettre Adelman en cellule, ça au moins tu devrais en être capable.

Puis ce fut son tour de disparaître dans le couloir, une vague de paternalisme et de colère dans son sillage

Les doigts écrasés sur les cachets d'aspirine
J'ai voulu tout avaler
Les souvenirs et les soupirs
J'ai voulu tous les avaler
Et tout oublier.



C'était con les promesses de gamin. Les initiales gravées sur les arbres pour des éternités qui n'existeraient jamais, pour des mots qui tomberaient dans des oublis. C'était toujours les mêmes histoires, toujours les mêmes déceptions. Le temps passait et les gens changeaient, les souvenirs de la veille devenaient des tombes recouvertes de gravats qu'on oubliait de venir fleurir. Qui peut encore parler des mots quand tout le monde les a oubliés ?
Peut-être qu'ils auraient dû tous accepter longtemps auparavant qu'un jour leur amitié mourrait, que les vagues ne dessineraient plus que des ridules sur le sable, oubliant leur corps tombant des falaises, oubliant l'amour qui les écorchait vif, le besoin de liberté et des autres. Déchirure du passé qui les englobait tout entier pour les laisser mourir. C'était pas eux, les adolescents de Little Angleton. Eux étaient devenus deux adultes à la peau gravée qui brûlait. Eux n'étaient plus eux.

– I love you.

Et elle l'aimait aussi. Si fort que ça traversait le temps. Mais il fallait croire que ce n'était pas suffisant pour traverser tout le reste.

– I don't know who's gonna walk you to the dark side of the morning but

Ces mots formèrent un étau autour de la gorge de Carla, ils auraient pu la dévorer entièrement. Ne laisser que des os, que de la tristesse, que ce qui rôdait sous sa peau depuis toujours. Le mal noir qui la rongeait et que Ian avait toujours été là pour appaiser. Mais Ian ne serait plus là désormais.

– But it ain't me.

Ian ne serait plus là désormais et les larmes claquaient déjà sur ses joues, et la porte tombait derrière lui.
Ils avait été six à défier les vagues au-dessus de la falaise, six à se voir grandir et devenir des adultes. Hayley, Luka, Ange, Ian, Louis et elle. Six gosses que rien ne pouvait séparer, qui riaient des déchirures des grands, qui testaient la vie et la rongeait jusqu'à la corde parce qu'il fallait bien ça, pour se sentir vivant. Ils étaient six, puis ils avaient grandi. Luka était partie, puis Ange, puis Louis, puis Hayley. Ian était resté. Les autres étaient revenus, éparpillés, mais Carla n'oublierait jamais qu'à un moment ils étaient partis quand Ian était resté.
Mais cette fois-ci même Ian partait.

De l'autre côté de la vitre, l'homme était toujours là. Il ne lui semblait pas avoir vu l'agent Carter verrouiller la porte. Alors mue par des ailes brisées, Carla rouvrit l'endroit, rouvrit sa tête et sa souffrance pour la fixer droit dans les yeux.
La douleur était verte là où le monstre était bleu.
Allant jusqu'à la table en fer froid, elle posa ses mains à plat dessus, se penchant jusque vers Harry. Elle eut envie d'avoir un flingue entre les mains, une arme lourde pour tirer un coup dans chacun des yeux verts, pour que le regard prenne la teinte rouge de la mort. Elle ne se rappelait même pas avoir, un jour, été en mesure d'accomplir ça,a voir eu l'arme et l'homme en face d'elle qui lui proposait ouvertement de le buter. Elle ne se rappelait pas avoir refusé, lui avoir dit de vivre avec ses regrets parce que ça lui paraissait plus douloureux pour lui.
Désormais elle s'en fichait de sa douleur à lui, ne comptait plus que la sienne. Et celle de Ian.

– Je ne veux plus, jamais, te voir dans ma vie. Quoiqu'il ait pu se passer entre nous, quoique ton cerveau malade ait pu imaginer, t'es mort à mes yeux.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, pas le temps de reprendre une once de contenance au fond du brouillard de ses yeux. Elle retourna à l'entrée, franchit les portes qui la séparait de l'extérieur et, avec une impression de revenir des enfers, tomba nez à nez avec l'agent Carter et Sylvester qui n'avait pas l'air très heureux.

– Je rentre en Ecosse, j'ai cours demain.

Puis, parce qu'elle n'était pas sûr que le géant qui adorait Louis comme un fils la laisse s'échapper aussi facilement, elle ajouta :

– Ne me suis pas.

Les larmes écrasées au fond de sa gorge, elle n'était même plus capable de ressentir ses propres émotions. Mais elle n'avait aucune envie de s'étendre sur son sort, de se laisser dévorer par la tristesse ou envahir par l'obscurité. Assez d'attendre sur les autres pour venir la chercher. Sortant son téléphone en même temps qu'elle s'extirpait du bâtiment, elle tapa un court message pour un numéro qu'elle connaissait par cœur depuis de longues années.

I need you to train me. I need to kill someone.

Retrouver le matin pour ne plus jamais s'éteindre.