David était d'humeur plus qu'ombrageuse dans sa chambre du The Lonely Ghost. Son familier, qui était une lionne dorée d'Afrique, ne cessait d'observer ses longs va et vient. Le sorcier noir n'arrivait toujours pas à avaler la "trahison" de Namyon, à ses yeux du moins. Il tenait dans sa main une bouteille de whisky qu'il avait pu s'acheter vu qu'il avait vingt-trois ans. Portant la bouteille à ses lèvres légèrement pulpeuses, il avala le liquide qui réchauffa son estomac vide, et calma sa douleur intérieur.

*Tu devrais calmer la dose.
-Ne te glisses pas dans ma tête pour me faire la moral.*

Le sorcier noir avait laissé son esprit ouvert, c'était un télépathe avec les animaux. Son familier poussa un bas grondement et posa sa tête sur ses pattes sans plus rien dire alors que l'homme reprit une gorgée de son alcool. S'essuyant la bouche, il posa la bouteille et décida de sortir un coup prendre l'air. De toute manière vu l'heure en plein jour, la lionne ne pouvait pas sortir. Elle devait attendre la nuit sombre, quand personne ne la verrait. David ouvrit la fenêtre de sa chambre et sortit par celle-ci. Empruntant l'échelle de secours, il atterrit bientôt au sol en souplesse. Il portait un pull bleu foncé qui accentuait son teint mat et faisait ressortir son regard vert émeraude, son regard félin. Affublé d'un jean slim noir, il enfonça ses mains et se balança quelques secondes sur ses talons de baskets jusqu'à partir pour finir.

Il marcha encore droit, n'ayant pas encore assez bu pour marcher de travers, par contre, niveau haleine cela devait être catastrophique. Le sorcier noir marcha entre les rues, sans savoir où aller. Bientôt des enfants, trois pour être exacte, apparurent, courant tel des lapins. Bousculant le sorcier noir, ils filèrent alors que celui-ci jura en français. C'était un francophone, il était ici pour une mission, et rien d'autre. Reprenant sa marche, David se retrouva sur la place. Il retira les mains de ses poches et fit craquer sa nuque avec une certaine nonchalance. David reprit alors sa marche, plutôt rapide car le vent froid d'Écosse étant entrain de légèrement le dégriser. Se fut sans compter qu'une belle brune lui rentra dedans, et arriva les fesses sur le sol. Le sorcier se stoppa net, se massant le torse, car il avait eu mal et il grimaça.

"Vous pouvez pas faire attention non?! Bon sang!"

Il souffla bruyamment et attrapa la femme par le bras pour la remettre sur ses pieds. Elle semblait fatiguée, comme si...Comme si elle courrait derrière quelque chose? Le sorcier noir se souvint alors des trois gnomes, était-ce possible que...? C'était la mère de ses monstres? Elle semblait si jeune pourtant, encore une folle qui voulait une tribu comme famille. Tous des fous, qu'est-ce qu'ils avaient tous à aimer autant les nains de jardin? Non David n'aimait pas les enfants, et jamais de la vie il n'en aurait.

"Les gosses que j'ai vu...C'est les vôtres?"

Peut-être qu'il se trompait, de toute manière il avait bu, ce qui faisait légèrement tourner la tête. Au moins, il ne pensait plus à Namyon, sa délicieuse odeur, son visage d'ange. Il détailla sans s'en cacher la brune, elle n'était pas mal. Et puis, pourquoi pas s'amuser ailleurs pour oublier cette sale Namyon, membre de l'Ordre d'Orpheo au final? Il relâcha sa prise sur l'inconnue, ne sachant pas comment l'aborder pour dire vrai. Il devait faire quoi? En réalité, il ne voulait aucune compagnie, mais le destin était plus vicieux à ce sujet-là...

- Vous pouvez pas faire attention non?! Bon sang!

Nérys, un peu ahurie par sa chute, regarda le jeune homme sans bouger. Ce dernier soupira avant de l’attraper par le bras et de la relever. Il n’avait pas l’air de bonne humeur. Nérys s’excusa, confuse de ce qui venait d’arriver. Elle avait pourtant le sentiment que cet homme était de ceux qui ne se satisfont pas d’excuses. Oh ! C’était vraiment pas le moment !
Mais quand il reprit la parole, la jeune sorcière sentit son haleine. Ça puait l’alcool ! L’homme avait pourtant l’air sobre, quoique très peu courtois. Enfin, boire à cet heure-là... Serait-ce un alcoolique ? Si oui, son agressivité n’était pas surprenante.
Un autre détail attira l’attention de la jeune femme. Son accent laissait également penser qu’il n’était pas d’ici. Un étranger ? Un touriste ? Non, il n’en avait pas du tout l’allure.

- Les gosses que j'ai vu...C'est les vôtres?

- Quoi ? Vous les avez vu ?! s’exclama-t-elle en ouvrant de grands yeux, surprise. Elle voulut lui demander dans quelle direction ils s’étaient enfuis mais à l’heure qu’il était, ils devaient être loin et la Sous-Directrice n’était pas du tout prête à leur courir après de nouveau. Elle renonça donc et, prenant soudain conscience de la question du jeune homme, elle ne put s’empêcher de rire tant elle trouvait cela inattendu. Haha, non pas du tout, je ne suis pas leur mère. Mais je m’occupe d’eux. J’étais censé les surveiller mais...

Elle se tut, remarquant le regard appuyé de l’homme. Il la détaillait sans aucune discrétion. Son attitude lui fait instinctivement penser à celle d’un prédateur. Et il était vrai qu’il avait un charme un peu félin... Mais sur quel genre de type était-elle tombée encore ? Nérys songea un moment à comment lui fausser compagnie sans le froisser. Elle sentait qu’il valait mieux éviter de le contrarier. Elle n’imaginait pas à quel point elle avait raison. Comment aurait-elle réagi si elle avait su à cet instant que l’homme qui se tenait devant elle était un sorcier noir ?
Le vent froid souleva les cheveux de Nérys, la faisant frissonner. Elle était pourtant convenablement couverte et elle avait l’habitude du climat écossais. Elle en demeurait malgré tout frileuse. Ça avait tendance à exaspérer sa mère adoptive d'ailleurs.
Adoptant un ton innocent, elle reprit là où elle s'était arrêtée :

- ...mais ces garnements m’ont semé. Il faut que je les retrouve. Je m’excuse encore de vous avoir fait mal. Au revoir.

Elle salua l’homme d’un signe de tête et entreprit de partir sans tarder. Elle avait pourtant le pressentiment qu'il ne la lâcherait pas comme ça. Enfin, ce n'était peut-être qu'un pressentiment. Elle s'enfonça dans le flot de passants.

Cette femme semblait bête, terriblement bête, du moins, se fut c que pensa David. Elle le regardait comme si c'était le pape, non mais c'était quoi le problème des gens nom d'un chien? L'alcool le rendait chaud, triste mais aussi méchant selon son humeur de base. Il était de très mauvaise humeur, alors elle allait en baver. Soudain, la femme éclata de rire et David se sentit mousser de suite. Il y avait quoi de drôle encore? Elle se moquait de lui? Oula, cela allait mal terminer si cette femme se foutait de sa poire!

- Quoi ? Vous les avez vu ?! Haha, non pas du tout, je ne suis pas leur mère. Mais je m’occupe d’eux. J’étais censé les surveiller mais...

Et elle coupa sa phrase, elle avait eu un petit beug genre comme pour les appareils électroniques? David fronça les sourcils sans vraiment comprendre. Bon il la détaillait et alors? Il vit l'attitude de la jeune femme, elle semblait prendre mal quelque chose. Oh bon Dieu, il ne pouvait plus regarder quelqu'un sans passer pour un gros pervers? Apparemment pas, c'était interdit de regarder, les gens, tous des prudes au final! Mais elle était belle, excitante, enfin il n'irait pas jusque là non plus. Elle ne valait pas Namyon, non, elle était véritablement fade comparée à elle pour dire vrai.

"Mais quoi? Vous semblez préoccupée."

Il souffla bruyamment, sans se rendre compte que son haleine devait sûrement aller dire bonjour au visage de la jeune femme. Elle semblait craindre quelque chose, lui? Il ne l'avait même pas touché même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Elle était plus âgée que lui, ça, ça se voyait nettement. Mais qu'est qu'il en avait à cirer qu'elle était plus vieille que lui? Elle lui ferait oublier Namyon, tout simplement. Il serait même prêt à coucher avec cette femme, bon, elle ne riait pas là car elle recula. Soudain, la petite partie de jambes en l'air qu'il imaginait s'éloignait pas à pas avec cette jeune femme qui fuyait. Super, une lâche! Il avait vraiment le chic des fois...

- ...mais ces garnements m’ont semé. Il faut que je les retrouve. Je m’excuse encore de vous avoir fait mal. Au revoir.

Et elle fila telle une pauvre vierge terrifiée. David grogna, les doigts brûlants, c'était signe que sa télékinésie agissait. De toute manière, il voyait tellement mal à cause de l'alcool qu'il doutait de pouvoir soulever quelque chose avec sa télékinésie. Pourtant, assommer deux-trois misérables humains lui ferait un bien fou, terrible même. Le sorcier noir se mit à marcher vivement, et rattrapa la femme sans vraiment se fatiguer. De toute manière l'alcool lui donnait l'impression d'avoir gagner des ailes. Sauf qu'il risquait de s'écraser comme une mouche. Il empoigna fermement le bras de la brune et alla lui souffla aux creux de l'oreille des mots pas rose.

"T'enfuies pas chérie. T'as peur?"

David fit un sourire mauvais, son truc, ce n'était pas de violer les femmes. Mais avec un peu d'alcool, voir plutôt beaucoup, on devient tout et n'importe quoi. Le sorcier noir caressa lentement la joue de Nérys, ses prunelles claires brillant d'un feu mauvais. Non, il n'allait pas coucher avec elle, peut-être autre chose, mais quoi? Aucune idée pour dire vrai, il verrait bien en temps voulu. Il ne savait pas quoi faire de cette femme, autant occuper son temps, et elle allait faire amplement l'affaire.

"Tu te tires, je te transforme en feu de camps. J'ai été clair? Pourquoi tu coures derrière des enfants si ce ne sont pas les tiens, hein?"

Elle était censée les surveiller, et David la voyait mal professeur. Hors, il y avait un orphelinat tout prêt, c'était forcement ça, non? Décidément, l'alcool le rendait intelligent en plus de lui affirmer encore plus ses défauts énormes. Il pouvait aussi se tromper, cela ne serait pas la première fois. Mais son petit doigt lui disait que si cette femme courait derrière des enfants c'était pour une excellente raison. Il ne manquerait plus que ce maudit orphelinat soit au courant qu'il soit dans le coin, ceci pourrait expliquer cela. Il était loin de se douter qu'il n'était pas le seul sorcier noir ici, et que ce n'était pas lui qui créait une polémique mais une autre sorcière. A la bonne heure!

Nérys n’avait pas eu le temps de faire trois pas qu’elle fut rattrapée par l’inconnu. En même temps, ce n’était pas dur ; elle avait repris sa marche sans vraiment se presser. En fait, elle n’avait pas voulu courir pour éviter de lui donner une raison de se lancer à sa poursuite. Mais cela n’avait finalement rien changé. Sans doute ne comptait-il pas la lâcher dès le début. Ah !... Elle était encore tombée sur quelqu’un de pas net. L’homme saisit fermement son bras et s’approcha d’elle pour lui souffler, sans lui épargner l’odeur de l’alcool :

- T'enfuies pas chérie. T'as peur ?

Non, la jeune femme n’avait absolument pas peur. Si besoin, elle créerait une illusion assez convaincante pour lui permettre de filer. Mais évidemment, elle ne savait pas qu’elle avait affaire à un sorcier noir. Elle ne voyait qu’un homme ivre et incontrôlable. Qui n’avait apparemment pas l’intention de la laisser partir. Enfin, si le bonhomme croyait qu’elle se laisserait faire, il se trompait lourdement et allait le découvrir bien assez tôt.
On lisait clairement dans ses yeux une malveillance sans borne. Il caressa sa joue. Allons bon ! Il voulait la violer ou quoi ? C’était bien sa veine. Little Angleton était pourtant une ville assez tranquille d’ordinaire. Je ne dis pas qu’il n’y avait aucun délinquant ni aucun alcoolo. Mais les agressions étaient plutôt rares. Pendant un court instant, Nérys s’imagina comment aller réagir John en apprenant ça. Il était très protecteur mais la nécessité de garder leur liaison secrète l’obligeait à garder ses distances. Et puis après tout, la jeune sorcière savait se défendre.
Étrangement d’ailleurs, Nérys restait de marbre. Malgré l’haleine insupportable, elle soutenait le regard de l’inconnu avec assurance, sans trembler. Elle avait appris à toujours garder son sang-froid. Elle était en outre d’une nature plutôt calme. Plutôt que de s’énerver contre ce rustre, elle réfléchissait. Dans son état, il serait facile de le provoquer...

- Tu te tires, je te transforme en feu de camps. J'ai été clair ? Pourquoi tu coures derrière des enfants si ce ne sont pas les tiens, hein ?

Elle le fixa sans sourciller. Il la menaçait ? Mauvaise idée... Elle eut soudain terriblement envie de lui assener une gifle dont il se souviendrait. Mais elle ne jugeait pas très judicieux d’ouvrir les hostilités. D’autant que la violence n’engendre que la violence. Et venant d’un homme complètement embrouillé par l’alcool, ça risquait de faire mal. Mais si celui-ci s'avisait de la toucher, il pouvait être sûr qu'elle répliquerait comme il faut...
En effet, la Sous-Directrice ne comptait pas se laisser impressionner par cette bête-là. D’abord parce qu’elle avait vu bien pire ; ensuite parce qu’elle n’était certainement pas une femme soumise. Elle était effectivement plutôt du genre à se faire respecter des hommes. Alors pensez, un ivrogne ! Et scandaleusement jeune en plus. Une occasion rêvée de mettre une bonne correction à un mec. Surtout que c’était lui qui avait commencé. Nérys ignorait ce qu’il espérait d’elle, mais il ne serait pas déçu en tous cas !
Elle eut alors un sourire imperceptible et répliqua d’un ton moqueur :

- Apprends que si tu veux passer du temps avec une femme, vaut mieux lui parler autrement. Tes menaces ne m’effraient absolument pas. Et si ce que tu veux c’est jouer, alors ça tombe bien, je suis très joueuse.

Maintenant que c’était lancé, la jeune femme ne comptait plus fuir. Elle se planta face à l’homme avec détermination et le regarda d’un air provocateur. S’il cherchait une victime timide, idiote, terrifiée ou obéissante, il allait bien comprendre qu’il s’était trompée de cible. Nérys restait cependant sur ses gardes ; les personnes saoules sont toujours imprévisibles...

David avait la nette impression qu'il n'était pas tombé sur madame tout le monde. Son air, et puis, cette histoire de courir derrière des enfants. Il était le seul à trouver cela bizarre? Probablement, il était des fois bien bizarre quand il s'y mettait. Il cherchait des raisons pour n'importe quoi, sorcier noir ne voulait pas dire bête non plus. Il avait fait des études, et c'était avéré intelligent, dans la moyenne aussi, ce n'était pas Einstein. Le sorcier noir lâcha lentement la jeune femme, elle n'irait pas loin, il ferait tout pour. Même s'il se doutait qu'elle était étrange, il était bien loin de se douter que c'était une sorcière du Mystery Orphage.

- Apprends que si tu veux passer du temps avec une femme, vaut mieux lui parler autrement. Tes menaces ne m’effraient absolument pas. Et si ce que tu veux c’est jouer, alors ça tombe bien, je suis très joueuse.

Qu'est-ce qu'elles avaient toutes à penser que dès qu'il buvait, il allait les violer? Elles devaient être fan de ça, pas possible autrement. David tentait de réfléchir, mais dur dur quand vous voyez le paradis proche de vous et que le sol semble fait de pudding. Plus il tentait de réfléchir, et plus sa tête devenait lourde, insupportable. Il déglutit lentement, cherchant ses mots qu'il ne trouvait pas du tout. Il vit alors le regard déterminé que la femme lançait, alors quoi? Elle allait lui taper dessus? A la bonne heure! Se faire taper par une femme, il avait vraiment gagné la loterie lui. David grogna, mécontent de cette constatation et fronça les sourcils. Il la voyait flou, mais ne s'approcha pas plus, il avait déjà son odeur trop proche à son goût.

"Tu es joueuse hein? Tu n'as pas répondu à ma question. Ses enfants...Qui sont-ils? Je suis ivre mais pas bête, je te déconseille de me prendre de haut."

Il n'en avait rien à cirer qu'elle veuille jouer. Lui, il était entrain de chercher pourquoi une femme de cet âge courait derrière des gnomes. Sa théorie tenait la route, et pis, pourquoi refusait-elle de répondre? Parce qu'elle les protégeait de toute évidence, un sourire mauvais naquit sur les lèvres de David. Il était convaincu d'avoir juste, encore fallait-il trouver ses nains de jardin et après? Après rien, il ne savait pas du tout quoi en faire pour dire vrai. C'était le vide dans sa tête, finalement, il serait mieux assis. Le sorcier vit une fontaine et s'en approcha, s'asseyant sur le rebord, il s'était éloigné de la femme mais l'observait toujours d'un drôle d'air. David aurait dû se faire tout petit, prendre ses cliques et ses claques et partir sans demander son reste. Mais mauvaise nouvelle, ce n'était pas du tout son style de faire ça. Il adorait plutôt titiller le poisson qui dormait sous un rocher pour voir s'il mordrait ou pas.

"Ne me fais pas passer pour plus fou que je ne le suis déjà ma jolie. Que fait une si belle femme ici, dans ce trou à rat hein?"

Il tentait de la coincer, de lui faire dire qu'elle n'avait pas sa place ici et qu'elle n'était ici que pour une seule bonne raison...David avait envie de se mesurer à un sorcier du camp adverse, quitte à en perdre un doigt. Mais il se sentait d'humeur très bagarreuse et sa victime était là, sous son nez. Il comptait donc bien titiller quelqu'un, même si celle-ci aurait sans doute l'avantage. C'était fou ça, quand il voulait se bagarrer, il avait toujours bu. C'était presque injuste aurait-il dit, mais qu'est-ce qu'il en avait à cirer de la justice? Rien du tout, et pis, il n'allait pas se plaindre s'il perdait, du moment qu'il pourrissait la journée de quelqu'un il se sentait très heureux.

(Pas de souci Nérys^^)

Nérys pensa qu’elle s’était finalement trompée sur le compte de cet homme. Son haleine empestait l’alcool, certes, mais elle avait cru qu’il était encore un minimum sobre. A son air hagard et à son silence difficile, il avait l’air au contraire bel et bien ivre. Sans doute ne s’en rendait-il pas compte lui-même. Enfin, il tenait encore sur ses jambes malgré tout.
Au grand étonnement de la sorcière, l’homme la lâcha et ne s’approcha pas plus d’elle. Cela ne voulait pas dire qu’il la laissait filer, évidemment. Il sembla chercher ses mots pendant un moment et fronça les sourcils. Il eut vraiment l’air déconnecté de la réalité l’espace de quelques secondes. Nérys le regardait maintenant avec perplexité. Il grogna méchamment avant de riposter :

- Tu es joueuse hein ? Tu n'as pas répondu à ma question. Ses enfants... Qui sont-ils ? Je suis ivre mais pas bête, je te déconseille de me prendre de haut.

Bon, il était tout de même un peu lucide, ce qui n’était pas forcément une bonne nouvelle. Il avait visiblement bien compris que si elle courait après des enfants, ce n’était pas pour rien. De quoi se doutait-il ? La Sous-Directrice se fit plus méfiante. Cet homme était-il vraiment un humain ordinaire ? La présence de l’orphelinat à quelques kilomètres à peine n’était un secret pour personne dans ce petit bourg écossais. Et si cet inconnu avait deviné que les fuyards étaient des orphelins du Mystery ? Peut-être en savait-il plus qu’il n’y paraissait. Nérys se rendait à présent compte de l’erreur que ça avait été de dire que ces enfants n’étaient pas les siens...
Le sourire sinistre que son interlocuteur afficha ne pouvait qu’encourager la jeune femme à faire preuve de prudence. Mais Nérys garda toutefois son masque d’assurance et de détermination pour lui tenir tête. Et, un peu soudainement, l’homme s’éloigna. Il était allé s’asseoir sur le bord de la fontaine qui ornait la place du village. Il ne l’avait pas quittée des yeux. Son expression était indéchiffrable. Nérys, quant à elle, resta où elle était. Inutile de provoquer cet homme outre mesure en s’approchant davantage maintenant que lui s’était éloigné...
La distance mise entre eux ne l’empêcha pas de reprendre la parole :

- Ne me fais pas passer pour plus fou que je ne le suis déjà ma jolie. Que fait une si belle femme ici, dans ce trou à rat hein ?

Manifestement, il n’était pas décidé à lâcher le morceau. Essayait-il de lui faire avouer des choses ? Nérys n’en était pas sûre mais peut-être soupçonnait-il son identité. Elle retint un soupir. Fallait croire que c’était pas sa journée. Dire que la dernière fois qu’elle était descendue en ville, elle était aussi tombée sur une sorcière noire. Et pas n’importe laquelle : Natasha, la mère de Luka, qui n’avait d’autre objectif que d’attirer sa fille à ses côtés.
Nérys espérait pourtant que cet ivrogne n’était pas un sorcier. Elle n’avait pas particulièrement envie de se battre. Pourtant, s’il engageait la bataille, elle n’aurait pas d’autre choix. Vu l’état de l’adversaire, elle aurait sans doute l’avantage. Le pauvre avait du mal à tenir debout apparemment.
Pesant soigneusement ses mots, elle répliqua calmement, sans bouger, un sourire léger aux lèvres :

- Je te dirais bien que je suis en lune de miel, mais tu ne me croirais pas. Dis-moi plutôt, pourquoi venir noyer ses malheurs dans ce « trou à rats » ? Ce n’est certainement pas le meilleur endroit pour se consoler.

La jeune sorcière essayait de détourner la conversation. Elle aurait bien aimé en savoir plus sur ce mystérieux inconnu, histoire de savoir à quoi s’en tenir. Tant qu’elle restait dans l’ignorance, pas question de dévoiler quoi que ce soit à propos des enfants. Elle gardait donc volontairement le silence sur ce sujet. Elle aurait pu sortir un joli mensonge du genre : « Je suis leur gouvernante et leurs parents me tueront si je ne les retrouve pas ». Mais un truc pareil était peu crédible et elle sentait que l’homme ne s’y laisserait pas prendre.
Pour se souler à cette heure-là, elle avait supposé que ce mec n’était pas un fêtard mais plutôt un alcoolique. Et on n’abusait rarement de la bouteille pour rien. Il devait avoir quelques tristesses, remords ou colères à faire passer. Enfin, vu son humeur, il y avait peu de chances que l’homme se confie à elle.

Alcoolique, heureusement que David n'était pas télépathe pour entendre ce que pensait la femme sur lui. Un alcoolique était quelqu'un qui buvait régulièrement, le sorcier ne se considérait pas comme cela. Il noyait ses chagrins, de temps en temps, dans l'alcool. La dernière fois qu'il avait pris une cuite c'était à la mort de ses parents et il avait frôlé le coma idyllique. Là, c'était la faute de Namyon, elle le rendait fou, et cela, il ne le supportait pas. Il ne supportait pas d'être ainsi le pantin de quelqu'un sans pouvoir faire quoi que se soit à cette situation, ni même la changer. Il aurait voulu pouvoir oublier cette petite sorcière d'Orpheo, mais alors, il n'aurait pas besoin de boire pour cela. Il fronça les sourcils en voyant la femme sourire. Elle était belle, mais affreusement antipathique. Tout son être lui hurlait de la défoncer avant qu'elle n'ait eu le temps de le faire avant.

Il ne le ferait pas, il avait compris que sa vue était assez mauvaise pour qu'il rate son coup. Il s'était ridiculisé une fois avec Joshua, il n'était pas du tout prêt à recommencer. Il apprenait vite et retenait très bien ses leçons. L'idée de toucher un humain ne le terrifiait pas plus que cela. C'était l'idée d'alerter des grands sorciers qui l'inquiétaient légèrement dirons-nous. Que ferait-il seul, face à une horde de sorciers bien formés? Il se ferait ratatiner en moins de deux pour le dire. Son maître lui avait dit de rester sage, et lui à la place, il faisait du remous. Il n'aimait pas être sage, son maître aurait dû s'en douter, visiblement non. Encore un vieux qui mourra bientôt, David ne l'aimait pas, il n'allait donc pas pleurer ce vieux sorcier noir.

- Je te dirais bien que je suis en lune de miel, mais tu ne me croirais pas. Dis-moi plutôt, pourquoi venir noyer ses malheurs dans ce « trou à rats » ? Ce n’est certainement pas le meilleur endroit pour se consoler.

Et voila qu'elle tentait de le psychanalyser. Il avait toujours haï les psy, encore plus ceux qui tentaient de faire pareil alors qu'ils n'avaient pas la formation pour. Elle ne pourrait pas cerner son esprit, à moins qu'elle soit télépathe et encore. Il avait pris soin d'ériger d'excellentes barrières mentales, on n'était jamais trop prudent. Le sorcier éclata d'un rire sombre, il était véritablement amusé. Qui serait l'homme assez fou pour épouser ce genre de femme? Peut-être qu'elle avait de l'argent? Ceci expliquerait cela en effet, alors. Mais il ne comptait pas l'épouser, rien de ce qu'il pensait ne tenait la route trente secondes. Il s'en rendait compte, mais cela l'amusait plus que l'effrayait. Devrait-il avoir peur parce qu'il avait tellement bu qu'il ne se souvenait de rien? Complètement, profondément débile. Aucune raison d'avoir peur, la peur était hors de lui avec l'alcool.

"En lune de miel? Ca doit vraiment être marqué crétin en grosses lettres sur mon front, hein?"

David fit un sourire mauvais alors qu'il se leva. Il fit une sorte de mouvements de balancier avant de réussir à se stabiliser. Posant sa main sur son front, il tenta de réfléchir trente secondes de manière cohérente. Mais il n'y arrivait pas, les choses s'enchaînaient dans son esprit sans vraiment prendre une teinte réelle, ni prendre quoi que se soit de cohérent pour tout avouer. Il allait vite oublier que tout ne tournait pas rond. Bientôt il croirait que tout cela serait normal. David se stoppa net devant la femme, il tituba quelques secondes, fermant les yeux, son envie de vomir se dissipa et il ouvrit les yeux pour toiser la femme de plus près. Elle était belle, mais cela énervait le sorcier noir que cela ne soit pas Namyon.

"N'essayes pas de me psychanalyser. Tu crois que je te vois pas venir? Avec ton petit orphelinat...Tu devrais surveiller tes arrières."

Information lâchée, alors, qu'allait-il faire maintenant? Il avait bien envie d'aller chercher lui-même ses enfants. Juste pour voir s'il les tuerait, vous savez, juste pour embêter le monde. David s'arrêta à quelques millimètres de la femme et lui souffla au visage, volontairement, son haleine fétide. Il éclata d'un rire sombre et observa la place dans un intérêt soudain. Allait-elle comprendre que bientôt un nouveau jeu commencerait? Celui qui trouverait en premier les enfants. L'un jouant la mort, et l'autre la vie. Cela allait être un jeu fabuleux, n'est-ce pas? Peut-être bien que non, mais ma fois, lui, il voulait faire souffrir les autres pour oublier sa propre souffrance.