Je suis mort. Il est presque six heures du matin, j'ai passé les trois dernières heures à chasser un fantôme particulièrement tenace. Faites le calcul, voyez les heures, et constatez que ce n'est pas humain. Donc je suis mort. Même si je vis toujours. Correction, je survis, actuellement. Avec les fonctions primaires en mode économie d'énergie et un radar anti-obstacle défectueux. Obtenu en solde à une brocante dans un village d'Éthiopie. Me demandez pas comment ils ont fait pour obtenir un radar, mais vu le prix, ça en dit long sur les capacités du radar en question. En fait, je pense que si j'étais actuellement aveugle, ça ne changerait pas grand chose.
Mais temps qu'à faire, je préfère avoir la vue, et marcher au radar éthiopien.
Bref. Tout ça pour dire qu'en bon mort, mes sens ne sont plus ce qu'ils ont l'habitude d'être. Mais je marche droit! Attendez, si en étant fatigué je ne marchais pas droit, il me resterait quoi pour quand je suis saoul? Je n'aime pas l'alcool certes, mais comme on dit, tout peut arriver. Mais je veillerai à ce que ce soit dans un endroit vide. Désert. Sans témoins. Ouais, surtout sans témoins.
Je veux dormir, le peux d'heures qu'il me reste avant de devoir me lever. Logique. Dormir avant de se lever.
Hrm bref, oubliez. Un mort-mais-vivant ne pense pas forcément de façon cohérente.
Méchants fantômes qui ne prennent jamais de RTT, ni de vacances, ne font pas grève et surtout, qui ne dorment pas. Quand on a l'éternité devant soit, on devrait en profiter pour dormir. Quoiqu'en fait, ils n'ont pas vraiment l'éternité. Puisque la planète est supposée disparaitre dans plusieurs milliards d'années... C'est pas une excuse! Ils pourront se faire du soucis sur le dernier million. Mais d'ici là, ils ont le temps de dormir la nuit.
Pourquoi je ne me téléporte pas? Parce que je sens que ça va m'échapper. Alors j'attends d'être près de mon appartement pour le faire.
Je jure que si je croise un fantôme sur le peu de chemin qu'il reste jusqu'à mon appartement, je fais mes valises direct. Et je pars m'exiler en Alaska. Avec les caribous. Je ne sais pas si ils vivent là bas, mais au pire je passerai en chercher pour coloniser l'Alaska. Faut pas croire, avec leurs cornes, je suis persuadé qu'ils seront très bons pour dominer le monde. Oui, à six heures du matin, je complote pour dominer le monde. Faut bien un truc pour me maintenir éveillé, sinon je m'endormirais avant d'arriver chez moi. Et mon lit ne serait pas content du tout. Se brouiller avec son lit, ce n'est vraiment pas une bonne idée. On est entièrement dépendant de lui quand on dort. Dans d'autres situations aussi, mais je ne les développerai pas ici.
Ah, j'arrive au deuxième étage. Je peux arrêter de dériver et jeter l'ancre. Ouais nan. Vu la tête de la phrase précédente, en fait je n'ai pas fini de dériver. Vivement que je dorme.
Qu'est-ce que... Ian? Pourquoi il est devant ma porte à six heures du matin?

- Ian, tu m'expliques ce que tu fais?

Je suis sûr qu'il m'aurait expliqué si un seau d'eau ne lui était pas tombé sur la tête et si il n'était pas tombé. Pourquoi est-ce qu'il y a avait un seau d'eau au dessus de ma porte? Oui ça fait beaucoup de pourquoi, mais faut pas trop m'en demander là. Attendons que la liaison entre mes neurones se fasse. Celui qui a dit qu'il n'y en avait pas se fera égorger. Plus tard.
Ah, en fait, je suis celui qui était censé se prendre le seau hein? Raté Ian. Ça me fait légèrement sourire. J'aurais surement réagi autrement si je n'avais pas été complètement crevé.
J'entends un râlement d'une source inconnue. Et je percute seulement maintenant qu'en fait, ça fait un sacré bruit depuis deux minutes. Devinez à qui on va en vouloir après hein? A croire que c'est pas moi le prof. Pas de commentaire je vous prie.
Une deuxième fois, il y a des voix.
Bon. J'aimerais éviter l'incident diplomatique avec mes collègues. Alors on va discuter ailleurs que dans le couloir. J'ouvre la porte de mon appartement et y fait entrer Ian avant de refermer derrière moi. Puis j'allume la lumière.
C'est bien, mes meubles sont toujours en place, et rien n'a fait la fête pendant mon absence, tout est clean. Allez, avouez que vous étiez tous morts de trouille de pas me voir revenir. Je suis touché par votre affection.
Bien, Ian, faut qu'on discute.

- Maintenant tu peux t'expliquer je pense.

Ce n'est pas dit méchamment. J'aimerais juste savoir pourquoi on retarde mes retrouvailles avec mon lit.

Franchement. Je suis. Crevé. Au point d'en hacher mes phrases mentalement. Et sans hachoir. Ou de les sabrer. J'adore ce verbe. Aucun rapport avec ma profession, bien entendu. Allez, je dors debout mais on va faire en sorte de montrer le contraire.
Je suis en pleine forme!
C'était convaincant? Faudra vous en contenter. Ça sera le crash dans le lit tout à l'heure. Pour le moment pas le droit.

- Baah ... C'est à dire que logiquement, le seau aurait dû atterrir sur votre tête, mais m'étant souvenu que vous n'utiliseriez pas la porte, j'ai voulu l'enlever...

Et comment il sait que je n'utilise pas la porte habituellement? Je n'ai même pas envie de savoir pourquoi il l'a mis devant ma porte plutôt qu'une autre. Je lui demanderai le jour où je me sentirai persécuté. Pour le moment ce n'est pas le cas. Et comme c'est moi le prof, je pense qu'il se sentira persécuté avant que l'inverse ne se produise. Les élèves disent tous ça. On disait tous ça.
Et maintenant que je suis de l'autre côté de la barrière... Je ne dirai rien. Secret professionnel. Envoyez un chèque et on en rediscutera. Pour en revenir à cette histoire de porte, je ne sais même pas pourquoi j'avais mes clés sur moi. Parce qu'habituellement, comme je n'utilise pas la porte, je ne prends pas mes clés. Avant de ricaner, dites vous que ça m'évite de les perdre. Et maintenant, c'est moi qui peut rire. Allez, combien de fois avez vous dû faire appel au serrurier dans votre vie, hein? Le pire ça doit surement d'être coincé devant sa porte en hiver. Savoir que derrière le panneau de bois/métal/plastique il fait chaud pendant que dehors il fait froid. Fallait être téléporteur.
Bref.

- Pourquoi tu pensais que je n'utiliserais pas la porte?

Quoi, j'ai le droit d'être curieux même à six heures du matin. Après une mission de plusieurs heures. Contre un fantôme sans cœur. Parce que sinon, il ne serait pas sorti à cette heure là. Méchant spectre, très méchant. Il fait froid dehors en Écosse à cette époque. T'aurais pu... Hanter une maison chauffée mais sans habitants non? Ou même, hanter ce que tu veux du moment qu'il n'y avait pas d'humains innocents à côté. Y'a une ferme pas loin! Je suis sûr que faire peur aux poule doit être très amusant.
Mais à mon avis, il pense que le cri de l'humain en détresse est plus amusant à l'oreille que celui du poulet en détresse. Et ils pensent pratiquement tous ça. Forcément, sinon on serait au chômage.
Enfin, c'était pas une raison!
Bon, que faire de Ian? Il va retourner sagement dans son dortoir si je le laisse filer? J'ai comme un doute. Après tout, il est sorti du même dortoir pour venir jusqu'ici.
Traduction: je vais aller avaler une tasse de café. Question de survie.
Je ne bois jamais de café pour des raisons plus qu'évidentes habituellement. Et puis le thé c'est meilleur. Mais je parlerai de mes goûts en boisson plus tard. Donc, je ne bois jamais de café, mais là on va faire une exception. Parce que sinon je peux aussi bien aller m'achever maintenant. Ian met de l'eau sur le sol, mais franchement pour le moment je m'en fiche pas mal. Je nettoierai plus tard. C'est que de l'eau après tout. Je mets en marche la machine à café. On se reparle dans cinq minutes toi et moi, la machine.

- Tu veux quelque chose à boire?

Oui à six heures du matin. Mais est-ce qu'on peut arrêter de pointer du doigt chacune de mes actions oui? Y'a d'autres choses plus intéressantes à faire. Genre... Faire un câlin à un panda. C'est mignon un panda. C'est plein de poils, c'est tout doux, c'est blanc et noir, ça mange du bambou, ça a de la force, ça peut vous arracher la tête d'un coup de patte, c'est pas forcément très commode.
Ok. Pas le panda, j'ai compris. Le petit panda alors? Non pas le bébé du panda. D'ailleurs ça s'appelle comment ça, un pandon? Pando? Pandou? Pandain? ... Reprenons. Allez faire un câlin au petit panda, le panda roux je crois que ça s'appelle aussi. Il me semble que Ren sait se transformer en bestiole comme ça.
Moralité, allez faire un câlin à Ren et laissez moi tranquille. Voilà.
Bref. Laissons la machine à café travailler en paix. Y'a un truc dont je voudrais m'assurer...

- Tu comptes faire quoi en sortant d'ici?

Si il me réponds qu'il compte aller faire du bruit plus loin dans le couloir, ça risque de ne pas aller. Enfin, je dis ça, mais dans dix secondes j'aurai changé d'avis.

- Euuh... Vous êtes téléporteur ? Donc, vous vous téléporter de l'autre côté de la porte, au lieu de l'ouvrir, non ?

Sauf que ça, c'est ma logique. Enfin, j'accepte. La téléportation, ça sert effectivement à ça. Entres autres. Allez, à force que je les listes, vous devez commencer à connaitre nan? Contrôle à la fin du mois. Révisez bien.
Ok, ok, laissez ma déformation professionnelle en paix. Elle aussi est fatiguée.

- Un café, merci.

Parfait. T'as entendu la machine? T'as du boulot. Ouais je sais, c'est tyrannique de te faire bosser à cette heure. Tu m'en vois désolé. Je conçois tout à fait que la nuit soit faite pour dormir. Quoi qu'il y a d'autres activités intéressantes à faire de nuit... Non je ne détaillerai pas, et non la chasse aux fantômes n'en fait absolument pas partie. Pas que ça soit inintéressant -même si on emploie un autre sens de intéressant-, mais pas à cinq, six heures du matin.

- Mmm ... Si j'avais était sec et que ma petit blague aurait marché, j'aurais sans doute réveillé le troisième étage, puis le premier. Mais là ... Euh ... non. Je me douche. Je dors. Je me relève. Je vais en cours. Et ... Bon, ok, et après si je ne vais pas rouler, je cherche ma prochaine connerie....
- T'es conscient qu'au premier il y a la directrice?

Et tous les bébés. Vous savez, les petits machins caisses de résonance qui hurlent toujours plus fort sans jamais s'en lasser.
Je dis ça, je dis rien. Au moins, il n'a pas prévu de réveiller le deuxième prochainement. Tant mieux, je pense que certains profs ne sont vraiment pas commodes au réveil. Et non je ne parle pas de moi. Comment est-ce que je pourrais tenter d'assassiner un élève sans pouvoir mettre un pied devant l'autre correctement, hein?
Toute façon, y'en faut plus que ça pour me tirer du lit. Enfin, sauf quand c'est mon réveil. Il doit avoir quelques techniques obscures pour réussir à me réveiller. Parce qu'il ne rate jamais. Sauf quand j'oublie de l'allumer. Faut bien lui montrer qui commande de temps en temps.En fait, tous les réveils ont des pouvoirs. Ils portent bien leur nom, à toujours réussir leur tâche. Sérieusement, en plus ils n'ont peur de rien. Combien de réveils sont morts pendant l'exercice de leur fonction hein? C'est le loto tous les matins "il va m'exploser, ou il va pas m'exploser?". Et leurs plus grands ennemis sont les sourds. Bah oui, là ils peuvent toujours brailler.

- Faute avouée à moitié pardonnée ? Ainsi que faute ratée, à moitié pardonnée ?

Et la moitié plus la moitié ça fait un entier. Moralité, pardonné entièrement.

- Moitié plus moitié ça fait un entier. T'es pardonné complètement.

Ma logique me sidère. Surtout à cette heure. Non, je ne fais pas une fixation sur l'heure. Bon... Peut être que si... Je demande l'avis du public, est-ce que je fais une fixation sur l'heure? Ah, le public dit oui. Bon bah oui, je fais une fixation sur l'heure. Et sur mon lit aussi.
La machine m'a l'air d'avoir presque fini son job. Je retourne mon attention sur Ian. Le pauvre est vraiment mouillé. Et en plus il s'est pris un seau sur la tête. Je ris légèrement à la tête qu'il tire. Pauvre Ian. Tiens d'ailleurs, je peux peut être faire quelque chose pour lui.

- Je reviens.

Et hop direction la salle de bain pour choper une serviette propre. J'aurais pu me téléporter, mais tout à l'heure je n'avais déjà pas tout à fait confiance en mon don. Ça n'a pas changé depuis. Il serait capable de me téléporter n'importe où. Aux cachots, comme dans une chambre. Et j'ai pas envie de me faire bouffer, ni par les fantômes des cachots, ni par le/la propriétaire de la chambre. Y'en a qu'un qui a le droit de me manger là maintenant, c'est mon lit. Parce que son estomac, c'est entre le matelas et les couettes, ce qui me convient tout à fait. En plus c'est très confortable. Y'en a pas beaucoup qui traitent ce qu'ils mangent comme le fait un lit. Ne le niez pas. Quand vous mangez de la salade, elle a déjà fait les deux guerres mondiales plus un bout des manifestations de Mai 68 en France avant d'arriver dans votre estomac. Où elle est encore moins bien traitée.
Tout ça pour dire que le lit, c'est un gentil et qu'il ne nous veut que du bien. Bref. J'attrape une serviette toute simple dans la salle de bain et reviens vers mon point de départ. Puis je tends l'objet à Ian avec un sourire:

- Tiens.

Bon, la machine là. Elle a finit son travail. C'est bien, vas dormir maintenant. Pour ma part j'ouvre le placard, attrape deux tasses et le referme. Hors de question qu'il fasse des siennes à cette heure. Je sais que je me cognerai dedans plus tard dans la journée, ça me suffit. Je remplis les deux tasses et me tourne à nouveau vers l'adolescent:

- Sers toi.

J'y pense trois ans après -mieux vaut tard que jamais, mais j'ai une excuse!-, il n'a pas parlé de "rouler" tout à l'heure? Rouler, je veux bien, mais rouler avec quoi?

- Je me demandais... T'entendais quoi par "rouler", y'a deux minutes?

J'avale une gorgée de café. Mauvaise idée. La brûlure que le liquide laisse sur son passage dans ma gorge ne me dis rien qui vaille. J'ai mal à la gorge. Pas qu'à la gorge en fait. Ce qui m'attend au réveil tout à l'heure, c'est courbatures, bleus, diverses coupures... J'ai pas été vérifier l'étendue des dégâts. Et donc, ça c'est rien. Ce qui est dérangeant c'est la gorge. Je vais me payer un de ces rhumes... Et ça sera entièrement la faute du fantôme qui m'a fait trainer dehors à des heures pas possible. T'entends le spectre? Retournes toi dans ta tombe. En te cognant. Comme ça t'auras une migraine pendant que j'aurai le nez qui coule. Chacun son truc.

- Mmm .... Vélo freestyle. Quelques sauts à la rampe, et du VTT un peu plus poussé... Du dirt.

Passons sur le fait que je n'ai pas compris à quoi se réfère le dernier mot. Pour le reste, ça me dit quelque chose. Alors Ian pratique ce sport? Intéressant. Vraiment. Mon esprit de prof travaille encore à cette heure. Et il cherche des exercices pour tirer profit de ses capacités à vélo et les appliquer au sabre. Ne riez pas, je suis sérieux. La déformation professionnelle est forte dans ce métier.
Ian disparait dans un tas de vêtements. Je hausse un sourcil en posant ma tasse. Il a tenté une téléportation sans embarquer ses vêtements là? Est-ce que c'est seulement possible d'ailleurs... J'essaierai quand j'aurais rien à faire.
Ah, ça bouge au milieu du tas. Attendez, on me l'a déjà faite celle là. Y'a un animal là dedans. Je ne rigole pas, ce ne sont pas les vêtements qui sont hantés -j'ai eu ma dose de fantômes-, mais une bête qui se cache au milieu. Ren a déjà fait le coup plusieurs fois. Ces métamorphes je vous jure.
L'animal a l'air d'avoir bien du mal à sortir de sa prison. Parions sur ce que ça peut être... Voyons voir, pas une belette. Y'en a qu'un qui doit pouvoir faire ça. Un oiseau? Nan ça s'agiterait pas comme ça. Un hérisson! Ouais nan pas avec les pics. Un chien? Peut être. Si c'est encore un chat... Y'a que ça ici, des chats. Des chats, des chats, des chats et encore des chats.
J'adore les chats. Mais là, je soupçonne l'invasion féline pour avoir le monopole des rats des cachots et de la pêche en Écosse. Après ils entreront en guerre avec les pingouins du Pôle Nord parce que eux aussi veulent du poisson.
Et là le Japon entrera en guerre avec eux. Parce que le Japon sans poisson c'est pas possible. Et comme le Japon sera en guerre, ils vont nous rapatrier là bas. Sauf que je veux pas y retourner maintenant moi. Donc il va falloir stopper l'invasion féline tout de suite.
... Un chat sort des vêtements. Commencez les provisions de poisson.
Mais au moins, c'est un vrai chat. Je veux dire, un chat taille normal. Pas un léopard démesuré par exemple. Un chat bien coloré aussi d'ailleurs. Il est six heures du matin. J'ai failli me prendre un seau d'eau sur la tête. Je n'ai pas encore dormi. Et y'a un métamorphe dans mon appartement qui joue avec ses pouvoirs. A part ça tout va bien. Tant qu'il ne se transforme pas en vache.
Le chat me saute dessus. Réflexe, je l'attrape. Parce que quand on me saute dessus comme ça, c'est pour un câlin non? Un chat-câliniste! J'adopte. Et j'irai narguer Ren avec.
Ou pas.
J'ai un chat dans les bras. Il ferai une peluche parfaite pour aller dormir là, je vous jure. Je ris légèrement avant d'envoyer à Ian-le-chat:

- Ça te prend souvent?

Il va se prendre un surnom dans la tête lui. Mais alors lequel...? Boule de poil, c'est déjà pris. Le chat aussi. Chaton idem. Moustache, Peluche, Grosminet, tous ceux là sont occupés. Par la même personne d'ailleurs. Et non, Chaton c'est pas louche du tout. Les corrompus, on en a déjà discuté. Chaton c'est tout à fait innocent. En tout cas sur Ren. Si c'était sur elle par exemple, ça ne le serait plus. Qui est elle? Devinez tous seuls. J'aime bien ce nom de code. Comme en plus à cette heure je risque de penser des trucs plus ou moins louches... Voire carrément suspects. Qu'est-ce que vous faites encore debout à cette heure hein? Allez dormir.
Ça pourrait vous éviter des traumatismes.
Vous êtes prévenus.
J'attrape le chat par la peau du cou -arrêtez, ça lui fait pas mal- et le pose sur le meuble à côté de moi.

- Et tu comptes faire quoi maintenant le chat?

Pour ma part, je vais continuer à me droguer au café en surveillant la bête du coin de l'oeil.

Je fixe le chat. Le chat me fixe. Entre nous se dresse la pauvre tasse de café. Qui ne se sent vraiment pas à sa place. Et si je ne la tenais pas fermement, elle serait en train de trembler en envoyant du liquide partout. Pauvre chose. Je m'attends presque à ce que l'animal ait de nouveau un élan-d'affection-soudain-et-incontrôlable. EASI. Et si on met un y à la place du i, ça fait easy. Parce que céder à cette impulsion c'est simple. Et que faire un câlin ça ne mange pas de pain.
Je suis doublement fier de moi. J'ai fait une rime. Et en plus, une super pub pour le câlin à six heures du matin. Je m'aime très fort. A tel point que je m'embrasserais bien là maintenant.
Je déconne. Mais j'avais prévenu.
De toute façon, désolé Take vieux frère, mais c'est pas de toi que je le veux le bisou. Oui je le veux de l'illustre inconnue pas si inconnue que ça à laquelle il faudrait que j'arrête de penser parce que ça devient suspect. Au point que ma ponctuation se barre. Voyez, si on vous donnait ça à analyser en cours de langue -aucun rapport avec l'histoire du bisou-, vous pourriez dire qu'on voit le trouble du personnage grâce au manque de ponctuation. Et après, vous rédigez trois lignes sur ce qui peut causer son trouble et à quel point ça le trouble et comment il est troublé d'être troublé, -le tout est qu'on retrouve le mot clé inséré ici quatre fois- et c'est dans la poche.
Bref.
Ce n'était en aucun cas un résumé de ma situation intérieure vis à vis de cette histoire. Du tout. Oh regardez, le chat descend du meuble! Focalisons notre attention dessus, il va se passer un truc. Surement plus intéressant que de spéculer sur l'état intérieur du mec en manque de sommeil. J'vous jure. Je sais dans quel état il est, et c'est pas intéressant. Parce qu'il ne sait pas tout à fait pourquoi il y est. Ou alors il fait semblant de pas le savoir et il ne veut pas me dire la vérité.
On a là un sérieux cas de personnalités multiples. Le manque de sommeil tue. Le manque de sommeil nuit à la santé. Le manque de sommeil vous ronge le cerveau. Le manque de sommeil déprime votre lit. Le manque de sommeil fait des morts. Parmi vos neurones.
Je suis inspiré pour me lancer dans le marketing en ce moment c'est fou.
Revenons en au chat. Qui se transforme en chat plus gros. Un jaguar. Y'a un jaguar dans mon appartement. Mais... Mais rendez vous compte! Y'a un jaguar dans mon appart', alors que j'y ai pas encore fait entrer... Hrm. Enfin, en fait c'est pas grave. Le chat-câliniste, c'est super aussi. J'adore, j'adhère, j'adopte, allez hop!
Promis, j'arrête avec les slogans.
Jusqu'à ce que j'en trouve un nouveau. Mais chut, vous ne devez pas le savoir.
Le chat grogne. Je lui grognerais bien quelque chose en retour, mais je suis pas motivé pour imiter le félin.

- Un problème le chat?

Je lui souris pour montrer que ce n'est qu'un jeu. Je ne sais pas ce qu'il essaie de dire avec ses grognements. Peut être rien, et c'est juste pour faire du bruit. C'est marrant des fois, de faire du bruit pour rien. Je vous jure. A commencer par chanter sous la douche. Ah ça, celui qui dit qu'il ne l'a jamais fait, c'est un grand menteur. Ou un muet. Doit y avoir un truc quand on passe sous la douche qui fait qu'on a envie de chanter. Déjà le pommeau de douche qui ressemble à s'y méprendre à un micro muté aux particules nucléaires -parce qu'ils sont tous originaires de Tchernobyl, oui-. Et ensuite, on a plein de spectateurs. La buée, les gouttes d'eau, les divers savons/gels douche/shampooings, le carrelage -il est mélomane, même si on dirait pas- et tous les autres. Flemme de les citer.
Le chat pousse encore un grognement. Eh bah moi je pose ma tasse. Nah.
Je vais vraiment aller rejoindre Morphée et son copain le Marchand de Sable. Oui ils sont en couple. Et ça dépend de vos croyances après, mais pour moi Morphée est un homme et il est gay. Fin de l'histoire.
On se regarde encore avec le jaguar. Ça me donne des idées. Non pas le genre d'idées auxquelles vous pensez, les pervers. Un jaguar en plus quoi... C'est pourtant clair que je réserve ces pensées détournées à une seule personne. Mais arrêtez de me détourner de mon fil de pensée principal! Je disais donc, j'ai une idée à cause de M.Chat. Je sais pas, il m'inspire. Je lui envoie un sourire, puis lui bondis presque dessus, sans prévenir. Juste pour le renverser au sol. Gentiment bien sûr, c'est juste parce que j'ai envie de me chamailler avec un jaguar dans mon appart' à six heures du matin.
Doit y avoir un truc dans le café.

- Ça miaule mais ça ne se défend pas beaucoup.

Je frotte sa tête, lui tire la langue puis me redresse sur mes genoux. J'ai senti un bon tiraillement dans mon dos, ça va vraiment faire mal tout à l'heure. Mais rien à faire! J'ai encore de l'énergie, je suis fier de moi.

Le chat m'écrase sa patte dans la figure. Moi aussi je peux lui écraser la main dans le visage si je veux d'abord! Mais je ne le ferai pas. Il retire rapidement sa patte d'ailleurs, et je lui souris. Mouais, c'est un chat flemmard ça. Vu l'heure en même temps.
Il se transforme en loup. Un chien! Un vrai chien avec quatre pattes et une queue et qui fait ouaf ouaf. Enfin, je l'ai pas entendu aboyer mais je suppose qu'il peut le faire. Mais dis, l'animal, qu'est-ce que tu fiche à mêler deux camps comme ça? Canin ou félin, choisis donc. Sinon, le jour où les chats lanceront leur politique de contrôle de la pêche, tu ne sauras plus quoi faire. Parce que les chiens iront mettre en œuvre l'esclavagisme des vaches. Et des moutons. Et des chèvres. Et des poules.
Quoi que non, pas des poules. J'aime plus les poules, je viens de le décider. Même que j'aime plus les œufs non plus. Nan je les boude. Ils sont trop nombreux pour que ça soit normal. C'est comme les fourmis. Y'en a trop! Et en plus, le œufs, ces égoïstes, ils sont hyper nombreux mais y'a toujours des problèmes de faim dans le monde. Donc voilà. J'aime plus les œufs. Et j'aime plus les poules.
Et puis... Beuh mais c'est quoi ça? Je viens de me prendre la plus grosse léchouille canine de toute ma vie. Il a même éclaté le record de mon chien au Japon, c'est pour dire. J'vais m'essuyer le visage sur tes poils, sac à puce câliniste. Tu peux rien refuser à un membre de ta secte.
L'animal se tourne sur le dos en fixant le plafond. Il est beau mon plafond, qu'est-ce que tu lui reproches? Bref. Pendant qu'il est par terre, j'attrape un truc pour m'essuyer le visage. Bave de chien sur le visage. Ne pas oublier que le chien question est un élève. D'ailleurs je l'ai en sabre. Ouais, j'enseigne le sabre à tous et à toutes sans distinction de race! Sauf pour les poules. Mais y'a pas de problème, elle ne peuvent pas tenir un sabre. C'est de l'enseignement international basé en Écosse dans un trou paumé. Pour être sûr que toute la planète y vienne. Et ça marche! Regardez, j'y suis et je suis japonais. Et toc.
Qu'est-ce que je fiche encore éveillé, honnêtement? Je pourrais rejoindre mon lit. Peut être espérer rêver de certaine personne -l'oubli de pluriel n'est pas un oubli-. En fait, maintenant que j'y pense, ça risque vraiment d'arriver. Nan je ne vous dirai pas ce qu'il s'y passe. Et puis quoi encore hein? On a pas tondu les moutons ensemble que je sache. C'est pas la bonne expression? ... C'est l'heure. Je tente un nouveau coup marketing, c'est pour ça. Ça a marché, la preuve, vous avez réagi. C'est ce qu'ils cherchent tous à produire, dans leurs campagnes de pub. Je peux changer de métier si je veux. Mais je veux pas. Je suis très bien ici.
Que fait l'animal? Il se relève et se transforme. En cheval cette fois. Beh ouais. Un jaguar, un loup, un cheval, et zou tous dans mon appart'! Je vais finir par être démoralisé. Pour la même raison qu'avec le jaguar tout à l'heure. Je pourrais juste me téléporter dans l'appartement de...
Pas de téléportation, j'oubliais. Parce qu'en plus, en voulant viser le bon appartement, je sais que je vais atterrir ailleurs. Hrm. On me prive de ma téléportation, j'aime pas ça du tout. Comment ça ça me permets d'agir comme une personne normale? Mais une personne normale n'aurait pas un jaguar/cheval/loup dans son appartement. Je suis donc en droit d'agir comme je veux. D'abord.
Ian me fixe. Ok, et je dis quoi?

- Tu peux pas sauter sur les gens avec cette forme.

Voilà, j'ai parlé. Amen.
Ok, le café n'a servi strictement à rien. Si ce n'est à me faire penser plus d'inepties que d'habitude. J'vais faire une connerie. Là maintenant. Parce que j'ai envie. Je me téléporte en visant mentalement le canapé. Et comme c'est un coup calculé à l'avance au degré près à coup de cosinus et de théorème Pythagore -en résumé, parce que je suis prof-, j'atterris sur le dos du cheval. Ce qui était le but à la base. le canapé, c'était une diversion.
Qui a dit qu'en vérité j'espérais atterrir dans un certain appartement? Menteur. C'est même pas vrai. J'y ai pas pensé une seule seconde.
Je mens, et je finirai en enfer avec tous les menteurs de la planète oui je sais.
Enfin en attendant je suis sur le dos du cheval. Assis de côté histoire de pouvoir rejoindre le sol en moins de 2.156 secondes au cas où y'en aurait besoin.

- Voyons voir... Chat, jaquar, loup, cheval, reste deux formes que tu n'as pas encore montrées.

J'étouffe un bâillement avec la main. Je suis crevé.

- Je suis crevé...

Au point de répéter ce que je pense à voix haute juste après l'avoir pensé. Ian, je t'adore très fort. C'est pour cette raison que je vais aller rejoindre mon lit avant qu'il ne se lève avec ses grandes dents pour venir voir ce qui m'empêche de le rejoindre. C'est un lieu de trêve ici. Et en temps que partisan de la paix, j'évite les bagarres.
Ses vêtements sont toujours par terre. Je soulève le tas avec la télékinésie -qui marche encore remarquablement bien à cette heure-. Puis je glisse au sol, et envoie les vêtement se poser sur son dos.

- Tu peux aller te changer dans la salle de bain si tu veux. La porte est restée entrouverte.