Rien n'avait changé. Il était toujours le même, le QG. Les enseignes de la boîte de strip-tease, elles seules, donnaient un peu de gaieté à la ruelle au ton triste. Il faut dire qu'il pleuvait à seau. Je pouvais percevoir le grésillement des néons qui ne cessaient de clignoter et faisaient briller le Dark Phoenix dans cette rue de Sarzeau, une commune française. J'hésitais à entrer. J'y avais vécu tellement de choses parfois si horribles, et d'autres tellement réconfortantes... Je me tenais là, sur le trottoir fatigué de devoir toujours attendre des ordres, d'obéir. Pourtant, je ferais mieux de m'y résoudre. C'est la seule option que j'ai, et que j'aurais toute ma vie... Le long de cette rue se trouvaient de rares magasins pourtant bien fréquentés. Des boutiques en tout genre. La pluie ne m'épargnait pas. J'étais trempé. L'eau glissait à présent sur mes cheveux roux, perlant sur mon visage. Je me décidai d'entrer. La boîte de strip tease battait son plein. En même temps, en y allant aux alentours de une heure du matin, je savais à quoi m'attendre. Je pus rentrer non sans difficulté, à cause du videur. Il finit par me laisser entrer en voyant ma carte. Il nous avait toujours été conseillé d'aller au QG la nuit, lorsque la boîte était remplie. Nous pouvions ainsi nous fondre dans la masse et y entrer en toute discrétion. Le milieu de la nuit ne me plaisait guère. En fait, j'y avais été habitué depuis petit et cela m'écœurait. Comment pouvait-on prendre plaisir à venir voir des femmes esclaves de leur patron tenter de gagner leur vie par tous les moyens?
Je me faufilai jusqu'au fond malgré certaines altercations. Je parvins à la porte en un rien de temps. Vérifiant que personne ne me surveillait, ne me voyait, je pénétrai dans le QG.
J'entrai dans une vaste vaste pièce. Je ne me rappelais pas d'un endroit aussi vaste. Tout était calme. Une longue allée s'offrait à moi. Je voulais retourner dans la pièce des esclaves, retourner aux sources en quelques sortes. Je traversai l'allée et me retrouvai au bout de cinq longues minutes de marche dans cette pièce qui m'était familière.La même. Rien n'avait bougé. Dans le coin droit de la pièce principale, se trouvait toujours les derniers objets que nous avions laissés avant de partir pour nos missions respectives. Il n'y avait personne. Je marchai jusqu'à ces objets. Je m'accroupis et y jetai un œil. Il y avait une photo, un bandeau, et le sol était jonché de plusieurs marques faites par nous, par ma famille et moi. Nostalgique, je m'assied contre le mur et ramassai la photo. On m'avait élevé de façon à ce que je n'éprouve aucun sentiment humain. Ils ont loupé leur but.
Sur le dos de la photo étaient inscrits deux noms. Jace & Jonas. Je ne reconnaissais par l'écriture. La photo en elle même était vieillie par le temps et froissée à quelques endroits. Néanmoins, nous pouvions toujours les reconnaitre. Où étaient ils maintenant ? Je persistais à penser qu'ils étaient toujours là, à nous accompagner. Je posai ma tête contre le mur. Ils arboraient ce sourire qui leur était propre. Derrière ma tête, je sentis un creux dans le mur. Vestige de ce jour. Celui durant lequel nous avions été informés de leur disparition. L'un de nous, perdu, désorienté s'était emparé du seul meuble qui trainait par là et l'avait balancé contre le mur, laissant une marque. Il ne se passait pas un jour sans que je ne pense à chaque personne de ma famille. Et surtout à eux... Peut être étaient ils là, veillant sur nous, pour nous éviter de faire ces erreurs qui leurs avaient été fatales...