Une nuit pluvieuse tombe sur Moscou, couvrant d'un manteau humide le Kremlin et les passants encapuchonnés. Je contemple les rues se vider précipitamment. Il est trop tard pour le temps, il faut rejoindre la femme, le mari, les enfants, les chats. L'heure de la fin du travail vient de sonner et pourtant il ne fait pas bon de rester un peu dehors. Le froid m'arrache quelques frissons imperceptible, comme un amant glacial et bienvenu. J'entends les bruits de ceux qui rentrent chez eux, téléphone à l'oreille, accompagnés d'un collègue, d'une amie, ou râlant contre on ne sait qui, on ne sait quoi. Ils me semblent dérisoire, ces innocents, pour la plupart. On pourrait les balayer d'un coup, sans y faire attention. Et là, dans un recoins, protégés par l'obscurité, nous l'attendons. J'ai la patience de ceux qui ne connaissent pas l'impatience. On ne m'a pas appris à désirer plus. On m'a appris à attendre calmement, sans précipitation, pour une réussite certaine. C'est pourquoi je pourrais sourire face à la remarque agacée de Dorian Cross. Pour autant, l'homme reste stoïque, parfait dans sa mission, dangereux et mortel.

Je vérifie mentalement mon équipement. Ma tenue sombre me camoufle bien et je pourrais le faire discrètement, mais bouger est toujours un risque. Elle me colle comme une seconde peau. Et l'air qui remplit mes poumons a une odeur particulièrement, comme le calme avant la tempête, l'électricité avant l'orage. C'est pour cette flagrance que je respire chaque jour, mon élément. Mon poignard et ma stèle à runes sont bien là. Mon desert eagle se tient sagement, chargé, dans son hoslter. Mes munitions ne me manqueront pas. Je n'ai jamais senti être différente d'une arme et je suis à présent tout autant mortelle. Il suffira d'un instant, seulement un instant. L'homme est trop confiant. Ils ne pensent pas à une attaque, pas là, pas à Moscou. Quels imbéciles ! La voix du chef de Croix résonne comme une sentence de mort. Je suis prête à le faire passer de vie à trépas, cet homme qui n'a plus que quelques respirations devant lui, lui qui devrait pourtant être au dessus du lot. Peut-on si facilement descendre les grands ? Oui...

- Donnez moi votre main s'il vous plait.

J'attrape lestement ma stèle. Je lui laisse le temps de la tendre et la prend délicatement, avec sa permission. Je n'aurai pu le faire sans, et sans que ma tête soit arrachée par la suite. De ma stèle, je trace une rune qui s'inscrit sur sa peau, dans une légère douleur que je suppose. Mais ainsi, grâce à mon pouvoir que j'insuffle dans le dessin, la magie coulera plus facilement, plus efficacement que si cela avait été fait par quelqu'un d'autre, avec au mieux du sang, au pire de la craie. Les runes sont fragiles et à manier avec intelligence, pas à la portée du premier venu. Je les connais, les apprécie, les créé, les lie. La rune tracée ici est une rune de puissance. Je dessine la même sur ma propre main. Elle nous permettra de sentir la puissance de l'autre, de savoir si tout va bien et de puiser en l'autre si jamais besoin est. Et même si cela devient nécessaire, je ne me permettrai pas de puiser en lui. Ce n'est que dans un sens pour moi. C'est une rune de mon invention, douce et entrelacée.

- Si vous avez un soucis, puisez en elle.

Pour moi, c'est d'une logique implacable, d'une simplicité naturelle. Mais cela n'est pas pour tout un chacun. C'est ma réalité. Quelques secondes s'écoulent encore et je sors mon arme de point, enlève la sécurité et arme. L'homme ne devrait pas tarder...

Le mot que prononce l'homme puissant résonne dans l'air comme un étonnement de plus. Je ne sais quoi penser de cela : les sorciers noirs sont rares à dire merci. Nous n'avons pas le même rang, et ce non au sein d'une hiérarchie organisationnelle, mais au sein de celle de la nature. Il s'agit de voir que nous ne sommes pas seulement différent par essence, mais bien qu'une espèce a su dominer l'autre. Et ce constat n'a rien d'effroyable. Les humains innocents se demandent-ils si le chien qu'ils éduquent doit avoir la même place au sein de leur famille que le bambin joufflu qu'ils ont mis au monde ? Pour eux, cela n'a pas de sens. Pour moi, cela n'empêche pas pas l'affection. De l'un, comme de l'autre, tant que tout le monde est à sa place. Et cette compréhension du monde par cette vie que j'ai menée, certains ont osé me dire qu'il n'y avait là rien de plus triste. Ma vision des choses leur est incompréhensible et la leur m'est opaque. Mais moi, au moins, je sais où sont mes limites alors qu'eux les cherchent désespérément dans cette illusion de liberté.

Le vent me cueille le visage comme une gifle cueille une joue. La pluie a cessé de tambouriner dru sur la rue. Elle ne dure jamais longtemps ici, capricieuse et violente, sans aucune tenue. La magie des runes de détection résonne brusquement en moi et je sais que l'homme qui aurait pu nous effleurer, à une distance prêt, est l'homme que nous cherchons. Ce dirigeant, si insouciant de se balader dans sa ville. Il s'en croit maître et non à raison apparemment. Nous nous y sommes introduits incognito avec une facilité déconcertante, sans faire le moindre ride à la surface de l'eau. Ne parlons pas de vagues déferlantes ! Mais Yegor Nikovic reste prudent. C'est un humain doué qui a un sacré caractère apparemment. Il n'est pas sans savoir qu'il occupe une position à risques, qu'il y a une guerre à mener et qu'elle ne se fait pas sans le sang qui coule et la mort qui rode. Un humain qui ne sait pas où est sa place et qui pense que la magie est de son bon droit. Il ne comprend pas la chance qui nous est accordée, de pouvoir ne serait-ce que toucher ce que sont les sorciers.

D'un mouvement, Nikovik marque une stupéfaction risible. S'il s'en remet vite, nous savons tous les deux que le moment est à saisir, qu'entre l'hésitation et la certitude, le pas est rapidement fait. Dorian Cross s'élance lestement et moi à sa suite. La magie explose dans l'air et forme une boule de feu impressionnante. Le contraste entre la chaleur produite et l'air ambiant est saisissant. Le directeur d'Orpheo n'a pas le temps de s'échapper plus loin qu'il s'écroule sur le sol humide, sa mallette professionnelle se répandant autour de lui. Et c'est à terre qu'il contemple son maître, lui cracherait presque dessus. Sa réplique me ferait rire si elle n'était pas si désespérée. Il se croit dans un film ? Mais le cri qui s'en suit me vrille les tympans et vrille la terre. Le temps de retrouver un équilibre et j'entends que notre ennemi a tiré. Je me laisse aller au sol, évitant les balles qui auraient pu m'atteindre. Une vague douleur me brûle l'épaule quand je fais l'erreur de vouloir me réceptionner en regardant le combat. D'un geste de la main, Dorian m'a prévenue avant de ne pas m'en mêler sauf si cela tourne au vinaigre. Aussi, et bien que tout en moi crie l'action, je reste immobile, le desert eagle toujours à la main. En quelques instants, Nikovik se retrouva dans l'incapacité de faire quoique ce soit, une épaule blessée et Dorian tout puissant.

Mais il suffit d'un moment, d'une erreur pour que tout bascule. Et les exorcistes qui passent rapidement mes runes de détection, les brûlant au passage, peuvent très bien retourner la situation. Le chef de Croix m'enjoint de m'en occuper. Il y a là une femme et un homme et je ne parviens pas à savoir si l'un ou l'autre est sorcier. Je sens parfaitement qu'ils sont magiques, je suis incapable de faire la différence. Nous nous observons en chien de faïence et je résume mes forces. Il n'est pas question pour moi d'utiliser mon don ou mon pouvoir. J'ai déjà posé trop de runes actives pour qu'elles continuent d'être efficaces si je déclenche autre chose. Je le pourrai, mais ce serait un risque que je refuse de prendre. Soudainement, et sans prévenir, parce qu'on ne prévient pas quand on colle une balle dans la tête, je tire sur l'homme. L'imbécile n'a rien vu venir, ce n'est pas le cas de la femme. Elle a eu le temps de franchir la distance qui nous séparait et alors que son regretté collègue n'a pas encore touché le sol, sa jambe me désarme en un violent coup de pied de mon arme de poing qui s'envole derrière moi, proche des deux autres.

- C'était un homme bien !
- Je ne sais pas ce qu'est un homme bien.

Ma réponse laconique la fait tiquer, mais je ne m'en formalise pas. Je m'élance sur elle, poignard à la main et elle disparaît aussitôt. Ses vêtements explosent et une ours blanche prend sa place. Je me dis que si les rues sont vides, c'est une chance pour les maquilleurs : nous ne ferons pas leur boulot à leur place, et une ourse blanche en plein Moscou... Je me tiens sur mes gardes, le combat ne sera pas facile. Ma seule chance ? Elle est lourde...

C'est quand même une putain d'ourse là, devant moi. Je serre les dents sous la concentration. Nous tournons en cercle, cherchant chacune le bon moment pour attaquer. Il n'y en a jamais, mais on fait avec. J'ai rechargé mon desert eagle et je n'ai par contre que pour arme blanche mon poignard, assez long tout de même. Et je tire. Elle bondit. La balle se perd dans sa fourrure qui se tâche d'écarlate. Mais pas autant que je l'aurais voulu. Je l'évite de peu en me jetant sur le côté, et me réceptionne avec une roulade qui rappelle ma douleur à l'épaule. Je grimace un temps, mais ce n'est pas important. Je sais que ce n'est pas grave, pas vital comme blessure. Alors je me redresse d'un coup, lui saute sur le dos. Du rodéo sur une ourse polaire, vous avez déjà fait ? Moi on plus. Jusqu'à présent. L'animal se tourne, se cabre, mais les mains accrochées aux poils longs, je tiens bon. Je suis tenace, mais au bout d'un petit moment, je sens que je pourrais lâcher et ce serait catastrophique. Je guette l'instant. Et il se présente.

L'ourse se stoppe quelques secondes, pour reprendre son souffle sans doutes, je n'en sais rien. Mais c'est le moment. Je glisse le long de son cou et ma lame avec. La plaie béante qui s'ouvre m'asperge de sang chaud. Et alors que la vie la quitte, la magie également, l'ourse redevient femme. Le regard écarquillé, les yeux dans le vide, la boche ouverte et la gorge aussi, elle est morte et va refroidir là, sur le sol. J'irais pas l'enterrer en tout cas, on ne me le demande pas. Je me retourne, oubliant l'existence de ceux qui sont morts pour essayer de comprendre la situation actuelle. Mon chef est à couvert derrière des voitures et il tire jusqu'à ce que le chargeur se vide. Il est un peu loin, et donc en mauvaise posture, car j'aperçois trois exorcistes qui déboulent. Ils étaient eux aussi derrière des voitures, pour échapper aux coups de feu. Je me concentre un instant, histoire de ne pas briser mes runes actives par inattention. La magie afflue en moi et je la concentre sur mon don. J'attrape une voiture qui s'envole et s'écrase juste devant eux. Je crois même qu'il y en a un dessous. Le temps qu'ils s'en remettent, j'ai rejoins Dorian Cross. Je lui tend un chargeur : heureusement que nous avons le même flingue avec le même modèle. J'essuie le sang sur mon visage car il gêne ma vision.

- Je crois qu'il en reste deux.

Je me relève un peu, pour voir par dessus la voiture et un projectile arrive à grande vitesse. J'ai le temps d'attraper le sorcier noir et de le faire tomber à terre avec moi. La voiture explose dans une gerbe de glace. Les débris retombent autour de nous et je tire, un peu à l'aveuglette, histoire de nous couvrir un peu, le temps de se mettre à l'abris. La glace a tracé de nombreuse micro-entailles sur mon visage qui me picotent un petit peu, mais rien de plus. Par contre, j'ai vidé mon chargeur également. J'en remets un second, mais c'est le dernier : je n'en avais que deux de côté. Par contre... Je regarde ma poche à munition, où les chargeurs étaient. La grenade s'y trouve toujours. Les deux exorcistes arrivent. Je la sors, la contemple un peu. Mais nous n'avons pas le temps de prendre des décisions raisonnables.

- Va falloir s'éloigner vite !

J'enlève la goupille et la balance. Elle explose dans un tonnerre assourdissant. Le souffle nous projette un peu plus loin. Pas eu le temps de se mettre totalement à l'abirs. Je me relève et contemple un silence assourdissant après toute cette agitation. Une carcasse de voiture flambe et une autre est un débris. Mais ils n'ont pas pu partir, apparemment. Je cours sur place et vois les deux corps bouger à peine, encore vivant ? Je les achève rapidement, sans grande émotion. Quand je reviens vers Dorian qui se remet de l'explosion, je me rend compte que là où était le directeur d'Orpheo, il n'y a plus personne.

- Nikovik !

Le sorcier noir s'élança dans la nuit, à la recherche de l'exorciste en fuite. Je me mords la lèvre en regardant autour de moi, regarde rapidement mon téléphone, histoire de voir si les éclaireurs décèlent quelque chose. Mais c'est toujours le silence de leur part. A croire qu'ils sont morts. Peut être sont-ils morts. J'espère que ce n'est pas une embuscade, sérieusement, je ne voudrai pas mourir ce soir, j'ai autre chose à faire. La pluie reprend un peu, éparse, me lavant du sang de la femme-ourse. Je m'élance à la suite du chef de Croix, non sans avoir réarmé mon desert eagle, tout en ayant conscience que c'est mon dernier chargeur. Il ne faudra pas abuser de la gachette maintenant. Il n'y a pas une grande distance à parcourir pour retrouver la proie.

L'homme s'appuie contre le mur, comme s'il allait s'effondrer. Il pue la faiblesse, ou plutôt il puerait la faiblesse si cellle-ci avait une odeur. Dorian le regarde avec cet air si particulier que je peux retrouver sur Sebastian de temps à autre, quand la proie est à sa merci et qu'il va s'amuser un peu. Les deux hommes ne se ressemblent absolument pas par bien des aspects et pourtant sont si semblables. Ils ont quelque chose du chat qui joue avec la souris, avec tout le mépris possible pour la vie, ou du moins la vie jugée inférieure, contraire. Peut être que Nikovik n'a pas la chance d'être un sorcier, il n'est néanmoins pas un mêlé, pas une aberration. En cela il pourrait au moins continuer de respirer. Mais il a choisi de se rebeller contre l'évidence de la supériorité. Qu'à cela ne tienne, il mourra, voilà tout. J'hoche la tête à l'ordre du sorcier noir et m'eclipse rapidement.

Ma stèle ne me permet pas de marquer de runes les murs, mais j'ai toujours sur moi du charbon, qui accroche mieux la magie que la craie. Je sors le fusain de ma poche et commence a dessiner à droite à gauche, dans un périmètre plutôt restreint afin que je puisse le contrôler. Quand j'ai fait le tour, j'y insuffle ma magie et attend, sur un perchoir. A la moindre intrusion, je le saurai. Plus encore, un mur invisible, une barrière violente, se dresse entre le Cross avec sa proie et les exorcistes qui tenteraient vainement de les séparer. L'obstacle ainsi posé ne résistera pas bien longtemps à des assaut, mais il est dangereux de le briser. J'aurai le temps de trancher des gorges ou plomber des têtes. De plus, il faudrait toucher une rune dans le cercle et je les ais encerclée d'une protection douloureuse pour celui qui s'y frotte. Je n'ai pas pu faire beaucoup mieux, question de temps, de moyens, de besoins et également de magie. Celle-ci a un prix et je ne pourrai tenir des runes actives très étendues ou puissantes et rester vivante.

J'attend un peu, en hauteur. Je suis presque à la verticale de Dorian (on se demande pourquoi les architectes prévoient des escaliers extérieurs, ou plutôt des échelles, pour accéder au toit, qui n'est pas très haut sur cet immeuble de seulement deux étages ?). Je regarde la scène avec beaucoup d'attention quand je suis distraite par une rune. Je me précipite sur un côté. De là où je suis, c'est un peu aléatoire, mais c'est sans doute mieux que de descendre. Je sors mon desert eagle et vise, avant de comprendre que c'est seulement une femme et son gamin qui veulent rentrer chez eux. Ils pourraient appeler la police... Je tire deux fois et deux corps tombent. Je reviens à la scène en dessous, gardant en tête de faire attention à mon périmètre.

Par la suite, les choses s'étaient précipitées et de manière drastique. La mort des deux innocents n'avait fait aucun éclat et je m'étais remise sur mon perchoir pour contempler l'oeuvre de mon maître. Le vent continue à présent de jouer avec l'air et se faufiler partout, emportant des odeurs de brûlé dues aux voitures accidentées que le sorcier noir à fait crâmer et que j'ai explosée. Nous laisserons une trace derrière nous. Ce n'est pas très grave : ce n'est pas un acte que nous cacherons, mais que nous revendiquerons. Dorian Cross joue clairement avec sa proie. Et moi, je regarde, simple spectatrice vaguement amusée. Je me sens comme une enfant qui est fascinée par le pouvoir que l'on peut déployer. Oui, il s'amuse et je contemple. Le sang qui gicle, l'organe linguale jeté sur le côté sans un regard, le sourire d'un ange qui naît et le sourire du tortionnaire. Nikovik ne cris pas réellement, il ne peut plus. Il baragouine tout juste quelque chose en s'étouffant dans son sang. Quand je suis revenue, Dorian s'était mis à fumer tranquillement une cigarette. L'odeur du tabac ne m'est ni agréable, ni désagréable. Je ne fume pas, n'en voit pas l'intérêt et n'ai pas d'argent à dépenser. Le peu de cigarette que j'ai eu dans les mains ont été lors de mascarade, ou données par des sorciers noirs. Et la volupté qui en a suivi avait toujours eu un goût désagréable d'interdit à ne pas transgresser.

Les coups de pieds, la cigarette dans l'oeil, le gargouillis inhumain, la lame dans le crâne, l'affaissement soudaine. Le reste est plutôt calme. Les exorcistes de renforts, sûrement appelés maintenant, ne sont pas encore là. Il n'y a personne, ou seulement des innocents peut être, à songer que le monde est fou et à vivre leur vie. J'entends au loin des sirènes alors que je redescends de mon perchoir. Il y a, dans cet acte violent accompli ce soir, presque quelque chose de naturel. Nous sommes venus dans l'ombre et nous repartirons tranquillement au grand jour. Comme quoi, rien n'indique que nous sommes dans le faux. Pas une protestation qui contredit la joie du chef de Cross et son amusement de la soirée. L'homme sorti son téléphone. Je ne m'autoriserais jamais à regarder par dessus son épaule, mais j'ai la curiosité de me demander pourquoi soudainement un sourire presque facétieux, narquois, qui prend place sur ses lèvres. Il quitte la scène en lançant un ordre, ou une simple constatation dans les airs.

- Bien.

Je n'ai pas à protester, et étrangement, rien ne me donne envie. Je pense que Sebastian Cross ne doit pas être ravi, à présent. Je me surprends à penser sans regret qui chauffe sa couche ce soir. Cet homme, qui avait ses mains sur mon corps aussi souvent qu'il lui plaisait, ne peut satisfaire ses caprices. Je m'en trouve mieux, et pire à la fois. Je n'avais pas l'impression d'une relation avec lui, bien sûr que non. Mais l'impression de construire quelque chose, de l'amener à imposer ce qu'il n'aurait pas à devoir faire. Je servais, avec lui, et bien. Je sers encore, aujourd'hui. Différemment. Le comprendra-t-il ? Mon ventre se crispe presque à cette idée. Ce tiraillement nouveau remue parfois, à la limite du palpable, de la conscience...