Quand on pense à quelque chose,
et que le destin nous y conduit.

Aujourd'hui, c'est dimanche. Et le dimanche, moi je vais en ville. Non pas pour me confesser à la messe, car de toute façon je n'ai rien à me reprocher. Ironique. Mais bon, c'est plutôt pour me reposer ailleurs que chez moi. L'orphelinat est toujours trop animé, et on ne s'y repose jamais complètement. Franchement, je commence à flipper, par rapport aux profs qui habitent même là-bas. Franchement, moi j'arriverai pas. J'ai besoin de grands espaces, et surtout de calme, sinon je pète un câble rapidement. Et me voir énervé, je vous jure que c'est pas très joli. Je me fais peur tout seul, pour vous dire.

Voilà pourquoi aujourd'hui, je me suis levé tard. Pour être bien reposé et commencer la journée gaiement, il n'y a rien de mieux. J'ai racheté une alarme. D'ailleurs, en vérité, je ne l'ai eu qu'aujourd'hui, et j'ai dû utiliser mon portable durant tout ce temps, comme office de réveil. Et moi, je vous jure que je préfère la bonne vieille sonnerie de réveil, plutôt qu'une musique quelconque. Alors, je n'ai pas vraiment apprécié. Je soupire doucement, et m'habille d'une chemise bleue et d'un pantalon tergal noir. J'ajoute une cravate noire, parce que ça fait longtemps que je n'en ai pas porté, puis descend aller manger.

Remballant toute la vaisselle dans l'évier, je fais un rapide nettoyage en relevant mes manches. Ma blessure au poignet est totalement refermée, et je n'ai plus du tout mal. Je vous jure que je n'achèterai plus de réveil avec une vitre, pour éviter de me défoncer la main. Bon, même si c'est encore le cas en ce moment, le prochain réveil que j'achèterai sera en carton. Et toc. Je profite de mon envie de nettoyage pour ranger le lave-vaisselle. Et puis, c'est un besoin de passer l'aspirateur qui se fait sentir. En fait, au final, j'ai tenu pratiquement deux heures à nettoyer la maison de fond en comble. Et maintenant, j'essuie la sueur sur mon front. Puis repars faire une autre douche. Juste pour le plaisir.

Finissant par sortir, ma voiture reste dans la garage. Je me sens l'âme d'un coureur. Mais pour le coup, je préfère marcher. Ma maison est super bien rangée, je pars donc l'esprit serein. J'ai bien fait de ne pas engager de femme de ménage, sinon je me serai probablement embêté pendant ce temps. Je me dirige donc vers Little Angleton, les mains dans les poches et l'esprit un peu rêveur. On voit que le printemps arrive, car certains arbres recommencent à fleurir. C'est pas trop tôt. Je n'aime pas voir les arbres dénudés, ils sont moches. Bon, après ce n'est qu'une vision subjective. Ça se trouve, d'autre préfère l'hiver. D'ailleurs, je n'aime pas beaucoup le printemps, même si c'est en cette période que je suis né. C'est plutôt l'automne qui m'intrigue. Il y a tellement de couleur, c'est vraiment mélancolique de voir la fin des belles saisons s'achever. Et l'été, il y fait trop chaud. Alors, manque de bol, puisque je n'aime pas transpirer, cette saison n'est pas vraiment pas ma favorite.

Je me dirige vers la place de Little Angleton. C'est le marché, j'aurai dû m'en douter. Alors, je me balade tranquillement entre les allées de commerçants. Je ne cherche rien à acheter, et puis d'abord, même si j'ai pas mal d'argent sur moi, à savoir ma carte de crédit, elle ne me servira à rien dans un marché. Autant dire que je n'ai pas d'argent tant que je ne trouve pas de dabe dans le coin. Finalement, il commence à faire froid, alors je me rend dans le bar. Je vais finir par faire tous les commerces du coin, même si ils doivent être tous fermés aujourd'hui. Allons bon, je termine un café et sort du bar. Il me connait bien, le barman. Il faut dire que je deviens un habitué, ces derniers temps. Même plus besoin de dire ce que je veux, il me donne un café d'office. Enfin, donner est un grand mot, je paye au final.

Gardant mes mains dans mes poches, je me balade dans LA. C'est choux, ce que les maisons sont belles. Et l'église encore plus. On peut croire que je fais du tourisme, mais je connais parfaitement bien la ville. Tiens, même que celle-ci, c'est un petit immeuble tout choupinou. Et vous savez quoi, je sais qui il y a à l'intérieur. Même que si vous me croyez pas, je vais vous le prouver. Ah, ah, vous voulez savoir qui loge ici. Chut, c'est un secret. Bon osef, en fait c'est Joshua, Hay et Zac. Ouais, je l'ai appris y'a pas si longtemps. Mais bon, au moins je le sais. Qui me l'a dit? Ça vous concerne pas. Et d'ailleurs, je veux même pas y aller, mais rien que pour vous prouver que ej dis vrai, je vais quand même monter leur dire bonjour.

Alors, on monte quelques petites marches. Je sais pas c'est quelle porte, mais y'a pas de raison que je me trompe. Enfin... je crois. J'ai pas envie de me casser. Hop, on toque à la première porte. Sans regarder le nom. Et quand on l'observe, on se dit que finalement, on connait pas si bien que ça, le quartier. Là où habite les personnes que j'ai déjà cités, c'est plus loin. Ici en fait, je suis chez...
… Ichiru.

Damned. Faisons-lui un petit coucou rapide, je me suis toujours pas remis de notre dernière... rencontre, si on peut appeler ça comme ça. En fait, je crois que je vais rester ici le temps de l'engueuler comme il se doit pour la dernière fois. Finalement, les choses sont bien faites.

Si j'y arrive. Damned bis.

C'est une situation,
plutôt délicate.

Aurais-je dû savoir à l'avance que j'allais me tromper de porte, voir carrément d'appartement, ou bien monsieur le Destin avait décidé à l'avance que j'allais me rétamer devant la porte de la seule personne que j'avais pas envie de voir, ou plutôt que j'aurais aimé ne pas croiser? Moi je dis que quelqu'un en a après moi. Ou sinon, ce sont mes pieds qui m'ont trahis. Donc mon cerveau. Je me fais contrôler par moi-même... C'est très grave, il faut consulter. Genre très rapidement. Tout de suite. Faire demi-tour. Tout de suite. Sinon, je sens que ça va s'aggraver. Mais j'ai vu beaucoup trop tard cette... ce nom. Après que j'ai toqué. Et si je m'enfuis trop tard, il va me prendre pour un taré la prochaine fois qu'il me verra. Si il me revoit. Alors je tente le diable et je fais semblant de ne pas m'être trompé de porte. Je dois... faire semblant... de m'être trompé... je fais comment pour être naturel? J'entends la voix d'Ichi. Non, n'arrive pas. Reste chez toi. Je soupire, et la porte s'ouvre instantanément.

" Quoi de neuf Ren? Je ... J'm'attendais pas vraiment à te voir ... Tu veux boire quelque chose? "

Je suis censé ouvrir la bouche là. Réagit, cerveau idiot. Pourquoi il est en caleçon? C'est dimanche, mais à cette heure-ci, on est habillé. Bon d'accord, il est peut-être un peu tôt pour un dimanche, mais ce n'est pas grave. Donc, on reste concentré. Pourquoi il hésite? C'est vrai que c'est bizarre de me voir venir débouler. Surtout de rester en suspense devant la porte. Je pense que je vais... partir. Le voilà qui s'en va. Plus précisément, il entre dans son appartement. Et je vais devoir... le suivre. Rapidement. Alors, j'entre furtivement en refermant la porte. C'est pas spécialement grand, voir petit pour moi, mais c'est sympa. Le voilà dans la cuisine. Aussitôt, lorsque mon cerveau se décide à délier ma langue, je lance, pour que ma voix porte jusqu'aux oreilles d'Ichi :

-Je ne te dérange pas, j'espère?... peut-être que tu dormais encore?

Je câline la chatte venue m'accueillir à l'entrée en m'accroupissant. Je dirige mes yeux vers lui, puis les repose vers l'animal. Je ne tente pas de discuter avec lui. Qui sait, si jamais j'en sais un peu trop, je pourrais bien m'enfuir en courant. Ce que je vais finir par faire, à force. Abominable. Je n'ai jamais été aussi stressé qu'à une conférence de presses quand j'étais petit. Soudainement, alors que la brume qui envahit mon cerveau s'éparpille doucement, je réalise qu'il m'a posé une question. Tâchant de rester un maximum cool, je lui réponds, sur un ton de voix légèrement indifférent, câlinant doucement la chatte sur la tête :

-Non, ça va, je n'ai pas soif. À vrai dire, je passais totalement au hasard. Pour voir comment tu vas. Je suis heureux de savoir que tout va bien. J'avais jamais vu ton appart', mais il est sympa. Un peu petit par contre.

J'observe les alentours. C'est pas trop le bordel par contre. Un point positif. J'observe la tête blonde dans la cuisine. Si ça se trouve, il a même pas pris son petit déjeuné. Eh bien, je ferais mieux de repasser plus tard. Oui, je fuis en lâche, mais j'aime pas être mal à l'aise, ça me rend encore plus nerveux qu'à mon habitude. La seule fois où je ne suis pas blasé. Et ma blaséitude me permet de ne pas m'extérioriser. Alors quand je ne l'ai plus... c'est un cercle vicieux, vous l'aurez compris. J'inspire pour évacuer un peu de stress. Je sais pas si c'est parce que je ne l'ai pas vu depuis longtemps, mais je n'arrive même pas à m'exprimer correctement. Je me relève, tenant le chat dans mes bras. Le voilà qui ronronne comme un moteur de formule 1. Le reste promet.

Mieux vaut rester neutre que s'étendre sur des chemins dangereux.