C’est pas avec des mots,
Qu’on arrive forcément à s’exprimer.

Ah. J’en ai marre du mercredi. J’ai des cours pas bien répartis. Ça m’embête profondément, car comme je n’aime pas rester trois mille ans à l’orphelinat, j’ai tendance à rentrer chez moi, même pour une heure. Et le mercredi, ça n’arrête pas. Là, oui, je pollue la planète. C’est sûr, c’est prouvé, y’a rien à redire. Je suis entièrement d’accord avec vous. N’empêche que c’est aussi saoulant à dire qu’à faire. Et moi, en tant que blasé de première classe, mais loin d’être flemmard, je fais quand même ce trajet à chaque fois. Sauf quand une pause café s’instaure entre les pauses,et que l’un de mes collègues s’arrête vers moi pour faire la discussion. Autant dire que là, je peux passer une heure à l’orphelinat sans rien voir passer. Mais c’est pas le sujet.

En ce moment, je suis assez préoccupé par Miyaki. La dernière fois que je l’ai laissée, elle était ensanglantée et comateuse. En fait, totalement inconsciente. Et ça m’a fait peur, ça c’est sûr. Et comme je n’ai absolument aucun moyen de la contacter, je préfère attendre que ce soit elle qui me contacte. Au moins, avec un peu de chance, elle m’aura oubliée, et tout sera le mieux pour tout le monde. On reprendra notre vie, et plus de problèmes. Je veux simplement savoir si elle va bien. Un point c’est tout.

Je rentre chez moi vers 16h. Comme à mon habitude, je dépose, ou plutôt je lance mon manteau sur le canapé, et me dirige d’un pas lent vers ma chambre. Mais ça sonne. Ouais, mon fix sonne, avec cette sonnerie abominable qui me rappelle mon réveil. Rien de bien entraînant, en somme. J’inspire, passe une main dans mes cheveux, pour retirer une mèche de cheveux qui me gêne, et décroche le combiné.

« Mochi?Mochi? Watashi wa Miyaki-desu. Je voudrais m'excuser pour me comportement de la nuit dernière.. Alors j'aimerais vous invitez en France pour faire un peu d'équitation, si cela vous convient. Voilà mon adresse : 80KM Ouest de Paris dans le Département de Yvelines, Versailles 78000 »
-Pas de problème. Nous en reparlerons. Je serais disponible demain, je partirai demain matin d’Ecosse. Je serai là environ vers treize heures.

Pourquoi aussi rapidement? Parce que je sais que si je reporte ça à plus tard, ça ne sera pas fait. Simplement. Et étant donné la charge de devoirs que j’ai à faire, et la simultanéité avec mes missions, je doute d’avoir du temps à perdre ce week end. Je me suis bien justifié là? Merci. J’inscris l’adresse un peu vaseuse de Miyaki, et raccroche le combiné peu après. Bon, ben reste plus qu’une journée à passer, et après je vais devoir faire de la route. Misère. Une journée de repos qui n’en est pas une. Traîtresse.

Les heures avancent, et je profite d’un moment de libre pour passer au bureau de Pandora pour lui annoncer que demain, ça ne sert à rien qu’elle m’appelle pour quoi que ce soit, étant donné que je ne serai pas sur place, mais en France, pour retrouver une amie. Bon, il a fallu bien plus d’argument pour la convaincre que non, je ne vais pas faire n’importe quoi, comme jouer avec des sorciers noirs et tout ça. Je vénère bien trop ma journée de repos pour oser faire des missions en dehors des mes horaires. Oui, mes horaires, parce que ça devient beaucoup trop habituel pour être appelé « occasionnel ».

Le lendemain, je m’habille rapidement, et oh joie, vive le fait d’être matinal, je suis à 10h à Édimbourg, prêt à prendre le premier vol à destination de Roissy Charles de Gaulle, ou bien Orly. Misère, un truc de plus. Bien embêtant. Ouais. Vous savez quoi? Je sais pas parler français. Même que… ça va pas être facile de se repérer, puisque mes souvenirs datent au minimum d’il y a 5 ans. Et c’est beaucoup pour moi. BON.

L’avion atterri plus tardivement que je ne pensais. Ça va être marrant de se repérer aussi rapidement dans une ville qu’on connaît à peine. Bon, alors Paris. Ouais, j’ai compris que je suis à Paris. Bon, et je comprends encore les mots comme « Bienvenue » et « Merci ». Je suis pas inculte à ce point. Mais c’est juste que je peux pas tenir une conversation simple avec quelqu’un. Ne serais-ce que pour demander mon chemin. Misère. Et les transports en commun à prendre avec ça. Allons bon. RER B. On va s’amuser. Aloors, ne détaillons pas le nombre d’engins à prendre avant de s’éloigner de la région parisienne, et de s’approcher enfin de Versailles. Château de Versailles. Il est tellement superbe, avec son orangerie et ses fontaines. Superbe représentation de la France. Mouais. On verra ça. N’empêche qu’il était doué ce roi. Qu’il a mis tout un peuple en famine pour son bon plaisir. Et on parle de rayonnement. Bon, d’accord étant japonais, je suis pas censé savoir tout ça, mais je me suis un peu renseigné, ou on m’a plutôt obligé à me renseigner. Pour ne pas citer ma mère.

Me voilà arrivé à Versailles, à l’adresse qu’on m’a envoyé au téléphone. C’est grand, mais je commence à m’en blaser. Allons bon. Vive le taxi. Je me présente à la porte et attend soigneusement que quelqu’un vienne m’accueillir.

C'est de la torture,
c'est plus de l'amitié.

Patientant tranquillement à l’entrée de la grande bâtisse, je ne tarde pas à entendre du remue-ménage derrière la porte. Bon, je peux attendre encore un peu, si la jeune princesse n’est pas encore prête. D’ailleurs, je n’ai pas vraiment les habits adéquates. Il faudrait éviter que je ne tombe. Sinon, ma chemise risque d’en prendre un coup. Et j’aime trop ma chemise pour lui offrir un destin aussi funeste. Je soupire légèrement, jusqu’à ce qu’un jeune homme ne se décide à m’ouvrir la porte. Il est plutôt grand, et j’en déduis que ce doit être un personnel de maison. Bref, pas de raison d’avoir une quelconque animosité envers lui, même si je trouve qu’il a un sale caractère en observant son regard fixé sur le mien. Je préfère ignorer tout cela et reçoit des salutations de cette même personne :

« Bonjour! Que puis-je faire pour vous? »

Ben, je suis censé être ici parce qu’on m’a invité, mais j’ai l’impression que le message n’a pas l’air d’avoir fait le tour du propriétaire. En même temps, vu la grandeur de la demeure, ça ne m’étonne en rien. Je m’apprête à répondre, lorsque la mère de Miyaki apparaît brusquement sur le seuil de la porte. Bon, au moins les nouvelles vont vite. Là voilà qui, fît de quelconques manières aristocratiques, à mon grand bonheur, ne me vouvoie pas et arrive en coup de vent, pour repartir en coup de vent. Je ne pensais pas que les mères étaient aussi occupées.

« Ren, elle t'attendais justement.. Lestat, conduit Ren à l'écurie, je te prie!
- Oui, madame! Si vous voulez bien me suivre.. »

Écurie. La dernière fois que j’y ai été, c’était avec Takeji. Et c’était en Écosse. Rien à voir avec ici. Tant mieux, ça me fera un peu découvrir la région. Même s’il y a bien plus de choses à voir en France. Mais je suis loin d’avoir du temps pour faire du tourisme. Ça ne me ferai pourtant que du bien. Allons bon. Je jette un coup d’œil hasardeux sur les pièces du rez-de-chaussée, puis sur l’extérieur, et le manoir vu de derrière. Une petite cour intérieure, bien fleurie. Je me demande si la mère aime bien les fleurs? C’est souvent le cas, mais le « pourquoi » reste un mystère.

Quoiqu’il en soit, nous arrivâmes bientôt au soi-disant écurie. C’est un peu grand pour une simple famille. Mais je commence à prendre l’habitude. Moi, ça me répugne les grands espaces, parce que la poussière s’y incruste plus facilement. Eh oui, quand on fait le ménage chez soi, on apprend bien vite que ça ne sert à rien d’avoir un salon qui fait 500m². J’appelle ça une salle de bal, moi. Bref, c’est pas le sujet. J’aperçois la princesse au loin. Elle termine son chant face à nous deux sur une petite parole, et rougit brutalement. Étonné, je fais mine de n’avoir rien remarqué, pour éviter de la troubler davantage. Au lieu de ça, je me dirige vers elle, passant au devant du dénommé Lestat, et salue d’un baisemain la jeune aristocrate.

-Bonjour, chère petite princesse.

Oui, je sais, je cherche de un: les emmerdes, et de deux: la faire rougir davantage. Mon objectif, c’est de lui faire sortir un maximum de sentiments. J’ignore pourquoi, mais sans doute est-ce juste pour le plaisir de yeux. C’est vrai quoi, elle est si mignonne. En plus, je sais que c’est mon père qui l’appelle petite princesse. Alors, ça ne devrait pas lui faire un effet différent de quand elle est avec mon père. Au contraire, si elle pouvait se sentir en confiance avec moi, ça m’aiderai beaucoup. Mais bon, pour le moment, je me concentre sur ce que l’on va faire. Lâchant doucement la main de Miyaki, je m’excuse d’avance de ma tenue:

-Vous savez, je n’avais pas l’intention de me balader en tenue d’équitation dans l’avion, alors vous m’excuserez si je viens vers vous sans tenue adéquate.

Je ne stoppe pas mon vouvoiement, même si la dernière fois nous avait largement rapproché. Si elle ne voulait plus de vouvoiement, il faudrait qu’elle le dise. Mais si elle le dit, cela voudra dire qu’elle désire un rapprochement, et donc elle trahira de nouveau ses sentiments. Ah, j’appelle ça de la torture. Un léger sourire en coin, et je termine mes phrases par une courte question:

-Alors, quel est mon cheval attitré ?

C'est pas comme si c'était un homme,
C'est qu'un cheval arrogant.

Ah! Ce que ça m’amuse de la martyriser, la pauvre petite princesse. Mais je pense que c’est davantage pour la maintenir en forme que pour l’enfoncer, elle a déjà assez de problèmes comme ça sur le dos. D’ailleurs, Miyaki me répond de la même façon que ma salutation :

« Ohayo M. le chat ! »

Je ris franchement à l’annonce de ce surnom. Décidément, elle m’en veut parce que je l’ai appelé « petite princesse ». Ou bien, a-t-elle simplement aimé ce petit surnom. Je pense que je ne le saurai jamais. Ça me fait rire. Mais je m’en retiens sans demander mon reste, un sourire en coin sur le bord des lèvres. Elle est en forme aujourd’hui. Tant mieux. Je préfère la voir comme ça que dans un état déplorable. D’ailleurs, il faut que je lui demande la source de son mal. Ça me fend le cœur de l’imaginer aussi faible quand je ne suis pas là. Mais… changeons de sujet.

Je m’excuse sur ma tenue et je sens le cheval rire. Je ne fais pas la remarque et observe l’animal avec un regard amusé. Je ne prends pas la mouche facilement, et encore moins avec un animal. Je pense que je les comprend mieux qu’un humain. Simple question de principe. Je suis télépathe, donc j’ai plus de facilité avec les animaux. Et ceux qui m’énervent, je les recadrent rapidement. D’ailleurs, je sens que mon cheval va être un peu réticent. Simple intuition. Et je pense que je ne vais pas me tromper.

« Ne vous inquiétez pas, je comprends tout à fait.. Quant à toi Pénélope évite de rire, sinon je te coupe ta langue..
- Si tu oses, me toucher.. Je te fais tomber au sol lors de la promenade.. »

Je souris mais n’ajoute rien. Miyaki siffle et un bel étalon noir apparaît alors devant moi. Un sourcil amusé se lève sur mon visage. Son regard me dévisage comme si j’étais une merde. Sait-on jamais, nous allons voir si c’est véridique. Ce qui est sûr c’est que je ne vais pas me laisser déstabiliser par un étalon qui se prend déjà pour plus grand qu’il ne l’est. Et même si c’est le cas avec moi, je n’en pas pour autant peureux. Au contraire, ça me motive encore plus pour le mater. Ouais, ça c’est le côté Ren qui fonce, qui n’a pas peur, qui ne réfléchit pas. Le jour où on l’a en face, sans regard blasé, eh bien, il faut pouvoir s’attendre à beaucoup de choses incroyables. Je regarde à mon tour la brave et fière bête. Je sens qu’on va bien s’entendre. Il ne me fait absolument pas peur, et ça ne tient qu’à moi de le booster encore au-dessus de ses forces. J’écoute la petite discussion d’une oreille distraite, et lorsque la petite chatte se dirige vers moi et se met à m’expliquer toute une série de transformations de Miyaki, je me dis que finalement, j’aurai dû peut-être prêter plus ample attention.

« Que je t'explique.. Miyoko est la femme des glaces que tu as croisé lors du bal.. Miyaki a trois formes.. L'enfant, Miyu.. La femme de glace Miyoko et elle même.. La femme de glace est la représentation typique de son père, une femme forte, sans coeur, froide et qui n'a aucune pitié.. Est-ce que tu comprends mieux maintenant.. »

J’acquiesce silencieusement, et m’approche de Yami, le fameux cheval. Posant sans vergogne ma main sur son chanfrein, celui-ci rechigne et pousse un désagréable soupir en relevant la tête pour m’empêcher de le toucher.

-Hey, calme-toi le cheval. Pour le moment, je te monte pas dessus, alors laisse-moi au moins te préparer.

Mon ton était insistant, mais presque moqueur. Je ne supporte pas les animaux qui n’écoutent pas, et Yami doit très bien le sentir. Mais j’aime bien quand on me résiste, ça me permet de ne pas rouiller face à ce genre de problèmes. Je passe près de Yami et dépose plus doucement ma main sur son encolure cette fois-ci. Il rechigne de nouveau, et, résigné, je me dirige vers ce que je pense être la sellerie. Si c’est de la ténacité qu’il veut, il aura de la ténacité. Je ne lâche pas un morceau aussi frais.

Je commence à le brosser avec difficulté, met la selle, passe la sangle alors qu’il gonfle le ventre pour m’en empêcher. Mais la force, ce n’est pas ce qu’il me manque hélas. Je force l’animal à se relâcher, et passe en quelques secondes la sangle que j’attache tout aussi rapidement. Eh bien, c’est un vrai dur celui-là. Il manque de me mordre lorsque je lui met le filet. Bien sûr, je ferme mon esprit au sien, afin qu’il évite de me déconcentrer.

Enfin, lorsque tout cela est terminé, je jette un coup d’œil au box de Miyaki. Elle a bientôt terminé de seller son cheval. Bon, eh bien, je m’en vais commencer mon apprentissage avec cette tête de mule.

-Miyaki, je pars devant pour m’entendre avec cet idiot.

Je saisis fermement les rênes, et malgré les hennissements de Yami, je poursuis mon chemin, le forçant à avancer. Ah! Franchement, je n’ai jamais vu un cheval aussi chiant. Sortant aussitôt de l’écurie, je fixe les yeux couleur ténèbres de Yami. Alors, c’est entre mecs que ça se passe là. Tu ne m’impressionnes absolument pas, c’est clair? Allez, on y va. L’animal que je ne pense absolument pas résigné, me laisse cependant souffler pour mettre mes étriers à bonne hauteur, et sangler juste avant. Un petit coup de talons et… il n’avance pas. C’était trop beau. Un autre petit coup de talons. Toujours rien. Oh, avec ces bêtes-là, rien ne vaut la bonne vieille méthode.

-Dis-moi, monsieur le cheval, t’es pas censé être énergique? Tu me fais penser à mon grand-père, là. Et puis, deux secondes sont passées depuis longtemps.

Oui, parce que mine de rien, j’ai quand même un minimum écouté la discussion. Et puis, même si je n’ai pas souvenir d’avoir un grand-père, c’est qu’une simple façon de dire. Alors, aussitôt, la bestiole prend la mouche. Le voilà qui se cabre, qui botte, qui fait tout ce qu’un cheval est capable de faire, mais voilà, moi c’est pas la première fois que je monte, et quand je m’y mets, je suis assez intelligent pour utiliser les sens félins de ma forme fusionnelle, ce qui me permet d’avoir une agilité légèrement supérieure à la moyenne. Oui, parce que sans ça, moi je suis nul en équitation. Que ce soit clair.

Le cheval se fatigue assez rapidement cependant, et c’est avec un éclat de rire que je flatte l’encolure du monsieur qui, pas plus tard que quelques minutes, jurait que je tomberai en quelques secondes. Raté mon coco. Maintenant, c’est à la balade que tu vas me montrer de quoi tu es capable. Alors, pas mesure de sécurité, je vais garder mes sens en éveil.

-Miyaki, vous êtes prête?

C'est pas p'tit oiseau,
qui nous fera tomber.

Et voilà que Miyaki approche, sur sa belle jument. Eh bien, je sens que la balade va être forte en émotions. Au pluriel, parce que je doute qu’il n’y en ai qu’une qui sorte au final. Une balade, c’est long, surtout quand on a des choses à se dire. Donc plus c’est long, plus y’a de chances pour tomber. C’est logique me direz-vous. Eh bien oui, c’est logique, j’ai jamais dit le contraire. Et toc.

Yami avance brutalement, sans me demander mon reste. Je comprends qu’il ne souhaite pas que la jument le dépasse, mais tout de même, avoir une telle fierté, c’est mauvais pour la santé. Si, je vous le jure. Puis soudainement, en apercevant de maigres paroles derrière moi -que j’appelle davantage un complot dans mon dos- la jument dépasse subitement Yami. Allons bon, s’il s’énerve c’est encore moi qui en pâtirai. Je croyais que ma chute dépendrait de je-ne-sais-quoi dans la vie de Miyaki? C’est que ça ne doit pas être si important pour qu’elle cherche encore à me faire tomber de ce cheval têtu.

Le voilà qui hennit un peu, se stoppe, puis gratte le sol. Eh oh, t’es pas un taureau. Quand un cheval fait ça, c’est qu’il veut se rouler sur le sol. Or, je tiens à mes pieds et je n’ai pas envie qu’une masse de tonne ne s’écrase dessus. Donc, je m’apprête à lâcher mes étriers, lorsque subitement, Yami fait une poussée en avant, et s’élance à la manière d’une formule 1. On veut ma mort. C’est sûr. D’ailleurs, j’aperçois Pénélope la jument arrêtée en plein milieu de la carré. Mais pas de Miyaki. Bon. Elle cherche à me faire tomber en me sautant dessus ou quoi? Ou bien elle est tombée. Elle qui avait l’air de tenir fortement à sa petite robe blanche, elle risque d’être déçue.

Je serre les rênes et redresse brusquement les épaules, afin de stopper la course folle de Yami. Allez hop, le petit exécute un magnifique saut au-dessus de je-ne-sais-quoi. J’en déduis qu’il a encore voulu me faire tomber. Salopiaud. Je m’en vais lui apprendre les bonnes manières moi. J’inspire profondément et libère un flot d’ordres droit sur le cerveau à Yami. Eh ben, mon vieux, tu t’attendais pas à ça, hein? Certainement pas. Car le voilà qui se stoppe brutalement certes, mais qui s’arrête. Il me regarde en poussant de grosses respirations à travers ses naseaux. T’es fatigué, mon vieux? Manque de pot, ça ne fait que commencer. Mais bon, t’es plutôt pas mal comme cheval, mine de rien. Ton galop est puissant, tu es robuste et ton dos est bien équilibré et large. Un peu comme les chevaux de trait. Je transmet toutes ces félicitations au cheval, qui, malgré ses apparentes ignorances, doit être heureux de tels compliments. Surtout que je doute que son propriétaire attitré lui en fasse de pareilles.

Je descends de Yami en toute tranquillité. Alors, où est-ce qu’elle est? Je lève la tête, et aperçoit le dessous de la jupe de Miyaki. Baissant brutalement les yeux, gêné, je ne peux m’empêcher de sentir la rougeur naître sur mes joues. Calmant peu à peu mes ardeurs, je garde mon regard sur le sol, m’adresse cependant à Miyaki :

-Auriez-vous l’obligeance de bien vouloir descendre?

Insouciante. Sa robe est tâchée, elle a bien dû tomber. Et pourtant, la voilà déjà en train de sauver un oiseau. C’est amusant. Mais au moins, elle ne s’est pas faite mal, sinon, elle serait encore au sol en ce moment. Je me dirige vers ma monture, et après être remonté en selle, me figurant que Miyaki n’a soit: pas entendu, soit: rechigne à descendre, je lui envoie un second message, haussant légèrement la voix, d’un signe de prévention :

-Je pars devant si vous ne descendez pas.

Finalement, on peut croire que mes flatteries on eut de l’effet, car mon petit coup de talons suffit pour faire avancer Yami. Vous voyez? J’avais dit qu’on allait bien s’entendre. Marchant au pas, je ne tardais pas à partir au petit trot, afin de tester mes allures à l’aide de ma nouvelle monture.

C'est du grand n'importe quoi,
mais ça facilite le transport des idées claires.
En gros, c'est le bordel.

Je dis et je le pense haut et fort, les femmes c’est compliqué. Ça s’énerve pour rien, ça râle quand on préfère dormir plutôt que de regarder la télé, ou bien quand on a pas envie de dire « je t’aime ». À propos, je trouve qu’elles en demandent trop. Moi, je ne dis « je t’aime » que lorsque je sens que ça y est, c’est le moment de le placer. Sinon, que dalle. En fait, vous savez quoi? Je pense que nous aussi, on est compliqué pour les femmes. On est si différents qu’on pense que l’opposé est étrange, bizarroïde, illogique. Mais on peu se poser cette question: Est-ce que c’est moi qui suit l’illogique, dans tout ça? Je pense que c’est trop de réflexion pour un cerveau aussi blasé que le mien. Je en fais pas de philosophie l’après-midi. En fait, je n’en fait que lorsqu’on m’y oblige. Moralité, ça arrive très peu souvent. Bon, beaucoup de blabla pour pas grand-chose. Simplement parce que j’ai entraperçu une vison de petite culotte et ça y est, madame s’affole. Je ne suis pas pédophile, ni même en proie à une quelconque pulsion sexuelle, alors c’est plutôt elle qui devrait se calmer, non mais. Bref, en tout cas voilà ce que l’équidé rapporte à sa maîtresse. Et la voilà qui se met à penser des choses pas clair. Non mais je vous jure. C’est vraiment compliqué une femme :

« Mr. le chat, est-ce vrai que vous m'avez regarder mon sous-vêtement? Ne mentez pas, sinon le verdict de votre punition sera encore plus grand... »

Premièrement, on va faire simple. On arrête de m’appeler M. chat, sinon je jure sur la vie de moi-même que je vais rester sous forme fusionnelle tout le reste du temps qu’il me reste à vivre. Autant dire une bonne centaine d’années en étant sorcier. Moralité, je vais me contenter d’une année pour le moment. Et donc, on arrête de m’appeler « boule de poil », « Rominet », « M. le Chat ». Terminé pour ça, sinon je fais une dépression en plus d’être un vrai chat. Et toc. Plaignez-vous à la SPA.
Secondo, la question mérite d’être plus clair. Je n’ai pas regardé la culotte en question, j’ai été confronté face au fait. Et il n’y aura pas de verdict, étant donné que je n’ai pas de punition à avoir. Une punition, c’est quand on fait quelque chose de mal. Et là, c’est elle qui est en tort. Moi j’ai vu, elle, elle a sous-entendu. Et toc bis. Donc, j’ai quelques petites choses à dire pour ma défense.

-J’ai levé les yeux, simplement.

Eh ouais, ça c’est qu’on appelle une phrase pour se défendre. Des fois les longs discours sont idiots. J’ai largement laissé place à de nombreux sous-entendus qui, tordus dans tous les sens, finissent par me donner raison. C’est tout. De toute façon, elle a l’air de s’en foutre pas mal, sans être vulgaire. La voilà qui m’écoute à peine et se dirige ver l’écurie. Ba alors, la balade est déjà terminée? Je trottine au loin, puis arrive vers la fin de la discussion :

« Oui elle vient pour le dîner de ce soir. Est-ce que le jeune homme avec vous, reste aussi?
- Oui, il reste!
Bien alors, je vais mettre un autre couvert! Monsieur, Mademoiselle.. »

Je salue la dame avec toute l’attention qu’elle mérite, et dirige mon regard interrogateur vers Miyaki. Dan quoi elle m’a fourré celle-là? Y’a qui qui vient ce soir? Et depuis quand je suis censé manger ici? C’était une simple balade à l’origine. Non mais c’est quoi ce délire? Allons, stop aux questions, place à des affirmations. Et pour les connaître, ça ne sort pas de ma tête -rime- alors il va bien falloir les extirper de ceux qui sont gardés au chaud chez Miyaki :

-Depuis quand je mange ici? Qui vient donc ce soir?

Avant même que je n’ai le temps de dire « oups », voilà que Miyaki fait déjà demi-tour, tournant le dos à l’écurie. Hum, je ne sais pas quoi penser, alors je pense à rien. Logique.

« En selle, M. le chat! La balade ne fait que commencer.. »

Merci de le préciser, parce que là, j’ai eu quelques doutes. Enfin, allons-y gaiement. J’espère juste qu’elle va répondre à ma question. Parce qu’elle est vraiment drôlement insouciante comme fille. Y’a pas deux minutes qu’elle s’énervait pour une faute que je n’ai pas commise, et la voilà à me sourire à présent d’un air charmant. Changeante. Vraiment changeante. Et charmante. Dur, au niveau de la prononciation. Petit exercice de diction, vous n’avez qu’à dire charmante et changeante le plus rapidement possible. C’est con comme jeu. Ouah, faut que je fasse des progrès, parce que mon circuit nerveux à l’air sérieusement corrompu là. Enfin bref. C’est pas le sujet du tout là. Je comble simplement le vide qui incendie mon crâne. Ouais, parce que je me demande toujours comment le vent, ça peut faire grossir un incendie. Ça devrait l’éteindre. Bref, mystère de la nature, c’est trop dur. Je suis en forme ce soir niveau rime dis donc.

-Dis donc, ça suffit les appellations foireuses du style « m. le chat ». Je dois en supporter un déjà à l’orphelinat alors bon.

Soi dit en passant, il n’y a bien que lui qui a le droit de m’appeler « boule de poil » ou « le chat ». C’est marqué copyright et donc interdit à la vente ou à la location. Voilà. Bref. Dire qu’on se vouvoie depuis je-ne-sais-combien de temps alors qu’elle emploie déjà des surnoms aussi lassant. Moi et les surnoms, ça n’a jamais été génial. J’ai jamais aimé les surnoms qu’on me donne, encore moins quand ça manque d’originalité. Alors, je boude, voilà. Simplement et purement. Mais bon, ça pour le dire à haute voix, il faut vraiment que je le veuille du plus profondément de mon cœur et de mon être avec un grand E. je me penche vers l’encolure de Yami, et lui demande gentiment s’il peut accélérer le mouvement afin de dépasser la jument et partir au galop. Y’a rien de mieux, et puis, le jeune pourra se défouler un peu et essayer de me faire tomber. Hum, je crois que je suis un peu maso sur les bords. Mais bon ça c’est pas une nouveauté.

Yami acquiesce brutalement et fonce en dépassant la jument du côté droit. Hey, pour un peu tu pourrais faire la pub ©freedent parce que franchement, avec toi, les sourires vainqueurs, ça ne manque pas. C’est presque pas équidéen comme façon de faire. J’ai déjà vu un chien sourire et ça fait peur quand on s’y attend pas. Mais alors, la cheval, c’est une première. Surtout quand le cheval concerné est noir et que sa dentition est jaunâtre bizarre. Ben oui, les dents de cheval c’est pas blanc. Ni celui des humains normalement. Après, c’est normal qu’à force de mettre du tipex dessus, ça finisse par virer au blanc clair. Parce qu’il y a du blanc foncé, et ça s’appelle du gris. Et que ça devient du noir quand on met trop de blanc foncé. Bon, je dérive trop là. Ça a tout cassé l’ambiance sympathique du coin.

Bon alors, les oiseaux gazouillent gaiement, et on a arrêté de galoper. Et la jument n’a pas encore dépassé. Et d’ailleurs, la dame en question qui est actuellement la cavalière n’a pas répondu à mes questions. Ou bien, j’ai rien entendu, trop à fond dans mon délire. Alors, je stoppe mes pensées plus qu’aériennes et stoppe Yami qui n’a pas réussi à me faire tomber, malgré son superbe arrêt doublé d’un relèvement poussé de l’arrière-main. Bien compliqué. En terme général, il a simplement essayé de me faire basculer en avant pour avoir le plaisir de me piétiner les omoplates juste après.

Doonc, je me stoppe et je fixe Miyaki en ajoutant :

-Eh bien, princesse, ces réponses? Soit je suis bouché, soit vous ne les avez pas formulé.

C'est que des mots,
Et pourtant y'a rien qui se passe.

La balade reprend. Je me demande franchement si avant de la terminer, on pourra déjà la commencer… je pousse un soupir lassé de quelques secondes, baissant mes yeux par la même occasion. Si elle m’invite ici, autant qu’on soit tranquille tous les deux. Et puis, nous n’avons pas reparlé du bal, ce qui est, du moins officiellement, la raison de ma venue. Et officiellement, on est aussi censé être en balade. Ah, je vous jure, ces riches, s’ils ne suivent même pas leur emploi du temps, je peux plus rien faire pour eux. Bon, je sais que normalement, je suis comptabilisé dans les riches en question, mais bon là, pour une fois, je m’exclue de ce cercle. Pour une fois, c’est bien le cas de le dire. J’annonce alors moi-même officiellement que j’en ai marre qu’on m’appelle M. le Chat ou n’importe quoi en rapport avec le chat. Bon, je pense qu’on a que ça sur lequel s’appuyer alors je ne lui en voudrais pas si elle me sort un nom comme Félix. Non, pas Félix, parce que c’est aussi un nom humain, même s’il n’est plus vraiment utilisé aujourd’hui. J’ai pas de souvenirs d’avoir des amis du nom de Félix. Et puis, j’ai jamais goûté la pâté pour chat, alors on a pas le droit de m’appeler du même nom que ce chat qui fait de la pub pour des croquettes. Et toc.

« Cheshire alors, j'ai toujours adorée Alice aux Pays des Merveilles.. Dite moi M. Takahata, quel matière enseignez-vous dans cet Orphelinat? »

Cheshire? Mouais. Pas très naturel comme ça, et puis un surnom, c’est censé être plus court, non? Oui, je sais, dans ce cas, ça s’appelle un diminutif, mais en général, on emploie le terme surnom pour lui signaler qu’on va lui trouver un nom plus court. Bon, après je comprends facilement qu’on puisse trouver difficilement un nom plus court que le mien qui se prononce en une syllabe. Ben vous voyez? Dès ma naissance, jusqu’à mon prénom, j’ai toujours détesté les surnoms. J’aurai dû avoir comme forme fusionnelle le… l’ornithorynque tiens. Allez trouvez un surnom avec cette bestiole-là. Elle ressemble tellement à rien. Ouais, mais en fait nan, je préfère le léopard, parce que l’ornithorynque, ça rentre, mais alors pas du tout dans ma perception de l’esthétisme masculin.

Bon, remarque mise à part, c’est que j’ai un peu trop ouvert ma bouche moi. Allons bon, au moins un secret de moins à garder. Hum, ou pas. On va se contenter du minimum vital, on est pas censé savoir que j’enseigne trois disciplines. C’est même rare. Donc, pour toute réponse, certes incomplète, mais véridique, je m’approche davantage de Miyaki pour éviter de hausser la voix -j’ai pas non plus envie de crier quoi-, je lui réponds :

-Je suis professeur de musique et de japonais.

Parce que toute réponse du style « professeur de métamorphose », ça induit un gros sous-entendu, à savoir que tous les fameux occupants de l’orphelinat ont des dons pareils aux miens, et certainement d’autres, qui nécessitent d’autres professeurs. Mais j’ai comme l’impression qu’elle serai encore capable de me faire un boudin du diable parce que j’oublie, j’omets, je barre la mention « métamorphose ». Alors, résigné après quelques secondes d’un combat intérieur intense, je lâche presque en soupir :

-Et de métamorphose.

Sait-on jamais, si un jour la folle envie lui prend de visiter l’orphelinat, au moins elle ne sera pas étonnée de voir débarquer des humains sur des animaux qui n’ont pas leur place en Écosse, ou bien des gens exécuter des vols planés sans aucune difficulté, ou encore des minis Takeji qui te filent entre les pattes alors que tu veux les attraper pour les emmener dans le bureau de la directrice. Enfin, c’est ses élèves, c’est lui qui s’en occupe. Et toc. Pourquoi j’en arrive toujours à parler de lui? C’est mon meilleur ami ok, je le vois tous les jours ok, mais bon que même mes pensées soient indirectement liées à lui, ça c’est pas normal. Pf, il doit m’emmener dans un état de non-retour là à force de m’inculquer des idées plus sordides les unes que les autres. Moralité, je parle plus de Takeji.

Bref, nous disions donc que les choses étant ce qu’elles sont et ne pouvant être autrement. Hrm.

« La duchesse de Bourginville.. Ma tante! Elle vient pour le dîner, pour savoir si depuis l'accident du bal, mon état s'était améliorer.. A présent, il est hors de question que Cheshire s'éclipse lors du repas, est-ce que je me suis fais comprendre.. »

Ouah, regard de la mort qui tue. On se calme, belle dame. J’ai jamais dit que j’allais pas y aller, à ce repas. Je voulais juste ne pas gêner. Mais bon, face à l’obstination exagérée dont la miss fait preuve, je n’ai même plus le droit de dire autre chose qu’un « oui » décisif et sans retour. Alors, on acquiesce doucement et on dit autre chose qu’un oui décisif et sans retour. Hrm bis.

-Eh bien, je ne pensais pas que ma présence vous serai tant indispensable, petite princesse.

Ce qui signifie, en langage beaucoup moins railleur et amusé, que j’accepte volontiers de venir. Oui, faut savoir décrypter la raillerie. Mais étant un expert dans ce domaine, je vous donne une traduction plus appropriée de ce langage. Fin.

C'est lui qui veut pas courir,
moi j'y suis pour rien.

C’est long quand on fait rien. Mais bon là, c’est pas trop long, ça va, puisqu’au moins on discute. Et ça fait passer le temps. La princesse me pose des question. C’est étrange, j’ai comme l’impression que les situations s’échangent brusquement. Il y a quelques minutes, c’était elle qui râlait presque parce que je lui posais quelques petites questions. Et maintenant je dois répondre à toutes ses interrogations sans répliquer. Voilà pourquoi je dis que les femmes sont compliqués.

« De quel instrument jouez-vous? Ou peut être chantez-vous? »

Ah, ah ~. Nan, bon d’accord, je ne fais pas durer le suspense. De toute façon, vous la connaissez déjà la réponse.

-Je chante aussi, mais sinon j’ai quelques années derrière moi de piano, de guitare et de clarinette.

Les quelques années en question, ça signifie toute mon enfance. Mouais, autant dire que j’ai un peu d’expérience. Beaucoup. Bref, c’est pas le sujet. Ah ben si, en fait on est pile dedans. Hrm. Je vais consulter, je vous jure. Quoiqu’il en soit, je vois que la demoiselle me dépasse de nouveau, et s’apprête à entamer un grand galop. D’ailleurs, j’ai la furieuse impression que toutes les bestioles de Miyaki sont animés par la magie. Non, mais depuis quand les chevaux ça vole presque? Ah non, ça c’est dans la mythologie grecque, ou bien c’est du copyright barbie, mais bon, dans la réalité, non non non. Je refuse d’y croire. Et pourtant ça s’offre à mes yeux comme un livre ouvert. Bon…

« Cheshire attrapez moi donc si vous le pouvez.. Ou est-ce qu'Alice court plus vite qu'un chat! Na~ »

Euh. J’avoue, je pige pas trop son délire mental. Mais bon, si elle veut, je peux l’appeler Alice. Mais bon Cheshire. Voilà quoi Cheshire. On est pas dans Alice aux Pays des Merveilles. Quoique là, c’est tellement incohérent ce qu’il se passe qu’on pourrait s’y croire sans y être. Et crotte. Vous voulez que je vous prouve qu’on est pas dans ce bouquin adapté en film? Ben Alice aime pas d’amour le Cheshire. Elle l’aime pas du tout en fait. Son sourire ma toujours fait peur. Or, deuxième raison, je ne souris pas tout le temps, et je ne fais pas peur quand je souris. Sauf quand y’a une attitude machiavélique derrière. Mais! Ce n’est pas le cas actuellement donc c’est faux.

N’empêche que… plongé dans mes réflexions, la jeune fille est bien loin à présent. Je soupire. C’est dégagé, mais pourtant je n’ai pas la moindre envie de me transformer. Ben oui, pour rivaliser avec un cheval pareil, il faut que je me transforme. Dans ce cas, bonjour la fierté entaché de la jument. J’ai pas de forme de guépard, alors se faire dépasser par un léopard quand on est un cheval aussi rapide, c’est un peu énervant. Bon, d’accord, il faut dire que le léopard en question n’est pas non plus tout à fait normal. D’ailleurs, quand j’y pense, Miyaki n’a toujours pas vu ma forme fusionnelle. Elle doit penser que l’ocelot est ma forme et ma seule forme. Ou bien elle a des doutes. Bref, j’ai toujours rien fait. Alors, on va avancer. Alors on trotte, et puis on galope. Bon, c’est bien beau de faire la course, mais le principe, c’est de commencer sur un pied d’égalité. Donc si elle est plus là, y’a plus de course. Mouahaha. Je sèche en douce. Sauf si elle arrive à fond la caisse. Ce qui risque d’arriver si je me bouge pas un peu. Bon, je bouge. Je galope. C’est déjà bien. Et puis, la bestiole sur laquelle je suis est plutôt réceptive tant que ça va pas trop vite. Alors, je prononce haut et fort ces paroles :

-Chère Alice, j’ai comme qui dirai la furieuse envie d’éviter le sol aujourd’hui, donc si vous vouliez bien me faire le plaisir de revenir sous peu.

…Ça serait sympa. Même mieux que sympa : génial.

La balade à cheval,
s'est plutôt fini rapidement.

« Une clarinette, c'est pas ce machin long qui sort un bruit étrange.. »

Je pousse un rire tonitruant. Eh bien, la bourgeoisie est renseignée à ce que je vois. Si un de mes élèves me sort ça un jour, je doute que je le prendrais aussi bien. Oui, j’affectionne beaucoup la clarinette. C’est un instrument facile à emporter, avec un son très doux et très mélodieux quand on sait s’en servir, et il se fond dans la masse en orchestre, ou bien au contraire, prend de l’ampleur en soliste. C’est vraiment un bel instrument. Mais ça à ses défauts. Au-delà d’un certain seuil, si on ne sait pas s’en servir, ça devient criard, et là, c’est vraiment plus gérable. Et puis, l’embouchure est assez complexe à maîtriser. Mais bon, à part ça, c’est vraiment sublime. Donc, c’est sans prendre la mouche que je lui explique tranquillement en quoi consiste cet instrument, en introduisant majestueusement le hautbois :

-Une clarinette, c’est un instrument à vent qui ressemble au hautbois, mais qui descend bien plus bas, et qui a un son moins criard, sauf dans l’aigu. Et si vous ne savez pas non plus ce qu’est un hautbois, eh bien, c’est noir, long et ça a des clés un peu partout, avec des doigtés assez étranges et une embouchure à anches double. J’ai essayé d’en jouer, mais c’est franchement difficile.

Et donc voilà, c’est très beau la clarinette.

« Oooh *o* Nous devrions faire un duo, un jour si cela vous tente bien sur. Cependant moi je joue des instruments bien différents des autres : Le piano, le violon.. »

J’aurai aimé pouvoir lui dire oui. Mais malheureusement, au fur et à mesure que le temps avance, j’ai l’impression de voir ma vie défiler trop rapidement. Chaque mission à Londres signe un potentiel arrêt de mort. Hum, je devrais peut-être penser à faire vérifier mon testament. Bon, c’est un peu jeune, mais au moins ma mère aura au moins le mérite de pouvoir enfin se chercher un nouvel héritier. Parce que là, hors de question que je poursuive son métier. Bon, ça c’est autre chose, et quand je commence dessus, je ne m’arrête plus. Donc, on va stopper ici mes pensées internes. En attendant, voici ce que je réponds :

-Pourquoi pas, un jour peut-être. Mais je suis assez occupé en ce moment, alors nous devrons remettre ça à dans plusieurs semaines, voir mois.

Qu’elle ne croit pas que je ne souhaites pas la revoir. Bien au contraire. Si ça peut lui faire plaisir. Mais bon, pour le moment c’est un peu chaud, si vous voyez ce que je veux dire. Donc, je préfère éviter de faux espoirs et me résigner à ce qu’il risque de se passer. J’inspire profondément, tandis que la jeune femme s’égare et part au loin. Un petite phrase pour la ramener à l’ordre, mais non, décidément, je ne la vois pas. Je sens furtivement que quelque chose se pose doucement sur ma selle, mais avant que cela ne percute dangereusement mon cerveau, je sens comme un souffle chaud sur tout mon corps lorsque Miyaki apparaît brusquement derrière moi, en me soufflant ces mots à l’oreille :

« Vous n'êtes vraiment pas drôle.. Je suppose que e'est ça être professeur.. On ne rit pas, on ne s'amuse pas.. Ben je ne veux pas en devenir un. »

Ce n’est pas ça être professeur. Pas seulement, pas en totalité, en tout cas. Mais certainement un peu. C’est vrai que je suis trop strict par moment, mais bon, ça c’est normal, sinon on arrive pas à se faire respecter des élèves. Mais je ne pense pas que ça a influencé ma vie privée. Alors, que ça lui plaise ou non, c’est pareil. D’ailleurs, j’ai eu une de ces frousses moi. Mais bon, maintenant que c’est passé, tout va bien. Je cherche un peu les mains de Miyaki, mais lorsque je les sent, je les saisis et les ramène sur mon ventre, les encadrant de mes longs doigts fins. Repoussant légèrement ma tête en arrière, je fixe longuement les yeux couleur noisette de Miyaki, à quelques centimètres de son visage, puis répond lentement :

-Mais moi, je préfère ça à ma vie antérieure. La vie de Prince n’est pas pour moi non plus.

J’attends un long moment comme ça, sans bouger. Puis, finalement, certainement lassé de ce silence, je détourne mes yeux et descend du cheval noir. Une fois à terre, je tends ma main vers Miyaki pour lui proposer de descendre à son tour :

-Je pense que votre cheval est exténué. Une petite balade à pied, sinon, ça vous tente? Ou bien, vous préfèrerez peut-être que nous rentrions?

C'est le temps des cerises,
et des fleurs par milliers.

Ah, ha, c’est trop marrant de la voir rougir comme ça. Bon, c’est vrai que j’en fais un peu exprès. Voir beaucoup en fait. Mais bon, ça m’amuse plus qu’autre chose. Je sais, c’est pas bien, et je devrai être immolé par les flammes de l’enfer à l’instant même. En attendant, je trouve ça trop chou que la princesse tombe amoureuse de moi. D’un côté, c’est assez gênant. D’un autre, c’est mignon. Le seul problème, c’est que les sentiments, tout du moins pour l’instant ne sont pas réciproques. Okey, elle est sympa, timide, changeante, de bonne humeur, maladroite et j’en passe, mais alors là je sais pas, y’a quelque chose qui manque pour que je me dise « voilà, c’est celle-là qu’il me faut ». Sans doute parce que je suis déjà en couple. Encore, pendant le bal, j’ai pu sentir quelque chose, mais là, non décidément c’est vide d’expression. Je l’aime beaucoup, ça oui, mais ça ne s’arrête pas plus loin qu’une forte amitié. Et en attendant, à défaut d’être un dandy du siècle passé, je préfère être railleur avec elle. En fait, comme je le suis d’habitude.

« La balade à pied... »

Eh bien soit, nous la ferons cette balade. À pied, ça ne me gêne pas. De toute façon, cette balade en cheval ne mérite même pas cette appellation. C’était plutôt une course pas naturelle. Et je n’utilise pas le terme « magique » pour une bonne raison, c’est qu’elle possède un double sens. Comme lorsqu’on dit « cette soirée était magique ». Eh bien, non, là c’est juste à prendre au premier degré. Rien de plus. Quoiqu’il en soit, Miyaki saisit ma main et, au moment de descendre, s’écroule brutalement sur moi. Ouille. On va pas dire que ça fait du bien. Ça fait même à vrai dire assez mal. Et Miyaki qui rougit de plus belle, contrastant bien avec sa robe courte blanche, enfin grise à présent. Elle se relève rapidement, presque brutalement, et dit :

« Excusez-moi.. »

Je souris un peu, met ma main derrière mon crâne pour vérifier que tout est intact. Puis, j’ébouriffe un peu mes cheveux, pour ensuite les remettre en ordre, et me relève à mon tour. Décidément, c’est vraiment du n’importe quoi, cette balade. Je soupire un peu, parce que voilà quoi, Ren qui soupire pas, c’est plus Ren. Alors voilà. Je passe ma main sur mon pantalon pour enlever le surplus de poussière. Ah la la, qu’est-ce que je vais faire si mon beau pantalon est tout sale? Et puis on est jeudi quoi. Vous vous demandez ce que ça vient faire ici? Ben, mes pantalons, je les gardent en moyenne trois à quatre jours. Or, le jeudi matin est la journée pendant laquelle je change de pantalon. Et s’il est sale, je ne l’aurai utilisé que pendant une journée. Misère. Enfin, c’est qu’un objet. Donc c’est pas la mort non plus. Bon, j’ai une idée de malade moi. Et puis, ça serai l’opportunité pour Miyaki de découvrir mes différentes formes.

Je lui demande d’attendre un instant, puis courre déposer mes affaires dans un coin tranquille, à l’abri de la poussière, de l’humidité et du vent. Autant dire que, croisant au hasard la mère de Miyaki, je lui demande aimablement un endroit où je peux me reposer quelques minutes, et où personne ne viendra me déranger. Bon, ce n’est évidemment qu’un alibi pourri pour pouvoir déposer mes affaires sans éveiller des soupçons dans la famille. La mère paraît légèrement surprise que je ne sois pas accompagné de Miyaki, mais n’insiste pas plus, et envoie le valet me diriger vers une chambre d’ami certainement. Je le remercie, et lui me boude toujours.

Rapidement, j’ôte tout mes vêtements, et me change aussitôt en busard. Parce que je n’ai pas spécialement envie de tenter l’expérience d’un saut d’un étage en léopard des neiges. Vous aurez compris pourquoi, en tout êtres censés que vous êtes. Bref, quoiqu’il en soit, je m’élance du haut de la fenêtre, et atterri au pied des écuries, vérifiant que je ne suis pas suivi, et que personne ne m’ai vu. Bon, pour le coup, je n’ai pas pris ms bandes, donc j’aimerai à l’occasion éviter d’avoir à redevenir humain sans être à proximité de mes affaires. Je trottine le long des boxes, au plus grand désaccord des chevaux présents. Enfin, j’aperçois Miyaki. Je sais pas si elle va comprendre directement, mais bon au moins on va essayer :

-Je préfère laisser mes affaires à l’intérieur, pour éviter de les salir. Et pour ton information, c’est encore Ren.

Bon, c’est vrai que déjà, un léopard des neiges, on en croise pas un à chaque coin de rue en France, ou sinon dans les zoos. Mais si en plus de ça, il a la capacité de pouvoir parler, ce qui est encore plus rare pour un métamorphe, ça peut en déstabiliser plus d’un. Alors, en attendant, je préfère avancer, et voir sa réaction plus tard. Je trottine lentement, mais sûrement, en direction de notre ancien itinéraire. Bon, alors faut réagir Miyaki. Si t’es amoureuse d’un mec, faut aussi savoir qu’il a des capacités plutôt étonnantes.

On marche, on marche,
mais pour aller où ?

Miyaki m’observe. M’observe si longuement que je me demande si elle a compris qui je suis vraiment. Enfin, vous me direz, si elle me prend pour je-ne-sais-pas-trop-quoi, elle aurait déjà fui depuis longtemps. Premièrement parce que je suis plus large qu’un léopard adulte normalement constitué. Et deuxièmement, parce qu’en marchant à quatre pattes, j’ai tout de même des attitudes bien humaines. Comme par exemple, rester rivé les yeux sur mes pieds au lieu de regarder autour de moi, jusqu’à ce que je sois arrêté, pour ensuite relever les yeux et fixer Miyaki. Bref, tout ça pour dire que la jeune femme ne tarde pas à prononcer ces mots :

« Merci pour l'information mais je le savais déjà.. On retrouve les Onces plus appelé les léopards des neiges, dans les montagnes isolés de l'Asie centrale. Donc c'était impossible que ça soit un vrai, alors j'ai su de suite que c'était vous.. »

Eh ben, si elle connaissait aussi bien la musique que les animaux, elle pourrait étudier l’histoire de la musique, qui est, ma fois, la chose la plus chiante que j’ai jamais faite, sans vouloir paraître familier et vulgaire. Je fais les gros yeux, parce que mine à rien, j’ai beau être métamorphe léopard, je ne m’intéresse pas de près à cette race. D’autant plus que je suis un métamorphe hybride, qui ne possède pas cinq métamorphoses de la même race. Donc, pour ne pas faire de jaloux -c’est assez étrange de dire ça quand on est la même personne sous des apparences qui divergent- je ne me pose pas de questions sur ces bestioles-là.

-Oh, mais excusez-moi, je ne pensais pas avoir affaire à une érudit.

Je prononce ces mots avec une attitude légèrement railleuse et moqueuse. Cependant, j’ajoute un sourire animal pour lui faire comprendre que ce n’est rien de plus qu’une remarque gentille et amusante. Enfin, après, chacun sa façon de prendre ces mots. Je ne suis pas toujours méticuleux sur ma façon de parler, et même si j’ai beau rabâcher, il faut qu’elle s’attende à tout avec moi.

La voilà qui me caresse. Et elle sourit. Eh ben. Voilà quoi. J’ai beau être un chat à l’instant présent, je suis un humain en temps normal. Donc je ronronne pas. Pour y arriver, il faut mais alors, faire preuve d’une patience pire qu’extrême et espérer sans trop m’y faire songer. Autant dire que la réussite est assez mitigée. J’inspire profondément et suis Miyaki qui s’est brusquement redressée, et m’invite déjà la suivre, avec sa petit voix si mignonne :

« Suivez-moi, je vous prie... »

Acquiesçant silencieusement de la tête, je relève doucement mon arrière-train et marche lentement aux côtés de Miyaki, balançant ma queue à un rythme assez régulier. Elle avance, et marche jusqu’à un petit bois, où elle ne prend même pas le temps de s’arrêter, et commence à s’engouffrer. Bon, moi et les bois, on se connaît, et les animaux, c’est pas ce qui manque. Alors, je suis la grande dame. Ouais, maintenant je suis plus petit qu’elle, ça me fait un peu bizarre. Par contre, je suis pas sûr qu’en me levant sur mes deux pattes, ce soit la même chose. J’ai pas envie d’essayer quand même, parce que mine de rien, si le léopard marche, courre à quatre pattes, c’est sans doute pour un raison d’équilibre. Donc, je ne tente pas le diable et poursuit mon chemin. J’entends que la petite grande -appelons-là comme ça pour le moment- couine un peu. À savoir un mini cri. Et elle courre se réfugier derrière moi. Ben quoi, y’a une souris dans les parages? T’es télépathe, tu devrais bien pouvoir faire quelque chose. C’est pas possible d’avoir peur de petites bestioles qui n’ont rien demandé à personne pour naître comme ça. Et puis, si ça se trouve, elles se plaisent très bien en souris. Hé hé qui est allé voir pour me démontrer le contraire? Moi je veux des preuves. Sans ça, rien du tout. Quoiqu’il en soit, je suis le doigt de Miyaki et aperçoit une tout autre sorte de souris. Ouais, en fait, c’est carrément pas un mammifère, ce truc là. C’est un serpent. Ah! Mais tu fais fausse route Miyaki là. Moi, je suis télépathe avec les animaux. Les animaux, ça inclus mammifère, mais pas reptiles et insectes. Donc quand je suis face à l’inconnu, je cherche pas à découvrir c’est quoi, je le tue. Bon, ça c’est uniquement quand je suis face à un truc petit qui fait pas de mal. Parce que face à un humain, je sais pas trop.

Quoiqu’il en soit, pour le coup, je ne veux pas me fatiguer, alors j’avale ma salive, et émet un formidable rugissement pour faire fuir le serpent qui n’a rien demandé. Bon, j’espère qu’avec ça, la princesse n’aura pas de problème en rentrant. C’est vrai quoi, des serpents dans une forêt, passe encore, mais un lion ou un félin quelconque, c’est déjà un peu plus improbable. Enfin. Déjà qu’un cheval de l’enfer et du paradis c’est limite alors voilà quoi. Je me retourne face à Miyaki et poursuit :

-Si vous avez peur d’un serpent, mais pas de moi, vous fonctionnez franchement à l’envers.

Après, c’est vrai que le serpent, elle ne le connaît pas, et que moi elle me connaît mais tout de même. On ne sait jamais. Le jour où je serai très énervé ou bien fatigué, je ne maîtriserai plus ma forme fusionnelle, et alors là, je serai totalement hors de contrôle, comme un chat sauvage. Déjà qu’un chat sauvage, je ne vous conseille pas d’être en face de lui, alors un léopard des neiges, je n’imagine même pas. Personnellement, j’ai déjà tenté le coup de l’épuisement total sous ma forme fusionnelle, et ça n’a rien fait d’autre que de m’endormir en revenant à ma forme humaine. En fait, si ça se trouve, ce ne sont rien que des rumeurs que les métamorphes se donnent entre eux, mais je veux bien croire que sous l’effet de la colère, nous pouvons être hors de contrôle. C’est pas le sujet. Mes traits se durcissent légèrement, et j’ose alors enfin tenter une approche de ce qu’il s’est passé au bal :

-Miyaki… Vous êtes malade, n’est-ce pas?

Je sais très bien ce que ça peut provoquer chez quelque un quand on remue les plaies, mais j’ai besoin de savoir. Qu’elle se confie à moi, si elle m’aime vraiment. Je baisse un peu les yeux pour lui permettre de répondre tout en sachant qu’elle n’y est pas obligée. Je poursuis le chemin qu’elle prenait, l’invitant par la suite à continuer son itinéraire. D’ailleurs, on va où comme ça?

-Où m’emmenez-vous?

C'est un sujet délicat,
mais je dois l'aborder.

« Pas érudit.. Seulement les animaux sont une passion sur moi.. Alors c'est mon devoir de les connaître pour mieux communiquer avec eux.. »

Son devoir? C’est un grand mot. Moi, je communique avec les animaux, je vis avec certains d’entre eux, je me lie d’amitié avec ces petites boules de poils, mais je ne me suis jamais intéressé de vraiment près à leur situation. Ça semble pourtant leur convenir, et la pâté pour chat leur suffit amplement. Je sais que les écureuils, ça mange des noisettes, mais si je lui donne tout le temps des noisettes, le pauvre va devenir fou. Ou bien peut-être l’est-il déjà? Mais là n’est pas la question. Je crois que le mot le plus important n’est pas « le devoir », mais bien « la passion » pour quelque chose. Les animaux ne sont pas ma passion, mais la musique si. Ce qui explique que je m’y connaisse si bien dans ce sujet. Ce n’est pas un devoir, c’est avant tout une affinité qu’on lie avec un thème qui nous affectionne particulièrement. Même s’il est inanimé comme les livres. Vous pourrez sortir à Victor Hugo tout les livres, à Einstein toutes les formules mathématiques, mais si vous leur demandez subitement ce qu’est une adventis, ou bien le régime alimentaire d’un ornithorynque, je pense qu’ils douteraient un peu plus. Voilà le terme même qui désigne un vrai érudit. Celui qui sait tout. Mais c’est bien sûr impossible.

Miyaki, suite à mon rugissement certes un peu exagéré, entoura ses bras autour de mon cou et m’embrassa sur la tête. Il faut dire que j’y suis habitué. Il y a des enfants qui s’amusent à me monter sur le dos en cours de métamorphose pour pouvoir me faire un câlin. Je vais finir par croire que mon pelage a un réel attrait naturel. Bon, après, si ce n’était que l’habitude de Takeji de me sauter dessus en criant « boule de poil ! », je pense que j’aurai pu croire que ce n’était pas habituel pour quelque un d’autre que lui de me sauter dessus. Parce que lui, peu importe sous quelle forme je suis, il saute sur moi en criant « Boule de poil ! ». Donc voilà pour ma vie.

« Dans la norme, les filles ont peur des insectes et reptiles.. Puis je ne vois pas pourquoi je devrais avoir peur de vous.. Vous êtes gentil, gentleman, doux, protecteur.. On ne peut pas avoir peur d'une personne comme ça.. A croire que votre père se trompe jamais sur vous, en disant que vous êtes adorable et que je vais vous adorez.. »

Eh ben, c’est que mon père, même s’il ne m’a pas vu depuis des lustres, me pense aussi gentil. C’est l’attitude d’un père, mais tout de même, un gros concentré de compliment pour quelqu’un que l’on ne voit pas souvent, pour ainsi dire jamais dans mon cas. C’est un peu comme lorsqu’on rencontre la femme de sa vie pour la première fois. On la flatte, on lui dit qu’elle est belle, jolie, gentille, tout ce qu’une femme souhaite qu’on lui dise. Et puis, enfin, quand on est marié depuis dix ans déjà, on la dit laide, mauvaise et méchante. C’est comme si, brusquement, on voyait ses défauts apparaîtrent. Si c’est elle qui parle de mes soi-disant qualités, c’est qu’elle ne m’a pas encore vu dans mes pires journées. Mais je n’ai pas envie non plus de la dégoûter de moi. Donc ce ne sera certainement pas pour tout de suite. Loin de là. Et puis, si j’ai de bon amis avec moi, c’est que forcément je suis tout de même fréquentable.

La situation de Miyaki me revient alors en tête et, suite à ma question un peu brutale et surtout très surprenante, la jeune femme ne put s’empêcher de se stopper net. J’ai touché un peu fort un point sensible donc c’est un peu comme lorsqu’on court, on s’arrête subitement à cause d’un point de côté. Mais elle m’inquiète, alors, quitte à lui en parler, je préfère éviter de passer par des détours qui pourraient la faire souffrir encore davantage.

« Hélas oui.. Mais ni les traitements, ni le vaccin y feront quelques choses.. Ma santé est critique.. On a voulu me préserver de la mort, avec le vaccin.. Mais une fois injecté en moi, mon corps à mal réagit et la rejeter.. Les symptômes suite au vaccin ont été très inquiétant que j'ai du aller à l'hôpital pendant une semaine.. I-Ils m'ont dis qu'il préférait me laisser vivre les derniers instants de ma vie sans que je ne souffre d'avantage.. Ils sont persuader qu'à un moment ou l'autre, mon corps ne supporta plus la maladie et me fera sombrer.. »

Et elle tombe soudainement sur le sol, les mains sur ses yeux, sanglotant mille et une larmes. Je n’aurai vraiment pas du enclencher cette discussion. Mais au moins, maintenant, de nombreuses choses s’éclairent. Un vaccin? De quel genre de maladie est-elle atteinte? Je n’ai plus envie de lui poser de questions, de peur de la faire souffrir encore plus. Et pourtant, au fur et à mesure que les secondes avancent et que je ne réagis pas, mon esprit s’embrume de questions. Combien de temps lui reste-t-il à vivre? N’y a-t-il vraiment aucun moyen de passer outre la maladie? Autant de questions qui risque de massacrer encore plus la femme en face de moi. Je m’approche doucement, mesurant à chaque pas avec une infinie douceur.

« N'ay-ayez pas pitié de moi.. Je vous en supplie.. »


Pitié? Ce mot résonne comme s’il s’agissait de la pire des choses à faire. Je n’ai pas l’impression d’avoir pitié d’elle, mais si j’ai justement ce regard attendrissant, ce mal qui perturbe mon cœur et le serre dans d’infinis souffrances, n’est-ce pas cette pitié dont la princesse parle? Je ne veux pas le lui dire, mais en même temps, je ne supporte pas de lui mentir. Alors, une fois à portée d’elle, je me place à sa droite et murmure, le regard vers le haut, à observer les arbres couvrirent le ciel :

-Comment ne le pourrais-je pas? Vous êtes dans une telle situation. Je suis désolé d’avoir engagé le sujet, mais je vous remercie cependant de m’avoir répondu. Ne pleurez plus, s’il vous plait. Tout le monde a peur de la mort. Moi-même, chaque jour, je fais face à elle. Personne n’est à l’abri de la mort, pas même ceux qui viennent de naître.

Et j’ai conscience de ce que je dis. Moi encore plus que l’enfant qui vient de naître, la mère qui travaille dans une agence de voyage, l’homme qui est agriculteur, je suis face à la mort. Toujours, pendant mes missions, je suis face à cette mort qui attaque lentement quiconque décide de naître. Je ne sais plus comment réagir. Si j’étais humain, je l’aurai bien prise dans mes bras, mais je n’ai actuellement pas la possibilité de le faire, pour des raisons d’hygiènes. Alors, je me rapproche encore de Miyaki, et pose ma tête sur ses genoux.

-Moi aussi, mine de rien, je suis un animal. Alors si vous voulez parler de vos malheurs, je suis toujours disponible.

Ne pleure pas petite princesse,
et ouvre les portes dorées.

La princesse passe ses bras autour de mon cou. Elle n'arrive pas à s'arrêter de pleurer. Une bouffée de culpabilité m'envahit brutalement. Je savais bien que je n'aurai pas dû entamer le sujet. Avant même d'y réfléchir, je sentais que cette discussion était raillée de ma liste de sujet. Et je l'ai quand même entouré. Quelle idiot. Quel sombre idiot. Me voilà dans de beaux draps. Maintenant je dois la réconforter, et avec ma forme de léopard, ce n'est pas facile. C'est Takeji qui va être jaloux. Lui qui me demande sans cesse des câlins, cette fois c'est moi qui va le faire spontanément. Mais pas pour le moment. Il faut d'abord que je trouve un moyen de récupérer mes habits sans bouger. Vive la téléportation. Mais je l'ai renié depuis bien longtemps, alors pas question de songer à mettre un pied dedans. Je me ferai vanner par mon ami jusqu'à la fin de mes jours. Et je n'ai vraiment pas envie de terminer comme ça. Alors, je continue à écouter Miyaki, sans bouger, sans parler, pratiquement sans respirer.

« Je veux pas mourir.. Je veux pas mourir, Onii-san! J'ai tant de choses à découvrir, tant de sentiments à ressentir, tant de choses à voir.. Je ne veux pas mourir avant les avoir vécues.. Je ne veux pas! Pourtant j'ai l'impression que même si je me bat contre elle, cela ne sert à rien car elle vaincra quand même.. Que dois-je faire Ren? »

Que dois-je répondre? Que ce n'est rien, qu'elle va continuer à vivre comme de rien n'était? Je n'ai pas pour habitude de mentir, surtout pour quelque chose dans ce genre qui hausse le taux d'importance au maximum. Alors, je ferme les yeux. Que dois-je faire? Enfoncer le couteau dans la plaie pour me permettre d'en savoir davantage, ou stopper la torture, quitte à ignorer toute sortes de choses? Je ne sais pas. Et c'est la première fois que je n'ai absolument pas envie de faire un faux pas. Miyaki...

-Je ne te permettrai pas de mourir. Tu t'en sortiras. Il n'y a rien à faire. Tu dois te battre. Continuer à vivre. Je dois te parler de quelque chose. Mais jure-moi que tu ne diras rien. Cela pourra te sortir de ton état, j'en suis certain.

C'est dangereux, j'en ai conscience. Elle n'a pas l'air au courant de l'existence des sorciers noirs, d'Orphéo et même que des centaines d'autres personnes à part elle et sa famille sont dotés de pouvoirs. Il faut que j'aille lui faire voir un guérisseur. Rapidement. La perdre... je n'ose même pas y penser. Sérieusement. J'oublie totalement de la vouvoyer, j'en ai marre de la voir comme ça. Abattue. C'est le mot. Alors, je poursuis sans attendre sa réponse et isole notre éloignement en continuant mon tutoiement.

-Il y a d'autres personnes à part nous qui sommes dotés de pouvoirs. Et certains sont des experts en guérison. Ils pourront faire quelque chose pour toi. J'en suis certain.

C'est davantage une espérance qu'une certitude. Mais je ne me laisserai pas abattre. Pour rien au monde que la protection de cette personne en face de moi. Et avant que certains d'entre vous ne s'exclame avec de grands cris « Il est amoureux, il est amoureux! », je vous prierai d'aller voir autre part et de venir me revoir d'ici quelques centaines d'années. D'ici là, je serai mort et vous aussi. Moralité, gardez vos commentaires pour vous. Même que.

Bon, je pense que je ne vais pas la laisser comme ça. Alors, pour appuyer mes propos, je me détache de son emprise, et dit :

-Alors, ne pleurez plus, petite princesse. Vous avez peut-être trouvé votre Prince Charmant.

J'ajoute une moue amusée, afin de lui faire reprendre goût à la balade. C'était le sujet avant ce petit changement. Finalement, j'ai préféré éviter la torture. Peut-être que je deviens trop sensible et gentil.